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La capacité commerciale et les effets de commerce

Les effets de commerce peuvent être définis comme des titres négociables qui constatent, au profit du porteur, une créance de somme d’argent et qui
servent à son paiement. Ils constatent toujours une créance à court terme. Il s’agit notamment de la lettre de change et du billet à ordre (instruments de
paiement et de crédit). Le chèque est aussi un effet de commerce, cependant, il est payable à vue, si bien que le porteur est en mesure de l’encaisser tout de
suite.
L’usage des effets de commerce remonte au Moyen Âge où les changeurs remettaient ce type de document à leurs clients commerçants pour éviter
le transport de fonds à une époque dangereuse. 
Les effets de commerce obéissent à des conditions de forme et de fond à respecter sous peine de nullité. Par rapport aux conditions de forme, il existe des
mentions obligatoires, telles que la dénomination, la signature, la date et lieu de paiement, etc. Quant aux conditions de fond, il doit y avoir le
consentement entre les parties signataires, un objet certaine, une cause licite et enfin, la capacité qui est l’objet de cette étude.
La capacité juridique est l'aptitude qu'a une personne d'être titulaire de droits et d’obligations (capacité de jouissance) et de les exercer (capacité
d’exercice). La capacité commerciale a la même logique en matière d’exercice du commerce et de validité des effets de commerce.
La question qui se pose alors est la suivante : Quel est l’impact de la capacité commerciale sur la validité des effets de commerce ?
En réponse à cette question,, il s’agira d’aborder, en premier lieu, l'exigence de la capacité commerciale en matière de lettre de change (I) avant de
s’attarder, en second lieu, sur la nature variable de la capacité en matière de billet à ordre et de chèque (II).

I) L'exigence de capacité commerciale dans la lettre de change

La lettre de change ou traite est un écrit par lequel, le tireur (créateur, rédacteur de la traire), donne l’ordre à l’un de ses débiteurs, le tiré, de payer une
certaine somme d’argent à une certaine date, à une troisième personne, le bénéficiaire ou porteur. Ainsi trois personnes au moins sont parties au rapport
triangulaire de droit résultant de la créance d’une traite.
Contrairement aux autres effets de commerce, la lettre de change est un acte de commerce par la forme, c’est-à-dire qu’elle est commerciale quelles que
soient les personnes qui l’utilisent (commerçants ou non) et quel que soit l’objet de la créance pour laquelle elle a été émise (civile ou commerciale).
Ainsi, tout signataire de la lettre de change doit avoir la capacité de faire le commerce car, en vertu de l’article 9 du code de commerce, la lettre de change
est toujours un acte de commerce. Par conséquent, le mineur (A) et le majeur en tutelle ou curatelle (B) ne peuvent émettre ou signer une lettre de change
A) L’incapacité du mineur
L’article 164 du code de commerce dispose que la lettre de change souscrite par un mineur non commerçant est nulle à son égard. Il en résulte qu’un
mineur ne peut souscrire une lettre de change, même occasionnellement, puisqu’il ne lui est pas permis d’être commerçant. Cependant, le tuteur peut
signer une lettre de change pour le compte du mineur.
Par ailleurs, la nullité de l’engagement cambiaire du mineur a un caractère relatif. L’article 164 du code de commerce énonce que la lettre de change
souscrite par un mineur non commerçant est nulle « à son égard », donc seuls le mineur et son représentant ont le pouvoir d’exercer l’action en nullité. La
nullité est opposable à tout porteur même de bonne foi.
Toujours d’après l’article 164 du code de commerce alinéa 2, si la lettre de change porte des signatures de personnes incapables de s’obliger par lettre de
change, les obligations des autres signataires n’en sont pas moins valables. C’est le principe « d’indépendance des signatures ».
Cependant, au regard du mineur lui-même, la nullité peut ne pas faire disparaitre toute obligation. Ainsi, le mineur peut être tenu de son enrichissement et
condamné à la restitution de l’indu. Il peut également être responsable sur le plan délictuel si sa signature a été accompagnée d’une fraude, par exemple
s’il a postdaté la lettre de change pour faire croire à sa majorité.
B) Le majeur en tutelle ou curatelle
Le dément, frappé d’une incapacité générale, ne peut émettre ou signer à un titre quelconque une lettre de change. Son engagement cambiaire est nul.
Quant au prodigue, il peut valablement signer une lettre de change avec l’assistance de son curateur ou en cas de refus, l’autorisation du juge des tutelles.

II) La nature variable de la capacité en matière de billet à ordre et de chèque

Contrairement à la lettre de change qui est un acte de commerce par la forme et exige, par conséquent, la capacité commerciale, le billet à ordre a un
caractère civil ou commercial suivant la nature de l’opération en exécution de laquelle il a été émis (A). Il en est de même pour le chèque, mais avec
certaines particularités en ce qui concerne les règles de capacité, notamment pour les mineurs non commerçants (B).

A) Le caractère civil ou commercial du billet à ordre


Le billet à ordre est un effet de commerce, un titre négociable par lequel une personne, appelée souscripteur, s’engage à payer une certaine somme
d’argent à une échéance déterminée, à l’ordre d’une autre personne, appelée bénéficiaire.
Le billet à ordre a une structure beaucoup plus simple que la lettre de change, puisqu’il met en cause seulement deux personnes, le souscripteur de l’effet
et le bénéficiaire. Le souscripteur est à la fois tireur et tiré accepteur. Ainsi le billet à ordre comporte par définition l’engagement cambiaire du débiteur
principal qui est le souscripteur.
L’engagement du souscripteur d’un billet à ordre n’est pas un acte de commerce par la forme, ce qui a des retombées sur la capacité requise. En effet, la
signature d’un billet à ordre ne constitue pas en soi un acte de commerce et il n’est donc pas nécessaire d’avoir la capacité commerciale pour donner une
telle signature. L’engagement sera civil ou commercial selon l’opération à propos de laquelle il est pris (rapport fondamental) : le billet à ordre est
commercial lorsqu’ il est l’accessoire d’une opération commerciale ou lorsqu’ il a été souscrit par un commerçant pour les besoins de son commerce. Par
conséquent, si le billet à ordre est signé par un commerçant mineur, il sera considéré comme valable à son égard et l’engagera cambiairement. En
revanche, si le billet à ordre est signé par un mineur non commerçant à l'occasion d'une transaction commerciale, le billet à ordre sera frappé de nullité
relative car il est, comme une lettre de change, ici un acte de commerce. Enfin, si le billet à ordre est signé par un mineur non commerçant à l'occasion
d'une transaction civile, ce sont les règles du statut personnel qui s’appliquent, car l’objet du billet à ordre est  civil et non commercial.
Quant à la compétence judiciaire, l’article 5 de la loi instituant des juridictions de commerce dispose que les actions relatives aux effets de commerce
rentrent dans la compétence des juridictions commerciales.
B) Les règles de capacité en matière du chèque 
Le chèque est un effet par lequel le tireur dispose de ses fonds déposés chez le tiré (qui est obligatoirement une banque), en effectuant des retraits à vue,
soit à l’ordre de lui-même, soit à l’ordre du bénéficiaire.
Contrairement à la lettre de change, il n’est pas commercial par la forme : il est commercial ou civil suivant la nature de l’opération en exécution de
laquelle il a été émis.
Le chèque est commercial s’il est signé par un commerçant quelle que soit la nature de la dette ou la transaction, ou s’il est signé par un non-commerçant
mais pour une transaction commerciale. Il est civil lorsqu' il est signé par un non-commerçant pour une opération civile.
L’étude de la nature du chèque demeure primordiale vu son influence sur la capacité et sur la juridiction compétente.
Concernant la capacité, il est permis au mineur non commerçant de signer un chèque à l'occasion d'une transaction commerciale, contrairement à la lettre
de change et au billet à ordre, à condition qu'il soit âgé de 12 ans et autorisé par son représentant légal de gérer une partie de son patrimoine à titre d’essai.
Cette même possibilité de signer le chèque par le mineur s’applique aussi au mineur émancipé.
Concernant la compétence juridictionnelle, c’est le tribunal du commerce qui est compétent matériellement pour statuer sur les actions relatives au chèque
que ce dernier soit civil ou commercial et sur les litiges relatifs aux effets du commerce en général en vertu de l’article 5 de la loi relative aux juridictions
commerciales. En effet, l’octroi de la compétence à la juridiction commerciale laisse entendre que le débat sur la nature civile ou commerciale du chèque
n’a aucune importance et sans intérêt.
A côté de la nature du chèque, l'étude de ce dernier renvoie aux règles du droit bancaire puisqu’aucun établissement autre que la banque n’a le droit de
délivrer et d’encaisser des chèques. Ceci dit, si l’on veut disposer d’un chèque, il faut avoir la capacité d’ouvrir un compte bancaire. Il ne s’agit pas ici, de
capacité commerciale, mais plutôt de capacité juridique, à savoir la majorité et la jouissance des facultés mentales.
Quant au mineur, il existe deux cas de figures, le mineur émancipé et le mineur non émancipé. Pour le premier cas, il a le droit d’ouvrir un compte
bancaire et d’émettre des chèques comme le majeur, et pour le deuxième cas, il doit être accompagné par son tuteur pour ouvrir un compte et utiliser un
chèque. Sauf que dans la pratique, le cas des mineurs qui ouvrent un compte bancaire, en plus de l’émission des chèques sont tellement rares. En effet, la
banque évite le maximum possible de créer des relations avec des mineurs afin d’éviter toute poursuite inutile.

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