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Chapitre 1 

: L’entrepreneuriat
1. La notion de l’entrepreneuiat

a. Définition

L’entrepreneuriat renvoie à des situations tellement hétérogènes


qu’il est vain de se limiter à une seule définition. Néanmoins, il est
possible d’identifier des grandes approches conceptuelles (Fayolle et
Verstraete, 2005) pour mieux cerner le phénomène complexe qu’est
l’entrepreneuriat dans sa globalité. En particulier, nous avons retenu
trois conceptions complémentaires à notre sens.

La première conception est celle de Shane et Venkataraman, qui


définissent l’entrepreneuriat comme : « processus par lequel des
opportunités à créer des produits et des services futurs sont
découvertes, évaluées et exploitées. » (2000, p. 18). L’opportunité
est entendue au sens de Casson (1982) : des situations où des
nouveaux produits, services, matières premières et méthodes
d’organisation sont introduits et vendus à un prix supérieur à leur
coût de production. L’exemple que nous donnent ces auteurs est
celui d’un individu capable de découvrir des ressources sous-évaluées
par des détenteurs qu’il rachète et combine pour les revendre en
produits ou services « sur-évalués » par des acquéreurs. Aussi, nous
pouvons convenir que l’opportunité est à la base une nouvelle
information profitable auquel un individu accède à deux conditions.
Premièrement, s’il détient des connaissances antérieures qui sont
complémentaires à cette information et qui permettent de la révéler
et deuxièmement, s’il possède certaines propriétés cognitives pour
l’évaluer. La détention de cette information déclenche une
conjecture ou une vision entrepreneuriale : un projet d’exploitation
de cette opportunité

La deuxième conception est celle de l’émergence organisationnelle,


c’est-à-dire le processus qui conduit à l’apparition d’une nouvelle

1
organisation. Elle a été fondée par Gartner (1988 ; 1990 ; 1993) puis,
développée et reprise par d’autres auteurs (Aldrich, 1999 ; Thornton,
1999 ; Sharma et Chrisman, 1999 ; Hernandez, 2001 entre autres).
Dans cette approche, l’entrepreneuriat est entendu comme un
processus de création d’une organisation, c’est-à-dire les activités par
lesquelles le créateur (de l’opportunité) mobilise et combine des
ressources (informationnelles, matérielles, humaines, etc.) pour
concrétiser l’opportunité en un projet structuré voire une entité. Sur
ce point, il est nécessaire de souligner que la création d’une
organisation n’est pas synonyme de création d’une entité. Comme le
souligne Verstraete (1997, 2003), l’émergence organisationnelle
renvoie à la fois à l’acte d’organiser et les formes organisées issues de
l’action : projet, équipe, structure, etc. Dans cette approche,
l’entrepreneur est un stratège capable d’élaborer une vision
entrepreneuriale (Filion, 1997) et un pilote capable de conduire le
changement via des actions entrepreneuriales.

La troisième conception est celle de la dialogique individu/création


de valeur que Bruyat (1993) définit comme une dynamique de
changement où l’individu est à la fois acteur de la création de valeur
dont il détermine les modalités et objet de la création de valeur, qui
par l’intermédiaire de son support (projet, structure, etc.) l’investit
voire le détermine.
S’inscrivant clairement dans cette approche, Fayolle (2004) définit
l’entrepreneuriat comme situation reliant de façon concomitante, un
individu caractérisé par un engagement personnel fort
(consommation de temps, argent, énergie, etc.) et un projet ou une
organisation émergente ou une organisation « stabilisée » de type
entrepreneurial. La valeur créée renvoie aux apports techniques,
financiers et personnels que génère l’organisation impulsée et qui
procurent satisfaction à l’entrepreneur et aux parties prenantes ou
intéressées. Pour l’entrepreneur, il s’agit de biens financiers et
matériels mais aussi d’autonomie, de pouvoir ou d’estime de soi
entre autres. Pour les clients, il s’agit de la satisfaction procurée par
la consommation du produit et/ou service proposé. Pour les

2
financiers, il s’agit de la profitabilité de la structure créée et des gains
monétaires effectifs et potentiels

A notre sens, ces trois conceptions sont complémentaires car aucune


d’entre elles ne suffit en soi pour qualifier le phénomène
entrepreneurial. L’approche par la création d’une opportunité
d’affaires formalise le stade d’émergence de l’idée en une
opportunité en ayant toutefois une vision trop objectiviste de
l’opportunité comme chose à découvrir. Par contraste, l’approche par
la création d’une organisation réintroduit l’action d’ordonner ou de
structurer le réel que suppose tout acte de création sous des
multiples formes organisées que sont le modèle d’affaires, le plan
d’affaires, le prototype de produit et l’entité créée. Cette approche se
focalise davantage sur la phase de montage du projet et de
lancement des activités jusqu’à que l’organisation se stabilise. Une
des limites de cette approche est d’élargir l’acte entrepreneurial à
toute nouvelle action d’organiser. Une lacune que l’approche par la
création de valeur compense en réintroduisant un principe essentiel
de l’entrepreneuriat depuis
Schumpeter, celle du degré d’innovation ou de la valeur crée via
l’organisation impulsée par l’individu qui est aussi engagé dans une
dynamique de changement au niveau personnel. La situation est
entrepreneuriale tant qu’il y a une dynamique de changement
concomitant entre l’individu et le(s) support de la création de valeur.
Les supports de la création de valeur peuvent être considérés comme
des formes organisées de l’acte d’organiser. La création effective de
valeur n’intervient généralement qu’au cours du dernier stade : celui
d’une organisation entrepreneuriale stabilisée évaluée par des
indicateurs d’activités, de performance et de résultats.

En définitive, ces trois approches peuvent être conciliées en une


définition opératoire que nous formulons comme suit :
L’entrepreneuriat est une dynamique de création et d’exploitation
d’une opportunité d’affaires par un ou plusieurs individu(s) via la

3
création de création de nouvelles organisations à des fins de création
de valeur.1
b. Cadre théorique

b.1) Historique de l’entrepreneuriat

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale et jusqu'à la fin des


années 1970, les grandes entreprises ont dominé l’économie.la
grande taille était considérée comme souhaitable, voire inévitable, et
la croissance de la firme était jugée indispensable pour réaliser des
économies d’échelles. La PME était perçue comme une simple étape
de la vie de l’entreprise. Durant cette période, le nombre
d’entreprises par habitant a diminué en Europe. Le climat
économique était plutôt propice à l’étude de la grande entreprise,
voire de la multinationale, et par conséquent l’entrepreneuriat
intéressait peu les chercheurs.

Le nombre des grandes entreprises a dominé durant les années


1970et 1980. Les chercheurs ont alors pris conscience de
l’importance économique des entreprises nouvellement crées. Bien
qu’il ait déjà fait l’objet de recherches isolées au-paravent et que ses
bases historiques remontent au 17éme siècle.

C’est à partir de-là qu’apparaissent des revues scientifiques et des


conférences consacrées à l’entrepreneuriat. Ce mouvement s’est
accéléré au début des années 1990.

Les deux auteurs Cantillon et J.B. Say ont mis en exergue l’importance
de l’entrepreneur pour l’économie en général, en se basant
essentiellement sur son rôle dans le processus de production.

1
Laviolette, loue et Advancia : ‹‹Les compétences entrepreneuriales :
définition et construction d’un référentiel ›› page 3 et 4

4
En 1928, J. Schumpeter donne son envol au domaine de
l’entrepreneuriat. Il l’associe nettement à l’innovation. Schumpeter
reconnaitra à l’entrepreneur un rôle central dans le mécanisme
économique2.

b.2) l’approche fonctionnelle des économistes :

Considéré comme l’origine historique de l’entrepreneuriat, cette


approche a pris forme dans les premiers écrits des théoriciens
économiques. En premier lieu, à travers les écrits de Richard
Cantillon (1697-1735) qui est considéré comme le premier auteur à
faire apparaître le concept de l’entrepreneuriat (Filion, 1997). Il a
présenté la fonction de l’entrepreneur et son importance dans le
développement économique. Puis, Jean-Baptiste Say (1767-1832) a
prolongé les analyses de Cantillon en définissant le métier de
l’entrepreneur et le capitaliste. Il associe l’entrepreneur à
l’innovation en le voyant comme un agent de changement. Ensuite,
c’est Joseph Schumpeter (1883- 1950) qui a donné ses assises au
champ de l’entrepreneuriat, en publiant sa théorie de l’évolution
économique. Pour Schumpeter, l’entrepreneur par son action
innovatrice constitue l’élément central du développement
économique. La contribution de Schumpeter a été complétée par
d’autres économistes dont principalement, (Knight, 1979) et la
relation de l’entrepreneur à l’incertitude, (Kirzner, 1979) et les
opportunités liées aux besoins et aux imperfections du marché.
(Leibenstein, 1979) et son modèle de mesure de l’inefficacité dans
l’utilisation des ressources et (Casson M. C., 1982) et l’importance de
la coordination des ressources et la prise de décision.

2
F. Janssen et B. Surlemont : « L’entrepreneuriat : éléments de
définition », 2009, p 25
5
D’après Fayolle (Fayolle, 2004, p. 11), le point de vue des
économistes est multi-composant et tend à dégager, au moins, deux
figures d’entrepreneurs et quatre rôles entrepreneuriaux
fondamentaux:

• Les deux figures sont celles de l’entrepreneur organisateur


d’activités économiques et l’entrepreneur innovateur.

• Les quatre rôles que joue l’entrepreneur dans le système


économique sont: la prise de risque « risk-teker / risk-manager »
(Cantillon, Say, Knight) ; l’innovation « innovator » (Schumpeter) ; la
saisie d’opportunité « Alert seekes of opportunities » (Hayek, Mises,
Kirzner) et les coordinations de ressources limitées « coordinator of
limited ressources » (Casson M., 1991).

L’entrepreneuriat a été identifié par les économistes comme étant


une construction utile pour mieux comprendre le développement
économique. Le rôle de l’entrepreneur a été étudié sous un angle
quelque peu abstrait de sa fonction économique, et en lui allouant un
comportement rationnel qui vise le profit maximum. Ce faisant, le
refus de développer des modèles plus complexes et qualitatifs est
une limite à leur approche (Moreau, 2004). (LEIBENSTEIN, 1968)
conclut qu’il n’est pas possible d’établir un modèle de
développement économique en relation avec l’entrepreneuriat et
ajoute que la théorie de la concurrence donne l’impression qu’il n’y a
nul besoin en ce domaine.

Ainsi, cette approche fonctionnelle a quelque peu atténué depuis la


fin des années 70, ce qui amènera « le monde de l’entrepreneuriat à
se tourner vers les behaviouristes pour mieux approfondir la

6
compréhension du comportement de l’entrepreneur » (Filion L. J.,
2001)3.

2. Enjeux d’entrepreneuriat :

2 .1) Enjeux économique

Aujourd’hui, l’entrepreneuriat est souvent présenté comme le moyen


idoine pour le développement économique et social, la lutte contre la
pauvreté et le chômage.

Comment ?
- Favorise la formation de capital
- Crée des opportunités d’emploi
- Promouvoir un développement régional équilibré
- Réduit la concentration du pouvoir économique
- La création et distribution de richesses
- L’augmentation du PNB et du revenu par habitant
- L’amélioration du niveau de vie
- Facilite le développement global

2.2) Enjeux politique

Le gouvernement ne peut pas créer des entreprises, mais il


peut …
- Offrir un bon cadre institutionnel,
- Encourager l’acte d’investir,
- Contribuer à nourrir l’esprit d’entreprendre,
- Orienter et canaliser les projets d’entreprises,
- Valoriser les territoires,

3
BEKADDOUR Aicha, ‹‹ Evolution du champ de l’entrepreneuriat : une
approche théorique ›› page 2 et 3
7
- Développer la formation à l’entrepreneuriat,
- Soutenir la création et l’innovation

Au Maroc, dès les années 1990, des initiatives sont prises pour
encourager la création d’entreprise à travers la mise en place
du programme jeune prometteur.
Mais cet engagement entrepreneurial a été marqué durant la
décennie 2000 par :

Le remplacement du ‹‹programme jeunes promoteur›› par le


programme ‹‹ MOUKAWALATI ››

2002 : la création des centres régionaux d’investissement (CRI)


à travers tous le royaume

2009 - 2015 : les projets de mise en place des pôles de


compétitivité et de technopôles (Casanearshors, Technopolis, etc),
s’inscrivet dans la cadre du ‹‹ Pacte National pour L’Emergence
Industrielle ››. Un programme ambitieux qui vise l’installation de pôle
de compétitivité.

2015 : la création du statut de l’auto-entrepreneur (voir doc).4

3. Les fenêtres d’opportunité :

Il est possible de distinguer sept facteurs susceptibles d’influencer


l’ouverture ou la fermeture d’une fenêtre d’opportunité (B.
Surlemont 2009)

4
Pr. Karima MIALED ‹‹ L’Entrepreneur & L’Entrepreneurship ›› page
23, 24,25 et 26
8
- Les événements
- Les tendances sociologiques
- Les réglementations
- Les technologies
- Les évolutions politico-économiques
- Les tendances démographiques
- Les contextes concurrentiels.5

Par exemples :

Les fenêtres d’opportunités de l’entrepreneuriat font référence


aux moments où les conditions économiques, sociales ou
technologiques sont propices à la création et à la croissance
d’une entreprise. Ces fenêtres d’opportunité peuvent s’ouvrir
en raison d’une variété de facteurs, tels que des changements
dans la réglementation, l’évolution des préférences des
consommateurs, l’apparition de nouvelles technologies, ou
encore l’émergence de nouvelles tendances de marché.

Les entrepreneurs qui sont capables de repérer ces fenêtres


d’opportunité et d’agir rapidement pour y répondre peuvent
bénéficier d’un avantage compétitif important. Cependant, il
est important de noter que ces opportunités peuvent être de
courte durée et que les entrepreneurs doivent être prêts à agir
rapidement pour en tirer parti.

Par exemple, la pandémie de COVID-19 a créé de nouvelles


opportunités pour les entreprises qui peuvent fournir des
services de livraison à domicile, des outils de travail à distance
ou des produits de protection personnelle. Les entreprises qui
5
https://youtu.be/FERkpzaFjeM
9
ont été en mesure de répondre rapidement à ces nouvelles
demandes ont pu prospérer malgré les perturbations
économiques causées par la pandémie.

Les changements démographiques : les changements dans la


composition de la population, tels que l’augmentation de la
population âgée, la diversité croissante de la population et
l’urbanisation, peuvent crée de nouvelles opportunités
commerciales. Les entrepreneurs peuvent répondre aux
besoins spécifiques de ces groupes de population, tels que les
services de soins de santé, les services de transport ou les
produits alimentaires.

Les tendances sociales et culturelles : les tendances sociales et


culturelles peuvent également créer des opportunités
commerciales. Par exemple, les changements dans les modes
de vie, les préférences alimentaires ou les comportements de
consommation peuvent offrir de nouveaux débouchés pour les
entrepreneurs.

Les changements réglementaires : les changements dans la


réglementation peuvent créer des opportunités commerciales
pour les entrepreneurs qui sont en mesure de répondre aux
nouvelles exigences. Les réglementations environnementales,
par exemple, peuvent offrir des débouchés pour les entreprises
qui proposent des solutions de durabilité.

Les événements économiques : les événements économiques


tels que les récessions ou les crises financières peuvent créer
des opportunités pour les entrepreneurs. Les entreprises qui
sont capables d’offrir des solutions plus rentables ou plus
10
efficaces pendant ces périodes peuvent réussir à prospérer
malgré les défis économiques.

Les niches de marché inexploitées : les niches de marché


inexploitées sont des opportunités pour les entrepreneurs qui
sont en mesure de trouver des besoins non satisfaits et de les
combler. Les niches peuvent se trouver dans de nombreux
secteurs, tels que la technologie, la mode ou les loisirs

La technologie de pointe : l’avancée rapide de la technologie


offre des opportunités pour les entreprises de proposer de
nouveaux produits et services ou d’améliorer ceux qui existent
déjà.

La transition énergétique : la prise de conscience croissante de


l’impact environnemental des énergies fossiles crée de
nouvelles opportunités pour les entreprises qui proposent des
solutions de production d’énergie renouvelable et d’efficacité
énergétique.

L’économie circulaire : de plus en plus d’entreprises cherchent à


réduire leur impact environnemental en adoptant des modèles
économiques circulaires. Cela crée des opportunités pour les
entrepreneurs qui proposent des solutions de recyclage, de
réutilisation ou de remanufacturation.

Le vieillissement de la population : la population vieillissante


offre des opportunités pour les entreprises qui proposent des
produits et services adaptés aux besoins des seniors, tels que
des soins de santé à domicile, des technologies d’assistance et
des logements spécialement conçus.
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Le commerce électronique : la croissance du commerce en ligne
offre des opportunités pour les entreprises qui proposent des
produits et services en ligne, ainsi que pour celles qui offrent
des services de soutien au commerce électronique, tels que la
logistique et la gestion des stocks.

La santé et le bien-être : l’augmentation de la sensibilisation à la


santé et au bien-être crée des opportunités pour les entreprises
qui proposent des produits et services liés à la santé, tels que
des aliments biologiques, des suppléments nutritionnels, des
programmes de remise en forme et des thérapies alternatives.

L’intelligence artificielle : l’la offre des opportunités pour les


entreprises qui cherchent à améliorer l’efficacité et la précision
de leurs processus, ainsi que pour celles qui cherchent à
développer des produits et services basés sur l’LA, tels que des
chatbots et des assistants personnels.

L’économie de partage : la montée de l’économie de partage


offre des opportunités pour les entreprises qui proposent des
plateformes en ligne permettant de partage des biens et des
services, tels que la location de voiture et de logments.

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