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Camille

Lequeux

Humanités Numériques et Approche du travail de terrain

J'ai choisi de mener mon entretien sur le sujet de la colonisation et de la


décolonisation au Brésil. En effet, il s'agit d'un sujet en lien avec mon mémoire, mais
également avec les préoccupations que l'on peut avoir concernant le processus de
décolonisation en Amérique Latine, et les conséquences de cette période historique. En tant
qu'étudiante en Master Les Amériques, et étant partie au Brésil le semestre dernier, je me
suis retrouvée particulièrement concernée par la présence de la colonisation dans le
quotidien des brésiliens. En effet, la conscience de tous les aspects de la colonisation ne
m'ont pas paru être totalement perçus par les brésiliens. Ainsi, j'ai été quelque peu choquée
de découvrir une immense statue représentant un colonisateur assouvissant des amérindiens
sur une place stratégique dans la ville de São Paulo. Par ailleurs, mon sujet de mémoire se
dédie à analyser deux œuvres fictives relatant l'alliance des Français et de la tribu Tupis à
Rio de Janeiro afin de comprendre comment deux peuples diamétralement opposés ont pu
s'allier. J'ai décidé de faire cet entretien avec un carioca, un habitant de Rio de Janeiro pour
maximiser les réponses en lien avec cet épisode de l'histoire. Il s'agit d'une alliance
stratégique entre chrétiens occidentaux et amérindiens cannibales pour lutter contre les
Portugais.

L'ordre de mes questions se base sur un fil conducteur chronologique. En effet, dans
un premier temps, je commence par poser des questions faciles à réponses rapides pour
mettre à l'aise la personne interrogée. Puis, je lui demande des renseignements sur ses
voyages et visions qu'il a de l'étranger ainsi que les capacités d'ouverture d'esprit qu'il a pu
acquérir au fur et à mesure. En effet, ces éléments vont me servir par la suite, car son
expérience à l'étranger va m'être utile pour m'appuyer sur des exemples lorsque je vais
aborder des sujets précis. Je fais ensuite le lien entre les voyages et la colonisation afin
d'avoir son point de vue en tant que descendant de peuple colonisé, et en tant qu'étranger
arrivant en Europe. Ce qui va m'intéresser ici, c'est la vision des brésiliens, que ce soit dans
l'enfance à travers la scolarisation, ou dans la phase adulte, sur la colonisation, puis sur la
décolonisations. Ici, j'ai décidé d'aborder plutôt les conséquences de cette colonisation sur le
Brésil qui souffre encore aujourd'hui de ses effets dévastateurs, notamment autour de la
question de l'identité. Enfin, je vais terminer l'entretien sur des questions plutôt actuelles
comme les droits des amérindiens dans la société brésilienne sous le gouvernement
d'extrême droite de Jair Bolsonaro, ou la question d'une éventuelle réparation.

La prise de contact avec Guilherme n'a pas nécessité de présentation de ma personne,


puisque je le connaissais déjà. Je l'ai rencontré pendant mes études au Mans. Déjà, à
l'époque, la colonisation et ses conséquences faisaient partie de nos conversations.
Seulement, je n'avais pas le bagage nécessaire concernant la colonisation au Brésil pour
pouvoir argumenter mon opinion ou poser les bonnes questions. Ainsi, mes études dans le
Master Les Amériques et mon voyage au Brésil ont suscité un intérêt particulier chez moi,
d'où le fait d'en faire un sujet de mémoire, et de proposer un entretien à cet ami. De cette
manière, l'entretien se fait sous la forme du tutoiement, puisqu'il aurait été parfois
compliqué de nous vouvoyer, surtout pour lui qui ne possède pas une maîtrise parfaite de la
langue française. L'entretien s'est effectué à distance, chacun derrière notre écran puisque je
me trouvais en France, et lui au Brésil. Nous étions chacun chez nous, moi dans un bureau,
et lui dans sa chambre. L'entretien a duré au total 1h02min et a été ponctué de blancs qui
montrent que l'interrogé est en pleine réflexion. En effet la colonisation, la décolonisation et
leurs effets sur l'identité brésilienne, sont des sujets très complexes à aborder. La réponse
mérite alors réflexion et elle est parfois difficile à exprimer ou peut-être changeante au fur et
à mesure que l'entretien se déroule. Il s'agit également de sujets où le brésilien ne va pas
avoir de réponse puisqu'il s'agit d'une problématique qui n'a toujours pas été résolue.

Au cours de l'entretien, j'ai remarqué différentes difficultés qui n'ont en aucun cas
entaché l'entretien, mais qui ne l'ont pas facilité non plus. En effet, Guilherme avait parfois
des difficultés à s'exprimer en français : « je ne sais pas comment dire ça ». Certains mots
lui étaient inconnus, comme « amérindiens » puisque lui, utilise le mot indigenas dans sa
langue. Il ne sait pas alors si c'est la même chose en français, si l'emploi de tel mot est
correct ou non. Ainsi, il doute et se retrouve en proie aux hésitations ponctuant ses réponses
de « euh » ou de blancs. Il n'est pas sûr des mots employés et me demande alors
confirmation. On remarque ainsi qu'il est dur de s'exprimer dans une langue étrangère sur un
sujet aussi délicat qui mérite réflexion. Lui comme moi, nous sommes alors les victimes des
balbutiements dû au fait que c'était notre premier entretien, mettant alors en relief notre
inconfort. Les « euh » faisaient également beaucoup parti de mes questions ou remarques.
Par ailleurs, sa prononciation est parfois différente, créant ainsi des situations où j'ai parfois
du mal à comprendre. Cela n'est cependant arrivé que peu de fois. Certaines situations ont
ainsi prêté à confusion, que ce soit de son côté ou du mien, à cause de la barrière de la
langue. S'il a pu faire des fautes de français, cela était tout à fait normal et compréhensible
de toute manière. Pour l'aider à exprimer certaines idée, l'utilisation de mots anglais ou
portugais, ou de mots français n'existant pas mais étant compréhensible, a pu se remarquer.
En cherchant mon approbation concernant divers mots de vocabulaire, je me devais de le
mettre en confiance en approuvant d'un hochement de tête ou d'un « Hm hm ». Par ailleurs,
sa scolarité remontant déjà à un certain temps, il ne possédait plus beaucoup de souvenirs,
ou tout du moins pas précis, se traduisant par des hésitations, des réponses brèves ou des
réflexions pour essayer de se souvenir. Nous avons également été perturbés par le fait de
couper la parole à l'autre sans le vouloir puisqu'il s'agissait d'un décalage dû au fait que
l'entretien était réalisé via Whatsapp. Si de nombreux soufflements sont repérables dans
l'entretien, c'est parce qu'ils traduisent la réflexion de Guilherme. En effet, la colonisation,
l'identité et la décolonisation sont des sujets qui suscitent une profonde réflexion. De plus,
les soufflements peuvent également traduire sa frustration à peiner à trouver ses mots et
exprimer ses idées en français. Par ailleurs, on peut remarquer qu'il a dû tousser à quelques
reprises, à cause du covid, ne facilitant pas la fluidité de l'entretien. A la suite de cet
entretien, nous avons de nouveau échangé sur la question de l'identité brésilienne puisque
certains éléments dont il m'a fait part étaient très intéressants et montraient l'ambivalence de
ce sujet.

Lors de la retranscription, j'ai remarqué que Guilherme utilisait le pronom personnel


« vous » pour désigner les européens dans un premier temps. Nous parlions alors de la
colonisation et de son voyage en Europe en tant qu'étranger, et brésilien. Ce « vous » s'est
transformé en « nous » lorsque nous parlions des droits des amérindiens et du fait que les
colonisateurs ont volé les terres des habitants. On remarque alors une ambivalence de
Guilherme qui ne sait pas où se placer entre le « nous » et le « vous », entre l'européen,
l'amérindien et l'africain, d'où la complexité de l'identité brésilienne abordée dans l'entretien.
Les thématiques des questions personnelles et du voyage n'ont pas constituées une grande
partie de l'entretien. Il s'agissait plutôt d'une introduction aux sujets, beaucoup plus
nécessiteux de réflexion, que sont la colonisation et la décolonisation. Ces deux thèmes ont
été traité à équivalence au niveau de leur poids et du temps que l'on a pris pour aborder cela.

Cet entretien nous renseigne sur la conscience brésilienne concernant la colonisation.


Il met notamment en valeur la complexité de définir une identité brésilienne, de part le
caractère gigantesque du pays mais également son histoire, issue de trois peuples différents :
les européens, les amérindiens et les africains. Dont l'histoire la plus racontée, et la seule
d'ailleurs selon Guilherme, est celle des européens, considérés comme des héros courageux.
Cependant, il possède une vision plus critique de la situation au Brésil, pointant du doigt les
éléments perturbants de la société brésilienne, tels que le racisme, les inégalités sociales, la
difficulté à établir une identité brésilienne, ou encore le processus long et compliqué de la
décolonisation. Cet entretien nous apprend également que Guilherme est une personne
consciente de ces aspects problématiques dans sa société, tout en expliquant qu'il ne s'agit
pas de la priorité de chacun aujourd'hui, de part les meurtres racistes et l'exploitation des
terres des amérindiens. Cependant, il admet qu'il y a du progrès à faire, et qu'une fois les
urgences sociales résolues, il faudrait se pencher sur ces problèmes sociétaires du Brésil. De
mon côté, ses argumentations m'ont permis d'en savoir plus et d'observer ces sujets
ambivalents sous un autre point de vue. L'expérience d'un entretien m'a également appris
l'importance d'une bonne diction et de s'exprimer en ayant les idées claires dans la tête mais
aussi dans l'expression de celles-ci. De plus, lors d'un prochain entretien, je saurai que la
langue peut être une barrière à la compréhension ou à la fluidité de celui-ci. Il faudrait peut-
être alors privilégier la langue de la personne interrogée.

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