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Les effets
De Commerce
Introduction
L’introduction de ce cours portera sur deux questions :
La notion d’effets de commerce.
Les spécificités du Droit cambiaire.
Section 1
La notion d’effets de commerce
1. Le caractère négociable
Il signifie que les effets de commerce sont transmissibles par des
techniques de cession simplifiées plus rapides et plus efficaces que celles
du droit civil. En effet, la cession de créance est régie par les règles de
Droit commun et plus précisément, par les articles 204 et 205 du COC.
D’abord, l’article 204 prévoit que « la cession contractuelle d’une
créance, ou d’un droit ou d’une action, est parfaite par le
consentement des parties », mais, l’article 205 relatif à l’opposabilité et
l’efficacité de cette cession précise que « le cessionnaire n’est saisi à
l’égard du débiteur et des tiers que par la signification du transport
faite au débiteur, ou par l’acceptation du transport faite par ce
dernier dans un acte ayant date certaine ».
La cession est donc soumise à des formalités et des procédures lourdes
et couteuses (signification par huissier notaire, ou acceptation par acte
ayant date certaine), ce qui est incompatible avec les impératifs de la
vie commerciale et surtout la matière cambiaire qui nécessite la rapidité
des transactions. La transmission des effets de commerce doit se faire
par des procédures plus simples, plus rapides et moins couteuses car il
s’agit d’instruments de paiement et de crédit qui doivent circuler
rapidement en assurant au porteur le maximum de sécurité.
C’est pourquoi le droit cambiaire a privilégié des modes de transmission
plus simples et plus rapides que les modalités de la cession de créance
ﺣ ّﻮاﻟﺔ اﻟﺪﻳﻦ:
2. Le caractère monétaire
L'effet de commerce doit comporter l'indication de sa valeur en monnaie
parce qu'il constitue un instrument de paiement. Il constate une créance
en somme d'argent qui doit être certaine et liquide.
3. Le court terme
L'effet de commerce est un instrument de crédit à court terme. Ce court
terme n’a pas été défini par le législateur et la doctrine estime qu'il ne
doit pas dépasser 3 mois. Mais, dans la pratique, le terme des effets de
commerce dépasse souvent 3 mois. L’intérêt de respecter le court terme
c’est qu’il permet au porteur de l’effet de commerce de mobiliser sa
créance auprès d'une banque par la technique de l'escompte.
En principe, le porteur doit attendre l’échéance pour réclamer le
paiement au débiteur, mais, il peut obtenir un paiement anticipé, en
transmettant son effet à un banquier qui deviendra le porteur du titre et
attendra les 3 mois pour réclamer le paiement au débiteur. Le banquier
accepte cette mobilisation de la créance contre rémunération et après
déduction des intérêts.
1. La lettre de change
C'est le prototype des effets de commerce, régie par les articles 269 et
suivants du Code de Commerce. Il s'agit d'un titre négociable qui peut
circuler par voie d'endossement et, souvent, utilisée comme instrument
de crédit à court terme.
2. Le billet à ordre
Il s'agit également d'un titre négociable régi par les articles 339 et
suivants du Code de Commerce. C'est un écrit par lequel une personne
appelée souscripteur s'engage à payer, à une échéance déterminée, une
somme d'argent à l'ordre d'une autre personne appelée bénéficiaire.
En pratique, le billet à ordre est généralement utilisé dans le secteur
bancaire.
3. Le warrant
C'est une forme particulière du billet à ordre, accompagnée d'une
garantie donnée par le souscripteur parce qu'il confère au bénéficiaire
un nantissement sur des marchandises déposées dans un magasin général
(avec dépossession) ou dans les locaux du souscripteur (sans
dépossession).
4. Le chèque
Il est régi par les articles 346 et suivants du Code de Commerce.
L'appartenance du chèque à la catégorie des effets de commerce a été
largement discutée par la doctrine et il est, à priori, exclu de cette
catégorie dans la mesure où il est exclusivement un instrument de
paiement et non de crédit. C'est un titre payable à vue et sa provision
doit exister dès la date de son émission, à défaut, des sanctions pénales
sont prévues pour l'émission d'un chèque sans provision.
Mais, certains auteurs assimilent le chèque aux effets de commerce en
raison des ressemblances qu'il présente avec la lettre de change au
niveau du régime juridique applicable (formalisme, caractère négociable,
solidarité des signataires, droits et recours du porteur impayé ...).
D'ailleurs, les anglais définissent le chèque comme étant une lettre de
change payable à vue et tirée sur un banquier.
D'autres auteurs, par contre, contestent cette assimilation et insistent
sur la distinction entre les instruments de crédit et les instruments de
paiement.
À côté de ces effets de commerce traditionnels, la pratique a donné lieu
à d'autres formes telles que les bons de caisse émis par les banques, les
bordereaux de cession de créances professionnelles (qui permettent à
Section 2
Les spécificités du droit cambiaire
I. La rigueur
La rigueur du droit cambiaire par rapport au droit commun tend à
protéger le porteur du titre et, surtout, à encourager la circulation et
assurer le paiement à l'échéance. Cette rigueur se manifeste à travers
plusieurs dispositions particulières :
1) Le droit cambiaire n'admet pas les conditions résolutoires ou
suspensives de paiement; l'ordre de payer ainsi que l'engagement de
payer doivent êtres purs et simples c’est-à-dire inconditionnels.
2) Il y'a une solidarité présumée entre tous les signataires de la lettre
de change pour garantir le paiement au porteur, alors, qu'en matière
civile, la solidarité ne se présume pas et doit être prévue de manière
expresse.
3) L'engagement cambiaire est soumis au principe de l'indépendance
des signatures, c’est-à-dire que chaque signataire est obligé par sa seule
protection et la sécurité juridique aussi bien pour le porteur que pour les
signataires du titre (il invite à la réflexion et permet à chaque signataire
de savoir avec précision l'étendue de son engagement).
Parmi les manifestations de ce formalisme :
1) Le fomalisme se manifeste notamment à travers l'article 269 du CC
qui exige des mentions obligatoires pour la validité du titre et prévoit
sa nullité, en tant que tel, s'il ne remplit pas les conditions prescrites par
la loi.
2) C'est la loi qui fixe la signification et la portée de chaque signature
apposée sur la lettre de change selon son emplacement, c’est-à-dire que
le législateur établit des présomptions de forme. Exemple: l'article 285
prévoit que « la simple signature du tiré opposée au recto de la lettre
vaut acceptation ».
La simple signature au verso est présumée être un endossement.
L'article 289 considère que toute autre signature au recto que celle du
tiré ou du tireur est présumée un aval (une garantie/une caution).
3) Les mentions qui ne sont pas insérées dans la lettre de change mais
dans d'autres documents (acte séparé) n'ont pas la valeur de
l'engagement cambiaire: principe de l'autosuffisance du titre (il doit se
suffire à lui-même).
4) Certaines notions sont définies par la seule référence à la forme et à
l'apparence. Exemple: la définition du porteur légitime selon l'article 279
du CC celui qui « justifie de son droit par une suite ininterrompue
d'endossements ». (il suffit donc de consulter le titre pour se prononcer
sur la qualité du porteur).
Ce cours portera sur l'étude de 3effets de commerce :
Titre I : La lettre de change.
Titre II : Le billet à ordre.
Titre III : Le chèque.
Titre I
La lettre de change
Le législateur ne définit pas directement la lettre de change et se
contente, dans l'article 269 du CC, d'énumérer les mentions obligatoires
que doit contenir ce titre, tout en précisant qu'il s'agit d'un acte de
commerce par la forme « la loi répute acte de commerce, entre toutes
personnes, la lettre de change ».
Mais, il ressort de cet article qu'il s'agit d'un titre émis par une personne
appelée "tireur" et donnant à une autre personne appelée "tiré" l'ordre
de payer, à une échéance déterminée, une somme d'argent à une tierce
personne appelée "bénéficiaire" ou à l'ordre de celle-ci.
À partir de cette définition et des autres textes qui régissent la lettre de
change, nous pouvons dégager les différents aspects de ce titre qui
seront traités conformément au plan suivant :
Chapitre I : La création de la lettre de change
Chapitre II : La provision
Chapitre III : L'acceptation
Chapitre IV : L'endossement
Chapitre V : Le paiement.
Chapitre I
La création de la lettre de change
Avant d'étudier les conditions de création de la lettre de change (de
forme et de fond), il convient de s'arrêter sur le mécanisme de la lettre
de change pour comprendre les circonstances de sa création et la nature
des rapports qui en découlent.
Section 1
Les circonstances de création de la LC
La lettre de change peut circuler jusqu'à son échéance. À cette date, elle
sera présentée au paiement par le dernier porteur au débiteur tiré (entre
temps, elle aura chaque fois servi à une nouvelle opération de crédit).
Tiré (Acheteur B)
Le dernier porteur
à l’échéance
Tireur Bénéficiaire
(Vendeur A) (Fournisseur C)
Rapport de créance
(Valeur fournie)
Section 2
Les conditions de forme :
(Le formalisme cambiaire)
établie sous forme authentique parce que c'est une source de frais
incompatible avec l'impératif de rapidité. De même, elle n'est jamais
établie sous forme totalement manuscrite parce qu'elle n'inspire pas
confiance et peut être falsifiée. En effet, la pratique recourt plutôt à des
formulaires imprimés de la lettre de change avec l'utilisation de plus en
plus fréquente d'un modèle standardisé (surtout dans la pratique
bancaire).
On doit préciser, également, que la loi n'exige pas que les mentions
indiquées sur la lettre de change soient rédigées par une personne
déterminée. Elles peuvent être rédigées par une ou plusieurs personnes,
par les parties ou par les tiers. L'essentiel est que la lettre de change doit
contenir les mentions obligatoires qu'il convient d'énumérer (A), avant
de déterminer les sanctions applicables en cas du non-respect de ce
formalisme (B).
1
Adjectif qualifiant une dette, lorsque du fait du contrat ou d'une disposition légale le créancier doit,
pour en obtenir le paiement, se présenter au domicile de son débiteur. La quérabilité est de droit si
la convention n'a pas exprimé le contraire ou si la loi n'en a pas disposé autrement. Les loyers, par
exemple, si le bail ne contient pas de dispositions contraires, sont des créances quérables. En revanche
pour des raisons tenant à leur nature, les créances d'aliments sont "portables" : dictionnaire-
juridique.com.
Le titre qui ne vaut pas comme lettre de change pourrait valoir comme
un billet à ordre s'il remplit les conditions requises par l'article 339 du CC
pour la validité du billet à ordre.
Il faut préciser que dans ce cas, la lettre de change est nulle en tant que
telle, mais elle conserve la qualité de titre cambiaire (effet de
commerce), le titre demeure régi par les règles du droit cambiaire.
Cependant, cette hypothèse est très rare vu le formalisme qui régit le
billet à ordre (presque les mêmes mentions obligatoires).
Lorsque la lettre de change ne remplit pas les conditions requises pour
la validité du billet à ordre, elle peut valoir comme titre de créance
ordinaire soumis aux règles de droit commun.
Lorsque le titre est signé par le débiteur (tiré), il peut valoir comme
une reconnaissance de dette (de la part du tiré à l'égard du tireur). Il
permet à son porteur d'agir sur sa base et d'obtenir une injonction de
payer.
Lorsque le titre n'est pas signé par le tiré, il peut valoir comme une
promesse de payer (émanant du tireur à l'égard du bénéficiaire). Il peut
être considéré comme un simple commencement de preuve par écrit (une
lettre de change incomplète qui ne comporte ni la signature du tiré ni
celle du tireur peut être considérée comme une simple présomption et
doit être renforcée par d'autres moyens de preuve).
NB : Dans ces différents cas, la conversion fait sortir le titre du droit
cambiaire, il est soumis aux règles du droit commun.
La lettre de change incomplète est donc nulle en tant que titre
cambiaire, mais, elle conserve une valeur judiciaire certaine et subsiste
en tant qu'engagement juridique susceptible de produire des effets.
Ainsi cette nullité ne permet pas aux parties d'échapper aux
obligations qu'elles ont contractées sur le terrain du droit commun. Les
parties restent tenues en raison du rapport juridique fondamental
préexistant à la création de la lettre de change.
Le porteur peut exercer des recours sur le plan du droit commun et peut
obtenir une injonction de payer conformément à l'article 59 du CPCC (à
condition que l'origine de sa créance soit contractuelle et qu'elle soit
certaine et déterminée dans son montant).
la banque qui ajoute son nom en tant que bénéficiaire sur la lettre de
change remise pour l'escompte.
C’est tout à fait logique d'interpréter les signatures du tireur et du tiré
sur une lettre de change dépourvue du nom du bénéficiaire comme étant
un accord ou une autorisation tacite et préalable pour le bénéficiaire ou
un porteur subséquent de compléter le titre de son nom.
3- La doctrine et la jurisprudence françaises ajoutent une autre
condition en considérant que l'irrégularité doit être minime. Mais la
distinction entre irrégularité minime et mention essentielle est assez
délicate et peut poser problème, c'est pourquoi la Convention de la
CNUDCI 2 s'est prononcée sur ce problème en admettant la possibilité
de régularisation si le titre présente des conditions minima d'existence,
et en exigeant que le titre comporte, au moins, la dénomination et la
signature du souscripteur (la signature du tireur).
En pratique, c'est la régularisation du nom du bénéficiaire qui est
largement admise en jurisprudence, la justification est que le nom du
bénéficiaire est indifférent pour le tiré accepteur. Il est le débiteur
principal de la lettre de change à l'égard de tout porteur de bonne foi.
II. L'inexactitude d'une mention obligatoire
L'omission d'une mention obligatoire entraîne la nullité de la lettre de
change sur le plan formel parce qu'il s'agit d'un vice apparent, opposable
même au porteur de bonne foi. Par contre, l'inexactitude est un vice
caché, parce que la mention obligatoire existe mais elle est erronée, il
s'agit plutôt d'une supposition d'une mention qui n'entraine pas la nullité
du titre sur le plan cambiaire et formel (la théorie de l'apparence et
l'autosuffisance du titre).
Mais, la sanction de nullité peut être admise si l'inexactitude de la
mention tend à dissimuler l'absence d'une condition essentielle de
validité (condition de fond). C'est le cas, par exemple, de l'indication
d'une fausse date pour dissimuler l'incapacité du signataire. Dans ce cas,
l'incapacité est une cause de nullité opposable même au porteur de
bonne foi.
2
Commission des Nations Unies pour le droit commercial international.
Section 3
Les conditions de fond
§ 1 Le consentement
Comme tout acte juridique, la création de la lettre de change requiert,
pour sa validité, une volonté valable de s’obliger.
Concrètement, c’est la signature du tireur apposée sur la lettre de
change qui exprime son consentement et sa volonté de s’engager.
Le problème se pose lorsqu’il s’agit d’une fausse signature.
§ 2 La capacité
La capacité est régie par les règles de droit commun (le CSP et le COC),
mais, les textes régissant la lettre de change comportent quelques
dispositions spéciales qui s’appliquent en cas de création de la lettre de
change par un incapable ou par un représentant.
Si le mineur incapable crée une lettre de change, elle est nulle à son
égard seulement, et il peut se prévaloir de cette nullité même à l’égard
du porteur de bonne foi.
Mais, cette lettre de crédit reste valable à l’égard des autres
signataires et les engage sur le plan cambiaire.
Par ailleurs, et par application de l’article 13 du COC, la nullité ne doit
pas permettre au mineur de s’enrichir au détriment de son cocontractant
qui a exécuté ses obligations c’est-à-dire qu’il doit lui restituer la valeur
de l’enrichissement et du profit qu’il a tiré.
Il convient de préciser que l’article 273 du CC ne vise que la situation de
l’incapable mineur à l’exclusion des autres incapables majeurs, tels que le
dément, le faible d’esprit et le prodigue. Ces personnes ne peuvent créer
une lettre de change à partir du jugement d’interdiction (et même avant
ce jugement lorsqu’il s’agit d’un état notoire). De même, le failli ainsi que
le condamné à une peine supérieure à 10 ans d’emprisonnement n’ont
pas le droit d’émettre des lettres de change.
§ 3 L'objet
Par définition, l'objet de l’engagement cambiaire ne peut être qu'une
somme d'argent. D'ailleurs, c'est pourquoi l'article de 269 du CC exige
comme mention obligatoire « le mandat pur et simple de payer une
somme déterminée ».
§ 4 La cause
En général, la cause de l’engagement cambiaire n’est pas indiquée sur la
lettre de change. Mais, par application des règles du droit commun
(article 68 du COC), l'existence de la cause est présumée et elle est
réputée licite jusqu'à preuve du contraire.
En revanche, la création d'une lettre de change sans cause ou pour une
cause illicite entraîne la nullité d'ordre public.
Le problème de la cause se pose lorsque la création de la lettre de change
ne se justifie pas par l'existence d'un rapport de créance entre les parties,
mais par une complaisance qui a pour objectif l'obtention d'un crédit de
manière frauduleuse, ce type de lettre de change est appelé : effets de
complaisance ()ﺳﻨﺪات اﻟﻤﺠﺎﻣﻠﺔ.
Chapitre II
La provision
La provision ne constitue pas une véritable condition de validité de la
lettre de change, mais, elle a une grande incidence sur la situation des
parties et surtout sur les droits du porteur.
C’est ainsi, par exemple, qu’en pratique, le tiré n’accepte généralement
la lettre de change que s’il a déjà reçu provision.
Pour le porteur, la créance de provision constitue une garantie
fondamentale de paiement qui renforce sa situation et s’ajoute aux
garanties du Droit cambiaire. Ce rôle de garantie supplémentaire
apparait surtout dans certaines hypothèses où le porteur n’a pas le droit
d’agir sur le plan cambiaire (exemple : nullité du titre pour vice de forme,
lettre de change non acceptée par le tiré, prescription cambiaire…). Dans
ces différentes hypothèses, c’est la provision qui lui permet d’agir pour
réclamer le paiement par application des règles du droit commun.
Le législateur tunisien a consacré l’article 275 à la provision. Ce texte
nous permet de dégager, successivement, les spécificités de la créance
de provision (Section 1), les droits du porteur sur la provision (Section 2)
et la preuve de la provision (Section 3).
Section 1
Spécificités de la créance de provision
C. Le montant de la provision
Cette créance doit être au moins égale au montant de la lettre de
change, c'est-à-dire qu'elle doit être égale ou supérieure.
D. Caractères de la provision
Cette créance fondamentale doit remplir les conditions de validité
prévues par la théorie générale des obligations.
Il en résulte, qu’une créance entachée de nullité ne saurait constituer une
provision valable. C’est le cas par exemple si la provision est représentée
par une créance d'une dette de jeux ou de pari ou toute autre cause
immorale. Cette provision serait nulle (pour cause illicite). Mais, il faut
préciser que la nullité ou même l'inexistence de la provision n'entraîne
pas la nullité de la lettre de change à l'égard du porteur de bonne foi qui
peut réclamer et obtenir le paiement parce qu'il est protégé par le
principe de l'inopposabilité des exceptions.
Cette créance doit être certaine, liquide et exigible pour conférer au
porteur la garantie d'être payé. Elle ne peut pas être soumise à une
condition ou à un terme plus éloigné que l'échéance.
Si la provision ne présente pas ces caractères, le tiré peut refuser
l'acceptation. Mais, s’il accepte, il ne serait pas en droit d’opposer cette
exception au porteur de bonne foi.
Cette créance peut avoir pour cause une livraison de marchandises, mais
même dans ce cas, la provision n'est pas constituée par les marchandises
elles-mêmes mais par la créance qui nait au profit du tireur, c’est-à-dire
par la valeur ou le prix de la marchandise.
Cette créance peut également résulter d'une prestation de service, de
l’octroi d'un prêt ou de certaines pratiques bancaires (tels que l’ouverture
d'un crédit ou la remise d’effets de commerce…).
Section 2
Les droits du porteur sur la provision
(Le transfert de la provision)
Section 3
La preuve de la provision
§ 2 Force de la présomption
La force de cette présomption diffère selon le type de rapport :
• Tiré-accepteur / tireur-porteur (rapport bilatéral)
• Tiré-accepteur / porteur ou endosseur (rapport triangulaire)
La présomption est simple: dans certains cas, le tiré peut accepter
malgré qu’il ne soit pas débiteur à l'égard de tireur.
Exemple:
• Il peut accepter dans la perspective de recevoir la provision avant
l’échéance (commande d’une marchandise qui n’est pas encore livrée
lors de l’acceptation).
• Il peut accepter une lettre de change en paiement d'une marchandise
qui s'avère avariée ou non conforme à la commande.
• Il peut y avoir annulation ou inexécution du contrat initial (après
l’acceptation) …
Dans ces différentes hypothèses et puisque le tireur-porteur est lui-même
partie dans le rapport fondamental, il ne peut pas se prévaloir de sa
bonne foi ou de son ignorance du vice (il en est le responsable !).
La présomption est donc simple et le tiré peut la combattre par la preuve
contraire. Le principe de l’inopposabilité des exceptions ne s’applique
pas dans ce rapport, le tiré peut opposer au tireur-porteur le défaut de
provision pour justifier le refus de paiement.
La présomption est irrefragable:
Si le tiré a accepté, c’est qu’il s’est reconnu débiteur à l’égard du tireur,
et il devient, par son acceptation, engagée sur le plan cambiaire à l’égard
du porteur.
Chapitre III
L’acceptation
Le législateur a défini l'acceptation dans l'article 287 du CC selon lequel
« par l'acceptation, le tiré s'oblige à payer la lettre de change à
l'échéance… ». Il s'agit, donc, de l’engagement cambiaire que prend le
tiré de payer le montant de la lettre de change à l'échéance.
Il faut préciser que l'acceptation n'est pas une condition de validité de
la lettre de change, mais, elle présente plusieurs intérêts et a une
incidence très importante sur la situation des parties et sur les droits du
porteur.
Généralement, la lettre de crédit est présentée à l’acceptation par le
tireur lui-même avant la remise du titre au bénéficiaire. Mais, selon
l’article 283, la lettre de change peut être, jusqu'à l’échéance, présentée
à l’acceptation par le porteur ou même par un simple détenteur.
Lorsque la lettre est présentée à l’acceptation, le tiré doit normalement
répondre immédiatement, mais, il peut exceptionnellement demander
une 2ème présentation le lendemain de la première.
Il convient de préciser qu’il s’agit, en principe, d’une faculté et non pas
d’une obligation pour le porteur.
De même, l’acceptation est, en principe, facultative pour le tiré.
Section 1
Le caractère facultatif de l'acceptation
Section 2
Les conditions d'acceptation
Section 3
Les effets de l'acceptation
Section 4
Les effets du refus d'acceptation
A. La déchéance du terme
Le tiré non-accepteur n'est pas engagé sur le plan cambiaire, donc, aucun
recours cambiaire n’est possible contre lui. En revanche, sur le plan extra
cambiaire, le tiré demeure débiteur à l'égard de tireur en vertu de son
Chapitre IV
L’endossement
L'endossement est une technique cambiaire de transmission des titres.
En effet, la lettre de change est un titre négociable qui est appelé à
circuler et cette circulation doit être rapide, mais, elle doit, également,
assurer au porteur le maximum de sécurité. C’est la raison pour laquelle
le législateur ne s’est pas contenté des modalités de la cession de créance
de droit commun, parce qu’elles ne permettent pas de répondre aux
impératifs de rapidité et de sécurité.
Ainsi, le Droit cambiaire a privilégié la technique de l’endossement qui
constitue un mode de transmission simple et rapide puisqu’il peut se
réaliser par une simple signature apposée, généralement, au dos du titre.
L'endossement peut être effectué à titre de procuration ou de gage
mais on va se limiter, dans le cadre de ce cours, à l’étude de
l’endossement translatif (endossement de principe). Cet endossement
est régi par les articles 276 et suivants du CC qui fixent les conditions de
validité de cet engagement cambiaire et réglementent ses effets.
Section 1
Les conditions de l'endossement
Section 2
Les effets de l’endossement
A. Originalité du principe
En matière de cession de créance, le cessionnaire se présente comme
l'ayant cause du cédant (article 204 du COC). Il est substitué de droit au
cédant et acquiert, donc, un droit dérivé et c’est le même droit qui
appartenait au cédant. Il ne peut pas acquérir plus de droits que n’en
avait son cédant puisque l’art 551 du COC pose le principe selon lequel
nul ne peut conférer à autrui plus de droits qu’il n’en a lui-même.
Il en résulte que le cessionnaire acquiert la créance telle qu’elle est avec
toutes ses qualités (droit au paiement, droit sur les accessoires et les
suretés etc.…) mais également avec tous ses vices (article 212 du COC).
C’est ce qui explique que le débiteur cédé peut opposer au cessionnaire
toutes les exceptions, c’est à dire les vices et les moyens de défense qu’il
pouvait opposer au cédant (nullité, extinction de la créance etc....) pour
justifier le refus de paiement.
Chapitre V
Le paiement
Section 1
Les conditions du paiement
§ 1 Le moment du paiement
Le paiement de la lettre de change doit être fait à présentation.
D’ailleurs, cette présentation est obligatoire pour le porteur le jour même
de l'échéance, ou au plus tard dans les 2 jours ouvrables qui suivent selon
l'article 294 du CC.
Cette obligation de présentation au paiement est spécifique au droit
cambiaire puisqu’en Droit commun, le créancier n'est pas obligé de
réclamer le paiement à l'échéance.
§ 2 le lieu du paiement
L’indication du lieu de paiement est une mention obligatoire dans la
lettre de change.
En principe, le paiement doit avoir lieu au domicile du tiré (débiteur) car
la dette cambiaire est une dette quérable.
Mais, la lettre de change peut comporter une clause de domiciliation qui
se fait le plus souvent auprès d'une banque. Dans ce cas, la clause de
domiciliation s'impose au porteur.
Section 2
Les recours du porteur impayé
B. Recours anticipé
L’article 306 du CC permet, exceptionnellement, au porteur d'exercer ses
recours avant l'échéance dans certains cas :
1- en cas de refus total ou partiel d'acceptation.
2- en cas de faillite du tiré (ou cessation de paiement, ou saisie de ses
biens).
3- en cas de faillite du tireur lorsque la lettre est non acceptée.
Le point commun entre ces trois situations c'est que le porteur a très peu
de chances d'être payé dès la réalisation de ces événements. Il est inutile
d'attendre l'échéance.
Pour exercer ces recours anticipés, le porteur doit dresser un protêt faute
d'acceptation et procéder à l'information de la chaîne des signataires.
Il convient de préciser que, dans ce cas, les garants du paiement vont
être exposés à l'obligation de payer avant l'échéance ce qui est
imprévisible, c'est pourquoi le législateur admet une atténuation à la
rigueur des délais et leur permet de demander par ordonnance sur
requête des délais de grâce, qui ne peuvent dépasser l'échéance.
Le recours anticipé est une faculté pour le porteur et non pas une
obligation. Le porteur ne peut exercer ces recours anticipés que contre
les garants du paiement et non pas contre le tiré non accepteur.
§ 4 la prescription
Le délai de prescription pour les actions contre le tiré-accepteur est de
3 ans. Le délai pour les actions du porteur contre le tireur et les
endosseurs est d'un an. Le délai des actions des endosseurs les uns contre
les autres ou contre le tireur est de 6 mois.
NB : cette prescription abrégée (courte) ne joue que sur le plan cambiaire
(elle éteint les actions cambiaires seulement), ainsi, les actions extra-
cambiaires restent soumises au délai de prescription de droit commun
qui est 15 ans (C. Cass. du 27 février 2008).
Exemple : action contre le tiré sur la base de la provision, action de
l’endossataire contre son endosseur sur la base de la valeur fournie…