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Un tournant discret : la production de logements sociaux

par les promoteurs immobiliers


Matthieu Gimat, Julie Pollard
Dans Géographie, économie, société 2016/2 (Vol. 18), pages 257 à 282
Éditions Lavoisier
ISSN 1295-926x
ISBN 9782743022402
DOI 10.3166/ges.18.257-282
© Lavoisier | Téléchargé le 25/05/2023 sur www.cairn.info (IP: 87.255.154.42)

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GÏOGRAPHIE
ÏCONOMIE
Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282
SOCIÏTÏ

Un tournant discret : la production de logements


sociaux par les promoteurs immobiliers

Matthieu Gimata* et Julie Pollardb


a
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, Institut de géographie,
191 rue Saint-Jacques, 75005 Paris
b
Université de Lausanne, Faculté SSP
IEPHI, Bâtiment Géopolis, CH - 1015 Lausanne

Résumé
La production de logements sociaux en France constitue un enjeu fort et récurrent du débat poli-
tique. Partant des acteurs professionnels qui produisent du logement, ce texte propose un éclairage
renouvelé sur les enjeux actuels. L’accent est placé sur une recomposition discrète mais centrale des
politiques du logement : le rôle croissant des promoteurs immobiliers dans la production de loge-
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ments locatifs sociaux. Trouvant ses origines dans un contexte politique local et national contraint
et dans des marchés immobiliers tendus, l’essor des promoteurs dans la construction de logements
VRFLDX[ HVW ORLQ G·rWUH XQ VXMHW SXUHPHQW WHFKQLTXH &HWWH pYROXWLRQ LQÁXHQFH GH PDQLqUH VWUXFWX
rante les pratiques professionnelles des promoteurs immobiliers et produit des effets sur le secteur
à plusieurs niveaux. Nous montrons que ceux-ci ont trait aux modes de faire opérationnels, à la
régulation politique locale de la construction de logement ainsi qu’aux effets sociaux et urbains des
opérations de construction de logements. © 2016 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés
Mots clés : promoteurs immobiliers, logement social, politique du logement, organismes
HLM, Ile-de-France.

Summary
The growing role of real-estate developers, a quiet turn in social housing production in France.
The issue of social housing production is frequently put at the top of the French political agenda.
Based on the housing sector stakeholders, this article sheds light on one main evolution of the sec-
tor. Emphasis is thus put on a quiet – but key – turn of housing production policies: the increasing

*
Auteur correspondant : matthieugimat@gmail.com
doi:10.3166/ges.18. 257-282 © 2016 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés.
258 Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282

role of real estate developers in the production of social rented housing. This evolution, which is
far from being only technical, stems from local and national political claims and from the current
VLWXDWLRQ RI WLJKW KRXVLQJ PDUNHWV 6HYHUDO NLQGV RI VHFWRULDO HIIHFWV RI WKLV WXUQ KDYH EHHQ LGHQWLÀHG
)LUVW RI DOO LW OHDGV WR D UHFRQÀJXUDWLRQ RI UHDO HVWDWH GHYHORSHUV· SURIHVVLRQDO SUDFWLFHV 7KHQ LW
DIIHFWV WKH KRXVLQJ FRQVWUXFWLRQ SROLWLFDO UHJXODWLRQ DW ORFDO OHYHO $QG ÀQDOO\ ZH VKRZ WKDW LW KDV
wider social and urban effects. © 2016 Lavoisier, Paris. Tous droits réservés
Keywords: real-estate developers, social housing, housing policy, social housing organizations,
Paris Region.

Introduction
La question de la production de logements est un enjeu récurrent de l’agenda politique
JRXYHUQHPHQWDO HQ )UDQFH /HV UpÁH[LRQV DFDGpPLTXHV FRPPH OHV GpEDWV SROLWLTXHV VXU OH
sujet et la plupart des politiques menées, s’avèrent segmentées. Ce texte choisit de se situer
j OD IURQWLqUH GH GHX[ FKDPSV GH UpÁH[LRQ '·XQH SDUW XQH SDUWLH GH OD OLWWpUDWXUH V·DWWDFKH
aux évolutions du logement social et des politiques publiques afférentes (voir par exemple :
+RXDUG /pY\ 9URHODQW HW 7XWLQ 'HVDJH '·DXWUH SDUW XQ HQVHPEOH
de recherches se concentrent sur la promotion immobilière et les promoteurs immobiliers.
Longtemps délaissé, cet objet d’investigation a été considérablement réinvesti sur une période
récente. Plus précisément, l’évolution de l’industrie de la promotion immobilière a été obser-
YpH VRXV GLYHUV DQJOHV SUHQDQW HQ FRPSWH OHV G\QDPLTXHV GH FRQFHQWUDWLRQ HW GH ÀQDQFLDUL-
VDWLRQ /RUUDLQ 3ROODUG 9HUJULHWH O·LQWpJUDWLRQ GH QRUPHV GH GpYHORS-
SHPHQW GXUDEOH 7DEXUHW RX HQFRUH O·pYROXWLRQ GHV PRGDOLWpV GH OD IDEULTXH XUEDLQH HW
SpUL XUEDLQH &DOOHQ 'XSX\ &H WH[WH H[SORUH XQ DXWUH DVSHFW SHX pWXGLp TXL
WLHQW j OD GpÀQLWLRQ GHV IURQWLqUHV GHV DFWLYLWpV GHV SURPRWHXUV HQ )UDQFH ,O SDUW HQ HIIHW GX
constat empirique suivant : les années 2000 sont marquées par la progressive montée en puis-
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sance des promoteurs immobiliers dans la construction de logements sociaux.
Jusqu’alors, la construction de logements était traditionnellement fortement structurée
autour d’une différenciation entre les acteurs de l’offre : organismes HLM producteurs
et gestionnaires de logements sociaux d’une part, promoteurs immobiliers producteurs
de logements libres ou aidés d’autre part1. Cette segmentation, qui trouve ses origines
dans la différenciation de l’intervention publique au lendemain de la Seconde Guerre
PRQGLDOH (IIRVVH V·HVW FRQVROLGpH HW PDWpULDOLVpH DX FRXUV GH OD VHFRQGH SDUWLH GX
XXe VLqFOH GDQV O·DXWRQRPLH GHV ÀOLqUHV GH SURGXFWLRQ GHV FLUFXLWV GH ÀQDQFHPHQW HW GHV
modes de régulation. Elle a exclu de fait les promoteurs immobiliers de la construction de
logements sociaux. Pourtant, en 2013, ceux-ci ont construit plus de 32 % des logements
VRFLDX[ HQ )UDQFH '*$/1 1RXV PRQWURQV TXH FHWWH pYROXWLRQ a priori anodine
et technique constitue en fait un bouleversement silencieux de la régulation politique et
des modes de faire dans le secteur du logement.
L’objectif de ce texte est à la fois de décrire l’entrée des promoteurs privés dans la
construction de logements sociaux, d’en expliquer les origines et d’en montrer les implica-
tions. Témoigner de l’ampleur du changement à l’œuvre implique, dans cette perspective,

1
Il existe d’autres constructeurs de logements en France, parmi lesquels des particuliers.
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GH PRQWUHU FRPPHQW LO FRQGXLW j XQ HQVHPEOH GH UHGpÀQLWLRQV GDQV OD PDQLqUH GH SHQVHU


OHV RSpUDWLRQV LPPRELOLqUHV DX QLYHDX GX PRQWDJH ÀQDQFLHU FRPPH GHV IRUPHV XUEDLQHV
dans les rapports qu’entretiennent les promoteurs immobiliers avec les organismes HLM ou
HQFRUH GDQV OD SODQLÀFDWLRQ GH OD SURGXFWLRQ GH ORJHPHQWV VRFLDX[ DX VHLQ GHV FRPPXQHV
L’ambition première de cet article est donc d’analyser les conséquences sectorielles de ce
changement. En privilégiant une entrée empirique, il contribue également à éclairer l’évolu-
tion des modalités de l’interaction entre acteurs à but lucratif et non-lucratif dans la produc-
tion de la ville contemporaine. La dynamique d’extension du champ d’activité des promo-
teurs immobiliers pourrait à première vue s’inscrire dans une logique de néolibéralisation
des politiques du logement, où intérêts privés et objectifs de développement économique
auraient une place croissante (Brenner et Theodore, 2002 ; Harvey, 1989 ; Peck et Tickell,
0DLV QRWUH DQDO\VH YD j O·HQFRQWUH G·XQH WHOOH LQWHUSUpWDWLRQ /HV QpJRFLDWLRQV HQWUH
acteurs publics et opérateurs, au centre de l’analyse, nous conduisent à pointer le rôle déter-
minant des acteurs politiques dans les dynamiques à l’œuvre (Halpern et Pollard, 2013 ;
Theurillat et al. 3RXU OHV DFWHXUV SXEOLFV ORFDX[ O·REMHFWLI HVW DYDQW WRXW GH FRQWLQXHU
à mener des politiques de production de logements sociaux, dans un contexte économique-
PHQW HW UpJOHPHQWDLUHPHQW FRQWUDLQW 8Q HQVHPEOH G·DUUDQJHPHQWV HW GH UHFRQÀJXUDWLRQV VH
négocient ensuite entre élus locaux, bailleurs sociaux et promoteurs immobiliers.
Ce texte est basé sur un matériau empirique récolté dans le cadre de deux travaux de
recherche, l’un portant sur la participation des promoteurs immobiliers à la régulation
SROLWLTXH GX VHFWHXU GX ORJHPHQW 3ROODUG O·DXWUH SRUWDQW VXU OHV SURPRWHXUV HW OD
PL[LWp VRFLDOH *LPDW &HV UHFKHUFKHV VRQW FHQWUpHV VXU OHV SUDWLTXHV GHV JUDQGV
SURPRWHXUV QDWLRQDX[ 3ROODUG &H WH[WH V·DWWDFKH GRQF SULRULWDLUHPHQW j O·DSSUR-
priation par les promoteurs privés de la construction de logements sociaux, et nous ne
faisons qu’évoquer un certain nombre de problèmes, cependant importants, soulevés du
SRLQW GH YXH GHV RUJDQLVPHV +/0 YRLU QRWDPPHQW j FH VXMHW $25,) &'&
-RXUGKHXLO HQ FRXUV /·DUJXPHQWDWLRQ TXL FRPELQH XQH DSSURFKH GH JpRJUDSKLH HW GH
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science politique, se fonde sur plusieurs sources : des rapports administratifs, des données
quantitatives sur l’évolution de la production de logements, des entretiens auprès d’acteurs
privés et publics du secteur du logement en France (élus et acteurs administratifs locaux et
QDWLRQDX[ UHSUpVHQWDQWV G·HQWUHSULVHV GH SURPRWLRQ LPPRELOLqUH HW G·RUJDQLVPHV +/0
ainsi que sur un panel de quatre études de cas, correspondant à des opérations situées en
SURFKH EDQOLHXH SDULVLHQQH j 1DQWHUUH HW %RXORJQH %LOODQFRXUW 9LOOHMXLI HW
2
3DQWLQ . L’articulation des résultats de deux recherches, menées à plusieurs années
G·LQWHUYDOOH HQ SRXU OD SUHPLqUH HW HQ SRXU OD GHX[LqPH QRXV SHUPHW
d’avoir une perspective diachronique sur l’entrée des promoteurs dans la construction de
logements sociaux. En effet, en quelques années, cette réalité prend de l’ampleur, et les

2
Trois des opérations étudiées sont situées dans des villes populaires, gérées par des municipalités qui ont
mis en place des dispositifs de contrôle du marché immobilier : il s’agit du lot MH17 de la zone d’aménage-
PHQW FRQFHUWp =$& 6HLQH $UFKH j 1DQWHUUH GH O·RSpUDWLRQ /H &DSLWROH UpDOLVpH GDQV OH FHQWUH YLOOH
GH 9LOOHMXLI HW GH O·RSpUDWLRQ /D 0DQXIDFWXUH TXL VH WURXYH j 3DQWLQ VXU OHV TXDLV GH O·2XUFT /D
TXDWULqPH RSpUDWLRQ D pWp FRQVWUXLWH GDQV OD YLOOH GH %RXORJQH %LOODQFRXUW TXL D GpYHORSSp XQH SRVLWLRQ
UHODWLYHPHQW OLEpUDOH YLV j YLV GH OD SURPRWLRQ LPPRELOLqUH /·RSpUDWLRQ VH VLWXH DX HW DX ELV UXH GH OD )HUPH
HW D pWp UpDOLVpH HQ OLHQ DYHF OD =$& 6HJXLQ 5LYHV GH 6HLQH
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discours évoluent : les réticences initiales s’estompent, les pratiques se banalisent et de


nouvelles sources d’inquiétude apparaissent.
Notre argumentation est déroulée en trois temps. Tout d’abord, nous nous intéressons aux
contraintes et enjeux politiques qui permettent d’expliquer pourquoi les promoteurs sont
devenus, en l’espace d’une dizaine d’années, des acteurs importants de la construction de
ORJHPHQWV VRFLDX[ 'DQV XQ GHX[LqPH WHPSV QRXV QRXV DWWDFKRQV j O·pYROXWLRQ GHV PRGHV
GH IDLUH VHFWRULHOV GHV SURPRWHXUV LPPRELOLHUV HQWUDvQpV SDU FHV H[LJHQFHV SROLWLTXHV (QÀQ
dans un dernier temps, nous nous attachons aux effets de l’évolution décrite sur plusieurs
plans : en termes de régulation politique, en termes de formes urbaines et en termes sociaux.

1. Pourquoi les promoteurs construisent-ils du logement social ? Retour sur les origines
d’une demande politique

Le premier enjeu est de comprendre pourquoi les promoteurs immobiliers com-


mencent à intervenir dans la construction de logements sociaux dans les années 2000.
L’idée défendue est que cette évolution s’explique avant tout par des motivations et exi-
gences émanant des acteurs politiques, nationaux mais aussi locaux.

1.1. Un moyen de répondre à une double injonction politique nationale : construire


des logements sociaux et garantir la mixité sociale

Les politiques du logement en France, menées à différents niveaux de gouvernement,


sont travaillées par des logiques souvent concurrentes, parfois contradictoires. Cette
FRPSOH[LWp V·LQFDUQH GDQV OHV ORLV GH GpFHQWUDOLVDWLRQ GH $X QRP GX SULQ-
cipe théorique d’égalité d’accès des citoyens au service public du logement, l’État est
considéré comme le seul à pouvoir garantir un droit au logement pour tous à travers
une programmation cohérente des crédits sur l’ensemble du territoire. Les collectivités
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locales voient toutefois leur capacité d’action augmenter, notamment en raison de la
décentralisation de compétences périphériques au logement (urbanisme et politique de la
YLOOH HQ SDUWLFXOLHU HW GX IDLW GX FDUDFWqUH SHUPLVVLI GHV WH[WHV OpJLVODWLIV %DOODLQ
4XLOLFKLQL 4XLOLFKLQL /D /RL /LEHUWpV HW UHVSRQVDELOLWpV ORFDOHV GX DR€W
IDLW XQ SDV GH SOXV (OOH FRPSRUWH XQ YROHW FRQVDFUp DX ORJHPHQW HW j OD FRQVWUXF-
tion et confère un rôle accru aux collectivités locales. Malgré ces évolutions, un certain
QRPEUH GH SULQFLSHV JpQpUDX[ FRQWLQXHQW j rWUH PLV HQ DYDQW SDU O·eWDW FHQWUDO 'H IDLW
LO FRQVHUYH XQ LPSRUWDQW DUVHQDO G·LQVWUXPHQWV j VD GLVSRVLWLRQ 'XSX\ HW 3ROODUG
/pY\ HW )LMDONRZ PRQWUHQW DLQVL TXH OHV DQQpHV VRQW PDUTXpHV SDU OHV YHOOpLWpV
GH O·eWDW GH UHSUHQGUH HQ PDLQ HW G·HQFDGUHU OHV SROLWLTXHV ORFDOHV GH O·KDELWDW 'DQV OHV
REMHFWLIV À[pV SDU O·eWDW GHX[ pOpPHQWV DSSDUDLVVHQW SUpJQDQWV
Tout d’abord, la nécessité d’une politique active de construction de logements sociaux
est un axe de communication politique central au niveau national. Cet impératif s’appuie
VXU OH FRQVWDW UpFXUUHQW GH O·LQVXIÀVDQFH GH FHWWH SURGXFWLRQ DWWHVWpH SDU OHV GHPDQGHV
non satisfaites de logements sociaux3 et les faibles taux de mobilité des résidents du parc

3
6HORQ OH ÀFKLHU XQLTXH GH OD GHPDQGH PLV HQ SODFH HQ HW H[SORLWp SDU O·86+ RQ FRPSWH HQ SUqV
de 1,7 million de demandes de logements HLM actives en France métropolitaine.
Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282 261

locatif social ,O HVW SDU DLOOHXUV QRXUUL SDU OHV PRELOLVDWLRQV HW O·LQÁXHQFH FURLVVDQWHV
d’acteurs associatifs qui placent la question des mal logés au cœur des débats politiques
QDWLRQDX[ /pY\ HW )LMDONRZ 3pFKX 0DLV j O·LPDJH G·DXWUHV SROLWLTXHV
sociales, la politique de production de logements sociaux cristallise une tension entre
deux impératifs pour l’État : répondre à un besoin social fondamental des citoyens et
OLPLWHU OHV FR€WV GH O·LQWHUYHQWLRQ pWDWLTXH 3LHUVRQ $LQVL O·DIÀFKDJH GH OD QpFHV-
sité d’une politique active de construction de logements sociaux contraste avec la baisse
effective des crédits étatiques accordés. Sur le long terme, ce mouvement de réduction
est amorcé dès le milieu des années 60, puis surtout par la réforme de 1977, qui prépare
OH SDVVDJH G·XQH ORJLTXH G·DLGHV j OD SLHUUH j XQH ORJLTXH G·DLGHV j OD SHUVRQQH /HV GLIÀ-
FXOWpV GH ÀQDQFHPHQW HW OHV FRXSHV GDQV OH EXGJHW GH O·eWDW GHVWLQp DX ORJHPHQW VRFLDO VH
VRQW H[DFHUEpHV GDQV OHV DQQpHV 'ULDQW HW /L
Cet impératif de construction de logements sociaux s’accompagne, par ailleurs, de la
montée en puissance, à partir des années 90, du principe universaliste de mixité sociale
)pH HW 1DWLYHO 6DOD 3DOD /·H[LJHQFH G·XQH UpSDUWLWLRQ pTXLOLEUpH GHV LQGL-
vidus sur le territoire, en fonction de critères socio-économiques, culturels ou ethniques,
s’est alors imposée comme l’un des principaux critères de la qualité des développements
urbains contemporains : elle serait à la fois un gage de cohésion sociale et un moyen
GH OXWWHU FRQWUH OD VpJUpJDWLRQ VSDWLDOH 'HSXLV OD /RL G·RULHQWDWLRQ SRXU OD YLOOH , la
diversité et la mixité de l’habitat apparaissent comme des exigences centrales pour la
politique du logement, exigences dont l’État se porte garant. Ces objectifs trouvent un
FRQWHQX FRQWUDLJQDQW GDQV O·DUWLFOH GH OD /RL 6ROLGDULWp HW UHQRXYHOOHPHQW XUEDLQ6 du
13 décembre 2000, laquelle fait « de la diversité de l’habitat un devoir de solidarité dont
DXFXQH FRPPXQH QH SHXW V·H[RQpUHU ª 4XLOLFKLQL S /·eWDW \ LPSRVH DX[
communes d’œuvrer en faveur de la mixité de l’habitat et d’atteindre un pourcentage
minimal de logements locatifs sociaux dans le cadre du « 20 % communal », porté depuis
début 20137 j 6RXOLJQRQV TXH G·DXWUHV LQVWUXPHQWV YLVDQW j LQWHUYHQLU VXU OHV GpVp-
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TXLOLEUHV HW LQpJDOLWpV HQWUH WHUULWRLUHV VRQW DXVVL HQWUH OHV PDLQV O·eWDW FHQWUDO 2Q SHXW
mentionner par exemple les politiques dites de renouvellement urbain ou de rénovation
XUEDLQH (SVWHLQ
Ces deux impératifs nationaux, construction de logement sociaux et mixité sociale,
VRQW HQ RXWUH IUpTXHPPHQW GpFOLQpV HW UpDSSURSULpV DX QLYHDX ORFDO $LQVL FHUWDLQHV
FRPPXQHV DIÀFKHQW GHV REMHFWLIV ORFDX[ GH SURGXFWLRQ GH ORJHPHQWV VRFLDX[ TXL
H[FqGHQW OHV DIÀFKDJHV QDWLRQDX[ /HV FDV GH 6DLQW 'HQLV RX GH 1DQWHUUH HQ VRQW
emblématiques. Pour ce qui est de la mixité sociale, la valorisation de cette idée, sou-
YHQW DVVH] ÁRXH SHUPHW DX[ pOXV ORFDX[ GH MXVWLÀHU XQ FHUWDLQ QRPEUH GH FKRL[ HW
RULHQWDWLRQV SROLWLTXHV 6LPRQ HW /pY\

'ULDQW SRLQWH XQH EDLVVH FRQWLQXH GX WDX[ GH URWDWLRQ GDQV OH SDUF ORFDWLI VRFLDO GHSXLV OD ÀQ GHV
DQQpHV &HOXL FL HVW SDVVp GH HQ j HQ © HQ VL[ DQV VRXV OH VHXO HIIHW GH OD EDLVVH GH OD
mobilité, le parc social a perdu une capacité d’accueil de plus de 130 000 ménages, alors que la demande déclarée
WRWDOH HVW GH O·RUGUH GH PLOOLRQ G·XQLWpV ª S (Q OH WDX[ GH URWDWLRQ pWDLW G·DSUqV O·86+ GH
Loi n° 91-662 du 13 juillet 1991.
6
Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000.
7
Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013.
262 Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282

1.2. Un moyen de produire du logement social dans un environnement économique et


politique contraint

$ORUV TXH OD SUHVVLRQ j OD FRQVWUXFWLRQ GH ORJHPHQWV VRFLDX[ HVW IRUWH OHV pOXV ORFDX[
GRLYHQW IDLUH IDFH DX IDLW TXH FHWWH FRQVWUXFWLRQ HVW HQWUDYpH SDU GHV GLIÀFXOWpV j SOXVLHXUV
niveaux.
En premier lieu, le renchérissement des opérations de construction de logements
VRFLDX[ HVW j VRXOLJQHU &HOXL FL HVW G€ j O·DXJPHQWDWLRQ SDUDOOqOH GHV FR€WV GH FRQVWUXF-
WLRQ HW GX IRQFLHU GLVSRQLEOH $X GpEXW GHV DQQpHV OHV RUJDQLVPHV +/0 FRPPH
OHV pOXV PHWWHQW HQ H[HUJXH OH IDLW TXH OD FRQVWUXFWLRQ FR€WH FKHU VXU XQ SODQ VWULFWH-
ment économique, la stratégie la moins risquée pour les organismes HLM n’est de ce fait
pas de construire, mais de gérer un patrimoine déjà amorti. Le directeur de la construc-
tion d’un grand bailleur social insiste sur les ressources et arguments que les politiques
doivent mobiliser pour encourager la construction locative sociale : « Pour que la relance
marche, il faut convaincre un à un tous les organismes, toutes les sociétés. Ce que cela
YHXW GLUH F·HVW TX·LO IDXW UHQGUH OHV PHVXUHV SOXV DWWUDFWLYHV OHXU PRQWUHU OHXU LQWpUrW j
construire, valoriser les actions et les acteurs qui produisent, et réhabiliter la construc-
tion en tant que telle… » (QWUHWLHQ GX &HV GLIÀFXOWpV VH VRQW DFFHQWXpHV
DX FRXUV GHV DQQpHV OH FR€W PR\HQ GH SURGXFWLRQ G·XQ ORJHPHQW VRFLDO D HQ HIIHW
DXJPHQWp GH HQWUH HW &HWWH KDXVVH VHUDLW GXH j OD IRLV j O·LQÁDWLRQ GHV
prix du foncier, surtout dans les territoires où les marchés de l’immobilier sont les plus
© WHQGXV ª HW j O·LPSDFW GHV QRUPHV HW UpJOHPHQWDWLRQV &'&
Cette situation est accentuée, en second lieu, par le fait que les organismes HLM ren-
FRQWUHQW GHV GLIÀFXOWpV JUDQGLVVDQWHV SRXU UDVVHPEOHU OHV ÀQDQFHPHQWV QpFHVVDLUHV DX
montage d’une opération de construction. Malgré l’investissement croissant des collecti-
vités territoriales, les organismes HLM se trouvent directement confrontés au désengage-
PHQW ÀQDQFLHU GH O·eWDW DX[ GLIÀFXOWpV GX ORJHPHQW HW DX[ GRXWHV TXDQW j O·pYROXWLRQ
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des prêts de la Caisse des dépôts et consignations. Concrètement, cela se matérialise dans
la nécessité de multiplier les partenaires pour monter une opération de logement social
HW GH SXLVHU GDQV OHV IRQGV SURSUHV GHV RUJDQLVPHV +/0 XQH SDUWLH GX ÀQDQFHPHQW TXL
UHSUpVHQWH HQ PR\HQQH GX FR€W G·XQH RSpUDWLRQ 'ULDQW HW /L &HWWH QpFHVVLWp
HVW VRXOLJQpH SDU 'XUDQFH © /H PRQWDJH ÀQDQFLHU GHV RSpUDWLRQV LPPRELOLqUHV
locatives s’est beaucoup compliqué dans le temps […]. En effet, il faut mobiliser plu-
VLHXUV VRXUFHV GH ÀQDQFHPHQW SRXU \ SDUYHQLU FH TXL QpFHVVLWH GH QRPEUHX[ FRQWDFWV HW
GHV GpODLV DVVH] ORQJV G·pWXGHV DYDQW G·REWHQLU OHV GpFLVLRQV GH ÀQDQFHPHQW8 ª S
3DU DLOOHXUV XQH WURLVLqPH GLIÀFXOWp UpVLGH GDQV OD FRPSOH[LWp GHV SURFpGXUHV GH
la construction sociale, notamment par rapport à la construction dans le secteur libre.
Celle-ci tient d’abord, pour les élus locaux, à la nécessité d’anticiper la production de
ORJHPHQW VRFLDO HQ LGHQWLÀDQW YRLUH HQ VH SRUWDQW DFTXpUHXU G·RSSRUWXQLWpV IRQFLqUHV
pouvant accueillir sur le territoire communal des opérations sociales neuves. Elle tient
ensuite à la durée et à la complexité du montage des opérations, notamment liées aux

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'XUDQFH VRXOLJQH pJDOHPHQW TXH © OHV RUJDQLVPHV TXL RQW XQ SDWULPRLQH DQFLHQ LPSRUWDQW TXL GpJDJH XQ
DXWRÀQDQFHPHQW QHW SRVLWLI SHXYHQW SOXV IDFLOHPHQW SUHQGUH GHV ULVTXHV GH GpVpTXLOLEUH GHV RSpUDWLRQV QRXYHOOHV
FDU GHV FRPSHQVDWLRQV VRQW SRVVLEOHV HQWUH GHV RSpUDWLRQV EpQpÀFLDLUHV HW GHV RSpUDWLRQV GpÀFLWDLUHV ª (p. 23).
Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282 263

démarches à entreprendre dans le cadre des réglementations liées aux marchés publics.
Un enquêté le formule de la manière suivante : « Un organisme public HLM, il est sou-
PLV DX[ PDUFKpV SXEOLFV 'RQF VL YRXV IDLWHV XQ LPPHXEOH YRXV rWHV REOLJpV GH IDLUH
XQ FRQFRXUV G·DUFKLWHFWHV SDV XQH FRQVXOWDWLRQ 'RQF XQ FRQFRXUV F·HVW GHV GpODLV GH
publication, etc. Vous en avez pour six mois… Après, vous instruisez le permis avec les
GpODLV GH SHUPLV HQVXLWH YRXV DOOH] FKHUFKHU OHV ÀQDQFHPHQWV SXEOLFV DYHF OHV GpODLV TXL
V·HQVXLYHQW HQVXLWH YRXV DYH] OHV DSSHOV G·RIIUHV SXEOLFV SRXU OD FRQVWUXFWLRQ GH O·LP-
PHXEOH DYHF HQ SOXV DXMRXUG·KXL XQ PDUFKp GH OD FRQVWUXFWLRQ TXL HVW WHOOHPHQW IRUW TXH
les entreprises du bâtiment sont débordées de travail […]. Donc, ils viennent, mais ils
YLHQQHQW j GHV SUL[ TXL IRQW TXH XQH IRLV VXU GHX[ RQ D GHV DSSHOV G·RIIUHV LQIUXFWXHX[«
'RQF YRXV HQ UHSUHQH] SRXU VL[ PRLV« 'RQF HQ JURV HW PrPH VDQV WRXV FHV DOpDV YRXV
mettez un an et demi de plus à produire ª (QWUHWLHQ GX
La construction de logements sociaux par les organismes HLM se heurte donc, notam-
PHQW GX SRLQW GH YXH GHV pOXV ORFDX[ j GHV GLIÀFXOWpV G·RUGUH SURFpGXUDO UpJOHPHQWDLUH
HW ÀQDQFLHU DORUV PrPH TX·LOV VRQW FHQVpV rWUH OHV VHXOV RUJDQLVPHV j SRXYRLU SURGXLUH GX
ORJHPHQW VRFLDO 'DQV FH FRQWH[WH pPHUJHQW DX GpEXW GHV DQQpHV DX QLYHDX ORFDO
de plus en plus d’initiatives visant à produire autrement du logement social.

8QH GHPDQGH SROLWLTXH TXL V·LQVFULW GDQV GHV IRUPHV VWDELOLVpHV GH UpJXODWLRQ
politique locale

'DQV OH FRQWH[WH ORFDO HW QDWLRQDO GpFULW HW SRXU XQ FHUWDLQ QRPEUH GH FRPPXQHV DX SUH-
PLHU UDQJ GHVTXHOOHV ÀJXUH OD YLOOH GH 3DULV OD PLVH j FRQWULEXWLRQ GHV SURPRWHXUV LPPREL-
liers privés est présentée par les élus locaux comme un moyen permettant de faire face aux
GLIÀFXOWpV UHQFRQWUpHV %HUWUDQG 'HODQRs PDLUH GH 3DULV SRVH DLQVL GqV OH GpEXW GH VRQ SUH-
mier mandat les termes d’un véritable bras de fer avec les promoteurs immobiliers : « Avec
OD PrPH FRQYLFWLRQ MH UHGLV WUqV FODLUHPHQW FH TXH M·DIÀUPH GHSXLV GHX[ DQV MH QH VLJQHUDL
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SDV GH SHUPLV GH FRQVWUXLUH G·RSpUDWLRQV SULYpHV GH ORJHPHQWV QH FRPSUHQDQW SDV GH j
de logements sociaux. […] Je ne vous demande pas, à vous, promoteurs, de devenir
des fournisseurs de logements sociaux à perte, je comprends vos attentes. Vous voulez des
SHUPLV GH FRQVWUXLUH TXH MH Q·DL SDV HQYLH GH GpOLYUHU V·LOV QH SDUWLFLSHQW SDV j O·DPpOLRUD-
WLRQ GHV FRQGLWLRQV GH ORJHPHQW GH O·HQVHPEOH GHV SDULVLHQV ª %HUWUDQG 'HODQRs ([WUDLW GX
GLVFRXUV GH FO{WXUH GHV $VVLVHV GX /RJHPHQW HW GH O·+DELWDW PDUV
Loin d’être un exemple isolé, ce discours est au contraire symptomatique d’une
évolution des exigences de nombreux maires au moment d’accorder les permis de
construire aux promoteurs privés. Les éléments qui précèdent permettent de com-
prendre pourquoi les élus locaux peuvent avoir intérêt à chercher d’autres solutions
pour construire du logement social, et en particulier à solliciter les promoteurs immo-
biliers. Ils ne permettent toutefois pas d’expliquer pourquoi les élus sont en mesure de
négocier avec les promoteurs sur ce plan. Pour le comprendre, il faut faire référence
aux rapports d’échange, qui sont aussi des rapports de force, qui s’instaurent entre ces
DFWHXUV 3ROODUG j SDUDvWUH
Schématiquement, une perspective en termes d’échange implique de considérer que des
acteurs économiques – ici les promoteurs immobiliers – fournissent aux acteurs publics
certains services ou ressources en contrepartie d’une participation à la fabrication des poli-
264 Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282

WLTXHV SXEOLTXHV %H\HUV (LVLQJ HW 0DORQH\ &HWWH QRWLRQ LQYLWH GRQF j SODFHU O·DF-
cent sur le fait que promoteurs immobiliers et acteurs publics locaux sont interdépendants,
et contraints réciproquement par les ressources, comportements et stratégies des uns et des
autres. L’échange de ressources et la réciprocité sont au cœur des rapports entre promo-
teurs et élus locaux. Ces derniers ont besoin des promoteurs pour mettre en œuvre leur
politique de construction de logements. Mais ils disposent d’un ensemble d’instruments,
réglementaires ou informels, qui constituent autant de ressources leur permettant d’encadrer
et d’orienter les activités de construction de logements des promoteurs immobiliers sur leur
territoire. La capacité de négociation des communes par rapport à ces critères, ainsi que la
volonté politique de jouer sur ces critères, sont variables9. Chaque mairie est plus ou moins
interventionniste, dispose de ses propres procédures, étapes et conditions à respecter pour
TX·DERXWLVVH XQ SURMHW GH FRQVWUXFWLRQ 7DEOHDX
Cet encadrement commence très en amont de la réalisation des opérations de loge-
ment, en particulier dans la maîtrise du droit du sol par l’urbanisme réglementaire. La Loi
portant engagement national pour le logement10 a notamment rendu possible l’institution
d’une servitude dite de mixité sociale11 au sein du Plan local d’urbanisme. Par ce biais, le
FRQVHLO PXQLFLSDO SHXW À[HU GDQV FHUWDLQHV ]RQHV RX VXU FHUWDLQHV SDUFHOOHV XQ SRXUFHQ-
tage de logements sociaux qui devront être prévus dans les programmes de construction
à venir. Un tel dispositif existe dans trois des quatre villes de proche banlieue parisienne
où ont été observées des opérations de logement social construites par des promoteurs
immobiliers, la municipalité de Boulogne-Billancourt étant la seule à ne pas l’avoir mis
HQ SODFH '·DXWUHV RXWLOV GH QDWXUH a priori peu contraignante, sont mobilisés en amont
des opérations, à l’image des chartes informelles. Celles-ci tendent à monter en puissance
et à s’institutionnaliser et elles se révèlent structurantes pour les pratiques des acteurs.
'HV H[LJHQFHV UHODWLYHV j O·LQFOXVLRQ G·XQH IUDFWLRQ GH ORJHPHQW VRFLDO GDQV OH SURMHW RX
au prix de vente de ces logements sont intégrées aux chartes de manière croissante. Elles
traduisent à l’écrit des demandes et des contraintes déjà en vigueur au préalable, et qui
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sont ainsi stabilisées et rendues plus visibles.
Lors de la négociation des opérations, l’instrument règlementaire le plus important
HVW VDQV QXO GRXWH OH IDLW G·DFFRUGHU HW GRQF G·DYRLU OH SRXYRLU GH UHIXVHU OHV SHUPLV GH
FRQVWUXLUH 'DQV OHV IDLWV FHW LQVWUXPHQW H[FqGH ODUJHPHQW FH TX·LO HVW GDQV OHV WH[WHV
XQH © VLPSOH ª SURFpGXUH GH YpULÀFDWLRQ GH OD FRQIRUPLWp G·XQ SURMHW DX GURLW GH O·XUED-
nisme et de la construction. En effet, les procédures d’attribution des permis de construire
reposent sur des règles formelles, mais également sur la maîtrise de règles informelles

9
'XSX\ GLVWLQJXH GHX[ SURÀOV GRPLQDQWV GH FROOHFWLYLWpV ORFDOHV : « les collectivités “plDQL¿FDWULFHV”,
où les contraintes pesant sur les programmes sont pour l’essentiel connues ex ante, et ont fait l’objet d’une négo-
ciation-cadre ex ante entre collectivité et opérateurs ; et OHV FROOHFWLYLWpV “QpJRFLDWULFHV” où les négociations
interviennent dans un cadre plus classique double bilatéral » (p. 29).
10
Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006.
11
2Q SHXW pJDOHPent mentionner le droit de préemption et le droit d’expropriation dont disposent les com-
munes. En outre, les communes ont un certain nombre de moyens réglementaires leur permettant d’intervenir
directement par le biais d’opérations d’aménagement, en créant des lotissements communaux, ou zones d’amé-
QDJHPHQW FRQFHUWp =$& HQ SDUWLculier. Cette formule permet de stimuler la construction de logements par les
promoteurs privés, tout en les encadrant.
Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282 265

proprement locales – qui doivent souvent avoir été intégrées par les promoteurs dans leur
projet en amont du dépôt du permis de construire12.

Tableau 1 : Principaux outils mobilisés par les collectivités locales dans leurs négociations avec
les organismes HLM et les promoteurs immobiliers.

Portage par un syndicat foncier


Maîtrise foncière Foncier détenu par les pouvoirs locaux
'URLW GH SUpHPSWLRQ
'pOLYUDQFH GHV SHUPLV GH FRQVWUXLUH
Zones réservées pour la construction de logements sociaux
'URLW GH O·XUEDQLVPH
Zones à servitude de mixité sociale
Zones d’aménagement concerté
Garantie des emprunts souscrits auprès de la Caisse des dépôts
Financement et consignations
du logement social
Subventions
Charte de la construction neuve, de l’urbanisme
Chartes informelles
&KDUWH VSpFLÀTXH SRXU OHV 9()$ +/0

Les ressources des communes leur permettent de porter un certain nombre d’exigences
à respecter par les promoteurs pour accéder à la construction sur le territoire. Ces attendus
des communes sont synthétisés dans le tableau 2.

Tableau 2 : Principales demandes des collectivités locales dans leurs négociations avec les
organismes HLM et les promoteurs immobiliers.
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Mixage des produits et des fonctions
Programmation Part de logements sociaux
Typologie des logements libres et sociaux
Choix de l’architecte ou part prise dans le choix de l’architecte
'pÀQLWLRQ G·DWWHQWHV HQ PDWLqUH G·DUFKLWHFWXUH TXDOLWp SUHVWDWLRQV
$UFKLWHFWXUH
IRUPHV
Rétrocession d’espaces publics

Logement social Choix du bailleur ou part prise dans le choix du bailleur

Préférence communale pour les acquéreurs


Commercialisation
Encadrement des prix libres et sociaux

12
Cela n’est pas propre aux communes françaises : M. Ball le souligne aussi à propos du système britan-
nique : les permis de construire sont acFRUGpV j SDUWLU GH FULWqUHV YDULpV GRQW FHUWDLQV VRQW VSpFLÀTXHV j GHV
ORFDOLWpV HW QRQ RIÀFLHOV (Ball, 2006).
266 Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282

Pour les promoteurs, connaître les règles du jeu et intégrer ces demandes politiques per-
PHW GH JDJQHU GX WHPSV HW GpPXOWLSOLH OHV FKDQFHV G·DERXWLVVHPHQW GX SURMHW $FFHSWHU
de rentrer dans ce rapport d’échange permet aussi d’être en position favorable en cas de
nouvelles opportunités de construction sur le territoire. En respectant ces règles du jeu,
OHV SURPRWHXUV LPSODQWpV VXU XQ WHUULWRLUH EpQpÀFLHQW GH UHVVRXUFHV LOV SHXYHQW VH WURX-
YHU SOXV RX PRLQV SURWpJpV GH OD FRQFXUUHQFH /H *DOqV HW YRLU OHXUV RSpUDWLRQV
aboutir. Comme le résume un enquêté, salarié d’une entreprise de promotion : « Nous, sur
le logement libre, théoriquement, on est complètement libres, mais on sait que dans cer-
taines mairies, le maire lutte assez drastiquement contre la spéculation foncière et donc
VRXKDLWH HQFDGUHU XQ SHX OHV SUL[ 0rPH VL OpJDOHPHQW LO Q·\ D SDV GH GLVSRVLWLI TXL OH OXL
SHUPHWWH LO \ D TXDQG PrPH XQ FKRL[ SROLWLTXH TXL HVW DVVH] FODLU HW TXL HVW DXVVL XQ MHX
de partenaires […]. Donc on se respecte » (QWUHWLHQ GX .
Cette première partie permet de comprendre pourquoi les promoteurs immobiliers
sont sollicités par les élus locaux pour participer à la production de logements sociaux.
L’explication tient largement à des contraintes et impératifs économiques et surtout poli-
tiques, aussi bien au niveau local que national. Cela nous conduit à pointer également que
cette évolution est rendue possible par la nature des interactions entre promoteurs et élus
locaux, et par les processus de négociation qui se mettent en place lors de l’attribution des
permis de construire.

2. L’appropriation de la construction de logements sociaux par les promoteurs


immobiliers

$FFHSWHU GH FRQVWUXLUH GHV ORJHPHQWV VRFLDX[ LPSRVH DX[ SURPRWHXUV LPPRELOLHUV


un ensemble important d’adaptations et de compromis. Il s’agit en effet, au début des
années 2000, d’une mission nouvelle, dans un secteur dont ils ne connaissent que de loin les
codes et les besoins. L’enjeu est ici de comprendre comment s’est déroulée l’appropriation de
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cette nouvelle mission par les promoteurs immobiliers, au point qu’elle aboutisse au fait qu’ils
construisent aujourd’hui plus de 30 % des logements sociaux français, chiffre qui semble se
VWDELOLVHU GHSXLV DSUqV XQH FURLVVDQFH UDSLGH )LJ ,O HVW LQWpUHVVDQW GH FRQVWDWHU TXH FH
processus se manifeste d’abord comme une contrainte, parce qu’il impose une réorganisation
des modes de faire des promoteurs, parce qu’il menace la rentabilité de leur activité et parce
qu’il rend nécessaire une « conception concertée » entre des acteurs toujours plus nombreux
%DUWKHO HW 'qEUH /·LQWURGXFWLRQ GH OD PL[LWp DX VHLQ GHV RSpUDWLRQV LOOXVWUH FHSHQGDQW
OD ÁH[LELOLWp GHV ÀUPHV GH SURPRWLRQ DLQVL TXH OHXU FDSDFLWp G·DGDSWDWLRQ j GHV FRQWH[WHV
politiques et économiques variés : elles sont en effet parvenues à tourner ces effets négatifs en
avantages, ou du moins à trouver des formes de compensation. Ce sont les paramètres qui ont
rendu ce retournement possible qu’il nous appartient de mettre en évidence.

7UDYDLOOHU FRQMRLQWHPHQW j OD SURGXFWLRQ G·XQH RSpUDWLRQ LPPRELOLqUH PL[WH

La réalisation d’une opération immobilière mixte implique le recours à un mode opératoire


VSpFLÀTXH (Q HIIHW EDLOOHXUV VRFLDX[ HW SURPRWHXUV LPPRELOLHUV Q·RQW a priori, au début des
années 2000, ni l’habitude, ni les moyens de travailler ensemble. Ils ont jusqu’alors essen-
tiellement construit leurs bâtiments en utilisant des modes de faire différenciés et en faisant
Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282 267

DSSHO j GHV ÀOLqUHV VSpFLÀTXHV GHSXLV OHV DUFKLWHFWHV MXVTX·DX[ HQWUHSULVHV GH FRQVWUXFWLRQ
Promoteurs immobiliers et bailleurs sociaux doivent donc trouver une forme de partenariat
TXL SHUPHWWH GH GpÀQLU OHXUV UHVSRQVDELOLWpV HW OHV PRGDOLWpV GH OHXU WUDYDLO HQ FRPPXQ WRXW
HQ DVVXUDQW OH UHVSHFW GH OHXUV LPSpUDWLIV ÀQDQFLHUV HW GH OHXUV REOLJDWLRQV OpJDOHV 3DUPL OD
PXOWLSOLFLWp GHV IRUPHV LQVWLWXWLRQQHOOHV H[LVWDQWHV %URXDQW )DW{PH HW -pJRX]R LOV
choisissent généralement de faire appel à un dispositif ancien, dont ils font une utilisation
QRXYHOOH LO V·DJLW GH OD SURFpGXUH GH YHQWH HQ pWDW IXWXU G·DFKqYHPHQW 9()$

Figure 1 : Part des logements locatifs sociaux construits par des promoteurs immobiliers en
)UDQFH GHSXLV 6RXUFH '*$/1
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/D 9()$ HVW XQ GLVSRVLWLI XWLOLVp SDU OHV SURPRWHXUV LPPRELOLHUV GHSXLV OHV DQQpHV
pour vendre leurs logements neufs à des particuliers. Elle consiste en la signature d’un
contrat qui transfère « immédiatement à l’acheteur ses droits sur le sol ainsi que la pro-
priété des constructions existantes », et « au fur et à mesure de leur exécution » ses droits
sur « les ouvrages à venir »13. L’adaptation de ce dispositif aux problématiques du loge-
PHQW VRFLDO V·HVW IDLWH SURJUHVVLYHPHQW 'HSXLV OH YRWH GH OD /RL G·RULHQWDWLRQ SRXU OD
ville , rien n’interdit que l’acquéreur des biens réalisés par un promoteur soit un orga-
nisme HLM. Néanmoins, le recours à ce dispositif était très rare dans les années 90. Ce
n’est qu’avec le renforcement de l’injonction à la construction de logements sociaux, au
cours de la décennie suivante, que les bailleurs sociaux et les pouvoirs publics y ont eu
SOXV IUpTXHPPHQW UHFRXUV 'HV GpFUHWV HW FLUFXODLUHV RQW DORUV HQFDGUp O·DGDSWDWLRQ GX GLV
SRVLWLI HQ O·DVVRUWLVVDQW GH FRQGLWLRQV VSpFLÀTXHV 3DUPL FHV FRQGLWLRQV GHX[ SULQFLSHV

13
Code Civil $UWLFOH
Loi n° 91-662 du 13 juillet 1991.
268 Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282

OLPLWDLHQW QRWDPPHQW OH UHFRXUV j OD 9()$ +/0 OHV ORJHPHQWV DFTXLV SDU OH EDLOOHXU
social devaient représenter une part minoritaire dans chaque opération et la vente devait
être intéressante pour le bailleur social16, c’est-à-dire se faire à un prix inférieur à celui du
marché immobilier. La première de ces conditions a été supprimée en 2008 ; la seconde
VXEVLVWH HQFRUH DXMRXUG·KXL PrPH VL HOOH QH IDLW SDV O·REMHW GH YpULÀFDWLRQV VSpFLÀTXHV
/HV GRQQpHV IRXUQLHV SDU OD 'LUHFWLRQ JpQpUDOH GX ORJHPHQW GH O·DPpQDJHPHQW HW GH OD
QDWXUH '*$/1 QH WpPRLJQHQW QpDQPRLQV SDV G·XQH GLIIpUHQFH IRUWH HQWUH OH FR€W GHV
ORJHPHQWV UpDOLVpV HQ 9()$ HW FHX[ UpDOLVpV HQ PDvWULVH G·RXYUDJH GLUHFWH (Q ,OH GH
)UDQFH OHV ORJHPHQWV UpDOLVpV HQ 9()$ VHUDLHQW HQ PR\HQQH HQ PRLQV FR€WHX[ GH
½ SDU PqWUH FDUUp )LJ ,O HVW QpDQPRLQV j VRXOLJQHU TXH FHV TXHVWLRQV GH FR€W IRQW
l’objet d’un débat au sein du secteur et donnent lieu à des déclarations contradictoires et
GLIÀFLOHPHQW YpULÀDEOHV17.
8QH IRLV O·RSSRUWXQLWp IRQFLqUH LGHQWLÀpH HW OD QDWXUH GH O·RSpUDWLRQ QpJRFLpH DYHF OD
municipalité, les promoteurs immobiliers doivent prendre en compte les demandes des
organismes HLM. Celles-ci sont généralement formulées, alors même que la procédure
GH 9()$ O·LQWHUGLW ORUV GH G·pODERUDWLRQ GX SURJUDPPH GH O·RSpUDWLRQ R• OHV TXHVWLRQV
d’architecture et de prix, qui sont les plus complexes à résoudre, sont abordées. Les orga-
nismes HLM doivent en effet être particulièrement vigilants à la conception architecturale
et technique de leurs logements, à la fois parce qu’ils doivent en assurer la gestion locative
j ORQJ WHUPH HW SDUFH TXH OHXUV ÀQDQFHPHQWV VRQW VRXYHQW FRQGLWLRQQpV DX UHVSHFW GH FHU-
taines normes. Ces exigences créent des différences de prestations, qui peuvent être com-
plexes à gérer. Elles sont consignées dans un cahier des charges, transmis par l’organisme
HLM au promoteur immobilier, autour duquel s’organise la négociation. Celles-ci donnent
SDUIRLV OLHX j GHV FRQÁLWV HQWUH DFWHXUV %DUWKHO HW 'qEUH RQW DLQVL IDLW OH UpFLW GH OD
conception « au forceps » d’opérations mixtes dans la région nantaise, au cours de réunions
particulièrement houleuses. Nos observations nous amènent à penser que ces opérations, si
HOOHV IRQW WRXMRXUV O·REMHW GH QpJRFLDWLRQV GLIÀFLOHV VRQW PLHX[ DQWLFLSpHV SDU OHV XQV HW OHV
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DXWUHV GX IDLW GH OD IDPLOLDULWp FURLVVDQWH GX GLVSRVLWLI $LQVL SRXU OD GLUHFWULFH GX GpYHORS-
pement d’un organisme HLM francilien, « OHV SURPRWHXUV RQW TXDVLPHQW WRXV DXMRXUG·KXL
un cahier des charges de bailleur, un peu “type VEFA” VL ELHQ TX·LOV FRQQDLVVHQW QRV
SURGXLWV HW TX·LOV VDYHQW WUqV YLWH pYDOXHU FH TXL HVW DWWHQGX ª (QWUHWLHQ GX &H
témoignage concorde avec ceux de chargés d’opération dans la promotion privée, qui ont
pu aller jusqu’à dire que l’intégration du logement social à leurs opérations ne représentait
« TX·XQH OLJQH GH ELODQ HQ SOXV ª (QWUHWLHQ GX

'pFUHW Qƒ GX IpYULHU HW &LUFXODLUH Qƒ GX MXLQ


16
Circulaire n° 2001-19 du 12 mars 2001.
17
/D '*$/1 HVW OD VHXOH j SXEOLHU j O·pFKHOOH UpJLRQDOH HW GHSXLV GHV GRQQpHV VXU OH FR€W GHV
ORJHPHQWV HQ 9()$ &HOOHV FL UpVXOWHQW GH O·H[SORLWDWLRQ GX 6\VWqPH G·LQIRUPDWLRQ HW GH VXLYL GHV DLGHV DX
ORJHPHQW 6,6$/ GDQV OHTXHO VRQW HQUHJLVWUpV OHV SODQV GH ÀQDQFHPHQW GHV ORJHPHQWV VRFLDX[ DX PRPHQW GH
OHXU FRQYHQWLRQQHPHQW F·HVW j GLUH HQ DPRQW GH OHXU OLYUDLVRQ /HV FR€WV UpHOV j OD OLYUDLVRQ SHXYHQW Q·DYRLU
SDV pWp PLV j MRXU 'H SOXV FHV GRQQpHV H[FOXHQW QRWDPPHQW OHV ORJHPHQWV UpDOLVpV GDQV OH FDGUH G·RSpUDWLRQV
GH UpQRYDWLRQ XUEDLQH (QÀQ XQ UDLVRQQHPHQW HQ PR\HQQH QH SHUPHW SDV GH FRPSDUHU OHV ORJHPHQWV FRQVWUXLWV
toutes choses égales par ailleurs, et a donc d’importantes limites.
Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282 269

Figure 2 &R€W PR\HQ DX PqWUH FDUUp KRUV 79$ G·XQ ORJHPHQW VRFLDO VHORQ VRQ PRGH GH UpDOLVDWLRQ
6RXUFH '*$/1 HW

/RUV GHV DXWUHV SKDVHV GX GpYHORSSHPHQW G·XQH RSpUDWLRQ OH UHFRXUV j OD 9()$ +/0
n’impose pas aux promoteurs immobiliers une transformation profonde de leurs modes
de faire. Les étapes de construction sont en effet les mêmes pour des logements sociaux et
des logements en accession à la propriété. Les organismes HLM ont alors essentiellement
un rôle de suivi : ils mettent en place un comité de suivi des travaux, chargé de s’assurer
à intervalles réguliers du respect des contrats. Lors de la livraison, ils sont généralement
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impliqués par le promoteur dans la rédaction du règlement de copropriété et de l’état des-
criptif de division des bâtiments, ainsi que dans la mise en place des organes de gestion.
Ils disposent ensuite, comme pour toute opération de construction, de garanties qu’ils
peuvent faire valoir auprès du promoteur, visant à assurer le parfait achèvement et le bon
fonctionnement de l’ouvrage.
$LQVL OH UHFRXUV j OD 9()$ +/0 DERXWLW j XQH LPSOLFDWLRQ SDUWLHOOH GHV SURPRWHXUV
immobiliers dans le secteur social, qui induit une redistribution des responsabilités et des
compétences. Les bailleurs sociaux, lorsqu’ils choisissent ce mode de production ou sont
contraints à y avoir recours, renoncent à la maîtrise d’œuvre, qui est un aspect important
de leur mission traditionnelle ainsi qu’à une partie de leur indépendance dans les choix de
localisation de leurs opérations. Ils conservent cependant un rôle dans la conception des
opérations, en négociant en amont de façon à imposer leur savoir-faire et leurs besoins.
Contrairement à ce que certains promoteurs immobiliers avaient pu craindre au début du
GpYHORSSHPHQW GHV 9()$ FHWWH LPSRVLWLRQ QH UHQG SDV QpFHVVDLUH XQH FRPSOqWH UppYD
luation de leurs modes de faire. Nous montrons ci-dessous qu’elle contribue néanmoins à
l’évolution de certaines de leurs pratiques.
270 Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282

2.2. Prendre en charge et répartir le coût de la mixité sociale

L’introduction de logements sociaux dans les opérations de promotion, si elle ne modi-


ÀH SDV UDGLFDOHPHQW OH SURFHVVXV GH SURGXFWLRQ D QpDQPRLQV GHV FRQVpTXHQFHV GX SRLQW
GH YXH GH OD JHVWLRQ HW GH OD SURÀWDELOLWp SRXU OHV ÀUPHV GH SURPRWLRQ &·HVW VXUWRXW
HQ WHUPHV G·pTXLOLEUHV ÀQDQFLHUV TXH FH W\SH G·RSpUDWLRQV LPSRVH DX[ SURPRWHXUV XQ
ensemble de réajustements, qui visent à maintenir leurs niveaux de rentabilité. En effet,
le prix de vente des logements acquis par les organismes HLM est généralement inférieur
DX[ SUL[ GX PDUFKp LPPRELOLHU 'DQV FHUWDLQHV ]RQHV R• OH PDUFKp HVW SDUWLFXOLqUHPHQW
tendu, ces différences peuvent être fortes : selon nos interlocuteurs, un appartement vendu
à un accédant à la propriété à Paris en 2012 pouvait avoir un prix au mètre carré plus de
deux fois supérieur à celui d’un appartement vendu dans la même opération à un orga-
QLVPH +/0 $LQVL O·LQWURGXFWLRQ GH OD PL[LWp VRFLDOH VXVFLWH QRWDPPHQW XQ PDQTXH j
JDJQHU SRXU OHV SURPRWHXUV LPPRELOLHUV $ÀQ GH OLPLWHU O·LPSDFW GH FH PDQTXH j JDJQHU
la plupart d’entre eux agissent sur plusieurs postes, en amont et en aval des opérations, de
façon à continuer de produire une marge18.
Nos observations ont mis en évidence le fait que ce rééquilibrage se fait générale-
PHQW HQ DJLVVDQW VXU GHX[ SDUDPqWUHV OH FR€W GX IRQFLHU G·XQH SDUW HW OH QLYHDX GH SUL[
des logements en accession à la propriété d’autre part. La plupart des autres postes du
ELODQ WHOV TXH OHV IUDLV ÀQDQFLHUV OH FR€W GH FRQVWUXFWLRQ RX OHV KRQRUDLUHV SD\pV DX[
DUFKLWHFWHV QH SHXYHQW TX·rWUH UpGXLWV j OD PDUJH /HV FR€WV GH FRQVWUXFWLRQ GX IDLW GHV
cahiers des charges des bailleurs sociaux, sont en effet sensiblement les mêmes pour les
logements en accession à la propriété et pour les logements locatifs sociaux.
/D PDvWULVH GHV FR€WV IRQFLHUV HVW GRQF XQ GHV HQMHX[ SULQFLSDX[ GH OD IDLVDELOLWp GHV
opérations mixtes. Elle implique une négociation entre les promoteurs et les propriétaires,
souvent facilitée, voire encadrée, par les pouvoirs publics. Elle aboutit, notamment quand
il y a servitude de mixité sociale, à la ventilation de la charge foncière : dans ce cadre, la
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partie du terrain servant à construire des logements sociaux sera achetée à un prix infé-
rieur à celle servant à construire des logements en accession à la propriété. La ventilation
correspond ainsi à une forme de dévalorisation du prix du terrain, prise en charge par les
propriétaires fonciers.
Le rééquilibrage des bilans d’opération peut aussi être complété par l’augmentation d’une
partie des recettes. En effet, lorsque les prix des logements en accession à la propriété ne sont
pas encadrés par les pouvoirs publics, il est possible pour les promoteurs de les augmenter. Il
existe ainsi une « péréquation entre les différents types de logements produits au sein d’une
opération », qui consiste à « faire payer, indirectement, aux acheteurs du secteur libre, le prix
GX ORJHPHQW VRFLDO ª 3ROODUG S 3OXVLHXUV GHV DFWHXUV TXH QRXV DYRQV UHQFRQWUpV
ont souligné la réalité de ce phénomène, en expliquant qu’il existe une forme de « sponso-
ring par le logement libre des logements sociaux » (QWUHWLHQ GX ,O HVW GLIÀFLOH
d’évaluer quantitativement la part prise par ce phénomène dans le processus de rééquilibrage

18
Il ne nous est pas possible d’éclairer par des chiffres ces informations, obtenues par recoupement de
sources, dans la mesure où l’accès au bilan des opérations de promotion immobilière est complexe. Les bilans
DQDO\VpV SDU OHV DXWHXUV V·LOV QH SHUPHWWHQW SDV GH FRQVWLWXHU XQ pFKDQWLOORQ UHSUpVHQWDWLI FRQÀUPHQW FHSHQGDQW
les informations présentées ci-dessus.
Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282 271

des bilans des promoteurs immobiliers, mais il est clair qu’il a une réalité à Paris et en petite
FRXURQQH SDULVLHQQH GX IDLW GX FR€W pOHYp GX IRQFLHU *LPDW
La rentabilité de l’activité de promotion immobilière est donc réduite par l’introduc-
tion de logements sociaux dans les opérations, et elle aboutit à ce que les chargés d’opé-
rations et les commerciaux agissent sur l’ensemble des niveaux de prix dans la chaîne
GH SURGXFWLRQ (OOH HVW HQ FH VHQV XQH FRQWUDLQWH TXL OLPLWH OD SURÀWDELOLWp GHV ÀUPHV
de promotion. Néanmoins, cette contrainte a été l’objet, dans la plupart des entreprises
concernées, d’une forme d’appropriation, qui a pu en faire aussi une source d’avantages.

2.3. Tourner la contrainte en avantage

/HV JUDQGHV ÀUPHV GH SURPRWLRQ FRQIURQWpHV j OD F\FOLFLWp GHV PDUFKpV LPPRELOLHUV


ont entamé, dès les années 80, d’importants mouvements de restructuration et de diversi-
ÀFDWLRQ 7RXW HQ VH UHJURXSDQW HOOHV VH VRQW WRXUQpHV YHUV GH QRXYHOOHV DFWLYLWpV WHOOHV TXH
le conseil, la gestion locative, l’aménagement ou les services urbains. Cette extension de
leur domaine de compétence leur a permis de développer des activités contra-cycliques,
TXL OHXU DVVXUHQW XQH SURÀWDELOLWp pFRQRPLTXH \ FRPSULV ORUV GHV PRPHQWV GH PRLQGUH
G\QDPLVPH GHV PDUFKpV 3ROODUG 7RSDORY 7RSDORY /D SURGXFWLRQ
de logement social peut être interprétée comme faisant partie de ce type d’activités. Parce
TX·HOOH UHSRVH VXU GHV ÀQDQFHPHQWV SXEOLFV HOOH HVW HQ HIIHW PRLQV VHQVLEOH TXH G·DXWUHV
SURGXLWV DX FRQWH[WH pFRQRPLTXH 'H SOXV HOOH UHSUpVHQWH XQ HQJDJHPHQW SDUWLFXOLqUH-
ment sécurisé pour les promoteurs. En effet, lorsqu’un bailleur social s’engage sur une
opération, il en réserve généralement une part conséquente, rarement inférieure à 20 %.
Pour le promoteur, cet engagement réduit le nombre d’interlocuteurs et le nombre de
logements à commercialiser, ce qui implique une économie sur certains frais et permet un
GpEORFDJH DFFpOpUp GHV SUrWV EDQFDLUHV 'DQV OHV SURJUDPPHV YDVWHV VXUWRXW OH ORJHPHQW
social permet ainsi de réduire le risque pris : l’implication du bailleur assure souvent à
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elle seule une partie de la faisabilité de l’opération.
'H SOXV OH ORJHPHQW VRFLDO FRQVWLWXH DXVVL SRXU OHV SURPRWHXUV XQH SRUWH G·HQWUpH GDQV XQ
marché où ils ne se sont pas encore imposés, celui destiné aux ménages modestes. En effet, leur
collaboration avec des bailleurs sociaux et, surtout, avec des municipalités peut les conduire
à s’impliquer dans la production d’une offre de logement différente de celle dans laquelle ils
s’investissent généralement. La conjonction fréquente de nouveaux marchés et d’une aide plus
ou moins directe, assumée par les pouvoirs publics, rend la réalisation de ces opérations intéres-
santes : il peut par exemple s’agir de foyers spécialisés, d’établissements d’hébergement pour
SHUVRQQHV kJpHV GpSHQGDQWHV (+3$' GH UpVLGHQFHV pWXGLDQWHV RX HQFRUH GH ORJHPHQWV HQ
accession sociale à la propriété. Tous représentent une offre hybride, sociale par certains aspects
HW OLEUH SDU G·DXWUHV /HV RSpUDWLRQV VLWXpHV DX VHLQ GHV ]RQHV TXL UHOqYHQW GH O·$JHQFH QDWLRQDOH
GH UpQRYDWLRQ XUEDLQH $158 HQ VRQW XQ DXWUH H[HPSOH 6DLQW 0DFDU\
'H IDoRQ PDUJLQDOH OH ORJHPHQW VRFLDO HVW DXVVL GHYHQX SRXU OHV SURPRWHXUV XQ SUR-
duit qui permet d’attirer certains investisseurs. L’usufruit locatif social permet en effet de
se porter acquéreur de logements à des prix inférieurs aux prix du marché, à condition
TX·LOV VRLHQW ORXpV SHQGDQW XQ WHPSV GpÀQL j GHV PpQDJHV GRQW OHV UHVVRXUFHV QH GpSDVVHQW
pas des plafonds de revenus et qui s’acquittent de loyers sociaux. Ce dispositif repose sur
un démembrement du droit de propriété, pendant une durée pouvant aller jusqu’à 20 ans.
272 Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282

'DQV FHW LQWHUYDOOH O·DFTXpUHXU SRVVqGH OH SDWULPRLQH PDLV LO QH MRXLW SDV GH VRQ GURLW
d’usage, qui a été vendu à un bailleur social. Celui-ci assure la gestion locative du bien
ainsi que le relogement des ménages lorsque les investisseurs récupèrent à terme leur bien
OLEUH GH WRXWH RFFXSDWLRQ *RXLOODUG &pQDF HW -DIIUDLQ
(QÀQ OD PL[LWp VRFLDOH HVW DXVVL DSSDUXH j SDUWLU GHV DQQpHV FRPPH XQ DUJXPHQW
dans les outils de communication publique des promoteurs immobiliers. Ceux-ci cherchent en
effet de façon croissante à se présenter, aux acteurs locaux comme au grand public, comme
des acteurs capables de prendre en compte les problématiques du développement durable et
les questions sociales. La mixité sociale et la construction de logements destinés aux popula-
tions les moins aisées sont ainsi devenues un des outils dans les stratégies de marketing et de
UHVSRQVDELOLWp VRFLDOH GHV HQWUHSULVHV 56( $LQVL O·XQ GHV SULQFLSDX[ SURPRWHXUV IUDQoDLV
Nexity, a rédigé et diffusé, en janvier 2006, une charte intitulée « 10 engagements pour favo-
ULVHU O·DFFqV DX ORJHPHQW ª TXL D IDLW O·REMHW G·XQH FRXYHUWXUH PpGLDWLTXH QRWDEOH 'H PrPH
un autre grand promoteur à l’échelle nationale, Bouygues Immobilier, a organisé en 2011,
SDU OH ELDLV GH VD IRQGDWLRQ G·HQWUHSULVH O·2EVHUYDWRLUH GH OD YLOOH XQ F\FOH GH FRQIpUHQFHV
LQWLWXOp © 0L[ FLWp 9LOOHV HQ SDUWDJH ª TXL D pWp FORV SDU XQH H[SRVLWLRQ j OD &LWp GH O·DUFKLWHF-
ture et du patrimoine, à Paris. Ce type d’actions et de manifestations correspond à une forme
d’instrumentalisation du rôle que jouent les promoteurs immobiliers dans la production de
nouvelles formes de mixité sociale. Elles illustrent bien la façon dont un ensemble disparate
de stratégies peuvent leur permettre de rentabiliser ce qui apparaissait pourtant comme une
contrainte. Les pouvoirs publics jouent, ici, un rôle ambigu : s’ils imposent en effet des obli-
gations, ils proposent néanmoins dans un même temps, au niveau national comme au niveau
ORFDO XQ HQVHPEOH G·DLGHV ÀQDQFLqUHV GH GLVSRVLWLIV LQQRYDQWV RX HQFRUH XQ VXSSRUW GDQV OD
négociation avec les propriétaires fonciers qui rendent ces obligations moins problématiques.
Ils sont donc bien inscrits dans un rapport de négociation, qui s’étend depuis le moment de la
formulation de l’injonction jusqu’à celui de la conception des opérations.
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3. Des effets structurants d’une évolution discrète

'DQV FHWWH WURLVLqPH SDUWLH QRXV QRXV DWWDFKRQV j O·DQDO\VH GHV HIIHWV GH FHWWH pYR-
OXWLRQ GLVFUqWH &HOOH FL HVW HQFRUH UHODWLYHPHQW UpFHQWH HW OH UHFRXUV DX[ 9()$ HVW SDU
DLOOHXUV SOXV RX PRLQV IRUPDOLVp VHORQ OHV FRPPXQHV 'H FH IDLW OHV pOpPHQWV PDQTXHQW
parfois pour estimer de manière rigoureuse ses implications. Le travail de terrain réalisé
QRXV SHUPHW WRXWHIRLV G·DIÀUPHU TXH FHWWH pYROXWLRQ HVW SRUWHXVH GH FKDQJHPHQWV VXU
plusieurs plans : politique, urbain et social.

3.1. Des effets sur la régulation politique : quand les dynamiques locales prennent le
pas sur la structuration sectorielle nationale

À un premier niveau, les évolutions concernent la régulation politique du secteur du


logement. En effet, elles témoignent d’un renouvellement des interactions entre acteurs
du secteur, largement initié au niveau local, mais ayant des effets à l’échelle du secteur.
$X QLYHDX QDWLRQDO OHV SROLWLTXHV GX ORJHPHQW RQW ORQJWHPSV pWp PDUTXpHV SDU GHV DQWD-
gonismes entre acteurs-producteurs de logements. L’une des dimensions clefs des argu-
mentaires portés par l’Union sociale pour l’habitat (USH, qui représente les organismes
Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282 273

+/0 FRQFHUQH OD VSpFLÀFLWp GHV RUJDQLVPHV +/0 SDU UDSSRUW DX[ DXWUHV W\SHV G·DFWHXUV
Les témoignages recueillis sur les rapports entretenus par la Fédération des promoteurs
LPPRELOLHUV GH )UDQFH )3, HW O·86+ FRQFRUGHQW 8Q pWDW G·HVSULW G·LQFRPSUpKHQVLRQ HW
d’ignorance mutuelles a longtemps prédominé. Jusque dans les années 2000, les acteurs
de ces organisations professionnelles nationales se connaissent mais ne travaillent pas, ou
peu, ensemble. La situation se tend lorsque des chevauchements d’activités apparaissent.
/HV SULVHV GH SRVLWLRQ GH OD )3, j SURSRV GHV 9()$ UHOqYHQW DLQVL GH O·RSSRVLWLRQ GH SULQ-
cipe, alors même que les Chambres régionales, ou les entreprises directement, négocient
des accords et tentent de jouer sur les règles locales. Jean-François Gabilla (Président de la
)pGpUDWLRQ MXVTX·HQ MXLQ DWWDTXH DLQVL OD OpJDOLWp HW OD OpJLWLPLWp GHV FKDUWHV ORFDOHV
visant à institutionnaliser ces relations : « Ces chartes sont tout simplement illicites : tout
G·DERUG DX UHJDUG GX GURLW GH O·XUEDQLVPH SXLVTXH WDFLWHPHQW RX H[SOLFLWHPHQW HOOHV VRX-
PHWWHQW O·RFWURL GHV SHUPLV GH FRQVWUXLUH DX[ REOLJDWLRQV TX·HOOHV IRQW DX[ SURPRWHXUV HW
QRQ SOXV VHXOHPHQW DX[ UqJOHV SURFpGXUHV HW GRFXPHQWV G·XUEDQLVPH SUpYXV SDU OD ORL
&RPPH O·REWHQWLRQ GHV SHUPLV HVW OD VHXOH FRQWUHSDUWLH DFFRUGpH DX[ SURPRWHXUV HW TXH
FHOD QH SHXW rWUH FHV FKDUWHV VRQW pJDOHPHQW LOOLFLWHV DX UHJDUG GX &RGH FLYLO TXL SRVH OH
SULQFLSH G·XQH UpFLSURFLWp GDQV FH W\SH GH FRQYHQWLRQ (OOHV QH VRQW SDV GDYDQWDJH FRP-
patibles avec les droits de propriété et de la concurrence » (Le Moniteur
Soulignons que le discours tenu au niveau de la FPI a par la suite largement évolué, en
l’espace de quelques années seulement, témoignant d’un fort développement, et d’une
banalisation, de la collaboration entre promoteurs et organismes HLM.
Les évolutions décrites, si elles émergent dans un contexte marqué par des injonctions
QDWLRQDOHV VRQW DYDQW WRXW LPSXOVpHV SDU OH QLYHDX ORFDO 'HV UpÁH[LRQV VH GpYHORSSHQW
TXL UpXQLVVHQW OHV DFWHXUV ORFDX[ GH OD SURGXFWLRQ GH ORJHPHQWV HW YLVHQW j FODULÀHU OHV
UHODWLRQV HQWUH SURPRWHXUV HW EDLOOHXUV VRFLDX[ GDQV OH FDGUH GHV 9()$ &HV UpÁH[LRQV
FRQGXLVHQW GDQV FHUWDLQV FDV j O·pODERUDWLRQ GH FKDUWHV ORFDOHV FI 3DUPL OHV LQL-
tiatives locales qui émergent pour formaliser le recours à ce dispositif, l’exemple de la
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YLOOH GH 1DQWHUUH SHXW rWUH FLWp /D FKDUWH VXU OD TXDOLWp HW OHV FR€WV G·DFTXLVLWLRQ HQ 9()$
TXL \ D pWp pODERUpH GpÀQLW HQ SDUWLFXOLHU GHV SUL[ GH FHVVLRQ SODIRQGV GHV RSpUDWLRQV
HQ 9()$ HW LQVWDXUH GHV UqJOHV G·REVHUYDWLRQ HW GH VXLYL GX FR€W GHV RSpUDWLRQV19. Les
demandes des élus locaux, ainsi que les interactions développées entre promoteurs, bail-
leurs et élus locaux, jouent un rôle moteur dans le changement des modes de coordination
entre acteurs sectoriels.
Ces évolutions locales ont un impact sur la régulation du secteur dans son ensemble, et la
législation nationale s’est adaptée par paliers successifs aux pratiques et aux demandes des
élus locaux. En particulier, cette pratique est ouverte dès 200020, mais n’est véritablement
légitimée qu’à partir de 200621, alors que les acteurs au niveau local témoignent tous de son
IRUW GpYHORSSHPHQW DYDQW FHWWH GDWH $LQVL VL OHV 9()$ j GHV RUJDQLVPHV +/0 RQW pWp DXWR-

19
Cette charte engage les partenaires signataires : ville de Nanterre, aménageurs, organismes HLM et pro-
moteurs actifs dans la commune.
20
/H GpFUHW Qƒ GX IpYULHU SUpFLVp SDU OD FLUFXODLUH Qƒ GX MXLQ RXYUH
H[SOLFLWHPHQW OD SRVVLELOLWp GH ÀQDQFHU SDU OHV DLGHV GH O·eWDW O·DFTXLVLWLRQ GH ORJHPHQWV ORFDWLIV QHXIV DFKHWpV
aux promoteurs immobiliers privés.
21
Cette politique a en effet une base juridique plus claire depuis la Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006.
274 Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282

risées et encadrées par la législation nationale, elles ne font pas partie des mesures phares
mises en avant pour encourager la construction locative sociale. Le dispositif est en effet
peu visible au plan national et il n’a pas été au cœur des débats politique et médiatique lors
GX YRWH GHV ORLV TXL RQW IRUPDOLVp VRQ H[LVWHQFH /H UHFRXUV j OD 9()$ SDU GHV RUJDQLVPHV
HLM a par exemple été peu débattu, en 2006, lors des discussions autour de la loi portant
engagement national pour le logement, alors que celle-ci accroît les possibilités d’y recou-
rir22. Il en a été de même, en 2008, quand a été débattue la loi de mobilisation pour le loge-
PHQW HW GH OXWWH FRQWUH O·H[FOXVLRQ TXL FODULÀH SRXUWDQW OH UpJLPH MXULGLTXH GH OD 9()$23.
En termes de régulation politique, l’essor des promoteurs immobiliers dans le secteur
de la construction de logements sociaux apparaît donc ambivalent. Il participe à une évo-
lution de la structuration du secteur du logement et des catégories de l’action publique.
La frontière séparant les activités des acteurs du secteur est partiellement remise en cause,
ce qui se traduit par des ajustements dans la coordination entre acteurs du secteur. Mais
FHWWH pYROXWLRQ D pWp SHX YLVLEOH '·XQH SDUW HOOH HVW DSSDUXH ODUJHPHQW FRPPH OH UpVXOWDW
d’interactions et d’arrangements locaux, formalisés seulement dans un second temps par
OH FDGUH OpJLVODWLI QDWLRQDO '·DXWUH SDUW HOOH V·HVW IDLWH JUDGXHOOHPHQW GH PDQLqUH LQFUp-
mentale, les acteurs impliqués ayant incorporé progressivement les nouvelles règles du
jeu, après une période initiale marquée par des réticences réciproques.

3.2. Des effets sur le tissu urbain : la ville partagée

À un deuxième niveau, les opérations immobilières mixtes suscitent une réorganisa-


tion, dans la ville, du rapport entre logements libres et logements sociaux. À l’échelle
des bâtiments, elles impliquent une répartition originale de ces deux types de logement :
ceux-ci ne sont plus côte à côte, dans des immeubles aux statuts différents, mais ils sont
imbriqués dans un même ensemble d’immeubles au statut hybride. Cette hybridité est
renforcée par la mixité fonctionnelle : le rez-de-chaussée des opérations mixtes est sou-
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YHQW GHVWLQp j GHV DFWLYLWpV FRPPHUFLDOHV RX j GHV VHUYLFHV PXQLFLSDX[ $LQVL OHV RSp-
rations mixtes, vues de l’extérieur, ne présentent que rarement un aspect immédiatement
reconnaissable. Elles rendent au contraire le logement social moins visible, en l’intégrant
GDQV XQ EkWLPHQW DX[ IRQFWLRQV GLYHUVLÀpHV &HWWH LQWpJUDWLRQ D QpDQPRLQV GHX[ LPSOLFD-
tions importantes : en premier lieu, elle suppose le passage d’un paradigme d’organisa-
tion des activités dans la ville essentiellement horizontal à un modèle vertical, qui repose
sur la superposition ; elle pose, en second lieu, la question de l’organisation spatiale des
DFWLYLWpV DX VHLQ PrPH GHV EkWLPHQWV /XFDQ

22
Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006.
23
/RL Qƒ GX PDUV /·REMHFWLI HVW QRWDPPHQW GH IDFLOLWHU O·DFKDW SDU OHV RUJDQLVPHV +/0
GH ORJHPHQWV HQ 9()$ j GHV SUL[ GpFRWpV &HWWH PHVXUH DQQRQFpH j O·DXWRPQH GHYDLW SHUPHWWUH
à la fois d’écouler les stocks des promoteurs immobiliers, confrontés à des invendus liés à la crise économique,
HW G·DFFURvWUH O·RIIUH GH ORJHPHQWV VRFLDX[ &HWWH © 2SpUDWLRQ ª D HX SRXU HIIHW G·DFFpOpUHU OH UHFRXUV j
OD 9()$ SDU GHV RUJDQLVPHV GH ORJHPHQW VRFLDO FI O·pYROXWLRQ IRUWH GH OD SDUW GH ORJHPHQWV VRFLDX[ UpDOLVpV
HQ 9()$ HQ GDQV OD ÀJXUH PDLV HOOH QH OHXU D SDV WRXMRXUV SHUPLV GH QpJRFLHU OHV FDUDFWpULVWLTXHV OHV
W\SRORJLHV HW OD TXDOLWp GHV ORJHPHQWV DFTXLV (OOH QH FRQVWLWXH FHSHQGDQW SDV XQ GLVSRVLWLI MXULGLTXH VSpFLÀTXH
Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282 275

Nos observations en Ile-de-France nous ont permis d’observer la variété des formes
d’opérations mixtes. Nous avons pu distinguer deux principaux types d’organisation de
OD PL[LWp DX VHLQ G·XQH RSpUDWLRQ *LPDW 'DQV OH SUHPLHU OHV ORJHPHQWV VRFLDX[
et les logements en accession à la propriété sont desservis par deux cages d’escalier sépa-
rées TXL V·RXYUHQW O·XQH HW O·DXWUH VXU OD YRLH SXEOLTXH 'DQV FHWWH FRQÀJXUDWLRQ OHV
parties communes aux deux types de logements ont une surface limitée, qui se résume
aux locaux techniques et au sous-sol, dans lequel est généralement aménagé un parking
commun. Elles sont gérées par le biais d’un accord entre l’assemblée des copropriétaires
et le bailleur social, qui vient compléter l’état descriptif de division du bâtiment.
Le second type d’organisation, pour sa part, présente des cages d’escalier plus nom-
breuses, qui desservent soit des logements sociaux, soit des logements en accession à la
SURSULpWp 2Q \ DFFqGH VRXYHQW SDU OH ELDLV G·XQ HVSDFH FRPPXQ j O·HQVHPEOH GH O·RSp-
UDWLRQ VLWXp HQ SOHLQ DLU HW OD SOXSDUW GX WHPSV DX F±XU GHV EkWLPHQWV 'DQV FH FDV OHV
parties communes aux deux types de logements sont plus nombreuses et ont une surface
SOXV LPSRUWDQWH 'H IDoRQ j FH TXH OHXU JHVWLRQ VRLW DVVXUpH GHX[ VROXWLRQV SHXYHQW rWUH
adoptées : elles peuvent être partiellement rétrocédées par le promoteur immobilier aux
municipalités, mais elles peuvent aussi être gérées par une structure ad hoc, le plus sou-
YHQW XQH DVVRFLDWLRQ IRQFLqUH XUEDLQH OLEUH $)8/ . Le choix de l’une ou l’autre des
possibilités d’organisation dépend essentiellement de la taille des opérations, les plus
SHWLWHV FRUUHVSRQGDQW SOXW{W DX SUHPLHU W\SH HW OHV SOXV JUDQGHV DX VHFRQG )LJ
La répartition des types de logements dans les immeubles a un impact sur les modalités
GH OHXU JHVWLRQ PDLV DXVVL VXU OD IDoRQ GRQW LOV V·LQVqUHQW GDQV OH WLVVX XUEDLQ H[LVWDQW $LQVL
le second type d’organisation que nous avons décrit aboutit généralement au développe-
PHQW G·HVSDFHV GRQW OH VWDWXW HVW PDUTXp SDU OD FRPSOH[LWp 'DQV SOXVLHXUV GHV FDV pWXGLpV
le passage de personnes non-résidentes n’est pas toléré dans les parties communes semi-
SXEOLTXHV TXL VRQW SURWpJpHV SDU GHV GLVSRVLWLIV GH FRQWU{OH G·DFFqV 'HV OLHX[ GH SDVVDJH
peuvent ainsi être clos, et ce même lorsqu’ils permettent, au sein d’un îlot, de faire le lien
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entre deux rues parallèles. Si ce type d’organisation contribue à donner la sensation d’une
cohérence à l’opération organisée autour du passage central, il peut aussi aboutir à la per-
ception d’un espace fermé, en rupture avec le reste du tissu urbain.
En termes d’architecture, les opérations mixtes ne semblent pas être à l’origine d’un pro-
fond renouveau. Néanmoins, elles témoignent d’une évolution dans l’approche qu’ont les
promoteurs immobiliers du dessin de leurs bâtiments. Celle-ci est notamment le résultat d’une
plus grande circulation des personnes et des idées rendue possible par une relative abolition
GH OD GLIIpUHQFLDWLRQ HQWUH OHV ÀOLqUHV DX[TXHOOHV IRQW DSSHO EDLOOHXUV VRFLDX[ HW SURPRWHXUV
immobiliers. Nous avons par exemple observé que ces derniers travaillent de façon croissante,

'DQV OD SOXSDUW GHV RSpUDWLRQV PL[WHV REVHUYpHV GHV FDJHV G·HVFDOLHU GLIIpUHQWHV GHVVHUYHQW OHV ORJH-
ments sociaux et les logements en accession à la propriété. Le mélange des deux statuts dans une même cage
d’escalier est plus rare, mais c’est par exemple le choix qui a été retenu au sein de l’opération Le Capitole,
située à Villejuif.
/HV $)8/ VRQW GHV W\SHV G·DVVRFLDWLRQV V\QGLFDOHV OLEUHV $6/ GRQW OH VWDWXW H[LVWH GHSXLV OH GpEXW GHV
années 60. Elles sont créées à l’échelle d’ensembles immobiliers, et sont complémentaires aux assemblées de
copropriétaires des immeubles qui se trouvent dans leur périmètre. En effet, alors que ces dernières gèrent les
SDUWLHV FRPPXQHV GH OHXUV EkWLPHQWV O·$)8/ JqUH OHV pTXLSHPHQWV FRPPXQV j O·HQVHPEOH XUEDLQ
276 Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282

Figure 3 2UJDQLVDWLRQ GH OD PL[LWp VRFLDOH GDQV OHV TXDWUH RSpUDWLRQV IUDQFLOLHQQHV DQDO\VpHV.
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pour la réalisation d’opérations mixtes, avec des cabinets d’architectes qui étaient jusqu’alors
SOXW{W HQJDJpV DYHF GHV EDLOOHXUV VRFLDX[ HW GHV PXQLFLSDOLWpV /D 9()$ +/0 D SHUPLV OD
rencontre des promoteurs et de ces architectes, réputés plus innovants que ceux avec lesquels
LOV RQW O·KDELWXGH GH WUDYDLOOHU 1LYHW ,OV DXUDLHQW DSSRUWp GHV LGpHV HW GHV DSSURFKHV
nouvelles, notamment vis-à-vis des matériaux utilisés, du traitement des parties communes,
des plans des appartements ou encore du respect des normes environnementales. Le directeur
du développement d’un promoteur a ainsi expliqué : « Historiquement, les logements sociaux,
LOV RQW WRXMRXUV pWp SOXV SHUIRUPDQWV WHFKQLTXHPHQW TXH QRXV >«@ LOV QRXV RQW IDLW EpQpÀFLHU
G·XQ VDYRLU IDLUH G·DXWDQW SOXV TX·LOV RQW OHV PrPHV SUREOqPHV TXH QRXV » en termes d’inser-
WLRQ XUEDLQH G·RSWLPLVDWLRQ GHV SODQV RX GH PDvWULVH GHV FR€WV (QWUHWLHQ GX
La nouveauté des opérations mixtes, en termes urbains, réside donc dans le développe-
ment de nouveaux modes de conception et de gestion de l’espace impliquant un nombre
d’acteurs croissant, ainsi que des pratiques et des statuts hybrides.

3.3. Des effets sur le tissu social : partager la ville

Les effets sur le tissu social des villes de l’introduction de logements sociaux dans des
opérations de promotion immobilière sont plus complexes à évaluer. Les opérations sont
marquées par une grande diversité, notamment en termes de composition sociale et de
UpSDUWLWLRQ GHV GLIIpUHQWHV W\SRORJLHV GH ORJHPHQWV FH TXL UHQG GLIÀFLOH GHV FRQFOXVLRQV
générales. Les municipalités réclament parfois l’introduction d’autres types de logements
au sein des opérations, tels que de l’accession sociale à la propriété ou encore du logement
LQWHUPpGLDLUH (QÀQ LO H[LVWH GLIIpUHQWV W\SHV GH ORJHPHQWV VRFLDX[26, qui ne permettent
pas aux mêmes catégories de locataires de les habiter. Les quatre opérations étudiées
SHUPHWWHQW G·LOOXVWUHU FHWWH GLYHUVLWp 7DEOHDX
/D 9()$ +/0 D FHSHQGDQW O·DYDQWDJH GH IDFLOLWHU OD SURGXFWLRQ G·RSpUDWLRQV GH ORJH-
ment social neuves dans les zones où les prix du foncier sont élevés, et notamment dans
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OHV FHQWUHV YLOOHV 'DQV GH WHOV FRQWH[WHV XQH RSpUDWLRQ HQ PDvWULVH G·RXYUDJH VRFLDOH HVW
GLIÀFLOH j PRQWHU VDQV LQWHUYHQWLRQ ÀQDQFLqUH RX IRQFLqUH GHV FROOHFWLYLWpV /H GpYHORSSH-
PHQW GH OD 9()$ +/0 FRXSOp DX[ VHUYLWXGHV GH PL[LWp VRFLDOH SHUPHW GH SDVVHU RXWUH
FHUWDLQHV GH FHV GLIÀFXOWpV HQ UHQGDQW REOLJDWRLUH OD FRSUpVHQFH GH ORJHPHQWV VRFLDX[ HW
de logements en accession à la propriété.
Nos observations nous permettent par ailleurs de faire deux hypothèses quant aux effets
VRFLDX[ j ORQJ WHUPH GH OD 9()$ +/0 (Q SUHPLHU OLHX QRXV DYRQV REVHUYp TXH OD PL[LWp
sociale à l’échelle du bâtiment a un impact limité sur le quotidien de ses habitants. Les entre-
tiens que nous avons réalisés dans des opérations situées à Pantin et Boulogne-Billancourt,
aussi bien avec des accédants à la propriété qu’avec des locataires sociaux, ont mis en évi-
dence le fait que les relations sociales y sont essentiellement pensées et vécues à l’échelle

26
Les ménages souhaitant accéder au logement social doivent avoir des revenus situés en dessous de pla-
IRQGV GH UHVVRXUFHV SUpGpÀQLV ,OV V·DFTXLWWHQW GH OR\HUV TXL VRQW HX[ DXVVL SODIRQQpV &HV QLYHDX[ GH UHV-
sources et de loyers sont établis par la loi, en fonction de la localisation du logement social et de la façon dont
LO D pWp ÀQDQFp /HV ORJHPHQWV VLWXpV GDQV OHV RSpUDWLRQV PL[WHV TXH QRXV DYRQV pWXGLpHV pWDLHQW HVVHQWLHOOHPHQW
ÀQDQFpV j O·DLGH GH 3UrWV ORFDWLIV VRFLDX[ 3/6 HW GH 3UrWV ORFDWLIV j XVDJH VRFLDO 3/86 TXL QH SHUPHWWHQW SDV
de réaliser les logements sociaux les plus accessibles.
278 Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282

des cages d’escalier, qui sont dans ces cas non-mixtes, plutôt qu’à celle de l’opération dans
sa globalité. Vivre dans une opération mixte n’est ainsi apparu ni comme le résultat d’un
FKRL[ UpVLGHQWLHO VSpFLÀTXH QL FRPPH XQ SDUDPqWUH ERXOHYHUVDQW OD YLH TXRWLGLHQQH

Tableau 3 : Composition des quatre opérations étudiées.

Pantin Villejuif Boulogne Nanterre


La Manufacture Le Capitole Rue de la Ferme MH17

Date de
2007 2008 2006 2007
ÀQDQFHPHQW

Nombre de
61
logements

Nombre de 120, dont


logements 183 23 36 logements
non-sociaux intermédiaires

Nombre de GRQW 3/$, 12, dont 3 GRQW 3/$, GRQW 3/$,


logements 3/86 3/$, 19 PLUS 17 PLUS
sociaux HW 3/6 et 9 PLUS et 20 PLS et 20 PLS

Part de
logements 20 %
sociaux

Nombre et
répartition
11 2 2
des cages
d’escalier

Espaces
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communs
$OOpH FHQWUDOH $OOpH FHQWUDOH
aux logements Sous-sol Sous-sol
sous-sol sous-sol
sociaux et
non-sociaux

2 locaux
commerciaux,
Autres 2 locaux ORFDX[
1 pôle Protection 1 crèche
fonctions commerciaux commerciaux
maternelle
et infantile

PLAI : Prêt locatif aidé d’insertion, logements sociaux dont les loyers sont les plus bas et accessibles aux
ménages les moins aisés.
PLUS : Prêt locatif à usage social, logements sociaux aux loyers et aux conditions d’accès intermédiaires
entre les PLAI et les PLS.
PLS : Prêt locatif social, logements sociaux dont les loyers sont les plus élevés et accessibles au plus grand
nombre de ménages.
En second lieu, nous avons constaté que les représentations de la mixité sociale des
habitants de ces opérations varient selon le contexte socio-spatial dans lequel elles ont été
construites. En effet, dans le cas de l’opération mixte construite à Pantin, l’écart social
Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282 279

entre les locataires sociaux et les accédants à la propriété est limité. Nous y avons observé
TXH OHV UHODWLRQV HQWUH OHV KDELWDQWV RQW WHQGDQFH j QH SDV rWUH LQÁXHQFpHV SDU OH VWDWXW
d’occupation des ménages. Les accédants à la propriété développent des discours proches
GH FHX[ GpFULWV GDQV OD OLWWpUDWXUH VXU OD JHQWULÀFDWLRQ F·HVW j GLUH IDLVDQW PRQWUH G·XQH
forme de tolérance vis-à-vis de la diversité, mais traduisant une volonté d’imposer loca-
OHPHQW OHXUV YDOHXUV HW OHXU PRGH GH YLH %LGRX =DFKDULDVHQ $X FRQWUDLUH GDQV
le cas de l’opération mixte à Boulogne-Billancourt, dans un quartier socialement aisé,
VHV KDELWDQWV RQW WHQGDQFH j GpFULUH XQ SD\VDJH VRFLDO SOXV SRODULVp $LQVL FRPPH GDQV
d’autres situations de cohabitation entre des ménages aux caractéristiques sociales dif-
IpUHQWHV %DFTXp GHV UDSSRUWV FRQÁLFWXHOV VRQW GpFULWV SDU OHV KDELWDQWV 0DOJUp
l’absence d’incident grave, des accédants à la propriété ont pu expliquer avoir, au sein
d’une des opérations étudiées, la sensation de vivre la proximité des logements sociaux
comme un « choc culturel », matérialisé par des « différences de valeurs », de « rapports
à la civilité ou à la propreté ª 'DQV FH PrPH FDV GHV ORFDWDLUHV VRFLDX[ RQW H[SOLTXp VH
sentir « surveillés ª (QWUHWLHQV UpDOLVpV HQWUH PDUV HW DYULO /H VWDWXW G·RFFXSDWLRQ
des ménages devient ainsi le paramètre qui permet la constitution et la perception de
JURXSHV VRFLDX[ HQWUH OHVTXHOV OHV UDSSRUWV VRQW EDVpV VXU OD PpÀDQFH HW O·DQWLFLSDWLRQ GH
FRQÁLWV SRWHQWLHOV
Les effets de l’introduction de la mixité sociale dans les opérations immobilières
privées sont donc variés : ils se manifestent à la fois dans les rapports entre acteurs
de la politique du logement, dans la structuration et la gestion des espaces urbains et
GDQV OD IDoRQ GRQW FHX[ FL VRQW SHUoXV HW H[SpULPHQWpV SDU OHV PpQDJHV $LQVL FH TXL
V·DSSDUHQWH j XQ LQVWUXPHQW UHODWLYHPHQW DQRGLQ O·DGDSWDWLRQ GH OD SURFpGXUH GH 9()$
DX ORJHPHQW VRFLDO VH UpYqOH FRPPH D\DQW XQ HQVHPEOH GH FRQVpTXHQFHV GLIÀFLOHV j
anticiper, et dont on ne perçoit probablement aujourd’hui que les prémices. Les appels
récents de collectivités locales et d’organismes de logement social à encourager la léga-
OLVDWLRQ G·XQH © 9()$ LQYHUVpH ª27 ou à maîtriser plus généralement le développement
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du dispositif, notamment pour limiter la dépendance des organismes de logement social
DX[ DOpDV GHV PDUFKpV LPPRELOLHUV YRLU QRWDPPHQW $25,) PRQWUHQW ELHQ OH
fait que des incertitudes quant à ses effets au long terme subsistent. Ils font en effet
l’objet de débats politiques, qui tendent à rendre moins discrètes ces évolutions de la
politique du logement social.

Conclusion

La construction des logements sociaux n’est plus l’affaire des seuls bailleurs sociaux. Si
l’activité des promoteurs immobiliers en la matière est récente et limitée à certaines parties du
territoire national, ce texte montre qu’elle n’en aboutit pas moins à un ensemble de recompo-
sitions dans le secteur du logement, qui touche à la fois aux modes de faire opérationnels, à la
régulation politique locale ainsi qu’aux effets sociaux et urbains des opérations de construc-
WLRQ GH ORJHPHQWV $LQVL XQH pYROXWLRQ TXL SHXW VHPEOHU FLUFRQVFULWH HW WHFKQLTXH LPSOLTXH HQ

27
&H GLVSRVLWLI WHPSRUDLUHPHQW LQWURGXLW SDU DPHQGHPHQW SDUOHPHQWDLUH GDQV OD ORL Qƒ GX PDUV
SRXU O·DFFqV DX ORJHPHQW HW XQ XUEDQLVPH UpQRYp YLVDLW j UHQGUH SRVVLEOH GDQV GHV FDV VSpFLÀTXHV OD YHQWH
de logements construits par des organismes de logement social à des promoteurs immobiliers.
280 Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282

IDLW XQ HQVHPEOH GH FKDQJHPHQWV VRXYHQW LQFUpPHQWDX[ PDLV TXL VH UpYqOHQW VLJQLÀFDWLIV j


l’échelle du secteur. En se situant à la jonction de l’univers des promoteurs immobiliers et de
celui des bailleurs sociaux, ce texte donne à voir un processus central dans la recomposition
des enjeux autour de la construction de logements aujourd’hui.
'H SOXV HQ V·LQVFULYDQW GDQV OH UHJDLQ GH UpÁH[LRQV VXU OHV SURPRWHXUV LPPRELOLHUV HQ
France, ce texte contribue à documenter l’évolution des stratégies et des activités de ces
acteurs économiques privés. Il montre en particulier que ces acteurs, dont on sait qu’ils sont
devenus centraux dans la production et la gestion de la ville, commencent à s’imposer dans
des secteurs qui étaient restés sous contrôle d’acteurs publics ou soumis à une forte régula-
WLRQ SXEOLTXH /D 9()$ DX PrPH WLWUH TXH FHUWDLQHV GpOpJDWLRQV GH VHUYLFH SXEOLF RX TXH
GHV SDUWHQDULDWV SXEOLFV SULYpV /RUUDLQ VHPEOH DLQVL SDUWLFLSHU j XQ pODUJLVVHPHQW
de leurs fonctions ; ils deviendraient des acteurs à même d’intervenir sur davantage de pro-
blématiques urbaines et d’imposer ainsi leur rationalité et leurs modes de faire.
Notre texte montre que l’entrée des promoteurs immobiliers dans le « monde » du loge-
ment social a été non seulement largement maîtrisée, mais aussi souhaitée par certaines
collectivités locales. En particulier, il conduit à mettre en exergue le rôle souvent moteur
des élus locaux dans le développement des interactions et échanges entre promoteurs et
EDLOOHXUV VRFLDX[ 'DQV OHV FDV IUDQFLOLHQV pWXGLpV OHV DFWHXUV SXEOLFV ORFDX[ FRQVHUYHQW XQ
pouvoir d’orientation et de coordination des acteurs sur leur territoire par le biais d’outils
réglementaires et de négociations informelles. En cela, l’analyse tend à se rapprocher de
O·LGpDO W\SH GH OD © YLOOH QpJRFLpH ª PLV HQ DYDQW SDU 7 7KHXULOODW SOXW{W TXH GHV
travaux sur la néolibéralisation de la production urbaine. En outre, le fait que les bailleurs
sociaux restent à la fois commanditaires et gestionnaires des logements construits aboutit,
plutôt qu’à un remplacement de leur savoir-faire et de leurs normes, à des formes d’hybri-
dation avec celles des acteurs économiques privés. Ces processus de régulation et d’hybri-
dation ne sont certes pas, comme nous l’avons rappelé, sans poser problème. Ils invitent
cependant à porter un regard nuancé sur la façon dont s’articulent intérêts publics et privés
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GDQV OD YLOOH ,OV MXVWLÀHQW DXVVL XQH HQWUpH SDU OH ORFDO OD FRQVWUXFWLRQ GH ORJHPHQWV VRFLDX[
apparaît en effet portée par des acteurs ayant des statuts différents (public, semi-public,
SULYp PDLV DQFUpV GDQV OHV WHUULWRLUHV VWDELOLVDQW GHV UHODWLRQV HQWUH HX[ HW DYHF OHV pOXV
locaux, et développant des liens de loyauté les uns envers les autres.
$X GHOj GH OD FRQVWUXFWLRQ GH ORJHPHQWV VRFLDX[ SDU OHV SURPRWHXUV LPPRELOLHUV
les résultats mis en avant invitent à s’interroger sur les autres formes de circulation de
QRUPHV HW SUDWLTXHV HQWUH SURPRWHXUV HW EDLOOHXUV VRFLDX[ $LQVL G·DXWUHV G\QDPLTXHV
questionnent la structuration du secteur du logement : le développement de l’accession
sociale à la propriété par les bailleurs sociaux en est un exemple.
Matthieu Gimat et Julie Pollard / Géographie, Économie, Société 18 (2016) 257-282 281

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