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Les empires
Londres en 1851), mais aussi de la révolution des transports, de la circulation des
personnes (immigrations massives vers les USA après 1845, migrations asiatiques des
coolies, du fait du système de l’engagement, etc.), des marchandises (poussée du libre-
échange avec la date charnière de 1860, et le traité franco-britannique), et, au-delà, de
face aux Sécession) alors qu’en cette même année le revival catholique investit la grotte de
Lourdes pour forger une nouvelle connexion entre la Terre et le Ciel, en quelque sorte.
« Printemps
des
peuples »
(1848-1861)
• Le terme de 1861 est, là encore, symbolique : la date correspond en
particulier à l’abolition du servage en Russie, conséquence indirecte de la
guerre de Crimée et indice de la disparition progressive des anciens
régimes agraires et féodaux dans le vieux monde chrétien. 1861, c’est
aussi la proclamation d’un royaume d’Italie qui reste encore à conquérir
par lui-même, sous l’initiative du Piémont. Alors que les États-Unis
s’engagent pour quatre ans dans la guerre civile, le Mexique est l’objet en
1861 d’une désastreuse expédition franco-britannique et espagnole
(cf. cours 9). La mise en place de la colonisation administrative de l’Inde,
suite à la révolte des Cipayes depuis en 1857-1858, le sac de Pékin en 1860
par les troupes franco-britanniques et l’annexion de la Cochinchine par la
France de Napoléon III en 1862 jettent au-delà les bases de l’impérialisme
colonial en Asie. D’où les deux focus de ce cours
• Aux mauvaises récoltes de 1845-1846 (dont le point culminant est la grande famine en Irlande) succède une crise financière en 1847, conséquence de l’investissement trop rapide
dans les chemins de fer au Royaume-Uni comme en France. Cette crise mixte, entre crise frumentaire classique d’Ancien régime et crise proto-capitaliste du monde industriel
indique à quel point la modernité économique est le produit d’une longue gestation.
• La conséquence la plus immédiate de cette crise se situe en France, par l’apparition massive du chômage (780 000 personnes sans travail en 1848, dont 100 000 à Paris !),
phénomène alors inédit et qui va peser fortement sur la politique de la Seconde République en France. Ailleurs la crise agricole favorise en revanche l’abolition des restes
du système féodal et du servage, en Autriche en particulier.
• Si la révolution de février de 1848 à Paris joue le rôle de signal déclencheur de la vague révolutionnaire, en réalité le mouvement est antérieur et se déploie d’abord sur les marges
de l’ordre territorial de l’Europe de Vienne.
• L'agitation révolutionnaire recommence en effet aux marges des empires à Cracovie : en référence à l’insurrection manquée contre les Russes en 1830-1831, cette ville-
libre se proclame République en janvier 1846 et espère soulever à nouveau l’ensemble des territoires polonais, mais dès le mois de novembre 1846 la ville est soumise et
annexée à l’Empire d’Autriche. En mars 1848, cette aspiration rebondira dans la partie de la Pologne sous domination prussienne, à la faveur du mouvement
révolutionnaire à Berlin.
• Autre marge de l’ordre du congrès de Vienne, la Suisse est déchirée en novembre 1847 par la guerre civile du Sonderbund, issue de la sécession des sept cantons
catholiques : ici c’est le caractère multiconfessionnel de la confédération qui est en cause et aboutit à la création en septembre 1848 d’un État confédéral stable et
durable.
• Enfin, c’est sur les marges méridionales de l’Europe, en Sicile, le 12 janvier 1848, qu’une insurrection à Palerme (immortalisée par le roman de Lampedusa Le Guépard,
portée à l’écran par Visconti) déclare l’île indépendante du royaume de Naples alors qu’une insurrection à Naples le 27 janvier oblige le roi Ferdinand II à promettre une
Constitution promulguée le 11 février : le même jour le grand-duc de Toscane fait la même promesse. Cette option d’états indépendants au sud contrevient à la question
de l’unité italienne, propagée depuis le Norrd et qui va être l’un des verrous du mouvement révolutionnaire européen, en réveillant pour la dernière fois les solidarités
issus de la Sainte-Alliance.
A) Une aspiration sans précédents à l’échelle de
l’Europe
• 2. De Paris à Francfort, via Vienne, radiographie d’une
onde révolutionnaire
• Après les états italiens en janvier-février, sont touchés
l'empire d'Autriche et les États allemands à la mi-mars, et
même brièvement l'Espagne. Les aspirations nationales
sécessionnistes (Hongrie, Bohème, Roumanie notamment) ou
unitaires (Allemagne et Italie) se mêlent aux revendications
libérales. La capitale française accueille intellectuels et
ouvriers venus de toute l'Europe (voir carte). Depuis plusieurs
années et pour longtemps, de nombreux révolutionnaires,
comme Karl Marx (entre 1843 et 1845), y transitent pour fuir
la répression et développent une intense activité politique.
Trois jours avant l’éclosion de la révolution à Paris, le 21 février
1848, Marx et son ami Engels, publient à Londres le Manifeste
du Parti communiste : ce texte anticipe le malentendu de
1848, qui est à la fois une année d’espoir et de défaite pour la
démocratie et les luttes sociales qui vont prendre l’aspect d’un
mouvement international après 1860.
• L’année 1848 peut se lire comme
l’aboutissement de la lutte entre le traditionalisme
et le libéralisme, initiée depuis 1815, au profit de
l’idée nationale. En réalité, le modèle national va
permettre le dépassement d’une fracture politique
durable, par la fusion partielle des valeurs libérales
et traditionnelles, au dépend de l’aspiration
démocratique et socialiste ; on peut aller jusqu’à
dire que les aspirations nationales vont faire
échouer les réformes politiques :
• 1/ Ceux qui prennent le pouvoir en 1848 sont la
fraction la plus avancée des libéraux – les radicaux,
ou démocrates, qui s’opposent tout autant aux
traditionalistes qu’aux conservateurs et réclament
non seulement des mesures libérales, mais aussi
démocratiques (suffrage universel).
• 2/ Mais cet idéal démocratique est ambigu car
en partie recouvert par l’argumentaire religieux :
partout l’évangélisme fait de l’égalité et de la
démocratie les valeurs des premiers chrétiens.
• 2/ Les classes sociales en action sont la frange
de la bourgeoisie, de l’artisanat et du monde
ouvrier qui veut participer à la vie politique, hors
des différents systèmes censitaires ou autoritaires.
• 3/ Les formes d’action utilisées sont les
mêmes : vote, réunions, pétitions, images et
presse
a) La monarchie impériale des Habsbourg au
bord de l’implosion ?
• A Vienne, Metternich est contraint de quitter le pouvoir, dès la manifestation du 13 mars unissant étudiants et bourgeois. Le 15
mars, l’empereur Ferdinand Ier, qui règne depuis 1835, instaure la liberté de la presse et créé une garde nationale sur le modèle
français. Ce n’est pas suffisant et l’empereur octroie une Constitution le 25 avril, sans consultation du peuple. Les émeutes
continuent donc en mai : la Cour quitte Vienne le 15 mai et laisse le gouvernement convoquer un Parlement constituant au
suffrage universel qui se réunit à partir de juillet à Vienne.
• Le 17 mars, les Hongrois profitent de la chute de Metternich pour exiger un gouvernement séparé de l’Autriche. Une Hongrie
indépendante voit le jour, avec une nouvelle capitale à Pest, un gouvernement dirigé par un aristocrate (le comte Batthyány) et
où siège le grand leader national Kossuth. En revanche la diète élue au suffrage censitaire instaurée n’est ouverte qu’aux
locuteurs magyars alors que 54 % du territoire de la Hongrie inclut des nationalités non hongroises – Roumains, Croates et
Serbes notamment. Ces derniers réclament à leur tour une forme d’autonomie. En parallèle, le 8 avril la Bohème se dote d’une
charte, sans réclamer l’indépendance. Le 2 juin, un congrès panslave réuni à Prague dénonce à la fois les prétentions
hégémoniques hongroises et germaniques.
• La Cour de Vienne joue de l’antagonisme entre aspirations nationales et encourage les Croates de Jellasics à prendre les armes
contre les Hongrois en octobre 1848. En accord avec les démocrates de Vienne, le gouvernement hongrois déclenche une
nouvelle émeute le 6 octobre et la Cour Habsbourg doit à nouveau s’échapper vers Olmutz (en Bohème orientale, aujourd’hui
en Pologne)
b) La Prusse contre la
Confédération germanique ?
• Dès le 5 mars 1848, à Heidelberg, une assemblée de libéraux exige l’élection d’une assemblée
nationale allemande à part entière. Elle se réunit le 31 mars à Francfort, lieu traditionnel de la Diète
(sans pouvoirs) de la Confédération germanique. La majorité des députés vient du sud de la
Confédération, l’Autriche est absente et la Prusse n’est pratiquement représentée, hormis sa partie
rhénane. Malgré cette faible représentation, le Parlement de Francfort se réunit le 18 mai, en vue
d’élaborer une Constitution libérale, mais sans représentants de la Bohème, avec toutefois des
députés finalement venus de Prusse et d’Autriche.
• En parallèle, Berlin, à la suite de Vienne s’est soulevée le 18 mars et comme l’empereur
d’Autriche, le roi Frédéric-Guillaume IV n’a pu faire que promettre une assemblée constituante au
suffrage universel, qui se réunit le 22 mai. La multiplication des assemblées, la juxtaposition des
aspirations libérales et des antagonismes nationaux entravent les débats autour d’un double
problème : l’état « allemand » sera-t-il unitaire ou fédéral, et par ailleurs, sera-t-il une république ou
une monarchie ?
• Le courant des libéraux monarchistes et fédéralistes l’emporte et nomme le 29 juin 1848 un
membre de la famille des Habsbourg, l’archiduc Jean, « vicaire » de ce « Reich » provisoire qu’est en
train de devenir la Confédération. Un premier gouvernement unifié voit le jour, dirigé par Karl von
Leiningen, prince bavarois. Sans police, ni armée, cet État ne repose que sur la déstabilisation des
monarchies de Prusse et d’Autriche. Hors dès l’automne la vague révolutionnaire reflux.
B) Quand les empires instrumentalisent les
nations : la logique du reflux
• Dans l’ensemble, les révolutions tournent court et la reprise en mains est généralisée et rapide dès l’automne 1848 ; un an plus tard, on
peut considérer que le conservatisme triomphe, malgré les concessions accordées à l’idée nationale, à travers les progrès de l’unité
italienne, verrou pour le reste du mouvement en Europe : la remise en ordre de l’Italie va offrir un prétexte rêvé à l’Autriche pour justifier
d’une réaction autoritaire après l’été 1848.
• 1) Le verrou italien et le piège romain
• Dès le 4 mars, le roi de Piémont-Sardaigne, Charles-Albert, accorde un statut constitutionnel, qui sera la base en 1860 de la Constitution
du royaume d’Italie unitaire. Le 14 mars le pape Pie IX promulgue lui aussi une Constitution, en réalité préparée depuis son accession au
trône pontifical en juillet 1846 et forme un conseil législatif, avec élection censitaire. La chute de Metternich provoque le soulèvement du
royaume lombard sous tutelle autrichienne : Venise se proclame le 17 mars « République de Saint-Marc », en souvenir de la forme
républicaine de la Sérénissime avant 1797 et Bonaparte. En juillet, face au blocus des armées autrichiennes, la République de Venise
accepte son rattachement au Piémont.
• En parallèle, Milan s’est soulevée entre le 18 et le 22 mars et les troupes autrichiennes, commandées par le vieux maréchal Radetzky, ont
dû se retrancher dans des forteresses loin de la ville. Le roi de Piémont, convaincu par Cavour, déclare la guerre à l’Autriche le 23 mars et
reçoit l’aide de 25 000 volontaires à travers toute l’Italie. Le pape refuse de participer à cette guerre, ce qui divise durablement le
mouvement d’unification et ceci encourage le roi Ferdinand II des Deux-Siciles à reprendre l’initiative, en bombardant Naples dès le 15
mai, avant de soumettre la Sicile à partir de septembre 1848 et jusqu’en avril 1849. Le 30 mai Charles-Albert libère Milan, mais les forces
de Radeztky sont intactes autour. Quoique octogénaire, ce dernier écrase les piémontais le 25 juillet à Custoza et impose un armistice.
Après l’assassinat du ministre du pape Pellegrino Rossi en novembre 1848,
celui se réfugie à Naples fin novembre et laisse s’installer à Rome une
République romaine, proclamée le 9 février 1849 et dirigée par un triumvirat
dont Mazzini est le leader (cf. cours précédent). Depuis 1798, c’est la
première fois que la Ville se rebelle réellement contre la monarchie
spirituelle d’un pape qui avait séduit depuis son arrivée, par un certain
libéralisme (voir cours précédent). En réalité, avec le règne de Pie IX, l’Église
romaine reprendra un leadership international sur le plan du dogme, de la
proclamation de l’Immaculée conception en 1854 (dont les miracles de
Lourdes sont la vitrine) à celle de l’infaillibilité pontificale et 1870, en
passant par le Syllabus et la bulle Quanta cura de 1864 qui condamne le
modernisme et la démocratie.
L’échec simultané de la monarchie piémontaise à défendre l’autonomie de la
Lombardie-Vénétie et l’opposition pontificale encouragent les Républicains
italiens à demander l’aide de la France : c’est alors que se forge le verrou et
le piège romain car la question de l’intervention devient un enjeu majeur de
l’élection présidentielle au suffrage universel en France (voir ci-dessous II, B,
1). Le refus de la France d’agir au cours de l’automne va permettre aux
Autrichiens de reprendre le dessus et en mars 1849, les troupes
piémontaises sont définitivement battues à Novare : Charles-Albert abdique
en faveur de son fils Victor-Emmanuel II et le royaume échappe de peu à un
démembrement par l’Autriche, du fait de l’intervention britannique,
toujours sensible à maintenir l’équilibre en Europe. Le nouveau roi va
cependant maintenir le principe d’une monarchie constitutionnelle, refuge
de tous les patriotes italiens. Après la Lombardie, l’Autriche rétablit son
autorité dans les duchés de Parme, de Modène et de Toscane, en attendant
Venise en août 1849.
Entre-temps, disputant la défense du pape aux Autrichiens, en jouant un
double jeu, la France républicaine aura pris la ville de Rome le 30 juin 1849,
contre … les républicains, en vue de garantir le retour du pontife, qui se fera
attendre en avril 1850, car il ne veut pas se voir imposé les réformes que la
France lui réclame
B) Quand les empires instrumentalisent les
nations : la logique du reflux
• En Autriche, le sursaut vient d’une armée qui profite du désordre global pour prendre les rênes, avec comme principales figures Windischgrätz et Radetsky. La
répression de l’aspiration à l’unité italienne permet à l’Autriche un sursaut contre le mouvement libéral qui traversait toutes les provinces de son empire depuis
mars : en apparence, l’Autriche est la seule à avoir réussi à faire jouer l’un contre l’autre mouvement des nationalités et aspirations aux libéralisme politique.
• Dès le 27 juin 1848, le commandant autrichien des troupes de Bohème, Windischgrätz, reconquiert Prague et met fin à la Diète slave. Après avoir protégé la Cour à
Olmütz, il marche sur Vienne qu’il reconquiert le 1er novembre 1848. Devenu chancelier fin novembre, le beau-frère du maréchal victorieux, le prince Felix zu
Schwartzenberg a l’idée de miser sur l’abdication de l’empereur Ferdinand Ier et de son fils, le 2 décembre 1848 pour imposer un rajeunissement du régime en
convoquant la figure d’un neveu, François-Joseph, à peine âgé de 18 ans, mais bien plus réactionnaire que son oncle : le 7 mars 1849 le Parlement de Vienne est
dissous et le jeune empereur impose une Constitution autoritaire, qui intègre l’ensemble des États et sonne donc le glas de la Hongrie et de l’Italie indépendante,
tout en niant l’option d’une « grande Allemagne » défendue à Francfort. L’empereur attend le mois de mai 1849 pour revenir Vienne alors que les Autrichiens font
sonner une dernière fois la corde de la Sainte-Alliance en demandant, en plus des Croates, son aide à la Russie pour écraser les Hongrois, effectivement défaits à
Vilagos en août 1849. L’état de siège est maintenu en Hongrie jusqu’en 1854.
• Dans les États allemands, le reflux commence dans le royaume de Prusse : Frédéric-Guillaume IV accorde une Constitution en décembre 1848 (sur le modèle de la
charte de 1814 en France), promulguant notamment la liberté de culte (ce qui facilitera l’unité allemande par la suite) mais dissout l’assemblée constituante de mai.
A Francfort, le parlement unitaire rencontre de vives difficultés et s’enlise dans les débats sur l’extension de la Confédération et la nature de son régime : c’est la
question de l’unité allemande qui va entraver l’aspiration libérale à l’échelle de la confédération.
C) Des nations aux nationalités : consolidation
d’une logique identitaire
• Après 1848, le combat pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et la liberté s’incarnent dans certaines figures de 1848 comme
l’avocat vénitien Daniele Manin ou le Hongrois Lajos Kossuth, tous deux contraints à l’exil. L’exil apparaît alors comme un thème politique
majeur, la douleur de l’éloignement de la patrie devenant la pire douleur possible dans le cadre du combat pour la liberté des nations. Le
mouvement de 1848 est bien le premier signe du « mouvement des nationalités », qui prend, en gros, deux formes différentes :
• 1) La revendication d’autonomies à l’intérieur des empires
• C’est le cas bien entendu de la partie prussienne de la Pologne qui se soulève en vain en mars-avril 1848, en souvenir de l’insurrection de
1830 contre les Russes et de celle de Cracovie contre l’Autriche : dès le 9 mai la capitulation du comité national polonais est acquise. Les
Polonais sont le symbole du mouvement des nationalités car leur nation est écartelée par la Sainte-Alliance de 1815.
• C’est le cas des Tchèques, des Hongrois, des Croates, des Serbes dans l’empire d’Autriche. Roumains et Bulgares sont plutôt localisés dans
l’Empire ottoman, mais Apparition dans ce cadre d’un mouvement neuf, le panslavisme : mouvement d’abord fondé sur l’appartenance
des différentes langues (russe, polonais, tchèque, serbe, croate) à une même famille – et qui a une couleur démocratique : en nombre, les
Slaves l’emportent dans l’Empire autrichien sur les Allemands, les Hongrois, les Italiens et les Roumains. Bien que les Habsbourg aient
réussis à rétablir leur autorité en 1849, ils vont désormais tenter le modèle original d’un empire multinational qui ne va pas résister aux
guerres successives d’indépendances.
C) Des nations aux nationalités : consolidation
d’une logique identitaire
• 2) La revendication de l’unité nationale en dehors ou
contre les empires
• L’unité italienne ne s’est pas « faite d’elle-même »
malgré le mot de Charles-Albert en 1848. Cavour devenu
premier ministre de son fils en 1852 entame une
politique de modernisation de l’État piémontais, afin de
préfigurer ce que pourrait être un modèle d’unité de la
péninsule : il s’ouvre au libre-échange avec la France et le
Royaume-Uni, fait preuve d’un certain anticléricalisme,
en fermant les couvents non dédiés à l’enseignement et
surtout accueille une partie des exilés de 1848, dont
certains se rallie à l’idée d’une unité sous tutelle du
Piémont-Sardaigne. En s’engageant aux côtés de la
France et du Royaume-Uni durant la guerre de Crimée,
Cavour donne des gages d’alliance et surtout permet de
faire de la « situation irrégulière et malheureuse de
l’Italie » une question internationale au Congrès de Paris
en 1856.
Le nouveau Parlement de Francfort débattait quant à
lui de la possibilité de créer un État allemand unique. La
principale division s’opérait entre « grands Allemands »
(catholiques, souhaitant une unité avec l’Autriche,
Bohême comprise – 60% de Tchèques, 40%
d’Allemands) et « petits Allemands » (plutôt
protestants) pour une Allemagne à dominante
protestante sous l’égide de la Prusse. En 1849, les
seconds l’emportent et offrent la couronne de l’empire
allemand à Frédéric-Guillaume IV, qui la refuse, parce
que la dignité impériale ne peut selon lui émaner d’une
assemblée élue (ce serait une monarchie sous contrat,
et accepter « un diadème imaginaire, fabriqué de
crasse et de glaise ») et parce qu’il ne veut pas fâcher
l’Autriche, rempart de l’ordre en Europe centrale. Ceci
conduit à l’échec final du parlement de Francfort, qui
disparaît après juin 1849. Mais l’idée d’unité politique
des peuples allemands avait été pour la première fois
publiquement discutée à un niveau international. Conclusion de la partie I:
Hormis la Hongrie et les républiques italiennes, les deux grands perdants de la
Frédéric-Guillaume IV tente malgré tout une union par séquence 1848-1849 semblent donc être le Piémont et la Prusse, alors que
les princes allemands, en lançant en mai 1849 « l’union l’Autriche parait grande victorieuse du « printemps des peuples ». Pour rassurer
des trois rois » (Prusse, Saxe, Hanovre) et prépare un autant les puissances européennes que les catholiques de l’intérieur, la France a
nouveau projet de Constitution fédérale. L’Autriche décidé de se mettre en retrait du mouvement de 1848, voire de se ranger du côté
interdit à la Prusse d’intervenir lors d’une nouvelle des forces conservatrices, en prenant le risque assumé par le prince-président
révolution en Hesse-Cassel et entend rétablir seul Bonaparte d’une expédition romaine très ambiguë, mais pour finir
l’ordre, ce que le roi de Prusse accepte en novembre antirépublicaine.
1850 (« reculade d’Olmutz).
II. Défaite et impasses de la République en France
• Si la « seconde révolution »
française avait donné le
signal du « printemps des
peuples », elle fut cependant
la première à s’administrer
elle-même l’antidote
conservateur… et à réprimer
l’aspiration nationale à ses
frontières
A) L’illusion lyrique d’une République
démocratique et consensuelle (1848)
• 1) Février-mai 1848 : les illusions de la communion républicaine
• Le gouvernement provisoire issu des journées de février proclame la République le 24 février et instaure dès le 2 mars le suffrage universel masculin,
avec l’élection d’une assemblée constituante pour avril – la date de la convocation sans précédent (le corps électoral de 250 000 à 9 millions de
votants !) fait débat. Les républicains et les socialistes se méfient de toute précipitation qui risquerait de favoriser les conservateurs et parviennent à
repousser les élections du 9 au 23 avril. La suite des évènements va leur donner raison.
• En attendant, le 25 février, dans un célèbre discours, Lamartine assure la continuité du drapeau tricolore, contre le drapeau rouge ; le monde ouvrier
obtient le lendemain la création d’ateliers nationaux pour résorber le chômage : l’illusion lyrique d’une communion nationale et républicaine bat son
plein et les prêtres bénissent les arbres de la liberté plantés dans toutes les communes et la République française déclare la paix universelle, pour ne
pas risquer une coalition européenne contre elle. Quelques jours plus tard, les révolutions en Europe auraient pu l’obliger à se positionner, mais
Lamartine, ministre des Affaires étrangères, préconise la prudence le 4 mars et garantit la non-intervention France en Europe.
• Une série de mesures donnent corps cependant à l’union républicaine : le droit au travail et la journée limitée à 10h à Paris et à 12h en province le 25
février, l’abolition de la peine de mort politique le 26 février, afin de conjurer l la Terreur ; dès le 4 mars une commission met en œuvre l’abolition de
l’esclavage, le 27 avril.
• Très vite les points de tension apparaissent : une manifestation à Paris réclame dès le 28 février un ministère du travail : une « commission
gouvernementale » est confiée à Louis Blanc, qui, avec l’ouvrier Albert, fait partie du gouvernement provisoire. Elle a tout d’un alibi alors que la crise
financière consécutive à la fuite et au retrait des capitaux des banques provoque une série de faillites et fragilise le gouvernement. Les impôts
augmentent de 45 % pour renflouer des caisses de l’État : la peur et les mécontentements prennent donc vite le relai.
2) Le désastre de juin 1848 et les
impasses de la Constitution
républicaine
• L’assemblée élue à Paris le 23 avril voit l’émergence de nouvelles coalitions politiques
qui ne sont pas des partis, mais des « comités »
• Ce sont les modérés qui l’emporte avec 600 élus sur 880 ; les royalistes avec 200
députés, dont 130 légitimistes font bien la preuve de la conversion des monarchistes à
l’exercice parlementaire. La République sociale peine en revanche à avoisiner les 100
députés et se trouve donc la grande perdante des élections.
• Le 13 mai 1849, les élections législatives confirment la victoire d’un parti qui n’est pas celui du président, celui de l’Ordre ou de la « rue de Poitiers » – 500 députés conservateurs
sur 713 (dont 200 légitimistes et une poignée de candidats bonapartistes). Les « montagnards » derrière Ledru-Rollin constituent une minorité importante, avec 180 députés. Les
républicains modérés ne sont plus que 80.
• L’expédition romaine, promise par le prince-président occupe Rome depuis fin avril et met le feu aux poudres. Ledru-Rollin organise une manifestation d’opposition le 13 juin 1849,
sévèrement réprimée par Changarnier : 34 députés sont traînés en justice, Ledru-Rollin s’exile et un train de lois répressives et régressives, tant sur la liberté d’association que sur la
presse, sans parler de la possibilité de déclarer l’état de siège, est édicté. Le président en profite pour faire avancer ses hommes au gouvernement – Rouher, Hautpoul, Fould : il
entend gouverner lui-même.
• Il fait passer la loi Falloux le 15 mars 1850 sur l’enseignement primaire et secondaire libre : chaque bachelier peut ouvrir une école, mais les ecclésiastiques sont dispensés de cette
contrainte et les établissements peuvent obtenir des subventions de l’Etat. Frères des écoles chrétiennes et jésuites s’emparent de cette arme formidable sur les consciences et les
familles. Ses conséquences se feront sentir jusqu’au milieu du vingtième siècle, avec la confrontation des « deux écoles » privée et publique, qui permet en réalité de maintenir une
forte discrimination sociale à l’entrée dans l’enseignement public au niveau du lycée.
• Le danger électoral des « montagnards » est conjuré par le vote d’une nouvelle loi électorale, le 31 mai 1850 qui exclut du droit de vote les condamnés politiques et surtout tous les
citoyens qui ne peuvent justifier trois années de domicile dans le même canton : le corps électoral passe de 9 à 6 millions ! Cette loi favorise les campagnes et exclut les nouveaux
urbains issus de l’exode rural. En novembre 1849, les grèves sont interdites mais les catholiques ne sont pas dénués de préoccupations sociales : ils lancent les premières lois sur les
logements insalubres, le secours mutuel et les premières caisses de retraite.
• La République a fait la preuve en moins de deux ans de sa capacité à être une force de réaction et de maintien de l’ordre social : cette défaite des idéaux républicains, aura
cependant une conséquence décisive après 1870, en conjurant l’idée que la République républicain se confond avec la culture politique révolutionnaire.
• 2. Un conflit inéluctable entre l’exécutif et le législatif
• Malgré la restriction du corps électoral, les républicains « véritables » misent
sur l’élection présidentielle de 1852. Par ailleurs, la mort de Louis-Philippe en
exil en 1850 aurait pu assurer une réconciliation des légitimistes et orléanistes
mais « l’enfant du miracle », Henri comte de Chambord refuse tout pouvoir
qui viendrait d’une assemblée. Par conséquent, face à la menace d’une
flambée révolutionnaire en 1852, le « prince-président » se présente comme
le recours inéluctable pour les monarchistes.
• En parallèle, le président exploite la faille constitutionnelle qui conduit à
mettre l’Assemblée en conflit de structure avec la présidence : il désavoue le
jeu parlementaire en déclarant qu’il ne peut mener une politique sociale, tout
en condamnant les dépenses de l’Assemblée qui souhaiterait mener de grands
travaux d’aménagement du territoire (les chemins de fer sont encore
balbutiants, à peine 3000 km de voies) pour satisfaire les clientèles locales des
députés… Mais surtout Bonaparte fait de l’armée sa plus fidèle alliée,
instrumentalisant les derniers souvenirs de l’Empire. Nouveau héros d’une
société militaire en mal de gloire, et qui n’a eu d’autres fonctions que de
réprimer le peuple lui-même.
En juillet 1851, le président tente un bras de fer avec
l’assemblée en vue d’une révision constitutionnelle pour rendre
possible sa réélection. Mais il fallait pour ce faire une majorité Résistances à Louis-Napoléon Bonaparte
au ¾ : 446 députés favorables, sur 724 ne suffisent donc pas. A (1849-1851)
partir de septembre, tout est en place au niveau de l’opinion et
le président joue à nouveau la carte du populisme, en
dénonçant la loi du 31 mai 1850 : son abolition est rejetée le
17 novembre à 7 voix près. Le président a toute la légitimité
pour un coup d’Etat à ciel ouvert : il apparait comme le
défenseur du peuple et choisit bien entendu la date du 2
décembre, lieu de mémoire bonapartiste par excellence, pour
agir.
Il dissout l’assemblée, convoque un plébiscite et fait arrêter les
opposants, républicains ou royalistes, comme Cavaignac, Thiers
ou Changarnier. Le lendemain Paris se couvre de barricades :
l’armée tire sur la foule et fait 300 morts, dont le fameux
député-martyr Baudin. Ceci éteint une résistance parfois forte
dans les provinces – en Provence comme dans le Morvan
notamment (200 morts à Clamecy). Ce désordre offre un
prétexte pour effectuer 27 000 arrestations, 10 000
déportations, notamment en Algérie et ordonner le
bannissement de 1500 personnes, dont Victor Hugo. La
séquence se clôt par un plébiscite approuvant à 7,4 millions le
changement de régime, même si la République garde son nom :
le président voit ses pouvoirs prolongés durant 10 ans et est il
est chargé de préparer une nouvelle Constitution.
C) Une société libérale dans un empire autoritaire
(1853-1863)
• 1. L’Empire des apparences : le populisme comme expédient institutionnel
• Tout tourne autour du président, à qui les fonctionnaires et les députés doivent prêter
serment : il concentre tous les pouvoirs et exclut toute solidarité ministérielle et toute
possibilité pour les députés de devenir ministre.
• Le conseil d’Etat retrouve une place éminente dans le processus législatif puisqu’il est
chargé de préparer les lois que le Corps législatif, élu pour six ans, vote, de même que
les impôts et le budget, mais sans aucun droit d’adresse ni d’interpellation. Le président
du Corps législatif est nommé par celui de la République et ses procès-verbaux publiés
sous censure.
• Des conflits brefs, mais hybrides, au sens où ils sont marqués par un usage extrême de la violence et une convocation symétrique des justifications religieuses. La
Guerre « en » Crimée indique combien la Palestine, pourtant province plutôt pauvre du monde ottoman, est entièrement investie par les chrétientés occidentales
et orientales d’une charge symbolique et historique : en fabriquant la mémoire d’une « Terre sainte » biblique, les missionnaires anglicans, catholiques et
orthodoxes contribuent à faire de ce territoire un enjeu d’influences concurrentes au cœur de l’empire ottoman. Ce dernier se trouve après la Guerre placé sous
tutelle économique et diplomatique de la France, et dans une moindre mesure de la Grande-Bretagne. Une nouvelle forme d’impérialisme voit donc le jour, par
domination indirecte de l’Europe sur le vieux monde islamique alors que la Guerre marque l’arrêt d’une expansion territoriale russe vers la Méditerranée.
Désormais celle-ci, et nous le verrons la fois dans le cours 9, cherchera définitivement à jouer la carte du protectorat des « slaves du sud », ce qui constitue à plus
d’un titre une des origines de la Première Guerre mondiale.
• La révolte des Cipayes (du nom perse sipahi, soldat, qui est le même que les spahis en Afrique du Nord), prend appui également sur des motifs en partie religieux,
tout en exprimant un malaise social et économique. Cette mutinerie se transforme en révolte politique et conduit à l’effondrement de l’Empire Moghol mais plus
encore provoque la chute de la Compagnie orientale des Indes britanniques, qui à titre privée depuis le XVIIIe siècle avait mené la conquête économique des
marchés des différents potentats et sultanats du sous-continent.
• L’incapacité de la Compagnie à maintenir l’ordre marque l’entrée forcée de l’impérialisme économique dans le colonialisme d’Etat : car à l’issue de la révolte, l’Inde
devient un département du ministère britannique. La révolte des Cipayes marque donc la fin de l’ancien système colonial « mercantiliste » et indique le début d’une
administration territoriale par les Etats-nations pour garantir leurs domination économique sur des territoire jusqu’alors « exploités » par des sociétés privées.
A) La guerre dite « de Crimée » : un conflit bref, aux conséquences
décisives
• La compagnie de commerce créée en 1600 s'impose comme une véritable puissance territoriale qui affermit son emprise sur les territoires conquis. Après le
premier comptoir anglais à Surate, en 1608, c’est Madras, qui est la première place de souveraineté anglaise en Inde. Mais c’est à l’issue de la guerre de 7 ans, en
1764-1765, avec la victoire de Buxar sur une coalition d'États indiens que la Compagnie obtient de l'empereur moghol Shah Alam le diwani (droit de prélever
l'impôt foncier) au Bengale. C'est ce « premier siècle colonial » qui prend fin en 1857.En 1818, la défaite des princes marathes face Wellesley confirme la
suprématie britannique sur l'ensemble du sous-continent. La Compagnie administre directement les deux tiers du territoire et s'appuie, pour le tiers restant, sur des
princes indigènes. L'Inde sert de base pour d'autres conquêtes en Asie (1819 Singapour, 1824 Malacca, 1819-1896 les sultanats malais, 1826-1885 la Birmanie, 1842
Hongkong). Au milieu du XIXe siècle, la Compagnie domine un cinquième de la population mondiale.
• Les territoires de la Compagnie des Indes orientales étaient alors divisés en trois « présidences », dirigées depuis Madras, Bombay et Calcutta (capitale du Bengale).
La Compagnie gouvernait en s'appuyant sur la plus importante armée de mercenaires du sous-continent – et même du monde, à cette époque – instituée au tout
début du XIXe siècle et divisée entre les trois présidences. Les soldats étaient appelés « cipayes » (du persan sipahi). Payées grâce aux profits dégagés par le trafic de
l'opium avec la Chine et les taxes foncières en Inde, ces armées puissantes servaient à l'origine à protéger le commerce, en particulier contre la France et ses alliés
indiens. Mais elles devinrent une fin en soi, permettant à la Compagnie d'intimider n'importe quel potentat local et de s'emparer de tout territoire rentable qu'elle
convoitait. Ainsi en 1846-1849, c’est avec ces troupes de Cipayes que la Compagnie s’assure la maîtrise du Pendjab contre les sikhes.
• Leur réputation d'invincibilité fut brisée en 1842, lorsqu'une tentative d'invasion de l'Afghanistan s'acheva en désastre complet. En effet, contre la Perse qui
dominait traditionnellement les montagnes afghanes, un royaume plus ou moins indépendant et intermittent a vu le jour au XVIIIe siècle autour de Kaboul. En 1839,
face à l’influence croissante des Russes dans la zone (cf. plus haut), le Royaume-Uni décide d’envahir le territoire afghan : il s’ensuit ce que l’on nomme la première
guerre anglo-afghane qui se solde par une défaite sanglante pour les Britanniques en janvier 1842. Seuls survécurent un officier britannique et une poignée de
soldats indiens – sur les 24 000 à 28 000 qui avaient marché sur Kaboul. On a parfois dit que ces rares rescapés avaient contribué à semer au sein de l'armée du
Bengale les germes de la dissension qui éclata en 1857.
L'Inde britannique
au XIXe siècle
2. La révolte de 1857 : entre alibi religieux et guerre
d’Indépendance ?
a) Un alibi religieux ?
En 1857, les cipayes de la garnison de Meerut se révoltent, entraînant dans leur sillage de
nombreux insurgés dans le nord et le centre de l'Inde.
A l'époque, l'explication privilégiée par les Britanniques fut que la révolte était avant tout un
complot des élites musulmanes, alimenté par des rumeurs superstitieuses au sein de la
population. L'une d'elles concernait les cartouches du nouveau fusil Lee Enfield que la
Compagnie devait distribuer. Le bruit courut qu'elles étaient lubrifiées avec du suif de porc ou
de bœuf, pour rendre « impurs » les soldats indiens et ainsi les convertir au christianisme.
L'idée selon laquelle la révolte s'expliquait par la superstition visait à exonérer les Britaniques
de toute responsabilité directe. Mais les cipayes de l'armée du Bengale avaient des motifs de
mécontentement bien concrets. Après sa défaite dans la guerre anglo-afghane, cette énorme
armée de 100 000 hommes était désœuvrée, privée de tout moyen d'améliorer la solde par
le pillage. La Compagnie décida de les déployer outre-mer, pour soutenir ses autres
ambitions en Asie, et notamment en Chine alors que la « politique de la canonnière » se
développe après le traité de Nankin en 1842. Les enrôlés et les dernières recrues y furent
contraints par les nouveaux contrats.
Les cipayes de l'armée du Bengale étaient majoritairement recrutés dans la province du
Bihar, contrôlée par les Britanniques, et dans le royaume voisin d'Awadh, alors l'un des rares
vestiges indépendants de l’empire moghol, dont le dernier empereur Bahadur Shah Zafar
était stipendié par les Britanniques et dont le pouvoir se limitait aux environs de Delhi. En
1855, la Compagnie confisqua les riches territoires de ce royaume loyal à la Grande-Bretagne.
La déposition de son vizir et la confiscation de ses terres alarmèrent l'aristocratie musulmane
de l'Inde du Nord. La dispersion des 30 000 soldats de ce royaume alimenta la révolte
militaire en 1857.
b) Une première guerre d'indépendance ?
Il y avait bien d'autres motifs de mécontentement : l'action des missionnaires chrétiens, le
monopole des ressources les plus précieuses accordé à la Compagnie et les nouvelles taxes
foncières destinées à financer ses opérations, ainsi que la diminution des espèces importés
pour payer les exportations de la Compagnie. Quant à l’'idée d'une nation commune
indienne, elle n'a pas émergé avant l'extrême fin du XIXe siècle, même si la révolte des
Cipayes est considéré de longue date par les nationalistes indiens comme leur préhistoire.
C’est surtout l’Inde du Nord, qui prend conscience d’une forme d’unité commune face aux
Britanniques, en dépit de la pluralité religieuse des hindous et des musulmans. En effet, le
soulèvement fut peu soutenu dans le sud et l'ouest de l'Inde comme dans la population
civile. A Calcutta, la nouvelle du soulèvement provoqua une panique générale chez les
Européens. Cependant, la présence d'un nombre significatif de soldats britanniques, vite
renforcés par des troupes rappelées de la guerre avec la Chine, parvint à soutenir le
gouvernement.
3. Création d’une administration coloniale britannique et diaspora indienne