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LES EFFETS
DE
COMMERCE
ISEJ GABES
Licence en Droit Privé à distance
2023-2024
Introduction
Pour éviter les risques d’impayés ou les retards de paiement à l’échéance,
le créancier peut exiger d’être réglé par un effet de commerce.
Le législateur tunisien, comme son homologue français, n’a pas défini
les effets de commerce, malgré qu’il ait utilisé, à maintes reprises, le
terme « effets de commerce » 1.
Cependant, la doctrine définit l’effet de commerce comme étant « un
titre négociable qui constate l’existence, au profit du porteur, d’une
créance à court terme et sert à son paiement » 2 . Cette définition
permet de relever les caractéristiques suivantes :
❑ L’effet de commerce est un titre négociable (transmissible) :
Ce caractère marque la facilité et la rapidité avec lesquelles le titre est
transmissible ; il suffit généralement d’une signature apposée sur le titre
pour qu’il soit transmis 3. Cela contraste avec le régime de la cession de
créance du droit civil qui impose l’accomplissement de plusieurs
formalités pour que la créance soit transférée, source de lenteur 4.
❑ L’effet de commerce a une valeur monétaire :
Il doit être libellé en argent avec indication de sa valeur et nécessite une
évaluation préalable. La créance constatée dans le titre doit être non
seulement certaine, mais aussi liquide.
Contrairement à d’autres titres négociables comme le connaissement
maritime, qui a pour objet une créance non liquide (une marchandise
transportée sur un navire), l’effet de commerce a obligatoirement pour
objet une somme d’argent. L’aspect monétaire fait de l’effet de
commerce un moyen de paiement.
1
Articles 268, 479, 740, 743, du code de commerce.
2
G. Ripert et R. Roblot, Traité de droit commercial, T2, 13ème éd, éd L.G.D.J, n°1911.
3
La transmission d’un effet de commerce se fait par une simple signature au dos du titre (c’est le cas
par exemple de l’endossement de la lettre de change art 276 du CC).
4
L’article 205 du COC : « le cessionnaire n'est saisi à l'égard du débiteur et des tiers que par la
signification du transport faite au débiteur, ou par l'acceptation du transport faite par ce dernier
dans un acte ayant date certaine, sauf le cas prévu aux articles 219 et 220 ci-dessous » (la transmission
de la créance ne serait opposable au cessionnaire qu’en respectant des formalités bien déterminées :
la signification du cédé ou son acceptation sur un écrit à date certaine).
❑ La créance prouvée par l’effet de commerce est une créance à court
terme :
À travers cette caractéristique, on peut distinguer entre les effets de
commerces et d’autres titres négociables payables à long terme comme
les valeurs mobilières (actions / obligations). Une conséquence
essentielle découle de cette caractéristique ; le court terme rend de
l’effet de commerce un moyen de crédit 5.
Les effets de commerce sont des titres constatant une créance assortie
d’un délai de règlement (échéance). Ils constituent ainsi des moyens de
crédit comprenant la lettre de change et le billet à ordre.
Le plus ancien des effets de commerce est, sans doute, la lettre de
change. Ce titre constitue le prototype le plus parfait des effets de
commerce. Il s’agit d’un titre négociable ou transmissible par voie
d’endossement (article 276 du CC), qui représente une créance et qui sert
à son paiement.
Le billet à ordre constitue une promesse de payer une somme d’argent
déterminée à une personne déterminée ou à son ordre. C’est un titre très
proche de la lettre de change. Pour cela, il est soumis, sur les questions
importantes, à la réglementation de celle-ci (article 341 du CC).
L’appartenance du chèque à la catégorie des effets de commerce semble,
à priori, exclue dans la mesure où le chèque est exclusivement un
instrument de paiement. Mais, le fait que le chèque emprunte une
grande partie de sa réglementation à celle de la lettre de change et que
ce titre apparait comme une lettre de change tirée à vue sur un banquier,
font que le rattachement de ce titre à la catégorie des effets de
commerce soit considéré comme possible 6.
L’effet de commerce est un instrument financier utilisé pour faciliter les
transactions commerciales. C’est un outil très courant dans le monde des
affaires, car il réduit les risques de non-paiement.
5
L’effet de commerce est un moyen de crédit c'est-à-dire que le porteur peut présenter cet effet aux
établissements de crédit et aux banques pour se procurer en contrepartie des liquidités. Cette
opération se fait par la technique d’escompte (l’article 5 al 1 de la loi du 7 /12/ 1967 réglementant la
profession bancaire, l’article 743 du CC).
6
Ripert et Roblot, Traité de Droit commercial, T 2, 14ème édition par Philippe Delebecque et Michel
Germain. LGDJ, 1994 N° 2158.
Tous les titres qui viennent d’être énumérés ont, donc, plusieurs points
communs qui leur permettent de faire partie d’une seule catégorie 7.
Mais, en raison des particularités des uns par rapport aux autres, chacun
de ces titres garde une certaine autonomie 8. C’est pour cela que le livre
III du code de commerce tunisien n’a pas pris pour titre « Des effets de
commerce » et il est intitulé « De la lettre de change, du billet à ordre
et du chèque ».
Donc, on va étudier les effets de commerce selon la classification
législative, en commençant par la lettre de change (titre 1), puis le billet
à ordre (titre 2), et enfin le chèque (titre 3).
7
F. Loksaier, Abrégé du droit des effets de commerce, Editions La Balance Tunis, 1 ère éd, Octobre 1977.
8
Ibid.
Titre 1
La lettre de change (la traite)
La lettre de change remonte au Moyen-âge, elle était utilisée par les
banquiers pour permettre à leurs clients commerçants de se procurer des
fonds sur une autre place et leur éviter un transport de monnaie.
9
Celui qui transmet le titre s’appelle « endosseur »et celui qui le reçoit s’appelle « endossataire ».
10
F. Loksaier, Abrégé du droit des effets de commerce, les Editions La Balance, Tunis, 1 ère éd. 10/1977.
Si le tireur donne l’ordre au tiré de payer la lettre de change parce qu’il
y a une provision déposée chez lui, donc, il s’agit de la créance du tireur
sur le tiré.
A l’échancre, lorsque le tiré paye la lettre de change, tous ces rapports
sont automatiquement éteints.
En dehors de ces rapports, chaque signature apposée sur la lettre de
change par une personne quelconque (tireur, tiré, endosseur…) fait
naitre, contre cette personne, une obligation cambiaire distincte du
rapport fondamental parce qu’elle repose sur le titre lui-même.
Mais, cette obligation cambiaire n’est pas totalement abstraite, car le
rapport fondamental exerce sur elle une double influence :
1. Il permet au créancier d’agir contre le débiteur en cas d’extinction de
l’obligation cambiaire, exemple : l’action du porteur négligeant
contre l’endosseur.
2. Il permet au débiteur de paralyser l’action du créancier par le moyen
d’exceptions fondées sur le rapport personnel, exemple : l’absence de
provision apposée par le tiré au tireur.
Chapitre 1
La création de la lettre de change
La lettre de change est un écrit dont la création est soumise à des
conditions de forme (section 1) et de fond (section 2), sans oublier que
cet écrit doit être la représentation de la créance du tireur sur le tiré,
c'est-à-dire la provision (section 3).
La lettre de change est un acte juridique dont la validité est soumise aux
conditions de fond prévues par l’article 2 du COC.
§ 1. La capacité
Le tireur doit avoir la capacité requise pour faire des actes de commerce,
il faut être majeur, c'est-à-dire âgé de 18 ans ou mineur bénéficiant d’une
émancipation par mariage 12 qui l’autorise à faire du commerce. En plus,
selon l’article 273 du CC alinéa 1 « les lettres de change souscrites par
des mineurs non commerçants sont nulles à leur égard, sauf les droits
respectifs des parties, conformément à l’article 13 du COC » 13. Lorsque
le mineur non commerçant crée, en violation de la loi, une lettre de
change, celle-ci est nulle à son égard. Cette nullité peut opposer même
au porteur de bonne foi. Seulement, cette nullité est tempérée dans ses
effets par l’article 13 du COC auquel renvoie l’article 273 alinéa 1er du
CC ; le mineur est obligé à raison de l’accomplissement de l’obligation
par l’autre partie jusqu'à concurrence du profit qu’il a tiré.
Le représentant légal de l’incapable, s’il était autorisé à exercer le
commerce pour le compte de ce dernier, pourrait être amené à s’engager
cambiairement au bénéfice de son représentant (article 17 du COC).
Ainsi, la personne physique qui agit au nom d’une personne morale
(société) peut émettre des lettres de change et souscrire des
engagements cambiaires.
Le majeur tombant dans l’incapacité pour démence, faiblesse d’esprit ou
prodigalité ainsi que le condamné à une peine supérieure à dix ans
11
La clause de domiciliation permet au tiré de choisir que le paiement soit effectué entre les mains
d’un tiers. Dans la plupart des cas, chez une banque où le tiré a un compte courant.
12 Voir l’article 7 du COC et l’article 153 du CSP.
13
L’article 13 du COC dispose que : « le mineur et l'incapable sont toujours obligés, à raison de
l'accomplissement de l'obligation par l'autre partie, jusqu'à concurrence du profit qu'ils en ont tiré. Il
y a profit lorsqu’ils ont employé ce qu'ils ont reçu en dépenses nécessaires ou utiles ou lorsque la chose
existe encore dans leurs patrimoines ».
d’emprisonnement seront dans la situation du mineur non émancipé.
C’est la même situation pour le commerçant tombé en faillite qui sera
incapable de s’engager cambiairement (article 457 du CC).
§ 2. Le consentement
Le consentement du tireur de la lettre de change est exprimé par
l’apposition de sa signature sur le titre. Il doit être non vicié par l’erreur,
le dol ou la violence 14. Mais, si le consentement doit prendre la forme
d’une signature, toute signature n’est pas synonyme de consentement.
En effet, il ressort de l’article 458 du COC que celui à qui on oppose une
lettre de change peut désavouer la signature qui y est apposée et les
héritiers peuvent également contester l’appartenance de la signature à
leur auteur. Toutefois, Si la lettre de change comporte d’autres
signatures valables, le principe d’indépendance des signataires, prévu
par l’article 273 alinéa 2 du CC, joue pleinement, et les autres signataires
seront valablement engagés même si la signature désavouée est jugée
fausse 15.
Par ailleurs, s’il y a une altération 16 qui peut surgir d’une manière
consciente par l’un des intervenants dans le circuit de la lettre de change
(falsification) ou inconsciente (un chiffre effacé par le frottement ou par
l’eau ou l’humidité), selon l’article 334 du CC, les signataires antérieurs à
l’altération sont tenus selon les termes du texte original, et les
signataires postérieurs à l’altération sont tenus selon les termes du texte
altéré.
En fait, une personne capable de s’obliger cambiairement peut se faire
représenter le tireur lors de la création de lettre de change. Cette
représentation peut être de deux façons : dans la première
représentation, appelée « tirage pour compte », le tireur agit pour le
compte d’un tiers sans déclarer le nom de ce dernier. Dans la deuxième
représentation, le tirage est fait au nom et pour le compte du mandant.
14
Voir l’article 43 du COC.
15
Article 273 alinéa 2 du CC : « Si la lettre de change porte des signatures de personnes incapables
de s’obliger par lettre de change, des signatures fausses ou des signatures de personnes imaginaires
ou des signatures qui pour toute autre raison, ne sauraient obliger les personnes qui ont signé la lettre
de change, ou au nom desquelles elle a été signée, les obligations des autres signataires n’en sont pas
moins valables ».
16
L’altération n’est d’autre qu’une modification apportée au texte de la LC causant un changement
d’une mention ou un engagement inscrit sur le titre.
Lorsque le représentant agit en tant que mandataire, pour le compte et
au nom du mandant 17, dans ce cas, la signature du mandataire doit être
précédée par le nom du mandant et la mention « par procuration ».
Ainsi, si le mandataire dépasse son mandat ou agit sans pouvoir, il sera
obligé cambiairement (article 273 alinéa 3 du CC).
§ 3. L’objet
La lettre de change doit avoir un objet monétaire, l’objet de l’obligation
cambiaire ne peut être qu’une somme d’argent. La détermination de
l’objet est consacrée par l’article 269 alinéa 2 du CC qui impose comme
mention obligatoire de la lettre de change « le mandat pur et simple de
payer une somme déterminé » et par l’article 297 alinéa 1 du CC qui
dispose que « lorsqu’une lettre de change est stipulée payable en une
monnaie n’ayant pas cours au lieu du payement, le montant peut être
payé dans la monnaie du pays, d’après sa valeur au jour de
l’échéance… », ce qui montre que la lettre de change peut être libellé en
monnaie étrangère.
§ 4. La cause
L’article 68 du COC prévoit que « toute obligation est présumée avoir
une cause certaine et licite, quoiqu’elle ne soit pas exprimée » 18. D’une
manière générale, le signataire d’une lettre de change n’indique pas et
n’est nullement obligé d’indiquer pourquoi il souscrit un engagement
cambiaire. Mais, la cause est sensée toujours exister et être licite. La
création d’une lettre de change sans cause ou comportant une erreur sur
la cause est entachée de nullité.
17
Article 1149 du COC.
18
Toutefois, la présomption de l’art 68 est simple. La cause est censée exister et elle réputée licite
jusqu’à preuve du contraire.
§ 1. L’existence de la provision
A. La définition de la provision
Le mot provision vient du terme latin « providere » qui signifie prévoir.
Appliqué à la lettre de change, le concept veut dire que le tireur doit
prévoir le paiement du titre qu’il a émis, et ce paiement ne peut avoir
lieu que si le tireur est créancier à l’égard du tiré.
Le législateur tunisien définit la provision à travers l’article 275 alinéas 1
et 2 du CC qui prévoit que « la provision doit être faite par le tireur ou
par celui pour le compte de qui la lettre de change sera tirée, sans que
le tireur pour le compte d'autrui cesse d'être personnellement obligé
envers les endosseurs et le porteur, seulement.
Il y a provision si, à l’échancre de la lettre de change, celui sur qui elle
est fournie, est redevable au tireur, ou à celui pour le compte de qui
elle est tirée, d’une somme au moins égale au montant de la lettre de
change ».
Cette définition suscite les remarques suivantes :
• Le tireur, pour qu’il soit créancier du tiré, doit donner la contrepartie
de cette créance par la livraison d’une marchandise ou par la
réalisation d’une prestation de service…
• La provision doit être constituée par le tireur au plus tard à l’échéance
de la lettre de change. Il en résulte que la lettre de change peut être
valablement créée sans provision.
• La créance du tireur sur le tiré doit être au moins égale au montant de
la lettre de change.
• Il faut que la créance du tireur sur le tiré soit licite, certaine, liquide
et exigible le jour de l’échéance, car une créance ne répondant pas à
ces conditions ne confère pas au porteur la garantie d’être payé.
B. La propriété de la provision
L’article 275 alinéa 3 du CC réglemente la propriété de la provision, en
disposant qu’elle est « transmise de droit aux porteurs successifs de la
lettre de change ».
A propos de cet alinéa, deux remarques méritent d’être données :
1) Le terme « propriété de la provision » parait, dans ce contexte, être
inexact et ambigu. Car le terme « propriété » évoque l’existence d’un
droit réel, alors que la provision est une créance (un droit personnel)
entre le tiré et le tireur.
2) L’article 275 alinéa 3 semble contredire le contenu de l’article 275
alinéa 2, en effet, comment peut-on parler d’une transmission de la
provision d’un endosseur à un autre alors que cette créance peut ne
pas être fournie qu’à l’échéance, c’est pour cette raison que RIPERT
et ROBLOT proposent de reformuler les termes de la loi (article 116
du CC français comme suit : « le porteur acquiert un droit exclusif sur
la créance qui appartiendra au tireur contre le tiré à l’échéance ».
Par conséquent, on ne peut considérer qu’il y a une transmission effective
de la provision qu’à l’arrivée de l’échéance. C’est à cette date seulement
que le porteur devient le vrai propriétaire de la provision.
Pour éviter la contradiction entre la règle suivant laquelle la propriété
de la provision est transférée par l’endossement du titre et la règle qui
prévoit que la provision peut n’exister qu’à l’échéance. Il faut distinguer
entre la lettre de change acceptée et la lettre de change non acceptée.
a. Le transfert de la provision dans la traite acceptée
C. La preuve de la provision
Les moyens de preuve obéissent au droit commun (civil et commercial),
bien que la lettre de change soit commerciale par la forme. En effet, la
provision est une créance extra cambiaire dont le mode de preuve varie
en fonction de son caractère civil ou commercial.
En revanche, la charge de la preuve de la provision connait un régime
particulier. Lorsque le tiré accepte la traite, la loi tire de cet acte une
présomption d’existence de la provision (selon l’article 275 alinéa 4 du
CC, l’acceptation suppose la provision), cela veut dire que l’acceptation
prouve qu’au moment où elle a été donnée, le tireur est déjà créancier
du tiré d’un montant au moins égal à celui de la lettre de change.
L’acceptation établit une présomption d’existence de la provision au
profit des endosseurs, du porteur final et du tireur de la lettre de change.
Mais, si dans les relations du tiré avec le porteur et les endosseurs
successifs la présomption est irréfragable. En revanche, dans les relations
du tiré avec le tireur, la présomption est simple, ce qui permet au tiré,
malgré son acceptation, d’opposer au tireur l’exception de l’absence ou
de l’insuffisance de la provision.
19
Cass. com. 24 avril 1972. bull. 1972, 4, D, 1972, p 686, note Roblot.
20
L’article 330 du CPCC
Dans la pratique, l’émission des effets de complaisance est souvent liée
à l’escompte : le commerçant, qui se trouve en difficulté financière émet,
par complaisance, une lettre de change. Celle-ci est ensuite présentée à
l’escompte, ce qui permet au tireur de bénéficier d’un crédit.
Entre le tireur (complu), le tiré (complaisant) et le porteur de mauvaise
foi, l’effet de complaisance est nul, car sa cause est illicite. Lorsque le
tiré paye le montant de l’effet de complaisance, il ne pourra agir contre
le tireur pour se faire dédommager que sur la base du droit commun. Il
en est de même du porteur de mauvaise foi qui se voit opposer la nullité
du titre et cherche à se faire rembourser le montant du crédit qu’il a
accordé au tireur complu en contrepartie de l’effet de complaisance. Ce
porteur ne pourra agir contre le tireur sur le terrain cambiaire, il ne
pourra se faire rembourser que par les moyens du droit commun.
En revanche, dans les relations du porteur de bonne foi avec le tiré et le
tireur, l’effet de complaisance constitue une lettre de change valable. Ce
porteur peut donc agir en paiement contre tous les signataires du titre
sans qu’aucun d’eux ne puisse lui opposer l’exception de nullité d’après
l’application du principe de l’inopposabilité des exceptions (
) prévu par l’article 280 du CC.
Chapitre 2
L’acceptation et l’aval
De la lettre de change
La lettre de change étant un instrument de crédit, son règlement est, en
principe, différé au jour de son échéance. Il est, par conséquent,
nécessaire d’offrir à son porteur des garanties qui assureront le
paiement. Il existe des garanties spéciales au droit cambiaire. La
première garantie fournie au porteur de la lettre de change c’est la
solidarité cambiaire entre tous les signataires. En outre, le porteur peut
compter sur le transfert à son profit de la propriété de la provision, ainsi
que sur l’éventuelle acceptation du tiré par laquelle celui-ci s’engage
cambiairement (section 1) et sur la garantie du paiement de la lettre de
change apportée par un tiers donneur d’aval (section 2).
L’acceptation de la lettre de change
§ 1. La présentation à l’acceptation
Selon l’article 283 alinéa premier du CC, la lettre de change peut être
présentée à l’acceptation soit par le tireur soit par un des porteurs
successifs du titre, et la présentation peut se faire jusqu’à l’échéance du
titre. Mais le tireur peut stipuler dans la lettre de change un délai
pendant lequel la présentation ne doit pas se faire (article 283 alinéa 4
du CC), ou indiquer une date limite à cette présentation (article 283
alinéa 2 du CC).
Lorsque la lettre de change est présentée au tiré, ce dernier peut
demander qu’une seconde présentation lui soit faite le lendemain de la
première (article 284 alinéa 1 du CC), de même le porteur n’est pas obligé
de donner entre les mains du tiré de la lettre de change présentée à
l’acceptation (article 284 alinéa 2 du CC).
La présentation à l’acceptation doit être faite au domicile du tiré (article
283 alinéa 1 du CC), cette règle est valable même si la traite est
domiciliée, car le domiciliataire ne prend aucun engagement cambiaire
à la place du tiré, il est seulement chargé d’exécuter les ordres de celui-
ci quant au paiement. Cette présentation est en principe, facultative,
c'est-à-dire que le porteur peut présenter ou ne pas présenter son titre à
l’acceptation. Mais ce principe admet des exceptions car, dans certains
cas, la présentation à l’acceptation soit obligatoire ou interdite.
21
La clause non acceptable présente certaines utilités. On prend le cas, par exemple, lorsque le tireur
n’a pas encore fait provision, ou lorsque la traite est d’un montant trop faible.
Les exceptions : la clause non acceptable n’est pas toujours permise, il y
a des cas où elle est illogique ou interdite :
• Elle est illogique lorsque la lettre de change est à certain délai de vue,
la présentation à l’acceptation permet de déterminer l’échéance
(article 292 alinéa 1 du CC).
• Elle est interdite lorsque la lettre de change est payable chez un tiers
(article 283 alinéa 3 du CC).
• Elle est interdite lorsque la lettre de change est payable dans une
localité autre que celle du domicile du tiré (article 283 alinéa 3 du CC).
Dans ces deux cas, la clause est interdite pour permettre au tiré de
prendre ses dispositions en vue d’assurer le paiement à l’échéance.
Une question se pose si malgré la clause non acceptable, la lettre de
change est présentée à l’acceptation ? Si le tiré accepte la lettre de
change, son acceptation produit ses effets, car on considère que le tiré
renonce par sa signature au bénéfice de la clause. En revanche, si
l’acceptation est refusée, aucun recours ne peut être exercé faute
d’acceptation.