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03/01/2023 12:29 Les mutations en sourdine du financement du logement social | Cairn.

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Les mutations en sourdine du financement du logement


social
Jean-Claude Driant
Dans Regards croisés sur l'économie 2011/1 (n° 9), pages 187 à 197

Article

L a France est l’un des très rares pays européens qui ont fait le choix de poursuivre
le développement quantitatif d’un parc de logements locatifs sociaux. À ce titre,
si l’on en croit les annonces du secrétaire d’État chargé du logement, Benoist
1

Apparu, l’année 2010 constitue même un record, avec le financement de plus de 130
000 nouvelles unités [1]. Une telle performance semble contradictoire avec les
inquiétudes constamment énoncées par les représentants du milieu des habitations
à loyer modéré (HLM), les collectivités territoriales et le monde associatif qui ne
cessent de dénoncer un retrait de l’État en la matière.

Cette contradiction repose principalement sur un ensemble de glissements en 2


apparence techniques dans le mode de financement du logement social. Ceux-ci,
opérés en sourdine depuis le milieu des années 2000 et sans réforme majeure,
PDF
consistent à minimiser progressivement les apports de l’État pour chaque opération
financée, soit en développant des produits immobiliers moins coûteux, soit en Help

multipliant des recours à d’autres sources de financement.

Pour mieux comprendre ces évolutions et en mesurer les risques pour l’avenir, il est 3
nécessaire de rappeler les principaux mécanismes du financement du logement
social et d’en pointer les ajustements successifs au cours des dernières années. Cette
analyse sera l’occasion, in fine, d’interroger les scénarios d’évolution qui, d’ores et
déjà, se dégagent.

Créer du logement social : de l’agrément au circuit de


financement

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Le financement du logement social en France est organisé sous la forme d’un panier 4
composite de subventions, d’avantages fiscaux, de fonds propres et de prêts. Il
s’applique à l’accroissement de l’offre sous toutes ses formes (construction neuve,
acquisition d’immeubles existants avec ou sans travaux, acquisition d’immeubles
neufs construits par des promoteurs immobiliers). Une fois les logements mis en
location, le financement de la gestion est entièrement assuré par les loyers des
occupants, lesquels sont couverts, pour les ménages les plus modestes, par l’aide
personnalisée au logement (APL).

La première pierre du dispositif de financement des HLM est la délivrance d’un 5


agrément pour chaque opération. Celui-ci consiste à autoriser la production ou
l’achat d’un immeuble et engage l’État à la signature d’une convention au moment de
sa mise en service, garantissant ainsi l’application de la législation du logement
social en matière de ressources des locataires, de loyers et de droit à l’APL.

L’agrément entraîne avec lui un ensemble de conséquences qui constituent la base 6


du financement du secteur :

–   Il déclenche l’attribution d’une subvention de l’État, proportionnelle à une


assiette correspondant à un coût de production normé.
–   Il fait bénéficier l’opération d’un taux réduit de TVA à 5,5 % pour la
construction.
–   Il entraîne une exonération de taxe foncière sur la propriété bâtie pour
l’immeuble financé pendant 25 ans. Le manque à gagner pour les collectivités
territoriales est partiellement compensé par l’État [2].
–   Il ouvre l’accès à des prêts spécifiques de la Caisse des dépôts.

Il existe, début 2011, trois types d’agrément correspondant à des produits


immobiliers qui répondent à la diversité des cibles sociales des HLM.
–   Le prêt locatif à usage social (PLUS), produit principal, héritier de la grande
tradition des HLM, ciblé, au moins théoriquement, sur les ménages à revenus
modestes et moyens. Ses conditions d’accès rendent éligibles près des deux tiers
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de la population du pays.
Help
–   Le prêt locatif aidé d’intégration (PLA-I), produit plus social, dont les principes
ont été mis au point dès le début des années 1990, moment où il est apparu que le
parc HLM ordinaire pouvait s’avérer trop cher pour les ménages à bas revenu qui
parfois avaient aussi besoin d’un accompagnement social. Les plafonds de
ressource des PLA-I couvrent environ 40 % des ménages vivant en France.
–   Le mal nommé prêt locatif social (PLS) qui cherche à constituer un segment
d’offre « intermédiaire » pour les ménages dont les revenus sont supérieurs aux
plafonds des PLUS, mais qui peinent à se loger aux conditions du marché dans
les villes où les prix sont élevés. Le PLS vise une population située entre les
septième et huitième déciles de la répartition des revenus, c’est-à-dire des
ménages relevant des couches supérieures de la classe moyenne, qui font

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rarement la démarche de demander un logement social, notamment parce que


68 % d’entre eux sont déjà propriétaires.

Ces trois catégories de logements sont comptabilisées dans l’obligation d’atteindre


20 % de logements sociaux dans les communes urbaines [3]. En 2010, 20 % des
logements financés étaient des PLA-I, 45 % des PLUS et 35 % des PLS. Entre 2000 et
2010, l’accroissement de la part des logements à loyers plus élevés est patente : alors
que la production de logements PLUS a augmenté de 77 %, celle des PLS a été
multipliée par dix. Dans les villes où le marché immobilier est peu tendu, l’usage du
PLS est plus limité ; 60 % des PLS sont concentrés sur trois régions (Île-de-France,
Rhône-Alpes et PACA).

Dans la plupart des cas, chaque immeuble mêle les trois catégories d’habitat, sauf s’il 7
s’agit de petites opérations à finalité spécifique qui peuvent ne contenir que des PLA-
I ou des PLS. Ces derniers sont également utilisés pour le financement de logements
sociaux destinés aux étudiants, ou de maisons de retraite. Certains acteurs tels que
l’association Foncière logement, qui se situe hors du strict cadre des HLM, ne
peuvent pas accéder aux financements PLUS et PLA-I et recourent donc
exclusivement aux PLS [4].

Les avantages fiscaux s’appliquent à l’identique pour l’ensemble des opérations 8


agréées ; ils représentent une dépense totale de l’ordre de 1,7 milliard d’euros
incluant le taux réduit de TVA et la compensation de l’exonération de taxe foncière.
Les autres dimensions du financement varient selon les produits.

Les subventions de l’État, qui correspondent à l’aide à la pierre directe, représentent 9


une dépense totale de l’ordre de 500 millions d’euros. Elles ne s’appliquent pas au
PLS et elles s’élèvent au maximum à 5 % de l’assiette pour les PLUS et à 20 % pour les
PLA-I. Dans les faits, ces taux ne sont plus appliqués depuis le milieu des années
2000. La pratique la plus courante consiste à subventionner les PLUS à hauteur de
2 % ou 2,5 % et les PLA-I à hauteur de 10 %, ce qui a permis de maintenir constante
l’enveloppe budgétaire tout en accroissant le nombre d’unités financées, à partir du
PDF
plan de cohésion sociale mis en œuvre entre 2005 et 2009 [5]. La baisse continue de
Help
ces subventions justifie l’inquiétude des acteurs du logement social qui craignent,
sans doute à juste titre, leur disparition prochaine.
Quant aux prêts de la Caisse des dépôts, ils constituent le dernier circuit fermé du
financement du logement en France, tout le reste ayant été progressivement
banalisé entre les mains des établissements bancaires ordinaires. Le système est
assis sur l’épargne que les particuliers mettent sur leur Livret A, qui est partiellement
centralisée à la Caisse des dépôts et sert au financement de diverses missions de
service public, dont la principale est la production de logements sociaux. Les prêts,
de longue durée, atteignent 40 ans pour le financement de la construction (ou de
l’acquisition) et 50 ans pour la charge foncière ; leurs taux d’intérêt sont calés sur le
niveau de rémunération du Livret A et varient selon le produit :

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–   Livret A plus 0,6 point pour le PLU (soit 2,6 % depuis le 1er février 2011)
–   Livret A plus 0,2 point pour le PLA-I (soit 1,8 % depuis le 1er février 2011)
–   Livret A plus 1,1 point pour le PLS (soit 3,1 % depuis le 1er février 2011)

Les conditions de la délivrance des agréments

Dans le cadre du droit commun, les agréments sont distribués localement par les 10
services déconcentrés de l’État [6]. Depuis 2005, en application de la loi du 14 août
2004 sur les libertés et responsabilités locales, la ligne budgétaire correspondante
peut être déléguée par l’État aux intercommunalités et conseils généraux qui en font
la demande et prennent en charge leur répartition sur leurs territoires. On parle
alors de « délégation des aides à la pierre ».

Ce processus important, qui fait que plus de la moitié de l’enveloppe nationale est 11
désormais distribuée par des collectivités territoriales, illustre le lent processus
décentralisateur qui marque les politiques du logement depuis le début des années
1980 [Cordier et Driant, 2009]. Les premières lois de décentralisation ont
volontairement ignoré le logement social, au nom de l’exigence de solidarité
nationale. Mais la montée de l’intercommunalité à partir de la fin des années 1990 et
le rapprochement des dimensions sociales et urbaines des politiques du logement
ont progressivement donné une légitimité d’action aux intercommunalités et aux
départements. La loi d’août 2004 prend acte de ce contexte nouveau et donne aux
collectivités qui le souhaitent les moyens d’une meilleure maîtrise locale des moyens
nationaux. C’est à partir de ce moment que se consolide l’idée de constituer les
intercommunalités comme « chefs de file » des dimensions locales des politiques de
l’habitat.

Mais ce mouvement décentralisateur est accompagné de dynamiques contraires. Le 12


plan de cohésion sociale a limité les marges de manœuvre des collectivités
délégataires en leur imposant des objectifs quantitatifs énoncés d’en haut et sans
PDF
rapport avec les analyses remontant du terrain et portées par les programmes locaux
de l’habitat (PLH) élaborés sous la responsabilité des structures intercommunales. Help

Dans un autre registre, mais de façon tout aussi contradictoire avec le processus de
décentralisation, les aides de l’agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) [7]
sont établies à l’échelle nationale par le comité d’engagement de l’agence, sur la base
de projets présentés par les communes concernées par la géographie prioritaire de la
politique de la ville. Le budget annuel global de l’ANRU est proche du milliard
d’euros ; en 2010, elle a financé 16 500 logements neufs dans le cadre du
remplacement des immeubles démolis.

Au début des années 2010, le processus de décentralisation du financement du 13


logement social reste partiel et inachevé, et pourrait être remis en cause par la
réforme de la fiscalité locale.

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Pourtant, le recul progressif des subventions de l’État dans un contexte marqué par
les hausses des valeurs foncières et des coûts de construction impose aux
organismes de logement social de trouver des moyens complémentaires de
financement pour limiter le recours à la dette. Ceux-ci relèvent, pour l’essentiel, de
trois rubriques : les apports des collectivités territoriales, ceux en provenance du
« 1 % logement » et les fonds propres des organismes eux-mêmes.

Les apports des collectivités territoriales : une


inconnue déterminante

Si les collectivités territoriales et leurs établissements publics ne disposent à ce jour 14


d’aucune compétence formelle en matière de financement des politiques du
logement, certaines d’entre elles assurent la distribution des fonds d’État sur leur
territoire via la délégation des aides à la pierre. La plupart n’ont pas attendu cette
innovation législative pour apporter des contributions additionnelles aux aides
nationales de droit commun.

De fait, tant les régions que les départements, les établissements publics de 15
coopération intercommunale (EPCI) et certaines communes ont développé, depuis
les années 1990, des mécanismes d’aides financières extrêmement diverses pour la
production de logements sociaux, en complément des aides d’État. Selon les cas, ces
aides prennent une forme de subvention forfaitaire et automatique, ajoutée aux
mécanismes nationaux, ou sont, de plus en plus souvent, assorties de conditions
formulées en fonction des priorités de la collectivité, généralement sociales ou
environnementales. Dans la plupart des grandes villes se cumulent ainsi des aides de
la région, du département et de l’agglomération, répondant à des critères différents
qui conduisent les opérateurs à optimiser leurs projets pour capter le maximum de
ressources. Ces aides ne donnent lieu à aucune consolidation nationale et restent de
ce fait très mal connues, même si les constats formulés localement montrent qu’elles
atteignent souvent des niveaux bien supérieurs à ceux des subventions directes de PDF
l’État. Une récente étude menée conjointement par l’Agence nationale pour Help

l’information sur le logement (ANIL) et l’Assemblée des communautés de France


(ADCF) évalue l’apport global des collectivités entre 900 millions et un milliard
d’euros, dont la moitié en provenance des communes et intercommunalités.
L’ensemble représenterait une contribution globale aux plans de financement de
10 % à 14 % [Delpech, 2011].

L’avenir incertain du « 1 % logement »

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La participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), connue sous le 16


terme de « 1 % logement », a été créée en 1953. Le principe initial est le versement
d’une cotisation au taux de 1 % de la masse salariale des entreprises privées de plus
de 10 salariés, afin de contribuer au financement du logement des salariés. Le
prélèvement n’est plus aujourd’hui que de 0,45 %. Les cotisations sont versées à des
organismes collecteurs administrés par les partenaires sociaux, les comités
interprofessionnels du logement (CIL).

À ce jour, les moyens de la PEEC sont principalement composés de la cotisation des 17


entreprises et du remboursement des prêts qu’elle a garantis dans le cadre de ses
emplois. En 2009, l’ensemble représentait un peu plus de 4 milliards d’euros, dont 1,7
de collecte et 2,3 de remboursements.

Les emplois de la PEEC ont connu d’importantes modifications, surtout depuis la fin 18
des années 1990, sous l’impulsion de l’État.

Les emplois traditionnels de la PEEC sont les prêts directs aux salariés et les 19
contributions au financement du logement social. Dans les deux cas, ces ressources
permettent d’octroyer des conditions de crédit extrêmement favorables, avec des
taux d’intérêt beaucoup plus bas que ceux du marché (1 % à 2 % selon les cas).
Compte tenu des prélèvements opérés par l’État, ces prêts aux salariés sont promis à
une disparition inéluctable.

Ensuite, les prêts et subventions destinés à la construction ou à l’acquisition de 20


logements sociaux représentaient, en 2009 18 % des emplois de la PEEC. Il s’agit de
contributions complémentaires, visant principalement à minorer la part des prêts de
la Caisse des dépôts et dont la contrepartie est la réservation de logements par le CIL
financeur, qui proposera des candidats locataires au bailleur, offrant ainsi un service
logement aux salariés des entreprises cotisantes. Ces financements sont
particulièrement nécessaires dans les villes où les coûts de production sont élevés,
notamment en région parisienne, où les apports de la PEEC se font désormais sous
forme de subventions forfaitaires de 40 000 euros par logement réservé. Ces
PDF
subventions se sont substituées, au cours des années 2000, à des prêts à taux très
Help
bas ; plus avantageuses pour les constructeurs, elles compensent, là encore, la baisse
des apports directs de l’État et la hausse des coûts de production.

Enfin, l’évolution la plus importante des emplois du 1 % depuis le milieu des années 21
1990 est son apport aux politiques de l’État. Après avoir contribué au financement
des aides à l’accession à la propriété entre 1995 et 1999, la PEEC a été sollicitée pour
abonder à hauteur de 50 % les subventions de l’ANRU à partir de 2004 et, depuis
2009, à en assumer la totalité, ainsi qu’à se substituer intégralement à l’État pour
alimenter l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) qui aide les propriétaires de
logements privés à engager des travaux d’amélioration. Ces deux dernières
catégories d’emploi représentent désormais plus du tiers des contributions du 1 %.
Ces tendances font peser de fortes incertitudes sur l’avenir du « 1 % logement » dont

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les partenaires sociaux perdent progressivement la maîtrise, ce qui limite leur


attachement au système. De plus, sa capacité financière ne pourra que s’amenuiser
au fur et à mesure que les financements par subventions non remboursables se
substitueront aux prêts.

Les fonds propres des organismes et leur mutualisation


autoritaire

Depuis la fin des années 1980, un nombre croissant d’organismes de logement social 22
contribue directement aux plans de financement des opérations de construction en
y injectant des fonds propres générés par leur activité. Il s’agissait surtout, jusqu’à la
fin des années 1990, des sociétés HLM de droit privé (les entreprises sociales pour
l’habitat – ESH) qui, compte tenu de leur clause de non-lucrativité, sont tenues de
réinvestir leurs bénéfices. Les offices publics, qui pratiquaient souvent des politiques
plus sociales, ont commencé plus tardivement à générer une capacité
d’autofinancement. Pour eux aussi, surtout là où les coûts de production sont très
élevés, il est progressivement devenu nécessaire de financer les opérations avec une
certaine dose de fonds propres.

On estime aujourd’hui que les fonds propres représentent de 10 % à 15 % des plans de 23
financement des opérations de construction de logements sociaux, et ce taux tend à
augmenter pour les mêmes raisons que les apports des collectivités territoriales et
les subventions du 1 % logement. L’État encourage d’ailleurs de plus en plus les
organismes à accroître cette part d’autofinancement en réinvestissant les capacités
dont ils disposent.

C’est ainsi que sont de plus en plus souvent stigmatisés les bailleurs sociaux dont 24
l’activité de construction est faible malgré d’importantes réserves financières. Ces
« dodus dormants », très minoritaires ou situés dans des bassins d’habitat à faible
développement, servent de justification à l’idée d’un prélèvement par l’État sur ces
PDF
organismes. Ce prélèvement, mis en place par la loi de finances pour 2011, est
présenté comme un moyen de mutualisation nationale du potentiel financier généré Help

par l’activité des bailleurs sociaux. Il devrait atteindre quelque 175 millions d’euros
et, une nouvelle fois, venir se substituer à des financements de l’État.

En complément, l’État encourage de plus en plus vigoureusement les bailleurs 25


sociaux à accroître leur potentiel financier en vendant une part de leur patrimoine
amorti à leurs locataires, ce qui permet de générer des ressources importantes à
réinvestir en fonds propres dans la production neuve. Alors que les bailleurs ont
vendu ces dernières années entre 5 000 et 6 000 logements par an, l’État affiche un
objectif égal à 1 % du parc, soit quelque 40 000 logements par an.
Cet accroissement de la contribution des fonds propres à la production des HLM
pose la question cruciale du modèle économique du logement social qui, de fruit de

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la solidarité nationale, se transforme progressivement en mécanique autofinancée.


Alors que les loyers ne finançaient jusque-là que le remboursement des dettes
souscrites, ils se substituent désormais de plus en plus souvent aux subventions de
l’État.

Conclusion : transformation du modèle économique ?

Ces évolutions des modalités du financement du logement social tracent les 26


contours d’une réforme globale qui avance en sourdine, au rythme des ajustements
techniques qui se sont accélérés au cours de la seconde moitié des années 2000.
S’agit-il d’une transformation du modèle économique de la production des HLM ?

Si le mouvement se poursuit, ce sera sans doute le cas, et l’on en perçoit sans 27


grandes difficultés ses principales composantes. Les aides budgétaires directes se
verront concentrées sur les produits les plus sociaux, ce qui sera compensé, là où ce
sera possible, par les apports des collectivités territoriales et des mécanismes de
mutualisation des capacités d’autofinancement. Ces apports seront organisés sur la
base de prélèvements obligatoires ou de concentration des organismes de droit privé
sous la forme de grands groupes nationaux.

Quelles seront les conséquences à moyen terme de ces mutations déjà amorcées ? 28
D’abord, on observera une concentration du soutien de l’État sur le logement très
social, prenant acte de la paupérisation de son peuplement et rompant ainsi avec le
modèle « généraliste » dont le système français fut longtemps l’archétype, mais aussi
avec la contribution historique du logement social à l’aménagement du territoire
[Ghekière, 2007 ; Lévy-Vroelant et Tutin, 2010 ; Houard, 2011]. Ensuite, on assistera à
une concentration de la production dans des villes considérées comme prioritaires
et un assèchement des ressources ailleurs, au mépris des enjeux du développement
territorial et de restructuration du parc existant. Enfin, on verra une différenciation
accrue entre un secteur public (les offices) étroitement dépendant des apports des
PDF
collectivités locales et un secteur privé hyper-concentré (les ESH), piloté par des
stratégies patrimoniales et financières nationales et tenté d’opérer une Help

diversification de ses domaines d’intervention en coopération de plus en plus étroite


avec les autres acteurs de l’immobilier privé.

Dans un second temps, les évolutions actuelles font craindre la fragilisation de deux 29
piliers essentiels du financement du logement social :

Le « 1 % logement », mis sous tutelle et, de ce fait, de moins en moins défendu par 30
des acteurs historiques qui en perdent la gouvernance, risque un assèchement de ses
ressources et de sa capacité à maintenir des contributions à la hauteur des attentes
des maîtres d’ouvrage HLM.

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L’avenir du système des prêts de la Caisse des dépôts est fragilisé par les velléités des 31
banques qui commercialisent désormais le Livret A de disposer d’une part croissante
des dépôts des épargnants [8]. Il s’agit pour elles à la fois de mieux intégrer cette
épargne dans leurs stratégies globales et de se poser comme alternative crédible
pour développer un nouveau marché de prêts bancaires au financement du
logement social.

De telles évolutions, plus incertaines, mais dont les indices se multiplient, auraient à 32
plus long terme pour conséquence une mutation radicale du système français du
logement social. Le développement du parc s’en trouverait considérablement ralenti,
voire stoppé, ou placé sous la responsabilité d’acteurs banalisés, financés par le
système bancaire commercial, bénéficiant d’avantages fiscaux (TVA réduite,
exonération de taxe foncière) et éventuellement soutenus par les collectivités
territoriales qui se verraient confier la pleine responsabilité de l’aide à la pierre.
On rejoindrait ainsi le modèle actuel de la majorité des pays européens, alors même
que plusieurs d’entre eux s’interrogent sur l’opportunité d’un retour en arrière en
constatant les effets de la « résidualisation » du logement social et de la privatisation
globale de la question du logement [Houard, 2011].

Notes

[1] Annonce faite notamment dans la conférence de presse de Benoist Apparu du 20


janvier 2011 (en ligne sur le site http://www.developpement-durable.gouv.fr/).

[2] Les dotations de compensation versées aux collectivités ne sont pas actualisées.

[3] En application de l’article 55 de la loi solidarité et renouvellement urbains (SRU) du


13 décembre 2000.

[4] Foncière logement est un organisme relevant du secteur immobilier du « 1 %


logement » (voir plus loin dans cet article). Sa mission est double : produire et
gérer des logements locatifs à loyers libres dans les opérations de rénovation
urbaine (sans financement public) ainsi que des logements sociaux dans les
communes ayant un déficit en la matière. Pour cette part de son activité, Foncière
PDF
logement a donc recours aux financements PLS.
Help

[5] Le plan de cohésion sociale, renforcé par la loi sur le droit au logement opposable
(DALO) de mars 2007, a programmé un fort accroissement de la production de
logements sociaux tout en maîtrisant la dépense budgétaire en mobilisant
fortement le PLS qui ne coûte rien en subvention tout en rappelant que les taux
légaux des subventions PLUS et PLA-I sont des taux maximum et que rien
n’empêche de pratiquer des niveaux inférieurs.

[6] C’est-à-dire par les directions départementales des territoires (DDT), les ex-
directions départementales de l’équipement (DDE), ou en Île-de-France, par les
unités territoriales de la Direction régionale et interdépartementale de
l’hébergement et du logement (DRIHL).

[7] En ce qui concerne le logement social, l’ANRU, créée en 2004, finance la


démolition d’immeubles et leur remplacement par des logements neufs selon la
règle du « un pour un », avec un programme quantitatif global de plus de 130 000

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unités ente 2004 et 2013. Le programme comporte également un important effort


d’amélioration du parc des quartiers concernés portant sur 300 000 logements à
terme.

[8] A l’heure où nous rédigeons cet article se poursuit un débat à l’issue incertaine
entre le lobby des banques et celui du logement social autour de la fixation du taux
de centralisation à la Caisse des dépôts des ressources du Livret A. De l’issue de ce
débat et de la décision qui sera prise par le ministère des Finances dépendra
beaucoup de l’avenir des modalités du financement du logement social.

Plan
Créer du logement social : de l’agrément au circuit de financement

Les conditions de la délivrance des agréments

Les apports des collectivités territoriales : une inconnue déterminante

L’avenir incertain du « 1 % logement »

Les fonds propres des organismes et leur mutualisation autoritaire

Conclusion : transformation du modèle économique ?

Bibliographie
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Help

Bibliographie

Cordier M. et Driant J-C. (2009), « La délégation des aides à la pierre. Bilan
d’étape », Études Foncières, n°141.

Ghekière L. (2007), Le développement du logement social dans l’Union européenne,


Dexia.

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Lévy-Vroelant C. et Tutin C. (dir.) (2010), Le logement social en Europe au début du


XXIe siècle : la révision générale, Presses universitaires de Rennes.

Herbert B. et Delpech C. (2001), Les politiques de l’habitat des communautés urbaines


et d’agglomération depuis la loi libertés et responsabilités locales. Formes d’intervention et
budgets, ANIL/ADCF.

Houard N. (dir.) (2011), Loger l’Europe. Le logement social dans tous ses états, La
Documentation française.

Auteur
Jean-Claude Driant

Professeur à l’institut d’urbanisme de Paris (université Paris Est) et directeur du Lab’Urba

Mis en ligne sur Cairn.info le 12/05/2011


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03/01/2023 12:29 Les mutations en sourdine du financement du logement social | Cairn.info

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