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2022-2023

ISEJG
Dr. Houda TAHRI

[LES EFFETS DE COMMERCE]


3ème année licence en droit privé (Formation continue)
Introduction

Le droit cambiaire est le droit qui réglemente les effets de


commerce.

Mais qu’est ce qu’on entend par effets de commerce ?

I- Notion des effets de commerce


-Définition de l’effet de commerce
Le terme « effets de commerce » est employé dans plusieurs articles
(voir à titre d’exemple les articles 268 du C.Com, 553 du C.Com, 740,
743 du C. Com., l’article 451 du COC, article 160 du code pénal), mais
aucun de ces articles ne le définit. C’est la doctrine qui donne une
définition de l’effet de commerce en le considérant comme « un titre
littéral et négociable qui constate l’existence au profit du porteur d’une
créance à court terme et sert à son paiement ».
-Caractéristiques de l’effet de commerce
D’après cette définition, l’effet de commerce présente quatre
caractéristiques essentielles :
Le caractère littéral
Le caractère négociable : La négociabilité
Le caractère monétaire
Titre à court terme
- L’effet de commerce est un titre littéral : L’effet de commerce
est un acte formel, le formalisme ce manifeste par :
L’exigence de l’écrit
L’exigence d’un certain nombre de mentions pour la validité de l’effet.
L’omission de l’une de ces mentions peut entraîner la nullité du titre.

2
Toutes les obligations cambiaires sont des obligations formelles qui
doivent figurer sur le titre.
- L’effet de commerce est un titre négociable : ce caractère
marque la facilité et la rapidité avec lesquelles le titre est
transmissible : il suffit généralement d’une signature apposée sur
le titre pour que l’effet soit transmis. L’apposition de la signature du
porteur sur le titre dans le but de le transmettre à quelqu’un
d’autre, s’appelle « endossement ».
Cela contraste avec le régime de la cession de créance du droit civil
qui impose l’accomplissement de plusieurs formalités pour que la
créance soit transférée1. Source de lenteur, ce système est inadapté
au commerce. Afin de répondre aux besoins de la vie des affaires, la
pratique commerciale a crée la technique de la négociabilité qui a été
consacrée ensuite par le droit.
- Le caractère monétaire : Les effets de commerce constate une
créance d’une somme d’argent. L’indication de la créance dans le
titre constitue une énonciation obligatoire. L’aspect monétaire fait
de l’effet de commerce un moyen de paiement.
- Titre à court terme : Grâce à cette caractéristique, on peut
distinguer entre les effets de commerce et d’autres titres
négociables payables à long terme comme les valeurs mobilières.
En effet, plus le terme est proche plus la mobilisation de l’effet est
aisée. Il faut toutefois préciser que le législateur n’a pas indiqué une
échéance maximale mais les banquiers refusent d’escompter les
titres dont l’échéance dépasse le délai de 90 jours. Mais en dehors de
l’escompte les parties peuvent indiquer dans les effets des échéances
plus lointaines. Une conséquence essentielle découle de cette

1
V° les articles 199 et s. du C.O.C.

3
caractéristique, le court terme rend l’effet de commerce un moyen de
crédit.

II- Enumération des effets de commerce


Le plus ancien des effets de commerce est la lettre de change. La
doctrine l’a défini comme étant « un titre émis par une personne
appelée " tireur " et donnant à une autre personne appelée " tiré ",
l’ordre de payer à une date déterminée, une somme d’argent à une
troisième personne dite " bénéficiaire " ou à l’ordre de celle-ci ».
(C’est l’écrit par lequel une personne appelée tireur donne l’ordre à son
débiteur appelé tiré de payer une somme d’argent à son profit ou au
profit d’un tiers appelé tiers bénéficiaire.)
Le billet à ordre : c’est un écrit par lequel une personne appelée
souscripteur s’engage à payer, à une époque déterminée, une certaine
somme à une autre personne appelée bénéficiaire ou à l’ordre de celle-
ci ».
Le warrant : est généralement défini comme étant un billet à ordre qui
confère à son bénéficiaire un nantissement sur une marchandise
déposée dans un magasin général ou dans les locaux appartenant au
propriétaire de la marchandise. Ce titre, qui n’est rien d’autre qu’un billet
à ordre garanti par un gage, et réglementé en Tunisie par des textes
séparés du Code de commerce.
Enfin, parmi les effets de commerce énumérés, il y a encore le chèque
qui est un écrit par lequel une personne appelée tireur donne l’ordre à un
banquier (tiré) chez lequel elle a des fonds disponibles, de payer à vue
une certaine somme à un bénéficiaire ou parfois à la personne qui sera à
son ordre ». Les Anglais définissent d’ailleurs le chèque comme une
lettre de change, payable à vue et tirée sur un banquier.

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Le chèque est un sujet à discussion puisqu’il ne peut être tiré que sur un
établissement de crédit ou un établissement assimilé et il est
obligatoirement payable à vue.

III) Les fonctions des effets de commerce (évolution des fonctions)


L’histoire des effets de commerce est essentiellement celle de la
lettre de change, seule utilisée, ou presque, jusqu’au XIX e siècle, et
modèle de tous les autres.
C’est au Moyen- Âge, période qui voit renaître les échanges
commerciaux mais où les routes sont peu sûres, qu’apparaît la lettre de
change sur la base d’un contrat particulier appelé contrat de change. Le
mécanisme est le suivant : le futur acheteur remet une somme d’argent à
son banquier dans sa propre ville, en échange d’une lettre qui lui permet
de recevoir une somme équivalente d’un autre banquier, dans une autre
ville et souvent dans une autre monnaie sous déduction de la
rémunération des banquiers. Cela suppose que le premier banquier
(tireur) a un correspondant (tiré) dans l’autre ville. En exécution du
contrat de change ainsi conclu, le banquier remettait à son client une
lettre (d’où la terminologie actuelle) adressée à son correspondant
étranger et lui donnant l’ordre de payer une somme déterminée, au
porteur de la lettre dont le nom y était désigné.
La première fonction de la lettre de change a ainsi été celle d’un
instrument de transport de fonds. L’intérêt de l’opération est d’éviter
tout transport d’argent, opération dangereuse à l’époque, et de permettre
ainsi les règlements d’achats réalisés au cours des foires.
À partir du XVIe siècle, la lettre de change devient également un
instrument de paiement. Le tireur n’est plus exclusivement un banquier
; ce peut être un commerçant qui émet la lettre pour payer son créancier
(fournisseur), bénéficiaire de la lettre, qui pourra à son tour la remettre

5
en paiement à son propre créancier, etc. jusqu’au moment où le tiré
paiera le dernier porteur. Cela suppose que le titre puisse circuler entre
ces commerçants, grâce à la clause à ordre et à l’endossement : le titre
est payable au bénéficiaire ou à la personne que désigne le bénéficiaire
en lui endossant la lettre.
L’élaboration juridique de la lettre de change est donc presque
achevée lorsqu’à la fin du XVII e siècle, un banquier anglais, Patterson
(fondateur de la Banque d’Angleterre), invite l’escompte, opération de
crédit par laquelle le banquier avance à un commerçant le montant d’une
lettre de change qui lui est transférée et grâce au paiement de laquelle il
sera remboursé à l’échéance. Tout en faisant crédit à leurs clients, les
commerçants peuvent ainsi disposer rapidement des fonds. Ainsi, avec
la création de l’escompte, la mobilisation de toute créance représentée
par une lettre de change devient possible, ce qui assure l’essor de ce
titre conçu désormais comme un instrument de crédit.
Le chèque connaît une grande importance dans la pratique
bancaire d’aujourd’hui. Il présente des caractéristiques très originales.
Cette originalité apparaît surtout dans le fait qu’il est le seul effet de
commerce qui ne peut, en principe, jamais servir d’instrument de crédit.
Il est conçu comme un instrument de paiement puisqu’il est payable à
vue.

Plan du cours :
Chapitre 1: La lettre de change
Chapitre 2 : Le chèque

6
Chapitre 1 : La lettre de change

La lettre de change est régie par les articles 269 à 338 du Code de
commerce. L’article 269 du code de commerce dispose que la « loi
répute acte de commerce, entre toutes personnes, la lettre de
change ». Cet article ne donne pas une définition à la lettre de change,
il ne fait qu’énumérer les mentions obligatoires que doit contenir ce titre
et déclare sa commercialité formelle.

La doctrine a défini la lettre de change comme étant « un titre


émis par une personne appelée " tireur " et donnant à une autre
personne appelée " tiré ", l’ordre de payer à une date déterminée,
une somme d’argent à une troisième personne dite "
bénéficiaire "ou à l’ordre de celle-ci ».
La lettre de change, appelée traite dans la pratique des affaires, est un
titre littéral par lequel une personne nommée tireur donne l’ordre à son
débiteur appelé tiré de payer une somme d’argent à son profit ou au
profit d’un tiers appelé tiers bénéficiaire.
Trois personnes figurent donc d’ordinaire, dés l’origine, dans la lettre de
change : le tireur, le tiré, le preneur ou bénéficiaire. Le tireur est celui qui
crée le titre en donnant à son débiteur l’ordre d’en payer le montant. Le
bénéficiaire est celui au profit de qui le titre est crée et qui en a fourni, en
contrepartie, une valeur correspondante ; et le tiré est le débiteur qui
devra acquitter la lettre à sa présentation à l’échéance.
Ces trois personnes sont généralement unies deux à deux par des
rapports juridiques préexistants : le tireur est lié au bénéficiaire par une
dette antérieure qu’on appelle la valeur fournie, et il possède contre le
tiré une créance dénommée provision.

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Section 1 : La création de la lettre de change
La lettre de change est un titre dont le régime juridique est marqué
par le formalisme (§1) ; mais c’est aussi un acte juridique qui obéit
largement aux conditions de fond du droit commun (§2).

§1) Les conditions de forme :

« Les conditions de forme revêtent une importance exceptionnelle,


due aux fonctions que le titre est appelé à remplir dans la vie
économique moderne ; et leur rôle s’est encore trouvé renforcé par le
développement, admis à Genève, du caractère formel de l’engagement
cambiaire. Instrument de crédit, la lettre de change doit pouvoir circuler
librement. Mais, pour qu’il en soit ainsi, il faut qu’elle soit aisément
reconnaissable.

A) Enumération des mentions obligatoires :

La loi exige pour la validité de la lettre de change, la rédaction d’un


écrit. La formalité de l’écrit est prévue d’une manière indirecte dans
l’article 269 du C. Com. qui dispose que « la lettre de change
contient :
1) La dénomination de lettre de change insérée dans le texte même
du titre et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de
ce titre ».
Les trois termes utilisés dans cette disposition, à savoir : texte, titre et
rédaction ne laissent aucun doute sur la nécessité d’établir un écrit, non
seulement pour se pré constituer une preuve, mais aussi pour remplir
une condition de validité.

8
Pour que la lettre de change puisse circuler et jouer pleinement son rôle
d’instrument de crédit, il faut qu’elle comporte certaines mentions
obligatoires pour que le porteur soit suffisamment éclairé à son sujet. La
lettre de change doit se suffire à elle-même.
« La lettre de change contient :
1) la dénomination de lettre de change insérée dans le texte même
du titre et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de
ce titre ;
2) le mandat pur et simple de payer une somme déterminée ;
3) le nom de celui qui doit payer (tiré) ;
4) l’indication de l’échéance ;
5) celle du lieu où le paiement doit s’effectuer ;
6) le nom de celui auquel, ou à l’ordre duquel, le paiement doit être
fait ;
7) l’indication de la date et du lieu où la lettre est créée
8) La signature de celui qui émet la lettre (tireur) »1.
Première mention : La dénomination de lettre de change
La dénomination de lettre de change doit être insérée dans le texte
même du titre. Elle doit être exprimée dans la langue employée pour la
rédaction du texte.
La loi exige la dénomination de lettre de change pour éviter toute
difficulté de qualification du titre et pour attirer l’attention des signataires
du titre sur le caractère cambiaire de leur engagement.
De plus, afin d’empêcher que la dénomination de lettre de change ne
soit indiquée sur des titres qui n’étaient pas créés initialement en tant
que lettre de change, la loi exige que cette dénomination soit insérée
dans le texte même du titre.
1
La signature du tireur est capitale parce qu’elle exprime le consentement du créateur de la lettre de change. Elle
doit être manuscrite, elle ne peut être apposée ni par cachet, ni par timbre (article 453 du C.O.C.)

9
Deuxième mention : le mandat de payer une somme déterminée
Il est à remarquer que le terme mandat n’est pas pris ici dans le sens du
contrat régi par les articles 1104 et s. du C.O.C mais dans le sens
d’ordre, d’injonction.
Le mandat peut être exprimé en des termes quelconques dés lors qu’il
est dépourvu d’ambiguïté. Généralement, les termes « payez » ou
« veuillez payer » sont les plus usuels.
Afin d’éliminer toute entrave devant la circulation du titre, la loi exige que
le mandat de payer soit pur et simple, c'est-à-dire inconditionnel. Ce qui
exclut les mentions « payez si…), « payez sauf si… ».
Le montant de la lettre de change doit être obligatoirement indiqué dans
la clause à ordre (en chiffres ou en toutes lettres ou les deux à la fois).
S’il y a une contradiction entre la somme mentionnée en toutes lettres et
celle mentionnée en chiffres, c’est la somme en toutes lettres qui fait foi
(article 272 al. 1er du C. Com.).
Si le montant est écrit plusieurs fois de la même façon (en lettres ou en
chiffres) et qu’il y a une différence entre les sommes écrites, la lettre de
change ne vaut que pour la moindre somme (article 272 al. 2 du C.
Com.).
Troisième mention : Le nom du tiré
L’exigence du nom du tiré s’explique par le fait que le tiré sera invité à
l’échéance de payer le montant de l’effet de commerce donc il doit être
suffisamment identifié.
Lorsqu’elle est tirée sur plusieurs personnes, la traite doit indiquer le
nom de chacune de ces personnes.
La loi n’exige pas une indication du domicile du tiré. Toutefois, dans la
pratique le nom du tiré est presque toujours suivi de son adresse. (Ces
indications se trouvent, généralement, dans un cadre situé au centre-bas
de la lettre de change).

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Quatrième mention : L’indication de l’échéance
C'est-à-dire la date à laquelle le paiement doit avoir lieu (la date à
laquelle le porteur pourra présenter le titre au paiement).
Selon l’article 290 du C. Com., il y a 4 modalités d’échéance possible :
- La lettre de change peut être payable à vue. Elle sera payée le jour
de sa présentation au paiement par le porteur. Cette présentation
au paiement peut être effectuée dés le premier jour de création de
la traite mais elle ne doit pas passer le délai d’une année, sauf
stipulation contraire par le tireur (article 291 al. 1er du C. Com.).
-La lettre de change peut être stipulée à un certain délai de vue c'est-
à-dire la lettre de change n’est échue qu’à partir de la date de
présentation et après un certain délai de la présentation. (exp 15 jours
de vue).
- à un certain délai de date (exp à deux mois, à 45 jours, etc.) : Le
délai indiqué sur le titre court à compter de la date de la création de la
lettre de change. Le porteur ne peut présenter la lettre au paiement
qu’au dernier jour du délai indiqué à compter de la date de la lettre de
change. Les modalités de calcul du délai dans cette hypothèse sont
précisées par l’article 292 du C. Com.).
- échéance à jour fixe (tel jour : 13 décembre 2023…); c’est la façon
la plus simple et de loin la plus courante.
Cinquième mention: L’indication du lieu où le paiement doit
s’effectuer.
La présentation du paiement entre les mains du tiré à l’échéance est
une obligation qui pèse sur le porteur de la lettre de change. Donc
l’indication du lieu de paiement est nécessaire pour permettre au
porteur d’exécuter la diligence qui pèse sur lui.
Par contre est-il nécessaire que le lieu de paiement soit le domicile du
tiré ?

11
L’article 270 du C. Com. prévoit dans son dernier alinéa « Elle peut
être payable au domicile d’un tiers, soit dans la localité où le tiré à son
domicile, soit dans une autre localité ».
Rq. 1 : Le paiement de la lettre de change est quérable et non
portable (le créancier se déplace chez le débiteur pour demander le
paiement c'est-à-dire c’est le porteur qui se déplace au domicile du
tiré pour demander le paiement).
Rq. 2 : Le tiré peut désigner dans la lettre de change un autre lieu de
paiement en dehors de son domicile chez un tiers qui n’est pas
obligatoirement dans la même localité du tiers. Ce choix s’exprime par
une clause facultative appelée clause de domiciliation et le tiers au
domicile duquel le paiement se réalisera, s’appelle « le
domiciliataire ». Généralement dans la pratique, le domiciliataire est
généralement le banquier du tiré. (Mais le banquier ne paiera que s’il
a reçu l’ordre de le faire).
L’indication du lieu de paiement présente un intérêt pour la détermination
de la compétence territoriale. En effet, l’article 36 du CPCC prévoit que
le demandeur peut saisir, outre le tribunal désigné aux articles 30 et 31,
le tribunal du lieu de création de la lettre de change ou du billet à ordre,
ou celui où le paiement devait être fait.
Sixième mention : Le nom de celui auquel, ou à l’ordre duquel le
paiement doit être fait. La lettre doit indiquer le nom du bénéficiaire. Elle
ne peut donc être créée « en blanc » (en laissant en blanc le nom du
bénéficiaire) ou au porteur (≠ chèque). (Mais elle peut être endossée en
blanc ou au porteur). En revanche, le bénéficiaire peut valablement être
le tireur lui-même, ce qui est très courant parce que cela assure la
régularité de la création dans le cas où le tireur ne sait pas encore à qui
il va transmettre le titre le titre (ainsi, lorsqu’il est en relation d’affaires
avec plusieurs banquiers…).

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Rien ne s’oppose à ce que plusieurs bénéficiaires soient désignés pour
recevoir paiement de la lettre de change collectivement ou
individuellement.

Septième mention : L’indication de la date et du lieu de création de la


lettre de change
On doit entendre par date, l’indication du jour, du mois et de l’année. La
mention de la date d’émission présente une utilité certaine, elle permet
de vérifier la capacité et éventuellement les pouvoirs du tireur. Elle est
aussi le point de départ du délai de présentation au paiement pour la
lettre de change à vue et de présentation à l’acceptation pour la lettre de
change payable à un certain délai de vue, elle commande l’échéance
pour l’effet payable à un certain délai de date.
L’indication du lieu de création présente un intérêt pour la détermination
de la compétence territoriale. En effet, l’article 36 du CPCC prévoit que
le demandeur peut saisir, outre le tribunal désigné aux articles 30 et 31,
le tribunal du lieu de création de la lettre de change ou du billet à ordre,
ou celui où le paiement devait être fait.
Huitième mention : La signature du tireur
La signature du tireur est capitale parce qu’elle exprime le consentement
du créateur de la lettre de change. Elle doit être manuscrite, elle ne peut
être apposée ni par cachet, ni par timbre (article 453 du C.O.C.).

Il faut noter que les parties peuvent insérer dans le titre en plus des
mentions obligatoires des mentions facultatives, telles que la clause de
domiciliation, la clause de retour sans frais ou sans protêt, la clause non
acceptable.

13
La clause de domiciliation
La domiciliation consiste à rendre l’effet payable non au domicile du tiré,
mais chez une autre personne (Article 270 du C. Com. al 4).
La clause de retour sans frais ou sans protêt
Cette clause dispense le porteur de faire dresser, pour exercer ses
recours, un protêt faute d’acceptation ou faute de paiement. (Article 309
du C. Com)
La clause non acceptable.
C’est une clause en vertu duquel le tireur s’exonère de la garantie de
l’acceptation (Article 274 al 2 du C. Com.).Dans certaines lettres de
change cette clause est interdite par le législateur. (Article 283 al. 3 du
C. Com.)

B Sanctions de l’inobservation du formalisme cambiaire

Le non respect du formalisme cambiaire peut revêtir diverses


formes. Il convient de distinguer trois situations différentes : l’omission
pure et simple de mentions obligatoires, leur inexactitude et leur
altération.
On parle d’omission des mentions obligatoires, si la lettre de change
ne comporte pas l’ensemble des mentions énumérées à l’article 269 du
C. Com. elle est en principe, frappée de nullité. Aux termes de l’article
269 C. Com. « le titre, dans lequel une des énonciations indiquées
aux alinéas précédents fait défaut, ne vaut pas comme lettre de
change ».
Quelle est la qualification de cette nullité ?
En tant que lettre de change le titre est nul d’une nullité absolue. L’article
325 COC prévoit en effet la nullité de plein droit de l’obligation « lorsque

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l’obligation manque d’une des conditions substantielles de sa
formation ».
La nullité du titre incomplet est d’ordre public 2. Il en résulte que le moyen
tiré de la nullité, moyen d’ordre public, peut être relevé d’office par le
juge.
Est-ce que la nullité de la lettre de change entraine la disparition de la
créance ?
L’article 328 du COC dispose que « L’obligation qui est nulle comme
telle, mais qui a les conditions de validité d’une autre obligation légitime,
doit être régie par les règles établies pour cette obligation ».
Alors, le titre qui ne vaut pas comme lettre de change, peut valoir comme
un autre effet de commerce, spécialement comme un billet à ordre
pourvu que le titre remplisse les conditions exigées à l’article 339 du C.
Com ou même une reconnaissance de dette sous forme d’un acte sous
seing privé.

Toutefois, la nullité de la lettre de change peut être écartée en cas


de suppléance légale prévue par l’article 269 C. Com. C’est ainsi qu’à
défaut d’indication d’échéance la lettre est considérée comme payable à
vue3, qu’à défaut d’indication spéciale le lieu désigné à côté du nom du
tiré est réputé être le lieu du paiement et, en même temps, le lieu du
domicile du tiré4, qu’enfin, la lettre de change qui n’indique pas le lieu de
sa création, est considérée comme souscrite dans le lieu désigné à côté
du nom du tireur5.
En dehors de ces cas une régularisation est elle possible ?

2
Cass. Civ. n° 2489 du 27 fév. 1964, RJL 1965, p 54 « attendu qu’il faut entendre par lettre de change, le titre
tel que défini par l’article 269 du C. Com. dont les dispositions intéressent l’ordre public ».
3
Article 269 al.4 C. Com.
4
Article 269 al. 5 C. Com.
5
Article 269 al. 6 C. Com.

15
L’article 10 de la loi uniforme de Genève définit les effets de la
régularisation effectuée contrairement aux accords intervenus entre les
intéressés reconnaissant ainsi la possibilité d’une telle régularisation. La
Tunisie, cependant, usant de la faculté de réserve prévue sur ce point
par la Convention, n’a pas adopté cet article. Donc l’émission d’une lettre
de change incomplète, mais régularisée a posteriori n’a pas été
réglementée par le législateur. Mais la doctrine estime qu’on peut
admettre le principe de régularisation à condition que la régularisation
respecte la volonté des parties ; ce qui doit conduire au rejet de la
régularisation effectuée unilatéralement par l’une des parties, en
violation de l’accord expresse ou tacite conclu avec l’autre partie. En
plus la régularisation doit porter sur une irrégularité minime.
Contrairement à la jurisprudence tunisienne, la jurisprudence
française a développé une théorie de la régularisation.
Les conditions d’admission de la régularisation
La jurisprudence française a exigé la réunion de trois conditions
cumulatives pour accepter la régularisation d’une lettre de change.
1) La mention régularisée doit être une mention minime.
2) La régularisation doit être effectuée avant la présentation au
paiement.
3) La régularisation doit être conforme à la volonté des parties.

Les inexactitudes6 des mentions obligatoires pouvant affecter certaines


mentions obligatoires de la lettre de change appelées parfois
« suppositions » ont un régime juridique différent de celui des omissions.
On se demande si une mention inexacte annule l’effet de
commerce ?
6
« L’inexactitude constitue un vice non apparent du titre, alors que l’omission est un vice apparent ».

16
La réponse négative semble s’imposer car le droit français qui est
la source d’inspiration de nos textes dans ce domaine a écarté la nullité
pour supposition. Aussi pour sanctionner la présence de mentions
inexactes sur le titre la doctrine a fait appel aux règles du droit civil de la
simulation (Article 26 du C.O.C).
Cette solution est conforme à l’esprit du droit uniforme puisque en
droit civil la simulation n’est pas une cause de nullité des actes
juridiques. Il en résulte qu’entre les parties c’est la situation réelle qui
prévaut. Il en va de même pour les tiers porteurs de mauvaise foi qui
auraient connaissance de l’inexactitude. A l’inverse, les tiers porteurs de
bonne foi ont le choix entre deux solutions : soit se prévaloir de
l’apparence créée soit démontré l’inexactitude pour se prévaloir de la
situation réelle ; en ce cas les tiers bénéficient de la liberté de preuve du
droit commercial.
Enfin, l’altération est prévue par l’article 334 du C. Com, elle consiste
en une modification du texte primitif de l’effet intervenu en dehors du
consentement unanime des intéressés et le plus souvent à leur insu.
Les effets de l’altération dépendent du moment où le signataire a
apposé sa signature sur la lettre de change ; « les signataires
postérieurs à cette altération sont tenus dans les termes du texte
altéré ; les signataires antérieurs le sont dans les termes du texte
originaire ».

La création d’une lettre de change n’est pas seulement l’établissement


d’un titre répondant aux conditions de forme prescrites par la loi, mais
également un acte juridique qui requiert pour sa validité le respect de
certaines conditions de fonds.

17
§2 ) Les conditions de fond :

Les conditions de fond requises pour la validité de la lettre de


change se rattachent à l’idée que le titre est appelé à constater une
obligation de somme d’argent assumée par le tireur. Aussi offrent-elles
peu de particularités et sont elles, pour la plupart, soumises aux règles
du droit commun.
Outre les conditions prévues par l’article 2 du C.O.C (A), le législateur
ajoute la condition du pouvoir (B).

A) Les conditions prévues par l’article 2 du C.O.C


Ces conditions sont relatives aux signataires de la lettre de change
et à l’obligation de l’engagement.
D’une part, le signataire d’une lettre de change doit avoir la capacité
juridique d’exercer le commerce c'est-à-dire avoir l’âge de majorité 18
ans7 ou mineur émancipé par le mariage8.
Lorsque le mineur non commerçant crée en violation de la loi une lettre
de change, celle-ci est nulle à son égard9, « alors même qu’il aurait
employé des manœuvres frauduleuse pour induire l’autre partie à
croire à sa majorité, à l’autorisation de son tuteur ou à sa qualité de
commerçant »10. Cette nullité peut être opposée même au porteur de
bonne foi. Seulement cette nullité est doublement aménagée,
premièrement par l’article 13 du COC auquel renvoie l’article 273 al. 1er
du C Com. Le mineur est obligé à raison de l’accomplissement de
l’obligation par l’autre partie jusqu’à concurrence du profit qu’il a tiré.
7
Article 7 du C.O.C. tel que modifié par la loi n° 2010-39 du 26 juillet 2010, portant unification de l’âge de la
majorité civile.
8
Article 24 C.S.P. dénie au mari tout pouvoir d’administration sur les biens de sa femme. L’émancipation par le
mariage a été introduite par la loi du 12 juillet 1993 dans le code de statut personnel
9
Article 273 al 1er du C. Com.
10
Article 10 du C.O.C.

18
Deuxièmement, par la limitation du champ d’application de la nullité par
le principe de l’indépendance des signatures. « Si la lettre de change
porte des signatures de personnes incapables de s’obliger par la
lettre de change, …, les obligations des autres signataires n’en sont
pas moins valables »11.
Aussi le signataire doit donner son consentement exempt de vices.
Concrètement, le consentement est exprimé par la signature apposée
par le signataire sur la traite. Néanmoins, si le consentement doit
prendre la forme d’une signature, toute signature n’est pas synonyme de
consentement. « Est annulable le consentement donné par erreur
surpris par dol, ou extorqué par violence »12.
D’autre part, l’obligation doit avoir une cause licite et certaine13. En
général, le signataire d’une lettre de change n’indique pas pourquoi il
souscrit un engagement cambiaire et n’est nullement obligé d’indiquer.
Comment alors savoir si la cause est certaine et licite ou non ?
L’article 68 du COC répond à cette question en prévoyant que « toute
obligation est présumée avoir une cause certaine, quoiqu’elle ne
soit pas exprimée ».Toutefois, la présomption de l’article 68 COC est
simple. La cause est censée exister et elle est réputée licite jusqu’à
preuve du contraire.
De plus, l’objet de l’obligation cambiaire ne peut être qu’une somme
d’argent. La détermination de l’objet est prescrite d’une part, par l’article
269-2° du C. Com. qui impose comme mention obligatoire de la lettre de
change « le mandat pur et simple de payer une somme déterminée »
et d’autre part, par l’article 297 du C. Com. qui prévoit « lorsqu’une
lettre de change est stipulée payable en une monnaie n’ayant pas

11
Article 273 al. 2 du C. Com.
12
Article 43 COC
13
Article 67 du COC

19
cours au lieu du paiement, le montant peut en être payé dans la
monnaie du pays, d’après sa valeur au jour de l’échéance… ».

B) Le pouvoir

La lettre de change peut être souscrite par autrui c'est-à-dire par un


représentant.
Il existe deux modalités de représentation :

D’une part, le tirage pour compte14 :


Le tireur agit pour le compte d’un tiers sans déclarer le nom de ce
dernier15.
Le tireur pour compte est personnellement obligé envers les endosseurs
et le porteur16. Cependant, il peut exister entre le tireur pour compte et
celui pour le compte de qui la lettre de change a été émise un mandant
simulé.
L’utilité du tirage pour compte apparaît lorsque le véritable tireur
ne veut pas se manifester pour des raisons politiques et commerciales.

D’autre part, le pouvoir du mandataire :


À la différence du tireur pour compte, le mandataire agit au nom et pour
le compte du mandant. Concrètement, il fait souvent précéder sa
signature de la mention « par procuration », en indiquant le nom du
mandant. Dès qu’il a rempli sa mission en tirant la traite le mandataire
disparaître des relations juridiques issues de celle-ci.

14
Article 270 al. 3 du C. Com.
15
Tel est le cas du commissionnaire qui conformément à l’article 601 du C. Com. « reçoit pouvoir d’agir en son
propre nom et pour le compte de son mandant, dit commettant »
16
Article 275 du C. Com.

20
Lorsque le représentant ayant signé une lettre de change sans mandant
ou en dépassant ses pouvoirs, « il est obligé à lui-même en vertu de
la lettre et, s’il a payé, à les mêmes droits qu’aurait eus le prétendu
représenté »17.

17
Article 273 al. 3 du C. Com.

21
Section 2 : Les rapports fondamentaux : La
provision et la valeur fournie
La création d’une lettre de change est généralement liée à
l’existence de deux rapports. Le premier rapport entre tiré et tireur et le
deuxième rapport entre tireur et tiers bénéficiaires.
Le tireur est en vertu d’un rapport juridique quelconque contractuel ou
cambiaire est créancier du tiré. De même un rapport juridique analogue
a eu existé pour faire naître une créance au profit du tiers bénéficiaire
contre le tireur.
Au moment de la mise en circulation, un rapport analogue à celui qui ait
existé entre tiers bénéficiaire et tireur a eu aussi existé entre endosseurs
et endossataires.
La créance du tireur sur le tiré s’appelle la provision (§1) ; la créance du
tiers bénéficiaire contre le tireur de même la créance entre l’endosseur et
l’endossataire s’appelle la valeur fournie (§2).
§1) La provision : Le rapport fondamental dans le droit
cambiaire
A) Les conditions de l’existence de la provision
Ces conditions sont prévues par l’article 275 alinéa 2 du C. Com. qui
dispose que « il y a provision si à l’échéance de la lettre de change celui
sur qui elle est fournie est redevable au tireur, ou à celui…d’une somme
au moins égale au montant de la lettre de change ».
Cet article suscite quelques remarques :
- Le moment de la constitution de la provision : contrairement au
chèque, il n’est pas nécessaire que la provision soit préalable à
l’émission, elle doit nécessairement exister au plus tard à
l’échéance.

22
- La créance qui est constatée par la lettre de change : elle doit avoir
une cause certaine et licite. Si la cause est illicite ou inexistante, il
n’y a pas de provision.
- L’objet de la provision : La provision est constituée d’une créance
d’une somme d’argent. Cette somme d’argent ne correspond pas
nécessairement à la valeur d’une marchandise fournie au tiré, la
créance d’une provision peut avoir sa source dans un contrat
quelconque. Exp : fourniture de services, remise d’une somme
d’argent, réparation d’un préjudice d’un délit…
- La provision doit être exigible au plus tard à l’échéance. L’exigibilité
veut dire que la créance qui a été constatée par une lettre de
change doit avoir un terme qui coïncide avec l’échéance de la
lettre de change. Le terme peut être antérieur à l’échéance
d’ailleurs même une créance qui n’est pas à terme c'est-à-dire qui
est immédiatement exigible peut être constatée par une lettre de
change à vue.
Un terme plus lointain que l’échéance fait obstacle au paiement de la
lettre de change par le tiré du fait que lors de l’échéance il n’est pas
encore débiteur du tireur.
B) La preuve de la provision
1- Les moyens de preuve
Le rapport juridique qui fait naître la provision est un rapport extra
cambiaire, il est donc régi en matière de preuve par les règles du droit
commun. Les moyens de preuve dépendent de la nature civile ou
commerciale de la provision. Si la provision est une créance civile, il faut
recourir aux moyens de preuve de droit civil. Si la provision est une
créance commerciale, il faut alors utiliser les moyens de preuve de droit
commercial.

23
2- La charge de la preuve
Sur qui incombe la charge de prouver l’existence de la provision ?
- Dans les actions intentées contre le tiré (débiteur de la provision)
(L’action du porteur contre le tiré, l’action du tireur contre le tiré et
l’action de l’endosseur contre le tiré).
On distingue entre deux situations
D’une part, en cas d’une lettre de change non acceptée, on applique
le principe suivant : La preuve incombe sur le demandeur. C’est au
porteur, tireur ou endosseur de prouver l’existence de la provision
pour obtenir le recouvrement de leur créance envers le tiré. D’autre
part, en cas d’une lettre de change acceptée, l’article 275 alinéa 4 du
C. Com. donne une présomption « l’acceptation suppose la
provision ».
Cette présomption exonère le porteur, le tireur et l’endosseur de la
charge de la preuve.
- Dans les actions en garantie intentées par le porteur contre le
tireur et l’endosseur (les cédants de la provision)
Pour s’exonérer de la garantie de paiement à l’égard du porteur, il
suffit que le tireur ou l’endosseur prouve l’existence de la provision.
Le fondement légal en droit civil de cette règle est l’article 213 du
C.O.C. Au cas où le cessionnaire (le porteur) ne peut pas obtenir le
recouvrement de sa créance contre le cédé (tiré) il aura alors la
garantie du cédant (le tireur ou l’endosseur). Ce dernier (le cédant),
selon cet article, peut s’exonérer de cette garantie s’il prouve
l’existence de la créance (la provision) envers le cédé (tiré).
Le fondement de cette même règle dans le cadre de la théorie de la
provision tel que prévu dans le fonds de commerce se trouve dans
l’article 315 du C. Com. Le porteur négligent perd la garantie

24
cambiaire du tireur (celle de l’article 274 du C. Com. si ce dernier
prouve l’existence de la provision).
On distingue entre deux situations
D’une part, en cas d’une lettre de change non acceptée, le tireur ou
l’endosseur doivent apporter la preuve de l’existence de la provision
par leurs propres moyens, pour se décharger de la garantie à l’égard
du porteur.
D’autre part, en cas d’une lettre de change acceptée
L’action du porteur contre l’endosseur (article 275 alinéa 5 du C.
Com.)
L’endosseur peut profiter de la présomption « l’acceptation suppose la
provision » pour se décharger de la garantie du paiement.
Dans l’action du porteur contre le tireur : article 275 al. 6 du C. Com.
Le tireur ne peut pas profiter de la présomption « l’acceptation
suppose la provision » pour se décharger de la garantie du paiement.
Il doit prouver l’existence de la provision par ses propres moyens.
- Quelle est la nature de la présomption de l’article 275 al. 4 ?

Une première position : celle de la jurisprudence française dans un


premier temps et la jurisprudence tunisienne actuelle.
La nature de la présomption diffère selon les rapports :
Rapport tiré –tireur : présomption simple
Rapport tiré porteur : présomption irréfragable
Cette position a été critiquée par la doctrine.

C) Défaut de provision
L’émission de la lettre de change sans provision est le résultat d’une
entente frauduleuse entre le tireur et le tiré : les effets de complaisance.

25
L’effet de complaisance est une lettre de change dépourvue de
provision, émise par le tireur sur le tiré à la suite d’une entente
frauduleuse avec celui-ci, afin de procurer au tireur un crédit.
Dans la pratique, l’émission d’effet de complaisance est souvent liée à
l’escompte : le commerçant qui se trouve en difficulté financière et qui
cherche à se procurer un crédit, tire une traite sur une personne qui
l’accepte par complaisance ; la lettre est ensuite présentée à l’escompte,
ce qui permet au tireur de bénéficier d’un crédit.
Entre le tireur, le tiré et le porteur de mauvaise foi l’effet de complaisance
est nul, car sa cause est illicite (article 67 du COC).
Lorsque le tiré paye le montant de l’effet de complaisance, il ne pourra
agir contre le tireur pour se faire dédommager que sur la base du droit
commun. Il en est de même du porteur de mauvaise foi qui se voit
opposer la nullité du titre et cherche à se faire rembourser le montant du
crédit qu’il a accordé au tireur complu en contre partie de l’effet de
complaisance. Ce porteur ne pourra pas agir contre le tireur sur le terrain
cambiaire, il ne pourra se faire rembourser que par les moyens du droit
commun.
En revanche, dans les relations du porteur de bonne foi avec le tiré et le
tireur, l’effet de complaisance constitue une lettre de change valable. Ce
porteur peut donc agir en paiement contre tous les signataires du titre,
sans qu’aucun d’eux ne puisse lui opposer l’exception de nullité, et ce en
raison de l’apparence de validité que présente le titre en question (article
280 du C. Com.).

§2) La valeur fournie


La valeur fournie c’est la créance du tiers bénéficiaire contre le
tireur ou bien la créance de l’endossataire contre l’endosseur.

26
La valeur fournie existe dans des rapports qui sont nés à l’occasion de la
transmission de l’effet. Celle-ci est fondée sur l’existence d’un rapport
fondamental entre celui qui cède la lettre de change et celui qui
l’acquiert.
Comme la provision, la valeur fournie est toujours une créance en
somme d’argent.

Cette créance fondamentale que constitue la valeur fournie, peut avoir


des causes diverses et variées. Elle peut consister par exemple en la
contrepartie d’une prestation exécutée par le porteur au profit du tireur.

Une fois la lettre de change transmise au porteur, celui-ci peut, à son


tour, transmettre la traite en règlement de la créance fondamentale que
détient sur lui le bénéficiaire à qui il la remet. Le rapport fondamental qui
se crée entre les deux porteurs successifs est également qualifié de
valeur fournie.

Il en existera autant qu’il est de créances fondamentales servant de


cause à la transmission de la lettre de change.

27
Ainsi, la valeur fournie n’intéresse que les rapports entre :

 Tireur-porteur
 Endosseur-endossataire
Dans les deux cas, le bénéficiaire de la traite est en position de créancier
par rapport au tireur ou à l’endosseur.

Il faut signaler qu’il y indépendance du rapport fondamental vis-à-vis du


rapport cambiaire.

{ Le rapport fondamental se définit comme le rapport préexistant et


extérieur au titre qui constitue la cause de l’engagement de chaque
signataire de la traite.
Aussi, cela recoupe-t-il deux hypothèses bien distinctes :
 Tantôt, le rapport fondamental constitue la cause de l’émission du
titre : on parle de provision
 Tantôt, le rapport fondamental constitue la cause de la
transmission du titre : on parle de valeur fournie

28
Le rapport cambiaire se définit très simplement comme le rapport qui
se crée lors de l’émission d’un effet de commerce.
Ce rapport cambiaire engage celui qui appose sa signature sur le titre
envers le porteur, soit celui à qui il transmet la traite. Ainsi, le rapport
cambiaire vient-il se superposer au rapport fondamental préexistant qui
s’est noué entre le tireur et le porteur de la lettre de change.}
Cette indépendance se manifeste à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, la validité du rapport fondamental est indépendante de la
validité du rapport cambiaire. Ainsi par exemple lorsqu’une mention
obligatoire de la lettre de change fait défaut rien n’empêche d’agir sur le
terrain fondamental, d’où alors lorsque l’action sur le terrain cambiaire
est prescrite, rien n’empêche de recourir à l’action sur le terrain
fondamental.
Ensuite, les deux rapports n’obéissent pas à la même prescription. La
prescription cambiaire a un délai beaucoup plus réduit (voir l’article 335
du C. Com.) que la prescription du droit commun (15 ans).
Enfin, le rapport fondamental conserve à l’égard de l’obligation cambiaire
ses caractères propres.
Il est évident que les deux obligations ont pour but final de payer le
créancier. D’où alors l’exécution de l’une entraine nécessairement
l’extinction de l’autre. Par exemple, lorsqu’à l’échéance le porteur est
payé par le tiré accepteur, il ne peut plus réclamer sa créance vis-à-vis
du tireur.

29
Section 3 : L’acceptation

L’acceptation est l’engagement cambiaire que prend le tiré de


payer le montant de la lettre de change à son échéance. Cet
engagement résulte de la signature que le tiré appose sur le titre.
§1) La présentation à l’acceptation
La lettre de change peut être présentée à l’acceptation soit par le tireur,
soit par un des porteurs successifs du titre.
La présentation à l’acceptation peut se faire jusqu’à l’échéance du titre
(article 283 al. 1er du C. Com.). Mais le tireur peut stipuler dans la lettre
un délai pendant lequel la présentation ne doit pas se faire (article 283
al. 4 du C. Com.), ou indiquer une date limite à cette présentation
(article 283 al. 2 du C. Com.).
Lorsque la lettre de change est présentée au tiré, ce dernier peut
demander qu’une seconde présentation lui soit faite le lendemain de la
première (article 284 al. 1er du C. Com.). Si une telle demande est
formulée, le porteur n’est pas obligé de se dessaisir de la lettre entre les
mains du tiré, il peut garder le titre en sa possession afin de la présenter
de nouveau le lendemain à l’acceptation (article 284 al. 2 du C. Com.).
La présentation à l’acceptation doit être faite au domicile du tiré (article
283 al. 1er du C. Com.). Cette règle est valable même si la traite est
domiciliée, car le domiciliataire ne prend aucun engagement cambiaire à
la place du tiré, il est seulement chargé d’exécuter les ordres de celui-ci
quant au paiement du titre (article 283 al. 1er du C. Com.).
En principe, cette présentation est facultative ; c’est ce qui résulte des
termes de l’article 283 al. 1er du C. Com. « La lettre de change peut
être…présentée à l’acceptation… ». Le porteur peut, donc, présenter ou
ne pas présenter son titre à l’acceptation par une clause non acceptable

30
insérée par le tireur (article 283 al. 3 du C. Com.). Mais ce principe n’est
pas absolu et il comporte des exceptions.
C’est ainsi que l’article 283 al. 3 du C. Com. interdit l’insertion d’une telle
clause lorsqu’il s’agit « d’une lettre de change payable chez un tiers ou
d’une lettre payable dans une localité autre que celle du domicile du tiré
ou d’une lettre tirée à un certain délai de vue ». Si la clause d’interdiction
d’acceptation figurait sur de telles traites, elle serait nulle est réputée non
écrite.
Parfois, la faculté pour le porteur de requérir l’acceptation peut être
convertie en obligation par une clause expresse insérée dans la lettre de
change ; c’est la clause de contre acceptation prévue par l’article 283 al.
2 du C. Com. cet article prévoit que « dans toute lettre de change, le
tireur peut stipuler qu’elle devra être présentée à l’acceptation avec ou
sans fixation de délai ».
§2) Les conditions de validité de l’acceptation
En tant qu’acte juridique, l’acceptation doit répondre à toutes les
conditions de droit commun relatives à la capacité, au consentement, à
l’objet et à la cause.
De plus, en tant qu’engagement cambiaire, l’acceptation, pour être
valable, doit être « écrite sur la lettre de change » (article 285 al. 1er du
C. Com.). Elle est exprimée par la signature du tiré au recto de l’acte ou
par cette signature accompagnée par le mot « accepté » ou tout autre
mot équivalent au verso de la lettre (article 285 al. 1er du C. Com.). Dans
tout les cas la signature du tiré doit être nécessairement manuscrite
(article 453 du COC).
Lorsqu’elle est donnée par un acte séparé, l’acceptation n’est pas
valable sur le plan cambiaire, elle peut, néanmoins, valoir comme
promesse de payer le montant de la traite et donc produire ses effets sur
le plan extra cambiaire (article 288 al. 2 du C. Com.).

31
En règle générale, l’acceptation ne doit pas être nécessairement datée.
Mais il en est autrement lorsqu’il s’agit d’une traite payable à un certain
délai de vue où une lettre de change qui doit être présentée à
l’acceptation dans un délai déterminé en vertu d’une clause particulière
(article 285 al. 2 du C. Com.). Dans ces deux cas, l’acceptation doit être
datée du jour où elle a été donnée, à moins que le porteur n’exige qu’elle
soit datée du jour de la présentation de la lettre de change au tiré
(article 285 al. 2 du C.Com).
Si l’acceptation n’est pas datée, alors qu’elle doit l’être le porteur doit
faire établir un protêt en temps utile (article 307 du C. Com.) pour
conserver ses droit de recours contre le tireur et les endosseurs (article
285 al. 3 du C. Com.).
§3) Les effets de l’acceptation
- Engagement cambiaire du tiré : cet effet résulte de l’article 287 al.
1er du C. Com. « Par l’acceptation, le tiré s’oblige à payer la lettre
de change à l’échéance ». Ainsi, avant l’acceptation, le tiré est
étranger aux rapports cambiaire c’est le tireur qui est le principal
garant du paiement de la lettre de change (article 274 al. 1 er du C.
Com.). Certes, le tiré non-accepteur peut payer la traite, mais le
porteur du titre ne peut le contraindre à le faire qu’en rapportant la
preuve de l’existence de la provision. Cette action reste, malgré
tout, une action extra cambiaire fondée uniquement sur la
provision, ce qui fait que le tiré peut opposer au porteur les
exceptions qui sont fondés sur ses rapports avec le tireur. En
revanche après l’acceptation, le tiré devient le principal obligé sur
le plan cambiaire.
- La possibilité de la mise en œuvre de l’action directe du porteur.
En effet, l’article 287 al. 2 du C. Com. dispose « à défaut de
paiement de payement, le porteur, même s’il est le tireur a contre

32
l’accepteur une action directe, résultant de la lettre de change pour
tout ce qui peut être exigée en vertu des articles 311 et 312. ».
Ainsi, à partir du moment de l’acceptation, le porteur de la traite se
trouve doter contre lui d’une action cambiaire, c'est-à-dire d’une
action renforcée, entre autre, par le principe de l’inopposabilité des
exceptions prévu par l’article 280 du C. Com. (article 287 al. 1er du
C. Com.). Cette action contre le tiré accepteur appartient non
seulement au dernier porteur du titre, mais également aux
endosseurs successifs et même au tireur en tant que porteur de la
lettre de change (article 287 al. 2 du C. Com).
- De plus, en constituant une présomption de l’existence de la
provision, l’acceptation permet, encore, au porteur d’agir contre le
tiré sur le plan extra cambiaire sans être obligé de rapporter la
preuve de la provision. (article 275 al. 4 du C. Com.).

A) Les effets du refus d’acceptation


1) La déchéance du terme
L’article 283 in fine du C. Com. dispose que « le refus d’acceptation
entraîne de plein droit la déchéance du terme aux frais et dépens du
tiré ».
2) Protêt faute d’acceptation
Lorsque le tiré refuse d’accepter la lettre de change, ou quand il ne
l’accepte que pour une partie de son montant le porteur doit faire
constater ces faits par un acte d’huissier notaire, appelé « protêt faute
d’acceptation » (article 307 al. 1er du C. Com.). Nul autre acte ne peut
suppléer le protêt pour la preuve du refus d’acceptation de la lettre de
change (article 320 du C. Com.).
Le protêt faute d’acceptation doit être fait dans les délais fixés pour la
présentation de la traite à l’acceptation (article 307 al. 2 du C. Com.).

33
Toutefois, lorsque la traite contient la clause « retour sans protêt » ou
« retour sans frais », le porteur n’est pas tenu de faire dresser protêt
faute d’acceptation (article 309 al. 1er du C. Com.).
Outre l’établissement du protêt, le porteur doit donner avis du défaut
d’acceptation à son endosseur dans les quatre jours ouvrables qui
suivent le jour du protêt ou celui de la présentation, en cas de clause de
retour sans protêt (article 308 al. premier du C. Com.). Cet avis peut être
donné dans une forme quelconque et même par simple renvoi du titre à
l’endosseur (article 308 al. 6 du C. Com.). Il suffit que la forme utilisée
permette au porteur de prouver qu’il a accompli la formalité prescrite par
la loi dans le délai (article 308 al. 7 du C. Com.)

3) Recours anticipés contre les obligés


L’article 306 du C. Com. réglemente le recours faute d’acceptation en
ces termes : « le porteur peut exercer ses recours contre les
endosseurs, le tireur et les autres obligés…3° même avant l’échéance
a) s’il y a eu refus total ou partiel d’acceptation ».
Ce texte protège le porteur qui a de justes raisons de redouter le défaut
de paiement de la lettre de change dont l’acceptation n’a pas eu lieu. Un
recours immédiat lui est ainsi ouvert contre les garants du paiement.

34
Section 4 : La circulation de la lettre de change :
l’endossement

L’endossement permet en matière cambiaire de répondre à la


nécessité de faciliter la circulation de la lettre de change. Il s’agit d’un
mode de transfert simple et rapide de la lettre de change, qui peut être
utilisé même si la clause à ordre n’y est pas expressément mentionnée
(article 276 al. 1er du C. Com.).
L’endossement s’effectue par une simple apposition de la signature de
l’endosseur au dos du titre, d’où le terme « endossement ».
L’endossement est donc, un moyen par lequel une lettre de change est
négociée par son porteur. Celui qui cède le titre s’appelle « endosseur »
et celui qui le reçoit s’appelle « endossataire ».
Il y a trois types d’endossement :
-L’endossement translatif ou à titre de propriété
-L’endossement à titre de procuration
-L’endossement pignoratif ou à titre de nantissement
Le régime juridique de l’endossement varie selon La nature de
l’endossement.
Notre étude de l’endossement va se limiter à l’endossement translatif.
L’endossement translatif est l’opération juridique par laquelle une
personne appelée endosseur transmet à un autre personne appelée
endossataire le titre et tout les droits qui s’y attache. La créance
constatée par la lettre de change va se trouver transmise à un autre
bénéficiaire. On dit alors que l’endossement mobilise la créance.
La doctrine considère que l’endossement s’apparente à l’émission parce
qu’il y a une reprise de l’ordre de paiement qui est donné au tiré non pas
par le tireur mais par l’endosseur.

35
C’est une opération qui entraîne la transmission de la créance mais qui
constitue aussi à l’égard de l’endosseur un engagement cambiaire.
Les articles 276 et s. du C. Com. déterminent les conditions de
l’endossement (§1) et ses effets (§2).

§1) Les conditions de l’endossement translatif


L’endossement est un acte juridique de nature cambiaire. Sa validité
suppose la réunion de certaines conditions qui tiennent aussi bien à la
forme (A) qu’au fond (B).
A) Les conditions de forme
L’endossement doit être inscrit sur la lettre de change ou sur l’allonge
et il doit être signé par l’endosseur (article 276 al. 8 du C. Com.).
L’endossement peut revêtir trois formes prévues par l’article 276. Il peut
être soit nominatif, soit en blanc, soit au porteur.
L’endossement nominatif est celui qui indique le nom de l’endossataire
en utilisant par exemple la formule « endossé au profit de … » ou toute
autre formule équivalente, suivie de la signature de l’endosseur. La
signature de l’endosseur doit être faite par la main de l’endosseur lui-
même.
L’endossement en blanc est celui qui ne désigne pas le nom de
l’endossataire.
Le législateur ne permet pas la création de la lettre de change en blanc
puisque l’indication du nom du bénéficiaire est une mention obligatoire
mais il tolère la circulation de la lettre de change en blanc. Cependant, le
législateur précise que lorsque l’effet est endossé en blanc, il doit être
obligatoirement faite ou inscrite au dos de la lettre de change ou sur
l’allonge pour ne pas se confondre avec la signature de l’avaliseur.

36
L’article 277 du C. Com. donne au porteur de la lettre de change
endossée en blanc trois possibilités s’il envisage transmettre la lettre de
change :
- remplir le blanc soit de son nom soit du nom d’une autre personne.
- endosser la lettre de change de nouveau en blanc ou à une autre
personne
- remettre la lettre de change à un tiers sans remplir le blanc et sans
l’endosser.
Si celui qui transmet l’effet veut être à l’abri de poursuite cambiaire, il doit
choisir la première possibilité qui consiste à remplir le blanc par le nom
d’une autre personne, soit opter à la troisième possibilité à savoir la
simple tradition manuelle du titre. Dans les deux cas l’absence de
signature entraîne l’absence d’engagement cambiaire.
L’endossement au porteur est celui qui comporte la mention « au
porteur ». L’article 276 du C. Com. prévoit dans son alinéa 7 que
« l’endossement « au porteur » vaut comme endossement en blanc.
L’endosseur peut il se rétracter ?
L’article 279 du C. Com. prévoit que « les endossements biffés sont
réputés non écrits ».

B) Les conditions de fond


Les conditions exigées pour la validité de l’endossement tiennent d’une
part à l’endosseur et l’endossataire (1) et d’autre part à l’acte
d’endossement qui doit porter sur tout le montant de la lettre de change,
être conditionnel et intervenir dans un laps de temps déterminé par la loi
pour produire tous ses effets (2).

1) conditions quant aux parties

37
L’endosseur contracte un engagement cambiaire qui obéit en tant
qu’acte juridique aux conditions de validité fixées à l’article 2 du C.O.C.
Ainsi, l’endosseur doit avoir la capacité commerciale. Quant au
consentement, l’endossement doit être l’expression d’une volonté
exempte de vices. Le vice de consentement n’est pas un moyen
opposable au porteur de bonne foi. Ce moyen de défense ne peut être
invoqué utilement qua dans les rapports endosseurs endossataires.
Il ne faut pas confondre les vices de consentement avec la fausse
signature. En effet, lorsque la signature de l’endosseur est falsifiée, la
fausse signature est opposable même au porteur de bonne foi.
L’endossataire bénéficie de l’endossement, il ne contracte pas un
engagement donc la capacité commerciale n’est pas nécessaire.
Le consentement de l’endossataire peut être expresse ou tout
simplement tacite par la réception de l’effet. L’article 276 al. 3 du C.
Com. prévoit que « l’endossement peut être fait au profit du tiré
accepteur ou non, du tireur ou de tout autre obligé. Ces personnes
peuvent endosser la lettre à nouveau ».
L’endossement peut se faire au profit de plusieurs personnes à la fois
soit collectivement soit alternativement. Dans le 1 er cas, l’endossement
nécessite la signature de tous les acquéreurs. Dans le deuxième cas,
une seule signature suffit pour une nouvelle mise en circulation.
2) Conditions quant à l’acte
L’endossement doit être pur et simple, c'est-à-dire l’endossement
doit être inconditionnel : toute condition est réputée non écrite (article
276 al. 5 du C. Com.). Cette interdiction de la condition a pour but
d’assurer la circulation de la lettre de change. L’endossement doit être
intégral, c'est-à-dire porter sur tout le montant de la lettre de change.
L’endossement partiel est nul et ce conformément à l’article 276 al. 6 du

38
C. Com.). Cette règle est destinée à faciliter la circulation du titre, qui doit
conserver la même valeur depuis sa création et jusqu’à son paiement.
Moment de l’endossement (article 282 du C. Com.)
Pour produire tout ses effets, l’endossement doit intervenir avant qu’un
protêt faute de paiement ne soit dressé, ou avant que le délai fixé pour
l’établissement d’un tel protêt ne soit expiré.
L’endossement tardif ne produit que les effets d’une cession de créance.
En effet, l’endossataire dans ce cas n’acquière pas les droits cambiaires
liées à la lettre de change, il n’aura que les droits d’un cessionnaire
d’une créance (article 282 al. 3 du C. Com.).

§2) Les effets de l’endossement translatif


A) L’effet translatif des droits : La transmission des droits de
l’endosseur à l’endossataire
Par l’endossement de la lettre de change, l’endossataire est substitué à
l’endosseur. Il aura la qualité de détenteur et par la même la qualité de
porteur légitime (article 279 du C. Com.)
L’endossataire dispose de tous les droits cambiaires qui résultent du titre
lui-même :
- Il peut endosser à nouveau la lettre de change à titre translatif.
- Il a le droit de présenter l’effet à l’acceptation
- Il a la possibilité de présenter la lettre de change à l’échéance.
A partir de l’endossement, l’endossataire va bénéficier d’un droit exclusif
sur la provision. En effet, l’article 275 al. 3 du C. Com. dispose que « la
propriété de la provision est transmise de droit aux porteurs successifs
de la lettre de change ».
L’endossement translatif lui fait donc acquérir la créance du tireur sur le
tiré avec ses accessoires ainsi que tous les autres droits (privilèges,

39
gages, hypothèques…) constitués spécialement pour garantir le
paiement de la lettre de change.
B) La garantie de l’endosseur
L’article 278 al. 1er du C .Com. dispose que « l’endosseur est, sauf
clause contraire, garant de l’acceptation et du paiement ».
Le principe est que l’endosseur est garant à son endossataire et tous les
endossataires postérieurs de l’acceptation et du paiement.
L’article 278 al. 1er du C. Com. traduit l’originalité de l’endossement par
rapport à la cession de créance où le cédant ne garantit que l’existence
de la créance et non la solvabilité du débiteur (article 213 du COC).
Les exceptions à ce principe :
L’article 278 al. 1er du C. Com. prévoit la possibilité de la clause
contraire. La clause contraire consiste à une clause facultative qui peut
figurer sur le titre lui-même et parfois dans un acte séparé.
La garantie de l’endosseur peut être exclue d’une part, par la clause
sans garantie ou clause à forfait
D’autre part, l’exclusion de garantie peut être obtenue par la clause non
endossable, clause par laquelle l’endosseur interdit à l’endossataire de
procéder à un nouvel endossement conformément à l’article 278 al. 2 du
C. Com. Cependant cette clause n’exonère pas de la garantie qui est
due au profit de l’endossataire immédiat.
De même, cette clause non endossable n’empêche pas l’endossataire
immédiat de procéder à un nouvel endossement.
La clause non endossable a pour effet l’exclusion de la garantie au profit
des endossataires qui ont acquis le titre malgré l’interdiction de
l’endossement.
L’article 278 al. 2 du C. Com. dispose que « Il peut interdire un nouvel
endossement dans ce cas il n’est pas tenu à la garantie envers les
personnes auxquelles la lettre est ultérieurement endossée ».

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Rq. 1 : L’exclusion de garantie ne profite qu’à l’endosseur qui a interdit
l’endossement.
Rq. 2 : Si l’endosseur a la possibilité de s’exonérer de la garantie de
l’acceptation et du paiement, le tireur n’a pas la possibilité de s’exonérer
de la garantie du paiement donc seul la garantie de l’acceptation peut
être exclue par le tireur.

C) La purge des exceptions ou l’inopposabilité des exceptions


C’est une règle qui traduit l’originalité des effets de commerce. Elle est
prévue par l’article 280 du C. Com. « Les personnes actionnées en vertu
de la lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions
fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs
antérieurs, à moins que le porteur, en acquérant la lettre, n’ait agi
sciemment au détriment du débiteur ».
L’inopposabilité des exceptions peut se définir comme l’impossibilité
pour le signataire d’une lettre de change d’opposer au porteur les
exceptions dont il pouvait se prévaloir contre un autre signataire afin de
faire échec à son action en paiement. L’inopposabilité des exceptions est
un principe dérogatoire au droit commun.
L’endossement diffère de la cession de créance qui est réglementée au
niveau des effets par l’article 217 du C.O.C « Le débiteur peut opposer
au cessionnaire toutes les dispositions qu’il aurait pu opposer au cédant
si elles étaient déjà fondées au moment de la cession ou de la
signification ». Cette disposition est en harmonie avec l’article 551 du
C.O.C « nul ne peut conférer à autrui plus de droit qu’il n’en a lui
même ».
Appliquée à la cession de créance, cela signifie que lorsqu’une créance
est cédée, elle est transférée au cessionnaire, tant avec ses sûretés et
accessoires, qu’avec ses limites et ses faiblesses. Le débiteur cédé est

41
alors fondé à opposer au cessionnaire les moyens de défense dont il
pouvait se prévaloir à l’encontre du cédant (causes de nullité et
d’extinction de la créance, défaut de livraison, vices cachés, etc.).
Mais, dans le but de faciliter la circulation de la traite, le droit cambiaire
écarte la règle du droit civil et adopte une autre règle qui contient un
principe d’inopposabilité des exceptions à l’égard du porteur de la traite.
Le principe d’inopposabilité des exceptions est en cela dérogatoire au
droit commun, dans la mesure où le signataire actionné en paiement est
totalement privé de cette faculté.
Ainsi, à chaque endossement s’opère une purge des exceptions : la
multiplicité des endossements, qui aurait pu normalement entraîner une
multiplication des exceptions, n’affecte donc pas la valeur du titre au
cours de sa circulation ; bien au contraire elle accroît sa valeur par une
adjonction supplémentaire de débiteurs et donc de garantie
supplémentaires.
Exemple 1 : Le tiré ne peut pas opposer au porteur de bonne foi les
vices de la marchandise qui lui est livrée par le tireur à l’occasion de
l’émission d’une lettre de change ainsi que toute autre exception relative
à la provision.
Exemple 2 : un deuxième endosseur ne peut pas opposer au porteur de
bonne foi les vices de la marchandise qui lui est livrée par le premier
endosseur à l’occasion de la circulation d’une lettre de change, ainsi que
toute autre exception relative à la valeur fournie.

Toutefois, le respect du principe d’équité et l’application des règles


relatives au système des titres abstraits, commandent l’adoption de
certains tempéraments à l’égard du principe de l’inopposabilité des
exceptions énoncées précédemment.

42
En effet, ce principe est inapplicable à l’égard du porteur de mauvaise
foi ; et certaines exceptions sont opposables même au porteur de bonne
foi (c'est-à-dire celui qui a acquis la traite en ayant, lors de l’acquisition,
connaissance du dommage qu’il causait au débiteur en l’empêchant de
pouvoir se prévaloir des exceptions nées de ses rapports avec son
créancier).
Ces exceptions inopposables sont celles qui sont tirées du rapport
personnel avec le tireur ou avec un précédent endosseur. Néanmoins, il
existe certaines exceptions qui demeurent opposables au porteur par
exemple
*Les exceptions qui tiennent à l’incapacité du tiré (article 13 du C.O.C.).
*Les exceptions qui tiennent du titre lui-même par exemple les vices de
forme, manque de mentions obligatoires (celui qui reçoit le titre doit
vérifier si les 8 mentions de l’article 269 du C. Com figurent sur le titre).
* L’absence de consentement, qui se traduit généralement par la fausse
signature est opposable à tout porteur parce que l’existence du
consentement du débiteur est une condition essentielle et fondamentale
de la validité de son obligation.

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Section 5 : Le paiement de la lettre de change
Les garanties de paiement : l’aval
Les conditions de paiement
Le refus de paiement
§1) Les garanties de paiement : L’aval

Aux termes de l’article 289 al. 1erdu Code de commerce « le


paiement d’une lettre de change peut être garanti pour tout ou partie de
son montant par un aval. »
La doctrine définisse l’aval comme étant « l’engagement cambiaire
souscrit par un tiers ou par un précédent signataire de la lettre de
change en vue de garantir l’exécution de l’obligation contractée par un
débiteur de la lettre de change ».
Plus concrètement, l’aval s’apparente à une sorte de cautionnement
cambiaire. Il s’agit d’une sûreté conventionnelle et personnelle. C’est un
moyen pratique qui renforce la foi de la lettre de change dans la mesure
où les chances de recouvrements sont renforcées.
La personne dont l’aval émane est appelée « donneur d’aval »,
« avaliseur » ou encore « avaliste ». Quant au débiteur garanti, il est
qualifié d’« avalisé ».
L’article 289 du C. Com. qui est le siège de la matière, se présente
comme un texte relativement long, qui régit les conditions de l’aval (A) et
ses effets (B).

A) Les conditions de l’aval


L’aval obéit à des conditions qui tiennent aussi bien qu’au fond (1) qu’à
la forme (2).

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1) Conditions de fond
Ces conditions tiennent aux personnes qui peuvent garantir et aux
personnes qui peuvent être garanties.
Qui peut donner son aval ?
L’article 289 al. 2 du C. Com. prévoit que l’aval peut être donné soit par
un tiers ou même par un signataire de la lettre de change.
L’aval donné par un précédent signataire peut paraître dénuer de tout
intérêt mais le fait que l’endosseur par exemple donne son aval au profit
du tiré aggrave sa situation parce qu’il est tenu à la garantie non
seulement au profit des personnes qui ont acquis le titre après
l’endossement mais aussi aux personnes qui l’ont acquis avant
l’endossement puisqu’il est tenu de la même manière que la personne
avalisée.
L’avaliseur s’engageant cambiairement en garantie de l’exécution de
l’obligation de l’avalisé, il est soumis aux mêmes conditions de validité
que les autres signataires de l’effet, à savoir : le consentement, la
capacité, la cause.
Le consentement doit exister et n’être affecté d’aucun vice. La cause doit
être réelle et licite. L’aval n’est valable que s’il émane d’une personne
capable de s’obliger cambiairement. L’avaliseur doit, autrement dit, être
pourvu d’une capacité commerciale.
Ces conditions doivent être complétées par les articles 1480 et 1481 du
C.O.C régissant le cautionnement. Ainsi, le mineur ne peut pas
valablement fournir d’aval, même avec l’autorisation de son tuteur.
Quant au cautionnement donné par le malade pendant sa dernière
maladie ne vaut que pour le tiers de ses biens sauf autorisation de ses
héritiers.

45
Les personnes qui peuvent être garanties

L’aval peut être donné pour toutes les personnes signataires de la lettre
de change. Ainsi le débiteur garanti peut être le tiré accepteur, le tireur,
un endosseur ou même un autre donneur d’aval.
Le nom de la personne garantie doit être indiqué par l’avaliseur. A cet
égard, l’article 289 al. 6 du C. Com. prévoit que « l’aval doit indiquer pour
le compte de qui il est donné ».
Cette indication est tellement importante que le législateur a prévu une
présomption légale pour suppléer l’omission du donneur d’aval. En effet,
le même al. 6 de l’article 289 du C. Com. prévoit que « à défaut de cette
indication, il est réputé être donné pour le tireur ».
La présomption prévue par l’article 289 du C. Com. peut être exprimée
par la formule « l’aval en blanc est présumé être donné au profit du
tireur ».
2) Conditions de forme
Les conditions de forme sont précisées par l’article 289 al. 4 du C. Com :
l’aval est exprimé par la signature de l’avaliseur avec la mention « bon
pour aval » ou par toute autre formule équivalente.
La signature peut être apposée soit sur la lettre de change soit sur une
allonge soit par acte séparé (article 289 al. 3 du C. Com.).
L’article 289 al. 5 prévoit que l’aval peut résulter de la seule signature du
donneur d’aval apposée au recto de l’effet sauf s’il s’agit de la signature
du tireur ou celle du tiré.
Lorsque l’aval est donné par acte séparé, il a deux spécificités.
La première : il doit indiquer le lieu où il a été donné.
La deuxième : il doit être rattaché à une lettre de change déterminée
(puisqu’il est matériellement détaché de toute traite) par l’indication de

46
quelques éléments de rattachement comme la nature de l’effet, le
montant, le nom du tiré et du tireur…
Quel est le régime de l’aval anonyme ?
Article 289 al. 6 du C. Com. : l’aval doit indiquer pour le compte de qui il
est donné. A défaut de cette indication l’aval est dit anonyme, il est
réputé être donné pour le compte du tireur.
La détermination de la personne avalisée est primordiale, car sans cette
indication on ne peut pas connaître l’étendue de l’engagement de
l’avaliseur. Cela est dû au caractère accessoire de ce dernier. En effet,
l’engagement de l’avaliseur suit celui de l’avalisé qui est l’engagement
principal.
B) Les effets de l’aval
1) Les effets de l’aval dans les rapports avaliseur et porteur
L’étendue de la garantie de l’avaliseur dépend de l’étendue de
l’engagement du débiteur garanti (caractère accessoire de l’aval). Il faut
toutefois préciser que la garantie de l’avaliseur peut substituer alors
même que l’obligation du débiteur garanti serait nulle (caractère
autonome).
 caractère accessoire :
Article 289 al. 7 du C. Com. « Le donneur d’aval est tenu de la même
manière que celui dont il s’est porté garant ».
Exp 1 : L’avaliseur du tiré accepteur aura les mêmes obligations de ce
dernier (il reste engagé même si le porteur est négligeant, sa garantie se
prescrit après 3 ans à compter de l’échéance).
Exp 2 : L’avaliseur de l’endosseur qui a inséré une clause reste tenu
dans les termes de cette clause. (Si l’endosseur a inséré une clause
sans garantie d’acceptation, son avaliseur ne garantit pas l’acceptation,
si par exemple l’endosseur a inséré une clause non endossable, son
avaliseur ne sera tenu qu’envers l’endossataire immédiat).

47
 Caractère autonome
Article 289 al. 8 du C. Com. « Son engagement est valable alors même
que l’obligation qu’il a garantie serait nulle pour toute cause autre qu’un
vice de forme ».
Si l’obligation du débiteur garanti est nulle pour une raison de fond non
apparente sur le titre, comme par exemple l’incapacité ou le défaut de
pouvoir, l’engagement de l’avaliseur reste tout de même valable. Il s’agit
d’une application pure et simple du principe de l’indépendance des
signatures prévu par l’article 273 du C. Com. Mais, si l’obligation du
débiteur garanti est nulle pour une raison de forme (une nullité apparente
sur le titre), comme par exemple la nullité d’un endossement partiel,
l’engagement de l’avaliseur est aussi nul.
2) Donneur d’aval et la personne garantie
Le dernier alinéa de l’article 289 du C. Com. prévoit que le donneur
d’aval qui a payé la lettre de change « acquiert les droits résultants de la
lettre de change contre le garanti et contre ceux qui sont tenues envers
ce dernier en vertu de la lettre de change ».
Le donneur d’aval acquiert la possibilité d’exercer une action en
remboursement contre la personne avalisée et contre ceux qui doivent la
garantie à ce dernier.
Il acquiert un droit qui lui est propre ; ce n’est pas un droit dérivé. Son
action est fondée sur le dernier alinéa de l’article 289 du C. Com. mais
elle peut être aussi fondée sur l’article 310 du C. Com. prévoit que « le
même droit appartient à tout signataire d’une lettre de change qui a
remboursée celle-ci ».

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§2) Les conditions de paiement
L’étude des conditions du paiement soulève les trois questions
suivantes :
Quand payer
Où payer
Et à qui payer

Quand doit-on payer ?


Le tiré doit payer la lettre de change à l’échéance à la demande du
porteur. Ce dernier à l’obligation de présenter la lettre de change le jour
de l’échéance ou plus tard dans les deux jours ouvrables qui suivent
l’échéance (article 294 al. 1er du C Com.).

Où payer ?
La demande du paiement se fait chez le tiré. Le paiement est quérable et
n’est pas portable.
Si la lettre de change contient une clause de domiciliation (la
domiciliation est prévue à l’article 270 al. 4 du C. Com.), le paiement se
fait entre les mains du domiciliataire.
A qui payer ?
Le paiement doit se faire au profit du porteur légitime tel que définit par
l’article 279 du C. Com.
Lorsque la lettre de change n’a pas circulé, le porteur légitime est le
bénéficiaire qui a reçu le titre directement du tireur, par contre si la traite
à circuler, le porteur légitime est celui qui détient le titre en dernier lieu
par une chaine régulière d’endossements.

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§3) Le refus de paiement

Si le tiré ne paye pas à l’échéance, le porteur constate le défaut de


paiement pour pouvoir exercer par la suite les recours contre les garants

A) Le protêt faute de paiement


Le constat de défaut de paiement se fait par le protêt faute de paiement.
Ce constat a une double fonction :
- C’est une mise en demeure
- Le constat a une valeur probatoire. Ce constat prouve d’abord
l’accomplissement de la formalité de la présentation au paiement à
l’échéance par le porteur
- L’attitude défaillante du tiré.
Cette obligation de dresser protêt est prévue par l’article 307 du C.
Com.
Le protêt faute de paiement est un acte extrajudiciaire qui est dressé par
un huissier- notaire dans le but de constater à la demande du porteur,
que le tiré n’a pas payé la lettre de change à l’échéance.
L’obligation de dresser le protêt peut être éliminé dans certaines
situations :
- Le protêt faute de paiement n’est pas nécessaire si un protêt faute
d’acceptation a été déjà dressé (article 307 al. 4 du C. Com.).
- La faillite déclarée du tiré ou faillite du tireur d’une lettre de change
non acceptable (article 307 al. 6 du C. Com.). La présentation du
jugement déclaratif de faillite suffit et remplace le protêt faute de
paiement pour l’exercice des recours contre les garants.
- Lorsque la lettre de change comporte une clause qui dispense le
porteur de dresser le protêt « clause de retours sans frais » ou

50
« sans protêt ». Cependant cette clause n’exonère pas le porteur
de la présentation de la lettre de change au paiement à l’échéance.

Le protêt doit être établi dans les délais légaux prévus par l’article 307 al.
3 du C. Com.
Lorsque la traite est payable à vue, le protêt doit être établi dans un délai
d’un an à compter de la date du titre. En revanche, pour les traites
payables à jour fixe, à un certain délai de date ou à un certain délai de
vue, le protêt doit être établi l’un des deux jours ouvrables qui suivent le
jour de l’échéance.
Le protêt faute de paiement doit être fait au domicile du tiré, au domicile
de l’accepteur par intervention, ou au domicile de la personne désignée
pour payer au besoin (article 318 du C. Com.)

Lorsque le protêt a été fait conformément aux règles précitées, le


porteur pourra exercer ses recours contre les garants de la lettre de
change.

B) Les recours cambiaires

Le défaut de paiement ouvre au porteur la possibilité d’exercer des


recours cambiaires.
Le recours cambiaire du porteur impayé contre les signataires de la lettre
de change, n’exclut pas la possibilité pour le porteur d’agir sur la base du
droit commun contre le tiré non accepteur qui a reçu provision, contre le
tireur qui n’a pas fourni provision et contre l’endosseur qui lui a transmis
le titre sur la base de la valeur fournie.
Mais en raison des avantages qu’il présente pour le porteur, le recours
cambiaire est, en principe, exercé en premier lieu.

51
En effet, le recours cambiaire présente l’avantage de permettre au
porteur d’invoquer l’application du principe de l’indépendance des
signatures (article 273 al. 2 du C. Com.) et celui de l’inopposabilité des
exceptions (article 280 du C. Com.).
De plus, en vertu du principe de la solidarité des garants du paiement de
la traite, le porteur impayé peut exercer son recours cambiaire contre
tous ceux qui ont tiré, accepté, endossé ou avalisé la lettre de change
(article 310 al. 1er du C. Com.). Le porteur peut exercer son recours
contre l’un ou plusieurs d’entre eux sans être astreint d’observer l’ordre
dans lequel ces personnes se sont obligées (article 310 al. 2 du C.
Com.) ; et l’action intentée contre un des obligés cambiaire n’empêche
pas le porteur d’agir contre les autres obligés (article 310 al. 4 du C.
Com.).
Toujours dans le but de renforcer le recours cambiaire du porteur
impayé, la loi permet à ce dernier « de saisir conservatoirement les
effets mobiliers » des garants de la lettre de change (article 317 du C.
Com.) et d’agir en paiement par le moyen d’une procédure simple et
rapide qui est celle de l’injonction de payer (article 59 du C.P.C.C.).
De plus, afin de renforcer encore la sécurité de la lettre de change, la loi
du 3 avril 1996 a ajouté à l’article 317 du C. Com. deux alinéas qui
permettent au porteur impayé d’obtenir contre le tiré accepteur et les
autres garants une injonction de payer « exécutoire vingt quatre heures
après sa notification nonobstant appel ».
Toutefois, les avantages précités du recours cambiaire ne doivent pas
faire oublier sa fragilité : en effet, le recours cambiaire est soumis à des
délais de prescription plus courts que ceux du droit commun et il est
frappé de prescription chaque fois que le porteur de la traite est jugé
négligent.

52
La négligence du porteur est donc une situation qui entraîne la
déchéance du droit de ce dernier d’agir cambiairement contre les
garants du paiement.
Selon l’article 315 du C. Com., le porteur est négligent :
-S’il n’a pas présenté et fait protester la traite payable à vue ou à un
certain délai de vue dans les délais prescrits ;
- Sil n’a pas dressé protêt faute de paiement dans le délai légal ;
-S’il n’a pas dressé le protêt faute d’acceptation, lorsque la traite doit être
présentée à l’acceptation ;
- et enfin, s’il n’a pas présenté la lettre au paiement dans le délai légal.
Selon l’article 315 du C. Com. le porteur négligent :
- perd la garantie des endosseurs.
- perd la garantie du tireur s’il prouve qu’il a fourni provision.
- Garde toujours son action contre le tiré accepteur.

Le porteur de la lettre de change peut également perdre son droit


d’agir cambiairement contre les garants du paiement par l’effet de
prescription.
La prescription est un mode d’extinction des obligations en général et
de l’obligation cambiaire en particulier. Il s’agit ici d’un domaine qui
déroge au droit commun. C’est un mode de libération du débiteur
résultant de l’inaction du créancier pendant un certain temps.

Ainsi l’article 335 du C. Com. édicte une prescription courte, dont le


délai varie suivant la qualité des parties.

La prescription de trois ans s’applique à « toutes actions résultant


de la lettre de change contre l’accepteur » (article 335 al. 1er du C.
Com.) quelle que soit la personne qui agit : porteur, tireur, endosseur,

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avaliseur. C’est le délai le plus long qui existe en matière de prescription
cambiaire, parce que l’accepteur est le débiteur principal alors que les
autres obligés ne font que garantir son engagement.

« Les actions du porteur contre les endosseurs et contre le tireur


se prescrivent par un an » (article 335 al. 2 du C. Com.). Puisque le
recours est dirigé contre des garants et non plus contre le débiteur
principal, il est normal que la prescription soit plus rapidement acquise
qu’à l’égard du tiré accepteur.

« Les actions des endosseurs les uns contre les autres et contre
le tireur se prescrivent par six mois » (article 335 al. 3 du C. Com.).
Le désir du législateur a été que soient rapidement réglés les recours
des garants qui ont remboursé la lettre.
Pour les actions exercées contre ou par l’avaliseur, le donneur d’aval
est « tenu de la même manière que celui dont il s’est porté garant »
(Article 289 al. 7 du C. Com.). Il en résulte que le porteur peut agir
pendant trois ans contre l’avaliseur du tiré accepteur (Article 335 al.1er C.
Com.), pendant un an seulement contre l’avaliseur du tireur ou d’un
endosseur (Article 335 al. 2 C. Com.). Le recours de l’avaliseur qui a
payé contre le tiré accepteur se prescrit toujours par un délai de trois ans
(Article 335 al. 1er C. Com) et le recours contre les endosseurs et le tireur
se prescrit par un délai de six mois.

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