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UNIVERSITE CATHOLIQUE DE L'AFRIQUE DE L'OUEST

*****
UNITE UNIVERSITAIRE A BOBO-DIOULASSO
******
UNITE DE FORMATION ET DE RECHERCHE
EN SCIENCES JURIDIQUES, POLITIQUES ET HUMAINES

DROIT DE LA DECENTRALISATION

Chargé de cours : Paul ZONGO, Juriste, Administrateur civil


Contact : (00226) 70 23 71 96 /
Email : zongopaul03@gmail.com

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FICHE SYNOPTIQUE

CHAMP DE POLITIQUE DE DECENTRALISATION


FORMATION

Objectif général : donner aux apprenants des connaissances


générales sur la décentralisation.

Objectifs spécifiques : à la fin de la formation, les apprenants


seront capables de :
OBJECTIFS  Connaitre les fondements et les principes juridiques de la
PEDAGOGIQUES décentralisation ;

 dégager les mécanismes et stratégies de mise en œuvre


des politiques de décentralisation ;

 connaitre les organes des structures décentralisées


et leurs domaines de compétences.
 concepts et fondements de la décentralisation
CONTENU GENERAL  cadre juridique et institutionnel de la décentralisation
DU MODULE

 cours magistral ;
DIFFERENTES  phase d’évaluation des connaissances.
SEQUENCES
DE LA FORMATION
PUBLIC CIBLE Etudiants de 2e année des facultés de Droit
 exposé théorique ;
APPROCHES  travail sur document didactique ;
PEDAGOGIQUES  échanges et débats.
MATERIEL  support pédagogique écrit
PEDAGOGIQUE  matériel audio-visuel

EVALUATION  Contrôles individuels sur table ;


DES APPRENANTS  Evaluation des travaux de groupes.
Paul ZONGO, Juriste-Administrateur civil
CHARGE DE COURS Contacts : (00226) 70 23 71 96 / 76 51 23 24
E-mail : zongopaul03@gmail.com

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INTRODUCTION GENERALE
L’organisation politico-administrative interne des Etats varie dans le temps et dans
l’espace en fonction des réalités ou contextes sociologiques. Comme le souligne
Mélégué Maurice TRAORE ex Président de l’Assemblée nationale du Burkina Faso :
« chaque système considéré est le produit d’une histoire, d’un contexte
politique, économique et social spécifique ». Ainsi, plusieurs formes d’Etats
existent de par le monde. Quelle que soit la forme choisie, les gouvernants
s’aperçoivent que la gestion de la république est une lourde responsabilité qui ne
saurait être efficacement assumée par un seul niveau de décision (Centralisation).
En effet, la centralisation du pouvoir aux mains d’un seul individu a engendré des
tares de gouvernance au cours de l’évolution des nations : despotisme, dictature,
tyrannie, ayant suscité des révoltes dont la Révolution française de 1789, acte
déclencheur de l’Etat de droit démocratique d’inspiration gréco-romaine. Du reste,
avec l’évolution sociopolitique des nations, les Etats font face à des problématiques
de gouvernance chaque jour plus complexes, mettant à mal par moment, la stabilité
des gouvernements.

Pour sa propre survie, l’Etat moderne ‘‘centralisé’’ pour un partage du pouvoir, donc
des responsabilités politiques, en favorisant l’émergence de ‘‘pouvoirs locaux’’. Il est
en effet créé des circonscriptions administratives, lesquelles peuvent être
conçues comme des « centres secondaires » de gouvernance aux appellations
variées selon les pays : préfecture, régions, provinces, départements, etc. Mieux,
l’aménagement du pouvoir central peut conduire à un véritable ‘‘dessaisissement’’ de
l’Etat de certaines questions au profit d’entités autonomes. Il s’agit des collectivités
territoriales. C’est ce mécanisme qui est dit « décentralisation ». Se pose alors
une question fondamentale : quel encadrement juridique peut-on mettre en
place, afin que ces pouvoirs locaux s’épanouissent sans pour autant ‘‘tuer’’
l’Etat ?

Le bloc de principes et de règles juridiques applicables aux collectivités locales ou


collectivités territoriales constituera ainsi le Droit de la décentralisation. Cette
discipline, qui ne semble pas être pour autant un droit autonome, gagne
progressivement un intérêt d’étude du fait de l’universalité et de l’irréversibilité de ce
mécanisme de gouvernance moderne.

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Au plan académique, le Droit de la décentralisation est au confluent des disciplines
du Droit public comme le Droit administratif général, du droit constitutionnel et les
Finances publiques.

Le présent module tente de donner une réponse à la question fondamentale ci-


dessus citée en se basant essentiellement sur la législation burkinabè. Il vise à
permettre aux étudiants de :
 connaitre les fondements et les principes de la décentralisation ;
 dégager les mécanismes et stratégies de mise en œuvre des politiques de
décentralisation ;
 connaitre les organes des institutions décentralisées et leurs domaines de
compétences.

Pour y parvenir, le module passe en revue des généralités sur la décentralisation


avant de décrire le cadre institutionnel de celle-ci.

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PREMIERE PARTIE : CONNAISANCES GENERALES SUR LA DECENTRALISATION

La décentralisation comme politique d’organisation du territoire tire sa source de


l’histoire de l’Etat dont elle subit les vicissitudes. Le processus de décentralisation
prend ainsi des formes variées en fonction des Etats ou des régimes politiques,
quoique le contenu reste sensiblement identique : il s’agit de permettre à des entités
territoriales de s’autogérer.

Chapitre I : clarification conceptuelle

L’organisation administrative ou politique d’un territoire obéit à diverses techniques.


La décentralisation en est une ; elle a un contenu précis applicable à des objets
différents d’où l’usage de plusieurs concepts qu’il sied de clarifier.

Section I : définitions des processus de décentralisation

Par définition, toute décentralisation est un processus qui conduit à accorder une
existence juridique lourde de conséquence.

Paragraphe 1 : les formes de décentralisation

La décentralisation peut être comprise comme un transfert de compétences d’un


niveau central à un niveau d’échelon inférieur, permettant à l’entité décentralisée
d’acquérir la personnalité juridique et l’autonomie financière. Telle que définie, la
décentralisation peut concerner plusieurs secteurs. On distingue principalement la
décentralisation territoriale de la décentralisation fonctionnelle ou technique.

A) La décentralisation fonctionnelle ou technique


Par décentralisation technique ou fonctionnelle, il faut comprendre un mécanisme de
reconnaissance de la personnalité juridique et de l’autonomie financière à une
structure technique de l’Etat, en vue de l’atteinte d’objectifs spécifiques (principe
de spécialité).
En d’autres termes, un établissement public est une personne morale de droit public,
chargée d’une mission d’intérêt général, dotée de l’autonomie financière et
bénéficiant de prérogatives de puissance publique. (Voir loi n° 010-2013/AN du 30
avril 2013 portant règles de création des catégories d’établissements publics.)

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Le statut d’établissement public retire ces structures du système administratif
déconcentré classique, avec son caractère fortement hiérarchisé. Dans leur
organisation, outre l’organe exécutif (Direction générale, présidence, etc.), les
établissements publics sont dotés d’un organe délibérant ou décisionnel : conseil
d’administration ou conseil d’orientation.
1. Les catégories d’établissements public

Aux termes de l’article 8 de la loi 10/93, les catégories d’E.P sont :


1. Les établissements publics à caractère administratif, en abrégé EPA ;
2. Les établissements publics à caractère scientifique, culturel et technique,
en abrégé EPSCT ;
3. Les établissements publics de santé, en abrégé EPS ;
4. Les établissements publics à caractère professionnel, en abrégé EPP ;
5. Les établissements publics de prévoyance sociale, en abrégé EPPS ;
6. Les fonds nationaux, en abrégé FN ;
7. Les groupements d’intérêt public, en abrégé GIP ;
8. Les établissements publics à caractère économique, en abrégé EPEC.

2. Les modalités de création et de suppression des E.P.E

Les E.P.E peuvent être créés par l’Etat, par une ou plusieurs collectivités territoriales
ou par une ou plusieurs personnes morales de droit public. Toute création
d’établissement public est subordonnée à la production d’un dossier motivé,
indiquant la nécessité, la pertinence et la viabilité de l’établissement à créer.

Le dossier de création est composé d’une part, d’une étude organisationnelle mettant
en exergue la mission de service public et d’autre part, d’une étude économique et
financière démontrant l’utilité et la viabilité de l’établissement.

Au plan administratif, les EP sont nécessairement placés sous la tutelle comme suit :

 L’E.P.E est placé sous la tutelle technique du ministère dont relève son
domaine de compétences et sous la tutelle financière du ministère chargé des
finances.

 L’E.P.L est placé sous la tutelle technique du ministère dont relève son
domaine de compétences, sous la tutelle financière du ministère chargé des
finances et sous la tutelle de gestion de la collectivité territoriale dont ils
relèvent.

La suppression de l’EPE suit la même procédure que celle prévue pour sa création.

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N.B : quelques confusions à éviter :

D’abord, Les E.P.E sont à distinguer des Secrétariats techniques qui sont créés
pour exécuter des missions conjoncturelles ou temporaires. De par leur caractère
temporaire, les ST ne peuvent excéder cinq (05) ans d’existence. A terme, ils
s’intègrent dans les structures permanentes du ministère.
Placé sous l’autorité d’un Secrétaire technique, le Secrétariat technique peut être
organisé en départements.

Ensuite, les E.P.E se distinguent également des Secrétariats permanents sont des
structures mises en place en vue de piloter des volets sensibles et d’ordre
stratégique des missions assignées au département. Ils ne doivent pas empiéter sur
les attributions des structures permanentes du Ministère.
Placé sous l’autorité d’un Secrétaire permanent, le Secrétariat permanent peut être
organisé en départements.

Enfin, retenons que la décentralisation technique ou fonctionnelle se distingue


également de la déconcentration. Cette dernière est une technique d’organisation
administrative consistant à déléguer des attributions des autorités centrales d’Etat à
des représentants nommés et soumis à la hiérarchie administrative. Il s’agit
organiser les services de gouvernance générale de sorte que les activités de l’Etat
soient assurées par des services centraux (Premier ministre et les ministres) et par
délégation et sous la surveillance de ces derniers, par des services extérieurs dits
encore services déconcentrés.

Les autorités déconcentrées sont simplement des courroies de transmission ou des


exécutants des décisions des autorités centrales. Elles peuvent toutefois être
détentrices de pouvoirs de décisions qu’ils exercent sous le contrôle des autorités
centrales. La déconcentration au Burkina Faso se dessine de la manière suivante :

 au plan territorial, il y a les circonscriptions administratives (région, province,


département) ;

 au plan technique (ministériel), il y a les démembrements des ministères :


directions régionales, directions provinciales, services départementaux.

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B) La décentralisation territoriale
La décentralisation territoriale est une technique administrative qui consiste à
conférer aux entités territoriales dites collectivités locales ou collectivités territoriales,
le pouvoir de s’administrer librement. La collectivité territoriale est ainsi une personne
morale de droit public, un sujet de droit disposant de moyens juridiques nécessaires
à son action administrative (actes et contrats administratifs) ; elle peut acquérir et
posséder des biens et services et de voir sa responsabilité engagée.

La décentralisation s’oppose ainsi à la centralisation qui est un procédé ou


technique d’organisation administrative où l’Etat (pouvoir central), détient tout seul la
compétence de gouverner la nation. Dans ce système, ce sont les autorités centrales
qui décident et sans aucun intermédiaire pour l’ensemble du pays.

La décentralisation territoriale est en vogue dans nos Etats modernes, parce que
visant le développement et le renforcement de la démocratie à la base par inclusion
(participation) de tous les citoyens. Son champ d’action est la collectivité territoriale.

Paragraphe 2 : les modalités de décentralisation territoriale

Telle que définie ci-haut, la décentralisation se déroule nécessairement dans un


cadre légal qui en détermine les caractéristiques et les principes généraux.

A) Les éléments d’identification des C.T

Définie comme un processus consistant à la création d’entités territoriales dotées de


la personnalité juridique et de l’autonomie financière en vue de la promotion du
développement et le renforcement de la démocratie à la base, la décentralisation
suppose la réunion des conditions qui impriment in fine les caractères des entités
créées :
 L’existence d’un espace géographique qui est une portion du territoire national
identifiable (art.7 et 8 CGCT) : une collectivité territoriale est une subdivision
(portion) du territoire national, bâtie autour d’une agglomération permanente ;

 L’existence de la personnalité juridique et de l’autonomie financière (art.8) :


c’est le préalable qui habilite la collectivité à être titulaire de droit et
d’obligations ;

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 La viabilité économique (capacité à gérer des affaires propres. art. 2 CGCT) :
l’ultime but de la décentralisation est de permettre à chaque collectivité
territoriale de valoriser ses avantages comparatifs vis-à-vis des autres
collectivités pour enclencher son développement. La loi pose des conditions
financières pour l’érection d’une localité en commune : être capable de
générer 25 000 000 FCFA et 5 000 000 FCFA de recettes propres annuelles
pour les communes respectivement urbaines et rurales au B.F Cf. art.19 et 27
du CGCT, 1000 000 000 pour la commune à statut particulier.

 L’existence d’organes autonomes. La C.T est gérée des personnalités élues,


issues des populations de la collectivité, qui règlent les affaires locales (art.14
CGCT) : c’est dire que l’entité doit disposer d’une élite locale capable de
mener le leadership politique ;

 La soumission au contrôle de l’Etat : les C.T sont autonome juridiquement et


non indépendantes.

Quoiqu’obéissant aux mêmes conditions de base, la mise en œuvre de la


décentralisation peut présenter plusieurs variantes.

B) Les principes généraux de la décentralisation

La décentralisation s’opère suivant des principes déterminés par la loi.


1. Le principe de libre administration
On appelle "libre administration", un principe de niveau constitutionnel qui donne aux
collectivités territoriales la possibilité de s'administrer librement, sans être soumises à
des contraintes excessives, et sans interférer avec les pouvoirs législatif, exécutif et
judiciaire. La Constitution dispose en son article 145 que la loi organise la
participation démocratique des populations à la libre administration des collectivités
territoriales.
Ce principe est d’ailleurs repris dans le Code général des collectivités territoriales en
son article 14 qui précise : « Les collectivités territoriales s’administrent librement
dans le respect strict de l’intégrité territoriale et de l’unité nationale, de l’identité et de
l’autonomie de chaque collectivité. Les collectivités territoriales sont dirigées par des
conseils élus qui règlent les affaires locales par des délibérations ».

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Concrètement, le processus de décentralisation permet aux C.T de :

 disposer d'un organe de direction élu, doté d'attributions propres et d'un

pouvoir réglementaire ;
 disposer de l'autonomie financière(budget) ;

 créer et supprimer des emplois, recruter et gérer son personnel (autonomie

administrative) ;
 conclure des contrats ;

 fixer leurs propres règles de fonctionnement interne au moyen de leur

règlement intérieur.

La libre administration se limite à des compétences "administratives" et exclut les


compétences régaliennes de l’Etat (édiction de lois, justice, diplomatie).

2. Le principe de répartition des compétences et des ressources

Les CT concourent avec l’Etat, à l’administration et à l’aménagement du territoire, au


développement économique, social, éducatif, sanitaire, culturel et scientifique, ainsi
qu’à la protection, à la mise en valeur des ressources naturelles et à l’amélioration du
cadre de vie. Ces compétences, déterminées par la loi (art. 33 CGCT), sont reparties
selon le principe de la subsidiarité (art. 34) qui est un principe selon lequel la
compétence doit être exercée par le niveau le plus pertinent et le plus proche des
citoyens. Il conduit à ne pas faire à un échelon plus élevé ce qui peut être fait avec la
même efficacité à un échelon plus bas. Le niveau supérieur n'intervient que si le
problème excède les capacités du niveau inférieur. Ainsi, par exemple, on considère
que les communes sont les mieux indiquées pour les questions relatives à
l’enseignement primaire, la santé, la construction des chemins ruraux, la lutte contre
la divagation des animaux etc.

En revanche, l’Etat est le mieux indiqué pour la réalisation de gros travaux souvent
très coûteux, la définition des politiques nationales, etc.

La répartition de ces compétences entre les CT s’effectue, en distinguant celles qui


sont dévolues aux régions et aux communes. La région reçoit des compétences
transversales. Les ressources financières des collectivités territoriales sont
constituées de recettes propres, de dotations budgétaires de l’Etat et de toutes
autres contributions.

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3. Le principe de transfert des compétences et des ressources

C’est par le transfert des compétences et des ressources de l’Etat aux C.T que ces
dernières parviennent à mettre en œuvre leurs attributions.

Le transfert des compétences et des ressources de l’Etat aux CT s’effectue selon la


règle de la progressivité. Ainsi, en application de cette règle, le conseil des ministres
du 18 février 2009 a d’abord retenu le transfert des compétences et des ressources
aux communes dans les domaines de la Santé, du Préscolaire, de l’Enseignement
primaire et de l’Alphabétisation, de la Culture, de la Jeunesse, des Sports et des
Loisirs, de l’Approvisionnement en eau potable et Assainissement.
Ensuite en Conseil des ministres du 16 juillet 2014, 21 décrets ont été pris pour le
transfert des compétences et des ressources dans 21 domaines (Cf. décrets dans
bibliographie).

Les transferts de compétences par l’Etat doivent être accompagnés du transfert aux
CT des ressources nécessaires à l’exercice normal de ces compétences, dans les
conditions prévues par la loi. Tout transfert de compétences de l’Etat au profit des
CT s’accompagne du transfert de tout ou partie des services correspondants. Le
transfert de services peut être définitif ou temporaire. Le transfert d’une compétence
entraîne de plein droit, la mise à la disposition de la CT bénéficiaire, des biens
meubles et immeubles utilisés à la date de ce transfert, pour l’exercice de cette
compétence.
Les ressources financières nécessaires aux CT pour l’exercice des compétences
transférées leur sont dévolues soit par transfert de fiscalité, soit par dotations ou par
les deux à la fois.
L’on retiendra somme toute que le découpage du territoire en collectivités territoriales
est du ressort du législateur qui indique la forme de celles-ci et détermine les
compétences à celles dévolues. Ce découpage n’est pas anodin parce que la
décentralisation recèle des enjeux importants.

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Section II : enjeux de la décentralisation

La décentralisation est un choix politique de valeur fondamentale puisque inscrite


dans la Constitution. Et pour cause, sa mise en œuvre recèle des enjeux importants
aussi bien pour la vie des collectivités territoriales que pour la nation entière. Ces
enjeux sont perceptibles dans la raison d’être de la décentralisation et dans les
risques qui y sont liés.

Paragraphe 1 : la raison d’être de la décentralisation

La raison d’être de la création des collectivités territoriales est clairement résumée à


l’article 2 du CGCT « […] s’administrer librement et (à) gérer des affaires propres en
vue de promouvoir le développement à la base et (de) renforcer la gouvernance
locale. ». Cette disposition a un contenu fort couvrant plusieurs champs d’action.

A) Au plan politique, social et culturel

Au plan politique, social et culturel, la décentralisation participe de


l'approfondissement de la démocratie à la base :

 elle permet aux citoyens de s’exprimer à travers les élections locales;


 elle favorise l’émergence d’une identité locale plus forte ;
 elle permet la valorisation et la promotion des valeurs culturelles locales ;
 elle favorise le renforcement de l’engagement des populations à identifier et à
réaliser leurs actions prioritaires ;

 elle stimule l’instauration d’un climat de compétition entre communes ;


 elle favorise l’éveil des consciences ;
 elle permet le contrôle populaire de proximité des actions des élus d’où un
renforcement de la transparence.

B) Au plan économique

Du point de vue économique, la décentralisation se présente comme un mode


d’organisation du territoire visant une meilleure coordination des actions de
développement (territorialisation de politiques publiques). Chaque collectivité est
dotée de compétences et de ressources nécessaires afin de mettre en exergue des
avantages comparatifs (potentialités faisant sa particularité par rapport aux autres
collectivités, qu’il faut faire valoir).

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Pour ce faire, la décentralisation suscite :
 la participation des populations à l'identification des priorités d’action locales
(élaboration de plans communaux et régionaux de développement);
 le développement d’initiatives porteuses de retombées économiques ;
 la mobilisation des ressources humaines et financières propres ou à
rechercher auprès de partenaires techniques et financiers;
 l'ancrage de l'économie nationale sur des économies locales valorisées
(cohérence territoriale).

Paragraphe 2 : risques inhérents à la décentralisation

La subdivision du territoire en collectivités territoriales ne va pas sans risques. Il est


en effet à craindre que l’autonomisation reconnue ne suscite des facteurs contraires
aux objectifs premiers visés. Ces risques sont des obstacles potentiels qu’il faut
prévoir afin d’en éviter les effets.
A) Les risques d’ordre économique
En matière économique, une lourde responsabilité pèse sur les collectivités
territoriales (réalisation de services sociaux de base, promotion du développement
local). Pour permettre aux collectivités territoriales de lever ces défis, les entraves
suivantes ne sont pas à négliger dans la mise en œuvre du processus :
- la faiblesse de la capacité de mobilisation des ressources propres des
collectivités territoriales (moyens humains et matériels) ;

- l’insuffisance voire l’absence des partenaires techniques et financiers pour


financier les projets de développement ;

- l’incivisme fiscal ou l’insuffisance du niveau de culture citoyenne. A ce niveau, la


pauvreté des citoyens des collectivités constitue un frein pour leur pleine
participation à la mobilisation des recettes fiscales ;

- l’insuffisance voire l’inexistence des infrastructures économiques de base : tout


ou presque est à créer ;

- l’insuffisance des ressources transférées ou la lenteur du transfert de celles-ci ;

- la mauvaise gestion des ressources publiques par les acteurs locaux ;

- etc.

Ces limites s’érigent en obstacles lorsqu’elles ne sont pas prises en considération


dans le transfert des compétences aux collectivités territoriales.

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En effet, les compétences transférées n’étant plus assumées par l’Etat, lorsqu’elles
ne sont pas pleinement assumées par les collectivités, il va sans dire que l’économie
nationale subira un coup.
B) Les risques d’ordre sociopolitiques

Au plan politique, la décentralisation est une nouvelle donne qui tranche d’avec les
pratiques traditionnelles d’Etat unitaire centralisé où le véritable pouvoir était détenu
par un seul centre de décision. Dans un tel système, les velléités régionalistes
seraient maîtrisées au profit de l’unité nationale. De même, les acteurs (chefs de
circonscriptions administratives et chefs de services déconcentrés) restent soumis au
niveau central par un lien hiérarchique accentué.

Or, avec la décentralisation, le contrôle s’amenuise peu à peu en vue de permettre


l’éclosion des compétences locales. Cette autonomie ou ‘‘liberté’’ accordée présente
les risques suivants :
 l’émergence de potentats locaux ramant à contre courant des politiques
nationales de développement conçues au niveau central (confusion entre
chefferie coutumière et responsabilités issues d’élections démocratiques);

 l’éveil de sentiments régionalistes ou ethnicises nourris par un chauvinisme lié


au terroir (des citoyens pourraient être considérés comme étrangers dans leur
collectivité de résidence);

 la dénaturation des missions nobles de la politique par sa banalisation et sa


pratique par des acteurs au niveau de connaissance peu élevé ;

 l’instabilité politique (blocages dans les conseils de collectivités du fait des


antagonismes partisans) ;

 la faible appropriation du processus par les populations à majorité


analphabète, une situation aggravée par la diffusion insuffisante des textes
relatifs à la décentralisation);

 la faible implication de la société civile marquée par la méconnaissance des


enjeux de la décentralisation, de la place des collectivités et des rôles de
chaque catégorie d’acteurs ;

 la faible prise en compte des préoccupations des petites entités dans les
actions de développement des communes englobant un grand nombre de
villages, ce qui engendre un sentiment d’exclusion ;

Au niveau administratif et institutionnel, le changement ne va pas non plus sans


risques qu’il faille analyser comme des défis à relever :

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- l’insuffisance du niveau de déconcentration des services de l’Etat pour
accompagner les collectivités territoriales ;

- les résistances ou retentions administratives (l’administration traditionnelle se


voit remplacer par des acteurs locaux considérés comme des néophytes.

Chapitre II : encadrement juridique de la décentralisation

L’autonomie administrative reconnue aux collectivités territoriales s’exerce dans le


cadre de la loi. L’Etat (pouvoir central) de qui les collectivités tiennent leurs pouvoirs,
se réserve le droit de contrôler l’exercice des compétences transférées et
d’accompagner la décentralisation. Ainsi, les collectivités territoriales sont soumises
à trois types de contrôle : la tutelle, le contrôle administratif et le contrôle
juridictionnel.

Section I : la tutelle des collectivités territoriales


La tutelle mérite une étude approfondie du fait de son importance dans le
fonctionnement des collectivités territoriales. Pour maîtriser le mécanisme d’exercice
de la tutelle, nous clarifierons la notion avant de voir sa mise en œuvre effective.

Paragraphe 1 : notion de tutelle


La tutelle dans le cadre de la décentralisation a une définition claire et un fondement
légal.
A) Définition et fondement juridique
1. Définition
Selon le lexique des termes juridiques, la tutelle désigne en Droit privé, une
situation juridique dans laquelle une personne physique ou morale (le tuteur),
gère, dans le sens de leur protection, les biens d’une autre personne (mineure,
ou majeur incapable).

En Droit administratif, la tutelle s’entend d’un mécanisme consistant en un contrôle


exercé par l'Etat sur ses démembrements. En ce qui concerne les collectivités
territoriales, la tutelle consiste pour le représentant de l’Etat (autorité de tutelle) à
veiller à ce que les collectivités territoriales mettent leurs attributions dans le respect
des lois et règlements encadrant leur action. Une double action est ici exercée : le
contrôle et l’accompagnement.

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2. Fondement juridique
Le droit de regard de l’Etat sur le fonctionnement des collectivités territoriales doit
avoir une base juridique, principe de légalité oblige ; c’est dire que tout acte posé
dans le cadre de la tutelle doit être au préalable prévu par la Constitution, les lois et
les règlements de la République.

A ce titre on peut citer comme base légale notamment :


 Le code général des collectivités territoriales (articles 44 à 68) ;

 La loi n°10/98/AN du 21 avril 1998 portant modalités d’intervention de l’Etat et


répartition de compétences entre l’Etat et les autres acteurs du
développement ;

 Le décret n°2006-204 /PRES/PM/MFB/MATD du 15 mai 2006 portant régime


financier et comptable des collectivités territoriales du Burkina Faso ;

 Le décret no2016--878 /PRES/PM/MATDSI/MINEFID du 14 septembre 2016


portant organisation administrative du territoire et attributions des chefs de
circonscription administrative au Burkina Faso.

Evoluant avec le niveau de développement des collectivités territoriales et les


contextes sociopolitiques, la justification juridique de la tutelle reste identique : faire
respecter la loi et défendre l’intérêt supérieur de la République. Aussi, la tutelle est-
elle exercée par des autorités de l’Etat.

B) Les acteurs de la tutelle


L’exercice de la tutelle est une tâche que la loi a voulue efficiente en
rapprochant les acteurs chargés de cette mission aux collectivités objet de la
tutelle. En l’occurrence, l’exercice de la tutelle administrative se situe à deux
niveaux : central et déconcentré.
1. Les acteurs centraux
Aux termes de l’article 54 du Code général des Collectivités territoriales, « la tutelle
administrative et la tutelle financière sont assurées respectivement par le ministre
chargé des collectivités territoriales et le ministre chargé des finances qui délèguent
par arrêté, une partie de ce pouvoir aux représentants de l’Etat dans les
circonscriptions administratives ». De manière pratique, ce sont les services centraux
du ministère chargé des collectivités territoriales, qui sont chargé par exemple des
missions d’inspection des collectivités territoriales.

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Les services centraux du ministère en charge des Finances interviennent pour ce qui
concerne les actes financiers d’une certaine gravité, émis par les organes régionaux
et les organes des communes à statut particulier. Ces actes nécessitent par exemple
une autorisation préalable ou une approbation.

2. Les acteurs déconcentrés


Au niveau déconcentré, ce sont les représentants des ministères en charge de
l’administration territoriale et celui en charge des Finances, qui sont chargés de
l’exercice de la tutelle. Ainsi :
 les gouverneurs de région exercent la tutelle rapprochée sur les régions
collectivités territoriales ;

 les Hauts-commissaires exercent la tutelle rapprochée sur les communes rurales


et urbaines et les communes à statut particulier ;

 les directeurs régionaux et provinciaux du Contrôle des Marchés publics et des


Engagements financiers, des Impôts, du Trésor (Perception ou Trésorerie
principale au niveau provincial ou départemental), sont chargés globalement du
suivi de la régularité de la mobilisation des recettes et de l’exécution de la
dépense des collectivités de leur ressort respectif.

Ce mécanisme est aussi dit « tutelle rapprochée ». En France, l’article 72 al. 6


de la Constitution dispose que "dans les collectivités territoriales de la
République, le représentant de l’État, représentant de chacun des membres du
gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et
du respect des lois". Il s’agit en l’occurrence des préfets.

Il faut souligner qu’aucune collectivité n’exerce de contrôle (tutelle) sur une


autre. Des regroupements de collectivités territoriales, sont possibles
(Association des municipalités du Burkina Faso, Associations de régions, etc.)
mais ceci ne saurait placer une commune sous la tutelle d’une autre.

La tutelle est exclusivement exercée par des structures d’Etat et porte sur des
actes précis.

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***17


Paragraphe 2 : l’objet du contrôle
La circonscription de la matière soumise au contrôle est très importante afin que
l’immixtion de l’Etat n’entrave pas le bon fonctionnement des collectivités. Le tuteur
ne saurait lui-même aller au-delà de ses compétences. En l’occurrence, le contrôle
porte sur les actes administratifs et les actes à caractère financier, en vue d’en
apprécier la légalité.

A) La légalité externe
Le contrôle de la légalité externe des actes administratifs consiste à vérifier s'il
n'y a pas eu, au moment de l'adoption de l'acte ou de son exécution, violation
des éléments formels prévus par la loi (vice de forme) susceptible d'entraîner
l'illégalité de l'acte.

Ce type de contrôle porte sur neuf (09) points essentiellement :


- l'identification de la collectivité ;
- le contrôle de la numérotation de l’acte ;
- le contrôle des conditions initiales de réunion du conseil de la collectivité
territoriale ;
- la vérification du quorum ;
- la vérification des date et lieu;
- la vérification de la compétence (signataires);
- la vérification des visas (base légale) et l’exposé des motifs
(argumentation) ;
- la vérification de la formulation de l’acte (nature par rapport à l’objet);
- le contrôle des procédures (consultations préalable, etc.).

Notons que ce n’est pas tout vice de forme qui entraine l’annulation d’un acte. On
distingue en effet les formalités substantielles de celles non substantielles.
On considère généralement que les formalités substantielles sont celles qui sont de
nature à avoir un effet sur le contenu de la décision attaquée (dont le respect aurait
pu changer le sens de la décision par exemple).

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***18


B) La légalité interne

Il consiste en des vérifications du contenu de l’acte ou de son objet, eu égard


aux domaines de compétences dévolus aux collectivités territoriales. Il peut
s’agir de détournement de pouvoir ou de violation de la loi. Le contrôle interne
porte principalement sur cinq (05) points :
- le contrôle de conformité à la loi au sens large ;
- le contrôle des motifs de droit ;
- le contrôle des motifs de fait (opportunité) ;
- le contrôle de la qualification juridique des faits ;
- le contrôle du détournement de procédure (mise en œuvre).

La sanction rappelant la règle de droit, un mécanisme de responsabilité est attaché


aux contrôles, qu’ils soient administratif, juridictionnel ou de tutelle.

Section II : le régime de responsabilité des acteurs de la décentralisation


L’autonomie administrative des collectivités territoriales n’est pas source d’immunité.
Plusieurs types de sanctions sont attachés aux contrôles exercés sur elles.

Paragraphe 1 : les sanctions administratives

La tutelle est une forme de contrôle administratif et d’assistance (appui conseil).


Aussi, les sanctions qui en sont issues ont-elles un caractère plutôt dirimant, porté
principalement sur les actes administratifs et financiers.

A) Sanctions portées aux actes


Le contrôle de tutelle produit un effet direct sur les actes, selon le niveau d’exécution
de ceux-ci ou le moment d’intervention du contrôle.

1. Sanction à l’issue du contrôle a priori


Le contrôle a priori est celui qui est mis en œuvre avant que l’acte n’ait produit ses
effets. Les sanctions visent plusieurs formes.

 L’autorisation préalable
L’autorisation préalable est une sorte de soupape de sécurité, permettant d’éviter
qu’un acte ne soit posé. L’autorisation préalable se présente sous deux (02) formes :

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***19


 sous la forme de normes juridiques, réglementaires prises par l’autorité de
tutelle, donnant quitus à la collectivité d’agir. C’est le cas par exemple : du
règlement intérieur type fixé par décret, de la grille des indemnités, de la
nomenclature et des modalités de présentation du budget, etc. ;

 sous la forme d’avis favorable donné. Cet avis peut être matérialisé par
une réaction positive expresse (réponse écrite) ou tacite. Par exemple,
l’autorisation préalable est supposée avoir été donnée ou acquise après
épuisement des délais légaux imposés à l’autorité de tutelle pour réagir
(Cf. article 152 CGCT).

Sont soumis à autorisation préalable :


- les acquisitions, aliénations ou échanges de biens immobiliers ;
- les emprunts dans les limites prévues par les textes en vigueur ;
- à l’acceptation des dons et legs grevés de charges ou entraînant
des charges ;
- les indemnités ;
- les contrats assortis de contrepartie de l’Etat ;
- les opérations d’aménagement du territoire ;
- la mise en œuvre des plans locaux de développement ;
- la gestion et à l’utilisation des parties du domaine foncier national
transférées aux collectivités territoriales.

 L’approbation
L’approbation est un avis favorable donné par l’autorité de tutelle pour l’exécution
d’un acte. En principe, l’approbation doit être expresse et donnée par écrit par
l’autorité de tutelle (arrêté). Toutefois, pour éviter que la lenteur administrative ne
grippe l’action de la collectivité, les textes imposent à l’autorité de tutelle un délai au-
delà duquel l’approbation est supposée être donnée ou acquise tacitement.

Le délai d’approbation ordinaire est de quarante cinq (45) jours maximum à compter
de la date du dépôt auprès de l’autorité de tutelle. Passé ce délai, l’approbation est
réputée acquise.

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***20


Sont soumis à approbation :
- le budget primitif ;
- le budget supplémentaire ;
- les achats publics dans les limites prévues par les textes en vigueur;
- le compte administratif et le compte de gestion ;
- les conventions de création des structures de concertation et de
coopération ;
- les opérations d’aménagement du territoire.

2. Sanction à l’issue du contrôle a posteriori

Le contrôle a posteriori est celui exercé après la prise de l’acte objet du


contrôle. Ce type de contrôle abouti essentiellement à une annulation de l’acte
pris par l’autorité décentralisé.

L’illégalité illégalité survient, soit par méconnaissance soit par inobservation


volontaire des dispositions légales et réglementaires. Pour remettre les choses
en l’état, les textes donnent à l’autorité de tutelle un pouvoir d’annulation. Tout
acte illégal pris par une autorité administrative encourt annulation. En principe,
c’est le juge administratif qui annule. Mais on connait les rouages de la Justice
complexes et longues, ce qui ne cadre pas avec le dynamisme attendu de
l’action de la collectivité territoriale. C’est certainement la raison pour laquelle il
est aménagé un mécanisme rapproché et simplifié de sanction des actes des
autorités locales.

Du reste, la saisine du juge administratif peut être conditionnée à saisine


préalable de l’autorité de tutelle.

B) La sanction des acteurs


Les effets du contrôle de tutelle sur les acteurs de la décentralisation consistent en la
prise de mesures conservatoires ou définitives, en vue de préserver les intérêts du
service public. Il peut s’agir de peines individuelles ou collectives, temporaires ou
définitives.

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***21


1. Les sanctions individuelles
Au titre des sanctions administratives il y a essentiellement la suspension et la
révocation.
Les présidents des collectivités territoriales ou leurs adjoints peuvent être suspendus
ou révoqués dans les cas suivants :
- faute grave de gestion;
- découverte d’une cause antérieure à l’élection qui, si elle avait été
connue, serait un motif légitime d’empêchement ;
- découverte d’un des cas d’incompatibilité prévus par le code électoral.

Quant à la suspension, elle ouvre la voie à des investigations poussées en vue de


confirmer ou d’infirmer les reproches faits à l’autorité. Les résultats de ces
investigations permettront soit de lever la mesure de suspension soit de prononcer la
révocation pure et simple, soit d’engager à l’encontre de l’auteur des fautes, des
poursuites judiciaires. Généralement la suspension est prononcée par le ministre en
charge de l’administration territoriale et la révocation en conseil de ministres.

N.B : Aux termes de l’article 273 du CGCT, il peut être introduit à l’encontre du maire
une motion de défiance. La motion de défiance est signée par au moins un tiers
(1/3) des membres du conseil municipal et déposée auprès du maire qui doit en
donner accusé de réception dans un délai de deux jours ouvrables. Une copie est
adressée au Haut-commissaire dans le même délai et la motion de défiance doit être
motivée.

La motion de défiance ne peut être adoptée qu’au terme d’un débat contradictoire
suivi de vote. Elle est acquise à la majorité des deux tiers du conseil municipal » (art
275, 1er alinéa loi 055). Toutefois, si la motion est rejetée, une nouvelle motion
portant sur les mêmes motifs ne peut être déposée avant un délai d’un an.

Le procès-verbal de la séance au cours de laquelle la motion de défiance a été


adoptée est transmis à l’autorité de tutelle dans un délai maximum de dix (10) jours
pour compter de la date de tenue de la session.

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***22


NB : il y a lieu de rappeler que la motion de défiance ne peut être introduite qu’à
l’encontre du maire qui est l’exécutif donc la personne entièrement responsable du
fonctionnement du conseil municipal.
Elle ne peut donc pas être introduite à l’encontre des adjoints au maire encore moins
un conseiller municipal.
2. Les sanctions collectives
La méconnaissance de la règle de droit dans la gestion des collectivités territoriales
peut conduire à des sanctions touchant un groupe ou l’ensemble des élus. Dans ce
second cas, l’on aboutit à la dissolution du conseil municipal et l’instauration de
délégation spéciale.

Les délégations spéciales sont des structures mises en place en situation


exceptionnelle de dissolution d’un conseil municipal. Dans notre pays, le
fonctionnement des délégations spéciales est organisé par le décret n°2013--431
/PRES/CAB du 30 mai 2013 portant conditions d’installation, composition et
fonctionnement de délégations spéciales des collectivités territoriales.

Conformément à ce décret, la délégation spéciale est présidée par le chef de


circonscription administrative territorialement compétent. Dans sa composition la
délégation spéciale comprend des représentants des services déconcentrés de
l’Etat, des projets et programmes et des organisations de la société civile présents
sur le territoire de la collectivité concernée.

3. Les cas de dysfonctionnement

En cas de dissolution du conseil municipal, de démission de tous ses membres en


exercice ou d’annulation devenue définitive de l’élection de tous ses membres,
l’autorité de tutelle rapprochée est chargée de l’expédition des affaires courantes. Il
est procédé à la réélection du conseil dans un délai maximum de quatre-vingt-dix
jours.
Si la dissolution ou la démission de tous les membres du conseil municipal survient
au cours de la dernière année du mandat ou dans le cadre de crise conduisant à une
dissolution générale des C.T, il est procédé́ à l’installation d’une délégation spéciale
dont le nombre des membres ne dépasse pas celui du conseil élu dissout. (Cf.
Article 172 et 173 de la loi n°027-2017/AN portant modification de la loi n°016-
2015/CNT du 21 mai 2015 elle-même ayant modifiée la loi n°055-2004/AN du 21

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***23


décembre 2004 portant code général des collectivités territoriales au Burkina Faso
n°055- 2004/AN du 21 décembre 2004 portant code général des collectivités
territoriales au Burkina Faso). Ces sanctions administratives n’exemptent pas
l’autorité administrative des sanctions juridictionnelles.

4. Les cas d’indisponibilité

Les cas de maladie prolongée : il peut être mis fin aux fonctions du maire et/ou des
adjoints, en cas de maladie prolongée de plus d’un an et les rendant inaptes à
l’exercice de leurs fonctions.

Paragraphe 2 : les sanctions juridictionnelles

L’on entend par sanctions juridictionnelles toutes les décisions (jugements)


prononcées par une juridiction administrative, judiciaire ou pénale.

A) La sanction du juge administratif

Juge par excellence de la légalité, le juge administratif peut être saisi d’un acte
émanant de la collectivité territoriale. Suivant l’organisation judiciaire, interviennent
le Tribunal administratif et le Conseil d’Etat. Les cas d’ouverture des recours peuvent
être :
 Le recours pour excès de pouvoir ou recours en annulation, qui
consiste à contester la légalité (régularité) d’un acte administratif, en
demandant au juge son annulation ;
 Le recours de pleine juridiction ou de plein contentieux qui vise la
réparation de préjudices causés par l’administration locale à un particulier
(ou une personne morale) ;
 Le recours en interprétation par lequel les juridictions administratives
peuvent être saisies en vue de l’interprétation d’un acte administratif émis
par une autorité locale. Ce type de recours est généralement exercé par une
autorité administrative ou des groupes organisés (associations, syndicats,
partis politiques) etc.

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***24


B) Les sanctions de droit commun

Les autorités locales peuvent faire l’objet de sanction devant les juridictions de l’ordre
judiciaire. Il peut s’agir d’actes civils ou commerciaux ou d’infractions, détachables de
l’action administrative régalienne (Cf. arrêt Société des granits porphyroïdes des
Vosges, C.E 31 juillet 1912).

A titre personnel, tout agent public ou toute autorité locale peut faire l’objet de
poursuite pour des fautes commises à l’occasion du service : corruption, concussion,
détournement, faux en écriture publique, etc. (Cf. art.272 du CGCT).

C) L’action des corps de contrôle d’Etat

Entités publiques, les collectivités territoriales subissent le contrôle de tous les corps
de contrôle de l’Etat. L’action de ces corps de contrôle permet de dissuader, de
disculper ou de condamner.
On peut citer entre autres :
- Les inspections techniques des départements ministériels ;
- L’Inspection générale des Finances (IGF) ;
- L’Autorité supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption
(ASCE-LC) ;
- L’Autorité de Régulation de la Commande publique (ARCOP) ;
- La Cour des comptes ;
- Etc.

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***25


DEUXIEME PARTIE : LE CADRE INSTITUTIONNEL DE LA DECENTRALISATION

La décentralisation est un paradigme désormais intégré à toutes les politiques de


développement au Burkina Faso. Le concept est si porteur qu’il attrait beaucoup
d’acteurs aux niveaux de connaissances diversifiés. Eu égard aux enjeux
sociopolitiques et économiques que recèle la décentralisation le législateur a mis du
sien à élaborer les normes nécessaires au bon encadrement du processus. La
décentralisation s’opère en effet suivant un arsenal de principes généraux. Elle est
l’affaire d’acteurs dont les rôles et responsabilités sont bien déterminés par la loi.

Chapitre I : l’organisation de l’administration territoriale au BF

La décentralisation ne s’opère pas dans un environnement institutionnel vierge ;


l’Etat, ses services déconcentrés et les institutions administratives indépendantes
peuplent le terrain d’action des collectivités territoriales. Aussi, la loi délimite-t-elle
avec soin le champ d’action de chaque acteur.

Section I : les circonscriptions administratives

L’organisation de l’administration du territoire laisse entrevoir deux types de


structures principales à savoir les collectivités territoriales et les circonscriptions
administratives. Si les premières trouvent leur source dans la Constitution (Titre XI
art.143), les secondes ne sont régies que par la loi. N’empêche que ce soit les chefs
de circonscriptions administratives qui contrôlent l’action des autorités
décentralisées.

Paragraphe 1 : organisation et fonctionnement des circonscriptions


administratives

Une circonscription administrative peut être définie comme un cadre de


représentation de l’Etat et de coordination des activités des services déconcentrés.
La circonscription administrative n’est pas dotée de la personnalité morale ni de
l’autonomie financière, contrairement à la collectivité territoriale. La forme actuelle du
découpage administratif du territoire national burkinabè est régie par la loi no013-
2001/AN du 02 juillet 2001.

Aux termes de cette loi, le Burkina Faso compte quatre (04) types de circonscriptions
administratives à savoir la Région (paragraphe1), la Province (paragraphe 2), le
département (paragraphe 3) et le village (paragraphe 4).

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***26


Toutefois, le décret no2016---878/PRES/PM/MATDS/MEF portant modalités de
création, d’organisation et de fonctionnement des circonscriptions administratives au
Burkina Faso exclut le village de la liste des circonscriptions administratives.

A) Attributions communes des chefs de circonscriptions administratives


Les chefs de circonscriptions administratives assurent une pléthore de tâches au
quotidien dans leur ressort respectif. Leurs principales activités peuvent être
regroupées en deux catégories : les fonctions administratives générales et les
fonctions spécifiques de police. A ces tâches s’ajoute pour le Préfet, une mission
exceptionnelle liée au Tribunal départemental.

1. Les fonctions administratives générales des CCA

Il s’agit de la représentation et du suivi du fonctionnement des services déconcentrés


de l’Etat.

 La représentation
Juridiquement, la représentation est un procédé par lequel une personne appelée
représentant, est habilitée à agir au nom et pour le compte d’une autre personne,
appelée représentée. Les actes posés par le représentant produisent des effets sur
le représenté.

Appliquée à l’Administration de l’Etat, la représentation est une habilitation des


autorités déconcentrées à exécuter des tâches en lieu et place des autorités
centrales et à en rendre compte (Cf. décret no 2016--878 relatif aux attributions des
CCA au BF). De droit, les Chefs de Circonscriptions administratives (CCA) sont les
représentants légaux des ministres au sein des circonscriptions administratives et
non pas les présidents de collectivités territoriales.

 Le suivi du fonctionnement des services déconcentrés


Représentants par excellence de l’Etat dans leur ressort respectif, les CCA assurent
la coordination administrative et le contrôle du fonctionnement des services publics.
La coordination consiste en :
 la tenue de réunions et l’animation des cadres de concertation ;

 l’édiction de directives en direction des services placés sous son


contrôle.

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***27


Quant au contrôle, il consiste pour les CCA à avoir un droit de regard sur le
fonctionnement des services publics aussi bien de l’Etat que des collectivités
territoriales.

A ces fonctions de coordination et de surveillance générales, s’ajoutent des missions


spécifiques.

2. L’exercice de la puissance publique


La raison d’être première de l’Etat étant de garantir la sécurité des citoyens, les CCA
sont directement responsabilisés dans la régulation, le contrôle et la constatation des
atteintes à l’ordre public ou à la vie des individus. Trois missions spécifiques
principales sont assignées aux CCA à savoir la police administrative, la police
judiciaire et la protection civile.

 L’exercice de la police administrative


L’on entend par police administrative l’ensemble des activités préventives menées
par les autorités administratives en vue du maintien de l’ordre public (sécurité
publique, tranquillité publique, salubrité publique). Elles consistent au contrôle et à la
surveillance générale. Les actions de police administrative sont exercées aussi bien
par les chefs de circonscriptions administratives que par les présidents de
collectivités territoriales.

 L’exercice de la police judiciaire

La police judiciaire (P.J) est une activité qui consiste à constater les infractions à la
loi pénale, à en rassembler les preuves et à rechercher les auteurs en vue de les
livrer aux juridictions pour jugement, (art. 14 code de Procédure pénale).
Contrairement à la police administrative qui est préventive, exercée exclusivement
par les autorités administratives, la P.J est mise en branle après commission d’une
infraction et est exercée concomitamment par les autorités administratives et celles
judiciaires. Soulignons que le maire et ses adjoints sont officiers de police judiciaire.

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***28


 La protection civile (art.35, 36, 81, 82 décret)
Les CCA sont responsables de l’organisation de la protection civile sur leur territoire
respectif. L’on entend par protection civile l’ensemble des mesures prises par les
autorités administratives dans le cadre de la gestion des risques et catastrophes par
la prévention, la direction et la coordination des opérations.

A ce titre et à titre préventif, les CCA sont chargés d’élaborer et de proposer au


ministre chargé de l’administration du territoire et aux ministres concernés des plans
de prévention et de secours dans le cadre des risques naturels ou technologiques.
Ils jouent ainsi un rôle majeurs dans la mise en œuvre des plans d’organisation des
secours destinés à la préparation des mesures de sauvegarde et à la mise en œuvre
des moyens de secours nécessaires pour faire face aux accidents, sinistres et
catastrophes d’une certaine gravité (Plan ORSEC). En cas de survenance de crise
humanitaire, les CCA dirigent les opérations de secours ainsi que la répartition des
moyens nécessaires et en rendent compte au ministre en charge de la protection
civile. Ils disposent pour ce faire d’un droit de réquisition générale sur les personnes,
les biens et les administrations.
De même, les CCA président de droit les commissions permanentes de gestion des
crises sur leur territoire respectif notamment les comités régionaux / provinciaux /
départementaux / de secours d’urgence et de réhabilitation (CORESUR,
COPROSUR, CODESUR. Voir décret n°2010--567 /PRES/PM/MATD/MASSN du21
sept.2010).

B) Les fonctions juridictionnelles du Préfet de département


Outre ces fonctions ordinaires de police administrative et de police judiciaire, le
Préfet de département est chargé de l’animation du tribunal départemental. Ce type
de juridiction dite d’exception, est institué par la loi n°015/AN-2019 du 02 mai 2019
portant organisation judiciaire au Burkina Faso. Contrairement aux juridictions
ordinaires (cours et tribunaux) composées de magistrats professionnels assistés de
fonctionnaires auxiliaires tout aussi professionnels (corps des greffiers), le tribunal
départemental est présidé par le Préfet et comprend des citoyens ordinaires nommés
par arrêtés du ministre chargé de la Justice sur une liste proposée par le Haut-
commissaire de la Province.

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***29


Aux termes de l’article 93 de la loi, le tribunal départemental ou d’arrondissement est
compétent pour connaître :

 de toutes les situations non contentieuses relevant de l’état des personnes :


jugements déclaratifs d’état ou supplétifs d’actes de naissance, de mariage, de
décès et certificats d’hérédité ;

 des litiges en matière civile et commerciale dont le taux évalué en argent est
inférieur ou égal à trois cent mille (300 000) francs CFA;

 des réclamations en argent par suite de dévastation de champs, de récoltes


sur pied ou engrangées, bris de clôture, lorsque le montant de la réclamation
est inférieur ou égal à trois cent mille (300 000) francs CFA.

N.B : les tribunaux départementaux étaient impliqués dans le règlement des conflits
fonciers (droit de propriété de terre) à travers la conciliation. Mais la dernière loi sur
le foncier à savoir la loi n°34-2009/AN du 16 juin 2009 portant régime foncier rural,
ne semble pas reconnaître cette compétence aux tribunaux départementaux. Les
questions de terre font désormais l’objet de conciliation préalable par des instances
municipales. Il s’agit notamment :
- du service foncier rural dans chaque commune
- de la commission foncière villageoise dans chaque village.

Paragraphe 2 : les rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales

L’Etat entretient avec les collectivités territoriales et dans les domaines de leurs
compétences, des relations contractuelles ; d’assistance et de contrôle.

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***30


A) Les relations contractuelles

Le contrat peut être globalement entendu comme accord de volontés entre deux ou
plusieurs personnes (physiques ou morales), en vue de produire des effets de droit
de type « gagnant-gagnant ».

L'Etat et les collectivités territoriales peuvent déterminer par contrats leurs


interventions communes dans tous les domaines d'intérêt public national ou local.
L’objet du contrat peut ainsi porter sur des domaines divers pourvu que cela aille
dans le sens de l’intérêt général et non dans le but de servir les intérêts personnels
des autorités signataires du contrat.

B) L'assistance de l'Etat

Assister, c’est soutenir, aider, porter secours. Le devoir d’assistance de l’Etat (ou de
ses services déconcentrés) aux collectivités territoriales se justifie aisément parce
que ces dernières détiennent leurs pouvoirs dérivés de l’Etat. Il est tout à fait indiqué
que le délégant reste aux côtés du délégataire, afin de veiller au bon exercice des
compétences transférées.

C’est pour rendre effective cet accompagnement qu’il est prévu une déconcentration
maximale des services de l’Etat auprès des collectivités territoriales (Cf. article 3 du
CGCT).

C) Les contrôles

La libre administration reconnue aux collectivités territoriales s’exerce dans le cadre


de la loi. L’Etat de qui les collectivités tiennent leurs pouvoirs, se réserve le droit de
contrôler l’action des autorités décentralisées, à travers ses structures classiques de
contrôle et des mécanismes particuliers. En application de l’article 53 du CGCT, les
contrôles exercés sur les collectivités territoriales sont : la tutelle, le contrôle
administratif et le contrôle juridictionnel.

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***31


Section II : les collectivités territoriales
Une collectivité territoriale (ou locale) peut être définie comme une entité
correspondant à des regroupements humains géographiquement localisés sur une
portion déterminée du territoire national, entité dotée de la personnalité juridique et
de l’autonomie financière.
La vocation première des collectivités territoriales est résumée à l’article 2 du CGCT
à savoir :
- s’administrer librement ;
- gérer des affaires propres ;
- promouvoir le développement à la base ;
- renforcer la gouvernance locale

Paragraphe 1 : la typologie de collectivités territoriales


Au Burkina Faso, il est créé deux types de collectivités territoriales à savoir la région
et la commune.
A) La commune
La commune elle est un regroupement de secteurs ou de villages (art.17 CGCT Ss).
Une distinction est faite ici entre commune rurale et commune urbaine et commune à
statut particulier.
- La commune rurale est un regroupement de villages dont la population
totale fait au moins cinq mille (5 000) habitants et qui a la capacité de
générer 5 000 000 FCFA par an de recettes propres annuelles ;

- La commune urbaine quant à elle, compte au moins une agglomération


permanente de vingt-cinq mille (25 000) habitants, ayant la capacité de
générer 25 000 000 FCFA de recettes propres annuelles ;

- La commune à statut particulier elle, est une commune urbaine dont


l’agglomération principale compte au moins quatre cent mille (400 000)
habitants capables de générer au moins un milliard (1 000 000 000) FCFA
de recettes propres annuelles.

B) La région
La région (art.15 et 16 CGCT) se définit comme une zone géographique appelée à
être un espace économique et un cadre d’aménagement, de planification et de
coordination du développement. Son territoire est celui de l’ensemble des communes
qui la composent.

*** DROIT DE LA DECENTRALISATION ** UCAO-UUB ** 2021-2022 * Paul ZONGO***32


Paragraphe 2 : les domaines de compétences des C.T
Il est assigné aux collectivités territoriales une mission de service public large dont le
CGCT s’est employée à en résumer les actions à mener (Cf.art.9 CGCT) :
 entreprendre toute action en vue de promouvoir le développement
économique, social, culturel, environnemental et participer à l'aménagement
du territoire ;

 passer des contrats avec toutes personnes physiques ou morales, privées ou


publiques, dont l'Etat, les autres collectivités territoriales et les établissements
publics ou établir des rapports de coopération avec des organisations
extérieures au Burkina Faso dans le respect de la souveraineté et des intérêts
de la nation ;

 entreprendre dans les conditions prévues par la loi et dans le cadre de leurs
compétences propres, des actions de coopération qui donnent lieu à des
conventions avec des collectivités territoriales de pays étrangers ou
organismes internationaux publics ou privés œuvrant dans le domaine du
développement ;

 créer ou acquérir des établissements dans les domaines de l'enseignement,


de la santé, de l'environnement ou dans tout autre domaine socio-économique
ou culturel ;

 créer des établissements publics locaux pour la gestion d'activités socio -


économiques ou culturelles ;

 acquérir des actions ou obligations dans des sociétés ayant pour objet
l'exploitation de services locaux ou de services nationaux ouverts à la
participation des collectivités territoriales.

Ces actions correspondent à onze domaines de compétences :


1. l’aménagement du territoire ;
2. le foncier et l’urbanisme ;
3. l’environnement et la gestion des ressources naturelles ;
4. le développement économique et la planification ;
5. la santé et l’hygiène ;
6. l’éducation, la formation professionnelle et l’alphabétisation ;
7. la culture, les sports et les loisirs ;
8. la protection civile, l’assistance et les secours ;
9. les pompes funèbres et les cimetières ;
10. l’eau et l’électricité ;
11. les marchés, abattoirs et foires.

Pour assumer efficacement ces responsabilités, les collectivités territoriales ont


besoin de ressources humaines, matérielles et financières.

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Paragraphe 3 : les ressources des collectivités territoriales

L’autonomie financière de la collectivité territoriale la rend apte à se constituer un


budget, c’est-à-dire un outil de prévision de l’ensemble des recettes et des dépenses
de la collectivité pour une année donnée (Art.106 CGCT). C’est le président de la
collectivité aidé par les services techniques financiers qui élabore le budget et le
soumet au vote du conseil.
Acte financier d’importance majeure, le budget voté par les conseillers est ensuite
soumis à l’arbitrage puis à l’approbation du ministre en charge des Finances.
L’objectif de cette procédure est de permettre que les budgets des collectivités
territoriales soient conformes à la loi dans la mesure où les ressources et les charges
sont déterminées par la loi (Art.109 CGCT).

A) Les recettes

Aux termes de l’article 110 du CGCT, les ressources des collectivités territoriales
sont constituées : des impôts et taxes, des dotations de l’Etat, des dons et legs et
d’emprunts.

La nomenclature budgétaire présente les ressources en recettes ordinaires ou de


fonctionnement et en recettes extraordinaires ou d’investissement.
Les recettes ordinaires proviennent du produit des recettes fiscales, de l'exploitation
du domaine foncier et des services locaux, des subventions, des ristournes
accordées par l'Etat ou d'autres collectivités publiques sur le montant des impôts et
taxes recouvrés à leur profit, des recettes temporaires ou accidentelles et de la
répartition annuelle des fonds de dotation des collectivités territoriales.

Quant aux recettes d'investissement, elles comprennent la part des fonds de


dotation, les fonds d'emprunts, les recettes temporaires ou accidentelles, les crédits
alloués par le budget de l'Etat ou par tout autre organisme public ou privé sous forme
de fonds de concours et les prélèvements effectués au profit de la section
d'investissement à partir de la section de fonctionnement. (Voir art.115 à 117 CGCT).
Précisons que les recettes prévues peuvent toujours être dépassées dans le
recouvrement contrairement aux dépenses.

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B) Les dépenses

Les dépenses des collectivités territoriales comprennent des dépenses ordinaires ou


de fonctionnement et des dépenses extraordinaires ou d'investissement. Les
dépenses de fonctionnement ont un caractère permanent et permettent à la
collectivité territoriale de faire face à ses charges et obligations courantes (salaires,
consommation d’eau et d’électricité, carburant, etc.).

Les dépenses d'investissement permettent la réalisation d’infrastructures diverses


ainsi que l'acquisition de matériels relatifs à ces travaux (constructions d’écoles de
centres de santé, réalisation de forages, etc.).

Dans le respect des principes et inscriptions budgétaires, les collectivités territoriales


disposent du droit de priorisation de leurs dépenses. Il y a ainsi des dépenses
obligatoires et des dépenses facultatives. Sont dites obligatoires les dépenses mises
à la charge des collectivités par la loi.

Les dépenses obligatoires doivent nécessairement figurer au budget. Elles doivent


faire l'objet d'ouverture de crédits suffisants avant qu'il ne soit possible à la
collectivité d'inscrire des dépenses facultatives. Par dépense facultatives, on entend
celles présentant certes un intérêt général (local) mais qui pourraient être différées
sans pour autant être vitales. (Voir art.120 et 121 CGCT).

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Section III : l’organisation administrative des collectivités territoriales
L’organisation administrative des C.T présente d’une part des organes élus et d’autre
part une administration permanente.

Paragraphe 1 : Les organes élus des collectivités territoriales

A) L’exécutif
L’organe exécutif de la commune est constitué du maire (président du conseil
municipal ou d’arrondissement). Celui-ci est assisté d’adjoints au maire (deux
adjoints pour les communes rurales et urbaines, quatre adjoints pour les communes
à statut particulier). Notons que le maire et ses adjoints sont officiers d’état civil et
officiers de police judiciaire.
L’exécutif municipal est chargé de l’exécution des décisions (délibérations) du
conseil municipal et de la mise en œuvre des attributions propres au maire.

L’organe exécutif du conseil régional est constitué du président, assisté de deux


vice-présidents, tous élus au sein des conseillers régionaux. Le président et le 1 er
vice-président ont l’obligation de résidence dans la région.

L’exécutif régional est chargé de l’exécution des décisions (délibérations) du conseil


régional et de la mise en œuvre d’attributions propres (art.175 à 181 CGCT).

B) L’organe délibérant
Le conseil municipal est l’organe délibérant de la commune. Il est formé de
l’ensemble des conseillers de la commune. Ceux-ci sont élus au prorata de la taille
de la population du village ou du secteur (deux au minimum). Aux termes de l’article
236 bis de la loi n° 005-2015 /CNT portant modification de la loi n° 014-2001/AN du
03 juillet 2001 portant code électoral, « Il est élu un conseiller supplémentaire dans
chaque village ou secteur dont la population est égale ou supérieure à cinq mille
habitants. »

Il est élu dans chaque secteur de l'arrondissement, trois conseillers. Il est élu un
conseiller supplémentaire pour chaque tranche de quinze mille habitants. Toutefois,
le nombre total de conseillers par secteur est limite à six.

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Le conseil municipal se réunit en sessions ordinaires et en sessions extraordinaires
(Voir art.233 à art.249 du CGCT). Il est institué au sein du conseil municipal quatre
commissions permanentes :
 une commission « affaires générales, sociales et culturelles » ;
 une commission « affaires économiques et financières » ;
 une commission « environnement et développement local » ;
 une commission « aménagement du territoire et gestion foncière ».

Les conseillers municipaux élisent en leur sein le président du conseil municipal


(le maire) et les adjoints au maire.

Le conseil régional est le collège des conseillers régionaux. Ceux-ci sont désignés
par commune et par arrondissement, au sein du conseil municipal et du conseil
d’arrondissement ; ce sont donc des représentants. Le CR tient des sessions
ordinaires et des sessions extraordinaires (Voir art. 154 à 170 du CGCT).

Il est institué au sein du conseil régional trois commissions permanentes :


 une commission « affaires générales, sociales et culturelles » ;
 une commission « affaires économiques et financières » ;
 une commission « environnement et développement local ».

Les conseillers régionaux élisent en leur sein le président et les vice-présidents, ainsi
que les présidents des commissions permanentes sus citées.
Cf. Code électoral. Art.236 ss

Paragraphe 2 : Les services administratifs des collectivités territoriales


Chaque C.T disposent d’une administration permanente, contrairement au conseil et
à l’exécutif qui se renouvellent au rythme des élections. (Art.287 à 291du CGCT)

Le président du C.T est le chef de l'administration locale. Dans ses tâches


administratives, le PCT est assisté par un secrétaire général. Celui-ci est nommé par
arrêté du président du C.T (maire ou Président du conseil régional) parmi les cadres
moyens ou supérieurs de l'Administration générale.

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Le secrétaire général peut être un agent recruté par la C.T, ou un agent mis à
disposition ou en position de détachement par l'Etat (voir loi n°004-2017/AN du 13
janvier 2017 portant modalités de transfert des ressources humaines entre l’Etat et
les collectivités territoriales).

Le secrétaire général est chargé, sous l'autorité du président du PCT :


- de la coordination administrative et technique des services de la collectivité
territoriale ;
- de la gestion du personnel et du matériel de la collectivité ;
- des relations techniques du conseil régional avec les représentants de
l'Etat et les services décentralisés.

Pour permettre au secrétaire général d’assister efficacement le président du conseil,


il est prévu qu’il puisse recevoir délégation de signature de ce dernier.

Le personnel de l’administration décentralisée est recruté et géré conformément à la


loi la loi n°003-2017/AN du 13 janvier 2017 portant statut de la fonction publique
territoriale. Quant aux services administratifs, ils sont organisés selon des arrêtés-
types pris au niveau ministériel.

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CONCLUSION GENERALE
Inscrite dans la Constitution, la décentralisation consacre le droit des collectivités
territoriales à s’administrer librement et à gérer des affaires propres en vue de
promouvoir le développement à la base et de renforcer la gouvernance politique.

Dans leur organisation les collectivités territoriales sont dotées d’organes délibérants
et d’organes exécutifs appuyés par une administration permanente.

Du point de vue des moyens d’action, des réformes progressives permettent d’élargir
les domaines de compétences des collectivités territoriales ainsi que les ressources
devant permettre la mise en œuvre des compétences transférées.

La liberté d’action des collectivités territoriales reste cependant soumise au respect


scrupuleux des lois et règlements. C’est la raison pour laquelle l’Etat de qui dérivent
les compétences des collectivités territoriales, a aménagé un mécanisme de contrôle
pour s’assurer que les collectivités territoriales mènent leurs activités conformément
à l’esprit de la décentralisation afin de prévenir les dérives. L’objet du contrôle, qu’il
soit administratif ou juridictionnel, loin de constituer une entrave à l’action, est de
sauvegarder l’intérêt général et de protéger les autorités locales des actes de nature
à engager gravement leur responsabilité.

L’espoir placé en la décentralisation comme levier de développement économique et


de renforcement de la démocratie, fait peser d’énormes charges sur les collectivités
territoriales. Pour leur permettre d’atteindre efficacement les résultats escomptés, la
politique de décentralisation devra sans doute s’orienter vers la mise en place
d’administrations locales solides à travers des ressources humaines qualifiées.

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BIBLIOGRAPHIE

I. Traités et manuels
 VEDEL (Georges), Droit administratif, Presse universitaire de France, 1989 ;
 DEBBASCH (Charles) et PINET (Marcel), Les grands textes administratifs,
Sirey 1970 ;
 BAGUENARD (Jacques), La décentralisation, Que sais-je ? PUF, 1966 ;

 LACHAUME (Jean François), L’administration communale, LGDJ, EJA, Paris,


1994.

II. Recueils-Mémoire

 BADO (Laurent), Contrôle juridictionnel de l’administration dans les Etats du


Conseil de l’Entente, Thèse droit, Bordeaux, 1981 ;
 KI Zachaël, Recueil de jurisprudence administrative, Ouagadougou,
septembre 1997 ;
 YONABA (Salif), Les grandes décisions de la jurisprudence administrative
burkinabè ;
 YONLI (D. Thomas), Le contrôle de l’Etat sur les collectivités territoriales,
mémoire de DEA, Université de Ouagadougou, octobre 2007.

III. Jurisprudence

 Les Grands arrêts de la Jurisprudence administrative.


 LACHAUME Jean-François, Les grandes décisions de la Jurisprudence-Droit
administratif, Presse universitaire de France.

IV. Revues et périodiques

 Revue burkinabè de droit ;


 Revue française de droit.

V. Législation burkinabè

 Constitution du 02 juin 1991 ;

 loi n°055-2004/AN du 21 déc.2004 portant Code général des Collectivités


territoriales au Burkina Faso, ensemble ses modificatifs ;

 loi n°002-2017/AN du 13 janvier 2017 portant création d’une fonction publique


territoriale ;

 loi n°003-2017/AN du 13 janvier 2017 portant statut de la fonction publique


territoriale ;

 loi n°004-2017/AN du 13 janvier 2017 portant modalités de transfert des


ressources humaines entre l’Etat et les collectivités territoriales ;

 décret n°2007--032 /PRES/PM/MATD du 22 janvier 2007 portant organisation,


composition et fonctionnement des conseils villageois de développement ;

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 décret no2012--800 /PRES/PM/MATDS/MEF/MJ du 08 octobre 2012 portant
contrat type régissant les rapports entre l’Etat et les collectivités territoriales ;

 décret 2012--803 /PRES/PM/MATDS/MEF du 08 octobre 2012 portant adoption


de modèle-type de convention entre le représentant de l’Etat et le président
du conseil de collectivité territoriale ;

 décret no2016--878 /PRES/PM/MATDSI/MINEFID du 14 septembre 2016 portant


organisation administrative du territoire et attributions des chefs de
circonscription administrative au Burkina Faso.

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