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La caractérisation de la rigi

d’éléments de meuble par


(seconde partie)
Luc CHEVALIER, Heba MAKHLOUF et Benoît JACQUET-FAUCILLON [1]

La première partie, dans le numéro 187 de septembre-octobre, Les résultats connus de RDM permettent de représenter
étudiait la rigidité d’un assemblage bois « parfait ». Nous allons cette rigidité sous la forme d’une matrice symétrique.
maintenant nous pencher sur l’influence des composants
La décomposition des efforts en 6 cas,
d’un assemblage réel. X, Y, Z et L, M, N, et l’évaluation des déformées
par une solution simplifiée RDM
Afin de caractériser complètement les effets d’un
i la première partie présentait la démarche de  m
  ots-clés   chargement sur la déformation du coin, nous avons mis
caractérisation de la rigidité d’un assemblage modélisation, en œuvre, dans la première partie, le calcul des six
« parfait », nous allons maintenant nous attacher à résistance cas de charge indépendants qui peuvent reconstituer
répondre au problème scientifique suivant : caractéri- des matériaux, n’importe quelle configuration de chargement du coin.
ser l’influence des composants d’assemblage (vis, écrou simulation Ainsi, le torseur le plus général des efforts appliqués
noyé, tourillons…) dans la rigidité de l’assemblage réel, au point B s’écrit :
avec prise en compte du serrage de la vis et du contact ⎩⎪
⎧F→ = Xx + Yy + Zz
⎪ → → →
unilatéral entre les montants. Cette caractérisation
{Fext } = ⎨⎪ M→B = Lx + My + Nz

⎪⎧
permettra de définir des éléments finis 0D (ponctuels) → → →

⎩ B
pour représenter une jonction entre deux poutres d’une
modélisation par éléments finis d’un meuble. Il donne des déplacements de la section en B dont
Dans un premier temps, il convient de « transpor- la forme la plus générale est :
ter » la matrice de rigidité (ou de souplesse) établie ⎧ Ψ = α x + βx + γ z ⎫
grâce aux relations de la RDM anisotrope au centre ⎪ ⎪
{U B } =⎨ ⎬
de l’assemblage défini comme l’intersection des deux ⎪⎩ uB = uB x + v B y + w B z ⎪⎭B
lignes moyennes du montant et de la traverse du lit.
Malgré l’absence de résultat démontré théoriquement, Les calculs de ces déplacements peuvent se synthétiser
nous verrons, dans un second temps, que, pour l’as- dans une unique matrice 6 × 6, la matrice de souplesse
semblage réel prenant en compte les vis et tourillons, du coin notée [SB] : voir équation a p. 34.
l’écrou noyé et le serrage des vis, nous pouvons suivre Elle permet de calculer toutes les composantes du
la démarche de la première partie et définir une matrice torseur des petits déplacements en B pour n’importe quel
de rigidité différente pour le coin réel par rapport au torseur d’effort exprimé en B. Elle est donc fortement
coin parfait. Enfin, nous expliquerons la démarche d’in- dépendante du choix fait pour la distance d (et pour h) ;
tégration de ce nouvel élément dans un code éléments pour s’en affranchir, nous proposons une démarche de
finis de poutre, et nous simulerons la déformation du soustraction que nous verrons plus loin.
lit haut soumis au chargement de validation normalisé.
Le transport des termes
Le rappel des résultats de la matrice de souplesse en O
sur la rigidité d’un coin parfait Dans une modélisation à base de poutres du lit haut,
Dans la première partie, nous avons caractérisé la le coin est représenté géométriquement par un point
rigidité d’un coin constitué d’un montant vertical et unique qui est le centre O de l’assemblage. Ce point
d’une traverse horizontale parfaitement assemblés 1 . correspond à l’intersection des lignes moyennes des deux
poutres. Pour représenter la rigidité (ou la souplesse)
[1] Respectivement : professeur à l’université Paris-Est Marne-
du coin réduit à un point, on propose de ramener en
la-Vallée, directeur de l’école d’ingénieurs ESIPE ; doctorante au
laboratoire MSME UMR 8208 CNRS à l’université Paris-Est Marne- O toute la déformation, « comme si » les deux poutres
la-Vallée ; professeur agrégé à l’université Paris-Est Marne-la-­Vallée, étaient parfaitement rigides et que les déplacements
dirige la formation d’ingénieurs en génie mécanique de l’ESIPE. relatifs étaient localisés en O 2 . Cette localisation peut
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i dité des assemblages
la simulation numérique

Ce qui donne ici :


uO = uB   vO = vB – dg   wO = wB + db
Avec bien sûr a, b et g inchangés.
Il faut bien comprendre qu’il s’agit non pas du
déplacement du point O dans la déformation réelle de
la structure, mais du déplacement du point O coïncident
dans le mouvement de la section rigide en B.
On peut représenter ces composantes comme en 2  :
si chacune des deux poutres est infiniment rigide, le
même torseur des petits déplacements en B peut être
obtenu en localisant les déplacements relatifs en O.
Les poutres AO et OB étant rigides, les déplacements
relatifs en O s’obtiennent en écrivant la différence entre
le torseur des petits déplacements de la section B et
celui de la section A, tous deux transportés au point
1   La modélisation RDM d’un assemblage « coin parfait » entre deux éléments O. Puisque la section A est encastrée, seul le torseur
du lit haut (bout de montant de hauteur h et bout de garde-corps de longueur d). Iy et de la section B est à considérer.
Iz sont les moments quadratiques des sections droites. Notons que le montant, nommé
Pour représenter la souplesse (ou la rigidité) du coin
poutre (1), est à section carrée et que le garde-corps, nommé poutre (2), ne l’est pas. J est le
moment polaire de torsion ; s’agissant de sections rectangulaires, on se référera aux tableaux dans cette nouvelle modélisation (2 poutres rigides
disponibles dans la littérature pour l’estimation de ces grandeurs. E et G sont respectivement et une liaison élastique en O), il est nécessaire de
les modules élastiques en traction et en cisaillement du matériau transporter aussi les actions mécaniques des six cas
de charge en O : voir équation b .
Pour représenter le comportement élastique linéaire
de la liaison en O, on peut relier ces six composantes
γ γ d’efforts aux six composantes du déplacement par une
relation matricielle qui peut s’écrire :

uO=uB X
v O = v B −d γ Y
SXX … SXN
w O = wB +d β Z
= LO = L
α SNX SNN
β MO = M − d Z
matrice de
γ souplesse de NO = N + d Y
la liaison : [SO ]

2   À gauche, la déformée réelle du coin ; à droite, la modélisation où toute la La matrice [SO] est la matrice de souplesse du coin
déformation est localisée en O. Entre les deux poutres parfaitement rigides, un système parfait. Elle est constituée de 36 termes, et, comme
élastique autorise tous les déplacements et toutes les rotations sous l’effet des charges la matrice [SB] présentée plus tôt, elle est symétrique.
appliquées sur la liaison
À partir des calculs de RDM déjà réalisés, on peut
se faire aisément en transportant au point O le torseur effectuer les transports des composantes du torseur
des petits déplacements de la section en B : des petits déplacements et procéder à l’identification
des termes Sij. Pour le cas X, on obtient :
uO = uB + OB ∧ Ψ
uO = uB = [(h3 / 3E1x I1z) + (h / G1xy S1)]X
m a r s 2 014 technologie 190 33
 h3 h h2d h2 
 + − 0 0 0 − 
 3E1x I1z G1xy S1 2E1x I1z 2E1x I1z 
 
 h2d hd 2 d3 d hd d2 
− + + 0 0 0 +
 2E1x I1z E1x I1z 3E2x I2z G2xy S2 E1x I1z 2E2x I2z 
 
 hd 2 h3 d3 h d h2  hd d2  
 0 0 + + + + − +  0 
 G1xz J1 3E1x I1y 3E2x I2y G1xz S1 G2xz S2 2E1x I1y  G1xz J1 2E2x I2y  
SB =  
 h2 h d 
 0 0 + 0 0 
2E1x I1y E1x I1y G2xz J2
 
  hd d2  h d 
 0 0 − +  0 + 0 
  G1xz J1 2E2x I2y  G1xz J1 E2x I2y 
 
 h2 hd d2 h d 
 − + 0 0 0 + 
2E1x I1z E1x I1z 2E2x I2z E1x I1z E2x I2z
 
a

b
{Fext } = { F = X x + Y y + Zz
MO = MB + OB ∧ F = Lx + (M − d Z) y + (N + d Y) z } O

3 2
h h h
+ 0 0 0 0 −
3E1x I 1z G1xy S1 2E1x I1
3 2
d d d
0 + 0 0 0 −
3E2 x I2 z G2 xy S2 2E2 x I2 z
3 3 2 2
h d d h h d
0 0 + + + 0
3E1x I 1y 3E2 x I2 y G2 xz S2 G1xz S1 2E1x I 1z 2E2 x I2 y
[S ] =
O
2
h h d
0 0 + 0 0
2E1x I1y E1x I1y G2 xz J2
2
d h d
0 0 0 + 0
2E2 x I2 y G1xz J1 E2 x I2 y
2 2
h d h d
− − 0 0 0 +
2E1x I1z 2E2 x I2 z E1x I1z E2 x I2 z
c

vO = vB – dg = 0 dY fait aussi travailler les composantes de la sixième


et bien sûr g = – (h2 / 2E1x I1z)X inchangé. Cette première colonne. On obtient donc les relations :
série de calculs permet d’identifier les termes de la SXY + dSXN = – (dh 2 / 2E1x I1z) ⇒ SXY = 0
première colonne : SYY + dSYN = – (d 3 / 6E2I2) + (d / G2xz S2)
SXX = (h3 / 3E1x I1z) + (h / G1xy S1) ⇒ SYY = (d 3 / 3E2I2) + (d / G2xz S2)
SYX = 0    SNX = – (h2 / 2E1x I1z) SYN + dSNN = (dh / E1x I1z) + (d 2 / 2E2x I2z)
Compte tenu de la symétrie du chargement, le ⇒ SYN = – (d 2 / 2E2x I2z)
déplacement wO et les rotations a et b sont nuls, ce et SZY = SLY = SMY = 0
qui permet aussi de dire que La symétrie de [SO] reste vérifiée avec les nouveaux
SZX = SLX = SMX = 0 résultats obtenus. On peut voir aussi que les effets
En procédant de même pour le couple N, on obtient des charges X, Y et N restent découplés des effets des
six résultats supplémentaires : charges Z, L et M. Par symétrie, l’inverse sera aussi
SXN = – (h2 / 2E1x I1z) vérifié.
SYN = – (d 2 / 2E2x I2z) De même, on procède d’abord à l’identification des
SZN = SLN = SMN = 0 colonnes 4 et 5 correspondant aux couples L et M
SNN = (h / E1x I1z) + (d / E2x I2z) de la matrice de souplesse, et on garde la colonne 3
On peut déjà noter la symétrie des termes SXN et SNX, pour la fin à cause du terme en – dZ. Pour le couple
ce qui est une conséquence attendue de l’existence d’une L, on a :
énergie potentielle élastique pour ce coin.
SZL = h2 / 2E1x I1y
Dans le cas de la charge Y, l’identification des termes
SLL = (h / E1x I1y) + (d / G2xz J2)
de [SO] est un tout petit peu plus délicate, car le terme
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SML = 0  et  SXL = SYL = SNL = 0
0,0038 0 0 0 0 −1,12 × 10−5 Pour le couple M :
0 0,00083 0 0 0 −1,73 × 10−6 SZM = d 2 / 2E2x I2y
0 0 0,028 1,12 × 10−5 8,49 × 10−5 0 SLM = 0
[SO ] = SMM = (h / G1xz J1) + (d / E2x I2y)
0 0 1,12 × 10−5 2,85 × 10−6 0 0
0 0 8,49 × 10−5 0 1,11× 10−6 0
SXM = SYM = SNM = 0
−1,12 × 10 −5 −6
−1,73 × 10 0 0 0 5,49 × 10−8 Et pour la force Z :
d SZZ – dSZM = (h3 / 3E1x I1y) – (d 3 / 6E2x I2y)
⇒ SZZ = (h3 / 3E1x I1y) + (d 3 / 3E2x I2y) + (d / G2xz S2)
+ (h / G1xz S1)
SLZ – dSLM = (h2 / 2E1x I1y) ⇒ SLZ = (h2 / 2E1x I1y)
SMZ – dSMM = – (hd / G1xz J1) + (d 2 / 2E2x I2y)
⇒ SMZ = (d 2 / 2E2x I2y)
et SXZ = SYZ = SNZ = 0
Au final, la théorie des poutres et le transport en O
permettent de définir la matrice de souplesse du coin
parfait qui servira de référence par rapport à celle du
coin réel, dont on va définir la forme numériquement
grâce à une étude 3D par éléments finis : voir équation c .
Compte tenu des dimensions et caractéristiques
mécaniques retenues, les valeurs numériques des com-
posantes de cette matrice valent : voir équation d .
Les unités sont en mmi /N ou i peut valoir 1, 0 ou
– 1 suivant les cases : 1 pour le bloc (1 – 3) × (1 – 3),
– 1 pour le bloc (4 – 6) × (4 – 6), et 0 pour les blocs
3   Photo de l’assemblage réel entre 4   Photo d’un second type (1 – 3) × (4 – 6) et (4 – 6) × (1 – 3). Malgré la présence
le montant vertical du lit et la traverse d’assemblage réel dont la géométrie de termes négatifs, la diagonalisation donne des valeurs
réalisé avec une vis et un écrou complémentaire permet de lier
propres toutes strictement positives : cette matrice est
noyé (la partie extérieure cylindrique est un montant vertical du lit avec une
insérée dans un alésage de la traverse). seconde traverse. Cette fois, l’assemblage donc bien définie positive, comme il se doit pour une
Deux tourillons complètent les éléments est réalisé avec deux systèmes « vis - écrou matrice de souplesse ou de raideur.
d’assemblage et empêchent la rotation noyé » et un seul tourillon pour la mise en L’intérêt des formules analytiques issues de la RDM
de la traverse autour de l’axe de la vis position de la traverse est que nous pourrons dans l’avenir traiter n’importe
quelle géométrie de coin avec n’importe quels matériaux
constitutifs sans être obligés de faire tourner une
nouvelle série de calculs par éléments finis.

La modélisation CAO modulaire d’un coin réel


Nous allons maintenant voir la constitution des
assemblages réels (il en existe plusieurs types sur le
même lit), la modélisation CAO et la mise en œuvre des
simulations par éléments finis. Dans ce cas, plusieurs
problèmes sont à étudier de plus près : la finesse du
maillage autour des éléments d’assemblage, la nature
des contacts (collants, parfaits ou avec frottement), la
modélisation du serrage de la vis… et l’impact de ces
non-linéarités de comportement sur les résultats de
calcul. Il n’est pas du tout assuré que, d’une part, le
comportement reste représentable par une matrice à
coefficients constants, et que, d’autre part, la matrice
en question, si elle existe, soit symétrique.

Le paramétrage des vis et des tourillons


La diversité des assemblages dans le domaine de la
literie nécessite de mettre en œuvre une modélisation
5   La mise en place du squelette fonctionnel dont les cotes sont pilotées permettant de modifier rapidement les dimensions et
par un tableur de passer facilement d’une famille de coins à une autre,
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6   Exemples de configurations dimensionnelles obtenues.
De gauche à droite : « 57×550-50×140×400-50×200×1000 » et « 40×550-20×140×400-20×140×1000 »

7   La mise en place des configurations par défaut (double traverse), TVT et VTV

d’une configuration TVT (tourillon-vis-tourillon) 3 à ­ ’ensemble des cotes sont ainsi mises à la dimension
L
une VTV (vis-tourillon-vis) 4 ou à une double traverse par un simple clic de souris 5 . L’ensemble des pièces
composée d’un assemblage TVT et d’un autre VTV 5 . de l’assemblage est ensuite construit en s’appuyant sur
La prise en charge des différentes dimensions du le ­squelette fonctionnel. La mise à jour des pièces se
modèle est gérée par l’intermédiaire d’un squelette réduit à sélectionner la configuration dimensionnelle
fonctionnel composé d’esquisses schématiques et d’un voulue dans la liste de familles de pièces 6 .
plan. Les différentes cotes de ce squelette sont pilotées Chaque configuration dimensionnelle est elle-même
par des configurations renseignées dans un tableur. déclinée en deux autres configurations dérivées : VTV
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8   Exemples à partir de la configuration dimensionnelle « 57×550-50×140×400-50×200×1000 »

et TVT. Nous aurons ainsi la possibilité de choisir la Affiner le maillage via l’application d’un contrôle de
configuration par défaut (comportant les deux tra- maillage consiste à définir une taille moyenne de maille
verses), la configuration VTV et la configuration TVT à inférieure à celle de l’assemblage au niveau de l’entité
partir d’une même configuration dimensionnelle. Cela sélectionnée et de renseigner un « ratio local d’expan-
nécessite de créer, à partir de la pièce correspondant sion ». Ce ratio est le rapport de propagation, c’est-à-
au montant vertical, les configurations adéquates, com- dire le facteur d’augmentation de la taille de l’élément
portant tantôt les perçages de la configuration VTV, d’une couche à l’autre radialement par rapport à l’en-
tantôt ceux de la configuration TVT et tantôt les deux. tité sur laquelle est appliqué le contrôle de maillage.
Il faut ensuite supprimer, pour les configurations Appliquer un contrôle de maillage peut conduire à
VTV et TVT, les pièces qui doivent être absentes de augmenter localement l’élancement des éléments, aussi
celles-ci 7 afin de disposer d’un modèle entièrement faut-il procéder par itérations successives en vérifiant
configuré et paramétré, exploitable pour la simulation ce critère de qualité à chaque étape.
par éléments finis 8 . Notons que le logiciel propose une option de « transi-
tion automatique » pour le schéma de maillage Voronoi-
Le modèle CAO de l’assemblage réel Delaunay. Lors du maillage, des contrôles de maillage
et la modélisation par éléments finis sont alors appliqués de manière automatique aux per-
La mise en place de la simulation par éléments finis en çages, aux congés, aux chanfreins, etc. Si cette option
recourant à des assemblages dans des logiciels tels que simplifie l’application de raffinement local du maillage
SolidWorks et le module SolidWorks Simulation nécessite aux singularités géométriques typiques engendrées par
de soigner le maillage et de gérer les connexions entre des fonctions technologiques, elle n’en demeure pas
les composants. moins une « boîte noire » dont il faut se méfier.
Concernant le maillage, la géométrie engendrée Notons également qu’il est possible de scinder la géo-
par les composants de l’assemblage (tourillons, vis et métrie des pièces simples en concevant celles-ci par la
écrous) conduit à des concentrations de contrainte. méthode des corps multiples (les fonctions volumiques
Pour assurer la rapidité de convergence des données ne sont pas toutes fusionnées). Ainsi, un maillage dif-
(voir la première partie), il est donc judicieux d’affi- férent peut être appliqué sur chaque corps de la pièce
ner le maillage dans ces zones « sensibles » plutôt que afin de raffiner le maillage sur des volumes entiers. Là
d’affiner plus globalement le maillage de l’ensemble encore, le maillage au niveau des jonctions entre les
de l’assemblage. corps doit être soigné. Lorsque les contrôles de mail-
SolidWorks Simulation propose d’appliquer des lage ont été définis et le maillage jugé de qualité satis-
« contrôles de maillage » à des surfaces (comme le faisante, il est nécessaire de définir le comportement
perçage recevant l’écrou 9 ), à des arêtes ou à des au niveau des contacts appelés connexions.
sommets. Les surfaces peuvent également être frac- SolidWorks Simulation propose différentes manières
tionnées (découpées par une ligne de séparation définie de gérer les contacts : « pas de pénétration » (il y a glis-
par une esquisse), comme le montre la zone rectan- sement entre les surfaces sans interférence, le jeu est
gulaire que nous avons définie sur la face de contact, permis), « solidaire » (il n’y a pas de glissement entre les
autour des composants 9 . surfaces et, si le maillage est compatible, il y a fusion
m a r s 2 014 technologie 190 37
9   Le modèle CAO du 1er type d’assemblage. La vis et l’écrou sont considérés comme un seul solide, la tête de vis est en contact solidaire
avec le bois, de même le pourtour de l’écrou est en contact solidaire avec la traverse. Les deux tourillons sont en contact solidaire dans le montant,
mais glissant dans la traverse. La liaison plane entre le montant et la traverse est parfaite (glissement sans frottement)

des nœuds coïncidents de l’interface), « serré » (il y a vis ou au boulon (qui s’allonge d’une valeur db) et aux
une interférence initiale entre les surfaces). pièces comprimées (qui se contractent d’une valeur da).
Dans notre cas, les contacts ne sont pas aisément Il s’agit d’un problème assez classique en construction
modélisables, puisqu’ils sont, en réalité, unilatéraux et mécanique. La figure 10 montre qu’un état d’équilibre
non-linéaires (du décollement ou du glissement peuvent s’établit en fonction de la raideur de la vis (ou du
apparaître entre deux solides). Mais il n’est pas possible boulon) notée ici Kb et de la raideur de l’assemblage
de mettre en place aussi finement le modèle. Aussi est-il Ka, et qu’il donne la valeur de la précharge F0. Par
nécessaire d’émettre des hypothèses pour simplifier un la suite, si on sollicite l’assemblage en traction par
peu le problème. Il n’est pas déraisonnable de considérer un effort F, l’équilibre évolue : la charge augmente
une solution de compromis de la manière suivante 9 : dans le boulon, et diminue dans l’assemblage. Le
– l’écrou noyé dans le montant vertical est considéré décollement des pièces assemblées finit par apparaître
en contact solidaire avec celui-ci et avec la vis ; pour une valeur de F légèrement supérieure à celle
– la tête de vis est en contact solidaire avec le montant de la précharge F0.
vertical (le comportement est considéré comme linaire Il existe une manière astucieuse de mettre l’assemblage
au niveau du contact) ; sous précharge. On met en place le modèle de la vis et
– un tourillon est choisi en contact solidaire dans le des éléments à assembler sans jeu ni précharge, puis
montant, mais sans pénétration (glissant) dans la traverse. on impose une tension en refroidissant la vis alors que
le reste de l’assemblage est à température ambiante,
La mise en place du serrage comme on peut le voir en 11 .
La modélisation du serrage de la vis sous SolidWorks Compte tenu du coefficient de dilatation a du matériau
n’apparaissait pas particulièrement simple ; en de la vis, un écart DT° induit une déformation ev = – aT°
pratique, on tourne la vis dans l’écrou jusqu’à obtenir et donc une diminution d de la longueur de la vis :
le contact avec la pièce de bois ; au-delà, chaque tour d = a ⋅ Lv ⋅ DT°
de vis supplémentaire impose une déformation à la Lv : longueur de vis initiale
38 technologie 190 m a r s 2 014
10  L’assemblage boulonné juste avant et après serrage. Le nombre de tours de vis impose un écrasement global δ qui se répartit
entre l’allongement δb du boulon et l’écrasement δa de l’assemblage

matrice de souplesse se fait en appliquant le principe


de superposition : ce principe est en fait un théorème
dans le cas de l’élasticité linéaire, mais pour le cas
d’un assemblage avec des éléments de contact il n’est
pas certain qu’on puisse s’appuyer dessus.

L’influence de l’intensité des efforts


sur les déplacements obtenus
Partant de l’idée que le principe de superposition est
néanmoins valable, nous cherchons à valider l’existence
d’une matrice de rigidité ; le principe consiste donc à
multiplier les calculs par éléments finis en faisant varier
tour à tour l’intensité d’une des composantes (environ
une dizaine de valeurs sont testées pour chaque com-
posante) tout en maintenant les autres constantes.
Ce faisant, on peut construire les réponses en dépla-
cement sous la forme des graphes de la figure 10. On
voit que les réponses sont pratiquement rectilignes et
que les droites des moindres carrés qui passent au
mieux des points de calcul donnent des coefficients
11   La mise en place d’une précharge X 0 due au serrage dans SolidWorks. de corrélation très proches de 1 (c’est-à-dire entre
Afin de simuler le serrage, on modélise un assemblage sans jeu entre les élément 0,9900 et 0,9999).
du lit haut et l’ensemble « vis + écrou noyé », et on impose une température plus basse Au préalable, étudions la figure 12 , qui montre le
à cet ensemble : la contraction qui en découle induit une compression des éléments
assemblés et une tension dans la vis (ici 36 MPa)
cas particulier de l’influence de la charge X sur le
déplacement u du point B, mais aussi la pente u/X qui
représente la souplesse. Sur ce second graphe, on voit
L’équilibre de l’assemblage induit une tension dans la une légère fluctuation quand la charge X approche la
vis et une compression de l’assemblage. La contraction valeur de la précharge. C’est assez logique, puisqu’il y
de la vis ne donne pas directement la tension X0 ; il a contact pour les charges X inférieures à X0 alors qu’il
faut prendre en compte la rigidité du bois comprimé… y a un risque de décollement lorsque X dépasse cette
valeur. On voit aussi que le ratio u/X évolue au voisi-
La modélisation de la matrice nage de X = 0 ; cela est dû à l’imprécision numérique
de souplesse du coin réel type I du calcul du rapport, qui est très semblable pour les
Aucun théorème ne permet d’être assuré qu’il existe « petites » valeurs de X. Une dernière remarque sur
bien une matrice de souplesse dans ce cas. En effet, ce graphe : le rapport reste dans la même gamme de
compte tenu de la présence d’éléments de contact valeurs, même lorsque la charge extérieure change
ayant des comportements différents suivant qu’il y a de signe. On aurait pu penser que le contact aurait
appui ou décollement et de la valeur de la précharge, un comportement différent en tension par rapport à
il est possible que les termes de la matrice dépendent la compression, mais les différences sont minimes.
des valeurs des efforts appliqués dans les différentes On peut donc conclure qu’une représentation linéaire
directions. Pire, la détermination des termes de la de chaque composante est licite. Grâce aux pentes des
m a r s 2 014 technologie 190 39
u = f (X) u/X = f (X)

12   En parallèle, le déplacement u = f (X) et u/X = f(x). On observe que si la pente du graphe u = f (X) semble bien rectiligne, on peut tout de même
noter une différence de pente au voisinage de X = X0. Cette fluctuation pourra permettre de détecter le moment critique du décollement de la surface de contact
entre le montant et la traverse

courbes 13 et 14, on peut déterminer les composantes Par ailleurs, la force de serrage va certainement
de la matrice de souplesse du coin réel ! être limitée par la pression maximale Pc sous la tête
de vis avant que le bois ne soit marqué. Or :
L’influence du serrage des vis Pc = F / [π (Re2 – R2i )] < 6 MPa
Quatre cas de précharge X0 entre 500 et 2 000 N on été (résistance à la compression de l’épicéa)
testés. Les termes de la matrice de souplesse varient Si l’on considère les valeurs réalistes des coefficients
peu, certains peuvent même être considérés comme de frottement μt (entre 0,2 et 0,6) et μe (entre 0,05 et
constants. Pour les autres, une interpolation par une 0,2) et les dimensions d’une vis M6, on constate que :
fonction affine est largement suffisante pour rendre – le couple sous tête est très nettement prépondérant
compte des petites variations provenant du serrage. (de 5 à 10 fois plus élevé que le couple vis-écrou) ;
Cette modélisation est d’autant plus satisfaisante que – le couple sous tête vaut effectivement environ
l’effort de serrage ne varie pas tant que cela d’un uti- 4 Nm ;
lisateur à l’autre. – l’effort de serrage associé est de l’ordre de 1 100 N.
En effet, plusieurs mesures du couple nécessaire En définitive, même si l’on peut s’attendre à une forte
au desserrage d’une vis ont été réalisées alors que le variation dans la façon de chacun de serrer les assem-
serrage avait été assuré par différentes personnes de blages lors du montage d’un meuble, la résistance du
constitutions très différentes, et ces mesures fluctuent bois régule bien cette variation, et peu de fluctuations
très faiblement autour d’un couple de 4 Nm. Si l’on sont à prévoir de ce côté.
considère la classique relation de Kellerman et Klein Le tableau 15 récapitule les coefficients de la matrice
qui relie le couple de serrage à l’effort de serrage, on du coin réel pour la partie 3 × 3 correspondant aux
peut chiffrer la contribution des deux termes. sollicitations planes X, Y et N, puis la partie 3 × 3 des
Le couple Ctete nécessaire pour vaincre le frottement sollicitations hors plan Z, L et M. Lorsque la valeur de
sous la tête de vis est tel que souplesse Sij n’est pas sensible à l’effet de la précharge, le
graphe de la figure 16 donne la valeur de la composante
Ctete = (2μtF / 3) (Re3 – R3i ) / (Re2 – R2i ) ≈ μtFDm / 2
X0. Dans le cas contraire, on suppose que Sij = A ij XO
F : effort de serrage (idem XO) + Bij (le tableau 15 donne les coefficients A ij et Bij).
μt : coefficient de frottement entre la tête de vis en acier
et le montant en bois La contribution des éléments d’assemblage
Re : rayon extérieur de la surface d’appui de la tête de vis dans la rigidité du coin par soustraction
Ri : rayon intérieur de la surface d’appui de la tête de vis Cette dernière partie répond à la problématique qui était
Dm : diamètre moyen entre 2Re et 2Ri proposée : prendre en compte les éléments d’assem-
Le couple Cecrou nécessaire pour vaincre le frottement blage dans le comportement de la structure « lit haut »
entre le filet de la vis et l’écrou est tel que modélisée comme une structure à base de poutres. Pour
cela, il nous reste trois étapes à réaliser :
Cecrou = (2F / 3) [(μe cos b + sin b) / (cos b – μe sin b)]
– isoler la contribution des éléments d’assemblage
(r e3 – r i3) / (r e2 – r 2i ) ≈ [(μedm / 2) + (p / 2π)]F dans le comportement du coin réel ;
β : angle d’hélice du filet (lié au pas p de la vis) – décrire cette contribution sous forme d’un élé-
μe : coefficient de frottement entre la vis et l’écrou ment fini ponctuel localisé à l’intersection des lignes
re : rayon extérieur du filet moyennes du montant et des traverses ;
ri : rayon intérieur du filet – implanter cet élément dans un code éléments finis
dm : diamètre moyen entre 2re et 2ri RDM, et comparer la réponse de la structure avec un
40 technologie 190 m a r s 2 014
X = 900 N Y = 900 N N = 520 Nm
Perfect assembly
Real assembly

u = f(X) u = f (Y) u = f (N)


Déplacement (mm)

Déplacement (mm)

Déplacement (mm)
Chargement (N) Chargement (N-mm)
Chargement (N)

v = f(X) v = f (Y) v = f (N)


Déplacement (mm)

Déplacement (mm)

Déplacement (mm)

Chargement (N)
Chargement (N) Chargement (N-mm)

r = f(X) r = f (Y) r = f (N)


Rotation (rad)

Rotation (rad)

Rotation (rad)

Chargement (N)
Chargement (N) Chargement (N-mm)
AEF RDM

13   La visualisation des termes de la matrice de souplesse pour la partie plane des sollicitations. En dessus, on peut voir l’origine
des différences entre coin réel et coin parfait. Sur les figures Y et N, on voit très nettement le décollement du contact en partie basse de l’assemblage,
ce qui explique la raideur assez nettement différente pour ces deux cas de charge par rapport à la RDM. En dessous, la pente de chaque droite
correspond à la valeur qui apparaît dans la matrice de souplesse (en rouge la matrice issue de l’analyse élastique RDM et en bleu le dépouillement des
calculs par éléments finis sur l’assemblage réel préchargé). On peut remarquer une différence significative et sur certains termes une légère perte de symétrie

modèle par éléments finis 3D complet afin de valider poutres anisotropes. Cela nous a permis de détermi-
l’approche. ner, pour différents cas de chargement, le torseur des
petits déplacements : voir équation e .
La contribution des éléments d’assemblage Lors de cette seconde partie, nous avons mené des
par rapport à la solution RDM calculs par éléments finis 3D sur le coin réel, ce qui
Lors de la première partie, nous avions calculé les nous a permis de déterminer, pour les mêmes diffé-
déplacements de la section en B dans l’hypothèse que rents cas de chargement, le torseur des petits dépla-
le coin était parfait et dans le cadre de la théorie des cements : voir équation f .
m a r s 2 014 technologie 190 41
Z = 250 N L = 90 Nm M = 90 Nm
Perfect assembly
Real assembly

w = f(Z) w = f(L) w = f(M)


Déplacement (mm)

Déplacement (mm)
Déplacement (mm)

Chargement (N) Chargement (N-mm) Chargement (N-mm)

p = f (Z) p = f(L) p = f(M)


Rotation (rad)

Rotation (rad)

Rotation (rad)

Chargement (N) Chargement (N-mm) Chargement (N-mm)

q = f (Z) q = f(L) q = f(M)


Rotation (rad)

Rotation (rad)

Rotation (rad)

Chargement (N)
Chargement (N-mm) Chargement (N-mm)
AEF RDM
14   La visualisation des termes de la matrice de souplesse pour la partie 3 × 3 des sollicitations hors plan. On peut voir le décollement important
des cas de charge Z et M. En dessous, on peut remarquer la différence significative sur ces termes et aussi une légère perte de symétrie due à la non-linéarité des
éléments de contact

e
{UB } =
RDM
{ ψRDM = α RDM x + βRDM y + γRDM z
uB RDM = uBRDM x + vB
RDM
y + wBRDM z } B
f
{UB } =
reel
{ ψreel = α reel x + βreel y + γreel z
uBreel = uBreel x + v Breel y + w Breel z } B

{UB } = {UB } + {UB } ⇒ {UB } = {UB } − {UB }


reel RDM ass ass reel RDM
g

42 technologie 190 m a r s 2 014


uBreel uBRDM
X X
v Breel v BRDM
SXX … SXN Y SXX … SXN Y
w Breel Z w BRDM Z
= et =
α reel L α RDM L
SNX SNN SNX SNN
βreel M βRDM M
matrice de matrice de
souplesse de N souplesse de N
γreel la liaison : SBreel
γRDM la liaison : SBRDM
h

uBreel uBRDM
X X
v Breel v BRDM
SXX … SXN Y SXX … SXN Y
w Breel = Z w BRDM = Z
et
α reel L α RDM L
SNX SNN SNX SNN
βreel M βRDM M
matrice de N matrice de N
γreel souplesse de
la liaison : SBreel
γRDM souplesse de
la liaison : SBRDM
i

SXYN SZLM
Sij A ij Bij Sij A ij Bij
S11 (mm/N) - - S11 (mm/N) – 4,73 E – 05 2,86 E – 01
S12 (mm/N) – 2,06 E – 07 – 4,07 E – 03 S12 (mm/N⋅mm) 1,95 E – 09 2,53 E – 05
S13 (mm/N⋅mm) – 8,392 E – 10 – 1,00 E – 05 S13 (mm/N⋅mm) 1,08 E – 07 – 6,33 E – 04
S21 (mm/N) - - S21 (rad/N) 1,70 E – 09 2,08 E – 05
S22 (mm/N) – 1,67 E – 06 1,94 E – 02 S22 (rad/N⋅mm) - -
S23 (mm/N⋅mm) – 8,15 E – 09 4,24 E – 05 S23 (rad/N⋅mm) – 6,06 E – 12 – 2,48 E – 08
S31 (rad/N) - - S31 (rad/N) 1,20 E – 07 – 7,12 E – 04
S32 (rad/N) – 4,23 E – 09 4,67 E – 05 S32 (rad/N⋅mm) – 4,59 E – 12 – 3,17 E – 08
S33 (rad/N⋅mm) – 2,07 E – 11 1,07 E – 07 S33 (rad/N⋅mm) – 2,746 E – 10 1,73 E – 06

15   Les coefficients d’interpolation affine des termes S ij de la matrice de souplesse lorsque la précharge XO évolue

Si l’on considère une nouvelle fois le principe de matrice non symétrique [SOass] qui dépend de la valeur
superposition, on peut en déduire la contribution des de la précharge X0 pour certains termes :
éléments d’assemblage dans le déplacement réel par [SOass] = [SOreel] – [SORDM]
rapport à la solution RDM en considérant que : voir
équation g . L’écriture des éléments ponctuels
Or, dans les deux cas (RDM et réel), les composantes d’assemblage dans un code RDM
des déplacements s’écrivent sous forme matricielle : Pour bien comprendre ce qui suit, un petit rappel des
voir équation h . bases sur la méthode des éléments finis appliqués aux
La différence des matrices de souplesse [SBreel] poutres n’est pas superflu (voir en annexe). La prise
et [SBRDM] donne donc la matrice de souplesse [SBass] en compte de la flexibilité des assemblages revient à
qui est la contribution des éléments d’assemblage au ajouter des éléments ponctuels analogues à des res-
comportement du coin. Cette matrice doit ensuite être sorts aux jonctions entre poutres 18.
transportée en O, point de jonction des lignes moyennes On considère le cas du coin, et on propose un maillage
des deux poutres constituant le coin (on pourra se extrêmement rudimentaire : 1 élément pour le montant
reporter au paragraphe « Le transport des termes et 1 élément pour la traverse, soit 3 nœuds au total.
de la matrice de souplesse en O ») : voir équation i . Si le problème est 3D, il faut 6 ddl (degré de liberté)
On peut finalement soit soustraire les matrices en par nœud (3 translations et 3 rotations), et la taille
B et transporter en O la différence 17 soit transporter de la matrice de raideur globale est donc de 18 × 18
chacune des deux matrices en O et faire la différence. pour l’exemple de gauche de la figure 18. Cette matrice
En définitive, l’assemblage est représenté par une est non inversible, mais si on prend en compte le fait
m a r s 2 014 technologie 190 43
SXYNij = f (Xo)

SZLMij = f (Xo)

16  La visualisation de l’influence du serrage de la vis sur les termes de la matrice de souplesse (partie 3 × 3 plane en haut et partie 3 × 3 hors plan
en dessous). Certains termes ne varient quasiment pas, pour les autres une interpolation par une fonction affine semble suffisante pour traduire le plus ou moins
fort serrage

44 technologie 190 m a r s 2 014




X
Y
Z
(
− {Δ U* } ⊗ {FO } = − u3* − u2* v 3* − v 2* w 3* − w 2* α*3 − α*2 β*3 − β*2 γ*3 − γ*2 ) LO
u3 − u2


MO
NO



v 3 −v 2
w3 −w2
(
= − u3* − u2* v 3* − v 2* w 3* − w 2* α*3 − α*2 β*3 − β*2 γ*3 − γ*2 ) ]S ]
Oass
−1

α3 − α2
β3 − β2
γ3 − γ2


j


u2
v2
w2
α2
β2
–1 –1
] S ] ] ]
− SOass γ2
{ Δ U } ⊗ {FO } = ( u γ )
Oass
* * * * * * * * * * * * *
2 v 2 w 2 α 2 β
2 γ2 u 3 v 3 w 3 α 3 β3 3
− ]S ]
–1 –1
u3
Oass ]S ] Oass

v3
Matrice de raideur élémentaire
de l’élément ponctuel [K ass ]
w3
α3
β3
 γ3


k

que le nœud (1) correspond à une section totalement déplacements relatifs entre les sections (3) et (2). Ces
encastrée, alors pour ses 6 premières composantes sections sont au même endroit, aussi il n’y a pas de
la colonne des déplacements est constituée de 0. On changement de point à faire pour effectuer la différence
peut ainsi réduire la taille du problème en éliminant {DU} = {U3} – {U2}. Ce pseudo-ressort ajoute un terme
les 6 premières colonnes de [K glob]. Les 6 premières dans le travail virtuel des sollicitations internes : voir
équations servent à déterminer les efforts en A qui sont équation j .
inconnus au départ ; ainsi, le système 12 × 12 restant Cette dernière expression peut aussi se mettre sous
permet d’obtenir les 12 ddl inconnus en fonction des une forme plus facile à intégrer dans un code éléments
efforts imposés X, Y, Z, L, M et N 19. finis : voir équation k .
Considérons maintenant le cas de droite de la figure 18 : Si l’on considère maintenant le cas du coin avec
les éléments d’assemblage, dont on a vu qu’ils pou- élément d’assemblage tel que maillé de manière rudi-
vaient être représentés par une matrice de souplesse mentaire sur la droite de la figure 18 : 1 élément pour
[SOass] dont les termes sont des constantes, peuvent le montant et 1 élément pour la traverse + 1 élément
être considérés comme un pseudo-ressort entre les ponctuel pour l’assemblage, soit 4 nœuds au total, il
deux éléments de poutre. Dès lors, il faut 4 nœuds faut 6 ddl par nœud. La taille de la matrice de raideur
dont les ddl seront indépendants, car les déplace- globale est donc, cette fois, de 24 × 24. Cette matrice
ments des nœuds (2) et (3) ne sont pas identiques si est non symétrique et, a priori, non inversible. Si on
l’assemblage est flexible. prend en compte le fait que le nœud (1) correspond à
Soit {F 0} le torseur des sollicitations internes une ­­section encastrée, alors on peut réduire la taille
qui transite par le coin, soit {DU} le torseur des du problème en éliminant les 6 premières colonnes de
m a r s 2 014 technologie 190 45
[K glob]. Ainsi le système restant est de taille 18 × 18,
SB reel – FEA
et permet d’obtenir les 18 ddl inconnus en fonction des
0,003 96 – 0,004 15 0 0 0 – 0,000 009 6
efforts imposés X, Y, Z, L, M et N 20.
Évidemment, pour une plus grande précision sur – 0,004 90 0,018 74 0 0 0 0,000 045
l’allure des déformées du montant et de la traverse, 0 0 0,270 761 9 0,000 025 – 0,000 677 8 0
il faut mailler plus finement les deux montants, mais 0 0 0,000 022 0,000 003 1 0 0
l’insertion de la matrice de raideur élémentaire de 0 0 – 0,000 676 4 0 0,000 001 8 0
l’élément d’assemblage dans la matrice de raideur – 0,000 011 5 0,000 045 0 0 0 0,000 000 1
globale reste identique.
SB RDM
La validation de l’approche par éléments
0,003 89 – 0,004 79 0 0 0 – 0,000 011 2
ponctuels pour représenter un assemblage
– 0,004 79 0,009 45 0 0 0 0,000 022
entre montant et traverse
Nous allons procéder en deux temps pour valider l’ap- 0 0 0,159 632 1 0,000 011 2 – 0,000 391 0
proche proposée : premièrement, valider l’implémen- 0 0 0,000 011 2 0,000 002 8 0 0
tation dans le code RDM de l’élément d’assemblage 0 0 – 0,000 391 0 0,000 001 1 0
ponctuel en comparant les calculs sur coins réels avec – 0,000 011 2 0,000 022 0 0 0 0,000 000 1
les résultats de notre code ; secondement, valider la
pertinence de l’approche en comparant les déformées [S reel – SRDM]B
obtenues sur des exemples plus proches d’un véritable 0,000 07 0,000 63 0 0 0 0,000 001 6
meuble avec SolidWorks d’une part et avec notre code – 0,000 12 0,009 30 0 0 0 0,000 023
d’autre part 21 22.
0 0 0,112 129 9 0,000 013 6 – 0,000 287 0
L’écart reste inférieur à 1,5 % sur les composantes
du déplacement, et sur une étude plus exhaustive des 0 0 0,000 010 6 0,000 000 2 0 0
6 cas de charge (X, Y, Z, L, M, N), pour plusieurs niveaux 0 0 – 0,000 285 0 0,000 000 7 0
de précharge (X0 = 1 000, 1 200, 1 400 et 1 600 N), – 0,000 000 3 0,000 023 2 0 0 0 0,000 000 1
le plus grand écart entre la simulation SolidWorks et
l’approche simplifiée « RDM + élément d’assemblage » [SO ass]
est de 1,9 %. 0,000 07 – 0,000 06 0 0 0 0,000 001 6
La comparaison est donc excellente sur ces diffé- 0,000 01 0,000 21 0 0 0 – 0,000 002
rents cas, et ce n’est pas une surprise car ils ont servi
0 0 0,000 758 0,000 013 6 0,000 025 4 0
à identifier la matrice de souplesse de l’assemblage.
Néanmoins, cette étape permet de s’assurer qu’il n’y 0 0 0,000 010 6 0,000 000 2 0 0
a pas eu de problème de programmation. Plus critique 0 0 0,000 026 9 0 0,000 000 7 0
sera la comparaison sur un exemple de structure plus – 0,000 000 3 – 1,8 × 10 –6
0 0 0 0,000 000 1
complexe.
Nous avons considéré une structure représentative 17   La soustraction des matrices B puis le transport au point O
d’un lit haut : nous n’avons retenu que deux des quatre
montants et une seule traverse. La simulation est faite
sous SolidWorks avec une configuration « tourillon-vis- Élément (II) Nœud (3) Nœud (4)
Nœud (2)
tourillon » pour les deux assemblages serrés avec une
précharge X0 de 1 000 N. Nous avons considéré deux Nœud (2) Élément (II)
Nœud (3)
cas de charge : une charge horizontale appliquée sur
la tête de vis du montant de gauche 23a et une charge
verticale appliquée au centre de la traverse 23b . Le Élément (I) Élément (I)
modèle 3D, même simplifié par rapport à un lit haut
complet, est constitué de près de 400 000 nœuds, soit
Nœud (1) Nœud (1)
1,2 million de degrés de liberté.
Dans les deux cas, le temps de calcul est d’environ
55 minutes. Ce qui est beaucoup plus que pour le calcul
réalisé par le code élément finis à base de poutres de
Timoshenko dans lequel nous avons introduit l’élément 18  À gauche, maillage classique d’une structure à base de poutres par
d’assemblage aux deux coins. La traverse est découpée deux éléments : le nœud (1) est encastré et les efforts sont appliqués en B au nœud (3),
les déplacements et rotations sont identiques au nœud (2) qu’il appartienne au montant
en 8 tronçons et les montants en 2 tronçons, ce qui
vertical ou à la traverse horizontale. À droite, le maillage qui prend en compte la flexibilité
donne ici un total de 15 nœuds, soit 90 ddl ; le calcul de l’assemblage : les efforts sont désormais appliqués au nœud (4) car la flexibilité
s’effectue instantanément… et l’écart ne dépasse pas de l’assemblage nécessite de distinguer les nœuds (2) et (3), qui auront des déplacements
3 % entre les deux simulations ! et des rotations différents

46 technologie 190 m a r s 2 014


Prise en compte des conditions limites

Matrice [Kglob] 18 × 18 Matrice [K] 12 ×12


généralement non inversible à inverser

19  Illustration de l’assemblage de la matrice globale et de la prise en compte des conditions d’encastrement pour la résolution
du système 12 × 12 restant

Prise en compte des conditions limites

Matrice [Kglob] 24 × 24 Matrice [K] 18 ×18


non symétrique et généralement non inversible à inverser

20  Illustration de l’assemblage de la matrice globale dans le cas de la présence d’un élément d’assemblage (zone grisée) et de la prise en
compte des conditions d’encastrement pour la résolution du système 18 × 18 restant. Attention ! La matrice restante n’est pas symétrique,
et certaines méthodes numériques d’inversion (triangulation de Cholesky par exemple) ne sont pas possibles

Vers des essais virtuels sur meubles en bois et sur la manière dont les éléments d’assemblage ont
avec prise en compte de la flexibilité des été serrés.
assemblages et des dispersions de propriétés Afin de conduire à une prédiction fiable de la bonne
La réalisation d’un essai virtuel sur des meubles en épicéa tenue du meuble, il convient donc de réaliser un grand
(et plus généralement en bois) ne peut se réduire à un nombre de simulations numériques en faisant varier
seul calcul par éléments finis. En effet, les incertitudes chaque paramètre incertain suivant sa propre loi de
sont grandes à la fois sur les propriétés du bois utilisé probabilité. Cette approche, appelée simulation de
m a r s 2 014 technologie 190 47
Rappel sur les éléments finis appliqués aux poutres
Le principe des travaux virtuels (PTV) est à la base de l’approximation des éléments finis. Dans le cas des poutres sous sollicitations quasi statiques, le PTV s’écrit
sous la forme : L L

∫ {T( x )} ⊗ {D ( x )} ds = ∫ {F( x )} ⊗ {U ( x )} ds + ∑{F( x )}⊗ {U ( x )}


* *
i
*
i
0 0 i

où {U} est le torseur des petits déplacements dans la section d’abscisse x et {D} le torseur des petites déformations, donnés par :
dα dβ dφ
α β φ



dx dx dx
}U} = ⇒ } D} =
u v w du dv dw
−φ +β
dx dx dx
Le travail virtuel des sollicitations internes se développe en Wi* :
L
Wi* = − ∫ { T( x )} ⊗ {D * ( x )} dx
0
L
dα * dβ * d φ* du * dv * dw * *
= − ∫ Mt + Mf y + Mfz +N + Ty ( − φ* ) + Tz ( + β ) dx
0 dx dx dx dx dx dx
ou :
*
L
dα dα * dβ dβ * d φ dφ * du du * dv dv dw dw * *
Wi = − ∫ GJ + EIy + EIz + ES + GS( − φ )( − φ* ) + GS ( + β) + β dx
0 dx dx dx dx dx dx dx dx dx dx dx dx
si on prend en compte les relations de comportement élastiques (isotropes ou anisotropes). Dans le cas isotrope, E et G sont liés par la relation G = E / 2(1 + u) ;
dans le cas anisotrope, ces deux caractéristiques sont indépendantes. Dans le cas d’une poutre en bois, E est le module d’élasticité Eℓ où ℓ désigne la direction
longitudinale des fibres du bois, G est le module de cisaillement Gℓt ou Gℓr entre la direction longitudinale et les directions transversales, radiale (notée « r »)
ou tangente (notée « t ») par rapport aux anneaux du tronc. Pour une poutre en bois, on confond généralement les caractéristiques radiale et tangentielle.
L’expression du travail virtuel des forces extérieures est :
L
We* = ∫ {F( x )} ⊗ {U* ( x )} ds + ∑{F( x i )} ⊗ {U *( x i )}
0 i

où le 1er terme correspond aux forces distribuées le long de la poutre et le 2d aux charges concentrées aux sections d’abscisses xi. Si on découpe une poutre en
éléments finis de longueurs Le et que l’on choisit une fonction de forme affine pour représenter chaque degré de liberté des sections extrêmes de l’élément,
on peut réécrire le travail virtuel des sollicitations internes sous la forme :
t
Wi* = −∑ [ue *][K e ][ue ]
elt
où [Ke] est la matrice locale de rigidité de l’élément :
ES ES
0 0 0 0 0 – 0 0 0 0 0
Le Le
GS GS GS GS
0 0 0 0 0 – 0 0 0
Le 2 Le 2
GS GS GS GS
0 0 0 – 0 0 0 – 0 – 0
Le 2 Le 2
GJ GJ
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Le Le
GS GSL EIy GS GSL EIy
0 0 – 0 + 0 0 0 0 – 0
2 3 Le 2 6 Le
GS GSL EIz GS GSL EIz
0 0 0 0 + 0 – 0 0 0 –
2 3 Le 2 6 Le
[K e ] =
ES ES
– 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Le Le
GS GS GS GS
0 – 0 0 0 – 0 0 0 0 –
Le 2 Le 2
GS GS GS GS
0 0 – 0 0 0 0 0 0
Le 2 Le 2
GJ GJ
0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Le Le
GS GSL EIy GS GSL EIy
0 0 – 0 – 0 0 0 0 – 0
2 6 Le 2 3 Le
GS GSL EIz GS GSL EIz
0 0 0 0 – 0 – 0 0 0 –
2 6 Le 2 3 Le

Le travail virtuel des forces extérieures peut aussi s’écrire sous une forme matricielle où la colonne [Fe] représente les forces extérieures :
T
We* = ∑ (Ue* ) [Fe ]
elt

Après assemblage de la matrice de raideur globale [K] (tenant compte de l’orientation de la poutre dans le repère global de la structure) et de la colonne de
force globale [F], on prend en compte les conditions limites en déplacement, ce qui conduit à un système linéaire à résoudre :
T T
[U *][K ][U] = [U *][F] −1
⇒ [K ][U] = [F ] ⇒ [U] = [K ] [F]
∀ [U *]

ce qui donne accès à la déformée globale de la structure à base de poutres étudiée.

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21   La comparaison dans le cas d’un effort de 500 N appliqué suivant X au point B. La précharge est de 1 000 N aussi il n’y a pas de décollement, et sur
la figure de droite il faut effectuer un grossissement très fort pour voir se déployer le « ressort » (en vert) qui représente la déformation de l’élément d’assemblage

22  La comparaison dans le cas d’un effort de 1 000 N appliqué suivant Y au point B. Malgré la précharge de 1 000 N, on peut voir un décollement
sur la simulation SW. Sur la figure de droite, même sans très fort grossissement, on peut voir se déployer le « ressort » (en vert) qui représente la déformation de
l’élément d’assemblage

m a r s 2 014 technologie 190 49


a   Effort horizontal de 300 N sur un montant (facteur de grossissement 50 sur les déplacements)

b   Effort vertical de 1 000 N au centre de la traverse (facteur de grossissement 300 sur les déplacements)

23  La comparaison entre une simulation 3D sous SolidWorks et une simulation RDM avec prise en compte des éléments d’assemblage

Monte-Carlo, n’est pas réaliste à l’heure actuelle sur faire une étude statistique du comportement (rigidité
des modèles 3D complets. En effet, les temps de calcul et résistance) du meuble étudié.
sur un lit haut, compte tenu de la finesse du maillage Cette approche est une étape du travail de thèse de
au voisinage des éléments d’assemblage et des itéra- Heba Makhlouf au laboratoire MSME UMR 8082 CNRS
tions nécessaires pour résoudre les non-linéarités à Marne-la-Vallée. Elle est décrite en détail dans une
introduites par les éléments de contact, est de l’ordre publication à paraître dans le Forest Products Journal. n
de plusieurs heures sur un PC muni d’un processeur
Intel Core i7. Une simulation de Monte-Carlo impli-
quant plus de 1 000 simulations n’est pas raisonnable, Références bibliographiques
notamment dans un contexte industriel.
CHATEAUNEUF (A.), Comprendre les éléments finis, Ellipses, collection
Grâce aux éléments d’assemblage ponctuels mis en « Technosup », 2010
place dans le cadre d’une simulation du meuble à base CHEVALIER (L.), Mécanique des systèmes et des milieux déformables :
de poutres, le nombre de degrés de liberté est bien plus Cours, exercices et problèmes corrigés, Ellipses, 2007
réduit. L’assemblage est pris en compte globalement, et KUROWSKI (P. M.), Engineering Analysis with SolidWorks Simulation,
ne nécessite pas de raffinement de maillage spécifique. SDC Publications, 2012
Au final, un calcul ne dure que quelques secondes, STEFFEN (J. R.), Analysis of Machine Elements Using SolidWorks
et ainsi la simulation de Monte-Carlo ne dure que Simulation, SDC Publications, 2011
quelques heures, au bout desquelles il est possible de
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