Vous êtes sur la page 1sur 31

UNIVERSITÉ TOULOUSE 1 CAPITOLE ANNÉE UNIVERSITAIRE 2010-2011

SEMESTRE 4 – Session 1

LICENCE EN DROIT – 2ème NIVEAU


GROUPE DE COURS N° II
DROIT ADMINISTRATIF
(Cours de M. COULIBALY)

Examen
(Vendredi 13 mai 2011 – 13 h 30 - 16 h 30)

Cas pratique : Corrigé


2/31
Bien rares sont les honorables habitants de notre commune, Trantor-sur-Ciel, qui avouent avoir
compris que les discours empruntés et les poignées de mains frénétiques de notre maire, Paul
Self, exprimaient un cynisme sans précédent dans notre histoire.
Sitôt qu’une campagne électorale se dessine à l’horizon, M. Self applique mécaniquement une
méthode éprouvée comprenant trois temps :
- détourner l’attention des vrais problèmes pour mettre en exergue des problèmes imaginaires,
- dépeindre en termes terrifiants ces problèmes imaginaires,
- désigner à la vindicte populaire les auteurs imaginaires de ces terrifiants problèmes imagi-
naires.
Méthode politiquement éprouvée certes, mais argumentaire juridiquement inopérant devant un
tribunal administratif déterminé à ne pas s’écarter de la légalité normale dans des circonstances
somme toute ordinaires.
A Trantor-sur-Ciel, un ouvrage public laid et utile avoisine un ouvrage public inutile et beau.
Le premier, un pylône d’une ligne électrique à moyenne tension, appartient à ERDF (Electricité
Réseau Diffusion France), société chargée d’une mission de service public. Le second, un
étang artificiel, est la propriété de la commune de Trantor. Aucun des deux ouvrages ne pré-
sente d’utilité pour l’autre.
En cette matinée ensoleillée du 15 mars 2010, arrivent un homme et une femme qui s’ignorent
mais qui connaissent parfaitement les lieux. Sans utiliser ni le pylône, ni l’étang, l’homme, un
fauconnier, se livre, avec son faucon pèlerin, à une séance de dressage à la chasse au vol. La
femme, une nageuse réputée, s’applique à améliorer sa technique de la brasse papillon dans
l’étang.
Deux coups de théâtre, deux accidents. Le faucon pèlerin se prend les ailes dans les fils à
moyenne tension, lesquels s’abattent avec force éclairs sur le fauconnier et l’électrocutent. En
essayant de sortir de l’eau, la nageuse se blesse grièvement sur les rebords anormalement acérés
de l’étang, qui n’est cependant pas d’une dangerosité exceptionnelle.
Le fauconnier et la nageuse saisissent séparément le tribunal administratif d’une action en res-
ponsabilité. Le fauconnier est totalement débouté (au fond) de son action dirigée contre ERDF,
tandis que la nageuse obtient la condamnation de la commune à réparer l’intégralité du préju-
dice corporel et du préjudice moral qu’elle a subis.
Nombre d’immeubles et de vieux chênes du centre de Trantor sont classés, selon les cas,
comme monuments historiques ou comme monuments naturels. Un fait qui n’aura pas plus
d’importance pour votre réponse qu’il n’en revêt aux yeux du maire, qui pense que le réchauf-
fement climatique est moins un problème que les écologistes eux-mêmes. C’est donc sans sur-
prise que l’on apprend que, malgré l’avis défavorable de l’architecte des bâtiments de France
qu’il avait consulté dans le respect des règles en vigueur, le maire a accordé, par une décision
datée du 20 avril 2010, à l’entreprise Martin et fils l’autorisation d’installer une enseigne publi-
citaire sur un immeuble classé comme monument historique mais situé en dehors du parc natu-
rel régional de la ville.
Le 28 avril 2010, une association d’écologistes militants forme, dans le respect des règles, un
recours pour excès de pouvoir contre la décision du maire en invoquant comme argument
l’illégalité externe qui ressort avec la force de l’évidence de la lecture de ces lignes et des an-
nexes. L’affaire est encore pendante devant le tribunal administratif de Trantor.
Le manque total de respect pour le patrimoine local continue à ne pas se démentir. Par un arrêté
en date du 16 décembre 2010, le maire refuse, sans y être contraint par une quelconque disposi-
tion législative, réglementaire ou autre, la titularisation de Mlle Marion Bouchard comme atta-
chée de conservation du patrimoine. Pourtant, quelques mois plus tôt, il ne tarissait pas
d’éloges sur la manière de servir de cette fonctionnaire municipale stagiaire. A l’appui du re-
cours pour excès de pouvoir qu’elle a formé contre ce refus, Mlle Marion Bouchard avance un
3/31
seul argument : la décision du maire a pour unique but d’améliorer son image politique à
l’approche des élections municipales. Entre parenthèses, cet argument est incontestable, mais
l’affaire n’a pas encore été jugée par le tribunal administratif.
Ainsi s’achève l’exposé des faits pertinents des différentes espèces.
Les questions qui suivent sont libellées de manière à vous engager dans des voies qui, dépour-
vues d’intersections, vous conduiront tout droit aux réponses attendues. Par conséquent, si
d’aventure vous manquiez de temps, ce serait parce que vous en auriez beaucoup perdu en
cours de route en essayant inutilement de réciter votre cours.
1. Le fauconnier et la nageuse ont saisi séparément le tribunal administratif d’une action en
responsabilité. Le fauconnier a été totalement débouté (au fond) de son action dirigée
contre ERDF, tandis que la nageuse a obtenu la condamnation de la commune à réparer
l’intégralité du préjudice corporel et du préjudice moral qu’elle avait subis. Quels sont les
motifs de ces deux jugements ?
2. Quelle illégalité externe l’association d’écologistes militants a-t-elle invoquée à l’appui de
son recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision du maire en date du 20 avril
2010 ? Le tribunal administratif annulera-t-il cette décision du 20 avril 2010 ?
3. Au regard des données pertinentes du cas pratique, l’arrêté du maire en date du 16 dé-
cembre 2010 vous paraît-il légal ?

Nota bene :
 Le candidat choisit librement l’ordre de ses réponses.
 Total des points : 20. La répartition est la suivante :
o question n° 1 : 7 points
o question n° 2 : 7 points
o question n° 3 : 6 points
 Aucun document n’est autorisé.

***
ANNEXES
Code de l'environnement
[Résumé des dispositions pertinentes]

Article L.581-3
[…] Constitue une enseigne publicitaire toute inscription, forme ou image apposée sur un im-
meuble et relative à une activité qui s'y exerce.

Article R.581-62
L'autorisation d'installer une enseigne publicitaire est délivrée par le maire.
Cette autorisation est délivrée :
1° Après avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France lorsqu'elle concerne l'installa-
tion d'une enseigne sur un immeuble classé parmi les monuments historiques ;
2° Après avis de l'architecte des Bâtiments de France lorsqu'elle concerne l'installation d'une
enseigne sur un immeuble situé dans un parc naturel régional.

***/***
4/31

Corrigé didactique du cas pratique

N.B. : Ce corrigé a une visée essentiellement didactique. En d’autres termes, l’auteur


du cas pratique ne s’attendait absolument pas à ce que le candidat rende une copie conforme à
ce corrigé. Ce qui compte, c’est le respect des grandes lignes de la démarche.

INTRODUCTION [résumant les faits pertinents…] :


sans conséquence sur la note

Réponses effectives aux questions posées : elles doivent conclure une démons-
tration conformément aux directives du bréviaire.

Code du plan hiérarchique suivi dans ce corrigé :


 le premier chiffre désigne la question,
 le second, l’interrogation,
 le troisième, un numéro d’ordre.
Exemple : 2.1.5
2 = deuxième question du cas pratique
1 = première interrogation de cette deuxième question (2) du cas pratique
5 = cinquième étape (ou subdivision) de la réponse à la première interroga-
tion (1) de la deuxième question (2) du cas pratique.
Avantage : A tout moment, le lecteur saura à quelle question et à quelle interrogation
se rapporte la partie ou la sous-partie qu’il a sous les yeux.
5/31

Sommaire
(interactif à l’écran)

1 – Réponse à la question n°1 du cas pratique ......................................................... 6


Le fauconnier et la nageuse ont saisi séparément le tribunal administratif d’une action en
responsabilité. Le fauconnier a été totalement débouté (au fond) de son action dirigée contre
ERDF, tandis que la nageuse a obtenu la condamnation de la commune à réparer l’intégralité
du préjudice corporel et du préjudice moral qu’elle avait subis. Quels sont les motifs de ces deux
jugements ?......................................................................................................................................6
Réponses synthétiques ................................................................................................................6
1.1 Interrogation n°1 : Quels sont les motifs du jugement par lequel le fauconnier a été
totalement débouté (au fond) de son action dirigée contre ERDF ? .....................................6
1.2 Interrogation n°2 : Quels sont les motifs du jugement par lequel la commune a été
condamnée à réparer l’intégralité du préjudice corporel et du préjudice moral que la
nageuse a subis ? .................................................................................................................12

2 – Réponse à la question n°2 du cas pratique ....................................................... 16


Quelle illégalité externe l’association d’écologistes militants a-t-elle invoquée à l’appui de son
recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision du maire en date du 20 avril 2010 ? Le
tribunal administratif annulera-t-il cette décision du 20 avril 2010 ? .........................................16
Réponses synthétiques ..............................................................................................................16
2.1 Interrogation n°1 : Quelle illégalité externe l’association d’écologistes militants a-t-
elle invoquée à l’appui de son recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision du
maire en date du 20 avril 2010 ? .........................................................................................16
2.2 Interrogation n°2 : Le tribunal administratif annulera-t-il cette décision du 20 avril
2010 ?...................................................................................................................................21

3 – Réponse à la question n°3 du cas pratique ....................................................... 26


Au regard des données pertinentes du cas pratique, l’arrêté du maire en date du 16 décembre
2010 vous paraît-il légal ? ............................................................................................................26
Réponse synthétique .................................................................................................................26
3.0 Interrogation unique : Au regard des données du cas pratique, l’arrêté du maire en
date du 16 décembre 2010 vous paraît-il légal ?.................................................................26

Annexe : source d’inspiration pour l’interrogation n° 1 de la question n° 1...... 30


6/31

Notée
1 – Réponse à la question n°1 du cas pratique
sur 7
Le fauconnier et la nageuse ont saisi séparément le tribunal administratif d’une
action en responsabilité. Le fauconnier a été totalement débouté (au fond) de son action
dirigée contre ERDF, tandis que la nageuse a obtenu la condamnation de la commune
à réparer l’intégralité du préjudice corporel et du préjudice moral qu’elle avait subis.
Quels sont les motifs de ces deux jugements ?

Nous exposerons une réponse synthétique à deux variantes :


1. la conclusion précise et concise à laquelle le candidat devait parvenir : va-
riante destinée aux lecteurs extrêmement pressés ;
2. la démonstration précise de la conclusion à laquelle le candidat devait
parvenir dans le respect de la méthodologie du cas pratique : variante des-
tinée aux « happy few ».
Pour dire les choses différemment et éviter toute ambiguïté, le candidat devait démontrer sa
réponse ; la première variante dont il est question ici n’a qu’un seul but : faire gagner du temps
aux lecteurs qui pensent ne pas en disposer suffisamment.
Les numéros (1.1, 1.2, 2.1, 2.1.1, etc.) qui précèdent les différents paragraphes qui suivent
dénotent un plan dit hiérarchique (« moderne », universel et… très prisé).

Réponses synthétiques
À y réfléchir un peu, force est de concéder que cette question n°1 du cas pratique comporte en fait
deux interrogations notées chacune sur 3,5 :
1.1 Interrogation n°1 : Quels sont les motifs du jugement par lequel le fauconnier a été to-
talement débouté (au fond) de son action dirigée contre ERDF ?
1.2 Interrogation n°2 : Quels sont les motifs du jugement par lequel la commune a été con-
damnée à réparer l’intégralité du préjudice corporel et du préju-
dice moral que la nageuse a subis ?
Voici les réponses synthétiques à ces deux interrogations :
A l’instar des dispositifs qu’ils commandent, les motifs de ces deux jugements sont substantiel-
lement différents même s’ils procèdent tous de l’application aux faits pertinents des règles régis-
sant l’engagement de la responsabilité de l’administration.
1.1 Interrogation n°1 : Quels sont les motifs du jugement par lequel le fauconnier a été tota-
lement débouté (au fond) de son action dirigée contre ERDF ?

1.1.1 Le résumé de la réponse que le candidat devait formuler.


► Les motifs du jugement par lequel le fauconnier a été totalement débouté (au fond) de
son action dirigée contre ERDF sont les suivants :
1.1.1.1 En se livrant à une séance de dressage à la chasse au vol près du pylône de
la ligne électrique à moyenne tension, le fauconnier, tiers par rapport à cet
ouvrage public, a ipso facto commis une faute ;
7/31
1.1.1.2 Cette faute a été considérée par le tribunal administratif comme l’unique
cause du dommage (non mortel : voir ci-dessous) de travaux publics qu’il a
subi, ce qui a exonéré ERDF de toute responsabilité.
*
1.1.2 La démonstration précise de la réponse que le candidat devait formuler
dans le respect de la méthodologie du cas pratique.
Faits pertinents question et points de droit soulevés par ces faits pertinents règles per-
tinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles pertinentes
aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, réponse effective à la question posée

1.1.2.1 Exposé des faits pertinents.


A Trantor-sur-Ciel, deux ouvrages publics se côtoient ; l’un est laid et utile
l’autre inutile et beau. Le premier, un pylône d’une ligne électrique à
moyenne tension, appartient à ERDF (Electricité Réseau Diffusion France),
société chargée d’une mission de service public. Le second, un étang artifi-
ciel, est la propriété de la commune de Trantor. Aucun des deux ouvrages ne
présente d’utilité pour l’autre. En d’autres termes, on peut utiliser l’un sans
se servir de l’autre.
En cette matinée ensoleillée du 15 mars 2010, arrivent un homme et une
femme qui s’ignorent mais qui connaissent parfaitement les lieux. Sans uti-
liser ni le pylône, ni l’étang, l’homme, un fauconnier, se livre, avec son fau-
con pèlerin, à une séance de dressage à la chasse au vol. La femme, une na-
geuse réputée, s’applique à améliorer sa technique de la brasse papillon dans
l’étang.
Deux accidents se produisent. Le faucon pèlerin se prend les ailes dans les
fils à moyenne tension, lesquels s’abattent avec force éclairs sur le faucon-
nier et l’électrocutent. En essayant de sortir de l’eau, la nageuse se blesse
grièvement sur les rebords anormalement acérés de l’étang, qui n’est cepen-
dant pas d’une dangerosité exceptionnelle.
Le fauconnier et la nageuse saisissent séparément le tribunal administratif
d’une action en responsabilité. Le fauconnier est totalement débouté (au
fond) de son action dirigée contre ERDF, tandis que la nageuse obtient la
condamnation de la commune à réparer l’intégralité du préjudice corporel et
du préjudice moral qu’elle a subis.
 Définition :
 Electrocuter. Deux sens possibles entre lesquels il fallait choisir en se
laissant guider par la simple logique :
o « Tuer par une décharge électrique » - Le Petit Robert, qui par
ailleurs définit l’électrocution en ces termes : « Ensemble des
effets provoqués dans un organisme vivant par les courants
électriques, surtout par les courants de haute tension (mort ins-
tantanée, perte de connaissance brutale, convulsions, brûlures
au point de contact) ;
o « Blesser très gravement par le passage d’une décharge élec-
trique dans le corps » - Le Nouveau Littré ; « Causer une se-
cousse par le passage dans l’organisme d’un courant élec-
trique » - Le Petit Larousse illustré.
En l’espèce, c’est évidemment le second sens qu’il fallait retenir. Le
contexte imposait ce choix.
8/31
 Ouvrage public. CE, 26 septembre 2001, Département du Bas-Rhin,
n° 204575 :
 « Considérant que la responsabilité de la personne publique maître d’un
bien […] qu’à la condition que le dommage soit imputable à un bien im-
mobilier, seul susceptible de recevoir la qualification d’ouvrage pu-
blic ; […] ».
 Totalement débouté au fond : on dit qu’un requérant est totalement
débouté au fond lorsque ses prétentions sont rejetées pour des motifs
tenant, non à leur irrecevabilité, mais au fait que le juge estime que le
défendeur ne peut ou ne doit pas être condamné à réparer, ne serait-ce
qu’en partie, le préjudice subi par ce requérant.
*
1.1.2.2 Question et point de droit.
 Libellé originel de la question : Quels sont les motifs du jugement par le-
quel le fauconnier a été totalement débouté (au fond) de son action dirigée
contre ERDF ?
 Variante imposée notamment par l’exposé des faits pertinents :
 Pour quelles raisons de fait et de droit le tribunal administratif, qui avait
admis la recevabilité du recours du fauconnier, a-t-il estimé qu’ERDF ne
pouvait être condamnée à réparer, ne serait-ce qu’en partie, le préjudice
subi par le requérant ?
*
1.1.2.3 Exposé des règles pertinentes.
Nous avons les faits pertinents ; nous les avons dégagés à l’étape 1.1.2.1.
Il nous reste à indiquer les règles pertinentes.
 Comment trouver ces règles pertinentes ?
Voici la question qui nous permettra d’avancer : au vu des faits pertinents et
de l’interrogation elle-même, quelles sont les règles qui revêtent ici une cer-
taine pertinence ?
L’interrogation n° 1 de la question n° 1 du cas pratique soulève un pro-
blème de responsabilité.
Les règles dont le tribunal administratif a fait application sont donc celles
qui régissent la responsabilité de l’administration.
Devrons-nous exposer toutes les règles relatives à la responsabilité de
l’administration ?
La réponse est négative ! Toutes les règles relatives à la responsabilité de
l’administration n’ont pas vocation à s’appliquer à tous les cas de responsa-
bilité de l’administration.
Une distinction doit en effet être faite entre
 d’une part, les règles générales du droit de la responsabilité adminis-
trative : elles s’appliquent à tous les cas de responsabilité de
l’administration, et elles reçoivent la qualification de principes géné-
raux du droit de la responsabilité,
 et d’autre part, les règles qui régissent spécifiquement certains cas de
responsabilité administrative : en raison de leurs effets, elles font par-
fois figure d’exceptions aux principes généraux.
9/31
 En conséquence,
 nous exposerons d’abord les règles applicables à tous les cas de res-
ponsabilité de l’administration,
 puis nous nous demanderons s’il y a lieu, au regard des faits perti-
nents, d’exposer des règles spécifiques applicables à l’espèce.
 Nous sommes ainsi amené à donner une signification plus pratique à
l’interrogation n° 1 de la question n° 1 :
Pour quelles raisons de droit et de fait le tribunal administratif a-t-il estimé
que l’application des règles générales ainsi que, le cas échéant, celle des
règles spécifiques du droit de la responsabilité administrative avaient pour
conséquence le rejet au fond du recours formé par le fauconnier contre
ERDF ?
Prima facie, nous devons rechercher les règles pertinentes aussi bien dans le
cours que dans les annexes au cas pratique, sachant que nous aurons pour
guide les faits pertinents.
Les annexes au cas pratique comportent-elles des règles s’appliquant à des
faits qui correspondent peu ou prou aux faits pertinents de l’interrogation
n° 1 de la question n° 1 du cas pratique ?
De toute évidence, la réponse est négative.
C’est uniquement du cours que nous puiserons les règles pertinentes.
► Exposé des règles générales du droit de la responsabilité administrative.
Quelles sont donc les règles applicables à tous les cas de responsabilité ad-
ministrative ?
Il y en a… un certain nombre, mais une seule nous paraît pertinente au re-
gard de notre espèce.
Elle a trait aux conditions de l’engagement de la responsabilité administra-
tive.
Pour engager valablement la responsabilité de l’administration - ici
d’ERDF -, il faut qu’il y ait eu
 un préjudice qui soit
o direct - il doit avoir pour cause directe le fait imputé à
l’administration,
o certain - Mais un préjudice certain n’est pas nécessairement un pré-
judice actuel, déjà réalisé. Un préjudice futur peut donner lieu à répa-
ration dès lors que sa réalisation est certaine.
 Exemples : la perte d’une chance sérieuse de réussir à un con-
cours ou à un examen - C.E., 3 novembre 1971, Dlle Cannac,
n° 82509,
o et réparable. En effet, par exception au principe de la responsabilité
de l’administration, certains préjudices ne donnent pas lieu à répara-
tion. Exemples : les dommages causés par des mesures purement
gracieuses ;
 un fait de l’administration – il doit être une faute si l’action se situe
sur le terrain de la responsabilité pour faute ; il peut ne pas être une
faute si le terrain retenu est celui de la responsabilité sans faute ;
10/31
 une relation de causalité entre le fait de l’administration et le pré-
judice : le fait de l’administration doit avoir été la cause directe du
préjudice.
Au surplus, la jurisprudence exige également que la situation de la victime
ait été légitime et légale.
► Exposé des règles qui régissent de manière spécifique les faits pertinents de
l’interrogation n° 1 de la question n° 1 du cas pratique.
Le pylône de la ligne électrique à moyenne tension est un ouvrage public. À
preuve, dans le cas pratique, il est explicitement qualifié d’ouvrage public.
Données pertinentes du cas pratique : « A Trantor-sur-Ciel, un ou-
vrage public laid et utile avoisine un ouvrage public inutile et beau. Le pre-
mier, un pylône d’une ligne électrique à moyenne tension, appartient à
ERDF […] »
Le dommage subi par le fauconnier (électrocution) est consécutif à la chute
des fils à moyenne tension du pylône.
Eu égard au caractère d’ouvrage public du pylône, le dommage subi par le
fauconnier est un dommage de travaux publics.
Cours, Le principe de la responsabilité de l’administration, page 26 :
« L’expression [« dommages de travaux publics »] désigne aussi bien les
dommages causés par l’exécution de travaux publics que les dommages qui
sont dus à l’existence même de l’ouvrage construit. »
 Selon la situation de la victime ou les acaractéristiques de l’ouvrage, le juge
admet la responsabilité pour faute ou la responsabilité sans faute du défen-
deur :
 Les dommages subis par les participants aux travaux publics
Par participants, il faut entendre tous ceux qui prennent part à l’exécution
des travaux ou au fonctionnement de l’ouvrage public : entrepreneur, archi-
tectes, salariés de l’entreprise ou de la collectivité publique.
A leur égard, la responsabilité du défendeur n’est engagée que si une faute -
simple - a été commise - CE, 6 juillet 1988, Electricité de France, n° 29638. On
explique cette solution en mettant en avant la considération suivante : le par-
ticipant est lui-même responsable de l’état du travail ou de l’ouvrage.
 Les dommages subis par les usagers d’un ouvrage public
Par usagers, on entend tous ceux qui utilisent l’ouvrage public ou qui en ti-
rent parti d’une manière ou d’une autre.
En principe, les dommages que les usagers subissent relèvent de la respon-
sabilité pour faute présumée. Le juge présume qu’il y a eu défaut
d’entretien normal de l’ouvrage. Cette présomption renverse la charge de la
preuve ; il incombe au défendeur de prouver qu’il a correctement entretenu
l’ouvrage public.
Toutefois, il existe un cas où l’usager bénéficie du système de la responsabi-
lité sans faute : c’est l’hypothèse où l’ouvrage serait particulièrement dan-
gereux.
 Les dommages subis par les tiers à un ouvrage public
Les tiers sont tous ceux qui n’utilisent pas l’ouvrage, qui n’en bénéficient
pas et qui ne le construisent pas.
A l’égard des tiers, le juge retient la responsabilité sans faute du défendeur.
11/31
*
1.1.2.4 Application des règles pertinentes aux faits pertinents.
► Application des règles générales du droit de la responsabilité administrative.
Il semble que soient réunies les conditions prescrites par les règles générales
du droit de la responsabilité administrative :
 Le fauconnier a subi un préjudice qui était
o direct - il a eu pour cause directe le fait imputé à ERDF,
o certain – électrocution
o et réparable – le préjudice subi par le fauconnier ne fait pas partie des
préjudices dont la réparation est exclue.
 un fait que le fauconnier impute à ERDF – la chute des fils à moyenne
tension ;
 une relation de causalité entre le fait imputé à ERDF et le préjudice.
► Application des règles relatives à la responsabilité pour dommages de tra-
vaux publics.
Au moment où il a subi le préjudice dont il a par la suite demandé répara-
tion, le fauconnier n’utilisait pas le pylône ; il ne le construisait ni ne
l’entretenait pas davantage.
Données pertinentes du cas pratique : « Sans utiliser ni le pylône, ni
l’étang, l’homme, un fauconnier, se livre […] »
N’ayant ni la qualité d’usager de cet ouvrage public, ni celle de partici-
pant à l’exécution de travaux publics y afférents, le fauconnier était un
tiers par rapport au pylône lorsqu’il a subi un dommage du fait de la
chute des fils à moyenne tension.
 La responsabilité encourue par le défendeur est donc une responsabilité sans
faute fondée sur le risque.
ERDF, en sa qualité de défenderesse, pouvait invoquer comme cause exonéra-
toire
 la force majeure et
 la faute de la victime.
Rappelons qu’en l’espèce, le fauconnier, qui a été électrocuté, semble avoir
subi un préjudice certain et réparable dont l’ouvrage public constitue la
cause la plus proche dans le temps et l’espace.
S’il a cependant été totalement débouté, non pour irrecevabilité mais sur le
fond, c’est, selon toute vraisemblance, parce que le tribunal administratif a
écarté cette cause apparente au profit de l’une des deux causes exonéra-
toires qu’ERDF était en droit d’invoquer : la force majeure ou la faute de la
victime.
 Nous soutenons que le tribunal a retenu la faute du fauconnier comme unique
cause du préjudice qu’il a subi, et ce, pour les raisons suivantes :
 Le comportement de l’oiseau et la chute des fils électriques ne présentent
pas le caractère d’événements de force majeure ; leur font défaut
l’imprévisibilité et l’extériorité par rapport au fauconnier, même si la
question de l’irrésistibilité prête à discussion ;
 Le comportement du fauconnier est pour le moins imprudent et donc
fautif : une séance de dressage d’un faucon à la chasse au vol près d’un
12/31
pylône de lignes électriques à moyenne tension révèle un goût certain
pour les risques inconsidérés.
*
1.1.2.5 Conclusion et réponse effective à l’interrogation n° 1 de la question
n° 1 du cas pratique.
► Les motifs du jugement par lequel le fauconnier a été totalement débouté
(au fond) de son action dirigée contre ERDF sont les suivants :
 En se livrant à une séance de dressage à la chasse au vol près du pylône
de la ligne électrique à moyenne tension, le fauconnier, tiers par rapport à
cet ouvrage public, a ipso facto commis une faute ;
 Cette faute a été considérée par le tribunal comme l’unique cause du
dommage de travaux publics qu’il a subi, ce qui a exonéré ERDF de toute
responsabilité.
*

1.2 Interrogation n°2 : Quels sont les motifs du jugement par lequel la commune a été con-
damnée à réparer l’intégralité du préjudice corporel et du préjudice
moral que la nageuse a subis ?

1.2.1 Le résumé de la réponse que le candidat devait formuler.


► Les motifs du jugement par lequel la commune a été condamnée à réparer
l’intégralité du préjudice corporel et du préjudice moral que la nageuse a subis sont les
suivants :
1.2.1.1 premièrement, la nageuse avait la qualité d’usager d’un ouvrage public
(l’étang artificiel) appartenant à la commune ;
1.2.1.2 deuxièmement, en cette qualité et à cause des rebords anormalement acérés de
l’étang, la nageuse a été blessée et a ainsi subi un préjudice corporel et un pré-
judice moral directs, certains et réparables ;
1.2.1.3 troisièmement, ces dommages de travaux publics permettaient d’engager la
responsabilité de la commune sur le terrain de la faute présumée (le défaut
d’entretien normal) car l’étang artificiel n’était pas exceptionnellement dange-
reux en dépit de ses rebords acérés ;
1.2.1.4 quatrièmement, le tribunal administratif n’a retenu aucune des trois causes
exonératoires que la commune était en droit d’invoquer : la force majeure, la
faute de la victime et le cas fortuit.
*
1.2.2 La démonstration précise de la réponse que le candidat devait formuler
dans le respect de la méthodologie du cas pratique.
Faits pertinents question et points de droit soulevés par ces faits pertinents règles per-
tinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles pertinentes
aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, réponse effective à la question posée

1.2.2.1 Exposé des faits pertinents.


Cf. exposé des faits relatifs à l’interrogation n° 1 de la question n° 1 du cas
pratique.
13/31
[…] la nageuse obtient la condamnation de la commune à réparer
l’intégralité du préjudice corporel et du préjudice moral qu’elle a subis.
*
1.2.2.2 Question et point de droit.
 Libellé originel de la question : Quels sont les motifs du jugement par lequel la
commune a été condamnée à réparer l’intégralité du préjudice corporel et du pré-
judice moral que la nageuse a subis ?
 Variante imposée notamment par l’exposé des faits pertinents :
 Pour quelles raisons de fait et de droit le tribunal administratif a-t-il con-
damné la commune à réparer l’intégralité du préjudice corporel et du pré-
judice moral subis par la nageuse ?
*
1.2.2.3 Exposé des règles pertinentes.
L’interrogation n° 2 de la question n° 1 du cas pratique soulève, comme la
précédente, un problème de responsabilité.
Les règles dont le tribunal a fait application sont donc celles qui régissent la
responsabilité de l’administration.
► Exposé des règles générales du droit de la responsabilité administrative.
Cf. supra, page 7, réponse à l’interrogation n° 1 de la question n° 1 du cas pratique.

► Exposé des règles qui régissent de manière spécifique les faits pertinents de
l’interrogation n° 2 de la question n° 1 du cas pratique.
L’étang artificiel dans lequel se baignait la victime est un ouvrage public.
Données pertinentes du cas pratique : « A Trantor-sur-Ciel, un ou-
vrage public laid et utile avoisine un ouvrage public inutile et beau. Le pre-
mier […] Le second, un étang artificiel, est la propriété de la commune de
Trantor. »
Le dommage subi par la nageuse est dû aux rebords anormalement acérés de
l’étang.
Etant donné que l’étang est un ouvrage public, le dommage subi par la na-
geuse est un dommage de travaux publics.
Pour l’exposé des règles applicables en cas de dommages de travaux pu-
blics, voir, page 8, la réponse à l’interrogation n° 1 de la question n° 1 du
cas pratique.
*
1.2.2.4 Application des règles pertinentes aux faits pertinents.
► Application des règles générales du droit de la responsabilité administrative.
Il ne fait aucun doute que sont réunies les conditions prescrites par les règles
générales du droit de la responsabilité administrative :
 La nageuse a subi au un préjudice corporel et un préjudice moral
donnés pour
o directs - ils ont eu pour cause directe les rebords anormalement acérés
de l’étang appartenant à la commune,
o certains – blessures, etc.
o et réparables – les préjudices subis par la nageuse ne font pas partie
des préjudices dont la réparation est exclue.
14/31
 un fait imputable à la commune – les rebords anormalement acérés de
l’étang appartenant à la commune ;
 une relation de causalité entre le fait imputé à la commune et les préju-
dices corporel et moral.
► Application des règles relatives à la responsabilité pour dommages de tra-
vaux publics.
Au moment où elle a subi les préjudices dont elle a par la suite demandé ré-
paration, la nageuse utilisait l’étang.
Données pertinentes du cas pratique : « La femme, une nageuse répu-
tée, s’applique à améliorer sa technique de la brasse papillon dans l’étang
[…] En essayant de sortir de l’eau, la nageuse se blesse grièvement sur les
rebords anormalement acérés de l’étang […] »
 Elle avait ainsi la qualité d’usager de l’ouvrage public à l’origine de ses préju-
dices.
Plutôt que de de renvoyer le lecteur à l’exposé présenté dans notre réponse à
l’interrogation n° 1, nous choisissons, dans le souci d’être compris sans dé-
lai, de rappeler ici qu’en cas de dommage de travaux publics subi par
l’usager d’un ouvrage public, le juge fait application soit du principe, soit
de l’exception.
 Le principe est que la responsabilité encourue par le défendeur (propriétaire ou
simplement responsable de l’état de l’ouvrage), est une responsabilité pour
faute présumée. Autrement dit, le juge renverse la charge de la preuve ; il pré-
sume que l’accident résulte d’une faute de l’administration, d’un défaut
d’entretien normal de l’ouvrage public. Le demandeur n’a pas à établir
l’existence de la faute, c’est-à-dire du défaut d’entretien normal ; au contraire,
il incombe au défendeur de démontrer qu’il a entretenu normalement l’ouvrage
public.
Pour exclure ou atténuer sa responsabilité, le défendeur peut invoquer
comme causes exonératoires la force majeure, la faute de la victime ou le
cas fortuit, mais non, en principe, le fait d’un tiers.
 Par exception, lorsque l’ouvrage public est exceptionnellement dangereux, la
responsabilité encourue par le défendeur est une responsabilité sans faute.
Les seules causes exonératoires invocables par le défendeur sont alors la
force majeure et la faute de la victime.
► En l’espèce, c’est le régime de la responsabilité pour faute présumée qui
s’applique.
Données pertinentes du cas pratique : « En essayant de sortir de l’eau,
la nageuse se blesse grièvement sur les rebords anormalement acérés de
l’étang qui n’est cependant pas d’une dangerosité exceptionnelle. »
*
1.2.2.5 Conclusion et réponse effective à l’interrogation n° 2 de la question n° 1
du cas pratique.
► Si la nageuse a obtenu la condamnation de la commune, c’est nécessairement parce
que les conditions de l’engagement de la responsabilité de cette dernière étaient réu-
nies. L’examen de ces conditions fait apparaître les motifs du jugement :
 La nageuse a subi un préjudice corporel et un préjudice moral certains et ré-
parables ;
15/31
 Ces préjudices ont pour cause directe un ouvrage public (l’étang artificiel)
appartenant à la commune ; ils revêtent donc un caractère direct ;
 La nageuse avait la qualité d’usager de cet ouvrage public municipal ;
 La commune n’a pas démontré qu’elle avait entretenu normalement son
étang artificiel dont les rebords acérés ne révélaient cependant pas une dan-
gerosité exceptionnelle ;
 La commune n’a pas réussi ou n’a pas cherché (rien ne nous permet de
choisir entre les deux verbes) à invoquer valablement une des causes exoné-
ratoires pertinentes en l’espèce. Au demeurant, s’il a été sollicité en ce sens,
le tribunal administratif a certainement consacré un considérant à la cause
exonératoire la plus plausible que la commune pouvait invoquer : le fait
d’un tiers. Il a dû rappeler que le fait d’un tiers n’était pas invocable lorsque
la responsabilité encourue était fondée sur une présomption de faute. Ainsi,
en l’espèce, la commune ne pouvait pas se prévaloir du comportement du
fauconnier et de la chute des fils à moyenne tension pour atténuer ou exclure
sa propre responsabilité. De surcroît, les faits pertinents ne révélaient pas
l’existence d’une force majeure ou d’une faute de la victime.

*
16/31
Notée
2 – Réponse à la question n°2 du cas pratique sur 7
Quelle illégalité externe l’association d’écologistes militants a-t-elle invoquée à
l’appui de son recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision du maire en date
du 20 avril 2010 ? Le tribunal administratif annulera-t-il cette décision du 20 avril
2010 ?
*
Nous exposerons une réponse synthétique à deux variantes :
1. la conclusion précise et concise à laquelle le candidat devait parvenir : va-
riante destinée aux lecteurs extrêmement pressés ;
2. la démonstration précise de la conclusion à laquelle le candidat devait
parvenir dans le respect de la méthodologie : variante destinée aux « happy
few ».
Pour dire les choses différemment et éviter toute ambiguïté, le candidat devait démontrer sa
réponse ; la première variante dont il est question ici n’a qu’un seul but : faire gagner du temps
aux lecteurs qui pensent ne pas en disposer suffisamment.
Les numéros (1.1, 1.2, 2.1, 2.1.1, etc.) qui précèdent les différents paragraphes qui suivent
dénotent un plan dit hiérarchique (« moderne », universel et… très prisé).

Réponses synthétiques
Deux interrogations (notées chacune sur 3,5) dans cette question n°2 du cas pratique :
2.1 Interrogation n°1 : Quelle illégalité externe l’association d’écologistes militants a-t-elle
invoquée à l’appui de son recours pour excès de pouvoir dirigé
contre la décision du maire en date du 20 avril 2010 ?
2.2 Interrogation n°2 : Le tribunal administratif annulera-t-il cette décision du 20 avril
2010 ?
Voici les réponses synthétiques à ces deux interrogations :

2.1 Interrogation n°1 : Quelle illégalité externe l’association d’écologistes militants a-t-elle
invoquée à l’appui de son recours pour excès de pouvoir dirigé contre
la décision du maire en date du 20 avril 2010 ?

2.1.1 Le résumé de la réponse que le candidat devait formuler.


2.1.1.1 A l’appui de son recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision
du maire en date du 20 avril 2010, l’association d’écologistes militants a
invoqué l’illégalité externe suivante : le vice de procédure.
2.1.1.2 En effet, il ressort, « avec la force de l’évidence », de la lecture du cas
pratique et de ses annexes, que le maire a méconnu l’obligation à laquelle
il était tenu de n’accorder une autorisation d’installer une enseigne publi-
citaire sur un immeuble classé comme monument historique que si
17/31
l’architecte des bâtiments de France, dûment consulté, à ce sujet, avait
émis un avis favorable à une telle autorisation.
2.1.2 La démonstration précise de la réponse que le candidat devait for-
muler dans le respect de la méthodologie du cas pratique.
Faits pertinents question et points de droit soulevés par ces faits pertinents règles
pertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles perti-
nentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, réponse effective à la ques-
tion posée

2.1.2.1 Exposé des faits pertinents.


Nombre d’immeubles du centre de Trantor sont classés comme monuments
historiques. Ce classement, au contraire de celui qui a trait aux monuments
naturels, revêt une grande importance pour notre réponse, même s’il n’en
présente aucun aux yeux du maire, que n’inquiète guère le réchauffement
climatique.
Par une décision datée du 20 avril 2010, le maire de Trantor a accordé à
l’entreprise Martin et fils l’autorisation d’installer une enseigne publicitaire
sur un immeuble classé comme monument historique mais situé en dehors
du parc naturel régional de la ville.
Cette décision a été prise malgré l’avis défavorable de l’architecte des bâti-
ments de France que le maire avait consulté dans le respect des règles en vi-
gueur.
Le 28 avril 2010, une association d’écologistes militants forme, dans le res-
pect des règles, un recours pour excès de pouvoir contre la décision du maire
en invoquant comme argument l’illégalité externe qui ressort avec la force
de l’évidence de la lecture du cas pratique et de ses annexes.
 Définitions :
 Un recours pour excès de pouvoir est l’acte de procédure par lequel
on demande au juge administratif d’annuler un acte administratif que
l’on estime illégal.
 Une illégalité externe, s’agissant d’un acte administratif, est un man-
quement à une règle relative
o à la compétence de l’auteur (incompétence),
o à la forme (vice de forme) ou
o à la procédure conduisant à l’adoption de l’acte.
*
2.1.2.2 Question et point de droit.
 Libellé originel de la question : Quelle illégalité externe l’association
d’écologistes militants a-t-elle invoquée à l’appui de son recours pour excès
de pouvoir dirigé contre la décision du maire en date du 20 avril 2010 ?
 Variante imposée par l’exposé des faits pertinents et par nos défini-
tions : En demandant au tribunal administratif d’annuler la décision en
date du 20 avril 2010 par laquelle le maire a accordé à l’entreprise Martin
et fils l’autorisation d’installer une enseigne publicitaire sur un immeuble
classé comme monument historique mais situé en dehors du parc naturel
régional de la ville, l’association d’écologistes militants a-t-elle invoqué
l’incompétence du maire, un vice de forme ou un vice de procédure ?
18/31
 Point de droit : de quelle règle de légalité externe pouvons-nous dire avec
certitude
 qu’elle est mise en évidence dans le cas pratique ou ses annexes en tant
que norme régissant l’octroi de l’autorisation d’installer une enseigne pu-
blicitaire
 et que, selon les données pertinentes du cas pratique, elle a été méconnue
par le maire ?
*
2.1.2.3 Exposé des règles pertinentes.
Les faits pertinents qui sous-tendent l’interrogation n° 1 de la question n° 2
ainsi que les annexes au cas pratique imposent la certitude que la règle de
légalité externe pertinente est la procédure consultative.
 La consultation, c’est la formalité consistant, de la part d’une autorité
administrative, à solliciter l’avis d'une autorité individuelle ou d'un or-
ganisme avant de prendre une décision.
L’article R.581-62 du code de l’environnement dispose en substance :
« L'autorisation d'installer une enseigne publicitaire est délivrée par le maire.
Cette autorisation est délivrée :
1° Après avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France lorsqu'elle
concerne l'installation d'une enseigne sur un immeuble classé parmi les mo-
numents historiques ;
2° Après avis de l'architecte des Bâtiments de France lorsqu'elle concerne
l'installation d'une enseigne sur un immeuble situé dans un parc naturel régio-
nal. »
Ces dispositions ne s’appliquent pas dans leur totalité au cas d’espèce, car
elles prévoient, sous la forme d’une alternative, deux types de consultation
correspondant chacun à une hypothèse relativement bien décrite :
1. Une consultation obligatoire avec avis conforme
 Définition : dans cette hypothèse, les textes obligent l'administra-
tion à consulter (consultation obligatoire) et ils l'obligent également à
suivre l'avis qui lui est délivré, à s'y conformer (avis conforme).
2. Une consultation obligatoire avec avis facultatif
 Définition : dans cette hypothèse, les textes obligent l'administra-
tion à consulter (consultation obligatoire) mais ils ne l'obligent pas à
suivre l'avis qui lui est délivré (avis facultatif).
Selon les dispositions précitées de l’article R.581-62 précité, le maire se
soumet
 à une consultation obligatoire avec avis conforme lorsqu’il décide
d’autoriser l’installation d’une enseigne publicitaire sur un immeuble
classé comme monument historique ;
 à une consultation obligatoire avec avis facultatif lorsqu’il décide
d’autoriser l’installation d’une enseigne publicitaire sur un immeuble
situé dans un parc naturel régional.
19/31
► A quel type de consultation le maire de Trantor devait-il se soumettre ?
Deux indices nous orientent vers la bonne réponse, car ils permettent respec-
tivement
 de retenir, de manière directe, la consultation obligatoire avec avis con-
forme ;
Données pertinentes du cas pratique : « […] le maire a accordé, par
une décision datée du 20 avril 2010, à l’entreprise Martin et fils
l’autorisation d’installer une enseigne publicitaire sur un immeuble classé
comme monument historique […] »
 et d’exclure la consultation obligatoire avec avis facultatif ;
Données pertinentes du cas pratique : « […] le maire a accordé, par
une décision datée du 20 avril 2010, à l’entreprise Martin et fils
l’autorisation d’installer une enseigne publicitaire sur un immeuble classé
comme monument historique mais situé en dehors du parc naturel régio-
nal de la ville. »
La conjonction de ces deux indices
 nous épargne l’obligation de trancher un éventuel conflit entre le 1° et
le 2° de l’article R.581-62
 et nous conduit à conclure que le maire devait se plier aux règles rela-
tives à l’adoption de décisions subordonnées à une consultation obli-
gatoire avec avis conforme.
► Quelles sont précisément les règles qui régissent l’adoption de décisions su-
bordonnées à une consultation obligatoire avec avis conforme ?
Ces règles portent sur les deux étapes que comprend toute consultation : les
modalités de la consultation et les suites à donner à l’avis.
 Les modalités de la consultation.
Le caractère obligatoire d’une consultation impose à l’autorité administra-
tive le respect de deux règles essentielles dont la méconnaissance constitue
une irrégularité qui peut être soulevée d’office par le juge, quel que soit
l’organisme consultatif - CE, 8 juin 1994, Mme Laurent, n° 127032 :
 Elle doit procéder à la consultation prévue ;
 Elle doit le faire d’une manière effective et complète, l’organe ou
l’organisme consultatif étant saisi de toutes les questions pertinentes
que soulève le projet de décision. En effet, que la consultation obliga-
toire soit ou non assortie d’un avis conforme, l'autorité administrative
ne pourra pas prendre une décision traitant de questions nouvelles par
rapport au projet soumis à consultation et aux observations ou sugges-
tions éventuellement émises par l’organe ou l'organisme consultatif -
CE, 28 avril 1954, Commune de Willer-sur-Thur.
 Les suites à donner à l’avis.
La consultation étant assortie d’un avis conforme, l’autorité administrative
est liée par cet avis.
Concrètement, aucune décision dont le sens est régi par l’avis ne peut être
prise si l'avis est défavorable, et, en cas d'avis favorable sous réserve, la dé-
cision n'est légale que si elle tient compte de cette réserve.
En revanche, si l’avis est favorable, l’autorité administrative a, en principe,
le droit de ne prendre aucune décision explicite, ou de prendre une décision
contraire à cet avis.
20/31

2.1.2.4 Application des règles pertinentes aux faits pertinents.


► Le maire a-t-il respecté
 les règles relatives aux modalités de la consultation
 ainsi que les règles portant sur les suites à donner à l’avis ?
 L’application des règles relatives aux modalités de la consultation.
Leur respect par le maire est expressément donné pour certain dans le libellé
même du cas pratique.
Données pertinentes du cas pratique : « […] l’architecte des bâti-
ments de France qu’il avait consulté dans le respect des règles en vi-
gueur […] »
En d’autres termes, le maire s’est correctement acquitté de son obligation de
consulter l’architecte des bâtiments de France.
 L’application des règles portant sur les suites à donner à l’avis.
Ces règles ont été méconnues par le maire. En effet, selon l’article R.581-
62, l'autorisation d’installer une enseigne publicitaire sur un immeuble clas-
sé comme monument historique ne peut être délivrée par le maire qu’à la
suite d’un avis favorable de l’architecte des bâtiments de France. Or,
 d’une part, l’architecte des bâtiments de France a émis un avis défavo-
rable,
 et d’autre part, le maire a accordé l’autorisation sollicitée.
Données pertinentes du cas pratique : « […] malgré l’avis défavo-
rable de l’architecte des bâtiments de France qu’il avait consulté dans le
respect des règles en vigueur, le maire a accordé, par une décision datée
du 20 avril 2010, à l’entreprise Martin et fils l’autorisation d’installer une
enseigne publicitaire sur un immeuble classé comme monument histo-
rique […] »
En méconnaissant ainsi une règle essentielle portant sur les suites à donner à un
avis émis dans le cadre d’une consultation obligatoire avec avis conforme, le
maire a commis une illégalité externe, plus précisément un vice de procédure.
 Définition : le vice de procédure, c’est l’illégalité résultant de
l’inobservation d’une formalité substantielle requise pour l’édiction
d’un acte administratif.
*
2.1.2.5 Conclusion et réponse effective à l’interrogation n° 1 de la ques-
tion n° 2 du cas pratique.
L’article R.581-62 du code de l’environnement soumet la délivrance, par le
maire, d’une autorisation d’installer une enseigne publicitaire sur un im-
meuble classé comme monument historique à une consultation obligatoire
avec avis conforme de l’architecte des bâtiments de France.
Si le maire a régulièrement consulté l’architecte des bâtiments de France, il
a en revanche, par sa décision du 20 avril 2010, méconnu l’obligation qui lui
incombait de se conformer à l’avis recueilli, c’est-à-dire de s’abstenir
d’accorder l’autorisation lorsque, comme en l’espèce, l’avis recueilli y est
défavorable.
Cette méconnaissance constitue en principe un vice de procédure.
21/31
Telle est donc l’illégalité externe que l’association d’écologistes militants a
invoquée à l’appui de son recours pour excès de pouvoir dirigé contre la dé-
cision du maire en date du 20 avril 2010.

***

2.2 Interrogation n°2 : Le tribunal administratif annulera-t-il cette décision du 20 avril


2010 ?

2.2.1 Le résumé de la réponse que le candidat devait formuler.


2.2.1.1 Au vu des données pertinentes du cas pratique, le tribunal administratif
annulera cette décision du 20 avril 2010.
2.2.1.2 En effet,
 d’une part, le maire a méconnu l’obligation qu’il avait de se confor-
mer à l’avis défavorable de l’architecte des bâtiments de France ;
 d’autre part, rien ne permet de retenir l’un des facteurs qui sont habi-
tuellement propres à couvrir le vice de procédure qu’il a ainsi com-
mis : caractère non substantiel de la formalité, exercice d’une compé-
tence liée, impossibilité d’accomplir la formalité ou inutilité de son
accomplissement, situation d’urgence ou circonstances exception-
nelles.
*
2.2.2 La démonstration précise de la réponse que le candidat devait for-
muler dans le respect de la méthodologie du cas pratique.
Faits pertinents question et points de droit soulevés par ces faits pertinents règles
pertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles perti-
nentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, réponse effective à la
question posée

2.2.2.1 Exposé des faits pertinents.


Cf. page 17, exposé des faits de la réponse à l’interrogation n°1 de la ques-
tion n° 2 du cas pratique.
[…] Le 28 avril 2010, une association d’écologistes militants forme, dans le
respect des règles, un recours pour excès de pouvoir contre la décision du
maire en invoquant comme argument l’illégalité externe qui ressort avec la
force de l’évidence de la lecture de ces lignes et des annexes
L’affaire est encore pendante devant le tribunal administratif de Trantor.
 Définition :
 Affaire pendante devant une juridiction : affaire en cours
d’examen devant une juridiction, cette dernière n’ayant pas encore
statué.
*
2.2.2.2 Question et point de droit.
 Libellé originel de la question : Le tribunal administratif annulera-t-il
cette décision du 20 avril 2010 ?
22/31
 Cette interrogation est beaucoup moins anodine qu’il n’y paraît. Une ju-
ridiction administrative n’annule une décision faisant l’objet d’un recours
pour excès de pouvoir que si deux conditions sont réunies :
 Le recours pour excès de pouvoir est recevable
 La décision attaquée est illégale.
► Etant donné que les règles relatives à la recevabilité des recours ne sont pas
comprises dans le programme des révisions et que de toute façon le cas pra-
tique ne fournit aucune donnée pertinente à ce sujet, c’est uniquement la
condition relative à la légalité de la décision du 20 avril qui retiendra notre
attention.
L’interrogation n°2 « Le tribunal administratif annulera-t-il cette décision du
20 avril 2010 ? » doit donc être comprise de la manière suivante : « Cette
décision du 20 avril 2010 est-elle illégale ? »
► Nous ne saurions toutefois nous contenter de ce progrès dans la compréhen-
sion de l’interrogation n°2. Nous pouvons aller plus loin.
En effet, puisque nous avons démontré, dans notre réponse à l’interrogation
précédente (n°1) que le maire avait méconnu l’obligation qu’il avait de se
conformer à l’avis défavorable de l’architecte des bâtiments de France,
l’interrogation n°2, que nous examinons ici, peut et doit être comprise ainsi :
Existe-t-il en l’espèce des facteurs de nature à empêcher le tribunal admi-
nistratif de retenir l’illégalité résultant de la méconnaissance par le maire
de son obligation de se conformer à l’avis de l’architecte des bâtiments de
France ?
 Point de droit :
 Dans quels cas, la violation de l’une des règles constitutives de la lé-
galité n’est-elle pas considérée, par le juge, comme une illégalité de
nature à entraîner l’annulation de la décision en cause ?
 en l’espèce, le tribunal administratif appelé à statuer sur la légalité de
la décision du 20 avril 2010 est-il confronté à l’un de ces cas ?
Les réponses à ces deux questions de droit découleront respectivement
 de l’exposé des règles pertinentes et
 de l’application des règles aux faits pertinents.
*
2.2.2.3 Exposé des règles pertinentes.
► Dans quels cas, la violation de l’une des règles constitutives de la légalité
n’est-elle pas considérée, par le juge, comme une illégalité de nature à en-
traîner l’annulation de la décision en cause ?
Le cours décrit précisément ces différents cas, qui sont au nombre de six :
caractère non substantiel d’une formalité, impossibilité d’accomplir une
formalité ou inutilité de son accomplissement, exercice d’une compétence
liée, situation d’urgence et période de circonstances exceptionnelles.
 Le caractère non substantiel d’une formalité.
La jurisprudence distingue
 d’une part, les formalités substantielles, c’est-à-dire les formalités
dont le respect s’impose à l’administration
23/31
 et, d’autre part, les formalités non substantielles, c’est-à-dire les for-
malités que l’administration peut méconnaître sans commettre
d’illégalité.
Le critère de la distinction n’est pas facile à définir.
Certes, une formalité imposée par les textes est présumée substantielle. Mais
il ne s’agit que d’une présomption simple.
En effet, l’idée dominante, c’est que les formalités n’ont d’intérêt que dans
la mesure où elles constituent des garanties destinées à protéger tout à la fois
les administrés et l'administration elle-même.
En conséquence, pour décider si une formalité est substantielle ou non, le
juge se pose une question précise : l’omission de cette formalité ou les irré-
gularités commises lors de son accomplissement ont-elles eu une influence
déterminante sur le sens de la décision administrative attaquée ?
 L’impossibilité d’accomplir une formalité ou l’inutilité de son accomplis-
sement.
L’inobservation d’une formalité substantielle ne constitue pas un vice de
procédure et n’entraîne pas l’annulation de l’acte
 si le respect de la formalité était inutile. Par exemple, avant certaines
réquisitions, la loi prévoit une procédure d’entente amiable entre
l’administration et l’intéressé. S’il appert d’une manière évidente que
ce dernier refusera tout accord, en raison de son attitude antérieure, il
est inutile de respecter la procédure d’entente amiable ;
 si le respect de la formalité s’est révélé impossible. C’est la théorie
des formalités impossibles : impossibilité matérielle ou impossibilité
tenant à la mauvaise volonté des administrés. Par exemple, lorsque les
membres d’un organisme consultatif ont délibérément refusé de siéger,
on ne peut reprocher à l’administration de ne pas avoir procédé à la
consultation prescrite par les textes.
 L’exercice d’une compétence liée.
 Définitions :
 Il y a compétence liée (ou pouvoir lié) lorsqu’en présence de cer-
taines circonstances - de certains motifs de fait - l’autorité adminis-
trative est légalement tenue d’agir ou de décider dans un sens dé-
terminé sans pouvoir choisir une autre solution, ni apprécier libre-
ment lesdites circonstances de fait.
 Il y a compétence discrétionnaire (ou pouvoir discrétionnaire) lors-
qu’en présence de telle ou telle circonstance - de tel ou tel motif de
fait -, l’autorité administrative est libre de prendre telle ou telle dé-
cision.
D'une manière générale, si l’administration a compétence liée, si elle était
tenue de prendre la décision qu’elle a prise, on ne peut obtenir du juge
l’annulation de cette décision. On ne saurait soulever contre cette décision
aucun des moyens suivants :
 l’incompétence de l’auteur de la décision ;
 le vice de forme ou de procédure ;
 le détournement de pouvoir.
Tous ces arguments, tous ces moyens seront considérés comme inopérants.
Par moyens inopérants, on entend des moyens qui, même s’ils étaient fon-
24/31
dés, ne pourraient jamais entraîner l’annulation de la décision attaquée. Le
juge estime donc qu’il n’y a pas lieu d’examiner le bien-fondé de ces
moyens. Il s’appuie sur un argument de bon sens : si la décision litigieuse
était annulée, la compétence liée contraindrait l’autorité administrative à re-
prendre la même décision.
 L’existence d’une situation d’urgence ou de circonstances exception-
nelles.
Même si on peut les distinguer par leur degré d’anormalité, les situations
d’urgence et les circonstances exceptionnelles ont en commun de permettre
à l’autorité administrative de s’affranchir des règles de forme et de procé-
dure – Cf. cours, Légalité 2/2.

*
2.2.2.4 Application des règles pertinentes aux faits pertinents.
► La lecture des faits pertinents révèle-t-elle l’existence de l’un quelconque des
facteurs ci-dessus exposés, à savoir
 Le caractère non substantiel de la consultation de l’architecte des bâti-
ments de France,
 L’impossibilité de consulter l’architecte des bâtiments de France ou
l’inutilité de cette consultation,
 Le fait que l’octroi de l’autorisation relève de l’exercice d’une compé-
tence liée,
 L’existence d’une situation d’urgence ou de circonstances exception-
nelles ?
► En l’espèce, aucun de ces facteurs ne peut être retenu.
 Le caractère non substantiel de la consultation de l’architecte des bâtiments de
France.
Cours, Légalité 1/2, p. 26 : « Une consultation obligatoire a toujours le carac-
tère d’une formalité substantielle. Toute irrégularité commise dans une consulta-
tion obligatoire - comme du reste dans une consultation facultative – est suscep-
tible d’entacher d’illégalité la décision prise. »
La consultation de l’architecte des bâtiments de France est imposée par
l’article R.581-26 du code de l’environnement ; ayant ainsi un caractère
obligatoire, elle doit être considérée comme une formalité substantielle.
 L’impossibilité de consulter l’architecte des bâtiments de France ou
l’inutilité de cette consultation.
Le maire a bien consulté l’architecte des bâtiments de France, et rien n’incite
à douter de l’utilité de l’avis qu’il a recueilli.
 Le fait que l’octroi de l’autorisation relève de l’exercice d’une compé-
tence liée.
Aucune donnée pertinente du cas pratique n’autorise une telle qualification.
Qui plus est, il serait paradoxal que les textes enferment le maire dans les
limites étroites de la compétence liée tout en l’obligeant à solliciter l’avis
conforme de l’architecte des bâtiments de France.
25/31
 L’existence d’une situation d’urgence ou de circonstances exception-
nelles.
Les données du cas pratique ne révèlent aucun indice dans ce sens. Bien au
contraire.
Données pertinentes du cas pratique : « Méthode politiquement
éprouvée certes, mais argumentaire juridiquement inopérant devant un tri-
bunal administratif déterminé à ne pas s’écarter de la légalité normale dans
des circonstances somme toute ordinaires.»
*
2.2.2.5 Conclusion et réponse effective à l’interrogation n° 2 de la ques-
tion n° 2 du cas pratique.
► Au vu des données pertinentes du cas pratique, le tribunal administratif annu-
lera cette décision du 20 avril 2010.
En effet,
 d’une part, le maire a méconnu l’obligation qu’il avait de se confor-
mer à l’avis défavorable de l’architecte des bâtiments de France ;
 d’autre part, rien ne permet de retenir l’un des facteurs qui sont habi-
tuellement propres à couvrir le vice de procédure qu’il a ainsi com-
mis : caractère non substantiel de la formalité, exercice d’une compé-
tence liée, l’impossibilité d’accomplir la formalité ou l’inutilité de
son accomplissement, situation d’urgence ou circonstances excep-
tionnelles.

*****
26/31

3 – Réponse à la question n°3 du cas pratique Notée


sur 6
Au regard des données pertinentes du cas pratique, l’arrêté du maire en date du
16 décembre 2010 vous paraît-il légal ?

Nous exposerons une réponse synthétique à deux variantes :


a. la conclusion précise et concise à laquelle le candidat devait parvenir : va-
riante destinée aux lecteurs extrêmement pressés ;
b. la démonstration précise de la conclusion à laquelle le candidat devait
parvenir dans le respect de la méthodologie : variante destinée aux « happy
few ».
Pour dire les choses différemment et éviter toute ambiguïté, le candidat devait démontrer sa
réponse ; la première variante dont il est question ici n’a qu’un seul but : faire gagner du temps
aux lecteurs qui pensent ne pas en disposer suffisamment.
Les numéros (1.1, 1.2, 2.1, 2.1.1, etc.) qui précèdent les différents paragraphes qui suivent
dénotent un plan dit hiérarchique (« moderne », universel et… très prisé).

Réponse synthétique
Une seule interrogation dans cette question n°3 du cas pratique :
3.0 Interrogation unique : Au regard des données du cas pratique, l’arrêté du maire en
date du 16 décembre 2010 vous paraît-il légal ?
Voici la réponse synthétique à cette interrogation :

3.0 Interrogation unique : Au regard des données du cas pratique, l’arrêté du maire en
date du 16 décembre 2010 vous paraît-il légal ?

3.0.1 La conclusion précise et concise à laquelle le candidat devait parvenir.


► Non, au regard des données du cas pratique, l’arrêté du maire en date du 16 décembre
2010 ne nous paraît pas légal. Cette réponse est adossée aux motifs qui suivent :
3.0.1.1 En décidant, par l’arrêté daté du 16 décembre 2010 de ne pas titulariser
Mlle Marion Bouchard, le maire poursuivait un seul but : améliorer son
image politique à l’approche des élections municipales ;
3.0.1.2 Ce but unique n’est pas un but d’intérêt général, mais un but d’intérêt
privé et politique ;
3.0.1.3 Etant donné que la compétence du maire n’est pas liée et que les circons-
tances revêtent un caractère on ne peut plus ordinaire, la poursuite de ce
but unique entache de détournement de pouvoir l’arrêté en date du 16
décembre 2010.
*
27/31
3.0.2 La démonstration précise de la réponse quel le candidat devait for-
muler dans le respect de la méthodologie du cas pratique.
Faits pertinents question et points de droit soulevés par ces faits pertinents règles
pertinentes permettant de trancher ces points de droit application des règles perti-
nentes aux points de droit (donc aux faits pertinents) et, ipso facto, réponse effective à la ques-
tion posée

3.0.2.1 Exposé des faits pertinents.


Mlle Marion Bouchard était fonctionnaire stagiaire dans l’un des services de
la commune de Trantor. Elle avait sans doute la certitude d’être titularisée à
la fin de son stage, car le maire ne tarissait pas d’éloges sur sa manière de
servir.
Pourtant, par un arrêté en date du 16 décembre 2010, le maire refuse, sans y être
contraint par une quelconque disposition législative, réglementaire ou autre, la titu-
larisation de Mlle Marion Bouchard comme attachée de conservation du patri-
moine.
Mlle Marion Bouchard forme un recours pour excès de pouvoir contre ce re-
fus. Elle avance un seul argument : la décision du maire a pour unique but
d’améliorer son image politique à l’approche des élections municipales.
Entre parenthèses, cet argument est incontestable, mais l’affaire n’a pas en-
core été jugée par le tribunal administratif.
*
3.0.2.2 Question et points de droit.
 Libellé originel de la question : Au regard des données pertinentes du cas
pratique, l’arrêté du maire en date du 16 décembre 2010 vous paraît-il lé-
gal ?
 Variante imposée par l’exposé des faits pertinents :
 Quelle illégalité Mlle Marion Bouchard a-t-elle invoquée au soutien de
son recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’arrêté du maire en date
du 16 décembre 2010 ?
 Le tribunal administratif pourrait-il retenir cette illégalité comme motif
pour annuler l’arrêté du maire ?
3.0.2.3 Exposé des règles pertinentes.
► Quelle illégalité Mlle Marion Bouchard a-t-elle invoquée au soutien de son
recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’arrêté du maire en date du 16
décembre 2010 ?
La réponse à cette question est un préalable à l’exposé des règles perti-
nentes ; à son tour, cet exposé permettra de répondre à la seconde question :
le tribunal administratif pourrait-il retenir cette illégalité comme motif pour
annuler l’arrêté du maire ?
 Les faits pertinents du cas pratique n’incitent nullement à parcourir toute la
liste des illégalités. En effet, ils n’autorisent qu’une seule réponse à la pre-
mière question : au soutien de son recours pour excès de pouvoir dirigé
contre l’arrêté du maire en date du 16 décembre 2010, Mlle Marion Bou-
chard a invoqué le détournement de pouvoir comme moyen de légalité.
Données pertinentes du cas pratique : « A l’appui du recours pour ex-
cès de pouvoir qu’elle a formé contre ce refus, Mlle Marion Bouchard
28/31
avance un seul argument : la décision du maire a pour unique but
d’améliorer son image politique à l’approche des élections municipales. »

 Définition :
 Détournement de pouvoir : il y a détournement de pouvoir
lorsqu’une autorité administrative use de sa compétence - de ses
pouvoirs - en vue d’un but autre que celui que pour lequel cette
compétence lui a été attribuée.
► L’autorité administrative doit respecter deux principes :
1. Elle ne doit agir qu’en vue d’un but d’intérêt général. Seul le service de
l’intérêt général justifie les prérogatives exorbitantes dont bénéficient les
autorités administratives ;
2. Une autorité administrative ne peut agir en vue de n’importe quel but
d’intérêt général. En effet, à chaque domaine de compétence est assigné un
but d’intérêt général spécifique.
En somme, une autorité administrative ne doit pas seulement viser un but
d’intérêt général, elle doit également viser le bon but d’intérêt général sinon elle
pourrait commettre un détournement de pouvoir.
► Il est deux manières de méconnaître les deux principes précités, donc deux mo-
dalités du détournement de pouvoir :
1. L’édiction d’un acte dans un but étranger à l’intérêt général
Dans cette hypothèse, le détournement de pouvoir résulte du fait que
l’administration a usé de ses pouvoirs en vue d’un but d’intérêt particulier
ou, en tout cas, non général. L’acte administratif litigieux peut avoir été
inspiré par des mobiles privés, personnels ou politiques (Cf. C.E., 13 janvier
1995, Syndicat autonome des inspecteurs de l’administration ; 8 janvier 1971,
Association des magistrats et anciens magistrats de la Cour des Comptes Ass.,
13 juillet 1962, Sieur Bréart de Boisanger).
2. L’édiction d’un acte dans un but d’intérêt général différent du but
légalement prévu
Dans cette hypothèse, le détournement de pouvoir résulte du fait que
l’administration a usé de ses pouvoirs en vue d’un but d’intérêt général
autre que celui pour lequel ces pouvoirs lui ont été conférés.
L’illustration la plus parlante en est fournie par l’exercice du pouvoir de
police en vue d’un but financier – Cf. C.E., C.E., 26 novembre 1875, Pariset
(Rec. p.934) ; 26 novembre 1875, Laumonnier-Carriol (Rec. p.936) ; 3 juillet
1998, Commune de la Bruguière (RFDA 1998, pp.1062-1063).

► Toutefois, le juge estime qu’il n’y a pas de détournement de pouvoir dans


les cas suivants :
 coexistence, d’une part, d’un « bon » but d’intérêt général et, d’autre
part, d’un « mauvais » but d’intérêt général ou d’un but étranger à
l’intérêt général,
 exercice d’une compétence liée,
 situation d’urgence ou circonstances exceptionnelles.
*
29/31
3.0.2.4 Application des règles pertinentes aux faits pertinents.
► Il ressort des faits pertinents du cas pratique
 que, par l’arrêté daté du 16 décembre 2010, le maire poursuivait un seul
but : améliorer son image politique à l’approche des élections municipales,
sans doute en apparaissant comme l’homme politique qui réduit effective-
ment le nombre des fonctionnaires,
 et que ce but unique n’est pas d’intérêt général mais d’intérêt politique et
personnel.
 Dès lors, l’application des règles pertinentes relatives au but incite à conclure
que le maire a entaché sa décision de détournement de pouvoir.
► Il est toutefois justifié de se demander cette l’illégalité apparente est réelle.
Autrement dit, la poursuite de ce but unique et étranger à l’intérêt général
s’inscrit-elle dans le contexte d’une compétence liée, d’une situation d’urgence
ou de circonstances exceptionnelles ?
De toute évidence, la réponse est négative :
 Le maire n’a pas agi dans l’exercice d’une compétence liée.
Données pertinentes du cas pratique : « […] le maire refuse, sans y
être contraint par une quelconque disposition législative, réglementaire ou
autre, la titularisation de Mlle Marion Bouchard comme attachée de conser-
vation du patrimoine. »
 Il n’y avait ni urgence, ni circonstances exceptionnelles.
Données pertinentes du cas pratique : « Méthode politiquement
éprouvée certes, mais argumentaire juridiquement inopérant devant un tri-
bunal administratif déterminé à ne pas s’écarter de la légalité normale dans
des circonstances somme toute ordinaires. » Cf. également réponse à la
question n° 2.
► Ainsi donc, rien ne s’oppose à la reconnaissance de l’illégalité, c’est-à-dire du
détournement de pouvoir qui entache l’arrêté en date du 16 décembre 2010.
*
3.0.2.5 Conclusion et réponse effective à l’interrogation n° 2 de la question
n° 1 du cas pratique.
► Non, au regard des données du cas pratique, l’arrêté du maire en date du 16 dé-
cembre 2010 ne nous paraît pas légal. Cette réponse est adossée aux motifs qui
suivent :
 En décidant par l’arrêté daté du 16 décembre 2010, le maire poursuivait un
seul but : d’améliorer son image politique à l’approche des élections muni-
cipales ;
 Ce but unique n’est pas un but d’intérêt général, mais un but d’intérêt privé
et politique ;
 Etant donné que la compétence du maire n’est pas liée et que les circons-
tances revêtent un caractère on ne peut plus ordinaire, la poursuite de ce but
unique entache de détournement de pouvoir l’arrêté en date du 16 décembre
2010.

***/***
30/31

Annexe : source d’inspiration pour l’interrogation n° 1 de la question n° 1.


CAA de Bordeaux, 26 février 2001, M. X., n° 98BX00080

Cour administrative d'appel de Bordeaux

N° 98BX00080
2e CHAMBRE
Inédit au recueil Lebon
Mlle ROCA, rapporteur
M. REY, commissaire du gouvernement

lecture du lundi 26 février 2001


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 19 janvier 1998 et complétée le 29 janvier, présen-


tée pour M. Christian X... demeurant à "Laoumet", Laplume (Lot-et-Garonne) ;
M. X... demande à la cour :
- d'annuler le jugement du 22 juillet 1997 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa
demande à fin d'indemnité dirigée contre Electricité de France en réparation du préjudice subi à la
suite de la mort par électrocution, lors d'un vol d'entraînement de son faucon pèlerin destiné à la
chasse au vol ;
- de condamner Electricité de France à lui verser la somme de 150 000 F au titre de ce préjudice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 Pluviôse an VIII ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2001 :
- le rapport de Mlle ROCA ;
- les observations de Maître Y..., collaboratrice de la SCP PEYRELONGUE-KAPPELHOFF-
LANCON, avocat d'Electricité de France ;
- et les conclusions de M. REY, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'Electricité de France est en principe responsable, même en l'absence de faute relevée
à sa charge, des dommages causés aux tiers par ses ouvrages publics à moins que ces dommages
soient imputables à une faute de la victime ou à la force majeure ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le décès par électrocution du faucon pèlerin appartenant
à M. X..., au cours d'une séance de dressage à la chasse au vol, a été causé par le contact avec un
31/31
pylône d'une ligne électrique à moyenne tension ; que cet accident est exclusivement imputable à la
faute de M. X... qui, bien qu'ayant une parfaite connaissance des lieux et donc de l'existence de l'ou-
vrage public, a entrepris le dressage de l'animal à proximité de la ligne électrique, dont il ne pouvait
ignorer le danger qu'elle représentait pour les oiseaux ; que la circonstance qu'il avait obtenu une
autorisation préfectorale pour ce type de chasse et qu'il se trouvait dans l'aire de vol délimitée par
cette autorisation, ne pouvait le dispenser de faire preuve de la vigilance nécessaire pour procéder en
toute sécurité au dressage de l'animal ; que, dès lors, M. X..., qui a commis une faute de nature, dans
les circonstances de l'espèce, à exonérer Electricité de France de toute responsabilité, n'est pas fondé
à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté
sa demande ;

Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.

Abstrats : 60-01-02-01-03-01-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS


SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT
DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE ENCOU-
RUE DU FAIT DE L'EXECUTION, DE L'EXISTENCE OU DU FONCTIONNEMENT DE TRA-
VAUX OU D'OUVRAGES PUBLICS - VICTIMES AUTRES QUE LES USAGERS DE L'OU-
VRAGE PUBLIC - TIERS
60-04-02-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - CAUSES
EXONERATOIRES DE RESPONSABILITE - FAUTE DE LA VICTIME

Vous aimerez peut-être aussi