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DROIT CAMBIAIRE

Charles MBA-OWONO
Agrégé des facultés de droit
Professeur Titulaire de droit privé
INTRODUCTION

La pratique des affaires, notamment à travers les usages bancaires, a développé des
instruments spécifiques destinés soit à assurer l’exécution d’une obligation de payer une
somme d’argent, soit à permettre le financement à court terme d’opérations commerciales.
Dans le premier cas, on parle d’instruments de paiement et dans le second d’instruments de
crédit.

Plus précisément, l’instrument de crédit suppose que soit créé, à l’occasion d’une opération de
crédit ou d’une opération commerciale dont le paiement est différé, un titre qui permettra la
mobilisation de ce crédit. Les instruments de paiement ont quant à eux pour rôle d’éviter des
transferts de fonds. Ils apparaissent donc comme des instruments de simplification des
paiements. Ces deux mécanismes constituent l’objet du présent cours intitulé Droit cambiaire.

Les instruments de crédit et de paiement en usage en zone CEMAC, et qui sont régis par le
règlement relatif aux systèmes, moyens et incidents de paiement, seront examinés les uns
après les autres dans deux chapitres successifs, à savoir :

- Chapitre 1 – Les instruments de crédit ;


- Chapitre 2 – Les instruments de paiement.

CHAPITRE I

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LES INSTRUMENTS DE CREDIT

L’expression « instrument de crédit » désigne un procédé permettant à un créancier,


notamment un commerçant, de mobiliser une créance à terme qu’il détient pour se procurer du
crédit. Le règlement CEMAC ne vise que les instruments de crédit classiques, constitutifs
d’effets de commerce, que sont la lettre de change (section 1) et le billet à ordre (section 2).

SECTION 1 – LA LETTRE DE CHANGE

La lettre de change se définit comme un écrit par lequel une personne, dénommée tireur,
donne à une autre personne, appelée tiré, l’ordre de payer à une date déterminée à une
troisième personne, dite bénéficiaire ou preneur, ou à l’ordre de celle-ci, une certaine somme
d’argent. Dans la pratique, la lettre de change porte également le nom de traite. Il faut
s’intéresser successivement à sa création (§1), à sa circulation (§2) et à son paiement (§3).

§1 - LA CREATION DE LA LETTRE DE CHANGE

La création de la lettre de change est soumise à deux séries principales de conditions : les
conditions de forme (A), d’une part, et les conditions de fond (B), d’autre part.

A – Les conditions de forme

Le formalisme cambiaire se caractérise par l’exigence de deux séries de mentions. Les unes
sont obligatoires et constituent donc des conditions de validité du titre lui-même (1). Les
autres sont facultatives, dans ce sens que leur utilisation est laissée à la libre volonté des
parties (2).

1 – Les mentions obligatoires

Selon l’article 79 du règlement CEMAC, la lettre de change doit comporter huit mentions
obligatoires qui remplissent chacune un rôle précis. Il s’agit notamment de : la dénomination
de lettre de change ; le mandat pur et simple de payer une somme déterminée ; le nom du tiré ;
l’indication de l’échéance ; l’indication du lieu de paiement ; le nom du bénéficiaire ;
l’indication de la date et du lieu de création de la lettre de change ; la signature du tireur.

L’omission d’une des mentions obligatoires est sanctionnée par le droit. Selon l’article 80,
alinéa 1er du règlement CEMAC, « le titre dans lequel une des énonciations indiquées à
l’article précédent fait défaut ne vaut pas comme une lettre de change, sauf dans les cas
déterminés par les alinéas suivants ». Il résulte de cette disposition que le titre incomplet n’est
pas une lettre de change ; celle-ci est donc frappée de nullité. Cette règle comporte cependant
des tempéraments (suppléances légales).

2 – Les mentions facultatives

La lettre de change peut comporter, outre les mentions obligatoires, d’autres mentions qui,
selon le cas, sont destinées à compléter les informations contenues dans le titre ou à aménager
certaines règles du droit cambiaire.

Ces mentions facultatives peuvent se rapporter au paiement par le tiré (clause de


domiciliation, clause sans frais, clause non acceptable), au lien existant entre le rapport

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cambiaire et la relation fondamentale (clause de « valeur fournie »), aux garanties de paiement
(clause d’aval), à la circulation du titre (clause non à ordre, non endossable ou sans garantie).

B – Les conditions de fond

Les conditions de fond sont exigées en ce qui concerne le créateur de la lettre de change, à
savoir le tireur (1), et pour ce qui est de l’existence de la provision (2).

1 – Les conditions relatives au tireur

L’intervention du tireur est fondamentale dans la création de la lettre de change. Des


questions relatives à sa capacité et à son pouvoir d’émettre une lettre de change se posent.

En premier lieu, il n’est pas permis à un incapable d’émettre une lettre de change et même de
prendre un quelconque engagement cambiaire Ainsi en est-il du mineur, à moins qu’il ne soit
émancipé. Mais c’est aussi le cas des majeurs incapables, notamment de celui qui est frappé
d’une interdiction et de ce fait d’une incapacité générale d’exercice.

Le pouvoir se rapporte à la situation où une personne agit, non pas pour son propre compte,
mais pour celui d’autrui. Il s’agit alors du mécanisme classique de la représentation. La
possibilité d’émettre une lettre de change pour le compte d’autrui est dans deux hypothèses :
le tirage par mandataire (représentation parfaite) et le tirage pour compte (représentation
imparfaite).

2 – Les conditions relatives à la provision

Le terme provision vient de « proviedere », ce qui signifie en latin « prévoir ». L’idée qui
sous-tend l’exigence de la provision est donc que le tireur de la lettre de change doit en
prévoir le paiement.

Le principe en la matière est posé par l’article 86, alinéa 2 du règlement CEMAC. Aux termes
de ce texte, « il y a provision si, à l’échéance de la lettre de change, celui sur qui elle est
fournie est redevable au tireur, ou à celui pour le compte de qui elle est tirée, d’une somme
au moins égale au montant de la lettre de change ».

Il résulte de cette disposition que la provision est nécessaire à l’efficacité même de la lettre de
change. Toutefois, bien que la provision soit nécessaire, l’article 86 implique que la provision
ne doit exister qu’à l’échéance. Cette règle s’explique par le fait que la traite est un instrument
de crédit.

§2 – LA CIRCULATION DE LA LETTRE DE CHANGE

La lettre de change est appelée à circuler. Cette circulation s’opère par le moyen de
l’endossement. La technique de l’endossement peut revêtir plusieurs formes. Concrètement,
l’endossement translatif (A) coexiste avec d’autres non translatifs (B).

A – L’endossement translatif

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L’endossement translatif permet de transférer à l’endossataire la propriété du titre et tous les
droits qui y sont attachés. L’escompte en est l’application la plus importante. Il faut envisager
ses conditions (1) et ses effets (2).

1 – Les conditions de l’endossement translatif

L’endossement de la lettre de change est soumis à des conditions de forme et à des conditions
de fond.

L’endossement se matérialise, du point de la forme, par la signature de l’endosseur apposée


sur le titre soit à la main, soit par tout procédé non manuscrit. Il existe à ce sujet une
présomption d’endossement translatif. A défaut de précision contraire, tout endossement est
présumé translatif. La désignation du bénéficiaire de l’endossement n’est pas imposée par la
loi. L’endossement peut donc être nominatif, en blanc ou au porteur.

L’endossement translatif suppose également des conditions de fond particulières. Il faut


d’abord que le titre soit endossable et le principe est que toute lettre de change est
transmissible par voie d’endossement (possibilité cependant d’une clause non à ordre).
L’endossement de la lettre de change suppose ensuite que l’endosseur en soit un porteur
légitime, c’est-à-dire ayant acquis le titre régulièrement. L’endossement n’est enfin en
principe possible qu’entre le moment de sa création et celui de son échéance.

2 – Les effets de l’endossement translatif

L’endossement translatif a un effet translatif, un effet de garantie et est régi par le principe de
l’inopposabilité des exceptions.

L’endossement translatif revient en effet à transférer la propriété de la lettre de change. Il en


résulte que l’endossataire, qui acquiert ainsi la propriété du titre, devient titulaire de la créance
cambiaire. Il peut en conséquence exercer tous les droits qui en découlent à l’encontre de tous
les débiteurs cambiaires.

L’endosseur est cependant tenu d’une obligation de garantie envers l’endossataire. Ce qui
implique que, en tant que garant, il paiera lui-même l’effet si le tiré ne l’accepte pas ou ne
paye pas. Cette garantie est du reste due solidairement par tous les signataires de la lettre de
change.

L’endossataire bénéficie, en ce qui le concerne, du principe de l’inopposabilité des


exceptions. Celui-ci permet au porteur légitime d’être protégé contre les moyens de défense
que pourrait faire valoir l’endosseur pour échapper au paiement. En d’autres termes, chaque
endossement purge le titre de ses vices éventuels.

B – Les endossements non translatifs

L’endossement est en principe translatif. Cependant, la loi admet deux types particuliers
d’endossements qui ne sont pas translatifs : l’endossement à titre de procuration (1) et
l’endossement pignoratif (2).

1 – L’endossement à titre de procuration

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L’endossement à titre de procuration est celui par lequel le porteur d’une lettre de change
remet son titre à un tiers avec mandat d’en recevoir pour son compte le paiement. Souvent
utilisé dans le milieu bancaire, il se caractérise par le fait que l’endosseur demeure
propriétaire de l’effet.

Les conditions de fond de cette opération sont celles du droit commun du mandat et ne
présentent donc aucune originalité. Il n’en va pas de même des conditions de forme. Le
principe étant l’endossement translatif, celui à titre de procuration doit se matérialiser par « la
mention valeur en recouvrement, pour encaissement, par procuration ou toute autre mention
impliquant un simple mandat ». Dans tous les cas, il doit s’agir d’une mention non équivoque.

L’endossement à titre de procuration produit des effets aussi bien à l’égard des tiers qu’entre
les deux parties à l’endossement. A l’égard des tiers, l’endossataire est investi d’un mandat de
recouvrement et peut de ce fait exercer tous les droits dérivant de la lettre de change. Un tel
endossataire n’a toutefois pas droit de procéder à un endossement translatif. Dans les rapports
entre l’endosseur et l’endossataire, ce dernier doit faire tout ce qui est nécessaire pour
préserver les intérêts de l’endosseur et est tenu de rendre compte de sa mission, notamment en
reversant les fonds recouvrés à l’endosseur.

2 – L’endossement pignoratif

L’endossement peut également être le moyen pour le porteur d’une lettre de change de
l’affecter en garantie du paiement d’une créance. On parle alors d’endossement pignoratif.

Outre les conditions de fond, qui ne soulèvent aucune difficulté, l’endossement pignoratif doit
remplir certaines conditions de forme particulières. Il se matérialise en effet, en plus de la
signature de l’endosseur, par « la mention valeur en garantie, valeur en gage ou toute autre
mention impliquant un nantissement ». L’absence d’une telle mention va permettre le jeu de la
présomption d’endossement translatif.

Du point de vue ses effets, l’endossement pignoratif permet à l’endossataire d’« exercer tous
les droits dérivant de la lettre de change ». Cependant, la qualité de créancier gagiste de
l’endossataire n’est pas sans conséquences. En effet, il lui est interdit de disposer de l’effet. Il
ne peut donc endosser à son tour qu’à titre de procuration.

§3 – LE PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE

Le paiement de la lettre de change est soumis à une réglementation minutieuse. Ces règles
concernent plus précisément les garanties de paiement (A), la réalisation du paiement (B) et
les recours en cas de défaut de paiement (C).

A – Les garanties de paiement de la lettre de change

Au-delà de la solidarité cambiaire et du transfert de la propriété de la provision, la lettre de


change peut être assortie de deux garanties de paiement que sont l’acceptation (1) et à l’aval
(2).

1 – L’acceptation de la lettre de change

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L’acceptation est l’acte par lequel le tiré s’engage à payer le montant de la lettre de change à
l’échéance. Il est pour ce faire nécessaire que le titre soit, au préalable, présenté à
l’acceptation du tiré. Le principe est que cette présentation n’est pas obligatoire. Elle est
normalement facultative pour le porteur. Concrètement, la présentation doit être faite auprès
du tiré, notamment au lieu de son domicile. Ce qui revient, littéralement, à présenter le titre au
tiré. La loi communautaire en tire d’ailleurs les conséquences en disposant que « le porteur
n’est pas obligé de se dessaisir, entre les mains du tiré, de la lettre présentée à
l’acceptation ».

La décision d’acceptation du tiré, qui se manifeste par la signature du tiré accompagnée de la


mention accepté, est elle aussi en principe facultative. Toutefois, l’acceptation donnée par le
tiré devient irrévocable une fois celui-ci s’est dessaisi du titre en le retournant ou en le
remettant au porteur. Il en résulte que, à la présentation de la lettre de change pour
acceptation, la réaction du tiré peut être soit positive, soit négative.

La règle est que, par son acceptation, le tiré s’oblige à payer la lettre de change à l’échéance.
Il s’ensuit que le tiré devient désormais un débiteur cambiaire envers tout porteur. C’est donc
dire que c’est par cet acte que le tiré s’implique véritablement dans la relation cambiaire. De
plus, une fois donnée par le tiré, l’acceptation fait présumer la constitution de la provision. En
cas de refus d’acceptation par le tiré, lequel doit être constaté par un protêt faute
d’acceptation, le titre devient suspect. La principale conséquence en est le porteur est dès lors
autorisé à exercer immédiatement les recours cambiaires contre les signataires.

2 – L’aval de la lettre de change

L’aval se définit comme un engagement cambiaire donné par une personne, appelée donneur
d’aval, avaliste ou avaliseur, que la lettre de change sera payée à l’échéance. Il s’agit d’une
garantie personnelle inspirée du cautionnement et donnée sous la forme cambiaire.

L’aval peut être donné par toute personne, dès lors qu’elle remplit les conditions de capacité ;
peu importe qu’il s’agisse d’un tiers ou d’une personne déjà signataire de la lettre de change.
De même, l’aval peut garantir l’engagement de l’une quelconque des personnes impliquées
dans la relation cambiaire. Toutefois, à défaut d’indication du nom du bénéficiaire, l’aval est
réputé donné pour le tireur. Du point de vue de la forme, l’engagement d’aval peut être
souscrit soit sur le titre lui-même, soit par acte séparé. Dans l’un et l’autre cas, il doit résulter
d’une mention suffisamment explicite accompagnant la signature de l’avaliste. Il y a
cependant une exigence particulière quant au libellé de l’aval par acte séparé, à savoir :
l’indication du lieu où il est intervenu.

L’engagement de l’avaliste est marqué par la nature spécifique de l’aval. L’avaliste est en
effet à la fois un débiteur cambiaire et un garant. Le donneur d’aval est d’abord un débiteur
cambiaire, dans ce sens que l’engagement qu’il souscrit est de nature cambiaire. Il en résulte
qu’il est tenu solidairement garant de l’acceptation et du paiement de la lettre de change.
Toutefois, n’étant qu’un garant, l’avaliste n’est pas le débiteur définitif de la lettre de change
et est de ce fait fondé à recourir contre la personne garantie ou contre les autres personnes
tenues en vertu de la traite.

B – La réalisation du paiement de la lettre de change

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Il faut distinguer la présentation au paiement (1) du paiement effectif de la lettre de change
(2).

1 – La présentation au paiement

La présentation au paiement est un préalable indispensable à la réalisation du paiement de la


lettre de change. Le principe est en effet que la dette cambiaire est quérable. Il en résulte pour
le porteur l’obligation de présenter la lettre de change au paiement à l’échéance. Le caractère
obligatoire de la présentation au paiement entraîne d’importances conséquences juridiques. La
principale est que le porteur qui n’effectue pas les diligences nécessaires pour obtenir le
paiement est considéré comme négligent et est de ce fait déchu de certains de ses recours
cambiaires.

Le porteur est tenu de présenter la lettre de change au paiement le jour de l’échéance et celle-
ci est impérative. Ce caractère impératif a pour conséquence l’exclusion de tout délai de grâce
et le décompte des intérêts au taux légal à partir de l’échéance. La présentation de la lettre de
change au paiement doit ensuite être opérée au lieu indiqué sur le titre lors de l’émission ou
lors de l’acceptation. Il s’agira du lieu du domicile du tiré, sauf clause de domiciliation. La
présentation d’une lettre de change à une chambre de compensation équivaut cependant à une
présentation au paiement.

2 – Le paiement effectif de la lettre de change

Le paiement de la lettre de change peut être réalisé personnellement par le tiré ou, en cas de
clause de domiciliation, par l’intermédiaire d’un mandataire. Le droit cambiaire déroge au
droit commun en ce qui concerne la divisibilité du paiement. Obligation est en effet faite au
porteur d’une lettre de change de recevoir un paiement partiel. Cette solution se justifie par le
fait qu’un tel paiement dégagera d’autant les personnes solidairement tenues au paiement.

Le paiement de la lettre de change produit essentiellement un effet libératoire. Il en résulte


que le paiement effectué par le tiré de manière régulière entre les mains du porteur le libère
des engagements souscrits dans le cadre de l’opération cambiaire. Mais il s’agit en réalité
d’une double libération. D’une part, il y a extinction de la dette cambiaire et ce pour tous les
signataires qui en garantissaient le paiement. D’autre part, le rapport juridique préexistant
entre le tireur et le tiré, en vertu duquel ce dernier est amené à payer, est également éteint.

C – Le défaut de paiement de la lettre de change

Le défaut de paiement ouvre au porteur l’exercice des recours cambiaires (2). Ce qui suppose,
au préalable, l’établissement d’un protêt faute de paiement (1).

1 – Le protêt faute de paiement

Le protêt est la constatation par un officier public (un huissier, un notaire), à la demande du
porteur, du refus par le tiré de payer le montant de la lettre de change qui lui est présentée.
L’établissement du protêt est, pour le porteur de la lettre de change, une obligation qu’il doit
accomplir dans les délais prescrits par la loi. Il fait d’ailleurs l’objet d’une publicité légale au
greffe du tribunal compétent.

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Le principe du caractère obligatoire du protêt faute de paiement comporte plusieurs
exceptions qui aboutissent à en dispenser le porteur. Certaines sont d’origine légale. C’est
notamment le cas lorsqu’un protêt faute d’acceptation a été dressé ou lorsqu’il y a ouverture
d’une procédure collective ou un cas de force majeure. D’autres sont conventionnelles. Ainsi
en est-il de la stipulation d’une clause sans protêt.

2 – L’exercice des recours cambiaires

L’exercice des recours cambiaires est subordonné à deux conditions essentielles. La condition
première est que le porteur ne soit pas considéré comme négligent. La négligence suppose que
le porteur de la lettre de change n’a pas rempli les obligations qui lui incombent eu égard aux
exigences légales. La conséquence en est qu’il est déchu du droit de recourir contre les
garants du paiement de la lettre de change. La deuxième condition est l’absence de
prescription des recours cambiaires. Les délais de prescription se caractérisent en matière
cambiaire par leur brièveté.

L’exercice des recours cambiaires peut se faire sous deux formes. Il peut d’abord être
amiable. Auquel cas, le recours s’exerce directement contre son propre endosseur et ce n’est
qu’en cas d’insolvabilité de ce dernier que le porteur s’adressera à un autre signataire. Mais
dans l’hypothèse où l’exercice amiable des recours cambiaires se révèle infructueux, le
porteur a la faculté d’intenter, comme tout créancier, une action en recouvrement de créance
devant la juridiction compétente.

SECTION 2 – LE BILLET A ORDRE

Le billet à ordre est défini comme un titre par lequel une personne, appelée souscripteur,
s’engage à payer à une époque déterminée une certaine somme d’argent à l’ordre d’une autre
personne, dénommée bénéficiaire. A la différence de la lettre de change, la création du billet à
ordre n’implique que deux personnes : le souscripteur du billet, qui joue à la fois les rôles de
tireur et de tiré, et le bénéficiaire. Toutefois, à côté le billet à ordre classique (§1), il en existe
aussi une forme particulière appelée bordereau de gage de stocks (§2).

§1 – LE BILLET A ORDRE STRICTO SENSU

Le régime juridique du billet à ordre doit être examiné sous les trois angles de sa création (A),
de sa circulation (B) et de son paiement (C).

A – La création du billet à ordre

La création d’un billet à ordre est soumise à deux séries de conditions : les conditions de
forme (1) et les conditions de fond (2).

1 – Les conditions de forme

Le billet à ordre étant un titre formel, il doit nécessairement avoir un contenu précis.

Le billet à ordre doit comporter les sept mentions obligatoires suivantes : la clause à ordre ou
la dénomination billet à ordre ; la promesse pure et simple de payer une somme déterminée ;
l’indication de l’échéance ; celle du lieu où le paiement doit s’effectuer ; le nom de celui

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auquel ou à l’ordre duquel le paiement doit être fait ; l’indication de la date et du lieu où le
billet est souscrit ; la signature de celui qui émet le titre, dénommé souscripteur.

Le titre auquel une des mentions ci-dessus fait défaut ne vaut pas comme billet à ordre. Il
s’ensuit que, comme en matière de lettre de change, un tel titre est frappé de nullité en tant
que billet à ordre.

Le billet à ordre peut comporter, outre les mentions obligatoires, la plupart des mentions
facultatives qui sont admises pour la lettre de change. Toutefois, certaines clauses sont en
effet exclues en raison de leur incompatibilité avec la nature ou la structure du billet à ordre.
Les clauses relatives à la provision ou à l’acceptation par exemple sont sans objet.

2 – Les conditions de fond

La capacité exigée pour souscrire un billet à ordre est, comme en matière de lettre de change,
la capacité commerciale. Cela revient à dire qu’un tel engagement ne peut être pris par un
mineur non émancipé ou par un majeur interdit. L’engagement pris par une telle personne ne
vaut pas comme billet à ordre et est de ce fait frappé de nullité à son égard.

La possibilité qu’un billet à ordre puisse être souscrit par une personne agissant pour le
compte d’autrui est admise. Toutefois, s’il n’y a aucune hésitation en ce qui concerne le tirage
par mandataire, la solution est en revanche moins évidente au sujet du tirage pour compte. En
effet, aucun renvoi exprès au régime de la lettre de change n’est fait à ce propos.

B – La circulation du billet à ordre

Le billet à ordre étant un effet de commerce, sa circulation se réalise par voie d’endossement
(1). Il faut également s’intéresser aux effets qu’emporte cette transmission du titre (2).

1 – La transmission du billet à ordre par endossement

La circulation du billet à ordre s’effectue par le moyen de l’endossement. Il s’agit en effet du


mécanisme juridique privilégié par lequel la transmission des droits cambiaires résultant d’un
effet de commerce se réalise.

L’essentiel des règles qui régissent l’endossement en matière de lettre de change s’appliquent
aussi au billet à ordre. En effet, parmi les dispositions relatives à la lettre de change qui sont
rendues applicables au billet à ordre, il y a celles concernant l’endossement. Il s’ensuit que,
comme c’est le cas en matière de lettre de change, l’endossement peut être fait à titre
translatif, à titre de procuration ou à titre de gage.

2 – Les effets de l’endossement du billet à ordre

L’endossement du billet à ordre emporte les mêmes effets que dans la lettre de change. En
particulier, lorsqu’il est fait à titre translatif, il fait de l’endosseur un débiteur cambiaire lié par
conséquent à tous les autres signataires par la solidarité cambiaire. De même, le porteur du
titre est protégé par la règle de l’inopposabilité des exceptions.

L’endossement translatif du billet à ordre présente cependant une originalité en ce qui


concerne la provision. Il n’emporte pas en effet le transfert de celle-ci. Cette solution se

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justifie par le fait que le souscripteur du billet à ordre cumulant les qualités de tireur et de tiré,
l’exigence de la provision devient sans objet.

C – Le paiement du billet à ordre

Avant de s’intéresser à la réalisation même du paiement (1), il faut d’abord évoquer les
garanties de paiement (2).

1 – Les garanties de paiement du billet à ordre

Le billet à ordre étant un instrument de crédit, c’est-à-dire une créance dont le paiement est
différé, la mise en place des mécanismes susceptibles d’en garantir le paiement à l’échéance
s’inscrit dans la logique des choses. L’acceptation est cependant incompatible avec la nature
de cet instrument de crédit.

Il en résulte que, au-delà de la solidarité cambiaire, la seule garantie de paiement qui a une
réelle importance en matière de billet à ordre est l’aval. L’article 163 du règlement CEMAC
dispose ainsi que « sont également applicables au billet à ordre les dispositions relatives à
l’aval prévues par l’article 100 » (c’est ce dernier texte qui régit l’aval de la matière de lettre
de change).

2 – La réalisation du paiement du billet à ordre

En ce qui concerne les modalités de paiement du billet à ordre, il est purement et simplement
renvoyé au régime juridique de la lettre de change. Il existe cependant quelques particularités.
Ainsi par exemple, compte tenu de la spécificité de la structure du billet à ordre, le porteur est
tenu de s’adresser, pour obtenir le paiement, au souscripteur.

De même, s’agissant de l’exercice des recours cambiaires, il y a également renvoi aux


dispositions relatives à la lettre de change. Il s’ensuit que si le souscripteur refuse de payer à
l’échéance, le porteur est tenu d’accomplir les formalités requises à cet effet. Bien entendu, le
défaut d’accomplissement de ces formalités emporte les mêmes conséquences qu’en matière
de lettre de change.

§2 – LE BORDEREAU DE GAGE DE STOCKS

Prévu par l’Acte uniforme de l’OHADA portant organisation des sûretés, le bordereau de
gage de stocks est un titre susceptible d’endossement créé à l’occasion de la constitution d’un
gage de stocks. C’est ce qu’on appelait naguère warrant. Son régime juridique sera étudié en
s’intéressant aux points suivants : sa création (A), sa circulation (B) et son paiement (C).

A – La création du bordereau de gages de stocks

La création du bordereau de gage de stocks est soumise à des conditions de fond et à des
conditions forme.

Du point de vue du fond, l’existence d’un gage est la première condition exigée en vue de
l’établissement d’un bordereau de gage de stocks. L’émission du bordereau de gage n’est
cependant possible qu’à l’occasion de la constitution d’un gage sans dépossession. Celui-ci
doit porter sur des marchandises constitutives de stocks.

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En ce qui concerne la forme, le bordereau de gage de stocks, qui est remis au débiteur après la
constitution du gage, doit comporter de façon apparente les mentions suivantes : la mention
gage de stocks ; la date de sa délivrance qui correspond à celle de l’inscription au RCCM ; le
numéro d’inscription au registre chronologique des dépôts ; la signature du débiteur.

B – La circulation du bordereau de gage de stocks

Le bordereau de gage de stocks circule par voie d’endossement. Une distinction existe
cependant entre le premier endossement et les endossements ultérieurs. Le premier
endossement ne permet pas seulement la circulation du bordereau de gage, il est surtout une
condition indispensable à l’existence du titre. Les endossements ultérieurs obéissent par
contre au droit commun des effets de commerce.

L’endossement du bordereau emporte les mêmes effets que celui du billet à ordre. Il suffira de
signaler qu’il rend l’endosseur garant solidaire des autres signataires du titre, confère au
porteur le bénéfice de la règle de l’inopposabilité des exceptions et transmet aux porteurs
successifs toutes les garanties attachées au titre.

C – Le paiement du bordereau de gage de stocks

Comme tout effet de commerce, le bordereau de gage doit être présenté au paiement,
notamment auprès propriétaire des marchandises qui cumule les qualités de tireur et de tiré.
Le paiement effectué par ce dernier emporte à la fois extinction de l’obligation cambiaire et
de l’obligation garantie.

Le bordereau de gage de stocks présente la particularité d’être assorti de deux garanties de


paiement : une sûreté réelle résultant de la constitution du gage et une garantie personnelle
représentée par la solidarité cambiaire. La question se pose alors de savoir, en cas de défaut de
paiement à l’échéance, l’ordre dans lequel ces garanties doivent être mises en jeu.

Le législateur n’a rien prévu à ce sujet. Dès lors, le porteur du bordereau devrait pouvoir
exercer ses recours cambiaires sans être tenu à la réalisation préalable du gage.

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CHAPITRE II
LES INSTRUMENTS DE PAIEMENT

Les instruments de paiement ont pour rôle de permettre le paiement du créancier, et plus
généralement le transfert de fonds, sans manipulation de la monnaie fiduciaire. Leur
utilisation se traduit concrètement par la mise en circulation de la monnaie scripturale, c’est-à-
dire celle qui résulte des inscriptions en compte. En dépit de la diversité des moyens de
paiement, le chèque demeure encore aujourd’hui le principal instrument de paiement. C’est la
raison pour laquelle il va falloir étudier successivement le chèque (section 1) et les autres
instruments de paiement (section2).

SECTION 1 – LE CHEQUE

Le chèque est défini comme un titre par lequel une personne donne l’ordre à une banque, ou
un établissement assimilé, de payer au profit d’une troisième personne une somme d’argent
disponible. Comme la lettre de change, cet instrument de paiement met en relation trois
personnes : tireur, le tiré et le bénéficiaire (sa fonction est toutefois exclusivement celle d’un
instrument de paiement et ne comporte en droit aucune idée de crédit). L’étude du régime
juridique du chèque doit également être envisagée dans trois directions : sa création (§1), sa
circulation (§2) et son paiement du chèque (§3).

§1 – LA CREATION DU CHEQUE

La création du chèque nécessite la réunion de deux sortes de conditions : des conditions de


forme (A) et des conditions de fond (B).

A – Les conditions de forme

Il faut d’abord évoquer la délivrance des formules de chèques (1) avant de s’intéresser au
contenu du chèque (2).

1 – La délivrance des formules de chèque

La mise à la disposition de la clientèle de formules de chèques n’est en rien une obligation.


D’abord, le chèque impliquant l’inscription d’un montant au débit d’un compte, la banque
n’est pas tenue d’ouvrir un compte à toute personne qui le sollicite. Ensuite, même lorsqu’elle
a accepté d’ouvrir un compte, la banque n’est pas pour autant obligée de délivrer des formules
de chèques.

Les établissements de crédit sont en outre tenus, avant de mettre des formules de chèques à la
disposition de leur clientèle, d’accomplir un certain nombre de diligences ayant pour but de
prévenir l’émission de chèques sans provision. Une banque est notamment tenue de s’assurer
que le client qui sollicite la mise à disposition de formules de chèques ne fait pas l’objet d’une
interdiction bancaire ou judiciaire.

2 – Le contenu du chèque

Pour valoir comme chèque, un titre doit comporter un certain nombre de mentions
obligatoires. Ces mentions sont au nombre de six, à savoir : la dénomination de chèque ; le
mandat pur et simple de payer une somme déterminée ; l’indication du tiré (qui ne peut être

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qu’un établissement habilité) ; l’indication du lieu du paiement ; l’indication de sa date et de
son lieu de création ; la signature du tireur.

La sanction l’omission des mentions obligatoires est prévue par l’article 14, alinéa 2 du
règlement CEMAC, lequel dispose que « le titre dans lequel une des énonciations indiquées à
l’article précédent fait défaut ne vaut pas comme chèque ». Ce qui signifie, en d’autres
termes, que le titre est nul en tant que chèque. Il faut cependant relever que le principe de la
nullité du chèque qui ne comporte pas toutes les mentions obligatoires est considérablement
tempéré, notamment par l’admission du formalisme par équivalent.

B – Les conditions de fond

Les conditions de fond du chèque concernent particulièrement les parties (1) et la provision
(2).

1 – Les conditions relatives aux parties

La création du chèque nécessite l’implication de trois personnes : le tireur, le tiré et le


bénéficiaire.

Le tireur d’un chèque doit avoir la capacité d’accomplir des actes juridiques. Cependant, il ne
s’agit pas d’une capacité commerciale. Le chèque n’est pas en effet un acte de commerce.
Ainsi, contrairement au mineur émancipé, le mineur non émancipé ne peut pas émettre un
chèque. S’agissant des majeurs protégés, le majeur interdit est dans l’impossibilité d’émettre
des chèques, alors que le principe est que le majeur en curatelle peut valablement le faire.

En ce qui concerne le tiré, la règle est qu’il doit nécessairement être un établissement de crédit
ou assimilé. En revanche, toute personne est en principe, à condition d’être investie de la
capacité de recevoir un paiement, susceptible d’être désignée comme bénéficiaire d’un
chèque.

2 – Les conditions relatives à la provision

La provision s’analyse comme la créance que détient le tireur contre le tiré. En la matière, il y
a une exigence de constitution immédiate. Autrement dit, le tiré doit tenir à la disposition du
tireur, dès l’instant même de l’émission du chèque, des fonds suffisants pour en assurer le
paiement. On dit encore que la provision doit être préalable. C’est ce qui justifie le délit
d’émission de chèque sans provision.

Outre son caractère préalable, la provision du chèque doit par ailleurs présenter, dès l’origine,
les mêmes caractères que celle de la lettre de change. Elle doit d’abord être suffisante pour
assurer le paiement du chèque. La provision doit ensuite être disponible. Ce qui signifie que la
créance du tireur sur le tiré doit être certaine, liquide et exigible.

§2 – LA CIRCULATION DU CHEQUE

L’endossement est le principal mode de transmission du chèque. Toutefois, théoriquement


possible, l’endossement pignoratif est en pratique inexistant en la matière. L’analyse qui va
suivre se limitera par conséquent à l’endossement translatif (A) et à l’endossement à titre de
procuration (B).

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A – L’endossement translatif du chèque

Il faut examiner successivement les conditions (1) et les effets (2) de l’endossement translatif
du chèque.

1 – Les conditions de l’endossement translatif

L’endossement du chèque prend la forme d’une signature que l’endosseur porte sur le chèque
même ou sur une allonge. La désignation de l’endossataire n’est pas obligatoire. La possibilité
d’un endossement en blanc ou porteur est donc admise. Il y a, comme en matière de lettre de
change, une présomption d’endossement translatif.

En principe, tout chèque peut faire l’objet d’un endossement translatif. De même, toute
personne, y compris le tireur ou les autres signataires du titre, peut être bénéficiaire de
l’endossement du chèque. Tout porteur est en principe autorisé à l’endosser à son tour. Il
n’est fait exception à cette double règle qu’en ce qui concerne le tiré.

2 – Les effets de l’endossement translatif

Comme en matière de lettre de change, l’endossement translatif du chèque a un effet


translatif, un effet de garantie et emporte l’inopposabilité des exceptions.

L’endossement translatif du chèque a pour objet de transférer la propriété du titre. Il a donc


pour principale conséquence de faire passer la propriété du chèque endossé de l’endosseur à
l’endossataire. Ce dernier est de ce fait autorisé à exercer tous les droits découlant du titre.

Par l’endossement, l’endosseur se porte garant du paiement du chèque. Il s’agit d’une garantie
solidaire à laquelle il est tenu avec tous les autres signataires du titre cambiaire.

L’endossement translatif du chèque permet enfin au porteur de bénéficier, comme en matière


de lettre de change, de l’inopposabilité des exceptions. La portée de ce principe est quasiment
la même qu’en matière de lettre de change.

B – L’endossement à titre de procuration du chèque

L’endossement à titre de procuration consiste à conférer un mandat de recouvrement de l’effet


objet de l’endossement. Il est soumis à certaines conditions (1) et produit des effets
particuliers (2).

1 – Les conditions de l’endossement à titre de procuration

L’endossement à titre de procuration doit se manifester, en plus de la signature de


l’endosseur, par la mention « valeur en recouvrement », « pour encaissement », « par
procuration » ou toute autre mention impliquant un simple mandat. L’exigence de cette
mention supplémentaire est justifiée par la présomption d’endossement translatif.

Dans la mesure où il s’agit d’un mandat de recouvrement, les règles du droit commun du
mandat sont applicables à l’endossement à titre de procuration. Il est ainsi admis que la

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capacité et le pouvoir exigés pour faire un tel endossement sont ceux requis pour accomplir
valablement les actes d’administration.

2 – Les effets de l’endossement à titre de procuration

L’endossement à titre de procuration consiste, pour l’endosseur, à conférer à l’endossataire un


mandat de recouvrement. La conséquence en est que l’endossataire, qui a ainsi reçu
procuration, est autorisé à exercer tous les droits découlant du chèque.

L’autre conséquence, liée à la nature de mandat de l’endossement à titre de procuration, est


que l’endossataire ne peut pas se voir opposer les moyens de défense nés de ses relations
personnelles avec le débiteur cambiaire.

Comme tout mandataire, l’endossataire est tenu de rendre compte de sa mission.


Concrètement, cette exigence se traduit par l’obligation qui est faite à la banque d’inscrire au
crédit du compte de son client le montant du chèque qui a été recouvré.

§3 – LE PAIEMENT DU CHEQUE

Le paiement du chèque est soumis à des règles dont l’étude conduit à s’interroger
successivement sur les garanties de paiement (A), la réalisation du paiement (B) et le défaut
de paiement (C).

A – Les garanties de paiement du chèque

Au-delà de la solidarité cambiaire, le porteur du chèque dispose des garanties de paiement qui
sont d’origine soit conventionnelle (1), soit légale (2).

1 – Les garanties conventionnelles du paiement du chèque

Trois techniques juridiques permettant de garantir conventionnellement le paiement du


chèque. La première est l’aval, alors que les deux autres sont la certification et le visa.

L’aval se définit comme un cautionnement cambiaire. Le principe est que le paiement d’un
chèque peut être garanti, pour tout ou partie de son montant, par un aval. Cette garantie est
fournie dans les mêmes conditions que dans la lettre de change. Bien entendu, en payant le
chèque, l’avaliste acquiert les droits résultant du chèque contre le signataire garanti et contre
tous ceux qui sont tenus envers ce dernier en vertu du chèque.

La certification du chèque est une mention apposée par le tiré sur le titre et par laquelle il
garantit l’existence de la provision et s’engage à la bloquer au profit du porteur du chèque. La
certification confère donc au porteur une sorte de privilège qui interdit au tiré de procéder à
d’autres paiements à son détriment. Cette garantie est cependant jugée fragile, en raison
notamment du fait elle n’est valable que pendant le délai de présentation.

Le visa apposé par le tiré sur le chèque constitue l’autre garantie de paiement du chèque qui
peut être consentie par le tiré. Toutefois, il consiste seulement à attester l’existence de la
provision au jour où le visa est donné et n’emporte pas pour le tiré l’obligation de bloquer la
provision. C’est donc dire que la garantie que confère le visa ne se résume qu’à la
connaissance que le porteur aura de l’existence de la provision.

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2 – Les garanties légales

Les établissements de crédit sont astreints à une obligation de vigilance dans la mise à la
disposition de leur clientèle de formules de chèques. Le non-accomplissement de celles-ci est
sanctionné par l’obligation légale qui est faite à la banque de payer, en dépit du défaut de
provision, les chèques alors émis. Ce qui représente une garante de paiement d’une grande
efficacité.

Deux hypothèses sont visées. Il y a d’abord le cas où banque a délivré des formules de
chèques sans consulter le fichier des incidents de paiement sur chèques et cartes de paiement
(article 228). L’autre hypothèse visée est celle où une banque a délivré des formules de
chèques à une personne qu’elle savait en état d’interdiction bancaire ou judiciaire d’émettre
des chèques.

B – La réalisation du paiement du chèque

Il faut évoquer successivement la présentation du chèque au paiement (1), les obligations


imposées au tiré (2) et les effets du paiement (3).

1 – La présentation du chèque au paiement

Le chèque est un titre payable à vue et toute mention contraire est réputée non écrite. La
conséquence en est qu’il peut être présenté au paiement dès son émission. Cette présentation
doit toutefois intervenir dans un délai légal fixé en fonction des circonstances. On distingue en
effet selon qu’il est payable sur une même place (8 jours), est émis et payable dans un pays de
la CEMAC (20 jours), est émis dans un pays de la communauté et payable dans un autre (45
jours) ou est émis hors de la CEMAC et payable dans un pays membre (60 jours).

Le lieu où le chèque doit être présenté au paiement du chèque ne suscite pas de difficultés.
Car, l’indication du lieu où le paiement doit avoir lieu fait partie des mentions obligatoires du
chèque. Toutefois, très souvent, le bénéficiaire d’un chèque ne se présente pas directement au
guichet d’une agence bancaire. Il procède à une remise auprès de sa propre banque qui
effectue alors le recouvrement. Il est à ce propos précisé que la présentation faite à la chambre
de compensation équivaut à la présentation au paiement.

2 – Les obligations imposées au tiré

Lorsqu’un chèque est présenté pour paiement, il est imposé au tiré à qui cette présentation est
faite un certain nombre d’obligations.

Le paiement du chèque devant être fait au porteur légitime, cela implique pour le tiré
l’obligation de s’assurer de la qualité du présentateur du chèque. La banque doit aussi vérifier
son identité et, éventuellement, ses pouvoirs, ainsi que la régularité formelle du titre.

Le paiement du chèque barré est en outre entouré de certaines particularités. En cas de


barrement général, le chèque ne peut être payé par le tiré qu’à un établissement habilité à être
tiré de chèque ou à un de ses clients. Si le barrement est en revanche spécial, le chèque ne
peut être payé qu’à l’établissement habilité désigné ou, si celui-ci est lui-même tiré, qu’à l’un
de ses clients.

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La banque est enfin tenue de payer le chèque dès lors qu’il existe sur le compte du tireur une
provision suffisante et disponible. Cette obligation de payer le chèque s’impose au tiré même
dans l’hypothèse de l’existence d’une provision partielle disponible.

3 – Les effets du paiement du chèque

Le paiement du chèque produit un double effet libératoire.

Le paiement du chèque a d’abord pour conséquence de libérer le tiré de son obligation,


notamment à l’égard du tireur. Il convient néanmoins de relever que cette libération du tiré est
conditionnée par l’absence d’opposition.

Le paiement du chèque a ensuite pour conséquence de libérer le tireur de son obligation vis-à-
vis du bénéficiaire. Cependant, ce n’est que le paiement effectif du chèque qui produit un effet
libératoire pour un débiteur. La seule remise d’un chèque, par un débiteur à son créancier, ne
vaut pas paiement.

C – Le défaut de paiement du chèque

Le tiré est autorisé à refuser le paiement lorsqu’il y a une opposition (1) ou lorsque la
provision n’a pas été constituée par le tireur (2).

1 – L’opposition au paiement du chèque

L’opposition est une interdiction qui est faite au tiré de payer le chèque qui lui sera présenté.
Elle n’est autorisée que dans quatre hypothèses : en cas de perte, en cas de vol, en cas
d’utilisation frauduleuse du chèque et en cas d’ouverture d’une procédure collective à
l’encontre du porteur. L’opposition n’est en principe soumise à aucune exigence de forme.
Celui qui s’oppose au paiement doit cependant confirmer immédiatement son opposition et en
indiquer le motif par écrit au tiré.

L’opposition au paiement du chèque a pour conséquence d’interdire au tiré de payer le chèque


qui lui est présenté pour encaissement. Il en résulte que la banque est tenue, dès la réception
de l’opposition, de bloquer la provision correspondant au chèque qui en est l’objet. Ce
blocage de la provision constitue donc pour le tiré une obligation légale.

Il y a sans doute la possibilité d’une mainlevée amiable donnée par celui qui s’est opposé au
paiement d’un chèque. Mais la loi envisage surtout la mainlevée judiciaire de l’opposition. Il
résulte précisément de ce texte que le juge des référés, sur demande du porteur, doit ordonner
la mainlevée de l’opposition si celle-ci est fondée sur une cause autre que celles qui sont
énumérées légalement.

2 – Le refus de paiement du chèque pour absence de provision

Le porteur à qui est opposé un refus de paiement à la présentation du chèque doit faire
constater ce non-paiement par protêt. Le porteur d’un chèque impayé qui ne fait pas dresser
protêt est considéré comme négligent. Cette négligence est sanctionnée par la perte de
l’exercice des recours contre les signataires du chèque.

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La procédure d’établissement du protêt est jugée lourde et onéreuse. Aussi certains
aménagements ont-ils été envisagés pour faciliter la constatation de l’émission de chèques
sans provision. Le règlement CEMAC prévoit ainsi la délivrance par la banque de certains
documents à la suite d’un incident de paiement résultant du défaut de provision (attestation de
rejet, certificat de non-paiement). Il convient cependant de bien souligner que l’établissement
de ces autres documents ne rend pas inutile le protêt.

Le porteur d’un chèque impayé bénéficie, à l’encontre des personnes obligées, de différents
recours cambiaires. L’exercice de ces recours peut bien entendu se faire à l’amiable. Mais il
est le plus souvent judiciaire. L’exercice des recours cambiaires par le porteur d’un chèque
impayé, notamment judiciaire, suppose l’absence de négligence du porteur et de prescription.

SECTION 2 - LES AUTRES INSTRUMENTS DE PAIEMENT

Les autres instruments de paiement en dehors du chèque, prévus par le règlement CEMAC,
sont le virement bancaire (§1) et les moyens de paiement électroniques (§2).

§1 – LE VIREMENT BANCAIRE

Le virement est une opération bancaire consistant à transférer une somme d’argent d’un
compte à un autre par un simple jeu d’écritures. Il en existe deux types : le virement classique
(A) et le prélèvement bancaire (B).

A – Le virement classique

La technique du virement repose sur deux opérations successives : l’émission d’un ordre de
virement (1) et l’exécution de celui-ci (2).

1 – L’émission de l’ordre de virement

L’ordre de virement est destiné à réaliser un transfert de fonds d’un compte bancaire au profit
d’un autre compte bancaire. La condition première, pour qu’il y ait virement, est de ce fait
l’existence de deux comptes bancaires. En effet, l’ordre de virement s’analyse techniquement
comme un mandat par lequel le titulaire du compte charge sa banque de le débiter d’un certain
montant et d’en créditer celui du bénéficiaire.

L’ordre de virement étant ainsi un mandat, il est soutenu qu’il peut être révoqué à tout
moment par le mandant. Il s’en déduit que l’ordre de virement émis, tant que la banque n’a
pas procédé à son exécution par le débit du compte, est révocable par le donneur d’ordre. La
banque est toutefois tenue d’accepter l’ordre émis par le titulaire du compte, lequel s’impose
donc à elle. Cette solution se justifie par le fait que la banque est tenue de restituer les fonds
reçus soit au déposant lui-même, soit à celui que ce dernier a désigné pour les recevoir.

2 – L’exécution du virement

Une fois l’ordre de virement parvenu à la banque, l’opération de virement se réalise en


pratique par un double jeu d’écritures. Le compte du donneur d’ordre est débité du montant
du virement, tandis que celui du bénéficiaire en est crédité. La banque doit s’assurer de
l’origine et de la régularité de l’ordre de virement. De même, elle doit veiller à une exécution
de l’ordre de virement conforme aux instructions du donneur d’ordre.

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A partir de la réalisation du virement, les fonds en question sont réputés être sortis du
patrimoine du donneur d’ordre. En d’autres termes, la propriété des sommes objet du virement
échappe désormais au donneur d’ordre. Il en résulte que c’est par la passation de l’écriture au
crédit du compte du bénéficiaire que s’achève l’opération de virement et que celui-ci devient
définitif. Cet effet translatif implique donc un effet libératoire.

Deux sortes d’incidents peuvent affecter l’exécution du virement: le retard dans l’exécution
du virement et la non-exécution du virement. Ainsi, lorsque l’exécution d’un virement accuse
un retard anormal, la banque est tenue de payer à son client de pénalités de retard. Les
virements qui ne sont pas menés à leur fin donnent quant à eux lieu, dans un délai de quatorze
jours ouvrables après la réception d’une demande, à la restitution au donneur d’ordre des
fonds en cause.

B – Le prélèvement bancaire

Le prélèvement bancaire est une forme particulière de virement se caractérisant par une
autorisation permanente donnée par un débiteur à un créancier déterminé et lui permettant de
prélever périodiquement des fonds de son compte bancaire. Il faut s’intéresser à la demande
de prélèvement (1) et à l’exécution de l’opération de prélèvement (2).

1 – La demande de prélèvement bancaire

La demande de prélèvement bancaire nécessite la délivrance par le débiteur titulaire d’un


compte bancaire d’une autorisation de prélèvement. Il s’agit en réalité d’une double
autorisation. Il y a d’abord une autorisation donnée par le titulaire d’un compte à son
créancier. Par cette autorisation, il permet son créancier de réclamer le paiement à
l’établissement teneur de son compte. En second lieu, le titulaire d’un compte autorise
l’établissement teneur dudit compte à débiter celui-ci d’un certain montant, à des périodes
déterminées, au profit de l’un de ses créanciers.

L’autorisation de prélèvement émise par le titulaire d’un compte bancaire est adressée au
créancier qui en est le bénéficiaire. C’est donc à ce dernier qu’il revient ensuite de saisir la
banque du titulaire du compte aux fins d’obtenir l’exécution de l’ordre donné par ce dernier.
Cette sorte de notification est faite par le moyen d’un avis de prélèvement. Il s’agit d’une
demande de paiement émise par le créancier et qui est destinée à l’établissement teneur du
compte de l’émetteur de l’autorisation de prélèvement.

2 – L’exécution du prélèvement bancaire

Le prélèvement bancaire est un dérivé de la technique du virement. Il s’ensuit que l’opération


de prélèvement est exécutée dans les mêmes conditions que l’opération de virement. La
différence entre les deux mécanismes ne se situe qu’au niveau de la préparation de l’opération
de transfert. Car, dans le prélèvement, c’est le créancier qui déclenche le paiement par
l’émission de l’avis de prélèvement.

L’exécution de l’avis de prélèvement peut ne pas être conduite à son terme. Il se peut d’abord
que le compte du débiteur soit insuffisamment provisionné. Dans ce cas de figure, la banque,
est en principe dans l’obligation de refuser d’exécuter l’avis de prélèvement. Il se peut
également que le titulaire du compte s’oppose à l’exécution du prélèvement. En sa qualité de

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mandataire, la banque est tenue de respecter l’opposition de son client en n’exécutant pas
l’avis de prélèvement.

§2 - LES MOYENS DE PAIEMENT ELECTRONIQUES

Le règlement CEMAC retient deux techniques de paiement pouvant être


qualifiées d’électroniques : la carte de paiement (A) et la monnaie électronique (B).

A – La carte de paiement

L’étude de la carte de paiement nécessite la présentation du système de paiement par carte (1)
avant de s’intéresser à la réalisation d’une telle opération de paiement (2).

1 – Le système de paiement par carte

Le paiement par carte met en rapport trois personnes : l’émetteur de la carte, le créancier,
encore appelé fournisseur, et le titulaire de la carte qui est aussi dit porteur. L’émetteur est
généralement une banque qui tient le compte du titulaire de la carte. Le créancier est, quant à
lui, un fournisseur de biens et de services qui accepte la carte comme moyen de paiement. Le
porteur est le consommateur.

Il existe trois types de cartes : les cartes de paiement, les cartes de crédit et les cartes de
retrait. La carte de paiement permet à son titulaire non seulement de procéder à des retraits
d’espèces, mais aussi de régler les fournisseurs de biens et de services liés à l’émetteur. La
carte de crédit, au-delà des fonctions dont est assortie la simple carte de paiement, ouvre à son
titulaire une ligne de crédit auprès de l’émetteur de la carte sur la base d’une convention
spécifique. La carte de retrait se limite au retrait d’espèces monétaires aux distributeurs ou
guichets automatiques.

Un système de paiement par carte nécessite l’existence d’un groupement sur lequel repose
l’ensemble du système. Les établissements émetteurs de cartes bancaires agissent en effet
dans le cadre d’une organisation commune. Ces réseaux nationaux adhèrent eux-mêmes à des
réseaux internationaux de cartes bancaires. Les plus connus d’entre eux sont les réseaux
d’origine américaine Visa et Mastercard.

2 – La réalisation du paiement par carte

Lorsque le porteur d’une carte de paiement veut procéder à un règlement au moyen de celle-
ci, il le fait en émettant un ordre de paiement par l’intermédiaire du fournisseur bénéficiaire
du règlement. L’émission par le porteur d’une carte d’un ordre de paiement revient à régler la
dette souscrite envers le fournisseur en acquérant des biens ou des services. Cependant, la
seule utilisation d’une carte de paiement n’emporte pas exécution de l’obligation de paiement
du titulaire de la carte à l’égard de son fournisseur. L’extinction de la créance du fournisseur
n’intervient qu’avec l’inscription définitive de la somme au crédit de son compte.

Il y a un principe d’irrévocabilité de l’ordre de paiement émis par le porteur d’une carte.


Autrement dit, le titulaire d’une carte de paiement ne peut plus révoquer l’ordre de paiement
qu’il a donné auprès d’un fournisseur. Ce qui écarte toute possibilité de remise en cause de
l’ordre de paiement. La contestation du paiement par carte peut cependant se faire par voie
d’opposition. Celle-ci est autorisée dans trois hypothèses : la perte ou du vol de la carte,

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l’utilisation frauduleuse de celle-ci et l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du
bénéficiaire du paiement.

B – La monnaie électronique

L’étude de la monnaie nécessite que l’on s’intéresse successivement à son émission (2) et à
son utilisation aux fins de paiement (3). Il importe toutefois de circonscrire, au préalable, cette
notion de monnaie électronique (1).

1 – La notion de monnaie électronique

L’expression « monnaie électronique » désigne des unités de valeur électroniques émises


contre la remise de fonds par un émetteur et enregistrées sur un support électronique. Le
transfert de ces unités de valeur électroniques permet d’exécuter des obligations de sommes
d’argent sans que cette opération engendre de mouvements sur les comptes bancaires
respectifs du débiteur et du créancier.

La circulation de la monnaie électronique s’effectue en général à travers trois sortes


d’instruments électroniques. La mémoire informatique peut en effet être incorporée dans une
carte fournie au porteur ou être incluse dans un ordinateur ou un téléphone portable. On parle
respectivement de porte-monnaie électronique, de porte monnaie virtuel et de mobile money.

2 – L’émission de la monnaie électronique

La réglementation communautaire détermine les établissements habilités à exercer en qualité


de prestataire de service de paiement et par conséquent à émettre la monnaie électronique.
Ainsi, l’activité d’émission de la monnaie électronique peut être exercée non seulement par
les établissements de crédit, par les établissements de micro-finance, mais aussi par des
établissements de paiement spécifiquement créés à cet effet.

Il ne suffit pas de justifier du statut d’établissement de crédit, d’établissement de micro-


finance ou d’établissement de paiement. L’établissement en cause doit en outre remplir
d’autres conditions. En particulier, l’exercice de cette activité est subordonné à l’obtention
préalable d’un agrément de l’autorité monétaire nationale.

3 – Le paiement par monnaie électronique

Pour procéder à un paiement auprès d’un tiers accepteur, le porteur d’un instrument de
paiement électronique doit le charger au préalable. Cette opération revient concrètement à
créditer l’instrument de paiement d’unités de valeur électroniques. D’une manière générale, la
capacité maximale de chargement d’un instrument de paiement électronique est plafonnée à
un montant correspondant aux unités de valeur électronique qui peuvent y être enregistrées.

La phase de paiement par monnaie électronique, à proprement parler, met en relation deux
acteurs que sont le consommateur porteur de l’instrument de paiement électronique et le
commerçant ou prestataire de services tiers accepteur. Elle se traduit par le transfert des unités
de valeur électronique du premier vers le second. En pratique, ce transfert est assuré par un
dialogue électronique entre l’instrument de paiement détenu par le porteur et le terminal dont
est équipé le tiers accepteur.

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