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L a France est l’un des très rares pays européens qui ont fait le choix de poursuivre
le développement quantitatif d’un parc de logements locatifs sociaux. À ce titre,
si l’on en croit les annonces du secrétaire d’État chargé du logement, Benoist
1
Apparu, l’année 2010 constitue même un record, avec le financement de plus de 130
000 nouvelles unités [1]. Une telle performance semble contradictoire avec les
inquiétudes constamment énoncées par les représentants du milieu des habitations
à loyer modéré (HLM), les collectivités territoriales et le monde associatif qui ne
cessent de dénoncer un retrait de l’État en la matière.
Pour mieux comprendre ces évolutions et en mesurer les risques pour l’avenir, il est 3
nécessaire de rappeler les principaux mécanismes du financement du logement
social et d’en pointer les ajustements successifs au cours des dernières années. Cette
analyse sera l’occasion, in fine, d’interroger les scénarios d’évolution qui, d’ores et
déjà, se dégagent.
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Le financement du logement social en France est organisé sous la forme d’un panier 4
composite de subventions, d’avantages fiscaux, de fonds propres et de prêts. Il
s’applique à l’accroissement de l’offre sous toutes ses formes (construction neuve,
acquisition d’immeubles existants avec ou sans travaux, acquisition d’immeubles
neufs construits par des promoteurs immobiliers). Une fois les logements mis en
location, le financement de la gestion est entièrement assuré par les loyers des
occupants, lesquels sont couverts, pour les ménages les plus modestes, par l’aide
personnalisée au logement (APL).
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Dans la plupart des cas, chaque immeuble mêle les trois catégories d’habitat, sauf s’il 7
s’agit de petites opérations à finalité spécifique qui peuvent ne contenir que des PLA-
I ou des PLS. Ces derniers sont également utilisés pour le financement de logements
sociaux destinés aux étudiants, ou de maisons de retraite. Certains acteurs tels que
l’association Foncière logement, qui se situe hors du strict cadre des HLM, ne
peuvent pas accéder aux financements PLUS et PLA-I et recourent donc
exclusivement aux PLS [4].
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– Livret A plus 0,6 point pour le PLU (soit 2,6 % depuis le 1er février 2011)
– Livret A plus 0,2 point pour le PLA-I (soit 1,8 % depuis le 1er février 2011)
– Livret A plus 1,1 point pour le PLS (soit 3,1 % depuis le 1er février 2011)
Dans le cadre du droit commun, les agréments sont distribués localement par les 10
services déconcentrés de l’État [6]. Depuis 2005, en application de la loi du 14 août
2004 sur les libertés et responsabilités locales, la ligne budgétaire correspondante
peut être déléguée par l’État aux intercommunalités et conseils généraux qui en font
la demande et prennent en charge leur répartition sur leurs territoires. On parle
alors de « délégation des aides à la pierre ».
Ce processus important, qui fait que plus de la moitié de l’enveloppe nationale est 11
désormais distribuée par des collectivités territoriales, illustre le lent processus
décentralisateur qui marque les politiques du logement depuis le début des années
1980 [Cordier et Driant, 2009]. Les premières lois de décentralisation ont
volontairement ignoré le logement social, au nom de l’exigence de solidarité
nationale. Mais la montée de l’intercommunalité à partir de la fin des années 1990 et
le rapprochement des dimensions sociales et urbaines des politiques du logement
ont progressivement donné une légitimité d’action aux intercommunalités et aux
départements. La loi d’août 2004 prend acte de ce contexte nouveau et donne aux
collectivités qui le souhaitent les moyens d’une meilleure maîtrise locale des moyens
nationaux. C’est à partir de ce moment que se consolide l’idée de constituer les
intercommunalités comme « chefs de file » des dimensions locales des politiques de
l’habitat.
Dans un autre registre, mais de façon tout aussi contradictoire avec le processus de
décentralisation, les aides de l’agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) [7]
sont établies à l’échelle nationale par le comité d’engagement de l’agence, sur la base
de projets présentés par les communes concernées par la géographie prioritaire de la
politique de la ville. Le budget annuel global de l’ANRU est proche du milliard
d’euros ; en 2010, elle a financé 16 500 logements neufs dans le cadre du
remplacement des immeubles démolis.
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Pourtant, le recul progressif des subventions de l’État dans un contexte marqué par
les hausses des valeurs foncières et des coûts de construction impose aux
organismes de logement social de trouver des moyens complémentaires de
financement pour limiter le recours à la dette. Ceux-ci relèvent, pour l’essentiel, de
trois rubriques : les apports des collectivités territoriales, ceux en provenance du
« 1 % logement » et les fonds propres des organismes eux-mêmes.
De fait, tant les régions que les départements, les établissements publics de 15
coopération intercommunale (EPCI) et certaines communes ont développé, depuis
les années 1990, des mécanismes d’aides financières extrêmement diverses pour la
production de logements sociaux, en complément des aides d’État. Selon les cas, ces
aides prennent une forme de subvention forfaitaire et automatique, ajoutée aux
mécanismes nationaux, ou sont, de plus en plus souvent, assorties de conditions
formulées en fonction des priorités de la collectivité, généralement sociales ou
environnementales. Dans la plupart des grandes villes se cumulent ainsi des aides de
la région, du département et de l’agglomération, répondant à des critères différents
qui conduisent les opérateurs à optimiser leurs projets pour capter le maximum de
ressources. Ces aides ne donnent lieu à aucune consolidation nationale et restent de
ce fait très mal connues, même si les constats formulés localement montrent qu’elles
atteignent souvent des niveaux bien supérieurs à ceux des subventions directes de PDF
l’État. Une récente étude menée conjointement par l’Agence nationale pour Help
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Les emplois de la PEEC ont connu d’importantes modifications, surtout depuis la fin 18
des années 1990, sous l’impulsion de l’État.
Les emplois traditionnels de la PEEC sont les prêts directs aux salariés et les 19
contributions au financement du logement social. Dans les deux cas, ces ressources
permettent d’octroyer des conditions de crédit extrêmement favorables, avec des
taux d’intérêt beaucoup plus bas que ceux du marché (1 % à 2 % selon les cas).
Compte tenu des prélèvements opérés par l’État, ces prêts aux salariés sont promis à
une disparition inéluctable.
Enfin, l’évolution la plus importante des emplois du 1 % depuis le milieu des années 21
1990 est son apport aux politiques de l’État. Après avoir contribué au financement
des aides à l’accession à la propriété entre 1995 et 1999, la PEEC a été sollicitée pour
abonder à hauteur de 50 % les subventions de l’ANRU à partir de 2004 et, depuis
2009, à en assumer la totalité, ainsi qu’à se substituer intégralement à l’État pour
alimenter l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) qui aide les propriétaires de
logements privés à engager des travaux d’amélioration. Ces deux dernières
catégories d’emploi représentent désormais plus du tiers des contributions du 1 %.
Ces tendances font peser de fortes incertitudes sur l’avenir du « 1 % logement » dont
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Depuis la fin des années 1980, un nombre croissant d’organismes de logement social 22
contribue directement aux plans de financement des opérations de construction en
y injectant des fonds propres générés par leur activité. Il s’agissait surtout, jusqu’à la
fin des années 1990, des sociétés HLM de droit privé (les entreprises sociales pour
l’habitat – ESH) qui, compte tenu de leur clause de non-lucrativité, sont tenues de
réinvestir leurs bénéfices. Les offices publics, qui pratiquaient souvent des politiques
plus sociales, ont commencé plus tardivement à générer une capacité
d’autofinancement. Pour eux aussi, surtout là où les coûts de production sont très
élevés, il est progressivement devenu nécessaire de financer les opérations avec une
certaine dose de fonds propres.
On estime aujourd’hui que les fonds propres représentent de 10 % à 15 % des plans de 23
financement des opérations de construction de logements sociaux, et ce taux tend à
augmenter pour les mêmes raisons que les apports des collectivités territoriales et
les subventions du 1 % logement. L’État encourage d’ailleurs de plus en plus les
organismes à accroître cette part d’autofinancement en réinvestissant les capacités
dont ils disposent.
C’est ainsi que sont de plus en plus souvent stigmatisés les bailleurs sociaux dont 24
l’activité de construction est faible malgré d’importantes réserves financières. Ces
« dodus dormants », très minoritaires ou situés dans des bassins d’habitat à faible
développement, servent de justification à l’idée d’un prélèvement par l’État sur ces
PDF
organismes. Ce prélèvement, mis en place par la loi de finances pour 2011, est
présenté comme un moyen de mutualisation nationale du potentiel financier généré Help
par l’activité des bailleurs sociaux. Il devrait atteindre quelque 175 millions d’euros
et, une nouvelle fois, venir se substituer à des financements de l’État.
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Quelles seront les conséquences à moyen terme de ces mutations déjà amorcées ? 28
D’abord, on observera une concentration du soutien de l’État sur le logement très
social, prenant acte de la paupérisation de son peuplement et rompant ainsi avec le
modèle « généraliste » dont le système français fut longtemps l’archétype, mais aussi
avec la contribution historique du logement social à l’aménagement du territoire
[Ghekière, 2007 ; Lévy-Vroelant et Tutin, 2010 ; Houard, 2011]. Ensuite, on assistera à
une concentration de la production dans des villes considérées comme prioritaires
et un assèchement des ressources ailleurs, au mépris des enjeux du développement
territorial et de restructuration du parc existant. Enfin, on verra une différenciation
accrue entre un secteur public (les offices) étroitement dépendant des apports des
PDF
collectivités locales et un secteur privé hyper-concentré (les ESH), piloté par des
stratégies patrimoniales et financières nationales et tenté d’opérer une Help
Dans un second temps, les évolutions actuelles font craindre la fragilisation de deux 29
piliers essentiels du financement du logement social :
Le « 1 % logement », mis sous tutelle et, de ce fait, de moins en moins défendu par 30
des acteurs historiques qui en perdent la gouvernance, risque un assèchement de ses
ressources et de sa capacité à maintenir des contributions à la hauteur des attentes
des maîtres d’ouvrage HLM.
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L’avenir du système des prêts de la Caisse des dépôts est fragilisé par les velléités des 31
banques qui commercialisent désormais le Livret A de disposer d’une part croissante
des dépôts des épargnants [8]. Il s’agit pour elles à la fois de mieux intégrer cette
épargne dans leurs stratégies globales et de se poser comme alternative crédible
pour développer un nouveau marché de prêts bancaires au financement du
logement social.
De telles évolutions, plus incertaines, mais dont les indices se multiplient, auraient à 32
plus long terme pour conséquence une mutation radicale du système français du
logement social. Le développement du parc s’en trouverait considérablement ralenti,
voire stoppé, ou placé sous la responsabilité d’acteurs banalisés, financés par le
système bancaire commercial, bénéficiant d’avantages fiscaux (TVA réduite,
exonération de taxe foncière) et éventuellement soutenus par les collectivités
territoriales qui se verraient confier la pleine responsabilité de l’aide à la pierre.
On rejoindrait ainsi le modèle actuel de la majorité des pays européens, alors même
que plusieurs d’entre eux s’interrogent sur l’opportunité d’un retour en arrière en
constatant les effets de la « résidualisation » du logement social et de la privatisation
globale de la question du logement [Houard, 2011].
Notes
[2] Les dotations de compensation versées aux collectivités ne sont pas actualisées.
[5] Le plan de cohésion sociale, renforcé par la loi sur le droit au logement opposable
(DALO) de mars 2007, a programmé un fort accroissement de la production de
logements sociaux tout en maîtrisant la dépense budgétaire en mobilisant
fortement le PLS qui ne coûte rien en subvention tout en rappelant que les taux
légaux des subventions PLUS et PLA-I sont des taux maximum et que rien
n’empêche de pratiquer des niveaux inférieurs.
[6] C’est-à-dire par les directions départementales des territoires (DDT), les ex-
directions départementales de l’équipement (DDE), ou en Île-de-France, par les
unités territoriales de la Direction régionale et interdépartementale de
l’hébergement et du logement (DRIHL).
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[8] A l’heure où nous rédigeons cet article se poursuit un débat à l’issue incertaine
entre le lobby des banques et celui du logement social autour de la fixation du taux
de centralisation à la Caisse des dépôts des ressources du Livret A. De l’issue de ce
débat et de la décision qui sera prise par le ministère des Finances dépendra
beaucoup de l’avenir des modalités du financement du logement social.
Plan
Créer du logement social : de l’agrément au circuit de financement
Bibliographie
PDF
Help
Bibliographie
Cordier M. et Driant J-C. (2009), « La délégation des aides à la pierre. Bilan
d’étape », Études Foncières, n°141.
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Houard N. (dir.) (2011), Loger l’Europe. Le logement social dans tous ses états, La
Documentation française.
Auteur
Jean-Claude Driant
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Pour citer cet article PDF
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