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Camille
Minorités/Diversités
La récupération identitaire et culturelle des Pataxó
Les amérindiens au Brésil « figurent parmi les pionniers des résistances et des luttes
politiques pour l’obtention de leurs démarcations territoriales et la reconnaissance de la différence
ethnique » (Soares, 2006). C'est le cas par exemple de la tribu des Pataxó qui a su exiger le respect
et revendiquer la légitimation de ses terres à travers de nombreuses protestations afin de récupérer
une certaine identité. Il est question ici de décrire le processus de revendication du Mont Pascal
comme territoire amérindien aux yeux de tous, y compris de l’État brésilien. Il s'agit d'une lutte
difficile afin de faire valoir ses droits et affirmer une identité amérindienne Pataxó sur le plan
national puis international. En effet, les amérindiens ont tendance à se fondre dans la culture non-
amérindienne en oubliant leurs traditions, leur langue etc. Ce combat pour la reconnaissance et la
récupération de leur culture a suivi un chemin parsemé d'embûches où l'amérindien doit faire face à
des discriminations, stéréotypes et un grand manque de considération. Quel a été le discours et les
actions des Pataxó pour parvenir à leurs fins ? Est-ce que les mesures pluriculturelles qui ont été
prises par le gouvernement sont-elles aujourd'hui suffisantes pour assurer la prospérité de la tribu
Pataxó ?
Dans un premier temps, les Pataxó étaient réunis dans la ville de Coroa Vermelha, dans l'état
de Bahia, ville qui a attiré beaucoup de touristes de part diverses commémorations comme le Jour
des Indiens, le Jour de la Première Messe, ou encore le Jour de la Découverte du Brésil. On
remarquera que l'utilisation du mot « découverte » dans le nom d'une des célébrations, ne prend
absolument pas en considération la présence bien antérieure des amérindiens sur le territoire
américain. En effet, ces commémorations sont vraisemblablement tournées vers la colonisation et
l'évangélisation, de manière à mettre en avant la culture européenne. Le Jour des Indiens ne fait pas
exception à la règle puisque malgré les danses, chants et tenues traditionnelles des Pataxó, de
nombreux jeux et événements faisaient partis de la tradition des non-amérindiens. Le gouvernement
est alors dans une optique où la culture européenne prime sur l'amérindienne. De plus, la vision du
peuple brésilien sur l'amérindien était celle d'un sauvage violent dépourvue de sens moral, plus
proche de l'animal que de l'homme. Les Pataxó sont alors victimes de discrimination et cela dès la
plus jeune enfance puisqu'il existe une réelle méconnaissance de leur culture dans le pays. En effet,
certains nient leurs origines amérindiennes afin d'être mieux acceptés au sein de la société
brésilienne. Par ailleurs, ces commémorations devenant de plus en plus connues dans le pays, cela a
attiré un grand nombre de curieux. Le tourisme grandissant à Coroa Vermelha, la population
devenait de plus en plus importante et la tribu des Pataxó s'est alors trouvée marginalisée et obligée
de vivre dans des lieux insalubres, dans des conditions de vie déplorables.
C'est donc en 1951 qu’eurent lieu les premières manifestations des Pataxó afin d'exprimer
leur mécontentement. Ces manifestations pacifiques ont fortement été réprimée par les forces
policières suite aux appréhensions de la tribu concernant la création du Parc National du Mont
Pascal. Cet épisode est également nommé « feu de 51 » dû au fait que le village des Pataxó a été
1 Traduction libre : « relacionado ao projeto de constituição da identidade nacional do Estado Novo, cuja valorização
incidia sobre o nacional, em detrimento das expressões étnicas, de autóctones, ou de imigrantes »
2 Traduction libre : « uma situação de “quebra” do cotidiano que enseja, ao grupo afetado, se confrontar com o Estado
e se constituir como ator político »
3 Traduction libre : « atribui o surgimento e o curso das lutas sociais às experiências morais dos grupos sociais em
face da denegação do reconhecimento »
brûlé, et ses habitant humiliés, considérés comme des sauvages non civilisés. Les violences reçues
ont eu pour effet d'effrayer de nombreux Pataxó, certains ont alors pris la fuite vers d'autres contrées
qui leur apparaissaient plus accueillantes. On peut ainsi remarquer qu'à ce moment le gouvernement
s'appliquait à établir une politique nationaliste si forte qu'elle en venait à la violence. Cette négation
des droits et de la culture Pataxó a été effectuée avec un excès d'agressivité. Le Parc National qui
n'avait été jusque là qu'un projet, s'est finalement établis en 1961, malgré le fait que la région avait
été reconnue comme un territoire amérindien par l’État. Suite à cela, la tribu Pataxó a multiplié les
protestations afin de faire valoir leurs droits sur cette terre qu'ils occupent depuis bien longtemps.
Cette lutte politique à travers la revendication territoriale va au-delà d'une simple légitimité sur la
terre puisqu'il s'agit d'un moyen de préserver leur culture et d'affirmer leur identité : « l’espace
habité, chargé de signification, demeure le principal support de l’identification, en particulier dans
le cas des populations amérindiennes » (Kohler, 2007). Les Pataxó ont ressenti ce besoin de
retrouver leurs origines, leurs racines à travers cette re-territorialisation ethnique. Le désir d'en
connaître plus sur leurs traditions et leur langue se faisait grandissant et la culture est alors devenue
un aspect à promouvoir tout au long de l'année, de manière continue et avec orgueil : « “Renforcer
et sauvegarder la culture” devinrent un horizon prioritaire de la communauté » (Bakker, 2013). De
nombreux Pataxó ont eu le sentiment que leur culture leur échappait petit à petit. On parle alors
d'une nécessité de « (re)devenir Indien » (Bakker, 2013). La reconquête de leurs traditions et de leur
identité se fait également par la reconquête de leur territoire :
« Dans cette perspective, le premier objectif est la reconquête de l'amourpropre, de l'estime d'eux-mêmes, après
plusieurs siècles d'humiliations profondément ancrées dans l'habitus amérindien. D'où l'importance de l'orgueil
d'être indien comme leitmotiv [...] Cet orgueil est indissociable du lieu : seule une reconquête du Mont
permettra de refermer le cercle d'oppression ouvert en 1500, et de commencer une nouvelle ère, les "autres 500
ans" » (Kohler, 2004)
Ainsi, les Pataxó ont participé « à un forum inter-ethnique de jeunes, promue par l’ONG
Tribo Jovens en juin 1998, à Rios Claros, dans l’État de São Paulo » (Bakker, 2013). Ces échanges
entre les différentes tribus ont permis aux Pataxó de se rendre compte que pour faire subsister leur
culture et leurs traditions, il leur fallait un lieu propre à leur tribu où revendiquer leur territoire et
leur identité. La peur de perdre leur culture, que leurs traditions disparaissent et que rien ne reste
dans les mémoires, était bien présente dans les esprits des Pataxó : « Pour “sauvegarder” le passé
dans le présent, il était impératif d’inscrire cette “culture” dans des “médias” spécifiques, de trier et
semer les graines de la culture future. Pour que ce chantier prenne corps, les Pataxó devaient
disposer d’un lieu de vie » (Bakker, 2013).
« La question de la revendication territoriale des Pataxó sur le Mont Pascal, lieu géographique autant que
symbolique - ce Mont étant, comme on le sait, le premier aperçu que la flotte de Pedro Alvares Cabral eut de
cette terre qui deviendrait le Brésil – est à ce titre exemplaire. C'est l'Acte de la naissance du pays tout entier
qui se joue à cet endroit, et l'on comprend l'importance stratégique d'une telle affirmation si l'on pense à ses
retombées politiques (le lieu de la colonisation devient l'objet d'une reconquête par les premiers habitants) et
touristiques, les Pataxó occupant à la fois le Mont Pascal et la baie de Coroa Vermelha, lieu supposé de la
première Messe à laquelle se joignirent les indigènes, ce contact faisant des Pataxó les "Indiens de la
Découverte", à quelques encablures de Porto Seguro. » (Kohler, 2004)
En 1999, la tribu des Pataxó a envoyé des lettres de réclamation au gouvernement brésilien
afin de dénoncer la répression et le manque de respect dont ils sont les victimes face aux employés
du Parc National du Mont Pascoal et différentes associations de défense environnemental. Ils
affirment notamment qu'ils sont des protecteurs de la forêt et que cette terre est celle de leurs
ancêtres, et « le seul endroit possible pour construire un avenir dans la dignité » 5 (Carta, 1999). La
tribu a en effet pour objectif de pouvoir réhabiliter la totalité de leur territoire, un lieu sacré pour
leur communauté. Le conflit entre les Pataxó et le gouvernement brésilien à ce sujet a eu une
Les protestations de la tribu Pataxó sont dirigées vers l’État mais également vers le reste de
la population brésilienne. En effet, il s'agit également d'affirmer son identité, sa culture et ses
traditions à travers la revendication de ses droits. Si on a pu démontrer que le gouvernement
brésilien pouvait parsemer d'embûches le chemin des Pataxó, il se trouve qu'il a pu parfois défendre
les intérêts de la tribu. « Les peuples indigènes sont dans une situation fragile et ont besoin d'aide
pour maintenir de bonnes conditions de vie et préserver leur identité culturelle »7 (Mauro, 2007) Le
Gouvernement brésilien a alors créé le Magistério Indígena afin de pouvoir aider des professeurs
amérindiens à enseigner dans différentes langues ainsi qu'à modifier les programmes du ministère
de l’Éducation pour diffuser de nombreux savoirs en lien avec la culture des différentes tribus
amérindiennes. Il s'agit ici d'une politique interculturelle où le plurilinguisme est non seulement
autorisé mais encouragé. De plus, si le programme scolaire est modifié, c'est en faveur de la culture
des tribus amérindiennes où les enseignants possèdent alors une certaine flexibilité afin d'enseigner
des notions importantes de la tribu dans laquelle ils sont professeurs. L'objectif est alors que la
promotion et la sauvegarde culturelle se fasse à travers l'éducation. Néanmoins, il a souvent été
nécessaire d'insister pour avoir gain de cause, comme cela a été le cas avec les Jeux Olympiques
Indigènes, une manière de présenter sa culture et ses traditions avec orgueil. « C’est par recours à
trois articles de la Constitution fédérale que les Jeux Olympiques indigènes ont pu être créés au
Brésil, non sans connaître une longue période d’incertitude et de luttes politiques avant leur
première mise en forme » (Soares, 2006).
6 Traduction libre : « O que levou os indios a explorarem o turismo foi principalmente a necessidade de geraçao de
renda para atender certas necessidades da comunidade, mas nao se pode desconsiderar nesse processo a motivaçao
em resgatar e valorizar a cultura Pataxó e fortalecer a identidade étnica do grupo, nem se pode deixar de relevar o
interesse daqueles indigenas em colocar em pratica estratégias de desenvolvimento comunitario que ajudassem a
conservar os recursos naturais existentes na reserva »
7 Ttraduction libre : « Os povos indigenas se encontram numa condiçao fragilizada e precisam de ajuda para manter
boas condiçoes de vida e preserva sua identidade cultural »
Pour conclure, la lutte pour les droits des Pataxó a été ponctuée de manifestations, de lettres
envoyées au gouvernement, de discours prononcés devant des assemblées, etc, et cela, afin de
revendiquer un territoire et une identité. En effet, à travers la légitimation d'une partie du Mont
Pascal comme territoire amérindien Pataxó, la tribu a pu affirmer sur la scène nationale une identité
Pataxó qui tendait à disparaître. Il s'agit d'une re-territorialisation ethnique où l'expression culturelle
des Pataxó peut se faire en toute liberté et sans jugement extérieur. Si le gouvernement brésilien a
favorisé un plurilinguisme et une politique interculturelle au sein des différentes tribus
amérindiennes du Brésil, il ne correspond toutefois pas aux attentes de la tribu, surtout vis à vis de
la délimitation du territoire octroyé et de leurs droits sur celui-ci. Cependant, les Pataxó ont réussi à
développer une certaine capacité à défendre leurs causes, leur permettant de faire entendre leur voix
lors de prochains débats :
« Des avancées significatives dans leur organisation sociale et politique ont été réalisées, parmi lesquelles les
assemblées indigènes internes et externes, la formation de nouveaux leaders, avec un plus grand contrôle de
l'appareil bureaucratique, un processus croissant de scolarisation et la création de l'Articulation des Peuples et
Organisations Indigènes du Nord-Est, de Minas Gerais et d'Espirito Santo (APOINME) »8
(Carvalho, 2009).
Bibliographie
CARVALHO, Maria Rosário de. O Monte Pascoal, os índios Pataxó e a luta pelo reconhecimento
étnico. Caderno CRH, 2009, vol. 22, p. 507-521.
KOHLER Florent. Le discours ethnique entre mythe et politique: l’exemple des Pataxo du Mont
Pascal (extrême Sud de Bahia). Revista da ANPOLL, Associação Nacional de Pós-Graduação e
Pesquisa em Letras e Lingüística (Brasil), 2004, pp.147-176. ffhalshs-00004746v3f.
KOHLER, Florent. Le monde sauvage et la terre des ancêtres: les Pataxó du Mont Pascal (Bahia,
Brésil). Nuevo Mundo Mundos Nuevos. Nouveaux mondes mondes nouveaux-Novo Mundo Mundos
Novos-New world New worlds, 2007.
MAURO, Victor Ferri. Turismo em Terra Indígena: O caso da reserva Pataxó da Jaqueira. 2007.
8 Traduction libre : « Avanços significativos no âmbito da sua organização social e política foram produzidos, para o
que muito concorreram as assembléias indígenas, internas e externas, a formação de novos líderes, com maior
domínio do aparelho burocrático, um processo crescente de escolarização e a criação da Articulação dos Povos e
Organizações Indígenas do Nordeste, Minas Gerais e Espírito Santo (APOINME) »