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par
Hans PE’I’ERS,
Professeur à l’Université de Cologne.
I. Toute administration importante s’exer- suivait le but politiques d’associer plus 6troite-
~ant sur un vaste territoire requiert une cer- ment les citoyens a la nation et a 1’Etat par
taine decentralisation. Aussi la d6centralisa- l’interm6d]alre de 1’administration autonome
tion fait-elle partie, dans la Republique Fede- territoriale dans les villes. Depuis, l’ind6pen-
rale d’Allemagne, des principes les plus im- dance des pouvoirs locaux a de plus en plus
portants de l’organisation administrative. Par ete assur6e par I’administration autonome
d6centralisation, nous entendons 1’ensemble ( decentralisation ind6pendante, c’est-~-dire,
des tendances qui, au sein de l’organisation des ind6pendante de 1’Etat) et a poursuivi sa mar-
services publics, conduisent à un d6placeiiient che triomphale (2) bien au del~ du domaine
du pouvoir de decision, dans certaines ma- communal. Kn consequence, depuis lors aussi,
ti~res, des organes de I’administration centrale la decentralisation en Allemagne est plus
- surtout les ministeres vers d’autres au-
-
que -
situe aux dix-septième et dix-huitième siecles les id6es d6velopp6es au siEde dernier sur l’or-
et la dissolution en 1806. Lorsque vom Stein
6dicta son Stddteordnung (1808) (1), 11 pour-
Pertz, Das Leben des Freiherrn v. Stein, 6 vols. 1849-1855;
Botzenhart, Freiherr v. Stein, 7 vols. 1931-1937; Botzenhart-
(1) Voir la Städteordnung du Freiherr v. Stein, « Neue Ipsen, Freiherr v. Stein, 1956.
Schriften des Deutschen Städtetages », Heft 1, 1957; von (2) Voir E. Becker, in H. Peters, Handbuch der kom-
Raumer, Die Autobiographie des Freiherrn vom Stein, 1954; munalen Wissenschaft und Praxis, Bd. 1, 1956, p. 83 et ss.
pour aboutir, en 1949, ~ la R6publique Fede- renforce ainsi, aussi bien chez le fonctionnaire
rale d’Allemagne. Selon la conception ainsi a- que chez I’administre’, le sentiment des res-
doptée, I’Etat est soumis au principe de la ponsabilit6s et I’autorit6 administrative se sent
compétence risiduaire en vertu duquel I’Etat surveillee par le citoyen. On augmente aussi le
ne doit pas entreprendre une activite aussi sens de 1’6conomie chez les fonctionnaires bien
l~ngtemps que les particuliers ou des groupe- que l’on ne puisse dire que cas par cas, et non
ments subordonnes sont en mesure de 1’ac- d’une manière generale, si 1’administration de-
complir d’une manière satisfaisante. Cepen- centralis6e est moins onereuse que I’adminis-
dant, il se produit de plus en plus souvent tration centralls6e. Pour resoudre cette ques-
qu’en fonction de cette restriction, I’Etat, en tion, il faudrait confronter plusieurs points de
particulier la Federation, doive se charger lui- vue.
meme d’une tache, soit en raison des progres
de la technique, soit pour maintenir 1’6quilibre 3. La d6centralisation dans la R6publique
des besoins de 1’ensemb-le de la population federate se realise selon les principes domi-
nants dont 11 vient d’être question. Etant don-
malgre I’application du principe de la compe- ne qu’elle est un Etat fédéral, c’est-~-dire un
tence subsidiaire aux activites etatiques.
Etat qui se compose d’Etats membres - ou
D’autre part, les exigences 1’6gard de I’ad- L5nder - ayant des droits égaux et qui par-
ministration, se d6veloppent a tel point que la ticipent a la legislation et a 1’administration
c~ualification de PEtat moderne comme « Etats de 1’Ii.tat commun, il faut considerer les Lan-
administratif se trouve justifiee. der comme les principaux promoteurs de l’ad-
De ce fait, la d6centralisation a un r6le de ministration. Le principe federal caract6risant
contrepoids d’autant plus important. Ainsi, ]’Etat allemand doit etre distingu6 de la d6-
6galement, se realise une plus large repartition centralisation, bien que par rapport a I’Etat
du pouvoir 6tatique que celle pr6vue dans la commun il ait souvent un effet decentralisa-
th6orle de la separation des pouvoirs de Mon- teur.
F6d6rale d’Allemagne existent des differences A chacun de ces degr6s fonctionnent des au-
consid6rables entre la population du Nord et
torit6s administratives jouissant, dans leur
du Sud. GrAce ~ la decentralisation, les auto-
rit6s administratives peuvent plus etroitement domaine, d’une plus ou moins grande ind6pen-
dance. La d6centralisation sera d’autant plus
tenir compte de cette circonstance, car elle
forte qu’il y aura plus de profanes (c’est-~-
permet une meilleure connaissance des parti- dire de non fonctionnaires) et de corps repre-
cularit6s locales. Elle est I’arme la plus ad6- sentatifs 6lus aux niveaux interm6dialre et lo-
quate contre la paperasserie st6rilisante face cal. Ces deux conditions sont le plus souvent
a la vie changeante et dynamique de notre
temps, et assure une acceleration de la mar-
remplies dans I’administration allemande. Sur
le plan communal, on per~olt 1’existence de
che des affaires etant donn6 qu’il n’est plus
differentes institutions d’administration auto-
necessaire de recourir à la decision pr6alable
nome dont la competence territoriale se super-
d’une autorit6 lointaine par voie hi6rarchique.
Un avantage et un inconvenient, ~ la fois, de pose sans cependant qu’il existe entre elles une
1’administration moderne est son anonymite primaut6 hi6rarchique, tandis que le citoyen
appartient de la sorte a diverses entit6s terri-
toriales imbriqu6es. Ce sont, en partant du
(3) Voyez de préférence Carl J. Friedrich, Der Ver- simple vers le plus complexe : la commune
fassungsstaat der Neuzeit, 1953, p. 215; H. Peters, Die Ge- (ancien groupement de communes - A11lt -
waltentrennung in moderner Sicht, 1954, p. 24 et ss. dans certaines r6gions occidentales du terri-
(4) Voirà ce propos, H. Peters, Zentralisation und De-
zentralisation, 1928, p. 46 et ss.; H. Peters, Lehrbuch der toire) et 1’arrondissement ou canton (Kreis),
Verwaltung, 1949, p. 47 et ss. formation provinciale.
(6) Selon le priucipe de l’Etat de droit, qui existe en plissement d’un but bien déterminé. cf. Zweckverbandsge-
Allemagne depuis l’introduction du constitutionnalisme, setze des Reichs du 7 juin 1939.
I’assurance inaladle-invalidit6). Tous ces ti- transf6r6es en partie aux communes, soit pour
tulaires de la d6centralisation accomplissent les entreprendre sous leur propre responsabi-
d’une manière autonome une part importante lit6, soit sous celle de I’Etat (12).
des activit6s publiques (en particuller au sein Si l’on tient compte, en outre, du fait que
de I’administration de prestation) d6centrall-
la r6partition et la d6centralisation des tiches
s6es par rapport aux autorit6s centrales de
administratives est encore compliquee par la
1’Etat (8).
structure f6d6rale de la R6publique, on arrive
a un tableau assez complexe de la d6centrall-
4. On arrive ainsi a la conception de taches
decentralisees a remplir par de tels organes. sation fonctionnelle.
Le fait que les Constitutions de la plupart des 11 faut remarquer aussi qu’en vertu des ar-
Lander allemands stipulent express6ment que ticles 30, 83 et suivants de la Constitution
les communes ont un domaine d’action pro- ]’attribution des pr6rogatives administratives
pre (9) et que, dans la mesure o6 il n’existe se fait, en cas de doute, aux Lander et que la
pas de prescriptions 16gislatives expresses in- Federation n’est qualifi6e que pour entrepren-
vestissant d’autres services de I’administration dre les tiches administratives qui lui revien-
d’une telle mission, les communes sont dans
«
nent par la nature des choses (comme 1’admi-
les limite de leurs territoires, et sous leur pro- nistration des finances f6d6rales en fonction
pre responsabilit6, les promoteurs exclusifs de du plan budg6taire f6d6ral), en fonction d’une
]’ensemble de 1’administration publique loca- prescription ]6gale expresse ou, enfin, ce -
le ~ ( 10) n’est qu’apparement en contradiction qui est controverse (13) qui peuvent 8tre -
avec la representation d’une d6centralisation librement entreprises par elle dans un domaine
du haut vers le bas. On pourrait certes 6ta- non r6serv6 n’impliquant pas I’exercice de la
blir comme scientifiquement exact que I’Etat puissance publique.
a soustrait aux communes certaines activit6s
Le schema ci-dessous 6num6re les tiches
ressortissant, par la nature des choses, a I’ad-
ministration locale, s’en est charge lui-meme, administratives telles qu’elles se presentent
et les a fait accomplir d’une mani6re decen- dans I’organisation administrative allemande,
tralls6e ~ I’intervention d’organes constitu6s reparties du point de vue de la decentralisa-
tion.
par lui.
Mais pour l’observateur consid6rant de haut A. l,es tiches administratives propres à la
1’ensemble de la r6partition des tiches d’ad- Fédération ex6cut6es par les autorités fédéra-
ministration publique ~ partir des organes les propres par le truchement :
centraux, la vue g6n6rale est celle d’une d6-
centralisation. 11 faut aussi reconnaitre que si 1. des autorit6s centrales de la
Federation,
la th6orle du domaine d’action propre des surtout des minist~res ( activites
centralls6es);
communes n’est pas une innovation (11), elle
2. des instances superieures sp6ciales de la
n’est gu~re r6pandue dans la pratique admi- Federation (article 87, alin6a 3, article 87 b,
nistrative allemande, en particuller dans I’ad- de la Constitution) dont la competence s’6tend
ministration 6tatique, o6 I’on considere sou-
vent toutes les taches d’administration publi-
(12) Ainsi, par exemple. Schoen ( Recht der Kommunal-
que comme constituant une unit6. I~:n effet, verbände in Preussen, 1897, p. 14) et Peters ( Grenzen der
comme le montrent I’histoire et la situation kommunalen Selbstverwaltung, 1926, p. 189 et ss.) tenaient
rcalisee durant la monarchie absolue, ces ti- la distinction entre les domaines d’activités propres et d’acti-
vités
déléguées signification pratique, puis-
ches 6talent ~ l’origine essentiellement 6tati- comme sans
les droits et missions des communes
qu’alors (1926) « tous
ques et ce n’est que par la suite qu’elles furent sont exercés en vertu d’une concession
étatique ». Ce qui
était jadis très exact au point de vue du droit positif ne
l’est plus depuis 1945 et je ne puis maintenir ma conception
(8) Kötigen, in H. Peters. Handbuch der kommunalen antérieure : aussi bien l’articulation naturelle de la société
Wissenschaft und Praxis, vol. 1, 1956, p. 188 et ss. que le droit positif rendent nécessaire de faire la distinc-
(9) Article 83 de la Constitution bavaroise. tion entre les activités propres et déléguées des communes.
(10) Art. 137 de la Constitution de Hease; art. 78, ali- (13) Cette question est surtout controversée dans le do-
nea 2, de la Constitution de la Rhénanie du Nord-Westpha- maine de l’activité culturelle de la Fédération, étant donné
lie: art. 49 de la Constitution de la Rhénanie-Palatinat. que la compétence de légiférer en matière culturelle appar-
(11) Voir, par exemple, v. Blume, Ueber deutsche tient aux Länder, sinon entièrement du moins dans une
Selbstverwaltung, 1917, p. 12 et p. 28, note 6; Blodig, Die large mesure. Voir H. Peters, in Festgabe für Kaufmann :
Selbstverwaltung als Rechtsbegriff, 1894, p. 34 et ss.; Um Recht und Gerechtigkeit, 1950, p. 281 et ss. ; H. Peters,
Helfritz, Die Vertretung der Städte und Landgemeinden Die Zustandigheit des Bundes im Rundfunkwesen, 1954, p.
nach aussen in dem Gemeinderecht der östlichen Provinzen 12 et ss. ; Wenke, in Festgabe für Hans Nawiasky : Vom
Preusses, 1916, p. 54 et ss.; p. 62 et ss. ; Rosin, Souveränität, Bonner Grundgesetz zur gesamtdeutschen Verfassung, 1956,
Staat Gemeinde, Selbstverwaltung, in « Annalen des deutsch- p. 268 et ss. ; A. Köttgen, in Staats- und Verwaltungsrecht-
en Reichs », 1888, p. 292 et ss. ; Haenel, Deutsches Staats- liche Beiträge, herausgegeben von der Hochschule fiir Ver-
recht, 1892, p. 137 et ss. waltungswissenschaften Speyer, 1957, p. 183 et ss.