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– La formulation du titre


27Comme dans les autres romans d’Ahmadou Kourouma, le titre intrigue : Allah
n’est pas obligé. Titre tronqué, elliptique, incomplet, donc masqué, énigmatique,
incompréhensible. La question que l’on se pose immédiatement est de savoir
« obligé de faire quoi ? ». En effet le verbe obliger est transitif, il requiert la
présence simultanée d’un sujet, d’un objet direct et d’un objet indirect : on oblige
quelqu’un à faire quelque chose ; on est obligé de faire quelque chose.

, Kourouma oblige le lecteur, d’entrée de jeu, à se poser des questions et à


rechercher des réponses. Alors « Allah n’est pas obligé de faire quoi ? » La réponse
est dans le texte, dans le premier paragraphe du roman :

« Allah n’est pas obligé d’être juste dans toutes ses choses ici-bas. » (p. 9)

31Le titre du roman n’est donc pas anodin : il représente le condensé d’une
philosophie de l’existence (ici L’homme propose, Dieu dispose) et révèle une
manière de concevoir l’écriture littéraire, énigmatique comme la « parole
ancienne » des Malinkés32, kuma kodoba, la parole des Anciens, la parole « cuite »
ou encore la parole « à coque » qu’il faut savoir « décortiquer » avec patience, le
sens profond étant profondément enfoui dans les mots de tous les jours.

Theme
Dans les premières lignes du roman, Kourouma qualifie sa prose de « blablabla »,
de « salades » contées par « un sale gosse », un « enfant de la rue » devenu « un
enfant-soldat », comme si le récit qu’il nous offre par la bouche d’un gamin était
sans grand intérêt. Or le thème choisi est loin d’être banal. C’est l’histoire d’un
petit garçon de 10-12 ans, de « race malinkée », devenu orphelin, qui part au
Libéria puis en Sierra-Leone à la recherche de sa tante disparue 5. Celle-ci
représente le seul lien familial qui lui reste. Pour se procurer l’argent nécessaire à
la poursuite de son errance à travers des contrées hostiles où règne une « guerre
tribale » sans merci il se fait recruter comme enfant-soldat. C’est ainsi qu’il
apprend à « tuer beaucoup de gens avec kalachnikov (ou kalach) » [sic] et à « se
camer avec kanif et les autres drogues dures » (Allah, p. 11).

Or voici comment le petit « héros » se présente lui-même, « en six points pas un
de plus en chair et en os avec en plume 6 [sa] façon incorrecte et insolente de
parler » (Allah, p. 9-12) :

« Et d’abord… et un… M’appelle Birahima. Suis p’tit nègre… parce que je parle mal le
français…
Et deux… Mon école n’est pas arrivée très loin ; j’ai coupé cours élémentaire deux. J’ai
quitté le banc parce que tout le monde a dit que l’école ne vaut plus rien, même pas le
pet d’une vieille grand-mère…
Et trois… suis insolent, incorrect comme barbe d’un bouc et parle comme un
salopard…
Et quatre… Suis dix ou douze ans (il y a deux ans grand-mère disait huit et maman
dix) et je parle beaucoup…
Et cinq… Pour raconter ma vie de merde, de bordel de vie dans un parler approximatif,
un français passable…, je possède quatre dictionnaires. Primo le
dictionnaire Larousse et le Petit Robert, secundo l’Inventaire des particularités lexicales
du français en Afrique noire et tertio le dictionnaire Harrap’s. Ces dictionnaires me
servent à chercher les gros mots 7, à vérifier les gros mots et surtout à les expliquer.
Et six… suis pas chic et mignon, suis maudit parce que j’ai fait du mal à ma mère,
parce que suis poursuivi par les gnamas de plusieurs personne

 le narrateur s’identifie comme celui qui parle mal le français


et qui n’a aucune intention de s’améliorer : « Non  ! Mais suis
p’tit nègre parce que je parle mal le français C’é comme ça (…)
[sic]  »  Loin d’être un aveu d’incapacité linguistique, cette
[5]

déclaration est au contraire une provocation d’un narrateur


impertinent qui ne voit aucun mérite à savoir parler cette
langue de colonisation qui obstrue son identité alors même
qui peut dire ce qu’il pense en sa langue.
 J’emploie les mots malinkés comme (faforo  !)…(gnamokodé  !)…
(walahé  !)…Les malinkés, c’est ma race à moi. C’est la sorte de
nègres noirs africains indigènes qui sont nombreux au nord de la
Côte d’Ivoire, en Guinée et dans d’autres républiques bananières
et foutues comme Gambie, Sierra Leone et Sénégal là-bas, etc.
Cette identification donne le ton de ce que Birahima n’a pas
l’intention d’accorder quelque traitement de courtoisie au
français, victime d’une insécurité dans la pratique. D’ailleurs, il
est démontré que cette langue, pourtant officielle en Côte
d’Ivoire, se plie à un emploi décontextualisé,
 34Outre les jurons et les insultes, de vrais « gros mots » proférés par
Birahima comme faforo, gnamokodé, walahé35, manifestations de la colère
qui ponctuent le récit sur toute sa longueur et servent notamment comme
marques phatiques de maintien de la relation avec le lecteur et comme
mots de clôture des chapitres, on retrouve, encore, un bon nombre de
termes malinkés comme bilakoro, djibo, gnama, et quelques autres,
expliqués, curieusement, par référence à l’IFA.

La langue

Relèvent de la langue, au sens général, les mots et expressions, hérités ou


empruntés, qui ne sont pas propres à un auteur mais appartiennent à la
communauté linguistique dans son ensemble. C’est de cette langue que parle
Ahmadou Kourouma quand il déclare dans la revue Diagonales (1988, p. 5) :

« J’assigne deux finalités à la langue : elle est un moyen de communiquer, de


transmettre des messages, elle est aussi un moyen de se retrouver.
La langue d’écriture, ici, c’est évidemment le français, une langue non maternelle
pour Ahmadou Kourouma dont la langue maternelle est le malinké 11. Il s’agit
précisément d’une langue seconde12 définissable par son caractère à la fois non
identitaire et néanmoins nécessaire pour la communication dans les secteurs
vitaux qui sont, en Afrique, la scolarisation, l’administration, le monde du travail
et, bien entendu, l’expression littéraire. La langue seconde, héritée de la
colonisation, cohabite avec la langue maternelle, identitaire, dans un rapport de
force tout en défaveur de cette dernière, qui se trouve minorisée, marginalisée et
exclue notamment de la communication écrite. C’est ce qui s’appelle la
diglossie13. De ce fait l’écrivain africain, surtout francophone, n’a pas vraiment le
choix de la langue d’écriture, même quand il pratique couramment sa langue
maternelle. Il ne peut et ne sait généralement pas écrire (dans) sa langue
maternelle parce que la maîtrise scripturale et orthographique, qui est une
technique, n’en est pas assurée par l’école, ainsi que je l’ai déjà analysé 14 :

Mais une langue seconde, quel que soit le degré de connaissance que l’on en a,
demeure une langue apprise dont on n’a jamais une maîtrise totale : des pans
entiers du vocabulaire restent ignorés, des nuances sémantiques demeurent
insaisissables, des mécanismes articulatoires et des subtilités morpho-syntaxiques
continuent d’échapper. Sans une scolarisation poussée permettant de s’approcher
d’une connaissance optimale, celle du locuteur natif 15 parlant sa langue
maternelle, on n’est jamais à l’abri de l’erreur ou de la faute, ce qui est synonyme
de plus ou moins « mal parler ». C’est ce constat pragmatique que fait Birahima, le
héros-narrateur, qui déclare d’entrée de jeu :

« Suis p’tit nègre. Pas parce que suis black et gosse. Non ! Mais suis p’tit nègre parce
que je parle mal le français. C’é comme ça. Même si on est grand, même vieux, même
arabe, chinois, blanc, russe, même américain ; si on parle mal le français, on dit on
parle p’tit nègre, on est p’tit nègre quand même. Ça, c’est la loi du français de tous les
jours qui veut ça. [...] Mon école n’est pas arrivée très loin ; j’ai coupé cours
élémentaire deux. » (p. 9)

De fait, notre héros, dont la scolarisation est restée inachevée (« j’ai coupé cours
élémentaire deux »), fait usage d’une langue rudimentaire, une sorte
d’interlangue16 voisine du pidgin, une langue étrangère mal appropriée. Ne
souffrant nullement du « sentiment d’insécurité linguistique »17 qui est, selon
William Labov, surtout le lot des classes moyennes, il fait le choix explicite de
« conter ses salades » en « p’tit nègre », c’est-à-dire « dans un parler
approximatif, un français passable », une langue dont l’auteur (Kourouma),
reprenant malicieusement, en écho, le narrateur (Birahima), admet implicitement
qu’elle est peuplée d’incorrections par la formule récurrente « En français correct,
on ne dit pas… » :

« La première chose qui est dans mon intérieur. En français correct, on ne dit pas dans
l’intérieur, mais dans la tête. » (p. 13)

15Cette langue de récit, basique et incorrecte, faute de scolarisation, est associée à


un langage plein de grossièretés et d’insolences, faute d’éducation :

« [...] suis insolent, incorrect comme barbe d’un bouc et parle comme un salopard. »
(p. 10)

L’auteur fait parler le narrateur en une langue ouvertement anomale18. De


méchantes langues pourraient voir dans cette façon de procéder une précaution
stratégique de l’auteur pour faire pardonner, par avance, les formes douteuses
voire franchement incorrectes qui subsisteraient dans son texte. Je m’empresse
donc de préciser que cette forme de langage, qui frappe dans les premières pages,
n’est finalement pas une caractéristique de l’ensemble du roman de Kourouma. En
effet, passé le premier chapitre où le « p’tit nègre » produit surtout un effet
d’annonce et en dehors de quelques passages dialogués où interviennent des
personnages bien typés, comme dans cette scène (Allah, p. 131- 133)19 où
Yacouba, « le bandit boiteux, le multiplicateur de billets de banque, le féticheur
musulman » rencontre ses compatriotes mandingues, le lecteur s’aperçoit du
changement continuel de niveaux de langue : on passe, en bien des endroits du
récit, parfois dans les mêmes paragraphes, de la langue populaire (ou du pidgin) à
la langue courante soutenue, voire à la langue classique très normée.

La langue de récit, dans Allah, est loin d’être homogène, à la différence des textes
antérieurs de Kourouma où les héros parlent certes une langue pleine de
particularismes mais dépourvue d’erreurs ou de fautes manifestes 20, et surtout ils
parlent dans le même registre de la langue commune d’un bout à l’autre du
roman. Ici le narrateur (j’allais dire l’écrivain) mélange, plus ou moins
consciemment, plusieurs niveaux ou registres de langue (basilecte ou langue
populaire, mésolecte ou langue courante, acrolecte ou langue soutenue), voire
plusieurs types de langage (argot – pidgin – français commun) au sein du large
répertoire verbal dont il dispose. On peut véritablement parler d’alternance
codique21, dans le même espace intralingual, au sein de la même langue. La
langue populaire22 ou, comme dit Birahima, « le français de tous les jours », est la
forme dominante dans laquelle est écrit le récit. Elle représente le niveau
basilectal, pratiquée essentiellement à l’oral. Elle se caractérise par un vocabulaire
« décontracté » (ça, mec, black, p’tit, tralala) et une syntaxe « économique » faite
de structures tronquées, marquées par l’absence de pronom sujet (m’appelle, suis,
etc.) ou de la marque de négation ne (ça vaut pas…, je dis pas…, on l’emmerdera
pas…) :

« m’appelle Birahima. Suis p’tit nègre. Pas parce que suis black et gosse. » (p. 9)
« Je dis pas comme les nègres noirs africains indigènes bien cravatés : merde ! putain !
salaud ! J’emploie les mots malinkés comme faforo ! » (p. 10)

On trouve, dans Allah comme dans les précédents romans de Kourouma, de


nombreuses formes redondantes, à commencer par le fameux syntagme « nègre
noir africain indigène »54, dont la forme la plus cumulative est « un vrai enfant
nègre noir africain broussard » (p. 13), et la structure parallèle « le commandant
blanc toubab colon colonialiste » (p. 221)55, à l’extrême limite de saturation des
possibilités combinatoires de la langue française56 :

« Asseyez-vous et écoutez-moi. Et écrivez tout et tout. » (p. 13)


« J’ai oublié de vous dire quelque chose de fondamental, de très, de formidablement
important. » (p. 14)
« Tout ça pour prédire que la vie de ma mère allait être terriblement et
malheureusement malheureuse. » (p. 21)
« Si le capitaine opère ta jambe, tu vas mourir, complètement mourir, totalement
mourir comme un chien, a dit l’infirmier major. » (p. 24-25)
51Donc moins de recréations lexicales ou sémantiques, mais référence continuelle
à l’IFA et aux dictionnaires de langue dont les définitions sont reprises presque
textuellement, comme de vraies citations d’autorité : une manière pour l’auteur de
se protéger contre l’accusation d’excessive novation ?

52Ahmadou Kourouma oppose fréquemment la manière africaine de parler


« comme disent les Africains » à la manière européenne « comme disent les
Français » ; il utilise souvent l’expression « ou comme on dit en français » (comme
si la première phrase était en langue étrangère), qui rappelle bien le fameux
« disons-le en malinké » lancé dans Les Soleils des indépendances. Il s’agit là
d’une forme d’autotraduction qui se répète tout le long du roman et apparaît
comme une marque stylistique tout à fait évidente :

« Simplement Ma, ça venait de mon ventre disent les Africains, de mon cœur disent les
Français de France. » (p. 19)
« Avec méfiance et hésitation dans le ventre, disent les Africains, et dans le cœur,
disent les Français. » (p. 28-29)
« Tous les paniers de colas d’un bateau entier étaient entièrement foutus, perdus,
bons à être jetés dans la mer. Yacouba avait perdu tout son argent. On dit en français
que Yacouba était complètement ruiné, totalement ruiné. » (p. 41)
56Puisque Ahmadou Kourouma dit souvent qu’il pense en malinké, sa langue
maternelle et qu’il écrit en français, une langue seconde, il est légitime de
supposer que le texte en français, langue d’écriture, est constamment sous
l’influence d’un texte parallèle, mentalement antérieur, en malinké, langue de
conception. On aurait affaire là à un premier travail d’intertextualité. La narration
en français constitue le texte alors que les morceaux en malinké ou en français
local, apparaissant en filigrane ou de façon explicite, forment le co-texte.

57La présence d’un co-texte explicitement situé, est marquée, dans Allah, sous la
forme de citations, entre parenthèses, des articles de l’IFA et des
dictionnaires Larousse, Petit Robert et Harrap’s. Pourquoi cette référence à l’IFA et
aux dictionnaires de langue ? Kourouma, par la voix de son héros, Birahima, s’en
explique dès le début du roman (Allah, p. 11) :

« Pour raconter ma vie de merde, de bordel de vie dans un parler approximatif, un


français passable, pour ne pas mélanger les pédales dans les gros mots, je possède
quatre dictionnaires. Primo le dictionnaire Larousse et le Petit Robert, secundo
l’Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire  et tertio le
dictionnaire Harrap’s. Ces dictionnaires me servent à chercher les gros mots, à vérifier
les gros mots et surtout à les expliquer. Il faut expliquer parce que mon blablabla est à
lire par toute sorte de gens : des toubabs (toubab signifie blanc) colons, des noirs
indigènes sauvages d’Afrique et des francophones de tout gabarit (gabarit signifie
genre). »

58Chaque dictionnaire est utilisé dans le but précis de fournir une explication
ciblée à divers publics potentiels, destinataires du roman (Africains, Français,
Francophones) :

« Le Larousse et le Petit Robert me permettent de chercher, de vérifier et d’expliquer


les gros mots du français de France aux noirs nègres indigènes d’Afrique. L ’Inventaire
des particularités lexicales du français en Afrique noire  explique les gros mots
africains aux toubabs français de France. Le dictionnaire Harrap’s explique les gros
mots pidgin à tout francophone qui ne comprend rien de rien au pidgin. »

59Les mots de l’IFA apparaissent directement dans le texte, sans apparat


particulier (ni italiques ni guillemets) et sont suivis immédiatement de parenthèses
explicatives reprenant plus ou moins textuellement le métalangage
dictionnairique. Ces parenthèses métalinguistiques, qui constituent des morceaux
de texte indépendants à l’intérieur du texte même du roman, en imposant
constamment un changement de registre de langue et par leur caractère répétitif
(les mêmes mots sont expliqués plusieurs fois, parfois dans des termes différents
(ex. faforo) à chaque apparition !), créent incontestablement un ralentissement du
récit qui finit par agacer le lecteur pressé.

60Certaines explications ne figurent pas dans IFA comme celles qui sont fournies à
propos de bushman, gnama, doni-doni, gnona-gnona, chi Allah la ho :

 60 Ce terme, qui vient de l’anglais, signifie, en réalité, « hommes de la brousse ».

« Gnama (Gnama est un gros mot nègre noir africain indigène qu’il faut expliquer aux
Français blancs. Il signifie, d’après Inventaire des particularités lexicales du français en
Afrique noire, l’ombre qui reste après le décès d’un individu. L’ombre qui devient une
force immanente mauvaise qui suit l’auteur de celui qui a tué une personne
innocente). » (p. 12)
« Parce que au Libéria là-bas c’est la forêt et les hommes sont des bushmen. (Bushmen
signifie, d’après Inventaire, hommes de la forêt60, nom donné par mépris par les
hommes de la savane aux hommes de la forêt). Les bushmen sont des gens de la forêt
qui ne sont pas malinkés et qui ne connaissent pas la circoncision et l’initiation.  »
(p. 36-37)
« Strictement signifie rigoureux61, qui ne laisse aucune latitude. » (p. 16)

Enfin signalons une dernière grande manifestation de l’intertextualité dans ce


roman : l’emploi, relativement peu abondant mais toujours remarquable, des
proverbes63 dont on peut penser légitimement qu’ils proviennent aussi de la
langue maternelle de l’auteur, qui se contente de les traduire de façon littérale :

« Le genou ne porte jamais le chapeau quand la tête est sur le cou.  » (p. 11)
« Il faut toujours remercier l’arbre à karité sous lequel on a ramassé beaucoup de bons
fruits pendant la bonne saison. » (p. 17)
« Un pet sorti des fesses ne se rattrape jamais. » (p. 28)

66Ces petits textes de la tradition orale malinkée, reformulés en français, dans un


récit écrit où ils déto (n) nent littéralement, témoignent de cette intertextualité
autant que de l’interculturalité dont les romans d’Ahmadou Kourouma sont
toujours porteurs.

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