Vous êtes sur la page 1sur 91

Gius Gargiulo

MDC HDR UFRCours Comete


LCE Labo 2019
MoDyCo UMR 7114/CNRS

Texte

Analyse du Storytelling
de la marque 3VLL6CMI
Image de l’entreprise VLLI6CMI
LEA L3 COMMUNICATION
!

2018-2019
Brochure pour les étudiants LEA L3 année académique 2017-2018

! 2!
L es mythes, les légendes et les symboles peuvent être au service d’une religion,
d’une idéologie, d’une philosophie ou d’un modèle social, d’une marque d’une
entreprise ou de cohésion d’une communauté. La quête de fiction à travers le
storytelling qu’on distingue aujourd’hui dans les médias (littérature, presse, télé,
cinéma, vie politique, marketing de la marque on line et off line) stigmatise, dans un
monde de plus en plus virtuel et de plus en plus plongé dans les nouvelles
technologies, ce besoin de construire des relations humaines sur des modèles
capables de véhiculer des valeurs. Dans les grandes entreprises aussi, les
proclamations que l’on présentait en cinq transparents pendant les séminaires cèdent
la place à une mise en scène narrative des projets. On abandonne les formules toutes
faites du type : une entreprise au service du client…qui favorise l’innovation…la
passion…encourage l’esprit d’équipe…et récompense le leadership. Les experts de
relations humaines, au sein de l’entreprise, conseillent plutôt de recourir à la
narration d’histoires qui incarnent les valeurs de l’entreprise et qui donnent un sens
au travail du salarié, comme le faisaient d’une certaine manière les prêcheurs du
Moyen Age avec les exempla (récits racontés véhiculant une morale) qui exaltaient
les valeurs du Paradis chrétien afin d’aider les fidèles à supporter les difficultés de
leur vie âpre, privée de confort matériel. Le récit, c’est en quelque sorte la langue
maternelle de l’être humain. Le processus qui consiste à pousser les collaborateurs
vers l’innovation passe à la fois par des éléments rationnels et par l’émotionnel. Et
d’abord par contagion, comme à l’école quand on se passionnait pour un sujet que le
professeur transmettait avec son enthousiasme et ses atouts narratifs. Bref, la
narration n’est pas seulement liée à la fiction mais à la capacité de représenter
l’existant même dans le discours au quotidien. Steve Jobs, le co-fondateur d’Apple
Computers (Mac) motivait ses équipes en racontant des histoires proches de la
Guerre des étoiles, des récits apparentés à la lutte du Bien, incarné par Apple, contre
le mal, symbolisé par IBM. « Si l’on ne réussit pas- prédisait Steve Jobs- IBM sera le
maître du monde. Si nous ne réussissons pas à être plus concurrentiels avec des
produits plus performants que les leurs, alors ils prendront tout…Ils auront les plus
grand monopole de tous les temps…Nous sommes les seuls à pouvoir arrêter IBM »
(LEVY, Steven. 1994. Insanely Great: the Life and Times of Macintosh, London,
Penguin). Steve Jobs s’est peut-être trompé de cible, négligeant Microsoft de Bill
Gates, son véritable deutéragoniste pour l’application de windows, mais sa méthode

! 3!
de management « narratif » a réussi pendant un certain temps à susciter l’imagination
et l’innovation dans l’entreprise, à faire rêver en construisant des « mondes
possibles » à l’aide des modalités de communication passionnelle. D’ailleurs, la
conception des interfaces conviviales à l’aide de fenêtres de dialogue et d’icônes dans
le mondes virtuels des ordinateurs Mac, copiée ensuite par IBM Microsoft, relève des
théories d’Aristote sur l’action ou l’interaction homme – homme, comme mise en
scène et donc narration dramatisée, appliquée par la suite au rapport de
communication interactive homme-machine (LAUREL,! Brenda,Computers* as*
Theatre,!NewYork,!Addison8Wesley!Publishing!Company.!
1993: 35-59 et Ryan, Marie-Laure (ed.) (2004) Narrative Across Media: The
Languages of Storytelling, Lincoln: U of Nebraska P.). « Il était une fois... » Il n'a pas
échappé aux publicitaires que les hommes aiment les histoires. Plutôt que de vanter
les qualités d'un produit, d'une région ou d'une personne, il est désormais d'usage de
raconter son histoire, celle de ses créateurs ou de ses employés. Mais n'est pas
conteur qui veut. La narration est un art qui obéit à des règles et s'inspire de modèles
éternels. Le storytelling emprunte aux contes de fées, fables et mythes fondateurs une
structure narrative qui repose sur le manichéisme. L'ennemi est la pierre angulaire
d'un bon récit. Sans ennemi, pas de lutte ; sans lutte, pas de héros. Un storytelling
efficace est un récit qui fabrique un ennemi et qui identifie les armes pour le
combattre.!

1) Définir le storytelling

Selon Roland Barthes, critique et sémiologue français »sous ses formes presque
infinies, le récit est présent dans tous les temps, dans tous les lieu, dans toutes les
sociétés, le récit commence avec l’histoire même de l’humanité, il n’y a pas, il n’y a
jamais eu nulle part aucun peuple sans récit ; toutes les classes, tous les groupes
humains ont leurs récits, et bien souvent ces récits sont goutés en commun, par des
hommes de culture différente, voire opposée : le récit se moque de la bonne et de la
mauvaise littérature : international, transhistorique, transculturel, le récit est là,
comme la vie » (Barthes, Roland, « Introduction à l’analyse structurale des récits »,
Communications, n.8, 1966 : 4). Cette citation illustre parfaitement l’importance du
récit dans la vie des hommes. Le récit est en effet universel et intemporel. À l’origine,
les récits ont permis de raconter le monde, de l’expliquer, sous la forme des mythes,
de légendes, de croyances, etc. D’autres formes de récits sont ensuite apparues : la
littérature, l’opéra, le cinéma, le reportage journalistique, etc. Bref, depuis toujours,
le récit participe à la transmission au sein des communautés humaines des interdits,
des valeurs, de l’identité, de la mémoire, de l’histoire. Aux États Unis, l’art de
raconter des histoires est très vivant. En témoigne la culture des folksongs et du récit
oral qui donne lieu chaque année à des grand festivals de storytelling (The National
Storytelling Festival, par exemple) ou à des clubs de storytelling. C’est n’est pas donc
pas un hasard si, historiquement, les applications professionnelles du storytelling ont
commencé au pays de l’oncle Sam, en politique, sous l’ère Reagan pour continuer

! 4!
sous Bush père, sous Clinton ; Bush fils et Obama, même si dans ce type d’exercice
la droite républicaine avait une longueur d’avance sur la gauche démocrate à cause
des récits fondateurs de la nation américaine axés sur les valeurs de la frontière, de la
virilité du pionnier et du patriotisme d’une nation conquérante et impériale souvent
monopolisé par la culture de droite contre laquelle s’était heurté la contestation de la
gauche parrainée par le parti démocrate et par les cinéastes du « new american
cinema » de Hollywood des années soixante dix. En France, malgré la grande
tradition narrative populaire de « ma mère l’oie », du roman et du journalisme
français à partir du XVIII et à la recherche narratologique structuraliste de l’École de
Paris des années soixante et soixante-dix de l’Ecole de Paris (Roland, Barthes,
Claude Bremond, Adalgiras Greimas), c’est surtout depuis 2007 que le storytelling a
gagné sa notoriété. Dans un sens plutôt restrictif …Le livre du chercheur CNRS et
collègue Christian Salmon (Storytelling La Machine à fabriquer des histoires et à
formater les esprits, Paris, 2007) et l’adoption du mot storytelling par les médias pour
parler des élections présidentielles américaines et françaises ont limité le concept à
son utilisation politique ou bien de marketing politique. Ses applications pour
l’entreprise vont être conceptualisées au début des années 2000 par Steve Denning,
ancien patron du Knowledge Management de la Banque mondiale, dans le domaine
du management et et de l’accompagnement du changement. Puis le storytelling va
s’étendre d’une manière systématique à la communication de la marque, au
marketing etc. Comment définir le storytelling appliqué à l’entreprise ? Il s’agit e
mettre en récit le messages de communication pour faire connaître une marque ou un
projet, faire adhérer les parties prenantes (partenaires, supérieurs hiérarchiques,
banquiers, financeurs, collaborateurs, clients, fournisseurs médias etc.) et agir sur
leurs comportements. Pourquoi communiquer en racontant une histoire ? Parce
qu’une histoire, à la différence des informations présentée de façon purement
rationnelle et froide, mêle raison et émotion. La mise en récit permet aux parties
prenantes de comprendre le sens général du ou des messages, de mieux les retenir et
de s’en faire les porte-parole vis-à-vis de leur entourage. C’est une communication
incarnée, sensible, qui donne aussi bien à voir qu’à entendre, à toucher, à sentir, à
gouter. C’est ce couple d’émotion-raison qui fait toute la différence avec une
communication purement descriptive, rationnelle, froide. L’émotion parle au cœur et
suscite ainsi l’intérêt, permet de se projeter, de s’identifier, de mieux mémoriser. La
raison permet de conserver l’équilibre, de tempérer ses émotions. Les deux sont
complémentaires. Tout est une question de modalité narrative et de dosage des
composantes symboliques insérées dans le récit. Bien sur, comme nous le verrons
plus dans les détails dans les paragraphes suivantes (notamment ceux consacrés à la
sémiologie narratologique comme outil méthodologique et procédural à la base du
storytelling) faire du storytelling c’est raconter une histoire – et non des histoires- en
tenant compte d’un contexte, d’une identité de marque, d’une méthode et de règles.
Et comme toute technique de communication, une phase de diagnostic précède la
phase opérationnelle. Même s’il est loin d’être une science exacte, le storytelling
exige un savant mélange de créativité, de style, de rigueur et de subtilité.

! 5!
2) La narratologie come fondement du storytelling
Le storytellig appliqué à la marque prend racine dans une discipline née dans les
années 1910 en Russie et développée à partir des années 1960 en Occident à l’aide de
l’analyse sémiologique. La narratologie étudie les techniques et les structures
narratives. Mais attention à ne pas confondre récit et storytelling. Le storytelling
appliqué à l’univers de l’entreprise repose sur le récit, mais nécessite d’avoir des
objectifs de communication, une analyse du contexte et des publics auxquels on
s’adresse, une stratégie et des outils d’évaluation.

3) Aristote le premier narratologue du storytelling


Si la narratologie moderne est née au début du siècle dernier, les premières
interrogations sur le récit remontent à l’Antiquité grecque, avec le philosophe
Aristote. Au IVe siècle avant notre ère le philosophe donne dans son ouvrage La
Poétique, sa définition du récit et de sa base génétique : l’intrigue.
Le! récit! est! tout! d’abord! une! suite! d’actions,! comme! l’affirme! nettement!
Aristote!:!
!

…λέγω!γαρ!μυθον!τουτον!την!σύνθεσιν!των!πραγμάτων!(Poétique,*50ª,5)!!

…je!considère!le!récit!comme!une!composition!(intrigue)!d’actions.!

Sans récit comme trame ou intrigue d’actions, il n’y a aucune possibilité de


développement d’une œuvre expressive. Il est à la base se toute forme de
communication narrative humaine. Aristote pensait à la narration comme celle sur
laquelle est structuré le récit de le l’Iliade et de l’Odyssée et de la mise en narration
théâtrale avec la tragédie. Par! exemple! le! récit! de! l’Iliade,! poème! épique! en! vers!
héroïques! (ou! hexamètres)! en! 24! chants,! ! est! axé! sur! la! μηνις! (la! colère)!
d’Achille,!mais!l’architecture!narrative!n’est!pas!linéaire!mais!hypertextuelle!ou!
multi8linéaire! avec! les! croisements! d’événements! différents! sur! différents! axes!
du!récit.!!On!dirait!dans!le!jargon!des!scénaristes!cinématographiques!des!sub8
plots!ou!intrigue!secondaires.!!
!

! 6!
!
*
*********Brad*Pitt*est*Achille*dans*le*film*Troy*(2004)*
!
Il! s’agit! d’une! Achilleide,! un! récit! qui! s’élargit! à! partir! de! la! colère! d’Achille!
comme! après! avoir! lancé! une! pierre! dans! l'eau! par! vagues! concentriques.! Les
textes véhiculent à travers des codes linguistiques des messages symboliques. Ils
véhiculent des valeurs socioculturelles. Si! nous! formalisons! à! travers! un! schéma!
narratif!les!points!forts!ou!les!tournants!!de!l’intrigue!de!l’Iliade*nous!avons!un!
enchainement!d’actions!valide!pour!tous!les!récits!à!partir,!narratologiquement!
parlant!de!la!modification!d’un!

1) ETAT INITIAL (E.I) ou le récit presente le lieu et le temps où se deroule


l’action pour le situer devant le lecteur avant la
2) PERTURBATION (P) (noeud,!complication!ou!inciting*moment)!des
équilibres entre les personnages à cause de la mort de Patrocle, compagnon
d’Achille tué par Hector qui engendre la
3) REACTION (R) en anglais le turning*point,!d’Achille avec l’actualisation de
la vengeance cruelle : DUEL FINAL d’ACHILLE vs HECTOR (le
showdown du western à venir avec le duel sur la rue principale de la ville, en
anglais main street entre le gentil, en anglais the Hero et le méchant en anglais
the Villain).On arrive ainsi à la
4) RESOLUTION (RE) de l’intrigue ou dénouement avec la Mort d’Hector tué
par Achille devant le Murailles de Troie, violence sur le cadavre du vaincu.
5) ETAT FINAL (E.F.) avec le changement de la situation par rapport à l’état
initial.

! 7!
Un récit donc, pour Aristote, doit avoir un début et une fin, avec un enchainement
causal des actions qui relie les deux. L’intrigue est la tension entre un nœud (πλοκη=
ploké) et le dénouement (λύσις=lusis) : il faut la présence d’obstacles, de difficultés,
- le nœud aves ses péripéties (περιπέτεια) comme les appelle Aristote- et une
conclusion à ce nœud- le dénouement- dans le récit (Poétique 55b, 24-34; 56a, 1-15).
La narratologie moderne a son origine théorique et méthodologique dans la
publication en 1928, de Morphologie du conte de Vladimir Propp. L’objectif de ce
folkloriste narratologue : démontrer que tous les contes sont issus de la même trame.
Selon lui, les séquences de tout conte obéissent à des règles d’organisation logique et
s’appliquent à toutes sortes de récits. Il identifie une typologie de personnages
comme « le héros » (Cendrillon, par exemple) « les opposantes » (ses demi-sœurs)
« l’auxiliaire magique » (les fées), etc. Il identifie aussi des grandes thématiques :
l’éloignement, la mission à accomplir, la transgression, la punition etc. comme l’a
souligné entre autres, Gerard Genette (Genette, Gerard, Figures III, Paris, Seuil,
1972), le récit n’a pas forcement un déroulement linéaire. Il a opposé l’histoire ou
résumé, en narratologie « fabula » - en tant que succession chronologique et causale
des évènements racontés, la chose le signifié le what en anglais- au récit ou intrigue-
en tant qu’ordre textuel dans lequel ces évènements apparaissent en tant que
signifiant, le how ou the discourse selon l’opposition Story/Discourse du narratologue
americain Neymour Chatman (Chatman, Seymour, Story and Discourse: Narrative
Structure in Fiction and Film. Ithaca: Cornell UP, 1978). Une même histoire peut
être racontée de mille façons différentes : après coup (flash-back) ou au contraire de
façon anticipée, des ellipses peuvent accélérer la vitesse de déroulement des
évènements.

4) Analyse du récit : fonctions, motifs, thèmes


Les! actions! des! personnages! sont! le! résultat! et! les! noyaux! d’une! série! de!
relations!modales!qui!établissent!et!définissent!les!rôles!actantiels!(qui!fait!quoi!
avec,! contre,! pour! sur! quelqu’un! d’autre)! et! la! valeur! axiologique! (qui! sont! les!
gentils! et! qui! sont! les! méchants! à! partir! des! relations! d’action! ou! actantielles)!
des! personnages! sur! l’axe! du! récit.! À! partir! de! cette! considération! la!
formalisation!sémantique!et!narratologique!du!récit!se!focalise!sur!la!notion!de!
motif! (état,! actions)! en! tant! qu’unité! thématique! minimale! qui! «!étiquette!»! la!
valeur!modale!de!l’action!d’un!personnage!:!c’est8à8dire!la!façon!d’accomplir!une!
démarche,!selon!les!catégories!de!la!logique!modale1,!à!partir!d’une!fonction!ou!
unité!fonctionnelle!de!base,!selon!Barthes,!ou!plus!pertinemment!d’une!texture!
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
1!La!logique!modale!établit!que!les!motifs!d’un!récit!sont!modalisés,!et!que!les!modalités!qui!

les! couvrent! (alétique,! déontique,! axiologique,! épistémique)! sont! relativisées,! c’est8à8dire!


entrent! dans! un! processus! d’interaction,! et! peuvent! être! définies! aussi! bien! au! niveau! de!
l’énonciation!narrative!(position!du!narrateur!et!du!narrataire)!qu’à!celui!de!l’énoncé!narratif!
(motivation!et!portée!de!l’action).!Cf.!Gérard!GENOT,!Grammaire*et*récit,!Nanterre,!Université!
de! Paris! X8Nanterre,! Doc.! C.R.L.L.I.,! Centre! de! Recherche! de! Langue! et! littérature! Italiennes,!
1984,!pp.!3588359.!

! 8!
verbale,! selon! Dolezel 2 .! Par! exemple,! dans! la! fonction! ou! texture! verbale!
suivante!:!!
«!James!Bond!est!envoyé!en!mission!par!son!supérieur!contre!Goldfinger!»!!!

Selon! les! relations! logiques! établies! par! les! motifs! qui! thématisent! la! fonction!
d’ENVOYER!comme!MISSION!A!ACCOMPLIR!nous!avons!:!
1)!le!supérieur!est!la!source!de!l’action!modale!performative!épistémique!de!la!
fonction!→!d’ENVOYER!!2)!↔Bond!qui!a!le!rôle!de!patient8agent,!!de!la!MISSION!
A!ACCOMPIR!!et!factif8processif!:!PARTIR.!→!!!
On!voit!ICI!simultanément!la!fonction,!le!motif(et!le!thème.!

1) Fonction(:!Action! manifestée! par! la! texture! verbale,! par! exemple!:!


ENVOYER,!PARTIR,!DEFIER,!TUER,!où!la!Séquence(est!une!suite!d’actions!ou!de!
Fonctions! ! enchaînées! par! le/les! même(s)! actants/personnages! avec! une!
Perturbation,! Réaction! et! Résolution( selon! le! schéma! du! paragraphe!
précèdent!qui!pilote!le!récit!d’un!état!initial!à!un!état!final.!
(
2)(Motif(:!unité!!thématique!la!moins!étendue,!axée!sur!une!structure!logique!qui!
fixe! la! syntaxe! des! fonctions! en! motifs! même! comme! Solidarité!
Prédicat/Arguments.! Pour! revenir! à! Bond!:! Bond! est! ENVOYé! sur! ordre! de! M!
pour! ACCOMPLIR! une! mission! (motif( n.1),! Bond! TUE! le! chef! de! la! S.P.K.T.R.E.!
(motif( n.( 2),! Bond! est! MENACé! par! la! belle! espionne! antagoniste! (motif( n.(3),!
Bond!SEDUIT!la!benne!antagoniste!(motif(n.(4).!Le(motif!formalise!la!structure!
d’une! proposition! narrative! comme! une! séquence! d’actions! accomplies! par! un!
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
2!Cf.!Roland!BARTHES,!«Introduction!à!l’analyse!structurale!des!récits»,!in!Communications,!n.!8,!

1966,!pp.!12813,!pour!la!notion!de!texture!cf.!Lubomir!DOLEZEL,!«From!Motifeme!to!motifs»,!in!
Poetics,!n.!4,!1972,!pp.!1228126.!
!

! 9!
personnage3.! Il! faut! donc! distinguer! cette! notion! sémantique! de! motif! de! la!
notion!historique!d’origine!proppienne,!utilisée!dans!le!domaine!des!études!sur!
les!contes!populaires!ou!folklorique.!
!
3)( Thème(:!Les!thèmes!sont!des!éléments!sous8tendant!un!texte!entier,!ou!une!
partie! considérable! d’un! texte,! tandis! que! les! motifs! sont! des! éléments! moins!
étendus.!Par!exemple!les!thèmes!de!James!Bond!dans!le!film!Skyfall!(2012)!sont!
1) la survie du héros aux balles, 2) sa mise à l’épreuve et sa remise en forme car pour
reprendre le terrain 3) M lui demande de faire plusieurs tests pour évaluer ses
capacités et 4) pour lutter conte son antagoniste ex collègue.
Selon la sémantique des motifs de Dolezel, les trois unités de base sont ainsi définies
d’une manière plus élaborée à partir des mondes possibles dans les unités
sémantiques minimales des motifs. On peut attendre d’un modèle narratif à ce stade
de l’élaboration : a) un ensemble de!principes!descriptifs!permettant!de!constituer!
les! unités! narratives! des! plus! simples! aux! plus! complexes,! b)! des! procédés!
pratiques,! associés! aux! principes! formels! qui! contrôlent! l’interprétation! des!
action!de!la!part!de!spectateurs. Bien!souvent!un!«!thème!narratif!est!le!résultat!
de! l’insistance! de! plusieurs! motifs!»,! comme! l’indique! Segre4.! ! La! définition! de!
Segre! est! dynamique,! fondée! sur! les! enchaînements! qui! mettent! en! lumière! la!
construction! du! récit.! Il! s’agit! donc! d’unités! thématiques! qui! trouvent! leur!
cohérence!dans!la!suite!des!lignes!d’actions!(passages(d’un(état(initial(à(celui(
conflictuel( de( Perturbation( –Réaction)( qui( composent( toute( séquence(
narrative,( ou( bien( leur( enveloppe( spatioJtemporelle( qui( contient( des(
fonctions.(
(

!
5) Le récit fonde un monde possible
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
3!Cf.!Lubomir!DOLEZEL,!Heterocosmica.*Fiction*and*possible*Worlds,!cit.,!pp.!34835.!
4!Cf..!C.!Segre,!Du*motif*à*la*fonction*et*viceversa,!in!!Variation*sur*le*thème!!«!Communications!»!

n.!47,!1988,!pp.!9822.!

! 10!
Un récit nécessite un « monde » formé de tout ce que la fiction supposerait si elle
était vraie : la description des personnages, des choses, des lieux, du temps…Bref il
faut planter le décor. La description peut être une description d’état ou se faire par
des actes d’un personnage, ce qui évite de ralentir le récit. Pour autant, nul besoin de
tout décrire dans un récit. Tout univers est construit et interprété par le destinataire du
récit par rapport à ce qui est dit ou montré, mais aussi par rapport à ce que lui-même
interprète. Un seul mot d’ordre : laisser agir l’imaginaire du destinataire.

L’analyse des textes de fiction en tant que mondes possibles (PW) de l’anglais
« Possible Worlds » fait largement appel au cadre théorique de la sémantique des
mondes possibles5. Due à Leibniz, la notion de monde possible a été reprise (et
considérablement transformée) par des logiciens contemporains, qui y ont vu un
instrument conceptuel permettant de penser des énoncés "référentiellement opaques",
fréquents en langage ordinaire mais considérés avec suspicion par la logique
classique, notamment les énoncés comportant des modalisateurs aléthiques et
épistémiques, du type "Il est possible que Jean arrive en retard" ou "Lucie croit que
Sébastien ne connaît pas la différence entre une Ferrari et une Lamborghini". De
manière générale, on peut dire que la sémantique des mondes possibles permet de
traiter des phénomènes intensionnels (les modalités) en termes extensionnels, en leur
attribuant une référence non pas dans le monde actuel mais dans un monde possible.
(Ainsi, pour reprendre les exemples précédents, le monde possible où Jean est en
retard, celui des savoirs de Sébastien et celui des croyances de Lucie – sans oublier le
monde des croyances de Lucie quant aux savoirs de Sébastien.) L’utilité de ce cadre
théorique pour la théorie littéraire et cinématographique, est au moins double. En
premier lieu, elle permet de lever l’hypothèque que faisait peser sur la théorie de la
fiction la thèse du "monde unique": au face-à-face entre le texte littéraire et le
monde réel, elle substitue un modèle plus complexe (et plus riche) qui inclut une
infinité potentielle de mondes possibles, y compris les mondes fictionnels. La notion
de monde possible se révèle utile pour aborder des phénomènes concernant la
création artistique. Certes, l’assimilation des mondes fictifs aux mondes possibles de
la logique ne va pas sans difficultés épistémologiques et conceptuelles. Il s’avère
nécessaire de procéder à des ajustements que nécessite l’exportation du concept de
monde possible vers les sciences humaines (et, parmi celles-ci, les études littéraires
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
5
Si le langage interprété est un langage propositionnel, une interprétation «à mondes possibles » est un triplet <W, R,
I>, où W est un ensemble de mondes possibles, R est une relation définie sur W (dite relation d’accessibilité) et I est
une fonction qui assigne à chaque énoncé du langage une valeur de vérité par rapport à un monde possible w
(appartenant à W). La validité est définie comme vérité dans tous les mondes possibles, les formules valables dépendent
des propriétés formelles de la relation R correspondant à des conceptions différentes de la possibilité et de la nécessité.
Cf. S. Kripke, Naming and Necessity, in G. Harman, D. Davidson (éds.), Semantics of Natural Language, Reidel,
Dordrecht e Boston 1972; puis en volume, avec une nouvelle introduction, Blackwell, Oxford 1980 [tr. fr. F. Récanati,
La logique des noms propres, Minuit, Paris 1982].

! 11!
et cinématographiques) : les mondes fictifs doivent être considérés comme des
"petits mondes", construits textuellement, ni vrais ni faux, logiquement
incomplets, souvent hétérogènes dans leur macrostructure et potentiellement
paradoxaux. L’accent peut dès lors se déplacer de la question du récit
(largement explorée par les chercheurs structuralistes) à celle de la fiction. Le
second avantage de la sémantique des mondes possibles est qu’elle offre un
moyen de penser la référence fictionnelle sans pour autant revenir au réalisme
naïf concernant l’attitude mimétique du produit esthétique. Le mondes possibles
peuvent être vus soit comme des état de choses "réelles"selon l’approche réaliste de
Lewis 6 , soit comme des constructions culturelles, matière à stipulation ou à
production sémiotique. Selon la perspective élaborée par Eco7. Un monde possible
est donc un état de choses exprimé par ensemble de propositions où, pour
chaque proposition, soit p, soit non-p. Comme tel, un monde est constitué d’un
ensemble d’individus pourvus de propriétés.

Certains comparent un monde possible à un roman ou à un film fictionnel complet,


c’est-à-dire à un ensemble de propositions qui ne peut être enrichi sans le rendre
inconsistant. Un monde possible est ce que ce roman complet décrit8. Evidement dire
qu’un monde possible équivaut à un texte (ou à un livre) ne signifie pas dire que tout
texte parle d’un monde possible; Si, par exemple, nous, écrivons un livre
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
6!Cf.!D.!Lewis,!On*the*Plurality*of*Worlds,!Oxford,!Blackwell,!1980.!
7!U.!ECO,!Les*limites*de*l’interprétation,!traduit!par!Myriem!Buzaher,!Paris,!Grasset,!1992,!pp.!

2158218.!
8!Cf.!J.!Hintikka,!*Individuals*possible*worlds*and*epistemic*logic,(in!"Noûs"!1,1,!1967,!pp.!1128

128.!
! 12!
historiquement documenté sur la découverte de l’Amérique nous nous référons à ce
que nous définissons comme monde réel car on assume comme présupposé ou
presupposable tout ce que nous sauvons sur le monde réel9. Au contraire quand on
trace les contours d’un monde fantastique ou fictionnel comme celui d’une fable nous
meublons notre monde narratif, avec un nombre limité d’individus (Pinocchio,
Geppetto, la Fée Bleue) pourvus d’un nombre limité de propriétés10. Certaines des
assignations de propriétés à des individus suivent les mêmes règles que le monde de
mon expérience (par exemple Les carabiniers qui arrêtent Geppetto et Pinocchio,
l’école avec le maître et les abécédaires)11 .Certaines autres assignations ne valent
que pour ce monde; par exemple dans cette fable, les grillons et les autres animaux
ont la propriété de parler. A l’intérieur de ce monde les personnages prennent une
attitude propositionnelle, par exemple Pinocchio pense que les pièces reçues de
Mangefeu vont se multiplier une fois enterrées, comme le lui conseillent le chat et le
renard. La croyance de Pinocchio est une croyance doxastique, mais il n’empêche
qu’elle appartient aux états de la fabula. Ainsi la fabula nous propose des états de
choses, (le pays de jouets qui donne le bonheur, opposé à celui de l’école et la Fée
bleue). Nous savons tout de suite (mais le petit pantin ne le sait pas jusqu’à la fin de
l’histoire) que l’un de ces états est présenté comme vrai et l’autre comme faux. Le
problème est d’établir quels rapports existent, en termes de structure de monde et de
mutuelle accessibilité, entre ces deux états de choses (Ryan, Marie-Laure (1991)
Possible Worlds, Artificial Intelligence, and Narrative Theory, Bloomington: Indiana
UP).

Un monde possible est une construction culturelle. En termes très intuitivement


réalistes le monde de la fable de Pinocchio ainsi que le monde doxastique du pantin
ont été "faits" par Collodi; s’agissant de constructions culturelles nous devrions être
très rigoureux pour définir les composantes; étant donné que les individus sont
construits par additions de propriétés, nous ne devrions considérer comme primitifs
que les propriétés; Hintikka a montré comment on peut construire divers mondes
possibles à travers les différentes combinaisons d’un même paquet de propriétés12.Le
texte nous oriente, sauf indications contraires, vers l’encyclopédie des connaissances
qui règle et définit le monde réel. Quand il doit opérer des corrections comme dans le
cas des animaux parlant dans Pinocchio de Collodi, il nous précisera que ceux
derniers parlent. Ainsi un monde narratif emprunte, sauf indication contraires, des
propriétés du monde réel et pour faire cela sans gaspillage d’énergies narratives, il
présente des individus déjà reconnaissables comme tels, sans les reconstruire de
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
9!!Cf.!U.!Eco,!Lector*in*fabula,!cit.,!p.(169.!
10!Cf.!Carlo!COLLODI,!Le*avventure*di*Pinocchio.*Storia*di*un*burattino,!a!cura!di!Ferdinando!

Tempesti,!Milano,!Mondadori,!1983.!!
11!Cf.!Gargiulo,!Pinocchio*en*tant*que*concept*narratif*entre*Benigni*et*Splieberg,!in*Miscellanea*

pour*Vincenzo*Cerami,*!textes!réunis!par!Beatrice!Barbalato,!Louvain,!Presses!de!L’Université!
de!Louvain!la!Neuve,!2001.!
!
12!Cf.!J.(Hintikka,!Logic,*language,*games*and*information,!London,!Oxford!University!Press,!

1973.!

! 13!
toutes pièces: propriété par propriété. Aucun monde narratif ne pourrait être
totalement indépendant du monde réel parce qu’il ne peut pas établir un monde
alternatif complet, mais il est aussi impossible de décrire comme complet le monde
réel. Ce n’est pas un hasard si Hintikka relie le problème des mondes possibles au
problème kantien sur la possibilité d’atteindre la chose en soi13.
Pour confronter des mondes, il faut donc considérer le monde actuel comme une
construction culturelle. Ce que l’on appelle le monde actuel, c’est celui auquel nous
nous référons, à tort ou à raison, comme étant le monde décrit par l’Encyclopedia
Universalis ou par le quotidien Le Monde où deux et deux font quatre et où Pinocchio
n’a jamais existé sinon comme personnage littéraire. Par contre, les mondes possibles
narratifs sont déterminés par le texte, ils n’existent hors du texte que comme le
résultat d’une interprétation, et ils ont le même statut ontologique que n’importe quel
autre monde doxastique. Ainsi comme le soulignent Dolezel et Eco, les mondes
possibles sont des petits mondes, c’est-à-dire un cours relativement bref
d’événements locaux dans un coin du monde actuel14. Dans le cadre d’une approche
constructiviste des mondes possibles, même le monde réel de référence doit être
entendu comme une construction culturelle. Le lecteur ancien qui lisait que Saint
Georges avait terrassé le dragon et délivré la population locale de ce danger ne
jugeait pas cela en désaccord avec son encyclopédie. Les raisons pour lesquelles nous
estimons notre encyclopédie meilleure que la sienne sont extra-sémiotiques ; mais il
est indéniable que pour le lecteur ancien l’histoire de Saint Georges aurait été
vraisemblable parce qu’en accord avec les lois du monde réel. Il suffirait de changer
d’encyclopédie pour qu’une donnée différente soit valable.

6) Monde réel médiatique et mondes possibles de la marque


Monde textuel, monde possible, monde tout court
Tout support médiatique entretient une relation complexe avec lui-même, c'est-à-
dire avec les conditions pratiques de sa production, avec son public et avec le monde
dont il est supposé rendre compte. La définition de ces trois instances et des rapports
qu'elles entretiennent entre elles permet de cerner l'univers d'un support médiatique.
Le concept de monde possible illustre avec davantage de précision que le terme
"univers" ce type de processus et ses propriétés. Le monde possible institué par un
magazine, un spot publicitaire met en scène un système spécifique et cohérent de
valeurs, d'acteurs et de situations qui offrent dans leur ensemble, une version du
monde réel et rendent disponible ce dernier sous une description. Ainsi, à un premier
niveau d'approximation, si nous nous limitons au contenu d'un magazine ou d’un pub
photo ou en spot télé, aux thèmes qu'ils déploient habituellement, nous pouvons déjà
observer un processus évident, et dans la plupart des cas explicite, de sélection,
d'élimination et de développement. Certains thèmes sont triés et ne sont utilisés que
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
13!Cf.!J.(Hintikka,!Semantics*for*prepositional*attituted,!in!L.!Linski,!Reference*et*modality,!

London,!Oxford!University!Press,!1971,!p.!164.!
14!Cf.!U.!Eco,!Les*limites*de*l’interprétation,!cit.,!p.!!

! 14!
rarement, d'autres sont systématiquement ignorés, d'autres encore sont au contraire
particulièrement présents et traités de façon étendue. Ce processus aboutit à des
systèmes de représentation du monde spécifiques. Ce phénomène est particulièrement
évident quand on compare des pubs très différentes.
Imaginons, comme le suggère le sémioticien de la marque Andrea Semprini
(Semprini, Andrea, Analyser la communication. Comment analyser les images, les
médias, la publicité, Paris, L’harmattan, p.87) que plusieurs siècles après l'extinction
de la civilisation occidentale, un archéologue venu d'une galaxie lointaine étudier
notre mode de vie découvre un sac de voyage miraculeusement bien conservé,
contenant un numéro d'un magazine de musculation Mens’Healt et/ou Sport
Illustrated et son spot publicitaire. En l'absence de toute autre information, il en sera
amené à conclure que les habitants de la terre avaient des physiques puissants et que
la civilisation terrestre peu avant sa disparition avait consacré au culte du corps une
place majeure. Cette représentation de la culture terrestre, sans être totalement fausse,
serait néanmoins partielle et éloignée de la réalité. Notre archéologue pourrait
comparer les images des corps des body-builders, gonflés à coups d'entraînement et
d'anabolisants, aux statues des îles Cyclades, pour en conclure finalement à une
circularité du parcours de la civilisation occidentale qui l'aurait ramenée, juste avant
sa disparition, aux sources mêmes de son apparition. De façon analogue si à la place
d'un spot ou d’un magazine de musculation, le savant avait trouvé un hebdomadaire
de potins princiers, d'actualité internationale ou de cuisine, il en aurait retiré des
visions bien différentes sur les habitudes et les intérêts dominants sur la Terre.
Ce chercheur aurait tort. Son erreur serait de confondre deux niveaux bien
différents: la représentation et la réalité; la représentation du monde et le monde
réel. Erreur excusable de la part d'un visiteur d'une autre civilisation et ne disposant
que d'un matériel d'observation réduit, mais bien moins acceptable lorsqu'il est
commis à notre époque et par des analystes qui ont à leur disposition la panoplie
médiatique dans sa globalité. Il en va de même pour une autre erreur courante qui
consiste, tout en acceptant le principe de représentation inhérent au dispositif
médiatique, à lire la représentation en clé unidirectionnelle et causale. D'après cette
attitude, ce qui trouve place dans un support médiatique, même s'il ne s'agit que d'un
fragment ou d'une facette de la réalité, nous offre une description "réaliste" de cette
dernière, en relation de correspondance directe avec un fait, une valeur, une situation
du monde "réel".
La situation se complique considérablement si l'on tient compte qu'un magazine,
une photo, une pub télé et n'importe quel support médiatique et plus généralement
pour toute forme de communication, ne se limite jamais à simplement exposer un
contenu, ce qui est déjà en soi une première réduction, mais encore qu'il instaure des
rapports complexes avec ses destinataires, avec la matière textuelle et avec les
instances qui l'ont engendré. Ces relations, que l'on regroupe habituellement sous
l'étiquette de relations énonciatives, peuvent jouer un rôle important dans le
façonnage du monde possible construit par la pub d’une marque. En d'autres
termes, la façon de dire un thème peut être plus importante que le thème lui-
même.
Les problématiques du monde possible et de la relation réflexive qui lie ce dernier
! 15!
aux sujets de l'énonciation devient le point forte de toute analyse concernât la
construction du storytelling de la marque. La distinction entre monde textuel
proprement dit, monde possible et monde "réel", ainsi que la prise en compte
des relations qui relient ces trois instances revêtent une importance cruciale.
L'analyse que nous proposons dans ce paragraphe serait d'ailleurs impossible
sans tenir compte de ce triple registre de fonctionnement du "réel" médiatique.
Le schéma ci-dessous présenté dans la figure 1, décrit les instances qui entrent en
jeu dans le dispositif énonciatif de production d'un monde possible médiatique.
Dans le carrée A nous avons les instances des narrateurs et des narrataires,
voire l’agence publicitaire qui a la rôle de narrateur dans le processus de storytelling
pour produire le message de la marque adressé aux clients destinataires du messages,
autrement dits narrataires. Ces deux derniers sujets, bien réels, se trouvent donc à
l'extérieur du premier cercle du dispositif sémiotique, tout comme le monde réel.
Relevant d'un univers sociologique et contextuel. Dans le carré B nous trouvons
l’espace discursif (la construction du monde possible de la marque) ou celui de la
narration de l’émetteur qui organise la communication à travers le niveau axiologique
et discursif chez Semprini vu au paragraphe 9 (ce que chez Kapferer est le prisme
avec le propriétés et la personnalité de la marque : voir le paragraphe 15) pour aboutir
à la mise mis en forme de texte selon les supports de la conception médiatique. Il est
question ici de conceptualiser un monde possible selon l’identité de la marque
(valeurs axiologiques, personnalité de la marque par rapport au produit) et son
destinataire le client modèle qui doit coïncider avec le client empirique dans un
espace textuel.
Au centre dans le carré C nous trouvons le texte proprement dit, dans notre cas le
message ou la pub de la marque en forme narrative ou discursive. A l'intérieur du
texte trouve place le monde représenté, construits par ce dispositif sémiotique
complexe (textes, images, film, agencements, maquette, positions, acteur qui
interprètent le rôle selon l’image de la marque plongée dans le récit structuré pour
unir le rationnel à l’émotionnel et séduire le consommateur).

! 16!
Espace discursif

B Espace
textuel

Instan
e.teur C Spot publicitaire ce de
A Instan
ce de
Monde textuel
d.taire
la
Narration récepti
la
on
produ
ction

Monde possible

Figure 1. Structure énonciative d'un dispositif médiatique: le monde possible comme relation entre monde
textuel et monde "réel" (élaborée à partir de Semprini, 1994).

De ce point de vue, c'est précisément l'indépendance du monde "réel", le fait qu'il


échappe à l'emprise du dispositif textuel, qui le rend intéressant, parce que c'est à
partir du monde "réel" que le dispositif textuel prend forme. Le monde réel
représente le point de confrontation incontournable, le pôle dialectique nécessaire à la
construction du monde textuel. En quelque sorte il lui préexiste et le détermine. Tout
monde possible manifesté, c'est-à-dire inscrit dans le dispositif énonciatif empirique
d'un magazine donné, ne peut trouver son barycentre et son identité que par rapport à
d'autres mondes possibles virtualisés, qui eux, n'ont pas atteint le stade de la
manifestation.
Des précisions toutefois s'imposent sur la nature de ce monde "réel",
problématique s'il en est. Dans une option radicalement constructiviste, ou
radicalement sémiotique, telle celle qui semble avoir été retenue par Greimas lui-
même, on ne saurait accepter la notion même de "monde réel".
Toute réalité est alors soit une représentation de la réalité (critique sémiotique
du réalisme), soit une réalité construite socialement (critique sociologique du
positivisme). Il n'en reste pas moins que certaines représentations acquièrent à
un moment donné et dans un contexte social donné une valeur objective
indiscutable. De façon analogue, certaines constructions sociales sont, pour
utiliser le terme de Garfinkel, rattachées à la nature, sont rangées, pour des
périodes plus ou moins longues, dans la catégorie des faits objectifs, des objets
"réels" du monde naturel. La sémiotique textuelle (Greimas, Algirdas Julien,
Sémantique structurale Recherche de méthode, Larousse Paris, 1966) nous offre des
instruments sophistiqués pour analyser comment, dans un univers textuel
donné, cet effet de réel, cette illusion référentielle, comme aimait la définir
Greimas, peut être produite.
Ainsi, la dialectique entre monde textuel et monde "réel" peut être reformulée
! 17!
comme la dialectique entre monde représenté, mis en scène dans le texte, et monde
externe, le monde constitué par une accumulation de connaissances, croyances et
représentations suffisamment stabilisées et objectivées pour fonctionner comme
système de repère et de référence pour un nombre suffisamment important d'in-
dividus. Les deux mondes entretiennent donc une relation de complémentarité. L'un
ne peut faire sens que par référence à l'autre. En même temps, nous l'avons vu, le
monde textuel, notamment dans un support médiatique, est par essence sélectif
et ne peut mettre en scène qu'un fragment, qu'un aspect du monde "réel". Celui-
ci apparaîtra alors, dans son ensemble, comme l'addition de tous les mondes textuels,
manifestés par la multiplicité des discours sociaux, qui auraient atteint un stade
d'objectivité et de réalisme suffisants pour franchir le seuil sémiotique de la
représentation et basculer, pour un temps plus ou moins long, dans le territoire de la
réalité sociale. Ailleurs (Semprini, Analyser la communication, 1994, p. 92).
C’est! précisément! l’indépendance! du! monde! réel,! le! fait! que! par! exemple,!
l’histoire! des! jeans! racontée! en! saga,! filmée! en! spot! publicitaire,! échappe! à!
l’emprise! du! dispositif! contingent! pour! participer! et! fonder! la! construction!
universelle!de!l’épopée!du!western!comme!de!l’identité!de!la!marque!Levi’s.!Tout!
monde! possible! manifesté,! c’est8à8dire! inscrit! dans! un! dispositif! énonciatif!
empirique! d’un! message! publicitaire! donné,! ne! peut! trouver! son! barycentre! et!
son! identité! que! par! rapport! à! d’autres! mondes! possibles! visualisés.! Toute!
réalité! est! alors! soit! une! représentation! de! la! réalité,! soit! une! représentation!
construite! culturellement! et! socialement15.! Un! monde! possible! est! ce! que! un!
texte!(un!roman,!une!pièce!de!théâtre,!un!film!ou!un!spot!publicitaire)!complet!
décrit16.! Evidemment! dire! qu’un! monde! possible! équivaut! à! un! texte! (ou! à! un!
livre!ou!à!un!film)!ne!signifie!pas!dire!que!tout!texte!parle!d’un!monde!possible;!
Si,! par! exemple,! nous,! écrivons! un! livre! historiquement! documenté! sur! la!
conquête! du! West! américain,! nous! nous! référons! à! ce! que! nous! définissons!
comme!monde!réel!car!on!assume!comme!présupposé!ou!!presupposable*tout!ce!
que!nous!sauvons!sur!le!monde!réel17.!Au!contraire!quand!on!trace!les!contours!
d’un!monde!fictionnel!comme!celui!d’une!fable,!d’un!roman!ou!d’un!film!western!
comme! Stagecoach! (La! chevauchée! fantastique,1939),! nous! meublons! notre!
monde!narratif,!avec!un!nombre!limité!d’individus.!Ce!qui!est!stratégique!pour!le!
fonctionnement!de!la!«!vidéologie!»!des!spots!publicitaires!de!Levi’s,!comme!des!
autres! «identity! brands!»! ou! marques! qui! donnent! un! sens! d’appartenance!
socialement! identitaire,! est! cette! illusion* référentielle,! ou! bien! la! relation! de!
complémentarité! entre! mondes! possibles! et! monde! réel.! Pour! confronter! des!
mondes,! il! faut! donc! considérer! le! monde! actuel! comme! une! construction!
culturelle.! Le! niveau! narratif! ou! intermédiaire! de! spots! Levi’s,! comme! le! logos*
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
15!Cf.!Andrea!!Semprini,!Analyser*la*communication.*Comment*analyser*les*médias,*la*publicité.!

Paris,!L’Harmattan,!1996,!pp.87892.!
16!Cf.!Jaakko.!Hintikka,!«Individuals!possible!worlds!and!epistemic!logic»,(in!Noûs!1,1,!1967,!

pp.!1128128.!
17!!Cf.!Umberto!Eco,!Lector*in*fabula,!Milano,!Bompiani,!1979,!trad.!fran.!cit.,!Lector*in*fabula,!

Paris,!Grasset,!1979,!p.(169.!

! 18!
par!rapport!au!mythe!chez!Platon,!organise!la!mise!en!forme!du!récit!véhiculant!
les! valeurs! axiologiques.! De! cette! manière! la! marque! peut! mettre! en! scène,! à!
travers! l’articulation! narrative! des! spots,! ses! valeurs! fondatrices! et! de! les!
d’expliciter.! Le! héros! de! Levi’s,! anticonformiste! et! individualiste,! est! donc!
décliné! en! différentes! situations! fictionnelles! à! travers! multiples! variantes.! Le!
niveau! discursif! enrichit! ces! mondes! possibles! avec! acteurs,! personnages,!
sentiments! à! l’aide! d’un! scénario! pertinemment! ficelé 18 .! Ces! éléments! sont!
importants! pour! l’acceptation! de! l’univers! proposé.! En! effet! l’acteur! (niveau!
figuratif)! qui! incarne! le! héros! (niveau! narratif),! chez! Levi’s,! communique!
anticonformisme! et! liberté! individuelle! (niveau! axiologique)! n’est! pas! le! même!
d’un! spot! à! l’autre.! Le! niveau! discursif! est! le! plus! sensible! au! contexte!
socioculturel,! aux! mentalités! des! consommateurs! pour! la! visibilité! iconique! et!
pour! l’affectivité! transmises! par! la! marque 19 .! Pour! visualiser! le! schéma!
conceptuel!concernant!l’image!de!la!marque!Levi’s,!l’ancien!PDG!de!Levi’s!Italie,!
Mario! D’Andrea,! a! élaboré! ce! diagramme! ! en! situant! sur! des! axes! cartésiens! le!
passage! de! l’histoire! au! mythe! des! jeans! de! la! marque! de! San! Francisco! et! le!
transfert!graduel!d’une!pure!gamme!de!ses!produits!vers!un!monde!de!référence!
riche!et!articulé.!A!partir!de!la!moitié!des!années!80!jusqu’à!la!fin!des!années!90!
la!gestion!de!la!Brand*Equity!de!Levi’s!(notoriété,!image!de!marque!associée!à!un!
profil! unique! reconnu! par! une! clientèle! fidélisée)! s’est! orientée! vers! la! partie!
droite! du! diagramme! avec! une! très! forte! perception! de! marque! comme!
mythique!(ou!bien!cult)!dans!un!contexte!symbolique!qui!va!au!delà!du!contexte!
d’offre!matérielle!du!produit20.!
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
18!Pour!les!informations!et!l’historique!concernant!les!spots!Levi’s!cf.!le!site!web!officiel!de!la!

marque!:!www.levi’s.com!,!en!cliquant!sur!le!lien!hypetextuel!«!archives!».!
19!Cf.!Andrea!Semprini,!Marketing*e*mondi*possiblili.*Un*approccio*semiotico*al*marketing*della*

marca.!Milano,!Franco!Angeli,!1993,!pp.938101.!
20!Cf.!Mario!D’Andrea,!Marketrethiking.*Ripensamenti,*rivisitazioni,*riletture*per*una*nuova*

prospettiva*del*“marketing*delle*persone”,!Milano,!Franco!Angeli,!2002,,!pp.75883.!
!

! 19!
Mise(en(narration(
du(produit(( LEVI'S(

Symbole((
Histoire( Mythe((
axiologie(

Produit((

7) Notions sémiotiques et narratologiques de dénotation et


connotation

Les signes sont interprétés à partir de la notion de dénotation et connotation ou bien


de « dictionnaire et d’ « encyclopédie » c'est-à-dire les croyances partagées par un
groupe social donnée pour interpréter pertinemment texte dépendant d'un contexte tel
que la culture de l’auteur, le registre de langue adopté, l'époque, la situation de
communication, etc. On peut donc dire que si la dénotation est le signifié
« universel » (pour un Japonais, la notion objective de couleur blanche renvoie à la
même réalité que pour un francophone), la connotation ne l'est pas. Étant subjective,
elle varie selon les cultures voire les locuteurs : c'est ce qu'un mot évoque comme
image mentale et comme associations d'idées. Par exemple, le blanc est pour un
Occidental la couleur de la pureté et du mariage. C'est celle du deuil pour un
Extrême-Oriental.
Le “Triangle” d’Ogden et Richards (1930)- fonde, la théorie de la dénotation directe,
qui met en relation directe un symbole (pur signifiant, simple expression) et un objet
représenté:

Connotation Dénotation

« Ils apportent cependant une en traçant une ligne pointillée du symbole (l’objet
connoté par l’action dans le contexte) au référent (l’objet dénoté représenté au sens

! 20!
propre comme un pistolet dans le vitrine d’un armurier par rapport à celle dans les
mains de Scarface-Tony Montana connoté symboliquement dans le film de fiction.
Exemple), ils admettent obliquement une référence directe, qui ne soit plus
médiatisée par la pensée. Cette référence directe permettra la sémantique formelle.
Le monde sémiotique ou monde mentale a rôle de médiation. Les rapports entre le
monde sémiotique et le monde physique posent deux problèmes fondamentaux : (i)
celui du traitement des signaux et de l’articulation du physique et du symbolique en
leur sein.

Suite!à!la!notion!de!dénotation!!connotation!!

Le!sens!ou!signifié!dénotatif,!la!dénotation,!s'oppose!au!sens!ou!signifié!
connotatif,!la!connotation.!

• La!dénotation!désigne!ce!à!quoi!le!signe!fait!référence!et!que!l'on!peut!
trouver!dans!le!dictionnaire.!
• La!connotation!désigne!tous!les!éléments!de!sens!qui!peuvent!s'ajouter!à!
cette!référence.!

Par!exemple,!si!on!s'intéresse!au!mot!flic,!le!sens!dénotatif!est!le!même!que!celui!
de!policier.!Mais!à!ce!sens!s'ajoutent!des!connotations!péjoratives!et!familières.!

Un!même!mot!pourra!donc!avoir!des!connotations!différentes!en!fonction!du!
contexte!dans!lequel!il!est!utilisé.!Ainsi!la!couleur!blanche!connote!la!pureté!et!le!
mariage!pour!un!Européen,!le!deuil!pour!un!Extrême8Oriental.!

L'opposition!entre!dénotation!et!connotation!entretient!des!rapports!complexes!
avec!l'opposition!entre!sens!propre!et!sens!figuré.!!Les!cas!le!plus!évident!c’est!
celui!de!la!métaphore!qui!passe!de!la!dénotation!à!la!connotation!symbolique.!!

! 21!
8) Métaphore cinématographique comme narration pour le
storytelling
La métaphore est une figure de la pensée voire conceptuelle où mentale qui consiste à
désigner un objet ou une idée par un mot qui convient pour un autre objet ou une
autre idée liés aux précédents par une analogie. Une analogie instaure un rapport de
similitude entre deux éléments. La métaphore fusionne donc en un seul les deux
termes A et B de la comparaison.nUne comparaison rapproche deux idées ou deux et
un comparant). Une comparaison s'opère grâce à un terme comparant (A est comme,
tel, semblable à, B etc) . À ne pas confondre avec la métaphore qui fait un transfert
de propriétés d’un terme à l’autre B devient A. Il est evident que les techniques de
storitelling ont été mises au point principalement dans le cadre de l’ecriture des
scenarios ou scenarii cinematographiques où l’information et l’emotion, comme le
disait Aristote doivent suivre le lois du récit aurement dit la costruction d’une
intrigue efficace voire passiobbante ou accrochante. Voici un exemple que à partir de
la sémiotique du langage passe à la costruction d’un scenario à succes.

Sur! le! site! américain! consacré! à! l’histoire! du! navire! Titanic! «!Discover! H.MS!
Titanic! The! Ship! of! Dreams!»!
(http://www.geocities.com/Hollywood/Studio/6344/),! nous! recopions! cet!
incipit!:!
“The!British!luxury!liner!sank!on!the!fateful!night!of!April!14815!1912!en!route!to!
New!York!from!Southampton,!on(her(maiden(voyage.”!
«!Le!Paquebot!!de!luxe!britannique!coula!la!nuit!fatidique!du!!14815!avril!!1912!
en!route!de!Southampton,!à!New!York!durant!son!premier!voyage.!»!
Cette! traduction! nous! montre! qu’en! anglais! les! pronoms! personnels! he! et! she!
ont,! dans! certains! cas,! un! usage! figuratif! ou! intentionnellement!
anthropomorphique! comme! dans! le! cas! d’un! objet! inanimé! ! tel! qu’un! navire,!
«!ship(»,!qui!au!lieu!du!pronom!neutre!it!est!indiqué!au!sujet!verbal!par!she.!De!
plus! l’expression! métaphorique! ou! bien! le! catachrèse! (métaphore! morte)!!
Maiden* voyage* of* Titanic! opère! une! dénotation/connotation! le! navire,! terme!
comparant!A!devient!B!une!pucelle,!une!vierge!qui!va!vers!son!mariage!avec!la!
mer.n!Maid\en!(mayd’n)!n.!Les!métaphores!passées!dans!l’usage!commun!de!la!
langue!quotidienne!trouvent!en!particulier!leur!«!fondement!structurel!»!dans!la!
vision! du! monde! historique! et! dynamique! d’une! société! spontanée! ou! dotée!
d’une!organisation!normative.!
Dans! ce! monde,! les! bateaux! qui! sillonnent! la! mer! pour! la! première! fois! sont!
comme!des!jeunes!femmes!sans!expérience,!pures,!donc!vierges,!qui!doivent!(et!
veulent)! perdre! leur! virginité! pour! des! raisons! de! «!service!».! Même! s’il! s’agit!
d’une! métaphore! morte,! c’est8à8dire! d’une! catachrèse,! elle! retourne! en! vie! en!
reformulant!le!nouveau!monde!où!les!propriétés!du!bateau!convergent!vers!les!
propriétés!communément!attribuées!à!la!jeune!fille!avec!deux!univers!:!il!maiden*
voyage! ou! trip! du! Titanic! avec! ses! propriétés! et! son! monde,! son! cœur! de!
chaudières!et!de!gigantesques!bielles,!et!le!cœur!de!Rose!qui!découvre!l’amour!

! 22!
sur!le!bateau!au!moment!même!où!elle!s’apprête!à!l’abandonner!en!essayant!de!
se! suicider! par! désespoir,! selon! la! dernière! version! cinématographique! de!
l’histoire! du! transatlantique! racontée! par! James! Cameron.! James! Cameron!,! le!
metteur!en!scene!de!Terminator,!Abyss,!Avatar!et!de!Titanic*;!film!hyperoscarisé,!
à!l’aide!de!la!co8scenariste,!screenplay!supervisor!Shelley!Crawford,!transforme!
en! intrigue! la! route! du! Titanic! jusqu’à! la! rencontre! avec! l’iceberg! dans!
l’Atlantique! nord.! L’action! dans! la! mesure! où! l’action! en! tant! que! connotation!
intègre! et! dépasse! la! dénotation/connotation! de! la! structure! narrative! du!
maiden*trip.!Cameron!et!Crawford*!remontent!le!film!donnant!plus!de!visibilité!
narrative!!au!«!voyage!inaugural!»!de!la!fille!appelée!Rose!entre!la!première!et!la!
troisième! classe! où! se! trouve! l’amour! pour! Jack,! au! sein! le! plus! cachée! et!
spontané! du! navire.! La! nouvelle! connotation! narrative! du! voyage! de! Rose! est!
greffée! sur! celle! dénotative/connotative! métaphorique! du! voyage! inaugural! du!
navire! en! tant! que! perte! de! la! «!virginité!»! métallique,! ! en! sillonnant! pour! la!
première!fois!l’océan!pour!installer!la!participation/identification!pathémique!et!
donc! empathique! ! du! public! avec! les! personnages! animés! Rose! et! Jack! et!
inanimés!;!le!navire!et!l’iceberg.!
!
The* tragedy* of* Titanic* to* be* able* to* comprehend* in* human* terms,* it* seems*
necessary* to* create* an* emotional* lightning* rod* for* the* audience* by* giving* them*
two*main*characters*(Cameron,!1997!:2).!
!
Pour!représenter!la!tragédie!du!Titanic!afin!!qu’elle!puisse!être!comprise!en!tant!
que! dimension! humaine,! nous! a! paru! nécessaire! de! créer! un! axe! de! connexion!
narrative! symbolisé! par! les! deux! protagonistes! phare! pour! faire! passer!
l’émotion!afin!d’intéresser!d’avantage!le!public.*
!
L’histoire! est! le! voyage! vers! quelque! chose! contenue! dans! la! métaphore.!!
L'intrigue! ! (d'un! récit! est! le! détail! de! ses! péripéties)! sur! laquelle! est! axé! le!
scénario! du! film! est! la! route! qu'il! faut! prendre! pour! y! arriver! à! travers! des!
personnages! avec! une! thématique! pour! créer! la! participation! émotionnelle! du!
spectateur.!La!narration!du!désastre!du!Titanic!fait!à!l’ordinateur,!dans!le!film!de!
Cameron! est! contrecarré! par! le! récit! de! Rose! qui! donne! à! la! tragédie! une!
connotation! shakespearienne! style! Roméo* et* Juliette! face! à! l’!«!iceberg!»! de!
l’intrigue.!
!
Maiden*voyage*le!voyage!inaugural!de!la!vierge!!
!
Le!TITANIC(((A!terme!comparant!!!est,!devient!ROSE((B!terme!comparé!à!travers!
la! métaphore! C.! L’histoire! du! voyage! du! inaugural! du! Titanic! est! celle! de! la!
vierge!Rose!qui!va!vers!ce!fiançailles!aux!Etats!Unis!Le!voyage!inaugural!en!tant!
que!récit!de!Rose!et!du!Titanic.!Les!mots!sont!des!conteneurs!d'idées!et!c’est!à!la!
communication!de!mettre!les!idées!dans!les!!mots!en!les!envoyant!à!travers!un!

! 23!
conduit!comme!!un!moyen!de!communication,!vers!un!auditeur!ou!un!!lecteur!ou!
un! spectateur! qui! extrait! ensuite! le! sens! des! mots! Prenons! des! expressions!
métaphoriques!concernant!une!relation!amoureuse!!
Nous* avons* parcouru* un* long* chemin* En! général! e! toutes! ces! différentes!
expressions!sont!de!nature!conceptuelle,!une!façon!de!conceptualiser!l'Amour!en!
termes! de! Voyage.! L'idée! générale! peut! être! exprimée! comme! une!
correspondance!entre!le!cadre!du!Voyage!assimilé!à!l'image!de!l'Amour,!avec!des!
rôles! représentés! par! des! autres! rôles! DES! HYPERCONNOTATIONS!!
*
A(((Amour((((((( ( ( Voyage(B!!
Les!amants!!!!!!!!!! ! ! les!!voyageurs!
Les!moyens!de!transport!! ! la!relation!amoureuse!
Destination!!!!!!!!! ! ! objectifs!de!la!vie!commune!
Les!difficultés!du!voyage! ! les!difficultés!de!la!vie!amoureuse!!
!
!
!
La!connaissance!des!métaphores!axées!sur!le!Voyage,!caractérisées!par!le!cadre!
des! propriétés! sémantiques! du! mot! ! Voyage,! sur! la! connaissance! de! l'Amour! A!
dans!l'amour!comme!cadre!du!!Voyage!B.!!Cette!connaissance!contextualisée!et!
culturelle!nous!permet!de!faire!fonctionner!la!métaphore.!!
Pr!conséquent!!si!l'amour!est!un!voyage,!la!relation!d'amour!considérée!comme!
un!moyen!de!transport!(char,!navire,!voiture,!avion.!Un!véhicule!est!un!lieu!clos,!
isolé! en! quelque! sorte,! et! il! y! a! une! autre! métaphore! générale! concernant! les!
relations!comme!de!lieux!isolés!et!fermés.!
En! outre,! lorsque! deux! personnes! sont! dans! un! véhicule,! elles! ! sont!
généralement!rapprochées.!!
Pour! synthétiser! dans! le! schéma! ci8dessous! nous! voyons! les! phases! de! la!
«!textualisation! narrative!»! de! la! métaphore! du! maiden*voyage! ou! voyage! nous!
avons!le!terme!comparant!Titanic!A!avec!son!histoire!tracée!de!voyage!inaugural!!
fusionné! avec! le! terme! comparé! Rose! B! ! avec! son! histoire! de! jeune! fille! qui! va!
vers! l’amour! et! la! perte! de! cette! amour.! L’Iceberg! à! ce! point! n’est! pas!
uniquement! une! montagne! de! glace! comme! son! nom! l’indique! mais! revêt! ! la!
connotation! narrative! d’un! destin! impitoyable! froid! comme! la! mort! pour! le!
navire!et!pour!Rose.!
*
Schéma*1*
*
*
*
*
*
*
*

! 24!
A! B!
Rose!
TITANIC!
Navire!
C! Jeune!
MAIDEN! Espoir!
She!
VOYAGE! Destination!
Voyage!
premier!et!
inaugural!
dernier!grand!
Tout!neuf!
Amour!!!
Mer!!
Jack!
Destinatio
Iceberg!
n!New!
York!
Iceberg!

*
*
*
*
*
*
*
*
*
Fig.*2*
L’histoire!et!son!intrique!dans!la!construction!symbolique!des!lieux!de!!la!narration!du!film!de!
Cameron,!Titanic*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*
*

! 25!
*
* Deuxième(acte((
* !
Salle*à*manger*et*fumoir*1ère*classe*du*Titanic,*Grand,*
* escalier*avant*1ère*classe,*Cabine*de**Rose*et*cale*du*
* navire*
Rose!et!Jack!dinent!ensemble!
! Jack!fait!le!portrait!de!Rose!
!
Deuxième(acte(( Jack!et!Rose!font!l’amour!dans!la!cale!(le!cœur!du!
! navire)!
!
Proue*du*Titanic* Premier(acte((
!
L!»amour!de!Jack!et!Rose! Poupe*du*Titanic*
Sillonne!la!mer!vers!
!
l’univers!comme!le!
Sauvetage!de!
Rose!du!suicide!
!
navire!qui!! de!la!part!de!
Sillonne!l’océan!immense!
! Jack.!
Troisième(acte!
! sauvetage!de!
! Rose!de!la!part!
de!Jack!!avant!le!
! naufrage!du!
! Titanic!

!
!
!
((((!
!
!
!
!
!
!

9) Niveau axiologique, narratif et discursif de la marque pour


le storytelling
La marque et son identité sont constituées par une multitude de discours. Il est donc clair que la
détermination de l'identité d'une marque et son pilotage nécessitent la mise en forme de ces
multiples discours et surtout leur hiérarchisation. La question de la hiérarchisation est d'une
importance primordiale. En effet, un grand nombre de schémas d'analyse de l'identité de marque ont
été proposés, du «fond de marque» (Krief Yves, « L'entreprise, l'institution, la marque.
Niveaux de langage dans la communication », Revue française de marketing,
n°109,1986), au «prisme de marque» ( Kapferer, Jean-Noël, The New Strategic
Brand Management: Creating and Sustaining Brand Equity, London, Kogan, 1991),
aux analogies les plus curieuses et «créatives» (la marque comme action cotée en
bourse, la marque comme système religieux, la marque comme tribu, la marque
comme souverain absolu, etc.).
Le choix est très vaste parmi les savoir-faire qui prétendent fournir une
description de l'identité d'une marque. Mais aucun des systèmes dont nous avons eu
connaissance n'a jugé opportun de fonder son outillage sur une véritable théorie de la

! 26!
marque d'où les pratiques analytiques et la méthodologie d'étude devraient
logiquement dériver. Il s'ensuit que chaque système propose son propre mode de
classification des différents éléments qui constituent l'identité d'une marque,
mais aucun ne fournit de critère théorique pour justifier en quoi un élément est
attribué à un certain niveau plutôt qu'à un autre. On reste souvent avec le
sentiment que le classement se fait beaucoup plus sur la base des goûts de
l'analyste que sur la solidité méthodologique de l'appareil analytique. Or, la
question de la classification et de la hiérarchisation des niveaux est pour nous d'une
importance extrême.
S'il est relativement facile de citer en vrac l'ensemble des éléments qui détermine
l'identité d'une marque, ce qui constitue un véritable enjeu pour la gestion de la
marque est de comprendre d'une part l'importance relative de chaque élément, et
d'autre part la nature des relations que les différents éléments entretiennent entre eux.
Enfin, ce qui est peut être encore plus important, c'est que cette hiérarchisation et
cette mise en relation découlent d'une théorie scientifique, qui assure la rigueur
méthodologique.
C'est! la! raison! pour! laquelle! nous! nous! sommes! particulièrement! attachés! à! argumenter! et!
décrire! la! nature essentiellement discursive (storytelling) et sémiotique de la
marque, sa capacité à attribuer de la signification et à construire des mondes
dans la dimension communicationnelle de ma mise en narration. Il s'agira de
tirer les conséquences de cette nature spécifique de la marque et d'appliquer à
son analyse les méthodes mises au point dans les vingt dernières années par la
sémiotique, discipline dont l'objet d'étude est précisément le mécanisme de
génération et de transmission de la signification. Il n'est pas question, dans ce
contexte, d'étayer in extenso toute la panoplie conceptuelle et analytique
développée par la sémiotique.
La sémiotique postule que le sens se produit par génération et par narration. En
d'autres termes, le sens se produit par enrichissement progressif à partir d'un noyau
élémentaire, où seules les valeurs constitutives de la société existent. Ces valeurs
n'acquièrent de réalité qu'en remontant vers la surface discursive, où elles sont «
mises en scène» par des structures narratives et enrichies ultérieurement par les
figures et les objets du monde tels que nous les reconnaissons autour de nous. Cette
montée du plus simple au plus complexe est le voyage que le sens parcourt, au terme
duquel il se trouvera transformé en une signification donnée. Ce parcours génératif du
sens prévoit trois étapes, ou niveaux, qu'il convient de décrire de manière détaillée
selon les différents nivaux de structuration de l'identité de la marque et les traces des
deux systèmes qui la génèrent: l'encyclopédie de la production et l'encyclopédie de la
réception. Nous suivons ici le modèle élaboré par Semprini (Semprini, Andrea, Le
marketing de la marque. Approche sémiotique, Paris, Liaisons, 1992, p. 53) en trois
niveaux de la montée narrative où du storytelling sémitioque de la marque, axés sur
l’axiologie, la narrativité et la discursivité.

1) On appelle niveau axiologique le niveau de départ, le plus profond. Il est composé


d'un nombre limité de valeurs fondamentales qui structurent et orientent une société
(la vie et la mort, le juste et l'injuste, la force, la passion, etc.). Concernant l'identité
! 27!
d'une marque, c'est à ce niveau que se trouvent les valeurs fondatrices de l'identité
même, celles qui attribuent à une marque un sens, un projet et une durée.
L'innovation chez Sony, la liberté et l'anticonformisme chez Levi's, l’autodérision
intelligente chez Diesel, la robustesse et la complicité chez Volkswagen, etc. Il s'agit
bien entendu du véritable noyau fondateur de la marque, tant en termes d'imaginaire
que de symbolique profonde. C'est la source de son identité, le niveau qui assure la
continuité et la permanence de la marque dans le temps et son capital de légitimité et
de mémoire auprès des publics concernés. Toucher au noyau axiologique (le bien et
le mal) d'une marque est possible, mais est toujours une opération à la fois délicate et
dangereuse, dans la mesure où l'on touche au cœur vivant, au centre du rayonnement
de sens à partir duquel tout se génère.

2) Le niveau narratif est le niveau intermédiaire. A ce stade les valeurs de base sont
organisées sous forme de récits ou de narrations, plus ou moins structurés. Une
grammaire narrative se constitue qui permet d'organiser les valeurs de base, de les
dynamiser dans des relations d'opposition, de quête, de dépossession, de complicité,
d'affrontement, etc. Concernant le sens de son identité, l'articulation de l'univers
narratif permet à la marque de mettre en scène ses valeurs en leur attribuant des
structures narratives et en précisant quel type de rôle narratif elle s'octroie
(encouragement, soutien, récompense, etc.). Le niveau narratif permet de donner aux
valeurs de la marque, souvent implicites, une forme racontable, donc explicite (dans
l'identité Marlboro c'est l'aisance de l'homme dans un environnement dur et difficile
qui articule les valeurs de maîtrise et de virilité. Dans l'univers Levi's, c'est le
comportement du héros, chaque fois différent, qui sous-tend les valeurs
d'anticonformisme et de liberté individuelle). On remarquera qu'à ce niveau de
nombreuses narrations sont possibles, à condition de respecter quelques principes de
base de la grammaire narrative. Le cow-boy de Marlboro a plusieurs façons de
raconter sa virilité et son indépendance, de même que le héros de Levi's a plusieurs
façons de raconter son anticonformisme et son libre arbitre.

3) Le niveau discursif, ou de surface, est le niveau où les valeurs de base et les


structures narratives sont enrichies par les figures du monde: acteurs, personnages,
objets, sentiments, etc. C'est à ce niveau que la variabilité devient pratiquement
infinie. Pour rester toujours dans le même exemple, le héros de Levi's, au niveau
narratif, reste encore une figure abstraite, c'est-à-dire un rôle narratif doué d'un
programme d'action virtuel. Ce ne sera qu'au niveau discursif que ce héros trouvera
un visage, un physique, une profession, un contexte d'action, une moto à conduire et
tous les éléments de contextualisation qui permettront de l'identifier et de le
différencier. Bien que tous ces éléments soient très importants pour l'agrément et
l'implication des publics concernés, ils ne constituent pas l'essentiel de l'identité
Levi's. Preuve en est que l'acteur (niveau figuratif) qui incarne le héros (niveau
narratif) qui exprime l'anticonformisme et la liberté individuelle (niveau
axiologique) n'est jamais le même d'un film à l'autre. Il!en!va!de!même!pour!les!
situations!et!les!histoires!racontées.!Mais!la!marque!a!toujours!pris!le!plus!grand!
! 28!
soin! de! ne! modifier! ni! les! mécanismes! narratifs! ni,! surtout,! les! valeurs!
constitutives.!Néanmoins,!même!si!le!niveau!discursif!n'est!pas!le!plus!important!
d'un!point!de!vue!théorique!et!stratégique,!il!peut!être!extrêmement!important!
pour!tout!ce!qui!concerne!la!reconnaissance!et!l'affectivité!de!la!marque.!En!effet,!
c'est! à! ce! niveau! que! se! situent! certaines! «! icônes»! de! l'identité! d'une! marque.!
Elles!jouent!un!rôle!important!dans!son!identification!et!permettent!une!grande!
économie!de!moyens!narratifs.!Le!stetson!blanc!de!Marlboro,!la!musique!de!Dim,!
le! logo! de! McDonald's! ou! le! packaging! de! Nana! sont! les! clés! d'accès! immédiat!
aux!univers!des!marques!respectives,!qu'elles!évoquent!par!métonymie.
Ce niveau discursif est le plus sensible à l'environnement socioculturel, aux modes
de vie et aux attitudes des consommateurs. Les thèmes et les figures du monde
naturel, articulés au niveau discursif, sont soumis à une usure beaucoup plus rapide.
Le physique « à la mode» des mannequins se modifie selon les impératifs esthétiques
du moment - de l'égérie filiforme aux rondeurs généreuses. Dans l'univers sportif la
glisse, plus féminine et moins agressive, a remplacé les sports mécaniques, perçus
comme trop « guerriers ». L'Amazonie s'est substituée au Sahara dans la
représentation de l'aventure.
Enfin, signalons que c'est à ce niveau que se situent les «thèmes et codes» que la
plupart des systèmes d'analyse de l'identité de marque se limitent à prendre en
considération, tout simplement parce que ce sont les plus facilement repérables. Mais
thèmes et codes ne sauraient être opposés, dans la mesure où ils appartiennent au
même niveau de surface. Ils n'ont de pertinence que dans la mesure où ils assurent la
mise en contexte et l'ancrage des structures narratives sous-jacentes dans un univers
donné. A leur tour, ces structures narratives permettent le déploiement, la « mise en
récit» des valeurs fondamentales de l'identité d'une marque. Si «thèmes et codes»
peuvent avoir une grande importance dans la mémorisation et la reconnaissance d'une
marque, ils n'en constituent pas pour autant le système de valeurs, seule source
d'identité et cœur rayonnant de la marque.
Le schéma de la figure 5 (Semprini, 1992, p. 59) reprend et organise sur les trois
niveaux (axiologique, narratif et discursif) les nombreux exemples que nous avons
évoqués à propos de la marque Levi's. Nous rappelons qu'il s'agit de l'identité de la
marque seulement analysée au travers de son encyclopédie de production et sur la
base du seul discours publicitaire.

! 29!
(Selon le schéma de Semprini, 1992)
(

10) Contrat de confiance entre marque et client modèle qui doit


correspondre au client empirique

De plus, l'énoncé produit par l'acte énonciatif porte toujours inscrit, d'une façon plus
ou moins explicite, une préfiguration — une espèce de profil hypothétique — de la
personnalité et des caractéristiques du destinataire de l'énonciation (Eco, Lector in
fabula, Paris Grasset, 1979). On voit dès lors l'utilité de cette notion pour l'analyse de
l'identité d'une marque. Tout discours émis par l'encyclopédie de la production sur
une marque peut être analysé comme un acte d'énonciation et comme tel il porte, pour
ainsi dire gravé sur lui, d'une part les traces de sa production, et d'autre part une
préfiguration de la cible à laquelle il est théoriquement adressé. Combien de fois
nous est-il arrivé de dire, en observant une communication, qu'elle est typique de telle
ou telle marque ?. C'est parce que sa culture d'entreprise et son identité sont lointaines
de ces territoires et laissent des traces évidentes de leurs énonciations, même si les
efforts vont rationnellement dans une direction opposée. Parallèlement, il est clair
qu'en choisissant une communication de type didactique, ou ironique, ou sensuel,
l'énonciateur (l'entreprise, par exemple) préfigure des profils de récepteurs fort
différents. Un discours didactique préfigure un destinataire déficitaire quant au savoir
et ayant envie d'enrichir ses connaissances. Un discours ironique préfigure un
destinataire ouvert à la complicité et ayant envie de ne pas prendre les choses trop au

! 30!
sérieux. Un discours sensuel préfigure un destinataire à la recherche d'émotions et de
sensations plus ou moins fortes. Au-delà donc du simple contenu, même le ton, le
style, le type d'énonciation contribuent à cibler les types de destinataires auxquels un
message peut s'adresser. Un discours aura d'autant plus d'impact — et aussi de
crédibilité, de légitimité ou d'affectivité — qu'il saura proposer, à travers son
énonciation, le profil de réception le plus proche, ou le plus attrayant, pour les vrais
destinataires en chair et en os d'une communication. Nous retrouvons ainsi, encore
une fois, la question cruciale de la contractualité de toute forme de communication.
La notion de coopération interprétative développée principalement par Umberto Eco
(1979 et Les limites de l’interprétation, Paris, Grasset, 1990) apporte un éclairage
supplémentaire sur la question. D'après Eco, non seulement un discours préfigure le
profil de son destinataire, mais encore il a besoin de ce destinataire pour pouvoir
fonctionner activement. Une communication serait un peu comme une « machine
paresseuse » qui pour se mettre en mouvement, pour pouvoir commencer à produire
de la signification, nécessiterait de la coopération de ses récepteurs. Les récepteurs
accueillent la communication avec leur encyclopédie de réception, leurs attentes,
leurs savoirs, leurs envies, etc. Ils comparent la place qui leur a été aménagée par la
communication avec la place qu'ils ont effectivement envie d'occuper. Ils acceptent,
modifient ou rejettent le profil théorique d'eux-mêmes que le texte leur avait proposé,
et ainsi de suite. Ce n'est que de ce travail commun que le sens d'un discours ou d'une
communication se dégage, que la signification apparaît et que l'identité d'une marque
prend forme. La théorie de l'énonciation et la notion de coopération interprétative
confirment et enrichissent notre analyse. En effet, la notion de contrat pourrait laisser
croire qu'entre encyclopédie de la production et encyclopédie de la réception il
n'existe qu'un mode binaire de relation : acceptation ou refus, stipulation ou rejet du
contrat. Bien au contraire, ce ne sont là que des cas extrêmes. Dans la plupart des
situations, la rencontre des deux encyclopédies est faite d'infinis va-et-vient, de
modifications, de retouches, de transformations. Le récepteur ne se limite pas à
recevoir passivement une communication, il la modifie, parfois en profondeur, il la
travaille, il l'améliore, l'écourte, la développe. Le contrat final est toujours placé sous
l'enseigne d'une interminable négociation. C'est d'ailleurs un phénomène bien connu
de la part des gestionnaires de l'identité des marques et ponctuellement confirmé par
les études marketing. Une proposition d'identité de marque est rarement rejetée sans
merci ou acceptée intégralement. Presque toujours elle est altérée, modifiée, corrigée,
replacée dans un système d'interprétation plus en phase avec l'encyclopédie de la
réception. C'est à la rencontre des deux encyclopédies — de la production et de la
réception — après une longue négociation, entre proposition d'un contrat d'une part et
interprétation de cette même proposition de contrat d'autre part, que l'on retrouve,
comme un alliage rare concocté par un alchimiste savant, étincelante au fond du
creuset, l'identité de la marque. Par contre l’attitude du consommateur peut être
définie comme l’ensemble des éléments d’évaluation personnelle dont dispose un
individu à l’égard d’une marque ou d’un produit. On considère généralement que
l’attitude se compose de trois types d’éléments.

Les éléments cognitifs sont relatifs à ce que connaît ou croit connaître l’individu sur
! 31!
le produit.

Les éléments affectifs regroupent les sentiments éprouvés à l’égard du produit ou de


la marque.

Les éléments conatifs se composent des intentions d’actions éprouvées à l’égard de


la marque (essai, achat,..).

La communication publicitaire recherche à influencer l’attitude à l’égard de la


marque sur ces trois dimensions.

11) Pour résumer : les concepts clé du storytelling de la


marque et attitude du consommateur
Come on la vu à travers les différents niveaux (axiologique, narratif et discursif) la
communication publicitaire qualifie les caractéristiques d'un individu portant sur ses
valeurs, sa personnalité à travers un STORY-BOARD comme Scénario détaillé et
illustré d'un film publicitaire TV ou cinéma qui tient compte des STYLES DE VIE
(Façons de vivre tous les aspects de sa vie, incluant les aspects familiaux, relationnels
et la consommation) du consommateur selon une SEGMENTATION (Découpage
d'une population en fonction d'un ou plusieurs critères (géographiques, socio-
démographiques, socioculturels, comportementaux ... ). Les groupes ainsi constitués,
aussi homogènes et différents entre eux que possibles, peuvent être choisis comme
autant de cibles à atteindre à l'aide d'un marketing mix spécifique. La discipline
utilisée pour explorer l’univers communicationnel du consommateur et pour
construire les contenus du storytelling publicitaire est la SEMIOLOGIE (Discipline
d'études consistant à décoder les signes et symboles émis par les marchés, les
entreprises et les marques. Puis à étudier les relations entre ces signes et leur sens).
Les marketeurs utilisent la SEMIOMETRIE (Développée en exclusivité par la Sofres,
la Sémiométrie éclaire les sensibilités des consommateurs d'un produit, les amateurs
d'une marque, les lecteurs d'un titre, les spectateurs d'une émission. La mesure de ces
sensibilités repose sur les réactions des individus à une liste de 210 mots puis sur un
processus statistique. La Sémiométrie permet de suivre les valeurs montantes). Une
branche récente de la sémiologie appliquée au marketing est le marketing cognitif ou
neuromarketing. Science nouvelle dans le management, le neuromarketing permet
de rendre plus performante l'approche marketing. Il contribue à améliorer la
connaissance du client en apportant un éclairage sur tes émotions et en
investiguant son intelligence au-delà du déclaratif recueilli par les enquêteurs. Son
but n'est pas de remplacer les traditionnelles études marketing, mais de les compléter
en apportant une vision nouvelle à partir d'un regard sur le fonctionnement du
cerveau. Il rend plus judicieux les arguments de vente et de communication en
adaptant tes actions des commerciaux et des marketers aux réflexes instinctifs du
cerveau. Il permet une plus grande créativité des marketers en mettant leur
intelligence dans les meilleures conditions pour innover. Au-delà de l'approche
client le neuromarketing prépare les marketers à présenter à leur comité de direction

! 32!
des demandes claires et pertinentes, adaptées aux modes de fonctionnement de leur
intelligence et de leur mémoire. Par ce moyen, ils obtiennent plus facilement des
décisions positives en Leur faveur. Il tes éclaire enfin à conduire le changement
que réclame l'introduction du « sens du client » dans certaines entreprises en
limitant au maximum le stress des collaborateurs. Le neuromarketing repose sur
une transposition à l'approche marketing des études réalisées par tes
neurosciences dans le monde médical, lesquelles reposent sur diverses
connaissances et techniques permettant de comprendre les modes de décision du
cerveau. Parmi ces techniques, on compte la vision des zones du cerveau qui
s'éclairent face aux stimuli du marketing, de la communication, de la vente. Le
moyen employé est l'information par résonance magnétique nucléaire, obtenue grâce
à l'IRM ou à la pause d'électrodes. Plus simple est l'analyse des hormones secrétées.
Elles permettent de comprendre si les offres, les communications, les arguments de
vente, tes emplacements en linéaire apportent du plaisir au consommateur et le
poussent vers l'achat. On relève également l'utilisation d'appareils performants à
base de scanners qui analysent d'une manière très précise l'humidification de l'œil,
parfois imperceptible, preuve de la création d'une émotion. Sont aussi utilisés des
tests de stress et de mémoire, des études éthologiques sur te comportement des
animaux supérieurs afin de comprendre le fonctionnement du cerveau primitif.

12) Charlize Theron comme storytelling de Dior


L'aspect le plus important pour nous ici, concerne l'énoncé produit par l'acte
énonciatif (le storytelling) qui porte toujours inscrit, d'une façon plus ou moins
explicite, une préfiguration - une espèce de profil hypothétique - de la personnalité et
des caractéristiques du destinataire de l'énonciation (Eco, 1979). On voit dès lors
l'utilité de cette notion pour l'analyse de l'identité d'une marque. Tout discours émis
par l'encyclopédie de la production sur une marque peut être analysé comme un acte
d'énonciation et comme tel il porte, pour ainsi dire gravé sur lui, d'une part les traces
de sa production, et d'autre part une préfiguration de la cible à laquelle il est
théoriquement adressé.
Combien de fois nous est-il arrivé de dire, en observant une communication, qu'elle
est typique de telle ou telle marque? Les publicités de Dior avec comme testimonial
et héroïne narrative-discursive Charlize Theron, par exemple, se reconnaissent par
une sorte de fond commun, difficilement objectivable mais qui est néanmoins bel et
bien présent et perceptible.

! 33!
Charlize Theron en tant que femme Dior dans le spot storytelling de la marque

Quand Dior communique le plaisir ou l'hédonisme, met en scène un monde ou


un univers sophistiqué où la femme active, bien dans sa peau et dans sa sexualité
évolue dans un monde possible, celui de Dior qui relie le passé glamour et
envoutant avec le présent vers le futur axé sur une nouvelle forme de féminité.
Le discours du storytelling sonne toujours comme la construction d’un client modèle
inscrit dans le récit : la femme occidentale et notamment américaine WASP (White
Anglo Saxon Protestant) avec des revenues annuelles de 40000 dollars. C'est parce
que la culture d'entreprise de Dior et son identité habitent ces territoires et laissent des
traces évidentes de leurs énonciations. Sous cet angle 'analyse de la communication à
travers le storytelling concerne toutes les formes de discours liées à la mise en scène
d'une marque, à sa publicisation vis-à-vis des consommateurs. Il est essentiel que
l'analyse prenne en compte non seulement le présent communicationnel de la marque,
mais aussi son passé, dans la mesure où il contribue à la formation et à la
structuration du capital d'identité de la marque. La communication publicitaire joue
un rôle particulièrement important parmi les discours susceptibles de façonner
l’identité de la marque. Son importance ne devrait néanmoins pas être surestimée. La
marque est véhiculée par une panoplie très vaste d'outils y de communication qui
parfois et ceci de plus en plus fréquemment, contribuent d'une façon déterminante au
capital d'identité d'une marque. En utilisant les concepts fournis par la sémiotique,
l’analyse définira quelle est la façon spécifique de mettre en récit les valeurs de base
de la marque et quels sont les éléments (thèmes, personnages, décors, musique, etc.)
qui identifient la marque et la différencient des autres.
Dans ce cadre l'évaluation de la position de l'identité de la marque par rapport au

! 34!
cadre global des tendances, permet de préciser par exemple si l'identité, ou la mise en
récit, ou les thèmes utilisés par la marque, aboutissent à un discours dépassé,
traditionnel, contemporain ou carrément anticipateur. D'autre part cette évaluation
peut suggérer des pistes de positionnement conceptuel pour une marque en phase de
renouvellement, en tenant compte de la plus ou moins grande modernité des cibles
auxquelles la marque souhaite s'adresser.

A ce point nous sommes en mesure de donner la définition de marque comme un


repère mental sur un marché qui s’appuie sur des valeurs tangibles et des valeurs
intangibles ou immatériels. Par valeurs tangibles ils font référence aux éléments
mesurables et comparables d’une marque tels que le produit, me prix, le circuit de
distribution, la sensorialité etc. les valeurs intangibles ou immatériels sont : l’histoire
de la marque, se s symboles, les valeurs qui lui sont associés, l’imaginaire auquel elle
renvoie. Pareillement sur la base de la définition de la marque nous pouvons formuler
la définition de storytelling de l’anglais to tell=raconter et story= récit: technique de
communication visant à mettre le messages de la marque en récit par l’application de
procèdes narratifs pour faire connaître, adhérer ou agir un public donné, en mêlant
raison et émotion. Le storytelling mêle raison et émotion pour capter l’attention,
captiver et convaincre. Les histoires s’appuient sur des représentations archétypales :
mythes, contes, intrigues élémentaires (défis à relever, lutte entre le bien et le mal,
amours impossibles…)

13) Le storytelling de la marque comme mythologie


Se raconter comme mythe ou la mythologie au secours de la différenciation
marketing

Le storytelling des marques est en fait plus souvent le storytelling des "récepteurs",
des consommateurs plutôt que celui des émetteurs, les entreprises. Il y a marque
quand il y a rencontre entre une "idée", un "repère mental" proposition d’une
entreprise et une attente des consommateurs ou des clients qui rejoint cette
proposition. Et c’est pour cela que cela "marche". Les seules mythologies qui
"fonctionnent" sont celles qui existent déjà dans l’esprit des consommateurs : la
beauté par la nature, le troc comme vérité du commerce "équitable", la science qui
pourra retarder le vieillissement des jolies femmes. Comme le souligne Georges
Lewi mythologue, spécialiste du storytelling et des mythologies contemporaines,
auteur de Mythologie des marques – Quand les marques font leur storytelling, Paris,
Pearson-Village mondial, 2009, dont dans ce paragraphe nous exposons les points
forts, le mythe de la marque fonctionne avec le temps, légèrement ré-adapté, ré-écrit
comme toute histoire fondatrice. Le « logos », par contre, c’est à dire le rationnel
humain dénonce en même temps que l’imaginaire humain appelle21.
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
21!Cf. l’entretien sur la mythologie et la marque avec Georges LEWI
http://www.mythologicorp.com/la-mythologie-au-secours-de-la-differenciation-marketing/
!

! 35!
Le mythologue Paul Veynes s’interrogeait : "Les grecs croyaient-ils en leur dieux ?"
Comment les contemporains de Platon et de Socrate pouvaient-ils croire en ces
idoles et en ces divinités de l’Olympe que se chamaillaient comme des enfants
irresponsables? Ou avaient-ils besoin de croire en « ces fables » pour continuer à
vivre dans ce monde antique qui commençait à s’étendre ? Croyons nous vraiment au
storytelling des marques ou avons-nous besoin d’y croire pour continuer à vivre dans
notre société de consommation ?
Le storytelling des marques, leur narration originelle et fondatrice vient très
rarement de la publicité. La publicité n’est là que pour amplifier une base narrative
déjà légitimée par le nom de la marque, son iconographie, ses produits, ses actions
en faveur du public, son parcours marketing, par « le buzz » naturel des actions
réussies fait par les premiers consommateurs. On va souvent trop vite aujourd’hui.
Les faits et les RP doivent précéder la publicité et non l’inverse pour tenter d’obtenir
une crédibilité.
Les marques, comme le rappelle encore Georges Lewi, les plus publicitaires sont des
promesses de marques et des narrations dès leur apparition : MONSIEUR PROPRE
se développe par la publicité mais sa seule sémiologie lui attribue déjà un rôle
éminent auprès de la ménagère.
Internet est le lieu idéal des marques : un public large prêt à collaborer, une promesse
tenue ou non et immédiatement identifiable. Une condition d’appuyer cette promesse
sur une attente forte, de toujours, un mythe de l’humanité. Les pure players du Web
n’ont mis que 3, 5 ou 10 ans au plus pour s’imposer dans un univers marketing
encombré. Le storytelling des marques exprime une délivrance pour le consommateur
contraint. GOOGLE ou le savoir universel à portée d’un clic nous délivre des lourdes
encyclopédies et des bibliothèques aussi ennuyeuses que chronophages, EBAY par
le goût du troc "naturel" nous délivre des "commerçants" et nous fait accéder à ce
"statut", à ce "jeu" de la marchande bien connu des cours d’écoles maternelles.
Les publicitaires ne sont que sont que des porte-plumes. Mais le talent d’un porte
parole vaut de l’or cependant ! Certes aujourd'hui, les collégiens, par exemple,
restent accros aux marques comme Nike ou Cenverse, parce qu'ils ont besoin de
trouver leurs repères dans la société, et que la famille ne remplit plus son rôle
socialisant comme naguère. Même si avec la crise, les consommateurs se montrent de
moins en moins sensibles au caractère statutaire des marques pour se raccrocher aux
bénéfices concrets, le storytelling résiste et s’adapte à l'évolution sociétale actuelle.
La fonction identitaire des marques joue à tout âge. Avec l’engouement pour
l’IPHONE, 10 millions de cadres, hommes et femmes, sont redevenus des ados ou
des enfants, malgré la crise ! En fait, chacun a son espace rationnel (certes qui
s’élargit avec la standardisation qualitative des produits) et son jardin secret, "sa"
catégorie pour laquelle il ne regardera pas pour investir.
Pour certains, ce sera toujours l’automobile, d’autres la technologie, d’autres les
chaussures, d’autres la nourriture bio ou autre, d’autres les beaux livres et les éditions
originelles. Tous ceux là ne sauront pas attendre que « leur marque » soit copiée, que
les prix baissent et même lorsque cela devient le cas trouveront toutes les
justifications pour continuer d’acheter leur marque préférée, d’en payer le prix et de

! 36!
faire confiance à son storytelling.
Le storytelling n’est pas celui des marques mais celui des consommateurs !
Chacun a besoin d’un espace de rêve, fût-il très limité. Dans une société de
consommation, très peu arrivent à exclure totalement cette part de rêve de "leur"
consommation ... Faut-il s’en inquiéter ?
Le détour par la mythologie et par les grands archétypes universels est la
meilleure façon pour les marques de se remettre sur le chemin de l’efficacité
dans un contexte où la différenciation fait tant défaut, pour les produits comme
pour les discours des marques. On pourrait dire à la fois que tout a changé, et que
rien n’a changé, parce que la marque reste ce qu’elle a toujours été : un repère mental
sur un marché. En quoi les produits ou les services de la marque sont des repères sur
le marché ? Qu’est-ce qu’ils ont de différents, de mieux ? Le marché étant le nombre
de consommateurs potentiels solvables pour le produit en question. Ferrari a des
millions de consommateurs putatifs, mais le critère de solvabilité réduit sacrément la
taille de cette population, tout en élevant singulièrement sa moyenne d’âge ! Et il
s’agit bien d’un repère mental : en quoi la marque crée de la différence, au-delà des
qualités intrinsèques du produit générique. Autrement dit : quelle valeur est associée
à la marque, et quelle image première, quelle que soit la nature de celle-ci. Il y a dix
ou quinze ans, les marques étaient en « statut », en logique descendante vis à vis du
consommateur. Il y avait vaguement des points de rencontre, mais les marques
faisaient plus mine d’écouter qu’autre chose. Aujourd’hui, tout le monde est sur le
même plan, et cela change tout. La marque est un « copain » ou un « ennemi »
comme un autre. N’importe quel individu, au fin fond de l’Ohio ou de l’Ardèche peut
faire autant de mal à la marque –sur sa capacité à créer de la valeur- que ne peut le
faire le directeur marketing qui prendrait une mauvaise décision. Un mauvais
commentaire sur un site internet puissant, qui stigmatise une défaillance de la
marque, même petite, crée une verrue dont la marque ne peut se débarrasser.
Bien sûr, on peut considérer vis à vis de ces commentaires qu’il faut en prendre et en
laisser. Mais les entreprises sont tétanisées face à cela, et cela crée un grand frein à
l’audace, et donc à l’innovation, et donc à la différenciation…L’idée est de retrouver
une façon de se différencier, toute la difficulté étant que les produits se ressemblent
beaucoup, et que les entreprises essaient de préempter les mêmes 8 ou 10 grandes
valeurs : innovation, expertise, proximité clients, souplesse,… Ce qui est formalisé
aujourd’hui dans les plateformes de marque ne permet que rarement de générer la
différence nécessaire.
Ce qui m’amène à cet angle de la mythologie. Dès que l’on regarde cela d’assez près,
on découvre que toute entreprise a un mythe fondateur, avec des périodes héroïques
et des épisodes critiques. Elle a sa propre mythologie, qui s’inscrit dans un fonds
commun universel comme l’a montré Jung. Ma conviction est que les entreprises et
les marques se mettent en position forte lorsqu’elles s’approprient leur mythologie :
celle-ci est porteuse à la fois d’une grande singularité et d’une grande cohérence
d’action. Ce qui n’a pas de prix !On puise donc dans la mythologie universelle et les
grands archétypes. La mythologie, en 2 mots, c’est ce qui permet à l’homme de
comprendre le monde dans lequel il vit. C’est sa fonction. Les dieux ont été
inventés pour que les hommes comprennent qu’ils font face à des forces qui les
! 37!
dépassent, et pour les aider à se situer par rapport à elles. C’est ce qui a produit
les grands archétypes. Si l’on prend les grandes divinités gréco-latines par
exemples, chacune d’elles est représentative d’une grande force avec laquelle
l’homme doit vivre. Ces grands archétypes sont présents dans l’esprit des gens
depuis dix mille ans. Une fois que l’on applique cela aux marques et aux
entreprises, cela devient très intéressant. Parce que vous refaites du conscient
sur ce qui est de l’inconscient à la fois dans l’esprit des collaborateurs et des
consommateurs.
Pour faire des exemples prenons déjà simplement la notion de masculin et de
féminin, qui est quand même le grand archétype. A l’origine, le monde est féminin.
C’est Gaia, c’est la terre. Puis arrive le masculin avec Uranos, le ciel, qui est à la fois
le fils et l’amant de Gaia. Vous connaissez l’histoire… Là où je veux en venir, c’est
que dès l’origine, il y a deux types de population : une population sédentaire plutôt
féminine et pacifique ; et une population masculine de chasseurs, de nomades et de
guerriers. La première population a intérêt à avoir la patience de la culture, la seconde
utilise les étoiles pour se guider dans la conquête de nouveaux territoires et de
nouvelles richesses.
Et il y donc une vraie question à se poser pour les marques et les entreprises (et
qu’elles se posent très peu…) : celle de savoir si elles sont féminin ou masculin. Par
exemple, SFR est masculin, et Orange féminin, c’est très clair. Et les entreprises qui
ne sont ni l’un ni l’autre doivent se déterminer à un moment ou à un autre, sinon les
consommateurs décideront. Bouygues est encore un peu une marque asexuée, enfant.
C’est peut-être pour cela que beaucoup de ses offres s’appellent néo !
Donc une marque efficace ne se contente pas de raconter une histoire : elle
raconte son histoire. Parce qu’une marque est un point de vue donné au devant
du public, auquel celui-ci adhère ou pas. Elle est le héros d’une histoire, avec le
point de vue que lui donne la mission qui est la sienne. Elle comprend sa mission,
qui découle du sens qu’elle donne au monde. Et plus spécifiquement à la
catégorie de produit dans laquelle elle inscrit son action.
Cette notion de « mission » fait la boucle avec ce que l’on définit classiquement
dans une plateforme de marque. De plus, le passage par les archétypes et la
mythologie donne une tension intéressante, et permet de sortir de cette situation où
toutes les marques disent peu ou prou la même chose, en agitant les mêmes grandes
valeurs. On est plus proche de la notion d’ADN, avec une valeur centrale et
l’archétype qui se cache derrière.
Donc les marques doivent définir leur plateforme, avec le récit qui leur est
propre et donc on est bien dans le storytelling. Mais la difficulté est de ne pas
obtenir une histoire artificielle, mais quelque chose de tout à fait cohérent avec la
réalité de l’entreprise et de son passé. Faute de quoi l’on n’obtient rien d’efficace.
Cette cohérence doit être assurée en tenant compte du regard du consommateur, mais
aussi des perceptions et du vécu des collaborateurs eux mêmes, qui ont une
expérience intime et authentique de l’entreprise. C’est pour cela qu’il y a un réel
intérêt à ne pas raisonner que sur la marque, mais plus largement sur l’entreprise elle-
même, qui a de plus en plus valeur de caution pour la marque.
Il s’agit d’un un phénomène nouveau. Aujourd’hui, la lessive Le Chat signe avec
! 38!
l’indication « Qualité Henkel ». Au dos des produits Unilever, il y a désormais la
mention U. Ce sont des pratiques que les marques se sont interdites depuis plus d’un
siècle ! Et elles ont l’avantage de donner plus de marge de manœuvre aux marques,
de leur permettre d’être plus plastique, opportuniste. D’où l’entreprise devient la
super-marque, une sorte de méta-marque et de caution. Et on reboucle avec
quelque chose qui m’est cher, qui est la notion d’architecture des marques. Une
marque seule, cela ne fonctionne pas. Apple n’est pas qu’une marque. Elle est
d’abord une entreprise. Ce n’est absolument pas neutre. Cela signifie que derrière
les produits, il y a des gens, qui cherchent la simplicité, qui ont des valeurs bien
précises qui les guident. Ce n’est pas par hasard s’il y a des rituels si importants dans
les entreprises de la Silicon Valley. Ce n’est pas par hasard si Apple a recrée des
temples avec les Apple Store. Une marque mondiale comme Apple pourrait très
bien s’en passer si elle ne raisonnait que purement du point de vue de l’efficacité de
la distribution, d’autant plus que c’est un système couteux, avec une présence
humaine impressionnante. Mais on est bien dans l’entretien de la mythologie, avec
des temples qui relient les gens dans la même « adoration », avec des prêtres et des
prêtresses à disposition du public. Ils font tout le contraire de la plupart des marques,
qui sont à la recherche de la moindre économie possible.
Le point stratégique et basique pour la marque, c’est que l’histoire, la parole qui
raconte (le mythos = recit en grec) est toujours plus forte que la parole qui démontre
(le logos en grec = démonstration rationnelle) . L’histoire se mémorise plus que le
programme. Les gens mémorisent toujours plus facilement les anecdotes. Et au fond
la mythologie, ce n’est que cela : mythos, c’est le récit, la légende.
Ce qui est frappant en effet, c’est la capacité qu’ont les consommateurs à formuler
l’histoire, le storytelling originel. Les marketeurs oublient parfois l’histoire de la
marque ou de l’entreprise, trop occupés qu’ils sont à lancer le prochain produit, mais
les consommateurs en ont une vision très claire. Donc il faut les écouter. Et ne pas
avoir ni honte ni peur de son histoire.
En l’occurrence, il faut que les marques ou les entreprises se réapproprient la grande
histoire qui se cache derrière leur petite histoire. Et il y a des méthodes pour cela
parce que les archétypes existent. Et on voit à partir de cela ce qu’attend le public,
avec parfois sa déception si la marque n’est pas cohérente avec cette histoire.
Quand Air France vient sur le marché du low cost, par exemple, nous ne sommes pas
certain qu’elle soit bien en ligne avec son histoire. Il y a aussi l’exemple de Renault,
qui nous semble se focaliser sur la segmentation du marché au point d’oublier son
point de vue. Ce qui est toujours ennuyeux quand on fait un métier d’industriel, avec
la longueur des cycles de développement et donc l’inertie que cela suppose. Passés
les 50 ans d’après guerre, son concurrent Volkswagen nous semble au contraire en
train de réaffirmer son histoire. Dans un tout autre domaine, Levi’s semble avoir des
difficultés par rapport à l’attaque de Diesel et du jeans wear de luxe : elle a suivi le
courant fashion, et se retrouve dépossédé de son origine même, un peu style « jeans à
papa », même si le courant worker est justement en train de revenir très fort.

! 39!
14) Valeurs symboliques de la marque pour sa mise en
narration
L’image de l’entreprise et sa valeur symbolique comme marque qui donne une identité (identity
brand) et un discours narratifs voici un extrait du chapitre consacré aux produit à haute valeur
symbolique du livre de BENJAMIN R. BARBER Djihad versus McWorld. Mondialisation et
intégrisme contre la démocratie (Desclée de Brouwer, Paris, 1996 pp.45-60)22.

!
!
Les! marques! sont! des! codes! porteurs! d’associations! et! d’images!
soigneusement! cultivées! par! la! publicité! et! le! marketing.! Ce! sont! elles! qui!
génèrent! la! demande! du! marché.! Luciano! Benetton,! défendant! ses! campagnes!
publicitaires,! choquantes! et! profondément! nihilistes,! montrant! des! victimes! du!
Sida!et!des!scènes!de!violence!et!non!des!mannequins!sexy!portant!des!chandails!
pastel,!en!a!explicité!le!sens:!«!Nous!forgeons!un!nouvel!art!de!la!communication!
[...].!Nous!ne!racontons!pas!d’histoires.!Nous!disons!que!la!maladie,!la!guerre!et!
la!mort!existent!dans!ce!monde»23!Que!veut!donc!communiquer!l’image!du!torse!
nu!d’un!sportif!portant!le!tatouage!HIV!POSITIVE!aux!acheteurs!de!vêtements?!
Un!engagement!social?!Un!avertissement!subtil!contre!des!stéréotypes!ou!bien,!
au! contraire,! un! exemple! grossier! de! ce! genre! d’attitudes?! Une! provocation!
politique?! Ou! bien! est8ce! juste! un! amalgame! hip8hop! subliminaire! de! chair,! de!
maladie!et!d’attitude!pro8homosexuelle,!fondé!sur!l’attrait!du!morbide…!24
Mais! les! ! marchés! doivent! se! développer! et! la! publicité! a! naturellement!
tendance!à!s’insinuer!partout.!Il!faut!occuper!les!espaces!vides!ou!«!morts!»,!où!
qu’ils!se!trouvent,!c’est8à8dire!les!endroits!qui!n’ont!pas!encore!été!utilisés!dans!
un! but! commercial.! On! voit,! par! exemple,! des! salles! de! classe! s’équiper! de!
téléviseurs!qui!diffusent!les!publicités!de!la!chaîne!Channel!One.!La!technologie!
est! déjà! prête! pour! diffuser! des! publicités! par! téléphone,! pendant! les! quelques!
secondes!séparant!la!composition!du!numéro!de!la!réponse!de!l’appelé25!et!une!
société!envisage!de!placer!de!vastes!panneaux!d’affichage!électroniques!dans!le!
ciel!26.! «Vivre! sans! limites!»! slogan! de! Ralph! Lauren! pour! vendre! Safari,! son!
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
22
BENJAMIN R. BARBER est Directeur du Centre Walt Whitman pour la culture et la politique de la démocratie de
l’université Rutgers (Etats- Unis). Auteur de Démocratie forte (Desclée de Brouwer, Paris, 1997) et de Djihad versus
McWorld. Mondialisation et intégrisme contre la démocratie (Desclée de Brouwer, Paris, 1996).

23!Interview!de!L.!Bennetton.!Der*Spiegel,*septembre!1994.!
24!A! ce! moment,! Benetton! lançait! un! magazine,! Colors.* Sony! a,! de! même,! lancé! Sony* Style,* magazine! vendu! en!

kiosque.! C'est! une! nouvelle! stratégie! de! marketing:! le! «magalog»,! mi8magazine.! mi8catalogue.! il! y! en! a!
aujourd'hui!plus de!cent.!
25!Quantum!Systems!lnc.!a!déposé!des!brevets.!Voir!NYT,*27/06/94.!

!
26!Projet!de!Space!Marketing!lnc.!Voir!NYT,*4/05/93.!

! 40!
parfum! pour! hommes,! c’est! aussi! aller! coloniser! les! espaces! vides,! vides! du!
moins! de! publicité.! L’administration! Reagan! ayant! décidé,! en! 1984,! de!
supprimer! toute! limitation! au! temps! consacré! par! la! télévision! à! la! publicité,!
cette! dernière! s’est! infiltrée! dans! tous! les! types! d’émissions,! jusque! dans! les!
bulletins!d’information.!Les!distinctions!entre!les!genres!sont!quasiment!abolies.!
Les! advertorials,* publicités! rédactionnelles,! se! font! passer! pour! des!
appréciations! de! journalistes! indépendants.! On! a! également! inventé! les!
informations! commerciales,! face! auxquelles! les! téléspectateurs! ne! savent! pas!
s’ils! regardent! un! magazine! télévisé! présentant! objectivement! un! produit! ou!
bien!une!publicité!tentant!de!vendre!le!produit!«!en!douceur!».!Les(publicités(se(
présentent( également( sous( la( forme( de( fictions( ressemblant( à( des(
feuilletons,( comportant( des( personnages( et( des( intrigues( qui( se(
développent( d’épisode( en( épisode.( Mais( il( ne( s’agit( que( de( nous( vendre(
quelque( chose( en( nous( racontant( des( histoires.! La! chaîne! MTV! fait! mieux:!
spots!mis!à!part,!elle!constitue!tout!entière!une!publicité!sans!fin!pour!l’industrie!
de!la!musique!et!ses!produits,!ainsi!que!pour!la!culture!commerciale!en!général!
27.!Aujourd’hui,!la!synergie!permet!bien!des!choses.!Nike!offre!aux!lectrices!d’une!

de! ses! publicités,! ayant! la! forme! d’un! roman8photo,! un! numéro! de! téléphone!
pour!commander!le!«!Livre8source!des!femmes»28.!MCI!étudie!la!vente!d’un!livre!
racontant,! de! façon! romancée,! l’histoire! de! Gramercy! Press,! une! maison!
d’édition! qui! s’est! «câblée»! et! les! personnages! de! l’histoire! peuvent! être! joints!
sur!Internet!car,!comme!le!dit!l’agence!de!publicité!qui!orchestre!l’affaire,!«tout!
est!possible!dans!le!cyberespace!!»!
Les!ventes!liées!et!les!produits!dérivés!de!films!à!succès!comme!Jurassic*Park*et!
Le*Roi*lion*font! la! fortune! des! sociétés! qui! détiennent! les! droits:! Disney! attend!
cinq!milliards!de!francs!de!royalties!sur!Le*Roi*lion.*Cette!évolution!conduit!à!un!
effacement! des! frontières! entre! des! domaines! naguère! bien! distincts.! Le!
programme!marketing!de!Disney!«!crée!des!liens!entre!ses!films,!ses!livres,!ses!
enregistrements!et!ses!parcs!à!thème»!et!la!synergie!obtenue!est!sans!équivalent!
29.!

Le!cas!des!fabricants!de!chaussures!de!sport!est!intéressant!à!étudier.!Il!montre!
la!prédominance!de!la!marque!sur!le!produit!et!les!associations!psychologiques!
qui! permettent! de! vendre! plus! et! de! façon! plus! rentable.! Pour! réussir! à! capter!
une!part!de!marché!de!vingt!milliards!de!francs,!la!firme!Nike!ne!se!contente!pas!
de! vendre! des! chaussures,! elle! cultive! la! fidélité! des! clients! à! sa! marque! en! y!
associant! un! choix! de! style! de! vie! et! des! images! qui! le! symbolisent.! A! la!
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
27 !«! Payez8vous! ce! jeune! de! vingt8quatre! ans! et! vous! aurez.! gratuitement,! tous! ses! amis,! dit! MTV! à! ses!
annonceurs,!S'il!ne!vous!connaît!pas,!vous!êtes!cuits.!C'est!un!leader!d'opinion.!Il!regarde!MTV,!ce!qui!veut!dire!
qu'il!en!sait!long!et!pas!seulement!sur!les!CD!à!acheter!ou!les!films!à!voir.!Il!sait!quelle!voiture!conduire,!quels!
vêtements! porter! et! quelle! carte! de! crédit! utiliser.! Et! il! n'est! pas! seul,! mais! à! la! tête! de! toute! une! bande! de!
copains»! Reproduit! dans! Adbusters,*vol.! 3,! n°! 2,! été! 1994,! revue! trimestrielle! canadienne! qui! est! un! exelleent"!
magazine!de!l'environnement!mental!",!analysant!de!façon!critique!l'industrie!de!la!publicité.!
28!Nike!a!fait!publier!dans!des!magazines!féminins!une!luxueuse!publicité!de!12!pages,!«!Le!coup!de!foudre,!pièce!

en!six!actes»!intitulée"!Désir,!euphorie,!peur,!dégoût!et!la!vérité!»,!dans!laquelle!les!chaussures!jouent...!un!rôle!de!
premier!plan!!
29!S.!Hofmeister,!«ln!the!Realm!of!Marketing,!the!Lion!Rules",!in!NYT,*1/06/94.!

! 41!
recherche! de! stratégies! mondiales! efficaces,! Phil! Knight,! patron! de! Nike,! a! fait!
appel!à!l’usine!à!rêves!qu’est!l’agence!de!publicité!d’Ovitz,!et!ce!dernier!lui!a!dit:!
«! Le! sport! est! désormais! beaucoup! plus! qu’un! divertissement»30.! L’humanité!
marchait!sur!la!terre!depuis!des!millénaires!sans!les!chaussures!spéciales!créées!
ces!dernières!décennies!pour!les!athlètes!professionnels.!Mais!aujourd’hui!40!%!
des! chaussures! vendues! sont! déjà! des! articles! de! sport! et! si! Nike,! Reebok! et!
Adidas! réussissent,! bientôt! personne! ne! marchera! plus! sans! leurs! produits! et!
cela! résultera! d’un! choix! de! style! de! vie! provoqué! par! la! manipulation!
d’émotions! liées! à! la! victoire! dans! les! compétitions! sportives! et! non! de! la!
nécessité!de!satisfaire!des!besoins!liés!à!la!marche!ou!à!la!protection!des!pieds.!
«! Nous! ne! sommes! pas! des! fabricants! de! chaussures,! explique! la! responsable!
de!la!communication!de!Nike,!nous!sommes!dans!le!secteur!du!sport»!31.!Le!P8DG!
de!Nike!est!encore!plus!clair:!"Comment!nous!y!prenons8nous!pour!conquérir!les!
marchés! étrangers?! demande8t8il! dans! le! Rapport! annuel! de! 1992.! De! la! même!
façon!qu’ici.!Nous!exportons!tout!simplement!du!sport.!C’est!le!meilleur!secteur!
économique!du!monde!»!32.En!fait,!pas!exactement!du!sport,!pas!simplement!du!
sport,!mais!plutôt!l’image!et!l’idéologie!du!sport:!victoire,!énergie,!santé,!argent,!
richesse,!sexe!8!n’en!parlez!pas,!«just!do!it!!»,!faites8le!!
Si!seuls!les!vrais!athlètes!utilisaient!des!chaussures!de!sport,!la!clientèle!serait!
bien! trop! restreinte!! L’objectif! est! donc! de! faire! croire! aux! spectateurs! des!
compétitions!qu’en!portant!des!Nike!ils!sont!eux!aussi!des!sportifs.!!
La! nouvelle! réalité! virtuelle! de! Nike,! définie! par! l’information! et! la!
communication! dans! le! cyberespace,! est! réifiée,! incarnée! sur! terre! dans! de!
nouvelles!boutiques,!les!«!Nike!Towns!»,!dont!le!prototype,!dans!la!banlieue!de!
Portland! dans! l’Oregon,! décrit! comme! «mi8Disneyland,! mi8MTV! »,! est! équipé!
d’écrans! vidéo! et! vibre! au! son! lancinant! d’une! batterie! évoquant! le! bruit! de!
ballons!de!basket.!Ces!«!Villages!Nike!»!sont!devenus!des!attractions!touristiques!
qui! attirent! des! foules,! venant! y! chercher! non! des! chaussures! mais! un!
spectacle"33.!Ce!type!de!magasins!est!à!la!boutique!classique!ce!qu’est!le!nouveau!
marketing!d’image!à!la!vente!traditionnelle!de!produits.!C’est!une!sorte!de!parc!à!
thème! dans! lequel! le! sport! (pour! gagner?! pour! faire! de! l’exercice?! ou! tout!
simplement!pour!en!faire?)!envahit!la!réalité.!!

!
!
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
30!Voir!F.!Deford,!«Running!Man",!in!Vanity*Fair,*août!1994.!Voir!aussi!D.!Katz,!Just*do*il,*NY,!Random!House,!1994.!
31!!Chl.!Brennan!«!The!Athletic!Shoe!Company!That!Won't!Tread!Softly!»,*WP,*NWE.!31/05/93.!
32!Nike,!Rapport!annuel!1992.!
33!M.!Lev,!«!Store!of!Future:!it!Also!Sells!Shoes»,!NYT,*17/06/91.!

! 42!
15) La marque comme image, et positionnement : le
prisme de Kapferer

LA MARQUE, LE PRISME ET KAPFERER


selon l’agence d’étude de Marketinf Déméter et Kotler http://demeteretkotler.com/2012/12/26/le-prisme-didentite-de-
kapferer/

Même si le nom de l’outil apparaît en premier lieu plutôt alambiqué et barbare, n’ayez
aucune crainte quand à un potentiel manque de compréhension de votre part. L’outil est
facile à saisir et à utiliser. Mais avant toute chose, dressons le portrait-robot d’une marque,
de ce qui la constitue, et regardons comment ce prisme de l’identité peut nous aider dans sa
compréhension.
Une marque est la somme de trois éléments : l’image, le positionnement et l’identité

L’image représente l’opinion des consommateurs à un moment donné sur la marque.


Comme une mode, elle est fluctuante et éphémère et dépend directement de l’humeur du
consommateur à votre propos. On peut bien entendu l’améliorer par des actions ciblées tout
comme elle peut se dégrader en cas de scandale médiatique.
Le positionnement de la marque est un choix de l’entreprise afin de rester compétitif dans le
marché où elle évolue, en prenant en compte l’environnement concurrentiel, les attentes du
consommateur et les évolutions du dudit marché.
L’identité de la marque renvoie à son histoire et aux valeurs qui l’ont permis d’émerger et
d’être aujourd’hui présente sur son marché. Alors que l’image dépend directement de
l’humeur fluctuante du consommateur, que le positionnement est assujetti à
l’environnement concurrentiel, l’identité est difficilement altérable par les facteurs
extérieurs.

! 43!
Le prisme d’identité de Kapferer est un outil utilisé pour connaître l’identité d’une marque à
travers l’analyse d’une publicité et/ou la connaissance de son historique.
Mais quel est l’intérêt de connaître cette identité ?
Le premier intérêt renvoie au potentiel financier que possède une marque. Si elle est forte,
valorisée et stable dans le temps, elle coûte cher à la revente ou à l’achat ! Evaluer la force
de son identité est synonyme d’évaluer sa valeur financière.
Le deuxième intérêt réside dans la connaissance même de sa marque afin de pouvoir
innover dans sa directe continuité. Pour construire le futur de sa marque, il faut connaître
son passé au risque de le trahir sans même s’en rendre compte. Prenons l’exemple de
Chevignon dont la valeur de la marque a chuté lorsqu’il a diversifié ses activités, passant
des vêtements pour enfants aux cigarettes. Les mères de famille n’ont pas toutes adhéré à
cette extension…

Le prisme de Kapferer va vous permettre une compréhension claire et succincte de la


symbolique de la marque exprimée à travers une publicité.
Présentation du prisme
Les données qu’il vous faut connaître pour réaliser le prisme en bonne condition sont celles
que vous allez collecter à travers l’analyse de une ou plusieurs publicités et des éléments
sous-jacents à cette dernière (slogan, logo). Une connaissance de l’historique est souhaitable
comme support à la compréhension.
L’outil s’organise comme suit

Six éléments forment l’identité de la marque

Le Physique
Il représente le Product des 6P+S du Marketing-mix, c’est-à-dire les caractéristiques

! 44!
physiques du produit, son packaging ou emballage, son design global… Ce sont les
éléments physiques ou matériels du produit que l’on retrouve dans la publicité. C’est la
beauté extérieure de la marque en quelque sorte.
La Personnalité
La personnalité d’une marque ne diffère en rien de la personnalité d’une personne, elles sont
totalement semblables. La marque est une personnalité humaine comme les autres, d’où la
notion d’entité sociale pour caractériser une entreprise. Une approche classiquement utilisée
pour décrire les traits psychologiques consiste à suivre la méthode OCEAN.
Cet acronyme explicite cinq facteurs principaux de la personnalité humaine

Tout comme une personne, la personnalité de la marque va être jugée sur ces cinq facteurs
psychologiques, de façon indépendante entre eux. Si une personne n’est pas extravertie, il
ne faut pas tout de suite juger son ouverture au monde comme limitée. Au contraire, la force
de la méthode OCEAN (ou Big Five, une autre dénomination) vient de cette indépendance
qui permet de tracer cinq traits de caractère sur une marque (ou une personne).
L’ouverture
Il est important de noter que l’ouverture d’esprit d’une personne est tout à fait indépendante
de son quotient intellectuel. L’exemple le plus concret est l’image de l’expert, plutôt
intelligent pour l’être, mais qui est fermé aux autres disciplines. Enfin, les deux styles
d’ouvertures d’esprit (personne ouverte vs personne fermée) ont leurs qualités et
inconvénients.

! 45!
La Conscience
La conscience renvoie à la façon dont l’individu contrôle ses envies et les dirige pour servir
ses intérêts.
Ici s’oppose deux caractères : les consciencieux et les impulsifs.
Les personnes consciencieuses comprennent les enjeux de chaque problématique et
planifient leurs actions pour les atteindre, ils sont méthodiques, rigoureux et organisés. De
ce fait, on a tendance à avoir confiance en eux, à les considérer comme fiable. Toutefois,
être trop consciencieux se retourne contre vous de par l’image terne et morose de l’homme-
machine perfectionniste que vous pouvez véhiculer.
La personne impulsive sera considérée comme quelqu’un suivant son élan, très intuitif, qui
peut apporter une réponse immédiate à un problème urgent. Ils sont dynamiques, bons
vivants, hardis, casse-cou et audacieux. Le seul défaut est que la personne impulsive vit du
jour au lendemain, n’a pas de vision d’ensemble et manque de recul. Souvent ils dépassent
les limites et on ne peut pas trop compter sur eux…

! 46!
L’extraversion
Très facile saisir, le caractère extraverti ou introverti de la personne ou de la marque. Les
extravertis puisent leur énergie auprès des autres (grâce au contact de l’autre) tandis que les
introvertis trouvent leurs forces en eux-mêmes. Cela ne signifie pas que l’introverti est un
timide sociopathe et l’extraverti un hurluberlu bruyant. Évitons les stéréotypes.
L’agréabilité
Assez facile à saisir, l’agréabilité se définit comme la capacité de coopérer socialement ainsi
que de vivre en bonne entente avec les autres. Les personnes agréables sont appréciées et
populaires mais incapables de gérer des situations demandant la réalisation d’actions
socialement difficiles comme celle de critiquer ou qui nécessite une certaine violence. Ici
Jim Carrey nous illustre magnifiquement la personne agréable et la personne désagréable.

! 47!
Le Neuroticisme
Si, le mot existe. Le neuroticisme caractérise la capacité à ressentir des émotions négatives
et de les faire durer en soi. La personne particulièrement sensible va réagir négativement là
où la majorité n’est à peine affectée. De petites situations de la vie quotidienne vont leur
apparaîtront comme de véritables menaces et un petit détail qui ira de travers sera l’élément
déclencheur d’une mauvaise humeur. Ils sont instables émotionnellement et plus sensibles
que les autres, ils réagissent plus.

A l’inverse, la personne considérée comme étant peu atteinte de neuroticisme démontrera


une stabilité émotionnelle, un certain sang-froid et ne sera pas impactée durablement par les
travers qu’il rencontrera dans la vie.
Ainsi ces cinq traits de caractère vous permettent de cerner la personnalité de votre marque,
même si je l’avoue, il est difficile d’appliquer des notions de psychologie humaine à cette
dernière. La méthode OCEAN vous donne des premières pistes intéressantes pour
commencer votre travail, mais à vous également de trouver la méthode qui vous sied le plus.

! 48!
La Relation
La relation traduit le lien que veut créer la marque avec son client. Chaque marque, à travers
ses publicités, véhicule des idées fortes et des revendications qu’elle désire partager avec ses
consommateurs et plus largement avec tout le monde. De ce partage se crée une relation, le
consommateur va tirer une expérience (symbolique, sensuelle, didactique…) grâce à la
publicité. En retour, car un échange n’est pas à sens unique, il sera témoin de la publicité et
même consommateur si cette dernière lui a plût !
La Culture
La culture renvoie à l’environnement dans lequel la marque s’est développée. Cette
environnement étant défini par un système de valeurs dont la marque va s’inspirer et va
intégrer. On retrouvera ses valeurs par la suite dans les discours qu’elle tiendra, et
notamment la publicité. Un exemple très simple est Coca-Cola, qui repose sur un système
de valeurs américain. Prenons l’exemple d’un produit récemment présenté au SIAL que
nous avons bien aimé et étudions ensemble son système de valeur :

! 49!
Trois valeurs ressortent de l’étude de ce produit :
• La citoyenneté, mérite du produit local, avec un poisson pêché, travaillé et conditionné en
Bretagne par des travailleurs français,
• L’écologie, autre mérite du local, le poisson étant pêché et conditionné sur le territoire,
cela implique un faible impact sur l’environnement de par les faibles distances de
transport nécessaires
• L’émotion, avec l’idée que ce sont d’honnêtes pécheurs bretons de notre territoire qui
rapportent ce produit pour nous. Cela est d’autant plus vrai au fur et à mesure que
vous rapprochez de la côte !
Le reflet
Le reflet d’une marque est facile à percevoir par l’étude d’une publicité. Le reflet n’est rien
d’autre que la cible idéalement visé par la publicité, c’est le cœur de cible de la
communication, c’est le consommateur-type que la marque veut séduire. Bien évidemment,
ce reflet est souvent explicité par le personnage principal de la publicité, mais ce n’est pas
forcément le cas. Par exemple, une publicité qui met en scène des seniors pour vendre un
produit destiné aux jeunes ou inversement.
De ce fait, le reflet est réducteur en ne concernant que le cœur de cible et en délaissant les
autres cibles potentielles de la marque.
La mentalisation
La mentalisation est intimement liée aux besoins latents du consommateur lorsqu’il
s’approprie une marque. Ce n’est rien d’autre que l’idéal que voudrait atteindre le
consommateur à travers la consommation de la marque.
Il est évident que la consommation permet à une personne de projeter une certaine image de
lui-même aux autres et à la société, et de ce besoin de projection naît le principe même de
marque. Si je consomme des produits haut de gamme, c’est pour me faire plaisir à moi-
même mais aussi pour montrer aux autres que j’ai les moyens de consommer de la sorte. De
même, si j’achète un produit issu du commerce équitable, cela est aussi bien pour des
raisons personnelles que pour montrer aux autres mon engagement solidaire. La
consommation de marques nous aide à atteindre un être idéal que nous voulons incarner. Le
profil de cet être idéal va être à équivalent à la mentalisation d’une marque.

Du théorique à la pratique
Le prisme d’identité de Kapferer est avant tout un outil structurant qui évite à celui qui
désire analyser une marque et/ou une publicité de formuler des idées décousues. Comme
tout outil, il n’est pas infaillible même s’il a fait ses preuves, rien ne vous empêche de le
modifier si cela vous simplifie votre étude.
La théorie est sympathique et sans prise de risques contrairement à la pratique où il faut
donner son point de vue. Néanmoins, nous vivons une vie dangereuse chez Déméter et
Kotler et de ce fait, nous vous proposons deux exemples d’analyse de publicité avec le
prisme de Kapferer.
La première publicité nous tient à cœur. Il s’agit de l’affiche publicitaire Perrier Lime (dit
l’Ensorceleur) et Perrier Citron (dit le Taquin) réalisée par l’agence Cato Johnson juste
avant la crise du Benzène, en pleine apogée de la marque.
La seconde est une affiche pour le café Lavazza avec la reprise moderne et sensuelle
du mythe de Romulus et Rémus. Coup de cœur également par le mélange de l’ancien et du
moderne et de l’audace bien connue de Lavazza.

! 50!
16) Étude de cas n.1

L’ENSORCELEUR ET LE TAQUIN DE PERRIER :


ENTRE APOGÉ ET CRISE

Analysons ici la marque Perrier à travers cette affiche de 1989 réalisée par l’agence Cato
Johnson. Bien évidemment, l’analyse que nous allons effectuer ici concerne la marque
Perrier en 1989 et non actuellement. Et depuis, Perrier a bien changé. Toutefois 1989
représente l’apogée de cette marque avant qu’elle ne s’effondre en 1990 par la crise du
benzène. Dommage.

Historique de Perrier
Un premier élément pour analyser une marque est de s’intéresser à son historique. Celui-ci
apporte des premiers éléments de compréhension, en plus de l’analyse de la publicité en
elle-même.
Quelques dates-clés récupérées sur le site des Arts décoratifs
1979 : Création par G. Leven des premiers Perrier aromatisés citron et citron vert (lime).
Ces deux produits sont lancés aux Etats-Unis et représentent un succès pour la marque, qui
ne cesse de diversifier ses actions de relations publiques. 1979 est l’année où le marathon de
New York est sponsorisé, avec plus de 6000 coureurs traversant Central Park habillés d’un
tricot Perrier.
1980 : Perrier devient le premier sponsor de Roland Garros. Une édition limitée de 20 000

! 51!
bouteilles est tirée pour souligner l’évènement. La notoriété de Perrier continue de croître.
1980 représente également la création du marché des eaux minérales en Grande-Bretagne.
A. Warhol réalise cette année-là une affiche publicitaire pour Perrier.
1984 : 45% du CA de Perrier est consacré à l’export afin d’asseoir sa position de leader
international sur le marché des eaux minérales. La tactique de Perrier pour conquérir un
nouveau marché est simple mais efficace : présenter le produit comme une marque
prestigieuse et confier les actions de communication à une agence locale afin d’acquérir une
notoriété locale. Ensuite, proposer Perrier dans les cafés, les hôtels et les restaurants dans le
but de créer une habitude de consommation. Perrier est la première firme mondiale d’eaux
minérales à cette époque.
1987 : Création du département Marketing et lancement des Perriers aromatisés en France.
1989 : Création de l’affiche publicitaire Perrier Lime (dit l’Ensorceleur) et Perrier Citron
(dit le Taquin) par l’agence Cato Johnson située à Paris. Cette affiche est destinée aux pays
européens francophones et remporte la même année le Gold Award de l’affiche publicitaire.
Perrier a atteint son apogée, aussi bien en termes de notoriété, de puissance que d’estime
dans l’esprit des consommateurs.
1990 : Crise du benzène aux Etats-Unis. Le géant Perrier est gravement touché et ne
retrouvera jamais l’âge d’or de 1989. Il se retire du marché des Etats-Unis et sauve sa peau
en Europe.

1992 : Rachat de Perrier par Nestlé, qui lui ouvre ainsi le marché d’Asie du Sud-Est.
Symbolique de la marque Perrier
Jusqu’en 1990, Perrier est synonyme de prestige avec un positionnement haut de gamme sur
le marché des eaux minérales. Sponsor de Roland Garros depuis 1980, la marque est

! 52!
populaire en France et se destine plus à une classe aisée de la population. Enfin, son prestige
outre-Atlantique est assuré avec la participation d’Andy Warhol pour la création d’affiches
publicitaires ou encore le sponsoring du marathon de New-York. On peut dire de Perrier, en
1989, qu’elle est une Lovemark, symboliquement synonyme de réussite (réussite sportive,
réussite artistique, réussite commerciale avec ce fort attachement aux Etats-Unis). Elle
transmet à son consommateur l’idée de la réussite sociale, aussi bien professionnelle que
personnelle.

Le packaging et la forme de la bouteille Perrier, aux lignes épurées et élégantes, renforce ce


positionnement haut de gamme.
Ce n’est pas le fruit d’un hasard si Perrier est perçu de la sorte mais bien une stratégie
marketing efficace. Depuis 1984, Perrier est présent internationalement et joue sur cette
image de marque prestigieuse pour pénétrer le marché et convaincre le consommateur.
Dans le contexte de 1989, Perrier lance en France sa gamme aromatisée Lime et Citron, déjà
bien présente aux Etats-Unis. Il va user de la même stratégie, à l’exception que Perrier est
déjà une marque prestigieuse dans l’Hexagone. L’affiche va être réalisée par une agence
locale à la destination des pays francophones dans le but d’installer ces nouveaux Perrier sur
le même segment haut de gamme que le Perrier classique. Pour cela, l’art est un outil
redoutable. Ce n’est pas la première fois que Perrier l’utilise d’ailleurs.

! 53!
Ces deux publicités affichées à un an d’intervalle utilisent l’art comme moyen de
valorisation. On retrouve clairement le style fauviste avec comme inspiration les tableaux de
Matisse, notamment La Danse.

! 54!
Pour mieux cerner la position de cette affiche publicitaire dans la symbolique de la marque
Perrier en 1989, réalisons une analyse structurée de cette marque à l’aide du prisme
d’identité de la marque de Kapferer (le fameux !) :

Cette symbolique de la marque va nous aider dans la compréhension de la stratégie de


communication établie par Perrier.

! 55!
La stratégie de communication de Perrier
Idée de campagne
Nous sommes en 1989, Perrier est à l’apogée de sa puissance. Il désire lancer sur le marché
français ses Perrier aromatisés Lime et Citron, qui sont déjà des succès aux Etats-Unis. Sa
stratégie est de jouer sur la notoriété et le prestige de Perrier à travers une campagne de
publicité réalisée par une agence locale.
L’idée de campagne est clairement de jouer sur trois niveaux : un niveau artistique, onirique
et un niveau qui caractérise la symbolique même de la marque Perrier.
Niveau artistique : l’affiche fait référence aux tableaux d’Arcimboldo. L’art est ici utilisé
comme outil de positionnement haut de gamme de la bouteille. L’art n’étant pas à la portée
de tous mais de nature élitiste, Perrier l’a choisi ici comme support de son prestige dans le
cadre de sa stratégie marketing. Toutefois, le choix d’Arcimboldo, artiste connu, populaire
et raffiné de la Renaissance, n’est pas anodin. Perrier fait le choix ici d’un art à la fois
populaire et prestigieux, que les personnes du commun reconnaissent et à qui les personnes
aisées s’associent à travers la bouteille. Ainsi, le consommateur à travers cette affiche se
matérialise une appartenance à une certaine élite férue d’art (mentalisation ou apparence
interne).
Niveau onirique : Le Perrier Lime et Citron sont dématérialisés sous la forme des matières
premières agricoles constituant l’essence même de la différenciation avec le produit initial
(le citron et le citron vert). Ces matières premières s’assemblent afin de figurer une forme
humaine et rêveuse. Chaque citron pris individuellement n’est rien mais la totalité de
l’image forme le sujet. Nous sommes clairement ici à un niveau onirique. Enfin, les
surnoms donnés aux deux personnages (L’Ensorceleur et le Taquin) exacerbe notre
imagination. Pourquoi l’Ensorceleur ? Pourquoi le Taquin ? Aucun indice ne permet une
compréhension suffisante, la solution provient uniquement de l’imagination du lecteur.
Symbolique de la marque : Au-dessus de ce niveau artistique et onirique, on retrouve les
codes visuels et le positionnement haut de gamme de la marque. Cette présence se
matérialise à travers le slogan « A boire frappé », la référence au produit avec le logo en bas
de l’affiche et le code couleur général de la marque (vert, blanc, jaune). L’espace onirique et
artistique crée est rattaché à la réalité de la marque et du marketing. Ce rattachement à la
réalité différencie ici clairement l’affiche de l’œuvre d’art.
Copy-strategy
Le reflet : cœur de cible de la marque
Souvenez-vous que le reflet possède la vilaine tendance à ne concerner que la cible idéale
en restreignant les autres cibles possibles. De ce fait, il est probable de tomber un peu dans
la caricature. Les caractéristiques de notre reflet sont les suivantes :
• CSP+, homme/femme, vivant dans les villes mais possédant une maison de campagne
pour s’échapper le week-end,
• Cadre supérieur, hommes d’affaires, commercial, manager,
• Souvent en déplacement à l’étranger (Europe, Etats-Unis),
• Style de vie bourgeois, sportif, dynamique
• Culture de la jeunesse et de la forme, cachant un refus de vieillir et de s’effacer du monde,
• Fréquentation d’un club de sport privé, de café ou de restaurant haut de gamme,
• Pratique du tennis, du golf, de l’équitation,
• Fréquentation des musées, des lieux d’art, des salles de ventes, cinéma et théâtre,

! 56!
• Vie sociale et culturelle riche,
• Cultivé, raffiné, dandy sportif,
• Marque associée: Lacoste, Ray Ban, Weston, Burberry, Hermès.
Les objectifs de la communication
L’objectif principal était de supporter le lancement de produit des Perrier Citron et Perrier
Lime dans les pays francophones européens. L’objectif est donc la notoriété.
La promesse de base
En tant que consommateur, je suis à la recherche d’une eau de consommation qui me
permettra de me différencier et de montrer à mon entourage que je suis différent. L’eau
étant un produit banalisé et disponible pour tous, je recherche une alternative
différenciatrice qui me permet de revendiquer mon appartenance à une élite, synonyme de
réussite personnelle et professionnelle.
Reason-why
Un produit embouteillé en verre avec un packaging recherché, une personnalité de la
marque attachée aux valeurs de « l’American Dream » ainsi qu’à des valeurs sportives et de
réussite sociale et un soutien véritable par des artistes contemporains sont des raisons qui
permettent au consommateur de trouver en Perrier le produit haut de gamme qu’ils
cherchent. L’utilisation de l’univers d’Arcimboldo permet d’élever culturellement le produit
à l’image du consommateur qui désire également à travers sa consommation, s’élever dans
un groupe social supérieur.
Le ton
Il serait facile et inexact de s’arrêter sur le ton humoristique pour qualifier cette publicité. Le
ton utilisé est onirique, il renvoi à l’imaginaire et au monde des rêves. Les surnoms donnés
aux deux personnages symbolisant chacun un produit (« le Taquin »
et « l’Ensorceleur ») n’obéissent à aucun processus logique et sont sortis directement
de l’esprit du publicitaire. A nous d’imaginer un sens à l’attribution de tels pseudonymes
avec les deux personnages sortis de l’univers d’Arcimboldo comme support de réflexion et
d’inspiration.

Conclusion de l’étude
Publicité-clé car émise à l’apogée de la marque en 1989, il faut ici comprendre la marque
avant de vouloir comprendre l’affiche.
En 1989, Perrier est à son apogée avec une notoriété certaine, installé dans de nombreux
pays, bénéficiant du soutien d’artistes mondialement connus et sponsor de Rolland Garros,
évènement sportif véhiculant des valeurs bourgeoises, positives et dynamiques. Boire
Perrier en 1989 était synonyme d’appartenance à une élite sociale, à une sphère de
valeurs conduisant au succès professionnel tout en revendiquant une sensibilité aux arts.
L’utilisation d’Arcimboldo et du ton onirique est ici un choix tout à fait adapté au regard de
la marque, de son accomplissement et de la cible marketing. Arcimboldo en premier lieu
n’est pas un choix anodin : relativement connu du grand public de par la grande originalité
de ses œuvres, il permet à Perrier de toucher sa cible mais de nombreux autres non-
consommateurs non profanes. Le ton onirique est également en accord avec la cible qui ne
se pose pas ici la question du sens, mais interprète par lui-même la nature du message. Cette
auto-interprétation le flatte également dans sa volonté d’appartenance à un groupe qui ne lit
pas passivement un message mais le décrypte activement. Enfin, la personnalité de la
marque et la nature même du produit renforce ce positionnement haut de gamme du produit,
aussi bien matériellement qu’immatériellement (le produit est haut de gamme culturellement

! 57!
et socialement). Un pari risqué pour Perrier de par la complexité du message et de l’affiche
mais qui a l’avantage d’être frappant et facilement mémorisable. Il est clair qu’après 1990,
le ton onirique et l’ambiance imaginaire n’auraient pas pu être utilisés au regard du besoin
de rassurer le consommateur suite à la crise du benzène.

« Le Taquin » et « L’ensorceleur » sont véritablement les deux figures qui signent l’apogée
de Perrier

Et ainsi s’achève cette étude de la marque Perrier à travers cette belle affiche de 1989.
Avant tout, les propos que nous énonçons ici est notre point de vue et rien ne vous prouve
que nous avons raisons ! Chacun son point de vue, voilà le nôtre ! Néanmoins, vous pouvez
maintenant apprécier l’utilisation de l’outil de Kapferer dans une démarche organisée
d’analyse d’une marque à travers sa publicité.
Un autre exemple, cette fois-ci concernant Lavazza, est disponible ICI . Si vous avez un
petit trou de mémoire sur le prisme d’identité de Kapferer, cet article ICI vous rafraîchira la
mémoire.
L’équipe Déméter et Kotler

! 58!
17) Étude de cas n.2

LAVAZZA ENTRE MODERNITÉ ET TRADITION


Faisons de même que Perrier avec ici l’affiche polémique de Lavazza représentant une
interprétation du mythe fondateur de Rome de Romulus et Rémus. Le but, ne l’oublions pas,
est de vous montrer comment s’inscrit le prisme de l’identité de Kapferer au sein d’une
analyse de marque par le biais d’une publicité, support classique pour véhiculer un message.

Historique de la marque
1895 : Naissance de Lavazza avec à la tête de l’entreprise le patron au nom éponyme Luigi.
L’entreprise n’est qu’une modeste épicerie où de nombreux produits alimentaires sont
vendus en vrac.
1910 : Lavazza doit se distinguer de ses concurrents et va pour cela utiliser le café. Il
fournit un café dit « de mélange » (plusieurs variétés) alors que les autres ne vendent que du
café « pur » (une seule variété).
1927 : Fondation de la société actuelle Lavazza, après une spécialisation dans le café, qui
devient une SA au capital de 1 500 000 lires.
1950 : Cette année signe la première campagne de communication de Lavazza avec comme
slogan publicitaire « Le paradis dans votre tasse » et comme support la presse et la radio.

! 59!
1958 : Lavazza lance sur le marché le produit Paulista ainsi qu’une nouvelle campagne
publicitaire. On y retrouve les aventures de Caballero et Carmencita qui renvoient au
produit Paulista.

1977 : Suite à la crise économique de 1973, les volumes de vente du café sont à leurs
minimums. De ce fait, une nouvelle campagne publicitaire est lancée afin de stimuler la
consommation et la notoriété du café italien, avec cette fois-ci le support de la télévision.
Lavazza fait appel à l’agence Testa qui prône une nouvelle approche de la publicité par la
participation de personnalités, avec Nino Manfredi notamment. Les deux slogans de
campagne sont « Le café est un plaisir, s’il n’est pas bon, où est donc le plaisir ? » et « Oh,
du café Lavazza… plus t’en prends, plus tu te reprends… ».
1982 : Création de la première filiale étrangère : Lavazza France.
1986 : Lancement du nouveau produit « Crema e Gusto » toujours soutenue par la célébrité
Nino Manfredi. C’est un énorme succès en Italie.
1998 : Après avoir fêté ses 100 ans en 1995, la notoriété de Lavazza est grande en Europe.
Dans le but de soutenir cet élan, Lavazza devient sponsor officiel de la coupe du monde de
football de 1998.
1999 : Pour encore accroître ses ventes, des partenariats avec de grands groupes comme
Ikea ou le Club Med sont réalisés. Il y a aussi l’ouverture du Café Manier près de la Place
rouge de Moscou et l’acquisition de la chaîne de café « Il Caffè di Roma ». Lavazza devient
un leader dans son domaine, toujours plus tourné vers le marketing et la recherche de

! 60!
nouveaux marchés.
2002 : Dans une stratégie globale d’internationalisation, Lavazza lance sa première
campagne publicitaire européenne basée sur les photos de son premier calendrier Lavazza.
2004 : Le défi de l’internationalisation a été relevé et se transforme en un véritable succès
avec plus de sept filiales dans le monde. Le site de production principal se situe à Turin et
rappelle les origines italiennes de l’entreprise. Sur les 20 millions de consommateurs de café
en Italie, 16 millions consomment Lavazza.
2005 : Un nouveau produit destiné à une cible jeune et soucieuse de la qualité du café est
lancé sur le marché européen : Carmencita, en référence à la campagne publicitaire de 1958.
Lavazza décide de réaliser une campagne de Brandt Entertainment pour soutenir le
lancement. Ce projet, encore jamais réalisé en Italie, mobilise une sitcom TV, internet, la
téléphonie mobile et l’édition d’un livre. 2005 signe également l’ouverture de la filiale
brésilienne. Enfin, le journal économique italien, « Il sole 24 Ore » attribue à Lavazza le
prix Entreprise et Culture pour sa capacité de faire rayonner la culture italienne dans le
monde. Un deuxième prix est également décerné cette année-là pour la même raison par
l’institut italien pour le commerce étranger (ICE).
2008 : Sponsor de l’évènement World Design Capital à Turin, Lavazza souligne son savoir-
faire et son attachement au design italien en éditant le livre Lavazza Design Family, dirigé
et critiqué par le designer Virginio Briatore. 2008 sonne également la refonte du site internet
officiel de Lavazza, le nouveau insistant sur l’histoire de Lavazza et ses origines italiennes
ainsi que de nombreux contenus pour les passionnés d’expresso.
2011 : Lancement du projet The Lavazzers, vingtième édition du calendrier Lavazza, qui
réunit douze photographes réputés qui ont participé au succès des calendriers : Erwin Olaf,
Thierry Le Gouès, Miles Aldridge, Marino Parisotto, Eugenio Recuenco, Elliott Erwitt,
Finlay MacKay, Mark Seliger, Annie Leibovitz, Albert Watson, David LaChapelle et Ellen
von Unwerth.
Lavazza s’implante à New Dehli et en Chine.
Lavazza est le sponsor officiel pendant trois ans de Wimbledon, avec qui il partage les
valeurs de qualité, tradition, authenticité et excellence.
Symbolique de la marque Lavazza
Lavazza, à travers ses origines, sa stratégie de communication et sa volonté
d’internationalisation, est une entreprise ambassadrice de l’art italien du café. Une véritable
dichotomie sépare en deux la marque : d’un côté sa modernité et de l’autre son authenticité
liée à un savoir-faire ancien. Mais là où la marque Lavazza étonne, c’est que cette
séparation n’est pas synonyme de mésentente. Par des habiles campagnes de communication
et par ses actions publiques, Lavazza mélange parfaitement ces deux tenants, ce qui fait
d’elle un grand nom sur le marché du café.
Comment se symbolise cette volonté de modernité ? Tout d’abord, citons une intégration
réussie à l’international avec huit filiales à travers le monde et une récente pénétration du
marché indien et chinois. Egalement la participation à des salons de professionnels où les
dernières tendances et innovations sont monnaies courantes. Le sponsoring d’évènements
sportifs comme la coupe du monde de football en 1998 ou le partenariat avec Wimbledon
souligne cette modernité en étant moteur dans l’événementiel. Enfin, fait non décrit dans
l’historique, Lavazza possède depuis longtemps des centres de recherche dédiés à la
technologie du café ainsi que plusieurs brevets technologiques, prouvant ainsi son
attachement à l’innovation.
Modernité rime rarement avec authenticité, les deux mots étant antonymes. Toutefois,
Lavazza a réussi à marier cet élan constant de modernité avec une authenticité et une
! 61!
tradition qui lui est propre. Cette conservation des origines dans un cadre de plus en plus
mondialisé fait de Lavazza une entreprise internationale à l’esprit familial. Authenticité à
travers la communication (notamment le site internet), à travers l’édition d’ouvrage
(Lavazza Design Family) mais aussi à travers les quatre générations de Lavazza qui se
succèdent à la tête de l’entreprise.
Ains,i en consommant le café Lavazza, on retrouve le parfum des origines italiennes couplé
à une marque moderne et jeune. Le lancement de Carmencita le démontre, la marque
Lavazza veut allier tradition et dynamisme, et n’hésite pas à prendre le pari de sortir un café
de qualité et authentique pour une cible jeune qui normalement ne font que peu d’échos par
rapport à ces revendications.
Utilisons le prisme de Kapferer pour déterminer l’identité de la marque Lavazza

La cible de la marque est intergénérationnelle : aussi bien les jeunes consommateurs de café
désireux de trouver un repère de qualité dans un contexte de plus en plus dense, des
consommateurs plus âgés qui cherchent le véritable café à l’italienne dans une optique
hédoniste et de respect du savoir-faire et les seniors qui trouvent en Lavazza un café qui a su
respecter les traditions.

La stratégie de communication de Lavazza


L’idée de campagne
L’idée de campagne s’appuie largement sur la symbolique de la marque : modernité et
tradition.
L’allégorie de la tradition italienne et du retour aux sources est symbolisée par les
personnages qui renvoient au mythe fondateur de Rémus et Romulus. Qui plus est, le décor
n’est rien d’autre que le Colisée, monument symbolique de Rome. Enfin le personnage
féminin a un style de beauté typiquement italienne. La modernité est ici présente mais à
deux niveaux, l’un facile à identifier, et un autre qui montre que le choix des symboles pour
justifier l’Italie n’est pas anodin. Premier élément marquant de la modernité, la tasse de
café, qui ne ressort pas du décor et n’apparaît qu’à la suite d’une seconde analyse de
! 62!
l’affiche. Ce caractère désintéressé du produit montre que Lavazza insiste majoritairement
sur son origine plutôt que sur son produit. La louve transformée en jeune femme recouverte
d’une peau de bête signe une sensualité moderne. Mais pourquoi avoir choisi Rome, et non
Turin, berceau de la marque ? Lavazza est aujourd’hui une entreprise internationale, inscrite
dans la modernité de la mondialisation et doit utiliser un langage simple et compréhensible
par tous. Tout comme montrer une Tour Eiffel fait penser à Paris et à la France, le Colisée
renvoie tout de suite à Rome et à l’Italie. Utiliser une image simple permet de se faire
comprendre par la majorité des cultures, notamment lorsque on sait que Lavazza est présent
sur le marché chinois et indien. Le mythe de Romulus et Rémus apparaît ici moins évident à
saisir pour tous, et demande une certaine culture qui peut manquer à certains
consommateurs non européens.
Copy-strategy
La cible de communication
La cible de la publicité est bien évidemment une population jeune et active, de par le
message sensuel, voire sexuel, véhiculé et la transformation d’un mythe italien. La cible a
entre 18-40 ans. Elle doit être cultivée pour saisir le message premier, et ouvert d’esprit
pour apprécier la transformation du mythe opérée. La cible est plutôt urbaine et active car
consommatrice de café. De même, la cible est CSP+, elle possède les moyens pour
rechercher l’authenticité, pour apprécier le plaisir d’un café traditionnel qui coûte plus cher.
Qui plus est, l’ambiance de la publicité est chic et luxueuse. On a donc une cible aisée,
cultivée, ouverte d’esprit, urbaine, CSP+, avec ou sans enfants (la consommation de café
n’impliquant pas tous les membres d’une famille). Dire que la cible masculine est
essentiellement visée serait une erreur, de par le côté glamour, artistique et sensuel qui
émane de l’affiche. Enfin elle est européenne.
Les objectifs à atteindre
L’objectif à atteindre est clairement la revendication des origines italiennes de la marque,
avec cette alliance de modernité et de traditionnel, ainsi que d’augmenter la notoriété de
Lavazza à travers cette reprise sensuelle et sauvage du mythe fondateur de Rome. Prouver
ses origines et se faire reconnaître sont les deux objectifs que Lavazza a voulu atteindre. Il
coïncide parfaitement avec la volonté d’être leader dans le secteur du café en Europe,
deuxième patrie de Lavazza, et plate-forme vers les nouveaux pays émergents.
La promesse de base
Le café Lavazza est un café de qualité supérieure de par ses origines et son savoir-faire
italien transmis depuis plusieurs générations. Lavazza est au cœur de l’Italie, elle « est »
l’Italie en prenant part au mythe fondateur de sa capitale Rome. Toutefois, Lavazza est
ancienne mais a su rester jeune, par la symbolique sensuelle et choquante de la femme-
louve.
Reason-why
…est la suivante : la revendication de l’authenticité à travers la symbolique des mythes
travaillée dans un cadre moderne et esthétique. Egalement les véritables origines de Lavazza
et son évolution qui montrent la volonté d’être international tout en gardant intact la
tradition. Lavazza est plus enclin de proposer un café traditionnel et de qualité car il est
implanté depuis longtemps en Italie et qu’il participe activement à valoriser son patrimoine.
Il désire également revendiquer sa modernité à travers des photos osées, son
internationalisation et ses actions de relations publiques.
Le ton
La transposition du moderne sur la tradition brise le tabou du respect de ces dernières. Le

! 63!
ton est clairement provocateur.

Conclusion de l’étude
Choquante au départ, on peut s’arrêter très rapidement sur ce constat unique. Néanmoins,
après l’analyse de la symbolique de la marque, un deuxième avis plus réfléchi s’impose. Au
regard de la volonté d’être à la fois moderne et authentique et de revendiquer une origine
tout en étant suffisamment moderne pour ne pas tomber dans le cadre du café « à
l’ancienne » (et perdre ainsi de jeunes consommateurs attirés par des marques plus
tendances), Lavazza a réalisé ici une belle performance. Elle mêle de façon parfaite l’ancien
et le nouveau attirant ainsi les consommateurs à la recherche d’une marque de qualité sans
tomber dans le désuet. Mais c’est sur ce point précis que Lavazza joue un jeu risqué. En
effet, si le consommateur ne s’intéresse pas à la symbolique de la marque, il gardera de
Lavazza une image choquante, sexiste et globalement négative. Il faut donc l’inviter à aller
plus loin que la première impression. D’où la réinvention du mythe, du caractère sensuel et
chic de la femme-louve et du peu d’attention portée à la tasse. Cette association insolite,
glamour, sensuelle et universelle (tout le monde en Europe connaît le mythe de Rémus et
Romulus ou au moins le Colisée) crée une connivence avec la cible. Intriguée, elle ira plus
loin, cherchant à comprendre le pourquoi d’une telle publicité, qui revisite un mythe et porte
si peu d’attention à ce qu’elle propose (juste une tasse minuscule sur le coin gauche de la
photo). Ainsi, la cible comprendre à travers la symbolique forte de la marque un tel choix et
appréciera d’autant plus l’affiche.
Un tel pari est risqué mais au regard de l’inertie du consommateur de café (on ne change pas
de marque de café du jour au lendemain), du marché bouleversé par des entrants très
compétitifs (on pense à Nespresso), Lavazza n’a pas d’autre choix que de choquer pour
attirer le consommateur sur ses deux arguments de vente compatibles : un café moderne et
traditionnel.
L’équipe Déméter et Kotler

18) Un regard sur l’image socio-symbolique de l’entreprise


dans la société actuelle
Un regard sur l’image socio-symbolique de l’entreprise dans la société actuelle
entre globalisation de la consommation (McWorld) et nouveaux tribalismes ,
selon les théories tiré du concept clé de l’ouvrage de de BENJAMIN R.
BARBERDjihad versus McWorld. Mondialisation et intégrisme contre la démocratie (Desclée de
Brouwer, Paris, 1996

Barber explique que la culture mondiale américaine - la culture McWorld - est


moins hostile qu’indifférente à la démocratie : son objectif est une société
universelle de consommation qui ne serait composée ni de tribus ni de citoyens,
tous mauvais clients potentiels, mais seulement de cette nouvelle race d’hommes
et de femmes que sont les consommateurs. Cette nouvelle culture globalisante
met hors jeu non seulement ceux qui la critiquent d’un point de vue
réactionnaire, mais également ses concurrents démocratiques, qui rêvent d’une

! 64!
société civile internationale constituée de citoyens libres issus des cultures les
plus variées.

Les colonisés et les cultures locales - parce qu’ils souhaitent minimiser le degré de leur
servitude - ainsi que les colonisateurs et les marchés mondiaux - parce qu’ils souhaitent
relativiser le degré de leur hégémonie - conspirent dans l’illusion de la réciprocité. Mais,
dans cette réciprocité, le pouvoir véritable se situe d’un seul côté, comme lorsque le
python avale le lièvre. Tel le python, McWorld se pare un instant des couleurs des
cultures qu’il ingurgite : la pop music, agrémentée de rythmes latinos et reggae dans les
barrios de Los Angeles ; les Big Mac, servis avec de la bière française à Paris ou fabriqués
avec du boeuf bulgare en Europe de l’Est ; Mickey parlant français à Disneyland-Paris.
Mais, au bout du compte, Music Television (MTV), McDonald’s et Disneyland sont
avant tout des icônes de la culture américaine, des chevaux de Troie des Etats-Unis
s’immisçant dans les cultures des autres nations.

LE CONCEPT DE McWorld,

McWorld, c’est une Amérique qui se projette dans un avenir façonné par des forces
économiques, technologiques et écologiques exigeant l’intégration et l’uniformisation.
Un avenir rassemblant tous les pays en un vaste parc à thème mondial, entièrement mis
en réseau par les technologies de l’information, les échanges commerciaux et l’industrie
du spectacle. Même dans les endroits où les forces de la religion et du tribalisme
s’opposent à McWorld, celui-ci fait mieux que ses adversaires. Les intégristes iraniens
ont peut-être une oreille tendue vers les mollahs qui les exhortent à la guerre sainte, mais
l’autre est tournée vers Star Television, la chaîne de M. Rupert Murdoch retransmettant
pour la énième fois par satellite des épisodes de « Dynastie ».

En Europe, en Asie et en Amérique, les marchés ont déjà érodé les souverainetés
nationales et donné naissance à une nouvelle culture : celle des banques internationales,
des organisations commerciales, des lobbies transnationaux comme l’Organisation des
pays exportateurs de pétrole (OPEP), des services mondiaux d’information (CNN et
BBC) et des firmes multinationales. Ce sont les nouveaux souverains d’un monde où les
Etats-nations ne sont plus en mesure de réguler leur propre économie, et encore moins
de maîtriser les mouvements de capitaux sur les marchés planétaires.

Une « vidéologie » presque irrésistible


BIEN qu’ils ne donnent naissance ni à des intérêts communs ni à une législation
commune, ces marchés exigent non seulement une monnaie commune, le dollar, mais
aussi une langue commune : l’anglais. De plus, ils engendrent des comportements
partout identiques, ceux d’une vie à la fois urbaine et cosmopolite. Les pilotes de ligne,
les programmeurs en informatique, les réalisateurs de films, les banquiers internationaux,
les célébrités du spectacle, les spécialistes de l’écologie, les pétroliers, les démographes,
les comptables, avocats et athlètes constituent une nouvelle espèce d’hommes et de
femmes pour lesquels la religion, la culture et l’appartenance ethnique sont des éléments
marginaux : leur identité est avant tout professionnelle.

! 65!
Les biens de la nouvelle culture mondiale sont autant des images que des formes
matérielles, autant une esthétique qu’une gamme de produits. C’est une culture réduite à
l’état de denrée, où l’habit fait le moine, où le look devient une sorte d’idéologie. Les
galeries commerciales, les places « publiques » privatisées et les quartiers sans voisins des
banlieues résidentielles sont les nouvelles églises de cette civilisation marchande. Les
nouveaux produits sont moins des biens que des images contribuant à créer une
sensibilité planétaire, véhiculée par des logos, des stars, des chansons, des marques et des
jingles. Les rapports de forces deviennent forces de séduction ; l’idéologie se mue en une
sorte de « vidéologie » à base de sons exprimés en bits et de clips vidéo.
La vidéologie est plus floue que l’idéologie politique traditionnelle, ce qui la rend
d’autant plus efficace pour insuffler les valeurs que les marchés mondiaux requièrent.
Ces valeurs ne sont pas imposées par des gouvernements coercitifs ou des systèmes
éducatifs autoritaires ; elles sont transfusées dans la culture par de pseudo-produits
culturels - films ou publicités - dont sont dérivés un ensemble de biens matériels,
d’accessoires de mode et de divertissements. Le Roi Lion, Jurassic Park et Titanic ne sont
pas seulement des films, mais aussi de véritables machines à commercialiser de la
nourriture, de la musique, des vêtements et des jouets.
La culture américaine universelle de McWorld est presque irrésistible. Au Japon, par
exemple, les burgers et les frites ont pratiquement remplacé les nouilles et les sushi ; les
adolescents se battent avec des expressions anglaises dont ils perçoivent à peine le sens
afin de paraître cool. En France où, il y a moins de dix ans, des puristes de la culture
faisaient la guerre aux dépravations du franglais, la santé économique se mesure aussi au
succès de Disneyland-Paris. L’apparition soudaine de Halloween comme nouvelle fête
française pour stimuler le commerce dans la période de calme plat qui précède Noël
n’est que l’exemple le plus consternant de cette tendance à l’américanisation.
L’uniformisation n’est pas seule en cause. Face à la réalité persistante des rivalités
tribales, du terrorisme, de l’intégrisme religieux, du fanatisme d’extrême droite et des
guerres civiles, les prophéties sur la fin de l’histoire à la sauce Fukuyama (1 ) ont fait
chou blanc. Mais si les micro-guerres persistent, l’homogénéisation produite par les
marchés de McWorld réussira probablement à instaurer une macro-paix favorisant le
triomphe du commerce et du consumérisme, et donnant à ceux qui maîtrisent
l’information, la communication et le divertissement, le contrôle ultime sur la culture... et
la destinée humaine. Ce qui signifie que les craintes d’un Paul Kennedy sur le déclin de
l’Amérique (2 ), au prétexte du déclin de son économie traditionnelle à base de biens
matériels, ne sont absolument pas fondées. Autrement plus vraisemblable est le scénario
d’une nouvelle hégémonie s’appuyant sur le pouvoir de l’information et de la
technologie, et non plus sur celui du volume du produit intérieur brut ou du potentiel du
secteur manufacturier (lire pages 1, 18 et 19 l’article de Herbert I. Schiller).
Existe-t-il une activité intrinsèquement plus mondialisatrice que le commerce, une
idéologie plus indifférente au destin des nations que le capitalisme, un défi aux frontières
plus audacieux que le marché ? A bien des égards, les firmes géantes jouent souvent un
plus grand rôle dans les affaires internationales que les nations ou les ethnies. Nous les
appelons « multinationales », mais les qualificatifs de « postnationales » ou
d’« antinationales » seraient plus appropriés. Elles rejettent toute idée de frontières ou de
provincialismes, qui les brideraient dans le temps ou dans l’espace. « Sur la planète Reebok,
claironne la campagne du fabricant de chaussures de sport, il n’y a pas de frontières. »
! 66!
Aux Etats-Unis, sur un autocollant populaire en faveur du protectionnisme, on pouvait
lire : « Les vrais Américains achètent américain », et beaucoup de citoyens estiment que
l’Accord de libre-échange nord- américain (Alena) a bradé les intérêts des travailleurs.
Mais quelle est la voiture la plus « américaine » ? La Chevy, fabriquée au Mexique avec
des pièces détachées importées d’autres pays, puis réexportée aux Etats-Unis pour des
consommateurs pensant acheter américain ? La Ford, fabriquée en Allemagne par de la
main-d’oeuvre turque pour être exportée au Nigeria ? Sur le marché mondial, les facteurs
déterminants ne sont plus ni le capital, ni le travail, ni les matières premières, mais plutôt
la façon dont ces trois éléments sont manipulés par l’information, la communication et
l’administration, ces véritables leviers de la nouvelle économie.
Ces leviers, plus virtuels que concrets, résistent aux réglementations physiques et
territoriales des organes de contrôle gouvernementaux déjà entravés par l’idéologie de
l’Etat minimal. Un grand nombre d’analystes acceptent désormais comme allant de soi le
concept d’entreprise virtuelle, qui, lancé il y a quelques années par Robert Kuttner,
semblait alors original. Kuttner pensait à une entreprise qui n’était plus une entité
physique, avec une implantation ou une mission fixes, mais un ensemble, en perpétuel
mouvement, de relations temporaires raccordées par un réseau d’ordinateurs, de
téléphones et de télécopieurs.
Ainsi définie, comment la mondialisation pourrait-elle être compatible avec la
conception traditionnelle de la souveraineté nationale et démocratique ? Certes, les
nouvelles contraintes des marchés sont invisibles, voire agréables, assorties d’une
rhétorique plaisante de liberté de choix et de liberté du consommateur. « Nous vous offrons
la liberté, proclame une publicité pour une chaîne de fabriques de pommes de terre
cuisinées du Midwest américain, parce que nous vous donnons le choix de la sauce
d’accompagnement. » ( !) La liberté mondiale ressemble de plus en plus au choix de la sauce
d’accompagnement du seul plat disponible.
Dans les années 60, Herbert Marcuse prédisait la réduction de l’individu à une seule
facette : un conformisme asservi par la technologie plutôt que par la terreur, et dans
lequel la civilisation ne produirait plus qu’un « homme unidimensionnel » (3 ). Mais, à cette
époque, l’autre versant de la dialectique de Marcuse - la capacité de contestation -
dominait, et sa prophétie parut excessive. Même s’il sentait monter les tendances
totalisantes, voire totalitaires, de la culture industrielle, il pressentait que des forces
pourraient briser cet enfermement..
Aujourd’hui, la capacité du marché à assimiler différences et contestations et à brouiller
toutes les oppositions idéologiques, grâce au flou entretenu entre information et
spectacle, remet les craintes de Marcuse à l’ordre du jour. Le consumérisme mondial fait
planer le danger d’une société dans laquelle la consommation devient l’unique activité
humaine, et donc ce qui définit l’essence de l’individu. L’unidimensionnalité acquiert une
réalité géospatiale palpable dans l’architecture des galeries marchandes, où les places
publiques ont été remplacées par des espaces privés destinés à optimiser le commerce.
Elles sont emblématiques de Privatopie, cette nouvelle ville en marge de la société du
plus grand nombre - vulgaire, multiraciale et dangereuse -, qui offre un univers de calme
et de sécurité placé sous haute surveillance.
Les thuriféraires du marché continuent à considérer ce type de critique comme une
resucée des prophéties, à leurs yeux fumeuses, de Herbert Marcuse. Beaucoup
soutiennent que la société de consommation, même si elle dégrade le goût, multiplie les
! 67!
possibilités de choix, créant ainsi une démocratie des consommateurs. Mais les relations
qui se nouent sur le marché ne sauraient remplacer celles de la société. Le problème ne
se situe pas avec le capitalisme en tant que tel, mais avec l’idée que, à lui seul, le
capitalisme peut répondre à tous les besoins humains et fournir la solution à tous les
problèmes. Et, de même qu’autrefois certains progressistes croyaient qu’un
gouvernement paternaliste pouvait résoudre tous les problèmes, les conservateurs
antiétatistes sont convaincus non seulement que l’Etat ne peut résoudre aucun problème
humain, mais que le marché peut réussir partout où l’Etat a échoué.
Une désastreuse confusion s’est installée entre l’affirmation raisonnable - et largement
fondée - qu’un marché régulé avec souplesse reste l’instrument le plus efficace de la
productivité économique et de l’accumulation de la richesse et la prétention délirante
selon laquelle un marché libre de toute réglementation serait l’unique moyen de produire
et de distribuer tout ce à quoi nous tenons : des biens durables aux valeurs spirituelles,
de la reproduction du capital à la justice sociale, de la rentabilité du moment présent à la
préservation de l’environnement pour le prochain siècle, de Disneyland à la haute
culture, du bien-être individuel au bien commun. Cette prétention conduit certains à
préconiser le transfert au privé de secteurs aussi clairement publics que l’éducation, la
culture, le plein emploi, la protection sociale et la survie des milieux naturels. Et
pourquoi pas l’externalisation à des sociétés commerciales de la chaise électrique ?
Le gouvernement que l’on démantèle en notre nom est en réalité le seul garant de nos
libertés et de nos intérêts communs. Le détruire, ce n’est pas nous émanciper, mais nous
faire passer sous le joug des entreprises mondiales et du matérialisme consumériste.
Cette évidence a d’ailleurs été admise par des conservateurs américains tels MM. William
Bennett et Patrick Buchanan. Les marchés ne sont pas là pour faire ce qui incombe aux
communautés démocratiques. Ils nous permettent, en tant que consommateurs, de dire
aux fabricants ce que nous voulons. Ou plutôt ils permettent aux fabricants, via la
publicité et la persuasion culturelle, de nous dire ce que nous voulons. En tout cas, ils
nous empêchent de dialoguer entre citoyens pour discuter des conséquences sociales de
nos choix privés de consommateurs. Le consommateur peut désirer une voiture capable
d’atteindre 220 km/h, mais le citoyen voter pour une limitation de la vitesse qui
économisera l’essence et préservera la sécurité sur les routes.
Les marchés sont contractuels plutôt que communautaires. Ils flattent notre ego
individuel, mais laissent insatisfaite notre aspiration au bien commun. Ils offrent des
produits durables et des rêves éphémères, mais ne créent pas d’identité ou d’adhésion
collective. C’est ainsi qu’ils ouvrent la voie à des formes identitaires et non
démocratiques, comme le tribalisme. Si nous ne pouvons garantir aux communautés
démocratiques l’expression de leur besoin d’appartenance, des communautés non
démocratiques rempliront le vide ainsi créé, au détriment de la liberté et de l’égalité. Les
gangs prendront la place des associations de quartier ; les tribus de sang celle des
regroupements de volontaires.
Le marché assure à ceux qui en ont les moyens les biens qu’ils désirent, mais pas les vies
auxquelles ils aspirent ; la prospérité pour quelques-uns, le désespoir pour beaucoup, et
la dignité pour personne. Les quelque vingt- six mille organisations non
gouvernementales internationales ne sont pas de taille à lutter contre les cinq cents
premières firmes multinationales de McWorld recensées par le magazine américain
Fortune. Qu’est-ce que le Pentagone, comparé à Disneyland ? Le Pentagone a peur de
! 68!
risquer la vie d’un seul soldat américain, alors que Disney a toutes les audaces :
l’entreprise a fondé une « communauté » de villages résidentiels à Celebration, en
Floride, a récupéré - et aseptisé - Times Square à New York, et tenté de recréer les
champs de bataille de la guerre de Sécession sur les terrains « ne servant à rien » où
eurent lieu les combats au siècle dernier.
La United States Information Agency (USIA) est-elle plus habile que Hollywood pour
faire rayonner l’image des Etats-Unis ? Que pèsent les Nations unies ou le Fonds
monétaire international (FMI), confrontés à la crise financière asiatique, par rapport aux
1 500 milliards de dollars qui transitent chaque jour sur les marchés des changes ?
Incapables de satisfaire les besoins des communautés démocratiques, les marchés ne
savent pas davantage se réguler pour survivre. Ils sont incapables de produire les
anticorps nécessaires à leur propre protection contre les virus du monopole et de la
rapacité qu’ils portent en eux. Livrés à eux- mêmes, ils se « dégraissent » jusqu’à licencier
effectivement non seulement leurs employés, mais aussi leurs consommateurs, qui,
comme Henry Ford l’avait bien compris, ne font qu’un. Tel est bien le paradoxe de
McWorld : il détruit l’assise financière des consommateurs dont il a besoin en leur
vendant des produits à des prix plus compétitifs ; il surproduit des biens et sous-produit
de l’emploi, incapable de voir que les deux sont interdépendants.

• Casser toutes les résistances


LES avocats de la privatisation prétendent que les marchés sont, par essence,
démocratiques. C’est, une fois encore, confondre les choix privés du consommateur et
les choix civiques du citoyen. La liberté de choisir entre vingt-sept variétés d’aspirine et
celle d’opter pour un système de santé universel ne sont pas comparables. Mais la
prétendue autonomie des consommateurs permet aux marchands de tenir un discours
populiste : si vous n’aimez pas l’homogénéité de McWorld, n’incriminez pas ses
pourvoyeurs, mais ses consommateurs.
Comme si les quelque 200 milliards de dollars dépensés aux Etats-Unis pour la publicité
n’étaient là que pour le décor ! Comme si les goûts des consommateurs étaient créés à
partir de rien ! Comme si les désirs et les besoins sur lesquels les marchés prospèrent
n’étaient pas eux- mêmes engendrés et façonnés par ces mêmes marchés ! Comme si ce
qu’un récent essai publié dans le New Yorker a appelé la « science de l’achat » n’était pas
devenue une activité lucrative pour les consultants de l’industrie de la consommation, qui
enseignent aux détaillants comment disposer stratégiquement les produits et créer une
ambiance propice à l’achat dans leurs magasins !
Avec la saturation des marchés traditionnels et la surproduction de biens (4 ), le
capitalisme ne peut plus se permettre de servir seulement les besoins réels des
consommateurs. Ces besoins sont créés par la promotion, le conditionnement, la
publicité, la persuasion culturelle, afin d’absorber l’offre des industriels. Alors que
l’ancienne économie des biens matériels visait le corps, la nouvelle économie des services
immatériels prend pour cible la tête et l’esprit. « Je ne veux pas que les clients aient l’impression
de déambuler dans un magasin de vêtements, explique la styliste Dona Karen, je veux qu’ils aient
l’impression de se promener dans un environnement nouveau, que je les soustrais à leur existence
quotidienne pour leur faire vivre une expérience qui n’a rien à voir avec les vêtements et qui exprime leur
identité en tant qu’individus. »

! 69!
Pour créer une demande mondiale de produits américains, les besoins doivent également
être fabriqués à la même échelle. Pour les grandes marques - Coca- Cola, Marlboro,
Nike, Hershey, Levi’s, Pepsi, Wrigley ou McDonald’s -, vendre des produits américains,
c’est vendre l’Amérique : sa culture populaire, sa prétendue prospérité, son imaginaire et
même son âme. Le marketing porte autant sur les symboles que sur les biens, et il ne vise
pas à commercialiser des produits, mais des styles de vie et des images : le citadin aisé, le
cow-boy austère, les stars de Hollywood, un jardin d’Eden sans frontières, la conscience
sociale, le « politiquement correct », un univers commercial envahi et souvent - de
manière ironique - dominé par les images de la vie des Noirs dans les ghettos. Mais des
Noirs genre rappeurs décontractés, à la Michael Jordan, plutôt que du type du marginal
vivant de l’aide sociale et promis à la prison.
Les ventes de Coca-Cola ont peu d’avenir chez les buveurs de thé : en Asie, la firme
d’Atlanta a déclaré la guerre à la culture indienne du thé. La tradition des longs déjeuners
pris à la maison dans les pays méditerranéens fait obstacle au développement des fast-
foods : les chaînes qui s’y implantent actuellement y sapent les valeurs familiales aussi
sûrement que les films d’action hollywoodiens. Dans la culture du fast-food, le travail est
primordial et les relations humaines secondaires, le rapide prend le pas sur le lent, et le
simple l’emporte sur le complexe.
De même, des transports en commun efficaces freinent les ventes d’automobiles et
portent ainsi préjudice aux industries de l’acier, du ciment, du caoutchouc et du pétrole.
Le mode de vie agricole traditionnel (lever à l’aube, travail au champ du matin au soir et
coucher au crépuscule) est difficilement compatible avec la consommation télévisuelle.
Les gens qui ne s’intéressent pas au sport sur le petit écran achètent peu de chaussures
de tennis. La logique morale de l’austérité, qui séduit les chrétiens et musulmans
authentiques ainsi que les ascètes laïques, fait obstacle à la logique économique de la
consommation. Les fabricants de cigarettes doivent cibler les jeunes puisque leurs
produits ont tendance à décimer leurs consommateurs plus anciens.
La plupart des nouveaux gadgets technologiques, censés nous « libérer » du bureau, nous
emprisonnent en fait dans une sphère du travail en constante expansion. En guise
d’autonomie, les fax, les téléphones mobiles et autres modems pour ordinateurs
personnels ne nous livrent-ils pas pieds et poings liés aux tentacules électroniques du
travail « partout et tout le temps » ? Le baladeur, invitation à écouter de la musique au
bureau ou dans son temps libre, pousse à acheter des cassettes pour vingt-quatre heures
d’écoute quotidienne. Il entraîne d’autres consommations liées au jogging : cassettes et
chaussures de sport. Inversement, les chaussures de sport font vendre des baladeurs et
des cassettes.
Dans le McWorld de la souveraineté des marchés, les dirigeants des grandes entreprises
ne sont-ils pas condamnés à être des citoyens irresponsables ? Et, pour écouler tout ce
qui doit être vendu, les citoyens à temps partiel doivent-ils se transformer en
consommateurs à plein temps ? C’est pourquoi les vieilles places et les centres-villes aux
activités diversifiées sont désertés au profit de complexes commerciaux clos qui n’ont
rien d’autre à offrir que du commerce. Ces complexes s’ingénient à fabriquer un homme
nouveau adapté à leur obsession du profit.
Les centres commerciaux constituent les capitales et les parcs à thème de l’univers en
expansion de McWorld. On n’y trouve ni théâtre de quartier, ni dispensaire pour les
soins aux enfants, ni endroit d’où l’on puisse haranguer les passants, ni lieu de culte, ni
! 70!
mairie, ni coopérative agricole, ni école... Uniquement des séries de magasins exigeant de
nous défaire de notre identité, excepté celle de consommateur, de renoncer à notre
citoyenneté pour mieux goûter au plaisir solitaire de faire des emplettes.
Il existe une illusion plus ancienne et plus fondamentale que celle de l’autonomie du
consommateur : celle selon laquelle les marchés sont démocratiques et même encore
plus libres que les consommateurs eux-mêmes. Une concurrence capitaliste à peu près
loyale n’a pourtant commencé à exister que sous l’oeil vigilant de gouvernements
démocratiques pratiquant des politiques keynésiennes. Livrés à eux-mêmes, les marchés
sont incapables de parvenir à ce résultat. Autant dire que, en cette période de
déréglementation et de retrait de l’Etat, la vitalité des marchés concurrentiels n’a jamais
été aussi gravement menacée. Surtout quand un même secteur économique regroupe à la
fois information, spectacle et télécommunications, le « télé-secteur de l’info-spectacle », où
fusions et monopoles deviennent la règle (5).
Après avoir dompté Le Roi Lion et annexé Times Square, Walt Disney a racheté Capital
Cities/ABC pour la somme de 19 milliards de dollars et possède l’équipe de base-ball des
Anaheim Angels. La News Corporation de M. Rupert Murdoch s’est offert l’équipe des
Los Angeles Dodgers pour animer son réseau et la Fox Television Network, pour
concurrencer les Atlanta Braves de M. Ted Turner (vice président de Time-Warner) et
les Florida Marlins de M. Wayne Huizinga (Blockbuster Video). Pourquoi posséder des
réseaux de diffusion ou des chaînes câblées si l’on n’a pas de programmes à proposer ?

• Restera-t-il des citoyens ?


LE concept au nom duquel se construit cette intégration verticale frénétique porte le
nom de « synergie ». Une manière de ne pas dire « monopole ». A l’instar de la plupart
des conglomérats de McWorld, Disney possède non seulement des studios de
production, des parcs à thème, des équipes sportives, mais aussi des maisons d’édition,
des stations de télévision, des journaux, des villes nouvelles... Un chef d’entreprise s’est
émerveillé de la stratégie commerciale de Disney, qui, en rachetant ABC, a atteint une
dimension plus que mondiale : universelle. Sur le même modèle, Paramount acquiert
Simon and Schuster, qui détient Madison Square Garden et une équipe de basketball
(Knicks) et de hockey (Rangers), juste avant d’être elle-même rachetée par le câblo-
opérateur Viacom. Le gros poisson est mangé par plus gros que lui.
Si l’on est constructeur informatique, il faut racheter une société de logiciels. Si l’on
possède des stations de télévision, il faut acquérir des catalogues de fims : c’est ce qu’a
fait M. Ted Turner en rachetant et en colorisant celui de la MGM ; ou encore M. Bill
Gates, le patron de Microsoft, qui a acheté les droits des collections de musées qui
seront disponibles sur ses cédéroms.
M. Bill Gates a installé gratuitement Explorer, son outil de navigation sur la Toile, sur
tous les ordinateurs livrés avec son logiciel Windows afin de mettre son concurrent
Netscape hors jeu. A tel point que le département de la justice a dû sortir de sa torpeur
et prendre des mesures anti-trust (6 ). La News Corporation de M. Rupert Murdoch s’est
servie de sa société d’édition (Harper Collins) pour étendre son empire en Chine : un
contrat signé avec l’ancien gouverneur de Hongkong, M. Christopher Patten, fut annulé,
le manuscrit ayant été jugé trop critique à l’égard de Pékin. Dans McWorld, la théorie du
pluralisme des valeurs et de la liberté de choix est froidement démentie par la pratique.

! 71!
Il fut un temps où, entre les pôles de l’Etat et ceux du marché, existait une possibilité de
voie moyenne, mais vitale. C’est sur la société civile que reposa, dans les premiers temps,
l’énergie démocratique et le militantisme civique américains. Une de ses grandes vertus
était de partager avec l’Etat le sens de la chose publique et le respect de l’intérêt général
et du bien commun. La société civile pourrait servir de médiateur entre l’Etat et le
secteur privé, entre l’identité farouchement sauvegardée d’une tribu refermée sur elle-
même et celle, en voie d’extinction, du consommateur solitaire. Entre le Djihad et
McWorld. Faute de trouver une troisième voie entre l’Etat et le marché, nous survivrons
peut-être en tant que consommateurs, mais nous n’existerons plus comme citoyens.

(1) Francis Fukuyama, La Fin de l’histoire et le Dernier homme, >Flammarion, Paris, 1992.
(2) Paul Kennedy, Naissance et déclin des grandes puissances, Payot, Paris, 1989.
(3) Herbert Marcuse, L’Homme unidimensionnel, Editions de Minuit, Paris, 1968.
(4) Lire William Greider, One World, Ready or Not : The Manic Logic of Global Capitalism,
Simon & Schuster, New York, 1997.
(5) Cf. Frédéric Clairmont, « Ces 200 sociétés qui contrôlent le monde », et Ignacio
Ramonet, « Apocalypse médias », Le Monde diplomatique, avril 1997.
(6) Lire également Ralph Nader et James Love, « Microsoft, monopole du prochain
siècle », Le Monde diplomatique, novembre 1997.

19) Du storytelling de la marque au storytelling de l’homme


politique comme marque selon la notion de storytelling de
Christian Salmon

Hold-up sur l’imaginaire


Ivanne Rialland
Christian Salmon, Storytelling. La Machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, Paris,
La Découverte, coll. « Cahiers libres », 2007, ISBN 978-2-7071-4955-8.

« Hold-up sur l’imaginaire ». C’est par ces mots que s’achève l’introduction du livre de
Christian Salmon, qui dénonce l’arrivée en France du storytelling, cet art de raconter des
histoires. Celui-ci prend acte de l’importance structurante du récit pour l’expérience
humaine en s’inspirant, d’une façon qu’ils n’auraient pu prévoir, de Ricœur ou de Barthes :
« le temps devient humain dans la mesure où il est articulé de manière narrative ; en retour
le récit est significatif dans la mesure où il dessine les traits de l’expérience temporelle1 »
ou, pour citer Barthes à la suite de Christian Salmon :
Innombrables sont les récits du monde. […] sous ces formes presque infinies, le
récit est présent dans tous les temps, tous les lieux, dans toutes les sociétés ; le
! 72!
récit commence avec l’histoire même de l’humanité ; il n’y a pas, il n’y a
jamais eu nulle part aucun peuple sans récit ; toutes les classes, tous les groupes
humains ont leurs récits, et bien souvent ces récits sont goûtés en commun par
des hommes de culture différente voire opposée : […] international,
transhistorique, transculturel, le récit est là, comme la vie2.
3
C’est un envahissement du discours par le récit que ce livre nous « raconte » (p. 20) en
n’hésitant pas à recourir lui-même au récit à des fins d’exemplification. Il s’ouvre ainsi sur
deux morceaux narratifs : l’intrigue d’un jeu de simulation destiné à l’entraînement des
militaires américains et un stage de formation pour managers où la lecture d’Harold et le
crayon mauve est censée faciliter l’adoption du changement. Ces deux « récits »
hétérogènes, hétéroclites même, servent de preuve à Christian Salmon pour démontrer cette
invasion où le récit perd sa nature et son sens. Employé partout et par tous, il ne renvoie
plus à rien. C’est en même temps le péché — véniel — de ce livre, qui compare parfois
l’incomparable, suivant en cela l’expansion incontrôlée de l’art — ou du mot ? — du
storytelling.
4
Après avoir évoqué rapidement dans l’introduction le « narrative turn » qui se produit au
milieu des années quatre-vingt-dix dans les sciences humaines, Christian Salmon se
concentre sur l’utilisation du récit dans quatre domaines : le marketing, le management,
l’entraînement militaire et la politique. Il s’agit en réalité de dénoncer l’utilisation du récit
par les élites économiques et politiques à des fins de propagande, comme l’indique avec
netteté le dernier paragraphe de l’introduction :
Ainsi, l’art du récit qui, depuis les origines, raconte en l’éclairant l’expérience de l’humanité, est-il
devenu à l’enseigne du storytelling l’instrument du mensonge d’État et du contrôle des opinions :
derrière les marques et les séries télévisées, mais aussi dans l’ombre des campagnes électorales
victorieuses, de Bush à Sarkozy, et des opérations militaires en Irak ou ailleurs, se cachent les
techniciens appliqués du storytelling. L’empire a confisqué le récit. C’est cet incroyable hold-up sur
l’imaginaire que raconte ce livre. (p. 20)
5
Avec le récit, c’est bien l’imaginaire, comme art d’organiser la confusion du réel et de
configurer les possibles, qui est en jeu : à un moment où la société relègue dans ses marges
les études littéraires, ce détournement d’un de leurs objets centraux leur redonne une
singulière urgence.
Où le signe devient symbole
Du logo à la story ou le logo se met en récit
6
Le premier chapitre, « Des logos à la story », expose en une vingtaine de pages très
éclairantes le changement de centre de gravité qui se produit en 1995 dans la politique
d’image des marques. Alors que les années quatre-vingt sont le règne du logo, les années
quatre-vingt-dix inaugurent celui du récit, voire du mythe. On passe en fait d’une recherche
de l’identification à une quête d’identité : si le logo permet l’identification, du premier coup
d’œil, de la marque, son contenu idéologique est vide et la notoriété du logo va pouvoir être
un support facile pour la critique et le détournement. L’exemple de Nike que donne
Christian Salmon est tout à fait exemplaire : la célébrité du swoosh de Nike a rendu la
marque plus fragile face aux campagnes anti-Nike : la découverte des conditions de travail

! 73!
de ceux qui fabriquaient les fameuses chaussures a fait d’autant plus scandale qu’à ce
moment furent associés le logo, image vide, et les sweatshops — « Sous le swoosh de Nike :
les sweatshops » (p. 27), comme l’exprime Christian Salmon en une formule frappante.
C’est en réalité à la cristallisation d’un symbole à laquelle on assiste : le logo se révèle un
signe en attente de sens. Il va s’agir alors pour les entreprises de construire ce sens pour
éviter qu’on le construise à leur place : la reprise en main qui se joue à ce moment est une
reprise en main narrative. Celle-ci va permettre de contrôler les valeurs transmises par la
marque et en même temps de jouer sur un attachement émotif du public, à la place d’une
reconnaissance visuelle, qui ne mettait en place qu’un lien ténu. Le consommateur ne doit
plus seulement identifier la marque, mais s’identifier avec elle. On ne vend plus un produit,
ni même un style de vie, mais un univers narratif (p. 36-37). La pomme d’Apple devient la
face concrète d’un symbole dont le signifié est la success-story de l’entreprise et de son
charismatique fondateur, Steve Jobs, qui n’hésite jamais à rappeler son histoire, exemplaire
roman d’apprentissage. Cette dimension à la fois héroïque et personnelle du storytelling
explique d’ailleurs en partie, selon Christian Salmon, son développement aux États-Unis :
ces Vies de héros modernes sont sous-tendues par la croyance dans le rêve américain et dans
le self-made-man.
7
Mais au-delà de l’utilisation de récits de vie exemplaires, le marketing du storytelling met
en œuvre consciemment des symboles et des mythes ancrés dans l’imaginaire collectif :
c’est là que va se situer le point commun de tous ces storytelling et la raison profonde de
leur succès. Face à la complexification du monde et la perte des grands récits explicatifs,
qu’ils soient politiques ou religieux, les hommes ont besoin de nouveaux récits, qui vont
donner du sens au monde moderne3. Et ces récits, des publicitaires, des managers et des
hommes politiques vont, cyniquement, les fabriquer à partir des membres épars des mythes
anciens. La désignation des storytellers comme des gourous dans le domaine du
management paraît alors tout à fait révélatrice. L’équivalence, un peu rapide, que Christian
Salmon établit entre le gourou — indien — et le griot — africain — est parlante : le
storyteller devient gourou, guide spirituel, parce qu’il est griot, parce qu’en racontant des
histoires il recrée un lien et un sens défaillants.
Les nouveaux Stakhanov
8
Si le premier chapitre, qui peut être lu de façon quasi indépendante, donnait un exemple
frappant et facilement appréhendable dans la vie quotidienne de l’envahissement de l’espace
discursif par le récit, les trois chapitres suivants reviennent sur l’origine du storytelling et
sur l’explication de son succès, en étudiant ce qui est, avec la politique, l’un de ses noyaux
durs : le management. Christian Salmon propose ici une manière de prolongation du livre de
Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme4, paru en 2000. Le
storytelling est en effet une émanation et une concrétisation de ce « nouvel esprit » qui
permet à son tour de comprendre son fondement tout à la fois économique et existentiel.
9
Ce storytelling management partirait, dans les années quatre-vingt-dix, de l’étude du
« silence des organisations », absence de parole entre les services et les employés qui ferait
obstacle à la gestion des conflits et à l’innovation. Il va s’agir pour ce nouveau management
de susciter la parole ou plutôt, en réalité, de contrôler la parole : au silence imposé5 se
substitue le récit domestiqué. Les récits qui prolifèrent de façon informelle autour de la
machine à café ou à la cantine, toutes ces petites histoires de l’entreprise, vont être collectés

! 74!
et mis en forme pour servir l’Histoire de l’entreprise. Diffusées par l’intranet, ces légendes
— au sens étymologique de « ce qui doit être lu » — servent à l’édification de tous.
10
Histoires utiles, les récits récupérés par le management exercent une fonction discursive
d’exempla au service de la nouvelle morale du capitalisme — le changement : « La
philosophie actuelle du capitalisme a ceci de particulier que le désordre y semble
souhaitable : la restructuration permanente d’une entreprise est ainsi vue comme une
marque de dynamisme et, sur le marché boursier, le changement institutionnel a une valeur
en soi6. » Le récit prône le « merveilleux changement »7 et le rend possible : alors que
l’entreprise pyramidale à l’ancienne a laissé la place à des réseaux mouvants, le récit permet
de donner un sens au vécu de l’employé et de rendre presque tolérable l’adaptabilité exigé
du travailleur à l’époque, pour reprendre cette fois une expression d’Haruki Murakami, de la
« société capitaliste à haut rendement8 ».
11
Ce sont ainsi les propriétés de mise en ordre du récit qui sont exploitées par le management,
indépendamment de la question de sa référentialité. Mais on se rend compte assez vite que
le storytelling est, plus qu’un art du récit, un art de la fiction. C’est d’ailleurs cette
ambivalence qui donne parfois au livre de Christian Salmon un aspect disparate. Le
quatrième chapitre, « La nouvelle “économie fiction” » s’ouvre en effet sur l’évocation des
call centers indiens dont les employés, afin de pouvoir dialoguer avec leurs clients
américains, subissent une forme d’exil intérieur ou de délocalisation culturelle : imprégnés
par la culture américaine, ils vivent en Inde la vie d’une Amérique fantasmée. L’exemple du
scandale d’Enron paraît également ne plus avoir de rapport avec ce néo-management. Dans
ce cas cependant, on retrouve l’utilisation du récit par le marketing décrite au premier
chapitre : le succès d’Enron puis le scandale viennent de la transformation du récit, utilisé
comme moyen de donner du sens et donc comme outil de persuasion, en fiction. En faisant
reposer les comptes sur « la valeur future hypothétique » (p. 107), le PDG d’Enron, Jeff
Skilling met en effet à la fois en œuvre un récit — la projection dans le temps d’une action
— et une fiction qui se révèle un mensonge — un monde possible donné comme monde
réel.
Les hommes politiques croient-ils à leurs mythes ?
12
Le cœur de la dénonciation de Christian Salmon n’est ainsi pas tant la capacité du récit à
« formater les esprits » que son utilisation pour réaliser un escamotage du réel. Ce qui unit
tous ces récits disparates, y compris les jeux vidéos destinés à l’entraînement des soldats,
l’histoire d’Harold et le crayon mauve ou le récit à peine arrangé rapportant le succès d’une
équipe dans son adaptation au changement, c’est l’interposition entre le sujet et le réel d’un
récit qui, sous le prétexte de le mettre en ordre, le voile : le storytelling réalise un
dédoublement du monde et fait vivre les employés des call centers comme les actionnaires
d’Enron dans un simulacre.
13
S’expliquent alors la place prise par la politique dans le livre de Christian Salmon —
environ la moitié de l’ouvrage — et l’importance qu’y prennent les exercices de simulation
menés par l’armée. En pointant la convergence entre Hollywood et le Pentagone,
concrétisée par la fondation en 1999 de l’Institute for Creative Technology, Christian
Salmon attire l’attention sur la prise de conscience par les hommes politiques des pouvoirs
de la fiction, qui font des scénaristes hollywoodiens des experts et des productions

! 75!
hollywoodiennes des récits prophétiques ou légitimants. Les films et séries américains sont
engagés dans une opération de propagande qui vise à remplacer le réel tel qu’il est par le
réel tel que le gouvernement de Bush veut qu’il soit. Les propos tenus par un conseiller de
Bush à Ron Suskind, éditorialiste au Wall Street Journal, rapportés par Christian Salmon,
sont en cela l’acmé du livre :
Il m’a dit que les gens comme moi faisaient partie de ces types « appartenant à
ce que nous appelons la communauté réalité » [the reality-based community] :
« Vous croyez que les solutions émergent de votre judicieuse analyse de la
réalité observable. » J’ai acquiescé et murmuré quelque chose sur les principes
des Lumières et l’empirisme. Il me coupa : « Ce n’est plus de cette manière que
le monde marche réellement. Nous sommes un empire maintenant, poursuivit-
il, et, lorsque nous agissons, nous créons notre propre réalité. […] » (p. 171-
172)
14
Au fil des trois chapitres consacrés par Christian Salmon à la politique américaine, on glisse
ainsi du discours politique au récit, du récit à la fiction et de la fiction au mythe. Le chapitre
5, « La “mise en histoires” de la politique », s’ouvre sur « l’histoire d’Ashley », histoire
vraie d’une jeune fille ayant perdu sa mère le 11 septembre, réconfortée en public par
George Bush. Christian Salmon se livre alors à une analyse précise de la mise en images de
cette histoire qui constitue un des moments les plus réussis du livre. Il expose ensuite
comment le storytelling est utilisé lors de la campagne présidentielle qui conduit Bush Jr à
sa réélection puis comme une méthode de gouvernement. Ce chapitre, l’un des meilleurs du
livre, en est aussi le point de départ, la répétition du terme « story » dans un discours de
Bush en 2001 ayant attiré l’attention du narratologue Peter Brooks et à sa suite de Christian
Salmon (p. 14)9.
15
Parce qu’il fait primer l’émotion sur l’analyse, l’identification sur la distance critique, le
récit est un danger potentiel pour la démocratie. Il ne faut pas cependant négliger sa
rationalité propre, pas plus qu’il ne faut confondre fiction et mensonge. L’habileté des
scénaristes à inventer des fictions n’en fait pas des conseillers illégitimes du prince, de
même que c’est à bon droit que les romans d’anticipation de DeLillo sont utilisés par
Christian Salmon pour éclairer le réel. Les jeux vidéo de simulation destinés aux soldats
mettent par exemple à profit la capacité qu’a la fiction, par la suspension d’incrédulité
qu’elle provoque, de donner accès à des expériences possibles : ils paraissent en définitive
pouvoir bien difficilement servir la thèse de l’auteur. Le cas de la « jurisprudence Jack
Bauer » (p. 168-169), certes frappant, paraît de même un peu vite analysé : la légalité ou la
moralité d’un acte peut tout aussi bien être examinée à partir d’un cas réel que d’un cas
fictif. Il est donc loisible à un juge d’argumenter sur la moralité du recours à la torture à
partir de l’exemple de Jack Bauer, le problème venant plutôt de l’affirmation par un juge du
primat de cette moralité sur la légalité.
16
Mais la thèse de Christian Salmon s’appuie sur la convergence de ces fictions qui créent une
culture de l’infotainment (p. 178), soit une suspension générale de l’incrédulité face à un
réel qui, mis en récit, paraît un scénario d’Hollywood : tout devient alors possible.
L’histoire d’Enron qui fermait le chapitre 4 apparaît ainsi comme une image de la politique
bushienne : ce qui doit être prend la place de ce qui est tandis que disparaît le principe de
réalité.

! 76!
17
Si l’on a vu que le récit doublait et voilait la réalité, les propos du conseiller de Bush
confèrent au pouvoir la capacité d’instaurer le réel, de créer un récit plus vrai que le réel :
nous sommes plongés là en plein régime mythique. Alors que le cynisme du PDG d’Enron
ne fait pas question, Christian Salmon s’interroge sur les modifications apportées par
l’administration de Bush aux rapports de la NASA ou de la National Oceanic and
Atmospheric Administration (NOAA) : un pseudo-journaliste a, par exemple, fait
disparaître toute allusion au Big Bang dans les documents de la NASA (p. 182). Il
semblerait que, pour une partie du moins de l’administration Bush et de ses électeurs, il
existe bien deux couches de réalité d’une valeur inégale : la réalité profane et ce qu’il faut
bien appeler le mythe, que les faits, parce qu’ils n’ont pas le même statut ontologique, ne
peuvent démentir.
Le nouvel ordre narratif
18
La conclusion de l’ouvrage, « Le nouvel ordre narratif », met en lumière l’arrivée en France
du storytelling en analysant la campagne de 2007 qui a vu s’affronter non pas deux
programmes mais deux « histoires », les armes de Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal
n’étant pas les idées, mais des symboles et des mythes : les Mythologies de Barthes
remplacent à la fin du livre son « Introduction à l’analyse structurale des récits ».
19
C’est dans cette récupération et cette manipulation consciente des mythes et des récits
collectifs que réside la perversion de l’imaginaire que produit le storytelling ; au lieu
d’exprimer l’imaginaire, ces nouveaux mythes le modèlent, au lieu de mettre en forme
l’expérience du passé, ces nouveaux récits déterminent l’avenir. C’est d’ailleurs en cela que,
plutôt que de récits ou de fictions, il faut parler de mythes : ce qui est construit par ces
nouveaux griots, ce sont des modèles narratifs de comportement. Si la fiction ouvre le
possible et permet l’expérimentation ludique, le récit mythique impose un ordre et un sens
et escamote le temps : l’avenir, dans le régime mythique, est prescrit par le récit sacré qui
instaure le réel. Alors que l’époque de la dénonciation des mythes semblait bien dépassée et
l’heure semblait plutôt à la démonstration de leur pouvoir heuristique, il se produit là un
bien inquiétant retour des mythes.

NOTES
1 Paul Ricœur, Temps et récit (1983), Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points essais. », t. I,
2001, p. 17.
2 Roland Barthes, « Introduction à l’analyse structurale des récits » (1966), L’Analyse
structurale des récits, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points essais », 1981, p. 7.
3 « Face au pullulement des signes, explique le néomarketing, les consommateurs seraient à
la recherche de récits leur permettant de reconstituer des univers cohérents. » (p. 37).
4 Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 2000.
5 Christian Salmon renvoie sur ce point à Surveiller et punir, en montrant en quoi le
storytelling en entreprise permet une prolongation des analyses de Foucault (p. 51-52). Dans
le n° 96 de Manière de voir, un article de Christian Salmon, « Léon Tolstoï, consultant en
entreprise », où l’on trouve les thèses essentielles de son livre, est intégré à un ensemble
d’articles retraçant l’évolution du management depuis la fin des années quatre-vingt, qui
permet une mise en contexte très éclairante. Voir La Fabrique du conformisme, Manière de
voir, n° 96, décembre 2007-janvier 2008 (« Motiver le travailleur », p. 69-97). On pourra
lire sur le site du Monde diplomatique (www.monde-diplomatique.fr) un autre article de
! 77!
Christian Salmon, « Une machine à fabriquer des histoires », daté de novembre 2006, sur le
même sujet.
6 Richard Senett, « Récits au temps de la précarité », Le Monde, 5 mai 2006, cité par
Christian Salmon p. 90.
7 Don DeLillo, Joueurs (1977), Arles, Actes Sud, 2002, cité par Christian Salmon p. 89.
8 Haruki Murakami, Danse, danse, danse (1988), Paris, Seuil, coll. « Points essais », 2004,
p. 31. Les romans d’Haruki Murakami incarnent tout à fait le projet, sur lequel se clôt le
livre de Christian Salmon, d’une contre-narration comme déstabilisation du récit imposé par
les storytellers : dans Danse, danse, danse, le personnage du mouton, au sein de la société
capitaliste à haut rendement, oppose son récit au récit — et donc au réel — dominant.
9 C’est ainsi l’évocation de George Bush qui ouvre les deux articles de Christian Salmon
cités plus haut.
POUR CITER CET ARTICLE
Ivanne Rialland, « Hold-up sur l’imaginaire », Acta fabula, vol. 9, n° 2, Février 2008, URL :
http://www.fabula.org/revue/document3931.php, page consultée le 16 février 2015.

20) Glossaire du marketing

A
Agent : celui qui agit pour le compte d’autrui
Ajustements du prix : les variations dans le domaine du prix
Attitude : c'est une satisfaction espérée lors de la consommation ou dans l'utilisation future du produit
Attributs de la marque : ce sont les caractéristiques distinctives de la marque d’un produit ou service

B
Besoins : ce sont des exigences de première nécessité ou de luxe d'une personne

! 78!
C
Catalogue : une liste, une énumération de personnes ou de choses classées dans un certain ordre
Centre commercial : l’ensemble de magasins regroupés sur un même toît
Chef de produit : il traite tous les éléments de la commercialisation du produit
Circuits : les étapes de distribution du produit avant d’atteindre sa destination finale ( consommateur)
Code Universel du Produit (CUP) : c’est une série de barres pouvant être lues par un lecteur optique et identifiant: le
prix, le fournisseur et autres éléments utiles du produit.
Commandite : c'est une activité de communication en marketing par laquelle une firme apporte un support financier à
un événement sportif, culturel ou philanthropique dans le but d'augmenter sa notoriété et d'améliorer son image
corporative
Composantes : les composantes sont: des caractéristiques physiques perçues, des accessoires, une garantie, un
emballage, un nom commercial, de la disponibilité de crédit…
Conflit : ce sont des luttes et des rivalités
Consommateurs : toute personne qui achète ou qui est susceptible d'acheter un bien ou un service
Consummérisme : le mouvement qui cherche à accroître les droits et les pouvoirs des consommateurs et des acheteurs
en les informant de leurs droits
Contrefaçon : c’est l’imitation ou la reproduction frauduleuse de l’oeuvre ou de la production d’autrui
Cycle de vie d’un produit : les étapes de développement d’un produit
Description du consommateur : elle se fait selon l’analyse des variables socio-économiques, de comportement et
l’historique de ses achats

D
Détaillant : celui qui vend des marchandises en petites quantités au consommateur
Devis : une méthodologie comprenant le coût et les délais de la recherche.
Distribution : la distribution consiste à véhiculer les produits jusqu'à celui qui les consomme. La distribution physique
concernant le transport, la manipulation et la distribution commerciale dont l’objet est la commercialisation du produit
dans un point de vente.

E
Entreprise : c'est un système intégré comprenant des objectifs, des ressources et un système organisationnel
Escomptes : la retenue opérée sur le montant initial d’une facture ou du prix du produit
Éthique : code de fonctionnement moral adapté à un groupe ou un secteur d’activités
Évaluations sensorielles : les façons de tester les produits avec nos sens

F
Facteurs contrôlables : les éléments qui sont sous le contrôle du gestionnaire. Au niveau du Marketing , ce sont : Prix,
Produit, Promotion et Place
Facteurs incontrôlables : les éléments qui ne sont pas sous le contrôle du gestionnaire. Ce sont : Économie, Politique,
Marché, Climat, Technologie…

G
Gamme de produits : la gamme de produits est constituée de toutes lignes de produits offertes par une compagnie.
Garantie : est l'assurance que le manufacturier s'engage, pour une période prédéterminée à remplacer un produit

! 79!
défectueux ou à rembourser le montant dépensé lors de l’achat
Grossiste :

H
I
Image : C'est l'association que fait l'entreprise entre le symbole social d'un produit ou d'un service avec un segment de
son marché.
Influences : ce sont les éléments qui influencent le consommateur
Intensité : Le degré d’activité sur un marché

J
K
L
Ligne de produits : ligne de produits est constituée de tous les modèles d'un même produit que l'entreprise a décidé
d'offrir.

M
Marketing : C’est l'accomplissement des activités de l'entreprise qui dirigent les Biens/Services de production au
consommateur dans le but de satisfaire ces derniers tout en réalisant les objectifs de la compagnie. E.J.McCarthy
Marque : c'est un nom, un mot, une expression, un dessin, un symbole, ou toute combinaison de ces éléments
Mécénat: c'est une commandite qui est apparemment dégagée de tout intérêt mercantile (Bronfman et les HEC).
Méthodes de fixation du prix : les éléments permettant la fixation du prix
Minorités visibles : le groupe de personnes appartenant aux ethnies minoritaires

N
O
Objectifs : les buts à atteindre

! 80!
P
Parrainage: c'est une commandite exclusive de la marque
Patronage: il se fait surtout dans le domaine culturel et humanitaire, le commanditaire recherche le partage des
retombées médiatiques et vise comme objectif une présence et un positionnement
Pénétration : de façon générale, c’est une méthode de vente d’un produit ou d’un service
Perception : c'est un processus d'interprétation et d'organisation des sens en vue de se bâtir une image cohérente de son
environnement.
Positionnement : le positionnement est défini par rapport à une référence, par une multitude d'attributs physiques,
psychologiques et par l'âge.
Produit : il représente la promesse faite par l'entreprise de satisfaire un ou plusieurs besoins du marché à un moment
donné
Projection : c’est avoir des idées sur l'utilisation possible d'un produit ou service
Promotion : c'est la pratique de marketing consistant à ajouter temporairement à un produit ou à un service, une valeur
supplémentaire offrant un avantage spécifique aux acheteurs concernés en fonction d'un objectif précis et mesurable.
Publicité : la publicité est constituée de toute forme impersonnelle et rémunérée de présentation, de promotion d’idées,
de produits ou de services par un commanditaire identifié.
Publicité évènementielle : la publicité qui récupère l’actualité.
Publicité Guérilla : des méthodes avant-gardistes de publicité
Publicité par objet : ce sont principalement des crayons, des calendriers, des T-shirts, des gilets, des porte-clés, des
allumettes et autres...

R
Raisons : l’ensemble des facteurs qui affectent une stratégie ou une tactique sur un marché donné
Réactions face à l’information : c’est la façon que le consommateur sélectionne, organise et interprète la stimulation
des sens en vue de se bâtir une image cohérente de son environnement
Récupération : c’est la méthode qui nous permet de retrouver notre investissement
Relations de presse: la couverture de presse des principaux médias
Relations publiques : ce sont des relations de presse, les commu-nications internes, couramment appelées le marketing
interne, visant principalement la motivation des employés.
Rendement : ce que rapporte un investissement . Le taux est calculé selon le profit / investissement
Représentant externe : c'est une activité courante déterminée par les circonstances de l'échange entre 2 personnes
Représentant interne : il s'occupe à la fois des plaintes et réclamations en plus de donner un support aux ventes.

S
Service à la clientèle : c’est une philosophie axée sur le client
Sondage spectacle: c'est la mise en scène de la vie quotidienne par les médias.
Sondage politique: ce sont les intentions de vote, la popularité des partis et des chefs politiques, l'attitude devant tel
projet de loi.
Sondage administratif: ils sont menés par l’État sur la clientèle qui bénéficie des services gouvernementaux.
Sondage organisationnel: il est destiné aux membres des organisations. Ils veulent tester la satisfaction, le moral ou
détecter les problèmes en vue de trouver des solutions.
Sondage commercial : il nous permet de connaître les besoins des clientèles des organisations. Il permet de répondre
aux attentes et de modifier les perceptions du public.
Sondage scientifique : il a comme objectif de connaître sans avoir un but mercantile. Il est surtout utilisé par l’état.
"Sponsoring": c'est une commandite partagée de la marque
Stratégie : la façon d’atteindre un marché
Système : le système est «la façon de faire»; le modus operandi.

! 81!
T
Tâches : l’ouvrage que l’on donne à faire pour un prix donné et pour un temps déterminé
Tarifs : un tableau indiquant le prix de vente de certains produits
Tendances : une mode, un penchant d’un groupe ou d’un segment du marché
Test de marché : l’évaluation sommaire d’un produit ou service par un échantillon donné
sur un marché test

U
Utilités : c’est la capacité d'un produit à satisfaire les besoins du consommateur

! 82!
ANNEXE
Analyse détaillée de la construction d’un monde possible–impossible (PW) dans
le « storytelling » du spot « J’adore « de Dior, réalisé par Jean-Jacques Annaud
(2ème publicité Dior : 2011), est balancé par la voie de Beth Ditto sur le titre « Heavy
Cross ». Cependant, un petit détail vient troubler cette pub. La présence de Marilyn
Monroe, icône du parfum N°5 de Chanel. La maison Dior essaierait-elle d’insinuer
que Marylin Monroe aurait préféré porter J’adore que N°5 ?

A) Mise en narration d’un monde possible dans ce spot


Plus qu’un simple spot publicitaire, Dior a misé sur un film publicitaire à grande
envergure. Location du château de Versailles, intégration de grandes stars
hollywoodiennes, une page entière du Journal du dimanche pour annoncer la
diffusion du spot, ce nouveau film publicitaire était très attendu. C’est une publicité
qui met en scène et en narration cinématographique le produit à travers une séries des
séquences-plans évoquant le conte de fée de Cendrillon à travers les phases
narratologique de la Perturbation (P), de la Réaction (R) et de la – Résolution
(Re).
On retrouve la star « testimonial » de Dior Charlize Theron qui garde sa place de
figure principale du parfum depuis que le styliste John Gagliano l’a choisie en 2004.
Perturbation
En retard, le soir pressée, Charlize monte l’escalier du Palais royal de Versailles
ET on se retrouve plongé dans les coulisses « backsage » d’un défilé de mode où se
côtoient maquilleurs, coiffeurs, stars d’un autre temps ainsi que l’actuelle égérie de
Dior qui se faufile (ouvre la porte et rapidement et discrètement, lunettes noires, jeans
noir- et chaussures haut tallons) dans toute cette foule. C’est la phase de Perturbation,
dans cette situation qui fonde un monde possible-impossible (Pw se déroulant dans la
galerie des glaces du château de Versailles. Un endroit parfait pour représenter le
prestige de la marque ainsi que l’ambiance de la fragrance : l’or.
Reaction : la force d’être un femme « Dior » à travers l’espace et le temps du
palais royal et du défilé. Dans cette dimension spatiale mythique et « magique »
bien contrôle et dominé par Charlize, elle croise des icônes blondes et reconnues
pour leur beauté et leur grâce l’actrice américaine Grace Kelly, la chanteuse et
également actrice allemande Marlene Dietrich et évidement l’icône, la pin-up, et la
sensualité affective et douce de Marilyn Monroe.
Résolution Dior, de cette façon, introduit ainsi son égérie, la belle sud-africaine
Charlize, parmi les plus belles femmes que notre société ait connues ces dernières
années. Tout au long de ce film publicitaire, la marque nous présente, de façon
détournée, toute la panoplie de création de la maison Dior. On peut y admirer des
lunettes, des chaines, médaillons, le dernier sac à main Dior couture, des robes Dior
couture, le rouge à lèvre Dior maquillage et finalement le parfum Dior parfumeur.
De cette manière, la marque met en avant, vend au téléspectateur et téléspectatrices
surtout américaines, d’autres produits phares de sa création. De plus, c’est également
pour Dior l’opportunité de s’imposer sur le marché chinois, très attiré par le domaine
du luxe.

! 83!
L’entrée en scène du produit en question, le parfum, arrive au ¾ de la publicité. La
présence du produit est mise en valeur à la fois en plein cadre à la toute fin (pack
shot) de la publicité mais également à la caméra par Marilyn Monroe. Il n’y a pas de
plan de démonstration ou d’argumentation du produit, son entrée tardive permet à la
marque de construire un concept visuel destiné à construire la situation.

B) LECTURE ANALYTIQUE AVEC DES IMAGES/ DÉCOUPAGE

! 84!
! 85!
C) SYNTHÈSE SUR L’UTILISATION DE RÉFÉRENCES
CULTURELLES POUR CRÉER LA PUBLICITÉ
POURQUOI CETTE MUSIQUE ?
The Gossip – Heavy Cross
Ce groupe est un groupe américain très à la mode en ce moment. Mené par
l’imposante Beth Dito, le groupe est présent dans les fashion-weeks du monde entier
pour accompagner les défilés des marques les plus prestigieuses. Au défilé
printemps-été 2011 c’est Jean-Paul Gauthier qui choisit le groupe pour son défilé de
prêt à porter.
Dior veut absolument que son nouveau film publicitaire, pour le parfum Dior
j’Adore, soit accompagné d’une des chansons populaires du groupe Gossip. Ainsi
Dior reste dans le « hipe » et tout comme ses concurrents peut se venter d’avoir aussi
mis la main sur ce groupe majeur de la scène électro-rock que toutes les fashionistas
aiment. L’influence de la musique sur les messages publicitaires s’intéresse à la
mémorisation et la connaissance. Si le téléspectateur apprécie la musique, il
appréciera en conséquence le message publicitaire. Cette musique bien sélectionnée a
un effet sur l’agrément ressenti et sur la mémorisation du spot.
POURQUOI CES ACTRICES ?
Monsieur Dior, fondateur de la maison Dior aimait les femmes, il aimait surtout les
belles femmes. Il souhaitait mettre à l’honneur et rendre les femmes plus heureuses.
Le parfum Dior j’Adore fut mis sur le marché en 1999. Dés les débuts du parfum, les
égéries mises en scène sont toutes plus belles les unes que les autres, blondes,
grandes, un long coup fin, une taille fine et dessinée.
Charlize Theron devient l’égérie du parfum en 2008, « solaire », « triomphante » et
gracieuse, Charlize est l’incarnation vivante du parfum. Tout comme les précédentes
elle est blonde, « parfaite » et représente idéalement l’image du parfum. Charlize est
également à cette époque une actrice en plein boom médiatique et sa carrière est à son
apogée.
Pour ce nouveau spot, Charlize est toujours là, le public ne peut se passer de cette
déesse légendaire, contemporaine. Elle est la femme telle que j’Adore la célèbre : en
mouvement, superbement forte et souveraine.
Le nouveau spot fait également revivre l’époque du cinéma Hollywoodien avec
l’utilisation d’icônes telles que Marilyn Monroe, Grace Kelly, Marlene Dietrich,
toutes décédées.
Également grandes et blondes, ces femmes sont des icônes éternelles. La marque les
met en avant en leur faisant porter du Dior :

Grace Kelly, princesse éternelle porte la grande robe de bal « Mitzah » et incarne
ainsi l’élégance de la marque.

Marlene Dietrich porte une veste qui s’inspire du Tailleur Bar, ses jambes sont nues
et ornées de porte-jarretelles, ce qui est une évocation à la pose mythique de l’Ange
Bleu. On y retrouve ici la sensualité.
! 86!
Marilyn Monroe, avec son long fourreau est un hommage aux déesses
hollywoodiennes. Elle est à la fois sensuelle et sophistiquée.

Charlize Theron, lors de son entrée dans le château, est vêtue d’une veste
« Diosera » qui est une réinterprétation de la veste du Tailleur Bat. Au moment de
son apparition finale, nous retrouvons tous les codes de la maison Dior avec un
collier Massaï.

POURQUOI CE LIEU ?
Il y a cinq ans, John Galliano était le roi de Versailles. La prestigieuse maison
Christian Dior, avait loué l’Orangerie du château afin de présenter sa collection
automne-hiver. Le grand Trianon accueille en 2011 une exposition retraçant la source
d’inspiration que le XVIIIème siècle continue de susciter chez les couturiers
d’aujourd’hui.
Versailles à l’époque des grands rois, et notamment de Louis XIV au
17ème siècle, était le centre de la mode. Les duchesses, demoiselles et princesses y
défilaient toute la journée dans des étoffes de luxe et dans des robes de créateurs à
« tomber par terre ». Les maisons de couture y voient un lieu de prédilection pour
leur promotion avec une symbolique de mode et de luxe immense. Ainsi, en 2011
c’est Dior et son parfum J’adore qui loue le château, au groupe propriétaire LVMH,
pour y tourner la nouvelle publicité dans la galerie des glaces. Galerie de renommée
mondiale, tapissée de miroir d’or, de diamant et de cristal. Cette galerie
correspond parfaitement à l’image du parfum, inaccessible et luxueuse.

POURQUOI LE CHOIX DES STARS HOLLYWOODIENNES ?


Hollywood est le berceau du glamour, de la beauté et de la richesse. Ce lieu mythique
a vu défiler les stars qui auront marqué chaque époque. Hollywood c’est les strass, les
paillettes, l’or. Dans cette ville, les personnalités sont à la pointe de la mode et
représentent des icônes pour le public. Les maisons de couture sont les premières
intéressées par ce lieu et les stars qui y fourmillent. Dior et son parfum J’adore y ont
cherché des images et des idées pour leur nouveau spot publicitaire. Marlene Dietrich
avait exigé d’être habillée par Dior pour jouer dans le film l’Alibi (« No Dior, No
Dietrich »). Grace Kelly est apparue en Dior lors de ses fiançailles à New York.
En utilisant les représentations de ses actrices et stars hollywoodiennes Dior
s’impose, il montre sa supériorité, notamment face à Chanel, et l’universalité de son
parfum qui traverse les époques et même la mort.

POURQUOI CES COULEURS ?


Le château de Versailles est la représentation même du luxe, du soleil et de l’or. C’est
un endroit rêvé pour le parfum Dior J’adore dont la principale caractéristique est sa
couleur, l’or, qui a marqué les années.
Cet or utilisé par ce parfum depuis le début, est la représentation même du précieux,
du solaire et du royal. L’association est faite entre le château et ses dorures
apparentes et l’or amené par la marque. Les significations et les évocations de l’or
! 87!
sont nombreuses, autant dans la mythologie que chez les Egyptiens de l’antiquité où
l’or confère la survie divine. Globalement les références à l’or sont plutôt anciennes
et encrées dans les mœurs, les messages véhiculés par la marque sont ainsi facilement
compris par le public.
Au delà de l’or, on remarquera que Charlize, en arrivant au château, porte du noir et
un jean, elle n’est pas encore dans son habit de lumière. Cette tenue contraste avec ce
qu’elle va devenir, comme si au dehors du défilé, loin du parfum, elle perd toute son
aura.
Les backstage nous montrent une grande diversité de couleurs et de matière, on
comprend que ce choix est justifié : sans le parfum pourquoi briller ? Marylin, en
prenant le parfum dans ses mains semble s’éclairer, c’est vraiment le parfum qui
donne toute la lumière et la beauté à celui qui l’utilise ou qui le porte. On note donc
un contraste saisissant entre les mannequins « lambda » et les égéries qui brillent de
milles feux grâce au parfum.

Pour en savoir plus sur l’analyse narratologique de ce spot :


http://eduquerauxmedias.over-blog.com/article-analyse-de-la-publicite-pour-j-adore-
de-christian-dior-114109508.html

! !

! 88!
21) INDEX DES PARAGRAPHES
1) Définir le storytelling_______________________4
2) La narratologie come fondement du storytelling 6
3) Aristote le premier narratologue du
storytelling________________________________6
4) Analyse du récit : fonctions, motifs, thèmes
5) Le récit fonde un monde possible_____________8
6) Monde réel médiatique et mondes possibles de la
marque__________________________________14

7) Notions sémiotiques et narratologiques de


dénotation et connotation __________________19

8) Métaphore cinématographique comme narration


pour le storytelling________________________21

9) Niveau axiologique, narratif et discursif de la


marque pour le storytelling ________________25

10) Contrat de confiance entre marque et client


modèle qui doit correspondre au client
empirique________________________________29

11) Pour résumer : les concepts clé du storytelling


de la marque et l’attitude du
consommateur______________________________31
12) Charlize Theron comme storytelling de Dior
__________________________________________32

! 89!
13) Le storytelling de la marque comme
mythologie________________________________34

14) Valeurs symboliques de la marque pour sa mise


en narration________________________________39

15) La marque comme image, et positionnement : le


prisme de Kapferer__________________________42

16) Étude de cas n. 1 L’ENSORCELEUR ET LE


TAQUIN DE PERRIER : ENTRE APOGÉ ET
CRISE______________________________________50

17) Étude de cas n. 2 LAVAZZA ENTRE


MODERNITÉ ET TRADITION________________58

18) Un regard sur l’image socio-symbolique de


l’entreprise dans la société actuelle______________63

19) Du storytelling de la marque au storytelling de


l’homme politique comme marque selon la notion de
storytelling de Christian Salmon________________71

20) Glossaire du marketing ____________________78

21) ANNEXE
Analyse détaillée de la construction d’un monde
possible–impossible (PW) dans le « storytelling » du
spot « J’adore « de Dior_______________________82

21) INDEX DES PARAGRAPHES______________ 88

! 90!
THE END

! 91!

Vous aimerez peut-être aussi