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C'est à partir du début du XXIème que l’État Argentin a entrepris des transformations de
l'action publique en commençant à venir en aide aux citoyens les plus démunis. Il s'agit d'une
politique sociale se basant sur l'assistance aux plus nécessiteux, appelée aussi « Welfare ». Nous
allons étudier ce sujet à travers les arguments et les remarques de Gabriel Vommaro et Luisina
Perelmiter qu'ils ont pu développer dans les ouvrages suivants : Gouvernement et action publique,
et Burocracia plebeya: la trastienda de la asistencia social en el Estado argentin. L'article de
Vommaro se base sur l'étude des politiques sociales menées dans trois quartiers populaires différents
afin de développer différents arguments et soulever les failles du système. Il se centre
principalement sur le fonctionnement des interactions entre les médiateurs et les habitants des
quartiers précaires, ainsi qu'avec les membres de l’État. Concernant l'ouvrage de Perelmiter, il
explique et analyse en détail les caractéristiques d'une burocracia plebeya, terme paradoxal qui a
marqué les périodes de crise économique dans les années 2000.
Les politiques sociales de l’État luttant contre la pauvreté ont été mises en place suite aux
manifestations des habitants en situation précaire. Le gouvernement a alors décidé de faire appel à
des médiateurs locaux et de créer ou de s'associer à des organisations pouvant faciliter le contact
avec les bénéficiaires des ressources. Il s'agit pour l’État argentin de limiter les inégalités sociales
dans le pays. Ainsi, différents projets se sont mis en place, tel que celui de créer des allocations
familiales destinées à soutenir les chômeurs où ceux qui ne perçoivent que très peu de ressources.
Plusieurs organisations sont également créées afin de restaurer les quartiers défavorisés en
employant des habitants dans le besoin. La santé et l'éducation sont notamment des domaines que
l’État cherche à améliorer. Les démarches administratives sont par ailleurs assistées par les
bureaucrates para-étatiques. En cherchant à améliorer les conditions de vie des habitants des
quartiers défavorisés, l’État en est arrivé à modifier la structure de ses institutions, montrant
l'importance de ce projet de Welfare. Afin d'illustrer cela, Vommaro prend l'exemple de la création
d'un secrétariat puis d'un ministère au Développement social. Ce secteur qui se trouvait
particulièrement instable a été ponctué de mutations afin de changer de méthode et avoir une
approche favorisant le contact sur le terrain avec les bénéficiaires. De plus, de nombreux activistes
sociaux sont entrés au sein de l’État influençant alors ce-dernier à soutenir la lutte contre la pauvreté
avec plus de moyens. Les militants ont ainsi un certain poids auprès du gouvernement et savent
faire entendre les besoins des citoyens en situation précaire. Ces bénéficiaires peuvent trouver de
l'aide dans les guichets de cogestion mais également dans les projets ponctuels visant à distribuer de
la nourriture, des soins etc, lorsqu'ils se trouvent trop éloignés des guichets.
Parmi les médiateurs, on peut en distinguer trois types : « les bureaucrates au foyer,
travaillant dans leurs lieux d’habitation ; les bureaucrates nomades, personnels des « opérations »
des guichets des territoires populaires ; les bureaucrates de porte-à-porte, personnels mobiles
parcourant des quartiers populaires et s’occupant des problèmes des activistes locaux » (Vommaro,
2019). En effet, chacun possède différentes missions permettant ainsi de couvrir les diverses besoins
pour mener à bien cette politique sociale. Dans le cas du bureaucrate de porte-à-porte, il va à la
rencontre des associations et organisations afin d'en savoir plus concernant les demandes des
bénéficiaires et considérer un moyen de résoudre les problèmes rencontrés. Il fait notamment le lien
entre certaines nécessités des quartiers populaires et les subventions que peut accorder l’État, tels
que des projets visant à améliorer les services publics et installer eau et électricité. La réussite de
tels projets « est en grande partie le produit de la cogestion entre les agences publiques et les
bureaucrates para-étatiques » (Vommaro, 2019). Les bureaucrates para-étatique jouent
vraisemblablement le rôle d'intermédiaire dans ce téléphone arabe entre l’État et les différentes
associations. Les médiateurs permettent également de toucher un plus grand nombre de quartiers
défavorisés grâce à leur connaissances des organisations et de leur présence sur le terrain. Dans le
cas des bureaucrates au foyer, nombreux proviennent de mouvements sociaux en relation avec
l’État pour subvenir aux besoins des quartiers populaires. Certains de ces activistes ont alors été
recrutés dans des agences étatiques afin de répartir les ressources publiques parmi les bénéficiaires
et de proposer des programmes d'assistance. La proximité de ces bureaucrates au foyer avec la
classe populaire est d'une grande importance dans la politique sociale menée puisque c'est ainsi que
les programmes sociaux peuvent être présentés et adaptés en fonction des demandes des
bénéficiaires. Des projets communautaires, comme des repas populaires ou une assistance scolaire
organisés dans les lieux de vie des bureaucrates para-étatiques, sont notamment menés pour non
seulement soutenir les populations en besoin, mais également pour créer un climat de confiance
entre les médiateurs et les habitants. Cependant, les ressources distribuées dépendent fortement de
l'association qui parvient à les prodiguer à force d'insister auprès de l’État. Le système est donc
gravement variable et incertain. Concernant le bureaucrate nomade, il se charge de participer à des
programmes à durée déterminée, comme celui de créer plusieurs guichets dans les quartiers
défavorisés afin de créer une proximité de contact et favoriser l'accessibilité aux différentes
assistances sociales. Les médiateurs représentent donc une manière d'atteindre les agences étatiques
pour la classe populaire, et inversement.
De son côté, Perelmiter décrit dès le début de son ouvrage la mission d'un médiateur en
s'appuyant sur des exemples précis. En effet les détails mettent en avant le caractère de proximité
entre le bureaucrate para-étatique et les populations précaires, ainsi que son rôle d'assistance
concernant les domaines d'alimentation et d'éducation. L'auteure montre les dessous des activités
des médiateurs et de l’État Argentin dans le domaine des politiques sociales. Le gouvernement est
particulièrement critiqué de part les ressources réelles dont il dispose et son manque d'efficacité à
former des agents et des organisations afin de mener une politique d'assistance. La bureaucratie
utilisée est alors désapprouvée et considérée obsolète. Si théoriquement la mise en place des projets
d'assistance sociales fonctionnent, la critique pointe le doigt sur le fait que dans la pratique il en va
autrement. Si les ressources publiques ont été d'une grande aide durant la crise économique du
début du XXème siècle, le Ministère du Développement Social de la Nation avait encore de
nombreux points à améliorer. C'est le cas par exemple de l'absence de proximité lors des
distribution de biens et du manque de considération des demandes des bénéficiaires. L'objectif était
alors de créer des agences locales, de recruter des militants et de mettre fin à cette distance froide
qui caractérisait la politique sociale. Les influences du péronisme ont notamment aidé à cela. À
travers la transformation de l’État des formes de l'action publique, le gouvernement a voulu
renforcer son pouvoir et renvoyer une bonne image à ses citoyens.
Par ailleurs, Perelmiter explicite la notion de burocracia plebeya qui consisterait en une
dénomination du fonctionnement de la politique sociale où le terme plebeya serait pour l’État une
manière de « personnifier son autorité ». Cette forme de politique sociale vise à supprimer la
distance évoquée ultérieurement en mettant en lumière les populations défavorisés vivant dans
l'ombre de la société argentine. L'auteure soulève un aspect paradoxal de cette burocracia plebeya :
le statut social est à la fois rejeté et souligné. De la même manière, cela crée une certaine proximité
mais également de la distance, de part le fait d'être une bureaucratie qui modifie son caractère
communautaire pour devenir sociétaire. D'autre part, les médiateurs sont considérés par les
habitants des quartiers populaires comme une personnification du pouvoir de l’État, détenant la
capacité d'aider et de porter assistance. La difficulté de ces agents bureaucrates est de déterminer
quelles sont les familles nécessitant le plus d'assistance et celles qui en ont le moins besoin, sans
créer de distance avec la classe populaire. Cette politique sociale vise à remplir ses objectifs en
faisant en sorte que les agences étatiques ne manquent de rien, sans prendre en compte d'autres
facteurs que les ressources publiques.
L'auteure a pour objectif dans son ouvrage de décrire le fonctionnement des institutions de
l’État argentin. Dans un premier temps, le passage de la théorie à la pratique concernant la politique
sociale mise en place est explicitée. En effet, en théorie, l'assistance à la classe populaire est simple
et efficace. Cependant, en pratique, de nombreuses questions sur l'intégration, la stigmatisation, le
contrôle de l’État doivent se poser. Cela aura donc un impact sur la manière d'agir des agents
étatiques. Par ailleurs, en analysant la vie politique locale et les relations entre l’État et la société, on
peut remarquer que ce-dernier cherche à résoudre les problèmes rencontrés que ce soit à l'échelle
nationale ou locale. Là où les actions des bureaucraties de l’État n'ont pas été un sujet de
préoccupation, le recours à des médiateurs dans la politique sociale d'assistance a été le centre
d'intérêt principal. Les projecteurs ont été tournés vers les aspects locaux en laissant quelque part de
côté les sujets nationaux qui, pourtant, ont un rôle décisif dans la politique sociale de l'Argentine.
Les agences étatiques sont ainsi un moyen d'approcher le territoire local, territoire que l’État
souhaite atteindre particulièrement. L'auteure évoque alors une micro-politique caractérisée par « un
mouvement d'enracinement et de déracinement permanent par rapport aux situations locales
d'interactions »1 (Perelmiter, 2016). Au niveau national, la théorie serait uniforme tandis qu'au
niveau local, la pratique véritable serait toute autre. La micro-politique est alors centrée sur le
pouvoir des agents étatiques au niveau local. L'analyse proposée dans cet ouvrage met en avant
l'importance du facteur historique dans les agissements de la bureaucratie en prenant en compte les
différentes situations auxquelles elle peut être confrontée.
Pour conclure, c'est en grande partie grâce aux bureaucrates para-étatiques qu'a pu se
développer une politique sociale des plus nécessaires en temps de crise. Grâce à leur rôle
d'intermédiaire entre les citoyens et l’État, la classe populaire a accès aux biens publiques.
Cependant, les médiateurs possèdent une emploi instable et peu reconnu. Une des solutions
apportées par Vommaro serait de « dépersonnaliser au moins en partie la relation avec l’État » afin
d'obtenir de meilleurs conditions de travail. Quant à Perelmiter, elle propose d'analyser le
fonctionnement de la burocracia plebeya. Elle insiste sur le rôle du Ministère à différentes échelles
et de l'assistance apportée dans le contexte d'une politique sociale basée sur le recours à des
médiateurs.
Bibliographie