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147-200
modèle de gestion
Christelle Marsault
institutions ayant une capacité de décision (Ohnet, 1996). Elle est d’abord
territoriale : certaines décisions politiques sont transférées du pouvoir étatique vers
des structures locales comme les collectivités territoriales (municipalité, département
ou région). Elle peut être également fonctionnelle ou technique : certaines
institutions publiques accèdent à la personnalité morale, c’est-à-dire à un pouvoir de
décision autonome dans un champ d’application spécifique. Par exemple, les
établissements scolaires, en devenant des , acquièrent une autonomie juridique
et financière [1]
, et donc un pouvoir de décider par eux-mêmes. La décentralisation est
issue d’une volonté politique qui répond à deux objectifs : rapprocher le processus de
décision des citoyens (démocratie de proximité) et améliorer l’efficacité de l’action
publique pour mieux répondre aux besoins différents de la population. Toutefois, le
transfert des pouvoirs ne peut être total en matière d’enseignement car il est inscrit
dans la Constitution. « L’organisation de l’enseignement public, gratuit et laïque à
tous les degrés de l’enseignement est un devoir de l’État » (Préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946, repris dans la Constitution du 4 octobre 1958.
Disposition figurant dans l’article L. 141-1 du Code de l’éducation). Ainsi, en matière
d’éducation, l’État ne peut se démettre complètement de cette mission. Il en délègue
en partie la charge. Il n’y a donc pas autonomie complète de décision. D’ailleurs, le
rapport Pochart (2008) souligne combien le système éducatif français reste normatif
et centralisé. Quelle est alors la part qui revient au local ? S’il existe une dévolution du
pouvoir par la régionalisation (Gosselin, Filion, 2007), peut-on parler
d’autodétermination (Tousignant, Dionne-Tousignant, 1999) des établissements ?
Est-ce la reconnaissance d’une plus grande autonomie des équipes pédagogiques
(Pochard, 2008) ou d’une liberté pédagogique [2]
de l’enseignant ? S’agit-il d’une
auto-émancipation [3]
(Pinsker, 1985) qui rompt avec la croyance en une autorité
étatique transcendante (Castoriadis, 1975) ou d’une autonomie de l’espace
disciplinaire, c’est-à-dire la capacité qu’a un espace social à être réfractaire à des
déterminations externes (Bourdieu, 1991) ?
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
Selon les conditions dans laquelle elle s’exerce, la décentralisation va jouer un rôle 3
L’ n’est pas une entité décisionnelle autonome. C’est une pratique instituée, c’est- 5
à-dire que sa réalité rend compte de décisions prises par des acteurs à chaque période
en fonction de contextes spécifiques qui offrent des ressources, mais également des
limites à leurs actions. Les contextes ont une influence sur les pratiques et sur les
acteurs. Ainsi, nous montrerons comment s’instituent les transformations de l’ en
nous intéressant à trois éléments qui instituent une pratique, à savoir : les textes qui
fixent la pratique de façon légale, les usages en cours dans la profession qui
définissent une pratique coutumière et l’organisation des compétences au sein de la
corporation.
L’ est d’abord une pratique instituée par des textes qui l’officialisent et en 6
définissent une certaine identité. Les textes ont un rôle légitimant en entérinant des
pratiques en usage, mais peuvent avoir un rôle subversif en bousculant celles-ci.
L’analyse des textes ne révèle pas seulement un changement de contenu ou de valeurs
de la discipline, elle signale un mode de fonctionnement légaliste plutôt que
coutumier qui intervient quand la définition ordinaire ne va plus de soi. La
décentralisation des pouvoirs va rendre plus visibles les conflits au moment de
l’écriture des textes en donnant une plus grande liberté d’expression aux différentes
composantes de la corporation.
L’ est également une pratique instituée par des dispositifs particuliers. D’un point 7
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
Nous allons donc montrer dans cette partie que le mode de fonctionnement 9
Le projet ou le programme ? Quelle différence existe-t-il entre les deux modèles ? Les 10
Dans un mode de fonctionnement centralisé comme c’est le cas dans les années 1970, 12
le programme décrit l’ensemble des connaissances légitimes qui s’impose à tous. Pour
l’ , il se définit comme la « combinaison du classement des selon l’intérêt
qu’elles présentent pour l’élève et du classement des intentions pédagogiques dont le
professeur peut charger tel ou tel geste particulier qui permet l’élaboration d’un
programme cohérent » (circulaire du 19 octobre 1967). Pour Pierre Parlebas, il se
limite à une juxtaposition de techniques (1967). Dans un contexte technico-sportif, la
référence sportive suffit à légitimer les pratiques en et, par là, la pratique de l’ .
Ainsi, les instructions de 1967 valident l’idée d’un programme d’activités sportives
légitimées par des intentions éducatives particulières. Le programme se présente
plutôt comme un outil de revendication d’une identité scolaire, en incluant les
données récentes de la sociologie de l’éducation.
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Ainsi, la sociologie de l’éducation qui se constitue après les années 1970 en France va 13
L’idée d’un mode d’organisation plus autonome pour faciliter l’adaptation des 14
Les années 1980 vont constituer une période charnière pour la mise en place d’un 15
premier mode d’organisation décentralisé. Les lois Defferre des 10 et 15 juillet 1981
vont transformer l’organisation territoriale en libérant les hiérarchies entre les
régions, les départements et les communes. Les collectivités locales deviennent
financièrement autonomes [5]
. La décentralisation va avoir des conséquences sur la
gestion du système éducatif. La loi du 22 juillet 1983 stipule le transfert de
compétences de l’État pour la gestion des écoles aux municipalités, des collèges aux
départements et des lycées aux régions. La gestion par le local permet de répondre
plus rapidement aux besoins (démocratie de proximité). Elle contient également
l’idée d’une démocratie participative (la loi du 16 mars 1986 propose l’élection des
conseils régionaux). Alain Savary applique cette idée au domaine de l’éducation. Il
veut donner plus d’initiatives aux enseignants pour innover. Le projet
d’établissement est instauré à titre expérimental en 1983 (« Projet d’établissement,
projet éducatif, projet pédagogique », EPS, no 182, juillet-août 1983) et rendu
obligatoire dans les collèges à partir de 1986 et dans les lycées à partir de 1988. Il est
institué par la loi d’orientation de 1989. Après une décentralisation financière en
1986, les établissements vont peu à peu entrer dans une réforme politique en matière
de pédagogie. Une autonomie d’action de l’équipe est revendiquée par rapport au
programme national (Legrand, 1982). Le projet pédagogique offre la possibilité
aux enseignants de définir leur propre politique de formation (Rousseau, 1986). « Le
temps n’est plus à la contrainte, mais à susciter la volonté de transformer et aider
ceux qui tentent l’aventure » (Prost, 1992). Il s’agit de formaliser un projet qui tienne
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La décentralisation n’est pas une idée partagée par tous. Le ministère de Jean-Pierre 16
l’enseignement (Charlot, 1994). Elle se présente comme une offre locale dans un
bassin de formation (Duru-Bellat, Mingat, 1993 a). L’hétérogénéité des situations
d’enseignement suite à la décentralisation nécessite une régulation qui donne aux
collectivités régionales un nouveau pouvoir au détriment de l’État. Il y a
complémentarité, mais aussi concurrence, entre le local et le national. Les
collectivités territoriales ont pour compétence le champ social, culturel et la
formation professionnelle. Leurs projets vont se développer dans les espaces de la
formation non occupés par l’Éducation nationale. Certaines collectivités territoriales
dépassent la décentralisation des moyens pour développer une véritable
décentralisation des finalités (Dutercq, 2000), qui pose le problème de la définition
d’un service public scolaire national. Les établissements vont devoir se positionner
dans des projets de développement local et se différencier pour obtenir des moyens
qui viennent dorénavant plus souvent des collectivités locales. Le projet passe d’une
accumulation de plans d’action destinés à obtenir des financements complémentaires
(Obin, 1995) à une stratégie globale caractérisant l’établissement, inscrite dans une
politique de bassin (Simon, Toulemonde, 2003). L’implication des établissements
dans les politiques territoriales permet le glissement d’une logique de concurrence à
celle de complémentarité au sein d’un bassin de formation.
Cette hétérogénéité relance l’idée d’un programme national dans le but de réaffirmer 20
l’unité nationale en 1992. Dans le programme, il y a l’idée d’une fixation des moyens
communs pour garantir une unité de fonctionnement. « Le programme aide les
enseignants à faire des choix pertinents en fonction de leurs objectifs qui s’inscrivent
dans le cadre d’objectifs généraux, donc une garantie de continuité, de progressivité
et d’harmonisation des apprentissages » (Malvezin, 1996). L’idée de projet prend ses
distances avec le programme. « La gestion par projet concrétise les nouvelles
pratiques organisationnelles » (Boutinet, 1990). Elle suppose une coordination des
actions qui passe par un compromis. Celui-ci ne peut se réaliser qu’au niveau local
(Grundy, 1987). Le projet vise à s’accorder sur un but à atteindre. Il s’agit moins de
faire valoir des savoirs constitués, normalisés, structurés et hiérarchisés que de se
projeter dans l’avenir (Bayer, 1990). En devenant une pratique redéfinissable en
cours d’action (van Zanten, 2004), le programme curriculaire change de nouveau de
nature. De fait, les projets d’établissement ne découlent plus de programmes
disciplinaires à appliquer. Projet et programme ne sont plus hiérarchisés, mais
offrent une répartition différente des pouvoirs entre le local et le national. Ainsi, la
marge de liberté de l’enseignant est différente selon la définition accordée aux
programmes. Pour certains, « un programme contribue à prolétariser les
enseignants » (Durand, 1996) en définissant de manière trop stricte les contenus
disciplinaires. Pour d’autres, « les programmes sont des trames. L’enseignant a une
liberté d’interprétation dont il n’a pas toujours conscience » (Perrenoud, 1995). La
coexistence des deux modes d’organisation peut s’expliquer en partie par une
résistance au changement. Toutefois, la réintroduction d’un programme national n’a
pas seulement pour motif une unification de la discipline. « Jamais l’ n’a pu être
vraiment unifiée malgré les efforts des autorités responsables pour rassembler ou des
courants dominants pour s’imposer » (René, 1996). Tandis que la réorganisation
scolaire par projet a permis à la corporation d’asseoir sa place au sein du système
scolaire, le retour des programmes favorise plutôt une réorganisation interne de la
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
corporation (Klein, 2003) et des rapports de force entre les différentes fractions
(Mennesson, 1994). Le programme va servir surtout d’outil de légitimation de
nouvelles positions d’autorité après un changement de mode de fonctionnement,
mais aussi d’outil de réaffirmation de la doxa pour le maintien des positions en place.
décision des citoyens pour une meilleure adaptation des moyens aux problèmes
locaux différents, créer plus de flexibilité pour innover et produire une plus grande
variété de l’offre et une plus grande implication des acteurs. Elle a surtout « forger de
nouvelles identités et de nouvelles formes d’action » (van Zanten, 1993) conduisant à
une diversité des établissements. En réalité, « la différence entre établissements n’est
pas neuve, elle était masquée par la fiction de l’uniformité des programmes »
(Demailly, 2000). Comme le soulignent Anne Barrère et Nicolas Sembel (1998), « le
changement d’échelle (global/local) contribue seulement à redéfinir le problème, pas
à le résoudre ». Ainsi, les différents modèles d’organisation scolaire modifient surtout
la manière d’agir. La marge de liberté de l’enseignant n’est pas plus importante. La
tâche de l’enseignant est seulement devenue plus complexe dans sa mise en œuvre.
obligation scolaire
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
améliorer le sort de l’ , bien que l’on soit passé d’une rareté des équipements à une
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
abondance. En effet, les demandes ne se situent plus seulement dans les secteurs
associatifs et éducatifs, mais également dans des secteurs moins institutionnels
(« Satisfaire tous les sportifs : le défi des services sports », La Gazette des communes,
no 26, juin 1996, p. 14-21). Les pouvoirs politiques (Augustin, 2000) ne construisent
plus seulement des stades, mais doivent aménager les espaces urbains et périurbains
pour gérer les conflits dans l’usage de ces lieux comme nouveaux lieux de pratique
(sport de rue). Le sport a un effet intégrateur et les politiques municipales s’y
intéressent au titre de l’aménagement des quartiers (loi no 95-115 du 4 février 1995
portant sur l’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire).
Elles construisent des lieux de socialisation comme les play-ground ou les skateparks.
Les nouveaux équipements sont plus centrés sur la convivialité, sur l’ouverture au
public et sur les aspects plus ludiques que compétitifs (Bayeux, 1999). Toutefois, les
installations nouvelles ne sont pas adaptées aux normes d’un enseignement collectif.
Le produit un état des lieux (Tournaire, Le Ferrand-Couzis, 1995) démontrant la
faiblesse d’installations spécifiques à la pratique de l’ et regrettant en même temps
la multiplication d’installations hyperspécialisées diverses impropres à un usage
collectif et scolaire. La crise d’installations que subit l’ peut s’expliquer alors par
un décalage entre les lieux de pratique sociale (Adamkiewicz, 1998) et ceux de l’
(Durali, 2002).
tournant du siècle. L’article 40 de la loi no 2000-627 du 6 juillet 2000 dite loi Buffet
renouvelle l’obligation de conventions entre les collectivités propriétaires, l’ et les
collectivités de rattachement pour donner des installations sportives au public
scolaire. La circulaire no 2004-138 du 13 juillet 2004 réitère la nécessité pour l’ de
disposer d’ « équipements sportifs : environnement habituel de pratique ». Le
rapport de Laurent Cathelat (2002) fait état d’un parc d’installations traditionnelles
vieillissant et peu en adéquation avec l’usage scolaire. Les problèmes d’installations
restent présents, mais la stratégie de la corporation change. Le dénonce par
exemple la disparité des situations éducatives et propose ses propres normes à
travers un référentiel d’équipements [6]
. Il défend notamment la réhabilitation et le
développement d’installations intra-muros. La revendication de lieux de pratique
spécifique à l’ dans l’enceinte scolaire marque la volonté d’inscrire dans les lieux
sa place au sein de l’école. Ce repli sur l’espace scolaire devient plus pressant avec les
nouveaux modes de gestion politique. En effet, la procédure de délégation de service
public dans la gestion des équipements sportifs qui se développe dans les
municipalités peut inquiéter les utilisateurs à titre gratuit, comme les scolaires, par
exemple. Ce repli entérine également la coupure entre l’ et les nouvelles modalités
de pratiques sociales.
Ainsi, les lois de décentralisation ont modifié le cadre des responsabilités en regard 30
Les politiques sportives semblent donc encore peser sur l’ . En aménageant les 31
possède cette culture pour interpréter son usage et acquiert un savoir-faire pour en
faire le bon usage, c’est-à-dire celui pour lequel il a été inventé (Latour, 1993). Or
cette culture n’est pas donnée avec l’objet, mais construite par l’individu (Thévenot,
Conein, Dodier, 1993). Ainsi, l’évolution de l’ se réalise non seulement par la
nécessité d’utiliser de nouveaux espaces, mais également par la capacité qu’ont les
nouveaux enseignants à opter pour de nouvelles activités. Le changement n’a lieu que
si de nouveaux acteurs ont les propriétés (sociales ou culturelles) nécessaires pour
accéder à ces nouveaux usages (Bourdieu, 1965).
Les nouveaux modes d’organisation sociale introduits à l’école vont exiger des
enseignants de nouvelles compétences (Tardif, Duval, Laliberte, Gauthier, 1998).
L’enseignant n’est plus un simple technicien-applicateur de programme national, il
devient un concepteur-ingénieur en projet local. Les modèles du didacticien et du
praticien réflexif inscrivent la reconnaissance disciplinaire dans le modèle des
compétences scolaires, ce dernier évoluant d’une compétence pédagogique vers une
compétence de gestionnaire. Les compétences professionnelles servent donc à
démontrer leur appartenance à l’école (Terret, 1991), mais elles servent aussi à se
démarquer des autres secteurs qui se développent. Face à ce modèle scolaire
d’enseignant qui s’impose à tous mais qui mène à une déstandardisation de
l’enseignement, la décentralisation des pouvoirs va également conduire à une
diversification des lieux d’intervention et du métier en favorisant la carriérisation du
métier. Les propriétés composites des enseignants vont décliner le modèle
d’enseignant différemment selon les contextes, réorganisant la corporation en un
espace hiérarchisé de positions (Marsault, 2001 b). Ainsi, les compétences
professionnelles révèlent des modèles d’enseignant d’ qui s’éclairent par une
modification du contexte.
Jusque dans les années 1960, la compétence professionnelle de l’enseignant est une 33
personne charismatique sachant motiver les élèves dans le cadre d’un enseignement
normé (Marsenach, 1982). C’est un technicien et un animateur, deux images que les
enseignants d’ vont s’attacher à modifier. « Le professeur veille à ne pas être
considéré comme un amuseur ou un pourvoyeur de ballons » (Limat, 1975). Les
années 1970 marquent la dénonciation de ce modèle d’enseignant trop proche de
l’animateur sportif (Rauch, 1975). Ginette Berthaud (1968) critique cette
représentation d’un « sergent recruteur, entraîneur au service de la politique
gouvernementale ». Les enseignants d’ veulent marquer leur spécificité dans un
ministère de la Jeunesse et des Sports qui chapeaute l’ensemble des métiers du sport.
Se différencient officiellement les moniteurs de sport (dont le métier est géré par
l’obtention du brevet d’État d’éducateur sportif, décret du 6 août 1963) et les
enseignants d’ (maître et professeurs d’ ) qui interviennent indifféremment
dans les fédérations, comme animateurs sportifs, administrateurs du monde sportif,
ou dans le système scolaire, comme enseignants. Ainsi, la différence entre les
intervenants du monde sportif et ceux du milieu scolaire n’est pas d’ordre statutaire.
Le métier d’enseignant se différencie peu de celui d’animateur sportif. La pédagogie
va permettre une première différence. La compétence organisationnelle cède alors la
place à la compétence pédagogique (Amade-Escot, 1993). Cependant, ce modèle du
technicien pédagogue est peu valorisant à l’école (Rauch, 1978). L’enseignant
développe un « sentiment de marginalité dans une école privilégiant l’examen »
(Josse, 1975). Ce besoin de reconnaissance nourrit des revendications d’intégration
scolaire devenant plus pressante lorsque les économies budgétaires laissent entrevoir
des solutions extrascolaires à l’encadrement de l’ (comme les ). L’ « ère des
inquiétudes » fait alors suite à l’ « ère des certitudes » (Parlebas, 1996). Les
revendications scolaires ne portent pas seulement sur la discipline, mais également
sur la compétence des enseignants à travers la revendication d’une identité de
formation (universitaire) et de recrutement (agrégation). Il faut cependant noter que
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
2004) et introduit le modèle scolaire d’enseignant. Pour autant, débute, selon Pierre
Parlebas, « l’ère des servitudes ». L’introduction en 1982 de la didactique (Terral,
1998) comme nouveau champ de compétences aux concours de recrutement (Amade-
Escot, 1993) marque une similitude de compétences entre les enseignants des
différentes matières. « La didactique a supplanté la pédagogie parce qu’elle (…)
constitue un vecteur de crédibilité pour la profession » (André, 1994). Les
compétences professionnelles dans les années 1980 sont plus orientées vers la
présentation des contenus, leur articulation avec les objectifs et le niveau des élèves.
Les connaissances de l’enseignant ne se limitent plus au développement de l’enfant,
aux aspects techniques et pédagogiques de l’acte d’enseignement, mais prennent en
compte une multitude de facteurs environnementaux. Ainsi, les compétences de
l’enseignant se théorisent dans une formation qui devient universitaire. « L’accès de
la formation à un statut universitaire s’est accompagné dans le vocabulaire d’une
déprofessionnalisation apparente » (Michon, 1983). La culture du métier recule au
profit d’une culture universitaire, conséquence des revendications statutaires des
enseignants. Elle correspond à une véritable spécification des intérêts scolaires
défendus par la profession au même moment (Martin, 2004). Le décret du 10 juillet
1985, en créant le statut du professorat de sport, entérine définitivement la
séparation entre le milieu scolaire et le milieu sportif. L’ marque sa différence au
sport de façon statutaire et sa proximité à l’école par ses conceptions didacticiennes.
des autres disciplines (circulaire no 97-123 du 25 mai 1997 portant sur les missions de
l’enseignant). La plupart des enseignants d’ participent à des actions éducatives
comme le tutorat. Son rôle au sein de l’école est reconnu à l’identique, mais il perd du
coup sa spécificité. Il devient enseignant plus que sportif [7]
. La formation à l’
symbolise cette similitude et contribue à la diffusion du modèle didactique. Le
développement de l’ingénierie en didactique fait de l’enseignant d’ un
constructeur de la pratique. « Les enseignants ne doivent pas être des répétiteurs de
fiches de mémento » (Parlebas, 1993). Anne Barrère en 2002 observe une
« déstandardisation » des enseignements par la construction spécifique des contenus
et de leur mise en forme. Son expertise ne relève plus d’une rationalité s’appuyant sur
des savoirs, mais se définit en termes d’ « improvisation réglée » (Tochon, 1993). Le
rôle de l’enseignant n’est plus d’imposer un cheminement prédéterminé à
l’apprenant. Il réside essentiellement dans la planification des contraintes de la tâche
ou dans la communication des informations pertinentes pour orienter la recherche de
solutions. « Les compétences professionnelles se définissent à partir de la gestion des
incidents critiques, la pratique réflexive permet de construire ses compétences
professionnelles et de réguler ses actions » (Euzet, Méard, 1998). L’expertise passe
par la recherche de compétences situées (Durand, 1998) « dans des situations
d’incertitude, d’instabilité, de singularité et de conflit de valeurs » (Schön, 1994).
L’ajustement réflexif aux différentes situations d’enseignement entraîne un
éclatement du modèle enseignant. Le métier se décline différemment selon les lieux
d’exercice (Poggi-Combaz, 2002). Alors que son travail se confond dans les missions
de l’école, une liberté plus grande de conception offre à l’enseignant la possibilité de
définir lui-même son métier (Pochart, 2008 ; Legras, 1996). Il n’y a plus un seul
modèle de professeur d’ . « Les modalités d’exercice et le rapport au métier sont
générés par les conditions sociales d’exercice du métier » (Thin, 1998). Le métier se
différencie non seulement selon les contextes, mais également dans la construction
personnelle qu’opère l’enseignant selon ses propriétés sociales, sportives et scolaires
(Marsault, 2001 b). La multiplication des tâches et des responsabilités dans et hors de
l’établissement et la possibilité offerte de changer de statuts par voie de concours ou
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
Bien ancrée dans le système éducatif, la peur des enseignants d’ n’est pas éteinte 36
L’évolution des modes d’organisation peut laisser croire à une plus grande liberté 38
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
Son action est d’abord contrainte par un dispositif législatif. Le respect des textes 39
instaure une première limite à son indépendance. Mais les textes constituent surtout
des lieux d’inscription de conceptions particulières, résultats de compromis locaux
(projet) ou nationaux (programme). Ils se présentent comme une limite pour ceux
qui ont une conception divergente, mais comme une garantie légitime pour les autres.
Ainsi, les textes, les lieux de la pratique ou encore les curricula de la formation 42
Les institutions n’incarnent pas seulement des valeurs à travers des règles, mais 43
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
revendications et le ferment des changements historiques, mais aussi le lien qui unit
la corporation et qui en fait son identité. Ce souci d’intégration cache en réalité la
crainte d’un changement de statut (public ou privé). En effet, ce n’est pas tant
l’existence de la discipline que l’organisation de son enseignement par des
professeurs d’ agents du service public, qui est remise en question au tournant des
années 1970. Cette ontologie identitaire nourrit autant les motifs de reconnaissance
scolaire de la discipline que son projet d’autonomie. Le « complexe du prof de gym »
tel que le décrivait Jacques Comiti reste au fondement de l’identité professionnelle, il
fonctionne dans l’imaginaire collectif des enseignants et sert de processus
dynamique. En effet, si les enseignants d’ subissent comme leurs collègues des
autres disciplines les évolutions sociales, ils sont plus sensibles aux effets de mode et
plus prompts au renouvellement de leur discipline que les matières plus ancrées dans
la légitimité scolaire chez lesquelles de plus grandes résistances au changement
peuvent se percevoir (comme en lettres). « L’ est marquée par une empathie
réformatrice chronique » (Attali, Saint-Martin, 2004 b). Les choix de la corporation
peuvent alors se comprendre comme le résultat de décisions prises, en fonction du
contexte économique et politique, pour défendre un espace public d’intervention
scolaire.
entre l’homme et son travail (Parlier, Minet, de Witte, 1994). Le modèle économique
n’agit pas seulement au niveau du vocabulaire, ni du type d’organisation, mais offre
également une idéologie particulière, c’est-à-dire un regard particulier sur le monde
et sur les relations aux autres. Si l’école s’appuie sur ce vocabulaire et prend comme
modèle le monde industriel, c’est parce que ce dernier constitue un modèle légitime.
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
Ainsi, dès les années 1960, l’enseignement devient une véritable industrie culturelle 46
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
Pourtant, le modèle productif se poursuit à l’école dans les années 1980. L’évaluation 48
qui introduisent les groupes d’expression. L’idée des cercles de qualité se retrouve
également dans le rapport Bourdieu-Gros en 1989, comme modèle pour la gestion
par projet dans le système scolaire facilitant l’adaptation de l’école à son public. Le
fonctionnement par projet est issu du modèle de management japonais et instauré à
partir des études psycho-sociales sur la dynamique de groupe. Ainsi, comme le
souligne Jean-Pierre Boutinet (1990), « la gestion par projet concrétise les nouvelles
pratiques organisationnelles ». Par l’effacement de la hiérarchie, elle améliore
l’efficacité grâce à une meilleure prise en compte de la réalité. Il s’agit de
responsabiliser l’individu dans son travail en lui permettant de comprendre sa tâche
(Potocki, Malicet, 1997). Les sciences de gestion soulignent ainsi l’importance des
ressources humaines dans l’efficacité de l’organisation (Crozier, Friedberg, 1977) et
sanctionnent le primat du savoir sur la technique (Tripier, 1994). Le fonctionnement
par l’imposition de normes (Crozier, 1979) ne satisfait plus car il conduit à des
dysfonctionnements et des résistances au changement. Ainsi, selon Yves Le Pogam
(1994), l’innovation pédagogique serait « la conséquence d’une politique étatique
sensible au modèle de l’autogestion qui délègue son pouvoir d’innovation à l’école
dans les années 1980 pour réguler la crise sur le modèle des entreprises ». De ce fait,
le travail a changé de nature, il se recentre autour de la motivation et de la décision,
https://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_MARSA_2009_01_0147 17/30
13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
Afin d’être toujours plus performantes, les entreprises, dans les années 1990, doivent 50
devenir des organisations flexibles (Tarondeau, 1999) pour répondre plus rapidement
au changement du contexte. La nouvelle culture du management, ou learning
organization (Wheatley, 1992), développe l’auto-organisation des entreprises. Peter
Senge (1992) décrit l’organisation apprenante comme « celle dont les membres
peuvent sans cesse développer leurs capacités à atteindre les résultats qu’ils
recherchent, où des nouveaux modes de pensée sont mis au point, où les aspirations
collectives ne sont pas freinées, où les gens apprennent en permanence comment
apprendre ensemble ». L’entreprise ne doit pas seulement s’adapter aux
changements du marché, mais innover. Pour innover, il ne suffit pas de reproduire
des normes ou des procédures. L’idée de planification préalable est remise en
question (Mintzberg, 2004). L’ « organisation apprenante » développe ses propres
compétences et les fait évoluer (Choain, Moreau, 1996) par l’échange des savoirs. La
nouvelle division du travail apparaît fondée sur les qualités et les capacités de chaque
employé plutôt que sur l’organisation des tâches (Castells, 1998). L’entreprise
abandonne l’organisation fonctionnelle en faveur d’une organisation dans laquelle la
prise de décision est déléguée aux acteurs opérationnels en front-office. Par exemple,
le (business process reengineering) est une refonte radicale des process. Il rejette
la séparation entre la planification et l’action (Hammer, Champy, 1993). La décision
revient à celui qui agit. Cette approche vise à repenser les processus d’organisation de
l’entreprise pour les rendre plus réactifs par rapport au marché. Dans ce contexte de
travail soumis aux aléas, la compétence prend une importance centrale (Le Boterf,
1994) et remplace la qualification au sein des entreprises (Zarifian, 1999). « La
compétence apparaît dans les entreprises pour qualifier de nouvelles pratiques de
gestion du personnel » (Piotet, 2002). Il s’agit moins de savoir faire que de savoir
décider. L’expertise est analysée à travers les process, c’est-à-dire les manières de
penser et de réaliser les tâches. Selon Jean-Marie Barbier (1996), « ces nouvelles
formes d’organisation ne transforment pas les rapports sociaux, mais déplacent les
conditions de leur exercice sur d’autres terrains. Elles font du recours aux capacités
cognitives et affectives d’implication de l’ensemble du personnel un axe essentiel des
nouvelles politiques de gestion du personnel ». La notion de compétence va se
développer dans le milieu du travail (Parlier, 1996) avec le bilan de compétences [10]
et
le référentiel des métiers [11]
. L’expertise se définit dans l’adaptation des actions aux
problèmes soulevés (Stankiewicz, 1998). La sociologie du travail modifie son analyse,
d’une logique des acteurs aux logiques d’action (Bernoux, 1995). En effet, le travail du
process en équipe sous-entend de communiquer et de se coordonner. Les mêmes
modèles s’appliquent en comme le souligne Mahmoud Miliani (1994 b) : « Les
compétences sont issues des modèles de management industriel. » Ainsi, dans le
cadre d’une logique de marché, l’entreprise compétitive doit développer sa capacité
de décision.
Les années 2000 voient se renforcer la nécessité d’une collaboration des différents 51
https://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_MARSA_2009_01_0147 18/30
13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
seulement de puiser dans des modèles légitimes d’efficacité, mais s’adapte aux
évolutions des mentalités. En effet, les modèles d’organisation du monde économique
révèlent des formes de régulation identiques aux différents niveaux d’une société :
politique, social et culturel (d’Iribarne, 2003). Comment ne pourraient-ils pas
toucher l’ et l’école qui ont pour mission, entre autres, de préparer l’insertion de
l’individu dans la société ? Mais l’école doit aussi participer à la construction de la
société. Or l’organisation du travail n’est pas neutre, elle s’inscrit dans une idéologie
politique et sociale. Il existe une cohérence entre l’idéologie des organisations, leur
culture et leur modalité de fonctionnement. « La culture est un système de
connaissances, de standards appris pour juger, percevoir, croire, évaluer et agir »
(Goodenough, 1971). Si les travaux en sociologie du travail semblent peser autant sur
les changements organisationnels, c’est qu’ils contribuent à renouveler les mentalités
en les faisant exister en tant que modèle légitime. Les modèles de la sociologie du
travail évoluent, d’une sociologie d’inspiration marxiste dénonçant les conditions
aliénantes du travail dans un rapport de classe à une sociologie des
dysfonctionnements et des résistances au changement. Aujourd’hui, la sociologie du
travail s’intéresse à la gestion des conflits dans un monde où la coopération est
devenue nécessaire. Elle questionne finalement l’organisation du monde et la place
de l’individu dans celui-ci. Les systèmes sociaux et culturels constituent un répertoire
de forme d’organisations. Les décideurs politiques saisissent, parmi ces regards
portés sur la société, les formes ayant un sens social porteur en fonction des
mentalités du moment.
https://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_MARSA_2009_01_0147 19/30
13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
Qui maîtrise l’école (Perrenoud, Montandon, 1989) ? L’institution scolaire n’est pas 54
La fin de la guerre marque une extension du service public impulsée par la politique 55
https://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_MARSA_2009_01_0147 20/30
13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
Dans les années 1980, l’arrivée de la gauche au pouvoir met fin à la privatisation. Au 57
de son image. Le service public doit répondre aux attentes nouvelles des citoyens, le
défi de modernisation (de Quatrebarres, 1998) s’appuie sur une démarche de qualité.
La personnalisation de l’usager (décret no 83-10025 du 28 novembre 1983
concernant les relations entre l’administration et les usagers) transforme le service
public en service commercial. La tâche du fonctionnaire s’en trouve modifiée : du
respect des règles à la satisfaction de l’usager devenu client. L’efficience et
l’individualisation touchent l’organisation scolaire (Legrand, 2000). L’éclatement des
institutions de formation correspond à une diversification des demandes. « L’État
n’est plus un simple prescripteur de valeurs et de normes, il devient un immense
prestataire de services » (Vigarello, 1994).
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
Ce n’est plus seulement la qualité du service public, mais son rôle dans le maintien du 62
lien social qui semble définir aujourd’hui le cœur du service public. L’importance
d’un service minimum est avancée dans les villages et les banlieues pour maintenir la
logique communautaire. Le service public (éducation, justice et police) offre un
service de proximité (loi de démocratie de proximité du 27 février 2002) qui tient
compte de la demande sociale (Crémoin, Fraisse, 1996). La mission de l’État s’oriente
vers l’insertion (Rosanvallon, 1995 ; Rosanvallon, Fitoussi, 1998). Le service public
lutte contre l’effritement des corps intermédiaires qui fragilise le lien
communautaire. La cohésion sociale est aujourd’hui au centre des politiques
publiques (circulaire du 31 décembre 1998 portant sur les objectifs des contrats de la
ville) qui consacrent un mode de régulation nécessitant le consentement des citoyens.
La nécessité d’enquêtes publiques devient un préalable avant la déclaration d’utilité
publique pour les travaux d’intérêt général (Engels, Hely, Peyrin, Trouvé, 2006). La
décentralisation renverse la logique entre l’État et l’individu en mettant le citoyen au
centre du service public et en redessinant les territoires à partir de projets communs
(Prax, 2002).
actions avec différents partenaires. L’individu est enfermé dans un « cadre culturel »
(Hofstede, 1994). Comme le souligne Marie-Claude Derouet (1993), « l’existence d’un
système de règlement, de hiérarchie, de routines cognitives mises en place à l’époque
de la centralisation définit une bonne manière de poser le problème, de repérer les
éléments pertinents et de dégager les principes d’accord ». Au-delà de cette culture
publique commune, la gestion des établissements scolaires est encore loin d’une
décentralisation complète tant ses moyens sont encore dépendants d’une
administration centralisée.
Pour conclure, il est clair que le statut public fluctuant des pratiques sociales assujetti 64
société. Elle va avoir des conséquences sur les critères et les modalités de la
légitimité. Aussi, la légitimité scientifique et technique par l’appel aux experts qui
définissent la bonne manière d’organiser la pratique cède peu à peu la place à une
légitimité de la procédure par la construction d’accords sociaux (Klein, 1998).
Aujourd’hui, le consentement des parties nécessite le passage à une définition locale
qui inclut non seulement les agents de l’État, mais aussi les bénéficiaires du service.
Mais la légitimité du pouvoir décisionnaire n’est pas résolue pour autant. Raphaël
Hadas-Lebel (2006) pose le problème de la légitimité des acteurs sociaux pour fonder
la légitimité des accords. Le fait d’occuper une position de décideur ne suffit plus
pour valider la décision. Mais le fait de devoir appliquer ou supporter cette décision
n’est pas pour autant un critère suffisant. Se pose la question de la représentativité
sociale des personnes appelées à prendre part à la décision. Ainsi, les conflits de
légitimité glissent de conflits sur l’objet des décisions vers des conflits sur les auteurs
légitimes qui devront prendre cette décision.
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
Dans les années 1970, les luttes s’organisent dans un système centralisé au niveau du 67
ministère pour imposer son point de vue politique à la tête de la discipline, que
représente l’Inspection générale de la Jeunesse et des Sports. Celle-ci adapte la
politique disciplinaire à la politique gouvernementale en matière de sport et
d’éducation. Les inspecteurs régionaux de Jeunesse et Sport sont les relais de cette
politique nationale définie à Paris. Représentant la majorité des enseignants, le
se présente comme un organe politique incontournable de débat politique ( ,
1968). Il entre dans son ère pédagogique (Attali, 2003), incarné, en 1969, par un
renversement des tendances : la tendance Unité-Action devient dominante [18]
,
défendant les valeurs d’un sport éducatif (Bergé, 1981). Mais cette consécration au
est liée à une conjoncture favorable aux tenants du sport éducatif. Cette
conception s’impose au sein de la corporation grâce à certaines figures
emblématiques qui se trouvent dans des positions institutionnelles stratégiques. Les
innovations pédagogiques proviennent essentiellement des institutions de formation,
et notamment de l’ [19]
. Dans le même temps, le renouvellement de la définition
s’impose par la formation continue qui se met officiellement en place en 1971 [20]
,
faisant suite aux formations proposées par certaines associations ( [21]
,
[22]
). Des stages « Baquet » organisés par la sont ainsi proposés aux
enseignants d’ dans la colonie Gai Soleil à Sète (Moustard, 1999). Le -
(conseil pédagogique et scientifique) publie ses travaux dans les mémentos [23]
. Ces
stages ainsi que les mémentos seront des moyens essentiels pour diffuser auprès des
enseignants un modèle de sport éducatif. Robert Mérand réussit à imposer « une
grille de lecture de la réalité pédagogique » à partir de la transformation des
pratiques professionnelles (Klein, 2003). Il s’appuie également sur la revue Sport et
plein air de la pour développer ses idées. L’expérience de la « République des
sports » (de Rette, 1969) est une autre manière de concevoir un sport éducatif. Cette
conception sportive se développe grâce à la (Fédération des animateurs de la
République des sports) qui devient en 1968 la (Fédération des animateurs de la
République éducative). De 1965 à 1970, cette fédération organise également des
stages de formation pour les enseignants. Les années 1970 consacrent les tenants du
sport éducatif. Les innovateurs sont des enseignants issus du terrain, mais plus
souvent des centres de formation. Cette position leur permet, avec l’appui de
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
structures affinitaires du milieu sportif associatif dans lesquelles ils sont investis, de
diffuser leur conception auprès des enseignants. Comme le fait remarquer
l’inspecteur pédagogique principal en parlant de la légitimation du sport éducatif
dans les instructions de 1967 : « En vérité, les textes viennent légitimer une pratique
pédagogique qui, sans être généralisée, est déjà largement répandue » (Delaubert,
1968). La réforme sportive est d’autant mieux acceptée que la corporation y est déjà
préparée. Malgré cette synergie en faveur du sport en portée par une politique
sportive en plein développement (Martin, 1999), certains enseignants développent
une ludique et non sportive (Gleyse, 1998) militant au - , une centrée
sur la motricité (Parlebas, 1968 ; Le Boulch, 1968), une critique antisportive au
sein du dans « la tendance du manifeste » (Brohm, 1978), ou développent un
autre regard sur le corps dans d’autres structures associatives ( [24]
). La
formation initiale des enseignants est le lieu privilégié d’innovation des conceptions,
étayée par une formation continue qui se structure et qui permet leur diffusion. Mais
les syndicats et plus particulièrement le constituent les lieux de débat et tentent
d’influencer les décisions au sein de l’Inspection générale. De simples interlocuteurs,
les syndicats ( et ) représentant les enseignants (respectivement les
professeurs et les maîtres d’ ) dans les commissions paritaires, deviennent des
acteurs de la transformation officielle de l’ (Attali, 2004 a). Le va d’ailleurs
orchestrer les revendications de la corporation pour une intégration au ministère de
l’Éducation nationale (Martin, 2002). Sous l’impulsion de Claude Pineau, le
s’engage dans la recherche d’une scolaire, pour justifier l’intégration statutaire
revendiquée. Selon Michaël Attali (2004 a), « l’émergence d’une conscience
pédagogique est liée à la situation difficile dans laquelle se trouvent les enseignants
d’ ».
décret du 7 novembre 1984 fixe les missions d’une - ) consacre Claude Pineau
comme doyen. Mais elle est dessaisie de la responsabilité des contenus disciplinaires.
La commission verticale est cependant remerciée en 1986 du fait de l’alternance
politique. En 1987, la droite redonne le pouvoir aux inspecteurs qui reprennent en
main la construction des programmes avec la création des groupes d’innovation
pédagogique (Pineau, 1988) missionnés par la Direction des lycées et collèges du
ministère. Sept groupes académiques ( ) et l’ complètent le dispositif en
matière de recherche pour proposer une didactique de l’ . La décentralisation des
pouvoirs offre une nouvelle légitimité aux académies qui développent des
conceptions différentes de l’ . Elle permet aux de prendre une place laissée par
les instituts de formation devenus des et conduit à une régionalisation des
conceptions peu à peu visible. « Le corps d’inspection occupe une place laissée libre
par les concepteurs de méthodes » (Legras, 1995). Différentes définitions sont alors
https://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_MARSA_2009_01_0147 26/30
13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
défendues par certains inspecteurs régionaux qui occupent une nouvelle position
dans le développement de compétences pédagogiques. C’est le cas de Michel
Delaunay (1991 a) dans les pays de la Loire, de Jean Roche (1991) en Bourgogne,
d’Annick Davisse (1998) ou de Liliane Forestier (1991) en Île-de-France et de Jacques
Labiche et Jean-Jacques Pélaudeix (1995) en région Rhône-Alpes, par exemple. Des
équipes de recherche sont mises en place dans les académies, soutenues par la
formation continue. Une grande diversité des productions académiques se fait jour au
début des années 1990. La décentralisation des pouvoirs a offert une possibilité de
définition régionale de la pratique, portée par l’enquête nationale [25]
et le
développement des commissions académiques. La diffusion se régionalise également
(« Strasbourg », « Bulles » à Reims, « Spirales » à Lyon, « Nantes »).
L’Inspection générale de l’ publie une synthèse des travaux des à Mulhouse
en mai 1990 (Hébrard, 1993) et tente d’imposer un modèle didactique de l’
(Pineau, 1990). Mais elle n’est plus le lieu unique de définition de la pratique. La loi
d’orientation de 1989 en créant la a pour conséquence de retirer, de nouveau, à
l’Inspection générale la tâche de réformer les contenus d’enseignement (décret no 89-
833 du 9 novembre 1989 portant statut de l’ ). Le corps des inspecteurs est aussi
dépossédé de la formation des enseignants en 1991 par la création des . Il garde
pour mission d’évaluer les programmes, les méthodes pédagogiques, les procédures
et les moyens mis en œuvre (note de service no 90-143 du 4 juillet 1990). Comme le
souligne Gilles Klein (2003), « le dispositif institutionnel créé par la loi de 1989
modifie les équilibres ».
Les tergiversations des programmes (Klein, 1998) sont ainsi le résultat d’un rapport 71
https://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_MARSA_2009_01_0147 27/30
13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
flottement des programmes entre 1996 et 2001 suit les aléas politiques (Gleyse, 2004
b), octroyant, tantôt aux uns, tantôt aux autres, le droit d’écrire ce que doit être l’
(Klein, 2003 ; Martin, 2004). Le renouvellement des modes d’organisation va offrir
surtout la possibilité à certains acteurs de construire des nouvelles positions internes,
sans toutefois réussir à remettre en cause la doxa disciplinaire. En effet, l’autorité
acquise dans le cadre de négociations (comme celle des syndicats) et l’importance
accordée aux réseaux de diffusion procurent un avantage non négligeable pour
imposer un modèle de pratique particulier. Dans le modèle en réseaux, le rôle des
institutions relais (formation continue, associations d’enseignants et syndicats)
devient important pour propager les conceptions. Par exemple, l’ (Association
des enseignants d’ ) publie la revue Hyper et Les Cahiers du . Elle organise
des débats d’idées et concurrence le rôle des syndicats. Ces acteurs intermédiaires
pèsent d’autant plus sur la culture des enseignants d’ que celle-ci n’est pas la
propriété d’une institution.
selon les contextes sociaux et politiques. La crise du modèle sportif en est liée au
déclin d’une gestion publique et nationale des dans les années 1970. Le repli sur
l’école devient salutaire pour la discipline dans les années 1980. Le fondement
scolaire apporte une assurance à la discipline, mais en même temps l’ subit cette
fois la crise identitaire de l’école. Aujourd’hui, l’orientation morale apporte une
nouvelle utilité publique pour l’école comme pour l’ , en lien avec les politiques
publiques centrées sur la cohésion sociale. Ainsi, les choix de la corporation se
présentent moins comme une conquête de territoire (Martin, 2002) que comme la
défense d’un espace au cœur d’un service public (Marsault, 2001 a), dans des
contextes politiques et économiques différents.
d’autonomie pour résoudre les problèmes divers. Cependant, cette latitude apparente
est assujettie à un contrôle de l’environnement qui limite cette liberté d’action.
L’institution opère de façon incorporée. Déposée dans les objets et les lieux du
quotidien et opérant dans les modes de pensée, l’institution agit, de façon tacite, en
constituant une part implicite de la culture du métier. Les manières de faire et de
gérer l’ ne sont alors pas si personnelles.
o
[1] Loi n 83-633 du 22 juillet 1983 portant répartition des compétences entre les communes, les
o
départements, les régions et l’État. Décret n 85-924 du 30 août 1985 portant sur le fonctionnement de
l’EPLE.
o
[2] La loi n 2005-380 du 23 avril 2005 d’orientation pour l’avenir de l’école reconnaît la liberté de
l’enseignant dans les limites des programmes nationaux et des projets locaux.
[3] Gilles Klein (2003) fait référence à la tentation autogestionnaire du SNEP lors du colloque « L’EP à
[4] L’idée de décentralisation s’oppose à celle de modernisation centralisatrice impulsée par Charles de
[5] La loi du 2 mars 1982 accorde une liberté de décision aux collectivités locales, la loi du 9 janvier 1983
[6] Trois ouvrages publiés par le SNEP : Les grandes salles pour l’EPS, Les piscines pour l’EPS et Les salles spécialisées
[7] En 1975, Daniel Limat et Annie Josse dépeignent un enseignant différent, par son attitude, sa capacité
de communication, perçu par les élèves comme porteur d’une culture essentiellement sportive.
https://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=PUF_MARSA_2009_01_0147 28/30
13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
[8] Le témoignage d’Alain Schmitt est éloquent. « La participation au GAIP dont je fais toujours partie s’est
avérée extrêmement bénéfique pour moi, transformant radicalement mon enseignement et mon
[9] Notamment la loi du 13 novembre 1982 portant sur la négociation collective et le règlement des
conflits collectifs du travail, et qui rend l’obligation de négocier, la loi du 28 octobre 1982 portant
o
[10] La loi n 91-1404 du 31 décembre 1991 définit le bilan de compétences comme un projet professionnel
o
[11] La loi n 2002-616 du 26 avril 2002 relative au référentiel de certification professionnel définit le
diplôme en termes de compétences spécifiques selon des emplois types dans des secteurs d’activités
précis.
[12] 1 000 entreprises seront privatisées entre 1986 et 1988 touchant 500 000 salariés, dont Saint-Gobain
en 1986, la Société générale et Paribas en 1987, par exemple (Le Monde du 9 avril 2002).
[13] De 1993 à 1997, sous les gouvernements d’Édouard Balladur puis d’Alain Juppé, la privatisation de 1
000 entreprises concernant 400 000 salariés dont Rhône-Poulenc, la BNP et ELF en 1993, l’ouverture du
capital de Renault et d’Usinor-Sacilor en 1996, par exemple (Le Monde du 9 avril 2002).
[14] De 1997 à 2002, sous le gouvernement de Lionel Jospin, 900 entreprises seront privatisées ou subiront
une ouverture du capital touchant 145 000 salariés dont France Télécom en 1997, le CIC, le GAN et RMC en
1998, le Crédit lyonnais et Air France (ouverture du capital) en 1999 (Le Monde du 9 avril 2002).
o o
[15] La loi n 90-568 du 2 juillet 1990, dite loi Quilès, crée La Poste et France Télécom. La loi n 96-659 du 26
Télécom devient une SA. En 1996, démarre une dérégulation progressive du secteur ferroviaire. Le 25
juin 1999, la concurrence dans les services postaux est ouverte. En 2000, l’électricité s’ouvre à la
concurrence.
[16] La transparence des décisions est devenue importante pour redonner confiance dans les entreprises
aux investisseurs suite aux affaires ENRON et PARMALAT. Elle se double d’une éthique des entreprises qui
o
[17] Décret n 2006-935 du 28 juillet 2006 portant sur le rôle des parents et des associations de parents,
o
circulaire n 2001-078 du 3 mai 2001 portant sur l’intervention des associations de parents dans les
établissements scolaires.
[18] Dans la tendance UA, on y retrouve, par exemple, Robert Mérand, Paul Goirand ou Annick Davisse qui
prônent un sport éducatif. La tendance UID sera défendue par Philippe Néaumet proche d’une EP sur le
modèle sportif fédéral. La tendance du manifeste regroupe les antisportifs comme Jean-Marie Brohm
ou Jean Le Boulch.
[19] Dans les deux ENSEP, enseignent Robert Mérand, René Deleplace, Pierre Parlebas, Jacqueline
Marsenach…
[20] Jacqueline Marsenach y joue un rôle important jusqu’en 1982 où elle intègre l’INRP.
[21] La FSGT fait appel aux enseignants des ENSEP pour la formation de leur propre encadrement. On
[22] Pierre Parlebas va s’appuyer sur la revue Vers l’éducation nouvelle (revue des CEMEA) pour développer ses
[25] Le 23 février 1993, l’Inspection générale (Claude Pineau) et le GTD (Alain Hébrard) adressent une
enquête pour une écriture concertée des programmes en EPS. Une deuxième consultation des
[26] Le groupe de pilotage national constitué par l’IG d’EPS est chargé de la rénovation des modalités
d’évaluation (14 septembre 1991, groupe innovation sur l’évaluation). Les GTD-EPS (29 mai 1990, groupes
o
[27] Le programme des classes de seconde des lycées (BOEN n 6 du 12 août 1999) est abrogé et remplacé
o
par le programme des enseignements de la classe de seconde générale et technologique (BOEN n 6,
[28] Le GTD créé en 1991 et dirigé par Alain Hébrard est supprimé le 30 mars 1993. Il est reconstitué en
janvier 1994 et codirigé par Alain Hébrard et Claude Pineau. Ils publieront le schéma directeur des
programmes. Un deuxième GTD officiera de 1995 à 1998 sous l’autorité conjointe de Jean Eisenbeis et
d’Alain Hébrard devant déboucher sur les programmes de collège. Enfin, un troisième GTD se constitue
en janvier 1999 sous la direction de Gilles Klein pour l’écriture des programmes de lycée.
[29] En 1992, c’est l’éclatement de la FEN (Fédération de l’Éducation nationale) qui regroupait les différents
syndicats de l’enseignement dont le SNEP. La FSU (Fédération syndicale unitaire) regroupe le SNES et le
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13/11/2018 4. La décentralisation : l'enjeu institutionnel comme modèle de gestion
SNEP. Mais la scission a fait naître d’autres syndicats comme le SE (Syndicats des enseignants).
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