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TITRE II : LA REGLEMENTATION APPLICABLE A LA LETTRE DE CHANGE

La loi (le Règlement 15) assimile le billet à ordre à la lettre de change. Il s'agit de
deux techniques de paiement qui se distinguent du chèque en ce sens qu'elles sont
basées sur un élément essentiel : la date d'échéance.
Le chèque étant dépourvu de date d'échéance est qualifié exclusivement
d'instrument de paiement. A l'inverse la lettre de change et le billet à ordre
contiennent une date exprimant l'échéance à laquelle le paiement doit être fait. Il
suffit qu'il y ait un décalage entre la date d'émission et la date d'échéance pour qu'on
parle à la fois d'instrument de crédit et d'instrument de paiement.
La lettre de change et le billet à ordre sont tous les deux des instruments de
paiement à terme. La différence entre la lettre de change et le billet à ordre vient du
nombre de parties obligatoires à l'émission de ces deux titres. Dans la lettre de
change, il y a obligatoirement trois parties à la création : le tireur, son débiteur (le tiré)
et son créancier (le bénéficiaire). Dans le billet à ordre, la loi n'impose que deux
personnes : le tireur et son créancier : le bénéficiaire.
On en conclut que le billet à ordre n'est qu'une lettre de change dans laquelle le tireur
et le tiré sont juridiquement une seule et même personne. Comme tout instrument de
paiement à terme ou non, la lettre de change est soumise à des conditions
d'existence et à des conditions de paiement.

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CHAPITRE I: L'EXISTENCE DE LA LETTRE DE CHANGE

La mention du bénéficiaire étant obligatoire pour l'existence du titre, celle-ci va


dépendre de deux éléments: la création du document et la transmission automatique
du document.

SECTION I: LA CREATION DE LA LETTRE DE CHANGE

La création du titre exige la présence de trois personnes liées entre elles par des
rapports fondamentaux: le tireur, le tiré, et le bénéficiaire.
Le tireur crée le titre pour matérialiser sa créance sur le tiré, son débiteur. Il va
donner l'ordre à celui-ci de payer toute personne qui se présentera en ses lieu et
place. Etant lui-même débiteur d'un tiers, le tireur va désigner ce dernier sur le titre
en qualité de bénéficiaire, lui donnant ainsi le droit de réclamer le paiement au tiré
sur la base de l'ordre dont il est porteur.
On voit apparaitre le mécanisme fondamental de la lettre de change: l'achat pour
revendre (acte de commerce par excellence). A l'occasion d'une vente, le vendeur
pour se faire payer le prix d’une marchandise vendue, émet un titre sur l'acheteur. Le
vendeur est donc le tireur, l’acheteur est le tiré.
Ne disposant pas de la marchandise vendue, le tireur va s'adresser à un fournisseur
auprès duquel il va acheter la marchandise. Pour payer le prix de la marchandise, il
va remettre au fournisseur le titre tiré sur l'acheteur.
Devenu bénéficiaire du titre, le fournisseur va s'adresser à l'acheteur qui lui paiera le
prix de la marchandise à l'échéance convenue. Lorsque l'acheteur tiré paye, tous les
rapports juridiques s'éteignent.
Devant le succès et l'intérêt de ce mécanisme, la pratique bancaire va l'exploiter pour
faire de la lettre de change un instrument de crédit par excellence. Les banquiers,
fournisseurs de crédit, sont devenus tirés ou porteur de lettre de change pour
permettre à leurs clients d’obtenir des fonds pour l'exercice de leur activité. La lettre
de change s'est transformée en un instrument de garantie du crédit que le client de la
banque obtiendra auprès de tiers.
Mais quelque soit la finalité de la création du titre, celui-ci doit obéir pour être valable
à des conditions de forme (relatives au titre) et des conditions de fond (relatives aux
personnes).

PARAGRAPHE I: LES CONDITIONS DE FORME

On retrouve les mêmes principes qu'en matière de chèque. D'une part, la loi
énumère les mentions obligatoires (A). D’autre part, elle n’interdit pas aux parties
d’insérer des mentions en fonction de leurs objectifs spécifiques (B).

A- Les mentions obligatoires

L'article 149 énumère une série de mentions qui doivent figurer sur le titre(1) et
prononce lui-même les sanctions en cas de non-respect de l'énumération légale(2).

1-L'énumération légale

Les mentions obligatoires sont au nombre de huit (8):

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1. La dénomination "Lettre de Change"
Ces trois mots « Lettre de Change » doivent apparaitre dans le texte même du titre et
doivent être exprimés dans la langue utilisée pour la rédaction. Cette précision est
importante pour la lettre de change parce que la fabrication du support, c’est-à-dire la
formule de lettre de change, n'est pas normalisée. Il ne suffit donc pas d'avoir en
entête du document les mots « Lettre de change » pour respecter cette indication
légale. En pratique, en effet, c’est la personne à qui profite la lettre de change qui
fabrique elle-même la formule de lettre de change pour obtenir un paiement.

2. Le mandat pur et simple de payer une somme déterminée.


Dans la pratique, ce mandat se traduit par une mention non équivoque de paiement
dans laquelle il ressort un ordre de délivrer une somme d'argent à la personne qui se
sert du titre à cette fin. La mention la plus souhaitable est: « veuillez payer ». Cette
mention a un lien avec la précédente en ce sens qu'elles forment un tout. On trouve
alors la mention: « Veuillez payer contre cette lettre de change à l'ordre de… »,
suivie du chiffre exprimant la valeur de la somme.
Le mandat doit être pur et simple. Il est interdit de stipuler une condition sur le titre.
La seule exception admise en pratique est la lettre de change utilisée dans le
commerce international. Elle prend le nom de « traite documentaire », pour exprimer
l'obligation pour le porteur de produire un certain nombre de documents avant
d'obtenir le paiement de la somme d'argent. C'est le crédit documentaire.
Le mandat doit porter sur une somme déterminée. Il est interdit de faire figurer des
intérêts sur le titre, mais il n'est pas interdit d'intégrer les intérêts dans la somme
définitive à payer.
Pour éviter toute équivoque, la pratique fait figurer la somme en lettres et en chiffres.
En cas de divergence entre ces deux formes de présentation de la somme à payer,
c’est la somme écrite en lettres qui prévaut.

3. Le nom de celui qui doit payer (le tiré)


Pour que cette mention soit satisfaite, il faut que le nom patronymique ou à défaut le
nom commercial du tiré figure sur le titre. La signature du tiré, même si elle contient
un nom, ne suffit pas. En pratique, le tiré est une banque bien que la loi ne l'impose
pas. C'est le mécanisme de la domiciliation qui fait que les banquiers sont tirés pour
compte du véritable débiteur de la lettre de change. Le Règlement 15 a alors imposé
une normalisation de la domiciliation bancaire.
La loi admet que le tireur puisse se désigner lui-même comme tiré. Il s'agit en réalité
d'un billet à ordre.

4. L'indication de l'échéance
C'est la date à laquelle le bénéficiaire du titre doit se présenter au paiement. Le
Règlement 15 donne aux parties le choix entre plusieurs modalités de fixation de
l'échéance.
Première modalité : Il n'y a aucune date précise sur le titre. La lettre de change est
stipulée payable à vue. La date de présentation au paiement est la date que choisit
librement le porteur.
Deuxième modalité : La lettre de change est payable à un certain délai de vue. La
date d'échéance est alors fixée par le délai qui court à compter de la première
présentation au paiement. Le porteur est donc obligé de se présenter deux fois au

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paiement. Une première fois pour faire courir le délai, une seconde fois pour obtenir
le paiement à l'expiration du délai.
Troisième modalité : La lettre de change est payable à un certain délai de date. C'est
la même hypothèse que la modalité précédente, sauf que c'est la date d'émission qui
fait courir le délai de présentation au paiement. En pratique, on rencontre des
mentions du genre « 10 jours fin du mois ». Cela signifie que le porteur a 10 jours à
compter de la fin du mois qui suit la date d'émission pour se présenter au paiement.
Quatrième modalité : La lettre de change est payable à jour fixe. Le tireur indique la
date précise à laquelle le porteur sera tenu de se présenter au paiement. Toute
présentation anticipée ou postérieure à la date indiquée est interdite.
On voit apparaitre l'intérêt de la date d'échéance. D'une part, elle permet de faire la
différence entre l'utilisation de la lettre de change comme instrument de crédit et
l'utilisation de la lettre de change comme instrument de paiement au même titre que
le chèque. D'autre part, elle est une mention fondamentale pour vérifier que le
porteur a exécuté lui-même ses obligations conformément à la volonté des parties
exprimée dans les rapports fondamentaux.

5. L'indication du lieu ou le paiement doit s'effectuer


C'est l'endroit désigné sur le titre où le porteur doit se présenter physiquement pour
recevoir la somme d'argent, mention obligatoire. En raison de la modernisation de
cet instrument de paiement, le lieu de paiement est l'agence bancaire du débiteur du
tireur, c’est-à-dire le tiré.

6. L'indication du nom de celui auquel ou à l'ordre duquel le paiement doit être fait.
C'est le bénéficiaire. Il s'agit en réalité du créancier du tireur ou d'un endosseur du
titre. Le nom du bénéficiaire est une mention obligatoire dont l'omission entraine la
nullité du titre. Pour éviter cette conséquence, la loi autorise le tireur à se désigner
lui-même comme bénéficiaire et à endosser immédiatement le titre en blanc du nom
de l'endossataire.

7. L'indication de la date et du lieu ou la lettre de change a été créée


Ces deux mentions vont de paire parce qu'elles jouent un rôle sur la détermination
de la loi applicable à la lettre de change dans les rapports internationaux. La loi
applicable au fond sera celle du lieu de création. La loi applicable aux personnes
sera celle qui permet de déterminer la capacité et les pouvoirs du tireur de la lettre de
change.

8. La signature de celui qui émet la lettre de change (le tireur)


Par signature il faut entendre tout procédé qui permet d'identifier la personne qui a le
droit d'émettre la lettre de change en question. La loi n'exige pas que le nom
patronymique du tireur figure sur le titre, mais en pratique et suite à la domiciliation
bancaire, le tireur est obligé d'apposer son nom patronymique sur le titre et de le
faire suivre par sa signature. Celle-ci peut être manuscrite ou relever de tout procédé
non-manuscrit.

2- Les sanctions en cas de non-respect de l'énumération légale


Selon l'article 149, le titre dans lequel une des mentions obligatoires indiquées fait
défaut ne vaut pas lettre de change. Mais ce texte ajoute aussitôt des restrictions à
ce principe. Il faut donc en pratique distinguer selon la nature des atteintes portées à

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l'obligation de respecter l'énumération légale. Il peut s'agir d'une omission, d’une
incertitude, ou d'une altération des mentions obligatoires.

a- Les sanctions en cas d'omission des mentions obligatoires


Si on s'en tient à l'article 149 du Règlement 15, la sanction automatique est la nullité
du titre en tant que lettre de change. On en tire alors la conséquence que le titre ne
perd pas toute valeur juridique. Il peut être utilisé autrement par les parties en
fonction des mentions qui y figurent. Le titre peut être considéré comme une
reconnaissance de dette civile ou commerciale, ou servir de commencement de
preuve par écrit des engagements souscrits par les signataires (personnes dont la
signature figure sur le titre).Cela veut dire que la nullité n'est pas la panacée. La loi
elle-même remet en cause son propre principe en validant le titre dans lequel
certaines mentions font défaut. La pratique aidée par la jurisprudence s'est autorisée
à valider une lettre de change incomplète.

a1--Les dispositions légales empêchant la nullité


L'article 149 utilise certaines mentions qui figurent sur le titre, pour décider que
l'omission des autres mentions n'entraine pas la nullité de la lettre de change. C'est
la « suppléance légale ». Une mention figurant sur le titre joue non-seulement son
propre rôle, mais aussi celui d'une mention omise. La loi énumère les cas de
suppléance.
D'abord, lorsque la date d'échéance fait défaut, on considère qu'il s'agit d'une lettre
de change payable à vue, bien que les parties ne l'aient pas décidé.
Ensuite en cas d'omission du lieu de paiement, c’est le domicile du tiré qui sert de
lieu de paiement: c'est la domiciliation d'office. Le domicile du tiré est alors toute
adresse figurant à coté de son nom (même une boite postale suffit).
Enfin, lorsque c'est le lieu de création qui fait défaut, c’est le lieu indiquant le domicile
du tireur qui joue ce rôle.
Il faut tout de même remarquer que ces deux dernières hypothèses de suppléance
légale font intervenir des mentions qui ne figurent pas expressément sur le titre, en
qualité de mentions obligatoires. Il est vrai qu'il s'agit de situations que l'on peut
considérer comme secondaires dès lors qu'elles concernent des mentions qui ne
remettent pas en cause le principe du droit au paiement incorporé dans le titre. Elles
ne concernent que des modalités de mise en œuvre de ce droit au paiement.

a2-- Les dispositions tirées de la pratique empêchant la nullité

Lorsque l'omission concerne les mentions non-couvertes par la suppléance légale, le


principe de la nullité du titre en tant que lettre de change devrait s'appliquer dans
toute sa rigueur. Mais la pratique s'est autorisée à ajouter les mentions omises, afin
que le titre retrouve sa valeur juridique d'instrument de paiement. C'est le mécanisme
de la régularisation dont la jurisprudence a fixé les conditions:
Première condition: Un accord préalable sur le principe de la régularisation. La
jurisprudence interprète cette condition de manière très large. L'accord peut être
exprès ou tacite. Il peut se déduire des usages, de la profession ou même du
comportement des parties. Mais l'exigence de l'accord préalable demeure. A défaut,
la jurisprudence considère qu'il y a abus de droit de la part de celui qui ajoute les
mentions.
Deuxième condition: La régularisation doit être effective. C’est-à-dire que non
seulement la mention omise à l'origine doit apparaitre sur le titre avant la

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présentation au paiement, mais aussi qu'elle doit être conforme à l'accord préalable.
Il y a abus de droit si la partie qui ajoute les mentions excède les termes de l'accord
de principe.
Troisième condition: La régularisation ne doit porter que sur des mentions non-
essentielles.
Cette dernière condition ne fait pas l'unanimité en jurisprudence. Certains arrêts
adoptent des solutions larges en considérant que toutes les mentions, sans
exception, peuvent faire l'objet de régularisation, dès lors que la loi n'a établi aucune
hiérarchie entre les huit mentions obligatoires. L'essentiel est que l'ajout des
mentions ne se fasse pas contrairement à la volonté des parties.
Une autre partie de la jurisprudence estime que seules les mentions qui ne portent
pas atteinte à l'existence de l'engagement des parties, peuvent faire l'objet de
régularisation effective. Les mentions touchant aux modalités des engagements sont
régularisables. Les mentions touchant à l'obligation de payer ne peuvent pas être
régularisées. C'est une application stricte des hypothèses de suppléance légale.
Entre ces deux jurisprudences, la tendance moderne est de ne pas entrer dans une
distinction basée sur la valeur juridique des mentions obligatoires. Elle exige
simplement la réunion des deux conditions précédentes et elle veille à ce que l'ajout
des mentions soit effectivement intervenu avant la présentation au paiement.
Toutefois la jurisprudence moderne interprète restrictivement la notion de partie à
l'accord de régularisation. Seules les parties à la création du titre peuvent le
régulariser.

b- Les sanctions en cas d'inexactitude des mentions obligatoires


Dans cette hypothèse, toutes les mentions figurent bien sur le titre mais certaines ne
sont pas conformes à la réalité. On dit qu’il y a vice caché. En pratique, l'inexactitude
concerne le nom des parties, leur signature ou leur qualité, mais aussi les dates de
création et d'échéance. La jurisprudence considère qu'il y a supposition de mentions
et traite cette hypothèse comme un cas de simulation. Elle applique donc la théorie
de la simulation du droit civil combinée à certaines règles propres du droit des
instruments de paiement.

Premièrement, la simulation n'entraine pas systématiquement la nullité du titre en


tant que lettre de change. Les parties sont admises à se prévaloir du formalisme
cambiaire pour considérer que le titre a la valeur d'une lettre de change à leur égard.

Deuxièmement, la portée de la simulation varie en fonction des rapports en cause :


- Dans les relations entre les concernés par l’inexactitude, l’une des parties peut
faire valoir la situation réelle sur le formalisme apparaissant sur le titre. Les
tiers qui ont connaissance du vice caché sont traités de la même manière.
- Dans les rapports des parties avec les tiers de bonne foi, l’apparence du titre
prévaut sur les vices cachés. Toutefois, le tiers de bonne foi peut choisir de se
prévaloir des vices cachés et non des mentions apparentes, si cela est dans
son intérêt.
- Dans tous les cas, les parties ne sont pas admises à se prévaloir devant les
tiers de la simulation qui concerne un autre signataire. En vertu du principe de
l'indépendance des signatures, si la lettre de change contient des signatures
fausses ou des signatures de personnes imaginaires, les personnes qui ont
apposé leur signature en toute régularité restent tenues.

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c- Les sanctions en cas d'altération des mentions obligatoires
L'altération se définit comme une modification matérielle apportée à une mention
figurant sur le titre régulier en la forme. L'article 222 R 15 reprend la solution
traditionnelle selon laquelle l'engagement des signataires dépend du moment auquel
l'altération s'est produite :
- les personnes qui ont signé avant l'altération sont tenues dans les termes du
texte originaire.
- les personnes qui ont signé après sont tenues dans les termes du texte altéré.
- le signataire qui s'est rendu complice de l'altération sera tenu dans les termes
du texte altéré, quand bien même sa signature est antérieure à l'altération.
La jurisprudence est intervenue pour préciser la notion d'altération. D'une part, celle-
ci doit intervenir en dehors de tout accord entre les parties. D'autre part, elle n’est
prise en compte que si elle touche une mention obligatoire. Il n'y a pas altération si la
modification intervient d'accord parties ou si elle ne touche qu'une mention
facultative.

B- Les mentions facultatives


On les appelle ainsi pour les différencier des mentions énumérées à l'article 149 R
15, mais certaines d'entre elles sont aussi importantes que les mentions de l'article
149 R 15, en ce sens qu'elles conditionnent le dénouement de la lettre de change.
La pratique a fait de certaines d'entre elles des mentions indispensables. On peut
donc classer les mentions facultatives en fonction du rôle qu'elles jouent dans le
paiement de la lettre de change. Certaines mentions touchent à l'obligation de payer,
d’autres établissent un lien entre l’obligation de payer et sa cause. Certaines
mentions enfin, assurent une garantie de paiement.

1-les mentions touchant à l'obligation de payer

Première clause : La clause de domiciliation.


Elle indique un lieu de paiement autre que le domicile du tiré, en ce sens que c'est un
lieu où il a domicilié ses revenus. En pratique, il s'agit de la domiciliation bancaire.
Cela veut dire que le porteur du titre doit se présenter à cet endroit pour recevoir le
paiement. C'est aussi à cet endroit que doit se vérifier l'existence de la provision.
C'est encore à cet endroit que doit se constater le défaut de paiement.

Seconde clause : La clause de retour sans frais ou clause sans protêt.


Cette clause dispense le porteur de faire constater le défaut de paiement par le tiré.
Elle est aussi utilisée pour dispenser le porteur de faire constater le refus
d'acceptation opposé par le tiré. Elle est utile pour toutes les parties signataires
parce qu'elle n'augmente pas la somme à payer en cas d'incident dans le processus
de paiement.

Troisième clause : La clause contre acceptation.


C'est un moyen pour le tireur d'obliger le porteur à présenter le titre à l'acceptation du
tiré avant de réclamer le paiement. Elle est utile pour le tireur qui veut vérifier que le
tiré se reconnait personnellement débiteur de la lettre de change. Elle est aussi utile
pour le porteur car elle permet de certifier l'existence de la provision avant
l'échéance.
On trouve aussi la clause inverse dite clause de défense d'acceptation. Le tireur ou
le tiré interdisent au porteur de présenter le titre à l'acceptation. C'est une manière de

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remettre en cause l'existence de la provision, en la liant à l'obligation pour le porteur
d’en fournir la valeur.

Quatrième clause : La clause contre documents.


Le tireur et le tiré obligent le porteur à présenter certains documents avant d'obtenir
le paiement. Cette clause est utile parce qu'elle permet de vérifier que la personne
qui se présente au paiement en a bien le droit. Cette clause se rencontre le plus
souvent dans le commerce international.

Cinquième clause : La clause contre avis.


Elle oblige le porteur à demander l'avis préalable du tireur avant de s'adresser au tiré
pour obtenir le paiement. Elle sert donc à vérifier l'existence de la provision et
l'exécution de ses obligations par le porteur avant de réclamer le paiement.

2-Les clauses établissant un lien entre l’obligation de payer et sa cause


L'obligation qui nait du titre s'appelle « obligation cambiaire ». Elle résulte de la
signature apposée sur le document, mais elle prend son origine dans le rapport
juridique qui a prévu l'apposition de la signature sur le titre comme moyen de
paiement. C'est donc ce rapport juridique qui explique l'existence de la signature sur
le titre.

Première clause : la clause relative à la valeur fournie.


La valeur fournie est l'obligation du porteur de la lettre de change envers le tireur ou
l'endosseur. C'est l'exécution de cette obligation qui fait du créancier du tireur ou de
l’endosseur, le porteur du titre et qui lui donne le droit au paiement. Cette clause
permet donc de se renseigner sur le motif de la création de la lettre de change et sur
les raisons de transmission du titre aux porteurs successifs. Le futur porteur peut
donc savoir si les engagements des signataires précédents sont sérieux.

Seconde clause : La clause relative à la provision.


La provision se définit comme la valeur de la créance du tireur sur le tiré à l'échéance
du titre. La clause indique donc la cause de la création du titre par le tireur sur le tiré.
Elle permet de vérifier si cette cause est sérieuse et quelle est la véritable origine de
la créance du tireur sur le tiré. Par exemple, on trouve comme type de clause
« provision en marchandises » ou encore « provision en ouverture de crédit ».

Troisième clause : Les clauses assurant les garanties de paiement.


Par ces clauses, une personne non partie à la création du titre va s'engager à en
assurer le paiement. Il s'agit de la clause d'aval et de la clause de recommandation.
La clause d'aval oblige un des signataires à présenter un autre signataire à titre
d'aval, avant de transmettre le titre au bénéficiaire.
La clause de recommandation oblige un tiers à accepter de payer le titre à la place
du tiré.
La différence entre ces deux clauses est que l'aval concerne tous les signataires y
compris le tiré accepteur, alors que la recommandation ne concerne que le tiré non-
accepteur.

A coté de ces clauses qui touchent à l'obligation de payer, on trouve des clauses
qualifiées de résiduelles parce qu'elles ne concernent que les modalités de création
ou de circulation du titre.

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Exemples:
- la clause non à ordre par laquelle le tireur interdit au bénéficiaire de
transmettre le titre par la voie d'endossement. Seule la cession de créance
ordinaire est possible.
- la clause non endossable interdit aux porteurs d'endosser le titre au profit d'un
nouvel endossataire. Toutefois, le porteur peut endosser le titre mais les
signataires antérieurs ne pourront pas être poursuivis par le nouveau
bénéficiaire.
- la clause dite de non garantie: quand elle est insérée par le tireur, elle
concerne la garantie d'acceptation, mais jamais la garantie de paiement.
Quand elle est insérée par un endosseur, elle concerne la garantie
d'acceptation et la garantie de paiement.

PARAGRAPHE II: LES CONDITIONS DE FOND (OU CONDITIONS RELATIVES


AUX PERSONNES)

La lettre de change met en présence, à sa création, trois personnes liées entre elles
par des relations juridiques particulières: le tireur créancier du tiré, le tireur débiteur
du bénéficiaire. Le tireur donne l'ordre au tiré de payer le bénéficiaire. Le tiré prend
l'engagement d'exécuter le paiement au profit du bénéficiaire. Le tireur et le tiré
matérialisent leur engagement par une signature sur le titre.
Le bénéficiaire peut se servir du titre pour payer ses propres dettes. Il appose à son
tour sa signature sur le titre, il prend la qualité d'endosseur.
Enfin pour garantir le paiement, des personnes extérieures à la création et à la
circulation du titre peuvent s'engager en apposant leur signature sur la lettre de
change.
On en déduit que le point commun entre toutes les personnes engagées au
paiement du titre est la signature. Les conditions de fond de la lettre de change
seront donc relatives à la validité de la signature apposée sur le document. Pour
qu'une signature soit valable et produise des effets de droit, il faut que le signataire
soit juridiquement capable (A) et qu'il ait le pouvoir d'exécuter un paiement (B)

A- La capacité du signataire
La lettre de change est un acte de commerce par la forme. La signature d'une lettre
de change est donc un acte de commerce. On en déduit que le signataire doit avoir
la capacité de faire des actes de commerce. On retrouve les problèmes liés à
l'exercice d'une activité commerciale par le mineur (1) et le majeur incapable (2).
1-La situation du mineur
Selon l'article 153, les lettres de change souscrites par les mineurs non-négociants
sont nulles à leur égard sauf les droits respectifs des parties conformément au droit
commun.
On en tire deux conséquences :
- Il s'agit des mineurs non négociants: la minorité s'apprécie par rapport du droit
commercial et non par rapport au droit civil. On applique donc les exigences de l'Acte
Uniforme de l'OHADA sur le droit commercial général.
- Il s'agit d'une nullité de protection, une nullité relative. Seul le mineur peut s'en
prévaloir. Le mineur peut opposer sa minorité au porteur, même si celui-ci est de
bonne foi. Les autres signataires ne peuvent pas invoquer la signature du mineur
pour demander la nullité de la lettre de change: c'est une application du principe de
l'indépendance des signatures. Toutefois la protection du mineur est limitée. Le

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signataire concerné peut engager la responsabilité du mineur sur le terrain du droit
commun. Il est fondé à invoquer l'enrichissement sans cause du mineur ou encore la
rescision pour lésion de l'acte passé par le mineur. Dans ce cas, on applique les
principes de la loi de 1970 sur la minorité.

2-La situation des majeurs incapables


On retrouve la distinction fondamentale entre le majeur sous tutelle et le majeur sous
curatelle. Le premier est frappé d'une incapacité totale : il ne peut en aucun cas
signer de lettre de change. Le second peut signer une lettre de change avec
l'assistance de son curateur. On lui appliquera alors le régime juridique prévu pour
les mineurs non négociants.

B Les pouvoirs du signataire


Cette question ne se pose que dans l'hypothèse ou la personne qui appose
matériellement sa signature sur le titre n'agit pas pour elle-même, mais pour le
compte d'autrui. On se demande qui du signataire ou d'autrui est engagé dans le
paiement de la lettre de change. La solution varie en fonction du cadre dans lequel la
signature est apposée sur le titre. Le Règlement 15 n'envisage à priori qu'une seule
hypothèse. L'article 150 dit que la lettre de change peut-être tirée pour le compte
d'un tiers. La pratique montre que cette hypothèse recouvre deux réalités. D'une part,
le tiers peut révéler le mandat qu'il a confié au signataire : c'est le tirage par
mandataire (1). D'autre part, le tiers qui donne le mandat peut ne pas révéler son
identité aux autres parties concernées par la lettre de change: c'est ce que la
pratique appelle le tirage pour compte (2).

1-Le tirage par mandataire :


La signature sur le titre fait apparaitre que son auteur agit par procuration. Il y a donc
un contrat de mandat entre le signataire et la personne désignée comme tireur ou tiré
sur le titre en tant que mention obligatoire. En pratique, cela concerne les employés
du tireur ou du tiré ou les mandataires statutaires ou légaux du tireur ou du tiré. Ces
personnes exercent un mandat de représentation.
En conséquence, le signataire n'est pas personnellement tenu sur le terrain du droit
cambiaire, en vertu de sa propre signature. C'est le mandant qui sera tenu de
l'obligation cambiaire alors que sa signature ne figure pas sur le titre.
Le règlement 15 prévoit alors des sanctions en cas d'abus de signature par le
mandataire. Ainsi le mandataire qui aurait dépassé les pouvoirs ou qui se serait
prévalu faussement de cette qualité, sera tenu sur le plan cambiaire, le mandant
présumé n'étant pas engagé.
Mais la jurisprudence est intervenue pour tempérer cette solution:
Premier tempérament : elle applique la théorie du mandat apparent.
Le mandant sera engagé par le prétendu mandataire, s’il a connu ou ratifié les
agissements du soi-disant mandataire.
Deuxième tempérament : le mandant reste tenu dans les limites du pouvoir accordé
au mandataire. Le mandataire répond des actes dépassant son pouvoir, le mandant
étant engagé conformément au pouvoir réellement conféré au mandataire.
Troisième tempérament : lorsque le dépassement ou l'absence de pouvoir intervient
dans le cadre des activités d'une personne morale, la personne engagée est soit la
personne morale elle-même, soit la personne qui a délégué son pouvoir à un tiers.
Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des mandataires ne sont pas opposables
aux tiers. En conséquence, si le représentant officiel a dépassé ses pouvoirs, la

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personne morale reste tenue sur le terrain du droit cambiaire : c'est l'application des
principes prévus par l'Acte Uniforme de l'OHADA sur les sociétés commerciales et le
GIE.
Par ailleurs, le dirigeant, mandataire légal ou statutaire d'une personne morale qui a
confié son pouvoir à une personne non-reconnue par la personne morale, sera
personnellement tenu des dépassements de pouvoir dont le signataire s'est rendu
coupable. Cette solution s'explique parce que la qualité de mandataire ne se délègue
pas. Le seul mandataire est la personne investie comme telle par les statuts ou par la
loi.

2- Le tirage pour compte


C'est l'hypothèse prévue par l'article 150 du Règlement 15. Mais la jurisprudence a
réservé cette application à la situation dans laquelle le mandat n'est pas révélé aux
tiers. Cela veut dire que la personne qui signe sur le titre n'indique pas qu'elle n'est
pas le véritable créancier du tiré ou qu'elle n'est pas le véritable débiteur du tireur. Le
mandataire se présente comme ayant personnellement le droit de signer sur le titre.
Rien n'indique sur le titre la présence du véritable concerné.

Le tirage pour compte met donc en présence trois personnes :


- le mandant caché ou donneur d'ordre, et dont le nom ou l'identité n'est pas révélé.
- le signataire matériel du titre dont l'identité est révélée.
- le tiers qui a traité avec ces deux personnes et qui est généralement le bénéficiaire
de la lettre de change.
Les solutions varient en fonction des rapports envisagés:

a--Dans les rapports entre le signataire et le bénéficiaire


Le bénéficiaire a le droit de poursuivre le signataire sur la base de la lettre de
change. L'obligation cambiaire étant exclusivement basée sur la signature, le
bénéficiaire n'a aucune action cambiaire contre le donneur d'ordre.
b--Dans les rapports entre le donneur d'ordre et le tiré de la lettre de change
On applique les règles du mandat. En effet, le donneur d'ordre est le véritable
créancier du tiré. Le signataire n'est que le mandataire du donneur d'ordre. Le tiré
peut donc se prévaloir de ce mandat pour refuser de payer le titre présenté par le
mandataire du donneur d'ordre. Le tiré a le droit d'invoquer l'absence de provision
pour ne pas payer le mandataire et s'il paye, il a le droit de se retourner contre le
donneur d'ordre pour obtenir le remboursement des sommes payées sans provision.
Cette solution s'explique parce que le contrat qui lie le donneur d'ordre au tiré
accepteur de la lettre de change, ne disparait pas avec la création du titre. On dit que
la création de la lettre de change n'emporte pas novation des rapports préexistants.

c--Dans les rapports entre le donneur d'ordre et le signataire


On applique aussi les règles du mandat. Le signataire pour compte répond à l'égard
du donneur d'ordre des fautes commises dans l'exécution de son mandat. S'il a payé
le titre pour le compte du donneur d'ordre, alors que cela ne rentre pas dans son
mandat, il n'a aucune action contre le donneur d'ordre, ni sur le terrain cambiaire ni
sur le terrain du droit commun.

d--Dans les rapports entre le signataire pour compte et le tiré accepteur


En principe, il n'y a aucun lien de droit au préalable entre ces deux personnes. Le
signataire pour compte demeuré porteur du titre n'a pas d'action contre le tiré

11
demeuré accepteur. Celui-ci peut lui opposer l'absence de provision qui aurait du être
fournie par le donneur d'ordre. Inversement, si le tiré accepteur a payé le signataire
porteur sans avoir reçu de provision, il ne peut pas se retourner contre le signataire
pour compte. Le tiré accepteur qui a payé n'étant pas le cocontractant du signataire
pour compte, il n'a aucune action contre lui que ce soit sur la base du droit cambiaire
ou sur la base de la convention de tirage pour compte. Le tiré accepteur ne dispose
de recours que contre le donneur d'ordre, son cocontractant.

SECTION II : LA TRANSMISSION DE LA LETTRE DE CHANGE

C’est le second évènement marquant l’existence juridique du titre. Le bénéficiaire est


partie à la création du titre. Il s’agit du créancier du tireur, à qui ce dernier va remettre
le titre comme moyen d’extinction de sa dette. Pour transmettre le titre, il faut recourir
à une formule juridique qui permettra à ce créancier de devenir propriétaire de la
créance que le tireur détient lui-même sur le tiré et qu’on appelle « provision ».
Cependant le tireur demeure créancier du tiré et le bénéficiaire peut toujours exiger du
tireur le paiement de sa dette sur la base de la créance initiale appelée « valeur
fournie ».
La question est de trouver le mécanisme qui permet ce double résultat juridique. Ce
mécanisme est l’endossement. Il se compose d’une signature sur le titre, suivie d’une
mention spéciale appelée « formule d’endos ». Cette formule existe déjà dans les
mentions obligatoires. C’est l’ordre donné par le tireur au tiré, de payer le bénéficiaire
du titre. Disposant du droit de recevoir un paiement, le bénéficiaire peut à son tour,
par la même formule, transférer son droit au paiement à son propre créancier .Le titre
pourra ainsi circuler d’un bénéficiaire à l’autre.

Le débat se transporte alors sur le terrain de l’étendue du droit transféré au


bénéficiaire. La loi prévoit deux hypothèses :
--Soit la formule d’endos fait du bénéficiaire le titulaire exclusif de la créance du tireur
sur le tiré. L’endossement est dit translatif.
--Soit la formule d’endos ne transfère qu’une partie des droits sur la créance : on parle
d’endossement non-translatif.

PARAGRAPHE I : L’ENDOSSEMENT TRANSLATIF


On le qualifie aussi d’endossement à titre de propriété. Cela veut dire que le
bénéficiaire de l’endossement ou l’endossataire devient titulaire de tous les droits
résultants de la lettre de change. Mais pour produire cet effet (B), l’endossement
translatif doit obéir à certaines conditions (A).

A- Les conditions de l’endossement translatif


On distingue les conditions de forme (1) des conditions de fond (2).

1-Les conditions de forme


Il s’agit des mentions qui doivent être portées sur le titre pour réaliser un
endossement translatif. Les conditions de forme concernent donc les modalités
d’endossement (a), la formule d’endossement(b) et la date de l’endossement (c).

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a- Les conditions relatives aux modalités
C’est la manière de désigner l’endossataire dans la formule d’endossement. La loi
prévoit trois modalités de désignation de l’endossataire :

1- L’endossement à personne dénommée


Il s’agit d’inscrire sur le titre dans la formule à ordre, le nom de la personne qui
pourra se prévaloir de cet ordre pour obtenir le paiement. En pratique, on fait figurer
le nom patronymique de la personne concernée.
C’est une mention obligatoire lorsque le signataire.de l’ordre est le tireur lui-même.
En effet, le nom du bénéficiaire doit figurer sur le titre à peine de nullité de la lettre de
change elle-même. Lorsqu’il s’agit d’une personne qui reçoit le titre des mains du
premier bénéficiaire, le nom n’est plus une mention obligatoire. Il faut donc distinguer
entre la désignation du premier bénéficiaire, mention obligatoire, et la désignation de
l’endossataire, mention non obligatoire.
L’intérêt de désigner nommément l’endossataire est de vérifier que cette personne
est bien le créancier de celui qui a signé le titre en qualité d’endosseur. La loi prévoit
que l’endossataire peut être un précédent signataire. Le tireur, le tiré accepteur,
l’endosseur, le donneur d’aval ou tout intervenant peut être désigné nommément
comme endossataire.

2- L’endossement en blanc
Dans ce cas, la formule d’endos contient uniquement la signature de l’endosseur.
Aucun nom ne figure à la place réservée à l’endossataire. L’intérêt de cette modalité
est de pouvoir faire circuler le titre par la technique juridique de la tradition : la remise
du titre de la main à la main. L’endossataire n’est pas obligé de se transformer en
endosseur pour transmettre à son tour le titre.
On se demande si on peut parler juridiquement d’endossement. La lettre de change
se transforme en un billet de banque qui circule sans que le bénéficiaire soit obligé
de signer sur le titre.
Toutefois le détenteur du titre peut le transmettre en y apposant sa signature.
L’endossataire en blanc a donc le choix entre, transmettre le titre sans le signer
perpétuant ainsi l’endossement en blanc, et procéder à une autre modalité
d’endossement. L’endossement en blanc est interdit lorsqu’il s’agit de désigner le
premier bénéficiaire.

3- L’endossement au porteur
Il se réalise par l’inscription sur le titre de l’expression « porteur » dans la formule
d’endos. On se retrouve dans une situation équivalente à l’endossement en blanc. Le
porteur a le choix entre faire circuler le titre par tradition ou procéder à un
endossement à personne déterminée. Cette modalité est également interdite lors de
la désignation du premier bénéficiaire.

b- Les conditions relatives à la place de l’endossement


Il est logique de penser que l’endossement figure au verso du titre mais rien interdit
de faire figurer l’endossement au recto du titre. L’obligation de faire figurer
l’endossement au verso du titre ne se justifie que dans l’hypothèse des
endossements en blanc ou au porteur. Le but est de ne pas confondre la désignation
du premier bénéficiaire avec la désignation des autres bénéficiaires. Si
l’endossement est à personne déterminée, il peut tout aussi bien figurer au recto ou
au verso du titre, le risque de confusion étant réduit.

13
c- Les conditions relatives à la date de l’endossement
Le Règlement 15 ne fait pas de la date de l’endossement une mention obligatoire
sanctionnée par la nullité du titre. La loi décide que si l’endossement n’est pas daté, il
est présumé avoir été fait avant l’expiration du délai fixé pour dresser protêt. Cela
veut dire qu’en réalité l’endossement est possible jusqu’à la date d’échéance du titre.
Dans tous les cas, la date limite de l’endossement sera la date de l’échéance
augmentée des délais pour faire dresser protêt. Dès lors que le protêt mentionne
l’endossement, on en déduit que la date de l’endossement est présumée antérieure
à la date d’échéance.
L’intérêt de la date de l’endossement est de permettre de régler les questions
relatives à la capacité et aux pouvoirs de l’endosseur. Elle permet aussi de
sanctionner les parties sur la base du faux en écriture privée, lorsqu’il s’agit d’un
endossement antidaté destiné à tromper les tiers sur les pouvoirs du signataire et sur
la date exacte à laquelle l’endossement a lieu.
Dans tous les cas, l’endossement postérieur à la date pour dresser protêt n’est pas
nul de nullité absolue. Il produit les effets d’une cession de créance ordinaire.

2- Les conditions de fond de l’endossement translatif


Elles concernent d’une part le signataire lui-même et d’autre part la mention qui
constitue la formule d’endos.

a- Les conditions de fond relatives à l’endosseur


On retrouve les mêmes exigences applicables à tout signataire d’une lettre de
change. On applique les règles relatives à la capacité et au pouvoir de signer une
lettre de change et donc de passer un acte de commerce.

b- Les conditions relatives au contenu de la formule d’endos


Il s’agit de la clause qui figure sur le titre et qui est censée réaliser un endossement
translatif.
En principe, la clause à ordre doit figurer expressément sur le titre. Mais la loi décide
que même si la clause à ordre ne figure pas dans la formule d’endos, le titre est
néanmoins transmissible par voie d’endossement translatif. Cette solution s’explique
parce que la clause à ordre est une mention obligatoire lors de la création du titre.
Elle est donc présumée figurer sur le titre, même si elle n’apparaît pas ou qu’une
mention équivalente n’est pas utilisée lors des endossements successifs.
Il appartient donc aux parties qui ne veulent pas recourir à l’endossement translatif,
d’inscrire sur le titre une mention expresse dite clause non à ordre. Dans ce cas, le
titre se transmettra par la voie d’une cession de créance ordinaire.
D’autre part, pour être valable, la formule d’endos ne doit contenir aucune condition
suspensive ou résolutoire qui pourrait affecter l’endossement. L’endossement doit
être pur et simple, toute clause contraire est réputée non écrite.
Ensuite, aucune clause ne doit toucher à l’étendue des droits transmis.
L’endossement partiel est donc nul. On qualifie de partielle, toute formule d’endos qui
porte atteinte à l’indivisibilité de la créance cambiaire. Il est interdit de réduire le droit
au paiement de l’endossataire.
Enfin, la cause de l’endossement doit être licite. La jurisprudence considère comme
nul, tout endossement reposant sur une erreur ou sur des motivations contraires à
l’ordre public. Cependant il s’agit d’une nullité relative, dont seul l’endosseur peut se

14
prévaloir en raison du principe de l’indépendance des signatures. Et la nullité n’est
pas opposable au tiers porteur de bonne foi.

B- Les effets de l’endossement translatif


L’endossement mettant en présence deux personnes, l’endosseur et l’endossataire,
il faut donc distinguer les effets à l’égard de l’endosseur (1), des effets à l’égard de
l’endossataire (2).

1-Les effets à l’égard de l’endosseur


Par sa signature sur la lettre de change, l’endosseur devient un débiteur cambiaire.
Cela veut dire que non seulement il est garant de l’acceptation donnée par le tiré,
mais aussi il est garant du paiement de la lettre de change à l’échéance. Mais cette
garantie n’est pas absolue. L’endosseur peut s’en exonérer en inscrivant sur le titre
une clause interdisant tout nouvel endossement. Par cette clause, l’endosseur limite
sa garantie à son seul endossataire. S’il y a des endossataires ou des porteurs
ultérieurs, l’endosseur qui a apposé la clause ne donne plus sa garantie. Cela
signifie que la garantie de l’endosseur n’est pas d’ordre public. Il peut même
s’exonérer totalement de cette garantie y compris à l’égard de son propre
endossataire en insérant une clause de non garantie.
Cependant s’il s’agit du tireur, aucune exonération de garantie n’est admise en ce qui
concerne le paiement. Le tireur, premier endosseur, peut s’exonérer de la garantie
d’acceptation, mais il ne peut jamais s’exonérer de la garantie de paiement, puisqu’il
a l’obligation de fournir la provision.

2-Les effets à l’égard de l’endossataire


L’endossataire est considéré comme le nouveau bénéficiaire de la lettre de change.
A ce titre, il a droit à une garantie de paiement. La loi décide alors que l’endossataire
acquiert tous les droits résultant du titre (a), et qu’il bénéficie du principe de
l’inopposabilité des exceptions (b).
a- L’acquisition des droits résultant du titre
Selon l’article 157 R 15, l’endossement transmet tous les droits résultant de la
lettre de change. Ce principe s’explique par le mécanisme juridique de
l’incorporation des droits dans le titre. En sa qualité de propriétaire du titre,
l’endossataire a le droit d’exercer tous les droits nés du titre. Mais la mise en
œuvre de ce principe pose des difficultés liées au mécanisme même de la
lettre de change. Deux questions se posent : qu’elle est la date d’acquisition
des droits (1)? Que faut-il entendre par droits résultant du titre (2)?

1- La détermination de la date d’acquisition des droits


Deux dates sont en conflit : la date de l’endossement et la date de l’échéance.
La logique voudrait que la date d’acquisition des droits soit la date de
l’endossement, mais c’est à la date d’échéance qu’il faut se placer, puisque
c’est à ce moment là que les droits peuvent être exercés.
La jurisprudence a tranché en décidant que le transfert des droits se réalise au
moment de la remise du titre endossé au profit de l’endossataire
indépendamment de la date d’échéance. Cette jurisprudence est intervenue
pour contrecarrer la pratique bancaire qui consiste à retarder la date de
transmission du titre par des mécanismes d'inscription de la lettre de change
sur le compte bancaire du bénéficiaire. La jurisprudence décide que seule la
date qui figure sur le titre est la date de l'endossement. Peu importe que le

15
titre soit inscrit sur le compte sous réserve d'encaissement à la date
d'échéance.

2- La détermination du contenu des droits transférés


C'est la question de savoir quels sont les droits qui peuvent s'incorporer dans
le titre. Il y a trois sortes de droits qui ont vocation à s'incorporer dans un titre:
le droit de propriété de la provision, le droit cambiaire, et les droits accessoires
à ces deux droits.

2-1 Le droit de propriété de la provision


L'article 155 R15 précise que la propriété de la provision est transmise de droit
aux porteurs successifs de la lettre de change. Cela veut dire que la provision
est censée exister au moment de l'endossement. Si celle-ci n'existe pas,
aucun droit ne peut être transmis.
La jurisprudence a dû intervenir pour préciser la notion de propriété de la
provision. Elle décide tout d'abord que la propriété de la provision est
indépendante de l'acceptation donnée par le tiré. Même si l'acceptation est
une garantie de l'existence de la provision, le porteur acquiert un droit exclusif
sur la provision, en cas de lettre de change non acceptée. Il faut, mais il suffit,
que la provision existe en son principe pour que le porteur revendique un droit
exclusif sur la provision. En conséquence, les créanciers du tireur, de
l'endosseur, ou du tiré ne peuvent pas empêcher le porteur d'invoquer son
droit sur la provision dès l'endossement à son profit.
Le porteur peut revendiquer le paiement de la lettre de change aux autres
signataires du titre si le tiré refuse d’accepter. Et il a le droit de faire défense
au tiré non accepteur, de payer la provision dans les mains de quelqu'un
d'autre que lui. La propriété de la provision est donc exclusivement liée à
l'endossement du titre.

2-2 Le droit cambiaire


Par droit cambiaire, il faut entendre le droit de mettre en œuvre la solidarité
qui lie tous les signataires du titre. L'endosseur, le tiré accepteur, le donneur
d'aval, l’intervenant, et bien sûr le tireur deviennent des débiteurs directs de
l'endossataire. Ce dernier a le droit de les poursuivre individuellement, pour la
totalité de la somme figurant sur le titre, sauf à respecter l'ordre imposé par la
chaine des endossements.

2-3 Les droits accessoires


Par droits accessoires, il faut entendre toutes les garanties de paiement autres
que les signatures figurant sur le titre. Il s'agit des suretés personnelles ou
réelles attachées à la créance de provision qui s'est incorporée dans le titre.
Toutefois l'incorporation des droits accessoires suppose la preuve d'un lien
juridique entre la sureté et la création ou la transmission de la lettre de
change.
La jurisprudence a admis que le gage ou l'hypothèque garantissant la créance
de provision, se transmet avec l'endossement. Il en est de même de la clause
de réserve de propriété instituée pour garantir la créance de l'endossataire sur
l'endosseur. Mais la jurisprudence a refusé à l'endossataire le droit à
l'assurance crédit instituée par l'endosseur.

16
b- Le bénéfice de l'inopposabilité des exceptions
Selon l'article 160 R15, « les personnes actionnées en vertu de la lettre de
change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs
rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins
que le porteur en acquérant la lettre n'ait agi sciemment au détriment du
débiteur ».
Cette règle apparemment simple et claire a du être interprétée par la
jurisprudence en raison de nombreux conflits qui ont opposé les bénéficiaires
de la lettre de change à leur signataire. La jurisprudence permet de dégager
des lignes directrices en distinguant selon les personnes concernées par le
principe de l'inopposabilité des exceptions et les exceptions concernées.

b1- Le domaine de la règle par rapport aux personnes


Le texte de l'article 160 R15 vise deux sortes de personnes: le débiteur de la
lettre de change et le porteur de la lettre de change.

a- La notion de débiteur de la lettre de change


Selon le texte, il s'agit des personnes actionnées en vertu de la lettre de
change. La jurisprudence l'interprète en disant qu'il s'agit des signataires de la
lettre de change. Il ne suffit donc pas d'être mentionné sur le titre pour être
concerné par le principe de l'inopposabilité des exceptions. On en tire deux
conséquences :
- Le tiré non accepteur n'est pas visé par le principe bien qu'il puisse être
poursuivi en vertu de la lettre de change. Le tiré non accepteur ne peut être
actionné que sur la base de la propriété de la provision qui s'est incorporée
dans le titre et qui est transmise au bénéficiaire par voie d'endossement
translatif.
- Toute personne qui signe le titre pour une raison quelconque est visée par la
règle, peu importe la cause pour laquelle la signature est apposée sur le titre.
Le tireur, l’accepteur, l’endosseur, le donneur d'aval et l’intervenant, sont
concernés par la règle de l'inopposabilité des exceptions. Cette solution
s'explique parce que c'est la signature qui fait naître l'obligation cambiaire. Or
l'obligation cambiaire est une obligation commerciale pure et simple, qui ne
permet pas au débiteur d'invoquer des motifs pour ne pas payer. On dit qu'elle
fait disparaître la raison pour laquelle le titre a été signé. Même si la signature
sur le titre n'emporte pas novation des rapports juridiques préexistants, elle a
pour conséquence de suspendre ces rapports, tant que vit la lettre de change.
Toutefois la portée de l'obligation cambiaire doit être précisée. Elle n'est pure,
simple et directe qu'à l'égard du signataire qui n'est pas lié au porteur par un
rapport fondamental. Le débiteur cambiaire qui est à la fois débiteur de droit
commun à l'égard du porteur, n'est pas concerné par le principe de
l'inopposabilité des exceptions. C'est la solution inverse qui s'applique.
L'absence de novation autorise le signataire (l'endosseur) à opposer à son
endossataire les exceptions tirées de leur rapport fondamental direct. Par
exemple, le tireur peut refuser de payer le bénéficiaire en invoquant l'extinction
de son obligation par la compensation. De même le tiré accepteur peut
invoquer l'absence de provision pour refuser de payer le tireur demeuré
porteur.

17
b- La notion de porteur de lettre de change
La jurisprudence a précisé la notion de porteur au sens de l'article 160 R15 en
disant qu'il doit être légitime et de bonne foi.

Le porteur doit être légitime


Cette question se pose pour distinguer le possesseur du titre et la personne
qui a le droit de se prévaloir du titre. L'article 159 R15 donne pourtant une
solution qui apparaît simple et évidente. Le porteur légitime est celui qui
possède le titre par une suite ininterrompue d'endossement, même si le
dernier est en blanc. C'est donc la chaîne des endossements qui institue le
porteur légitime.
Mais la jurisprudence a du intervenir parce que la pratique montre des
hypothèses dans lesquelles la chaîne des endossements bien
qu'ininterrompue est en contradiction avec la réalité. Il n'est pas rare que l'on
trouve en conflit le détenteur du titre au sens de l'article 159 R15, et une
personne qui réclame la qualité du porteur légitime en invoquant sa créance
sur le dernier endosseur, alors qu'elle ne détient pas le titre dans les mains.
La solution de la jurisprudence réside dans la preuve de la rupture de la
chaîne des endossements par la personne qui se prévaut de la qualité de
porteur légitime. Elle doit combattre les apparences du titre en démontrant que
le détenteur a acquis le titre de mauvaise foi ou qu'il a commis une faute
lourde au moment de l'acquisition du titre.
L'exemple de mauvaise foi est le vol du titre sur lequel il y avait un
endossement en blanc. L'exemple de faute lourde est le cas du professionnel
qui ne prend pas le soin de vérifier le motif de détention du titre par son propre
endosseur.

Le porteur doit être de bonne foi


La jurisprudence a déterminé la notion de bonne foi en définissant les qualités
que doit avoir le porteur légitime. On peut être porteur légitime et être de
mauvaise foi. La jurisprudence a donc inversé le débat en donnant les
conditions dans lesquelles le porteur légitime peut être qualifié de porteur de
mauvaise foi. Elle permet de distinguer entre le cas général et le cas
particulier du banquier escompteur.

//Cas général
La jurisprudence pose deux conditions pour que le porteur soit de mauvaise
foi : La mauvaise foi s'apprécie au moment de l’acquisition du titre, et elle
s’apprécie par rapport à la notion de bon père de famille.
En ce qui concerne le moment d’existence de la mauvaise foi : la
jurisprudence exige que l'on se place à la date exacte de l'endossement du
titre au profit du porteur. Ce n'est pas à l'échéance, c'est-à-dire à la date de
présentation du titre au paiement, qu'il faut démontrer la mauvaise foi du
porteur. Il est donc important de pouvoir déterminer le moment d'acquisition du
titre par le porteur.
En ce qui concerne la conduite du bon père de famille : la jurisprudence
considère que la mauvaise foi est constituée par la connaissance qu’a le
porteur du préjudice que l'endossement à son profit cause au débiteur
poursuivi, en le plaçant dans l'impossibilité de se prévaloir de cette exception
lorsque le titre lui sera présenté au paiement, alors qu'il aurait pu le faire si le

18
titre était resté dans les mains de l'endosseur. Le porteur doit donc avoir une
connaissance précise de l'exception opposable, et une conscience précise
que cette exception va persister jusqu'à l'échéance du titre.
Ces deux conditions, à savoir celle de la date et celle de la conduite du bon
père de famille, sont jugées cumulatives par la jurisprudence. Le débiteur
poursuivi se retrouve alors dans une situation dans laquelle il lui est
pratiquement impossible de rapporter la preuve de la mauvaise foi du porteur.

//Cas particulier du banquier escompteur


Le banquier escompteur est celui qui est devenu porteur d'une lettre de
change, en échange d'un crédit accordé à son client endosseur du titre.
Devenu porteur, le banquier escompteur s'adresse au tiré accepteur, présumé
débiteur du tireur, pour obtenir le paiement, en invoquant le principe de
l'inopposabilité des exceptions.
Devant l'impossibilité pour le tiré accepteur de prouver la mauvaise foi du
banquier escompteur, selon les principes généraux, la jurisprudence a
échafaudé une solution spécifique pour le banquier escompteur:
- Premièrement, la jurisprudence décide que pour apprécier la mauvaise foi du
banquier escompteur, on se place non seulement au moment de
l'endossement, mais aussi on tient compte des circonstances antérieures ou
postérieures à la date d'acquisition du titre.
- Deuxièmement, pour le banquier escompteur, la simple connaissance de
l'existence de l'exception suffit à établir la conscience que cette exception va
perdurer jusqu'à l'échéance. La jurisprudence estime que le banquier
escompteur, dès lors qu'il a eu connaissance de l'exception, aurait du prendre
les précautions pour savoir si le tireur pourra fournir la provision à l'échéance.
Le banquier est de mauvaise foi dès lors qu'il aurait pu ou aurait dû connaitre
l'exception opposable. En sa qualité de professionnel du crédit, il a les
moyens de savoir si son client endosseur du titre a les capacités d'exécuter
ses propres obligations envers le débiteur du titre.
La jurisprudence aboutit ainsi à une quasi-présomption de mauvaise foi en ce
qui concerne le banquier escompteur, renversant ainsi la charge de la preuve.

b2--Le domaine de la règle par rapport aux exceptions


D'après l'article 160 R15, l'exception doit être tirée des rapports personnels
entre un signataire de la lettre de change et un autre signataire du même titre.
Sont donc exclus d'office les exceptions dans les rapports personnels entre le
signataire poursuivi et le porteur du titre. Cette exclusion s'explique par la
survie des rapports qui lient l'endosseur à l'endossataire.
Les exceptions concernées se limitent donc aux rapports entre deux
signataires du titre qui doivent être opposés au porteur légitime. Entre les
deux signataires, il existe deux sortes de lien juridique: les rapports
fondamentaux antérieurs à la signature du titre et qui servent de cause à cette
signature, qu’on appelle aussi rapports extra cambiaires. En outre, il y a les
rapports liés à la signature du titre appelés rapports cambiaires.

Les exceptions fondées sur le rapport fondamental


Dès lors qu'il s'agit d'exceptions extra cambiaires, le principe de
l'inopposabilité des exceptions s'applique pleinement. En effet il s'agit de
rapports contractuels. Or les contrats n'ont d'effet qu'entre les parties, ils n'ont

19
point d'effet à l'égard des tiers. Le porteur du titre étant un tiers au rapport
entre les deux signataires, celui-ci ne produit aucune conséquence à son
égard.
Cette solution s'explique aussi parce que la création et la circulation du titre
sont fondées sur le principe de la purge des exceptions. Cela veut dire que le
droit est fondé seulement sur l'apparence du titre. Or l'apparence du titre ce
sont les mentions obligatoires. Les circonstances qui entourent la création et
la circulation du titre ne peuvent pas paralyser l'action cambiaire fondée
exclusivement sur les mentions obligatoires figurant sur le document.

Les exceptions fondées sur les rapports cambiaires :


Il s'agit des exceptions liées à l'existence du titre dans sa création et dans sa
circulation. Or l'existence du titre dépend des conditions de fond et des
conditions de forme, d'où la distinction entre les exceptions cambiaires de fond
et les exceptions cambiaires de forme.
Les exceptions cambiaires de forme :
Ce sont celles liées aux mentions obligatoires qui doivent figurer sur le titre en
vertu de l'article 149 R15. Ce texte précise que le défaut d'une mention
obligatoire entraîne la nullité du titre en tant que lettre de change. Il s'agit donc
d'exceptions opposables à tout porteur, sans qu'il soit nécessaire de
rechercher s’il est de bonne ou de mauvaise foi.
Les exceptions cambiaires de fond :
Ce sont celles qui touchent aux personnes ayant apposé leur signature sur le
titre. La validité de l'obligation cambiaire peut-être remise en cause en raison
des vices qui peuvent affecter l'engagement cambiaire qu'on leur attribue.
Le vice affectant l'existence de l'obligation cambiaire est-il opposable au
porteur ?
En principe, à défaut d’expression de volonté, il ne devrait pas y avoir
d'engagement cambiaire. La signature sur le titre ne devrait avoir aucune
conséquence juridique sur une personne qui n'a jamais eu l'intention de
s'engager sur le terrain du droit cambiaire.
Mais la jurisprudence estime que le principe de l'inopposabilité des exceptions
doit s'appliquer. Le débiteur cambiaire poursuivi n'est pas admis à soulever la
nullité de son obligation pour paralyser l'action du porteur. Par exemple :
l'illicéité de la cause de la signature est inopposable au porteur du titre. La
seule exception que la jurisprudence admet est l'absence totale de
consentement résultant de l'incapacité juridique du signataire.

PARAGRAPHE II: LES ENDOSSEMENTS NON-TRANSLATIFS

On qualifie ainsi les endossements qui ne transmettent au bénéficiaire


(l'endossataire) qu'une partie des droits du tireur ou de l'endosseur. Il existe
deux sortes d'endossement non translatif : l'endossement de procuration (A) et
l'endossement à titre de gage (B).

A- L'endossement de procuration (ou endossement procuratif)

Comme son nom l'indique, il consiste à transférer à l'endossataire le droit


et le pouvoir de recouvrer la somme inscrite sur le titre pour paiement.
L'endossataire agit pour le nom et pour le compte de l'endosseur. En

20
conséquence, l’endosseur reste propriétaire de tous les droits incorporés
dans le titre. L'endossataire exerce ces droits en qualité de mandataire de
l'endosseur.
S'agissant d'un mandat, le problème essentiel est relatif à l'étendue des
droits et pouvoirs conférés à l'endossataire non-translatif (2). Cette
question est soumise au respect préalable des conditions de validité du
mandat (1).

1--Conditions de validité du mandat de procuration


- Elles tiennent tout d'abord à la capacité et au pouvoir du mandant
(l'endosseur) de donner un mandat à autrui. Il faut donc vérifier cette condition
par rapport au droit commun du mandat, tout en respectant les conditions
imposées pour effectuer un acte de commerce, puisque la signature d'une
lettre de change en est un.
- Ensuite, les mentions qui figurent sur le titre doivent pouvoir réaliser un
mandat d'encaissement d'une somme d'argent.
La loi exige que la formule d'endos contienne une mention non équivoque,
faisant apparaître le mandat d'encaissement de la somme d'argent indiquée
sur le titre, donné par l'endosseur à l'endossataire. On a recours
généralement à la formule : « pour encaissement ». Elle peut être remplacée
par une mention équivalente du genre, « valeur en recouvrement » ou « par
procuration ».
En cas de doute sur le contenu de la formule d'endos, la loi présume qu'il
s'agit d'un endossement translatif, mais il s'agit d'une présomption simple. Les
parties sont toujours autorisées à démontrer que la formule d'endos réalise un
endossement de procuration et non un endossement translatif. En particulier,
elles peuvent utiliser le bordereau de transmission qui accompagne le titre.
Elles peuvent aussi se servir du comportement de l'endossataire ou de
l'endosseur pour démontrer le caractère « procuratif » de l'endossement.

2--Les effets du mandat de procuration


Ce sont d'abord ceux d'un mandat ordinaire. L'endossataire, mandataire,
s'engage à exécuter toutes les instructions de l'endosseur mandant sous
peine de voir sa responsabilité contractuelle mise en cause.
D'autre part, l’endossataire a exactement les mêmes pouvoirs que l'endosseur
puisqu'il agit pour le nom et pour le compte de celui-ci. Cependant il ne peut
pas procéder à un endossement translatif pour le nom et pour le compte de
l'endosseur même si celui-ci bénéficiait d'un endossement translatif.
En définitive, l’endossataire de procuration ne peut faire que des actes
d'administration, les actes de disposition lui étant interdits.

B- L'endossement à titre de gage (ou endossement pignoratif)


Cet endossement signifie que l'endosseur charge l'endossataire d'utiliser la
lettre de change comme garantie de remboursement des fonds que
l'endossataire a prêté à l'endosseur au titre de la valeur fournie. Cette
technique s'explique parce que la lettre de change est avant tout un
instrument de crédit.
S'agissant des conditions de fond, elles sont relatives à la capacité et au
pouvoir de donner ou de recevoir un titre en gage

21
S'agissant des conditions de forme, la formule d'endos doit consister en
une mention non équivoque, exprimant l'intention des parties de conclure
une convention de gage. A défaut de mention spéciale, on applique la
présomption simple d'endossement translatif.
S'agissant des effets de l'endossement pignoratif, ils consistent à transférer
à l'endossataire tous les droits résultants d'une mise en gage.
L'endossataire a le droit de réaliser le gage en encaissant la lettre de
change ou en la vendant à un tiers. Il n'a donc pas le droit de procéder à
un nouvel endossement, sauf s'il s'agit d'un endossement à titre de gage.

CHAPITRE II: LE PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE

Le paiement est le dénouement à la fois des créances qui ont donné


naissance au titre ou qui ont provoqué la circulation de la lettre de change, et
du mécanisme même de la lettre de change, en tant qu'instrument de
paiement. En effet, dans la théorie générale du droit, le paiement est
l'extinction d'une obligation par son exécution. Toutes les obligations
incorporées dans la lettre de change sont censées avoir été exécutées avec le
paiement. Il se pose alors des questions fondamentales pour la réalisation de
ce paiement :
Quelles sont les garanties d'exécution de ce paiement (Section I) ?
Quel est le régime juridique du paiement (section II) ?
Que faire en cas d'incident de paiement (Section III) ?

SECTION I: LES GARANTIES D’EXECUTION DU PAIEMENT

La lettre de change est à la fois un instrument de crédit et un instrument de


paiement. La mention obligatoire de l'échéance implique un différé dans
l'exécution du mandat de payer la somme d'argent déterminée figurant sur le
titre. Il est apparu donc nécessaire d'entourer l'exécution de cette obligation
d'un certain nombre de garanties pour éviter au porteur le risque de non-
paiement à l'échéance prévue.
La garantie naturelle de la lettre de change est la solidarité cambiaire (Art.191
R15 UEMOA). Elle signifie que toute personne qui signe une lettre de change
est personnellement tenue au paiement du titre. Elle permet au porteur de
poursuivre directement n'importe lequel des signataires, sauf à respecter un
certain ordre.
Les garanties de paiement se traduisent sur le titre par la signature du tiré en
qualité d'accepteur ou d'une autre personne en qualité de donneur d'aval ou
d'intervenant. Toutefois, le mécanisme fondamental de la lettre de change en
qualité d'instrument de paiement repose sur l'existence de la créance du tireur
sur le tiré, condition sine qua non de création du titre. On peut donc classer les
garanties de paiement de la lettre de change en trois grandes catégories:
-la provision (Paragraphe I) ;
-l'acceptation (Paragraphe II) ;
-l'aval (Paragraphe III).

22
PARAGRAPHE I : LA PROVISION: GARANTIE DE PAIEMENT DE
LA LETTRE DE CHANGE

Contrairement au chèque, le Règlement 15 a pris la peine de donner une


définition non équivoque de la provision en matière de lettre de change.
L'article 155 alinéa 2 dit: « Il y a provision si à l'échéance de la lettre de
change, celui sur qui elle est fournie est redevable au tireur ou à celui pour le
compte de qui elle est tirée, d'une somme au moins égale au montant de la
lettre de change ».
Cette définition apparemment simple pose en réalité de nombreux problèmes,
parce qu'elle fait de la provision une condition de paiement de la lettre de
change. Il faut donc déterminer les conditions d'existence de la provision (A).
Elle pose un second problème en ce sens qu'elle ne dit pas clairement à quel
titre le porteur peut se baser sur la provision pour exiger le paiement. C'est la
question de savoir à qui appartient la provision (B).

A- L'existence de la provision
Selon l'article 155 R15, la provision doit exister à l'échéance de la lettre de
change. Cela veut dire que lors de la création du titre, il n'est pas
indispensable que la provision existe. On en déduit que l'existence de la
provision, lors de la création du titre, est une éventualité. Il se pose alors trois
problèmes:
- Quels sont les caractères que doit revêtir la provision pour exister ?
- Comment prouver l'existence de la provision ?
- Que faire ou décider en cas d'absence de provision ?

1- Les caractères de la provision


L'article 155 R15 permet de dire que la provision doit présenter trois
caractères pour exister:
Elle doit être une créance de somme d'argent ;
Elle doit être au moins égale au montant de la lettre de change ;
Elle peut être une créance éventuelle.

a-- La provision doit être une créance de somme d'argent


C'est le caractère spécifique de toute provision d'instrument de paiement. Cela
résulte de la mention obligatoire relative au paiement d'une somme d'argent
déterminée. On en déduit que la provision ne doit pas être confondue avec la
créance du tireur sur le tiré. La provision naît de cette créance mais elle se
distingue de cette créance. La provision n'est qu'un aspect de la créance du
tireur sur le tiré. Elle équivaut à la valeur de l'obligation que le tiré doit
exécuter au profit du tireur, traduite en terme monétaire.
On peut donc dire que la provision est simplement le droit de réclamer une
certaine somme d'argent au tiré. Les expressions comme « provision en
marchandises » ou « provision en ouverture de crédit » sont trompeuses et
juridiquement inexactes. Il ne s'agit que de mentions facultatives destinées à
prouver la cause ou l'origine de la créance de somme d'argent.
Tant que l'obligation du tiré ne peut pas être évaluée et traduite en terme
monétaire, la provision n'existe pas. Pour qu'elle existe, il faut répondre avec
certitude à la question de savoir qu’elle est la somme d'argent que le tiré s'est
engagé à payer au tireur quelle qu’en soit la cause.

23
b--La provision doit être au moins égale au montant de la lettre de
change
C'est une conséquence directe du premier caractère. Si la créance du tireur
sur le tiré a en définitive une valeur inférieure à la somme indiquée sur le titre
comme mention obligatoire, il n'y a pas provision. Mais la jurisprudence est
intervenue pour remettre en cause ce principe. Elle permet au tiré d'obliger le
porteur à recevoir en paiement une provision partielle. Même si, selon la loi, la
provision partielle équivaut à l'absence de provision, elle représente tout de
même une garantie pour le porteur. En outre, le tiré a toujours intérêt à se
libérer de la dette réelle qu'il a à l'égard du tireur, même si ce n'est pas celle
qui figure sur le titre.
En définitive, la solution jurisprudentielle qui reconnaît l'existence de la
provision partielle, présente des intérêts pour les deux parties.

c--La provision peut être une créance éventuelle (future)


La lettre de change étant un instrument de crédit, il n'est pas obligatoire que la
provision existe à la date de son émission. La créance de somme d'argent
n'est pas la cause de l'émission de la lettre de change. L'article 155 ne pose le
problème de l'existence de la provision qu'à l'échéance du titre. Cela veut dire
que le tireur a jusqu'à l'échéance pour faire naître la créance de somme
d'argent inscrite sur le titre.
La jurisprudence exige que la provision ne doit être certaine, liquide, et
exigible qu’à l'échéance du titre. On en déduit que même si la créance de
somme d'argent a ces caractères à l’échéance mais qu'elle est frappée d'une
voie d’exécution, elle ne vaut pas provision. La créance de somme d'argent
doit être en outre disponible.
A l'inverse, il n'est pas interdit que la créance de somme d'argent présente les
caractères de certitude,de liquidité,d'exigibilité,et de disponibilité avant
l'émission ou avant l'échéance de la lettre de change.
L'exigence de ces caractères pose le problème de la preuve de l’existence de
la provision.

2-La preuve de l’existence de la provision


Il s'agit de prouver que la créance de somme d'argent, dont se prévaut le tireur
sur le tiré, existe bien à l'échéance de la lettre de change. Le tiré étant le
débiteur de la provision, son attitude va être déterminante dans
l'administration de la preuve de l'existence de la provision, bien que la loi fasse
peser sur le tireur l'obligation de prouver l'existence de la provision en toutes
circonstances.
Deux hypothèses sont possibles: soit le tiré n'a pas accepté la lettre de
change (a), soit le tiré a accepté la lettre de change (b).

a--La preuve en cas de refus d'acceptation du tiré


Lorsque le tiré n'a pas accepté la lettre de change, cela veut dire qu'il ne se
reconnaît pas débiteur cambiaire du porteur du titre. Toutefois, il reste débiteur
du tireur sur la base de la créance qui a donné naissance à la provision. La
preuve se fera alors selon les dispositions de l'article 1315 du code civil. Le
principe est que c'est à la personne qui invoque la provision de rapporter la
preuve de son existence.

24
Les modes de preuve varient donc en fonction de la nature de la créance du
tireur sur le tiré: Si c'est une créance commerciale, la preuve se fait par tout
moyen. Si c'est une créance civile, la preuve se fait par écrit ou par un
commencement de preuve par écrit, à compléter par des témoignages ou des
adminicules. Le Règlement 15 précise alors qu'en cas de dénégation du tiré,
la preuve incombe en dernier lieu au tireur. Cette solution exorbitante du droit
commun s'explique parce que la fourniture de la provision est avant tout une
obligation légale du tireur.

b--La preuve en cas d'acceptation du tiré


L'article 155 dispose que : « L’acceptation suppose la provision. Elle en établit
la preuve à l'égard des endosseurs ». La question s'est posée alors de savoir
quelle est la valeur de cette présomption. Il s'agit en principe d'une
présomption de droit cambiaire. Cela veut dire qu’elle repose exclusivement
sur la signature du tiré apposé sur le titre. Or il est admis que la signature
d'une lettre de change n'entraîne pas novation des rapports préexistants. On
en déduit que la valeur et la force de la présomption doit être précisée en
fonction des rapports qui unissent les parties à la lettre de change. On
distingue deux types de rapports : les rapports entre le tireur et le tiré, et les
rapports entre les autres parties à la lettre de change et le tiré.

S'agissant d'une part des rapports entre le tireur et le tiré


La présomption de l'article 155 R 15 est qualifiée de simple. Le tiré, bien
qu'accepteur, peut toujours prouver, contre le tireur, qu'il n'a pas reçu
provision. C'est l'hypothèse ou le tireur est demeuré porteur de la lettre de
change ou qu'il en est devenu porteur après avoir payé au véritable porteur ou
à un endosseur. En principe, en sa qualité de porteur, le tireur devrait
bénéficier d'une action cambiaire contre le tiré accepteur.
L'article 167 alinéa 2 R 15 dit qu'à défaut de paiement le porteur, même s'il est
le tireur, a contre l'accepteur une action directe résultant de la lettre de
change. Mais la jurisprudence contrarie ce principe en autorisant l'accepteur à
démontrer l'absence de provision par simple dénégation. Dans ce cas, il y a
inversion de la charge de la preuve, le tireur est obligé de prouver l'existence
de la provision contre le tiré accepteur, en dépit de sa qualité de porteur.

S'agissant d’autre part des rapports entre le tiré accepteur et les autres
parties à la lettre de change
Il s'agit du porteur et des endosseurs successifs. Ces personnes n'ont aucun
rapport fondamental avec le tiré. On devrait en conclure qu'il s'agit d'une
présomption irréfragable. Mais la jurisprudence est intervenue pour préciser le
caractère de cette présomption, en fonction du fondement de l'action du
porteur contre l'accepteur.
• Première situation : Le porteur agit exclusivement sur la base de la
signature de l'accepteur. On est sur le terrain du droit cambiaire. La
présomption a un caractère irréfragable. Mais la jurisprudence refuse de
parler de présomption et retient le principe de l'action directe.
Cela veut dire que le tiré accepteur ne peut pas refuser de payer le
porteur, en lui opposant des exceptions basées sur l'existence de la
provision, ou sur la valeur de la créance qui unit le tireur au porteur.
L'action directe et le principe de l'inopposabilité des exceptions, rendent

25
inutile tout débat sur le caractère de la présomption dans les rapports
entre le tiré accepteur et le porteur.
• Deuxième situation : Le porteur agit contre l'accepteur sur la base de la
propriété de la provision. Le porteur se présente comme détenteur du titre
et comme cessionnaire des droits du tireur contre le tiré. La dualité de
cette action pose un problème quant à la qualification de la présomption.
La jurisprudence estime qu'il s'agit d'une présomption simple, parce que le
porteur reconnaît le lien qui existe entre la valeur fournie et l'existence de
la provision. Le lien entre ces deux obligations préalables à la création et
à la circulation du titre, remet en cause la nature directe de l'action du
porteur contre l'accepteur. La jurisprudence estime qu'il s'agit d'une
présomption simple. L'accepteur peut, par simple dénégation, obliger le
tireur à intervenir dans le débat en prouvant qu'il a bien fourni provision au
tiré accepteur. En pratique, il s'agit de lettres de change qui n'ont pas
circulé au delà du premier porteur.

3-L'absence de provision
En raison de son caractère éventuel, il n'est pas certain que la provision existe
à la création du titre et il n'est pas certain non plus que la provision existe à
l'échéance du titre. Cela veut dire que lors de la création de la lettre de
change, le tireur peut ne pas être encore créancier du tiré, mais qu'il a
l'intention de l'être à l'échéance. On parle « d'effet de commerce de
complaisance ». La pratique montre qu'il existe deux conceptions des effets
de complaisance (a), à partir desquels la jurisprudence a apporté des
solutions (b).

a- Les conceptions de la notion d’effet de complaisance

Il y a « effet de complaisance », lorsque le tireur et le tiré se sont entendus


pour tromper le porteur sur la réalité de leur relation lors de la création du titre.
Aucun d'eux n'avait l'intention d'honorer sa signature en cas de poursuite par
le porteur à l'échéance. C'est la conception stricte de la notion d’effet de
complaisance.
Il y a aussi « effet de complaisance », lorsqu'à la création de la lettre de
change, une des parties s'est engagée pour rendre service à l'un des
signataires, en espérant que le titre ne lui sera pas présenté au paiement à
l'échéance. La lettre de change est utilisée non pas comme un instrument de
paiement ou de crédit, mais comme une garantie de la dette d'un des
signataires.
Le signataire garanti prend l'engagement de payer sa dette envers le porteur
avant l'échéance, de telle sorte que celui-ci n'ait pas à s'adresser à l'autre
signataire pour obtenir paiement.

La distinction entre ces deux conceptions repose sur la différence entre les
mauvais effets de complaisance encore appelés "effets de cavalerie" et les
bons effets de complaisance appelés "effets de cautionnement". On se
demande quel critère retenir pour faire cette distinction dès lors que les
premiers sont déclarés nuls et les seconds parfaitement valables.

26
b- Les solutions jurisprudentielles

La jurisprudence est intervenue pour asseoir la solution suivante : elle


considère que cette distinction est artificielle en réalité. Les effets dits de
cautionnement ne peuvent pas être qualifiés d'effets de complaisance car ils
ont une cause : l'engagement de payer que prend le signataire. L'obligation de
payer et donc l'existence de la provision ne sont pas remises en cause. Pour
la jurisprudence, la provision existe. On ne peut plus parler d'effets de
complaisance.
Elle limite donc la notion d'effet de complaisance à la conception stricte dans
laquelle les engagements des parties sont factices.
La jurisprudence cherche alors l'existence d'une contre-lettre qui prouve que
les parties n'ont jamais eu l'intention d'honorer leur soi-disante signature. Elle
recherche aussi l'existence d'une cavalerie, lorsque les parties utilisent une
lettre de change pour payer une précédente qui vient à échéance, ou
l’existence d’un tirage croisé lorsque les parties tirent l'une sur l'autre des
lettres de change de même montant.
Enfin, la jurisprudence recherche le rôle du porteur dans la création d'une
lettre de change de complaisance :
- si le porteur s'est rendu complice de la complaisance, ne serait ce que par son
attitude, le tiré accepteur peut refuser de payer en invoquant sa mauvaise foi
par rapport à sa connaissance de l'existence de la provision.
- mais si le porteur est resté étranger à la complaisance, il a le droit de se baser
sur la validité formelle du titre au détriment de la réalité des rapports entre le
tireur et le tiré.
En définitive, l’intervention de la jurisprudence fait varier la complaisance en
fonction de la bonne ou de la mauvaise foi du porteur, par rapport aux
intentions non révélées du tireur et du tiré accepteur, quant à l'existence de la
provision. Cette attitude de la jurisprudence a le mérite de replacer le débat
sur le terrain de l'inopposabilité des exceptions.

B- La propriété de la provision
L'article 155 al. 3 R 15 affirme que : « La propriété de la provision est
transmise de droit aux porteurs successifs de la lettre de change ». La
terminologie employée par ce texte est à l'origine de nombreux problèmes que
la jurisprudence s'est efforcée de résoudre.
D'une part, s’agissant d'une créance, il est inexact de parler de propriété. En
effet, la provision est une créance de somme d'argent. Or la créance est un
droit et non une chose. Il ne faut pas confondre le droit au paiement et la
chose qui a pu faire naître ce droit au paiement. On devrait donc parler de
titulaire du droit sur la provision.
D'autre part, la notion de transfert de la propriété de la provision est en
contradiction avec le principe selon lequel la création de la lettre de change
n'entraîne pas novation des rapports préexistants. Cela veut dire que le tireur
reste créancier du tiré malgré la création de la lettre de change. Il conserve
donc son droit de réclamer le paiement au tiré. Il parait donc inconcevable de
transférer une propriété que l'on conserve.
Enfin, la provision étant une créance éventuelle, on se demande si on peut
transférer quelque chose qui n'existe pas encore. Il faudrait d'abord établir
l'existence de la provision avant de la transférer à autrui. Cela remettrait en

27
cause le rôle d'instrument de crédit que l'on donne à la lettre de change en la
ramenant au niveau du chèque.
La jurisprudence a donc du intervenir pour donner un sens à la notion de
transfert de la propriété de la provision, au sens de l'article 155 R 15.
Elle estime que par transfert de la propriété de la provision, il faut entendre la
transmission du droit de demander le paiement du titre au tiré à l'échéance du
titre. C'est donc l'acquisition de ce droit exclusif au paiement qu'on appelle
abusivement transfert de la propriété de la provision.
Cette définition de la jurisprudence est satisfaisante. Ce qui est en cause, en
effet, c’est le droit de se prévaloir de la créance de somme d'argent du tireur
sur le tiré, qui s'est incorporée dans le titre sous la forme du mandat de payer
une somme déterminée. La propriété de la provision se limite au droit d'obtenir
le paiement de la somme d'argent indiquée sur le titre comme valant provision.
En définitive, il s'agit du droit de se prévaloir du titre pour obtenir le paiement
de la somme d'argent encore appelée provision.
Le débat est alors simplifié. Il consiste à savoir quelle est l'étendue du droit du
porteur du titre sur la somme d'argent, mention obligatoire incluse dans le
mandat pur et simple de payer une somme déterminée. On en revient à
l'étendue de l'action du porteur contre le tiré. On reprend alors le débat basé
sur la distinction entre les droits du porteur en cas d'acceptation donnée par le
tiré (1) et les droits du porteur en cas de refus d'acceptation du tiré (2).

1-La propriété de la provision en cas d'acceptation


Selon l’article 155 alinéa 4 R 15 : « L'acceptation suppose la provision ». Elle
se présente comme une garantie d'existence de la provision. Par l'acceptation,
le tiré se reconnaît débiteur, envers tout porteur, de la somme d'argent inscrite
sur le titre.
On en conclut que dès l'acceptation, le porteur acquiert un droit exclusif et
irrévocable sur la provision, puisque celle-ci est présumée exister.
La jurisprudence considère que l'acceptation fait sortir définitivement la
provision du patrimoine du tireur, pour entrer dans celui du porteur, puisque le
tiré se reconnaît débiteur du porteur sur la base du titre.
L'acceptation du tiré prive le tireur de son droit de se prévaloir de sa créance
contre le tiré. Seul le porteur a le droit d'exiger le paiement sur la base du titre.
Or tant que le titre vit, la créance ordinaire du tireur sur le tiré ne peut pas être
mise en oeuvre. C'est l'aspect « novation par changement de créancier » qui
est lié à la naissance du droit cambiaire. La créance cambiaire du porteur
s'impose à la créance ordinaire du tireur.

2-La propriété de la provision en cas de refus d'acceptation


Dans ce cas, on ne peut plus appliquer la règle de l'article 155 R 15 sur la
présomption d'existence de la provision. Le tiré n'ayant pas accepté,
l’existence de la provision devient douteuse. Les droits du porteur vont donc
être conditionnés par l'élément essentiel constitutif de la provision: l'échéance
du titre.
En effet, c’est à l'échéance du titre que l'on vérifie l'existence de la provision. Il
faut donc distinguer selon que l'on se place avant l'échéance du titre (a) ou à
l'échéance du titre (b).

28
a--Avant l'échéance du titre
Le tiré n'ayant pas accepté, la créance du tireur reprend tout son caractère
éventuel.
Le tiré se retrouve avec deux créanciers: le tireur sur la base du rapport
fondamental et le porteur en sa qualité de détenteur de la lettre de change, à
qui les droits sur la provision ont été transmis.
Le tireur, comme le porteur, a le droit de demander au tiré le paiement de sa
dette.
De même, les créanciers du tireur, autres que le porteur, ont le droit de
s'adresser au tiré pour saisir dans ses mains la créance de leur débiteur.
Enfin, le tiré peut se libérer par avance de sa dette envers le tireur en
invoquant la compensation de leurs dettes et créances réciproques.
Le porteur se trouve alors dans une situation précaire de concurrence sur la
provision avec le tireur, les autres créanciers du tireur et le tiré. La
jurisprudence règle cette situation en posant deux principes:
- Premier principe : Le tiré peut opposer au porteur la compensation de la
créance qu'il possède lui-même contre le tireur avec la créance du tireur
contre lui. Le tireur et ses autres créanciers ont le droit de réclamer le
paiement dans les mains du tiré.
On en déduit que la jurisprudence admet la disparition de la provision au
détriment du porteur avant l'échéance. Le porteur a l'obligation d'attendre
l'échéance avant d'exercer son droit au paiement. Le refus d'acceptation
n'entraîne pas la déchéance du terme de la lettre de change.
- Deuxième principe : Il appartient au porteur de se montrer diligent pour
empêcher la disparition de la provision à son détriment.
Pour cela, il faut que le porteur adresse au tiré une défense de payer. On dit
que le porteur bloque la provision dans les mains du tiré, en attendant
l'échéance du titre.
Sur ce point, la jurisprudence se montre libérale. D'une part, elle n'est pas
exigeante sur les formalités à remplir par le porteur pour se montrer diligent. Il
n'est pas nécessaire de pratiquer une véritable saisie dans les mains du tiré.
Peu importe la forme de la défense de payer, une simple lettre suffit. D'autre
part, le porteur n'est pas obligé de prouver l'existence de la provision avant de
faire blocage. Le blocage est possible dès lors que la provision existe dans
son principe.

b--A l'échéance du titre


A cette date, le porteur acquiert un droit exclusif et irrévocable sur la provision,
à condition qu'elle existe. Cela veut dire que l'arrivée de l'échéance prive le
tireur, ses autres créanciers, et le tiré, du droit de disposer de la provision.
Seul le porteur a le droit d'agir contre le tiré sur la base de la créance qui s'est
incorporée dans le titre.
En conséquence, si le tiré paie une autre personne que le porteur, il n'est pas
libéré quand bien même il aurait ignoré l'existence de la lettre de change. Le
tiré étant non accepteur, le porteur n'a pas l'obligation de signifier l'existence
du titre au tiré, sauf le cas des clauses contre acceptation.

29
PARAGRAPHE II: L'ACCEPTATION,GARANTIE DE PAIEMENT DE LA
LETTRE DE CHANGE

L'acceptation est l'acte par lequel le tiré se reconnaît débiteur de la lettre de


change, en y apposant sa signature. Généralement, elle est suivie ou
précédée de la mention « bon pour acceptation ». Cette signature signifie que
le tiré s'engage irrévocablement à payer le titre à sa présentation à l'échéance.
L'acceptation s'analyse en une reconnaissance de dette du tiré envers le
tireur. Mais cette reconnaissance de dette a la particularité de ne profiter qu'au
porteur. Seul le porteur a le droit de se prévaloir de l'acceptation pour exiger
du tiré le paiement du titre.
La loi organise les conditions de présentation du titre à l’acceptation (A). Elle
définit les caractères de l'acceptation (B), les conditions d'existence de
l'acceptation(C), et les effets de l’acceptation (D).

A- La présentation à l'acceptation
La loi fixe un principe (1) assorti d'exceptions (2).
1—Le Principe
Le principe est le caractère facultatif de la présentation à l'acceptation. Le
porteur n'est pas obligé de présenter le titre à l'acceptation du tiré. A l'inverse,
cette présentation est un droit reconnu au porteur. De cette contradiction, la loi
tire la conséquence que toute personne qui y a intérêt, a le droit de présenter le
titre à l'acceptation du tiré, au lieu de son domicile.
Ce n'est donc pas le porteur seul, qui a le droit de se prévaloir de la
présentation de la lettre de change en vue de l'acceptation du tiré. Cela
s'explique parce que le paiement de la lettre de change implique tous les
signataires du titre. Un précédent signataire et même une personne extérieure
au titre peuvent, en raison de leurs liens avec le tiré, présenter eux-mêmes le
titre à l'acceptation. La seule exigence de la loi à ce sujet est que la
présentation à l'acceptation intervienne avant l'échéance du titre.

2--Les exceptions
La présentation étant facultative, le tireur peut obliger le porteur à se présenter
à l’acceptation (a). A l'inverse, tout signataire du titre peut interdire la
présentation à l'acceptation (b).

a- L’obligation de présentation à l'acceptation


Le tireur, mais aussi tout endosseur, peut obliger le porteur à présenter le titre à
l'acceptation du tiré en y inscrivant une clause « contre acceptation ».
Dans cette hypothèse, le signataire veut prouver au porteur qu'il a
personnellement exécuté ses obligations dans la création ou la circulation du
titre, de telle sorte que le paiement est assuré à l'échéance.
En leur qualité de garants du paiement du titre et donc de l'existence de la
provision à l'échéance, ces signataires ont le droit de signifier au porteur qu'il
vérifie auprès du tiré son engagement à respecter sa reconnaissance de dette
lors du paiement.

30
b- L'interdiction de présentation à l’acceptation
Le tireur comme l'endosseur peuvent insérer sur le titre une clause « non-
acceptable ».
Cela veut dire que le tireur et l'endosseur se portent garants du tiré pour le
paiement à l'échéance. C'est une manière pour eux d'exiger du porteur sa
confiance en leurs personnes et en leur qualité de garants de ce paiement.
C'est l'hypothèse des lettres de change créées ou transmises sans provision ou
sans valeur fournie.

B- Les caractères de l'acceptation


De même que la présentation à l'acceptation est facultative, l’acceptation du tiré
est, elle aussi, facultative (a). Mais là encore la loi prévoit des hypothèses dans
lesquelles l'acceptation est obligatoire (b).

a- Le caractère facultatif de l'acceptation


Il s'explique parce qu'elle n'est pas une mention obligatoire. Il est vrai que le
nom du tiré est une mention obligatoire, mais sa signature en cette qualité ne
l'est pas.
Il faut donc distinguer la désignation du tiré sur le titre, de sa signature sur le
document. Même si le tiré a apposé lui-même son nom sur le titre, cette
mention manuscrite ne vaut pas acceptation.

b- Les exceptions au principe


La loi admet deux circonstances dans lesquelles le tiré est obligé d'apposer sa
signature d'acceptation:

Première circonstance : Le tiré s'est engagé à faire « bon accueil » à la lettre


de change. La pratique du bon accueil vient des habitudes bancaires, dans
lesquelles une banque s'engage, contractuellement, à accepter toutes les
lettres de change présentées par son client, auquel elle a accordé une
ouverture de crédit. Si le banquier refuse son acceptation, il engage sa
responsabilité contractuelle envers le tireur.
C'est aussi le cas lorsque le banquier s'est engagé à prendre à l'escompte les
effets de commerce tirés par son client sur un autre banquier. Le banquier
escompteur peut obliger son confrère à accepter le titre avant de le prendre à
l'escompte, au profit de son propre client. On considère que le banquier tiré est
garant de l'ouverture de crédit accordée par le banquier escompteur,
bénéficiaire du titre, à son propre client.

Deuxième circonstance : Le tireur a passé avec le tiré une convention de


fourniture de marchandises.
Lorsque le tireur a exécuté sa propre obligation de fourniture de marchandises,
le tiré dispose d'un délai raisonnable conforme aux usages commerciaux en
matière de reconnaissance de marchandises, pour donner son acceptation. A
l'expiration de ce délai, il est obligé d'apposer sa signature d'acceptation sur le
titre. Là encore, le tiré qui refuse, engage sa responsabilité sur le terrain du
droit commun.

31
C Les conditions d'existence de l'acceptation
L'acceptation se matérialise par une signature sur le titre. S'agissant d'une
mention portée sur une lettre de change, elle doit satisfaire à des conditions de
forme (a) et de fond (b).

a--Les conditions de forme de l'acceptation


La loi prévoit deux possibilités: l'acceptation peut être portée sur le titre (1) ou
donnée par acte séparé (2).

1-L'acceptation sur le titre


Elle résulte de la signature du tiré, suivie d'une formule non équivoque qui lui
donne son sens.
Toutefois, lorsque la signature figure au recto du titre et qu'elle est attribuée au
tiré, elle vaut acceptation, même si elle n'est pas accompagnée de la formule
non-équivoque. Cette solution s'explique parce qu'en principe la seule signature
obligatoire au recto du titre est celle du tireur. Le tireur ne pouvant pas signer
deux fois, la seconde signature est supposée être celle du tiré.
La signature doit être obligatoirement manuscrite. Tous les autres modes de
signature ne sont pas admis. Cela s'explique parce que l'acceptation est un
engagement personnel de payer la lettre de change. Il ne doit donc y avoir
aucun doute sur la personne qui prend un tel engagement.
C'est la raison pour laquelle la loi admet que l'acceptation peut se faire par
intervention. On appelle « accepteur par intervention », toute personne
apposant sa signature sur le titre en qualité de tiré accepteur, alors qu'elle n'est
pas désignée comme telle dans la mention obligatoire. L'intérêt de l'acceptation
par intervention, est d'éviter les recours cambiaires anticipés du porteur contre
les autres signataires du titre. Il s'agit en définitive de redonner au titre sa
valeur d'instrument de crédit.
Lorsque le tiré a apposé sa signature sur le titre, il se pose la question de savoir
s’il peut se rétracter et annuler sa signature. C'est le problème du « biffage de
l'acceptation ». La loi autorise le tiré à biffer son acceptation, même si cet acte
a l'inconvénient d'altérer le titre.
Pour éviter les abus, la jurisprudence est intervenue pour décider que le biffage
de l'acceptation ne peut être opposé au porteur, après que celui-ci soit entré en
possession du titre déjà revêtu de l'acceptation. Et la jurisprudence ajoute que
le porteur est réputé être en possession du titre, dès lors que le tiré accepteur
s'en est dessaisi, peu importe que le titre ne soit pas effectivement dans les
mains du porteur. Il faut, mais il suffit, que le titre ne soit plus physiquement
dans les mains du tiré. Le tiré accepteur n'a donc pas le droit d'intercepter le
titre adressé au porteur.

2-L'acceptation par acte séparé


La loi admet que l'acceptation peut ne pas figurer sur le titre mais sur un autre
document. C'est ce document qu'on appelle "acte séparé". L'acte séparé ne
doit pas être confondu avec une allonge de la lettre de change. L’allonge est un
document différent du titre d'origine mais qui a vocation à être intégré
physiquement dans celui-ci.
L'acte séparé est un document qui n'est pas destiné à circuler avec le titre et
auquel le titre ne fait aucune référence. C'est donc un document occulte qui est
détenu par un des créanciers du tiré, mentionné comme bénéficiaire sur le titre.

32
En conséquence, l'acceptation par acte séparé n'a pas de valeur cambiaire.
Elle équivaut à une reconnaissance de dette ou à une promesse de paiement,
donnée par le tiré au profit du seul détenteur de l'acte séparé, bénéficiaire de la
lettre de change. Si ce bénéficiaire transmet le titre à un nouveau porteur, celui-
ci ne pourra pas se prévaloir de l'acceptation par acte séparé.

b- Les conditions de fond de l'acceptation

L'acceptation étant une signature traduisant un consentement, on applique les


règles générales de droit commun en matière de consentement donné par un
engagement contractuel. En outre, le tiré doit avoir la capacité et le pouvoir de
faire des actes de commerce, puisque la signature sur une lettre de change est
un acte de commerce par la forme.
La loi précise que l'acceptation doit être pure et simple. Cela veut dire qu'il est
interdit de faire figurer sur le titre une condition, suspensive ou résolutoire, à
l'acceptation. Mais la loi ne tire pas toutes les conséquences qui auraient dues
être attachées à cette interdiction. L'acceptation conditionnelle aurait du être
déclarée nulle à l'égard des parties. Le Règlement 15 décide, au contraire, que
l'acceptation conditionnelle équivaut à un refus d'acceptation.

On en tire alors deux conséquences:


- Le tiré est tenu dans les termes de son acceptation conditionnelle. Cela veut
dire que l'acceptation vaut engagement cambiaire dans les limites fixées par
le tiré lui-même.
- Le porteur a le droit de faire dresser protêt, faute d'acceptation, pour le
montant refusé par l'accepteur. Il a donc le droit d'engager immédiatement
des recours anticipés contre les autres signataires pour la somme non
acceptée.

D-Les effets de l'acceptation


On distingue en fonction de l'attitude du tiré lorsque le titre lui est présenté à
l'acceptation. Les effets ne sont pas les mêmes lorsque le tiré donne son
acceptation (a) ou lorsqu'il refuse son acceptation (b).

a-Première hypothèse : Le tiré donne son acceptation.


Cela veut dire qu'il se reconnait débiteur cambiaire du titre et qu'il s'engage à
le payer quel qu’en soit le porteur. Ce principe a une portée très large. Même
le tireur, demeuré ou devenu porteur, dispose de l'action cambiaire pure et
simple contre l'accepteur.
Cette solution de principe s'explique parce que l'acceptation suppose
l'existence de la provision. Elle permet donc à tout porteur, quel qu’il soit, de
revendiquer l'existence et la propriété de la provision dans son action contre
l'accepteur.
En effet, le principe de l'inopposabilité des exceptions s'applique contre le tiré
accepteur. En signant sur le titre, le tiré s'engage à le payer sans pouvoir
opposer au porteur, les exceptions qu'il aurait pu invoquer, si un des autres
signataires s'était présenté au paiement. La jurisprudence applique strictement
ce principe même si le porteur est le tireur.

33
b- Deuxième hypothèse: Lorsque le tiré n'appose pas sa signature sur le
titre, on dit qu'il refuse son acceptation. Le droit cambiaire ne peut plus être
invoqué contre le tiré.
Mais le tiré non-accepteur reste tout de même débiteur direct du porteur au
titre de la provision. L'action de provision du porteur prend sa source dans la
lettre de change, même si elle n'est pas une action cambiaire. La
conséquence est que l'action de provision est plus forte qu'une action basée
sur la cession de créance, la délégation de créance, la subrogation, ou la
novation par changement de créancier. Cela veut dire que l'action de provision
est un droit propre du porteur de la lettre de change.

On en tire deux conséquences:


Le porteur a le droit d'exercer immédiatement son recours cambiaire contre
tous les autres signataires. Ce sont les recours anticipés, que seule la qualité
de porteur du titre et de propriétaire des droits qui s'y sont incorporés,
explique.
Le refus d'acceptation entraine la déchéance du terme de la lettre de change
aux frais et dépens du tiré. Cela veut dire que la créance devient
immédiatement exigible.
Le porteur en sa qualité de propriétaire de la provision a le droit de faire
défense au tiré de payer le montant de la lettre de change, dans les mains
d'un tiers même si c'est le tireur.
Le refus d'acceptation cristallise les droits du porteur sur la provision, sans
attendre l'échéance. Toutefois, le porteur doit attendre l'échéance du titre pour
réclamer au tiré non-accepteur le paiement de la provision immobilisée entre
ses mains.

PARAGRAPHE III: L'AVAL : GARANTIE DE PAIEMENT DE LA LETTRE DE


CHANGE

L'aval est un mécanisme par lequel une personne, en principe tiers à la


création du titre, se porte garant de son paiement à l'échéance. Celui qui
donne sa garantie prend le nom de « donneur d'aval » ou « avaliste ». Le
signataire pour lequel le donneur d'aval s'engage s'appelle « avalisé » ou
« bénéficiaire de l’aval ». Enfin, la personne qui a le droit de réclamer
paiement au donneur d'aval est le porteur de la lettre de change.
En pratique, l'aval est donné par un banquier ou un professionnel du crédit,
qui a accordé au préalable une ouverture de crédit au bénéficiaire de l'aval.
L'aval est qualifié de cautionnement de droit cambiaire : cela veut dire que son
régime juridique est basé sur des règles du droit commun du cautionnement et
sur des règles du droit cambiaire. La dualité de ce régime juridique rejaillit sur
les conditions d'existence de l'aval (A) et les effets de l'aval (B).

A- Les conditions d'existence de l'aval


On distingue les conditions de fond (1), des conditions de forme (2).

1-Les conditions de fond


Elles concernent les parties au contrat qui aboutit à la signature sur le titre. Il
s'agit donc du donneur d'aval (a) et du débiteur garanti (b). Le porteur du titre,
bien que véritable bénéficiaire, n'est pas partie à la convention d'aval.

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a--Les conditions de fond relatives au donneur d'aval
L'aval se traduit par une signature sur la lettre de change. C'est donc un acte
de commerce par la forme. Le donneur d'aval doit avoir la capacité et le
pouvoir de passer des actes de commerce.
Le donneur d'aval peut-être un tiers à la lettre de change ou même un
précédent signataire du titre. Toutefois le signataire précédent ne peut se
constituer donneur d'aval que si cet acte améliore effectivement la situation du
porteur.
L'aval de complaisance est interdit. Enfin, la loi admet que l’aval-peut être
donné par intervention.

b--Les conditions de fond relatives au débiteur garanti


Le bénéficiaire de l'aval doit être obligatoirement un signataire de la lettre de
change. Le tireur, l'endosseur, l'accepteur, l'intervenant, un précédent donneur
d'aval, peuvent être désignés comme débiteurs garantis par l'aval.
En aucun cas, le tiré non-accepteur peut-être désigné comme bénéficiaire de
l'aval.

2-Les conditions de forme


La loi admet que l'aval peut revêtir deux formes (a) mais que la mention du
débiteur garanti est obligatoire (b).

a--Les conditions relatives à la forme de l'aval


On retrouve la distinction entre l’aval donné sur le titre et l’aval donné par acte
séparé.
Concernant le premier, la forme est simple : une signature manuscrite
accompagnée d’une mention non-équivoque sur le sens de cette signature.
L’aval donné sur une allonge équivaut à un aval donné sur le titre.
Concernant le second, la loi exige, pour que l’acte séparé ait une valeur
cambiaire, l’indication du lieu où il est intervenu. La jurisprudence a complété
cette exigence en ajoutant comme condition de validité de l’aval par acte
séparé, l’indication du montant de la somme garantie ainsi que la durée de
l’engagement du donneur d’aval.
Ces exigences jurisprudentielles montrent bien que l’aval par acte séparé n’a
pas la même valeur que l’aval donné sur le titre ou sur une allonge. L’aval par
acte séparé lorsqu’il remplit ces conditions a une valeur cambiaire réduite.
Seul le destinataire de l’acte séparé peut se prévaloir de l’existence de l’aval.
L’acte séparé n’étant pas destiné à circuler avec le titre, le porteur ne peut
s’en prévaloir que s’il en est le destinataire. Le porteur non-destinataire de
l’aval par acte séparé, ne pourra s’en servir que comme cautionnement de
droit commun.

b- Les conditions de forme relatives au bénéficiaire de l’aval

Outre la formule non équivoque, la loi exige comme mention obligatoire le


nom du bénéficiaire garanti. Elle déduit de cette exigence qu’à défaut
d’indication du débiteur garanti, l’aval est réputé donné pour le tireur. Cela
veut dire que seul le tireur pourra agir contre le donneur d’aval en cas
d’omission de la mention du bénéficiaire de l’aval.

35
Cette solution a posé un problème bien précis dans l’hypothèse où le tireur
d’une lettre de change est porteur alors que le donneur d’aval n’a pas indiqué
le nom du débiteur garanti. En sa qualité de tireur-porteur, le bénéficiaire de
l’aval n’a pas d’action contre le donneur d’aval. C’est l’application du principe
selon lequel un débiteur cautionné ne peut pas agir contre sa propre caution.
Le tireur-porteur a donc pensé prouver qu’en réalité le donneur d’aval s’est
engagé pour garantir l’accepteur.
La loi l’autorise-t-elle à rapporter une telle preuve ? Le principe est posé par
l’article 169 alinéa 6 du Règlement 15 selon lequel « l’aval doit indiquer pour le
compte de qui il est donné. A défaut de cette indication, il est réputé être
donné pour le tireur. » Le principe ainsi posé, constitue-t-il une présomption
qui ne supporte pas la preuve contraire?
La jurisprudence a évolué dans la réponse à cette interrogation.
Elle a d’abord considéré que la règle de l’article 169 alinéa 6 R 15 était une
règle de preuve édictant une présomption irréfragable. En conséquence, le
tireur ne pouvait jamais rapporter la preuve contraire, alors que la réalité
montrait que le donneur d’aval s’était engagé pour garantir le tiré accepteur.
Face à la sévérité de cette solution, la jurisprudence est revenue sur sa
position et a décidé qu’il s’agissait d’une présomption simple. Le tireur-porteur
peut faire la preuve que le donneur d’aval, bien qu’ayant omis de désigner le
bénéficiaire garanti, n’avait pu vraisemblablement que garantir le tiré
accepteur. Cette solution a le mérite de reposer sur l’équité mais elle a
l’inconvénient de réduire l’aval à un cautionnement de droit commun.
Les Chambres Réunies de la Cour de Cassation française ont du intervenir
pour fixer définitivement la position de la jurisprudence entre ces deux
solutions diamétralement opposées.
Les Chambres Réunies ont décidé que la règle de l’article 169 alinéa 6 R 15
n’est pas une règle de preuve ouvrant à discussion sur le caractère simple ou
irréfragable d’une présomption. Elles estiment qu’il s’agit tout simplement
d’une règle de fond de droit cambiaire qui a pour but d’écarter toute incertitude
sur la portée des engagements du donneur d’aval. Il s’agit donc d’une règle de
suppléance de la même nature que celle instituée pour les mentions
obligatoires, dont le seul but est d’éviter la nullité de l’engagement du donneur
d’aval. Le nom du tireur supplée l’absence du nom du bénéficiaire garanti.
Cette solution a un double mérite :
- D’une part, elle replace le débat dans son véritable contexte qui est celui des
conséquences à tirer de l’absence d’une mention obligatoire.
- D’autre part, elle a la logique de placer le tireur comme bénéficiaire garanti
puisqu’en sa qualité de créateur du titre, il en est le premier et le dernier
débiteur. En cas de non paiement du titre, on remonte la chaine des
signataires jusqu’au tireur. Il est donc normal que le tireur soit désigné comme
le signataire protégé par l’existence de l’aval, lorsque celui-ci ne l’a pas
désigné.
Mais cette solution légale et logique a l’inconvénient pratique de priver le
tireur-porteur de tout recours cambiaire contre le donneur d’aval qui a omis
d’indiquer le nom du débiteur garanti. On se retrouve dans la situation de la
présomption irréfragable, même si c’est pour d’autres motifs juridiques.
La jurisprudence est donc intervenue pour tempérer sa propre solution :
Premièrement, elle décide que la règle de l’article 169 alinéa 6 R 15 ne
s’applique pas lorsque l’aval a été donné par acte séparé. Elle ne s’applique

36
pas non plus lorsque l’aval a été donné sur le titre et réitéré dans un acte
séparé. Elle ne s’applique que lorsque l’aval est donné exclusivement sur le
titre.
Deuxièmement, la règle n’empêche pas le tireur-porteur de prouver sur le
terrain du droit commun l’existence d’un contrat de cautionnement entre le
donneur d’aval et le tiré accepteur. La jurisprudence se base sur le principe
selon lequel, les signatures sur le titre n’emportent pas novation des rapports
préexistants. Le tireur peut donc prouver le contenu des rapports qui ont
donné naissance au titre et donc à la signature de l’aval.
Toutefois, en vertu de l’autonomie du droit cambiaire par rapport au droit
fondamental, le tireur n’a pas le droit de se servir de la lettre de change comme
preuve ou comme commencement de preuve par écrit, de l’existence d’un
contrat de cautionnement entre le soi-disant donneur d’aval et le tiré accepteur.
Ayant renoncé à se prévaloir de la qualité de bénéficiaire du donneur d’aval, le
tireur doit prouver exclusivement sur le terrain du droit commun l’existence
d’une garantie de droit commun.

B- Les effets de l’aval

L’aval est un cautionnement de droit cambiaire qui met en présence trois sortes de
relations: la relation entre le donneur d’aval et le tiers porteur de la lettre de change
(1), la relation entre le donneur d’aval et le débiteur signataire garanti (2), et la
relation entre le donneur d’aval et les autres signataires du titre (3).

1- Les effets dans les rapports donneur d’aval et tiers porteur


L’aspect droit cambiaire prévaut sur l’aspect droit commun. Mais le donneur d’aval
étant une caution, cette qualité va influencer l’action cambiaire du tiers porteur contre
le donneur d’aval. On a donc deux principes contradictoires :
- D’une part, le donneur d’aval en sa qualité de signataire est un débiteur
solidaire de la lettre de change.
- D’autre part, en sa qualité de caution, le donneur d’aval est un débiteur
accessoire de la lettre de change.
De cette contradiction, on tire plusieurs conséquences :
- Le donneur d’aval en tant que garantie solidaire de droit cambiaire ne peut
opposer au porteur, ni le bénéfice de discussion, ni le bénéfice de division :
c’est une conséquence du principe de l’inopposabilité des exceptions.
- En sa qualité de caution accessoire du débiteur garanti, le donneur d’aval peut
opposer au tiers porteur, les moyens de défense que le débiteur garanti aurait
pu lui opposer pour ne pas payer. Par exemple, le donneur d’aval peut
opposer au porteur sa négligence, de la même manière que le débiteur
garanti aurait pu le faire.
- Dans la mesure où le donneur d’aval est une caution solidaire, il peut invoquer
contre le tireur porteur l’article 18 de l’Acte uniforme de l’OHADA sur les
sûretés. Ce texte permet au garant de refuser de payer le créancier du
débiteur garanti, en invoquant la faute commise par le créancier qui a mis le
donneur d’aval dans l’impossibilité d’être subrogé dans les droits du créancier,
contre le débiteur garanti.
En effet, lorsque le donneur d’aval a payé le titre, il doit pouvoir être investi
dans les droits du porteur contre le signataire débiteur garanti.

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- Enfin le donneur d’aval est un obligé cambiaire en raison de sa seule
signature sur le titre. Cela veut dire que son engagement reste valable, quand
bien même l’engagement du débiteur garanti serait nul pour toute autre cause
qu’un vice de forme de la lettre de change. C’est l’application au donneur
d’aval du principe de l’indépendance des signatures, au sens de l’article 153
du Règlement 15.
Toutefois, le donneur d’aval est admis à invoquer la mauvaise foi du tiers
porteur qui se serait rendu complice du vice affectant la signature du débiteur
garanti au détriment du donneur d’aval.

2-Les rapports entre le donneur d’aval et le débiteur garanti


Le débiteur garanti, en sa qualité de signataire du titre, est lié doublement au
donneur d’aval. Comme le donneur d’aval, il est un débiteur solidaire de la lettre de
change. Mais d’un autre coté, il est lié au donneur d’aval par un contrat de
cautionnement de droit commun.
Cette ambigüité emporte deux conséquences :
- Le débiteur garanti qui a payé à la place du tiré, n’a pas d’action contre le
donneur d’aval. C’est une solution contraire au principe de l’indépendance des
signatures, qui veut que le signataire qui a payé dispose d’une action
récursoire contre les autres signataires. Mais dans les relations entre le
donneur d’aval et le débiteur garanti, le rejet de cette action récursoire
s’explique par la survie des rapports fondamentaux entre le donneur d’aval et
le débiteur garanti. Or selon le cautionnement de droit commun, le débiteur
cautionné n’a pas d’action contre sa propre caution, même s’il a payé sans
cause. Cette règle s’applique de manière stricte puisque le tireur porteur n’a
pas d’action contre le donneur d’aval qui n’a pas indiqué le nom du débiteur
garanti.
- Lorsque le donneur d’aval a payé la lettre de change, il a une action contre
tous les signataires y compris le débiteur garanti. Lorsqu’il a payé le titre, le
donneur d’aval bénéficie d’une subrogation légale dans les droits du porteur.
En sa qualité de nouveau porteur, le donneur d’aval peut poursuivre le
débiteur garanti, sans que celui-ci puisse lui opposer les exceptions liées à
son rapport avec les autres signataires, notamment sa connaissance de
l’absence de la provision.

3-Les rapports entre le donneur d’aval et les autres débiteurs cambiaires

C’est le droit cambiaire qui s’applique. Il s’agit des règles applicables entre tous les
signataires d’une lettre de change.
Lorsque le donneur d’aval a payé, il bénéficie de la subrogation légale dans les droits
du tiers porteur contre tous les signataires. Mais le donneur d’aval bénéficie aussi de
la subrogation légale dans les droits du débiteur garanti contre les autres signataires.
Le donneur d’aval dispose donc de deux sortes de droit cambiaire : les droits du tiers
porteur et les droits du débiteur garanti, d’où les deux conséquences suivantes :
- Les signataires peuvent opposer au donneur d’aval les exceptions tirées de
leur rapport réciproque personnel dans la mesure où ils auraient pu les opposer au
tiers porteur. Cela veut dire que dans ses relations avec les autres débiteurs, le
donneur d’aval qui a payé, n’a pas plus de droits que le tiers porteur ;
- Le donneur d’aval qui a payé ne peut exercer son recours cambiaire que
contre les signataires antérieurs au débiteur garanti.

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Par exemple : - s’il a payé à la place du tireur, il n’y aura d’action que contre le tiré
accepteur ;- s’il a payé à la place d’un endosseur, son action ne peut être dirigée que
contre les endosseurs précédents. La règle du respect de la chaine des
endossements s’impose au donneur d’aval.

SECTION II: LE REGIME JURIDIQUE DU PAIEMENT

Pour que le paiement se réalise (Par II), il faut d’abord que le titre soit régulièrement
présenté au paiement (Par I).Le Règlement 15 organise donc ces deux étapes.

PARAGRAPHE I: LE REGIME DE LA PRESENTATION AU


PAIEMENT

Présenter le titre au paiement est l'obligation qui résulte d'un évènement


particulier appelé « fait générateur de l'obligation de présentation au paiement » (A).
Lorsque cet évènement survient, il fait naitre des obligations particulières à la charge
des parties concernées par la présentation au paiement (B).

A- Le fait générateur de l’obligation de présentation au paiement

C'est l'échéance de la lettre de change. L'échéance est une mention obligatoire qui
figure sur le titre. Le droit cambiaire ne tient pas compte du principe de droit commun
selon lequel le créancier est libre de se présenter ou de ne pas se présenter au
paiement.
La survenance du fait générateur de l'obligation de paiement ne concerne pas
seulement le porteur du titre, créancier cambiaire. Cet évènement concerne tous les
signataires du titre parce qu'ils sont eux aussi tenus au paiement. Il est donc de leur
intérêt de savoir si le créancier a bien exigé et obtenu de leur codébiteur le paiement
en question. Leur libération étant liée à la réaction du débiteur poursuivi, ils ont le
droit de savoir si cet évènement (le paiement) a eu lieu dans les conditions prévues.
C'est pourquoi le droit cambiaire fait de la présentation du titre au paiement, à
l'échéance marquée sur le titre, une obligation fondamentale du porteur. Toutefois,
ce principe du respect de l'échéance fixée connait des assouplissements :

1- La présentation au paiement peut se faire avant l'échéance


Cette hypothèse survient dans deux circonstances:
a- En cas de clause d'escompte

Cette clause est une mention facultative qui permet au tiré de payer le titre avant
l'échéance fixée, après avoir déduit les intérêts restants à courir sur le montant du
titre. Le tiré peut donc se libérer de manière anticipée sans être obligé d'attendre le
fait générateur de l'obligation de présentation au paiement.

b- En cas de refus d'acceptation

Lorsque le tiré refuse d'accepter le titre qui lui est présenté, son comportement
entraine la déchéance du terme de la lettre de change au profit du porteur. Mais la
portée de cette déchéance du terme doit être précisée. Elle ne concerne que tous les
signataires avant l'échéance.

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Le tiré n'ayant pas signé, faute d'acceptation, n'est pas considéré comme un débiteur
cambiaire. La règle de la déchéance du terme ne le concerne pas. Le porteur doit
toujours attendre l'échéance avant de se présenter au paiement auprès du tiré non
accepteur.
Le porteur a le droit de présenter le titre au paiement à tous les signataires sans
attendre l’échéance. On dit qu’il exerce des recours anticipés.

2- La présentation au paiement après l'échéance


Il est possible au porteur de se présenter au paiement sans tenir compte de la date
d'échéance qui figure sur le titre.
Cette solution s'applique bien sur lorsqu'il n'ya pas du tout de date calendaire
d'échéance sur le titre. C'est le cas de la lettre de change payable à vue ou à un
certain délai de vue. La date indiquée sur le titre est soit la date de création, soit une
date à partir de laquelle le porteur peut se présenter au paiement. Il dispose d'un an
à partir de la date de création ou du délai de vue pour se présenter au paiement.
Mais même dans le cas d'une lettre de change payable à jour calendaire fixe, le
porteur dispose de deux jours ouvrables qui suivent la date d'échéance fixée sur le
titre, pour se présenter.
Par ailleurs, même si le débiteur n'a pas sollicité de délai de grâce, le porteur peut lui
accorder deux jours ouvrables après l'échéance fixée pour exiger le paiement.
Ces règles de présentation au paiement, après l'échéance, supportent elles mêmes
des assouplissements :
- d'une part, l’application de la législation sur le travail interdit de présenter un
titre au paiement aux jours classés fériés. Lorsque l'échéance tombe un de
ces jours, le porteur est obligé de se présenter le premier jour ouvrable qui
suit la date d'échéance fixée sur le titre.
- d'autre part, le porteur et le tiré peuvent rejeter la date d'échéance qui figure
sur le titre par un accord. Cet accord se matérialise par un nouveau délai
mentionné sur le titre lors de la présentation à l'acceptation ou par la création
d'une nouvelle lettre de change remplaçant la première lors de la présentation
au paiement (c'est ce qu'on appelle « la retraite »).
Toutefois ces accords n'engagent pas les autres signataires. Le porteur est
obligé de requérir leur accord s’il veut conserver ses recours cambiaires
contre eux sur la base de la nouvelle échéance ou sur la base de la nouvelle
lettre de change. En effet, ces accords équivalent à un refus d'acceptation ou
à un refus de paiement. Le porteur est donc obligé de dresser protêt afin
d'exercer ses recours faute d'acceptation ou faute de paiement contre les
autres signataires. Une nouvelle signature de ces personnes est donc
nécessaire.

B- Le contenu des obligations des parties à la présentation au paiement


Il s'agit du porteur (1) et du tiré(2).

1-Les obligations du porteur


Elles consistent à se présenter en personne, ou par l'intermédiaire d'un tiers
mandataire, à la date et au lieu indiqué sur le titre. Mais cette obligation peut
s'interpréter comme un droit réservé au porteur. Cela veut dire que seul le porteur
légitime peut prétendre à la présentation au paiement et est soumis à l'obligation de
présentation au paiement. Il se pose alors la question de savoir qui peut être qualifié
de porteur légitime.

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Est porteur légitime celui qui justifie de son droit par une chaine ininterrompue et
régulière d'endossements. Cette définition a été donnée pour résoudre le conflit entre
le détenteur du titre et le porteur du titre.
Ce conflit vient de ce que toute personne qui y a intérêt, peut exiger la présentation
du titre au paiement. Elle peut donc prendre le titre dans les mains du porteur et le
présenter au paiement du tiré. Dans ces conditions, par porteur du titre, il faut
entendre tout détenteur du document. Mais la détention du titre ne signifie pas la
qualité de porteur légitime, c'est à dire de bénéficiaire du droit de présentation au
paiement. Lorsque le détenteur se présente au paiement, il le fait pour le nom et pour
le compte du porteur légitime. Il doit donc se dessaisir des sommes figurant sur le
titre, dans les mains du porteur légitime après l'avoir présenté au paiement.

2-Les obligations du tiré

Le titre doit être présenté dans les mains du tiré. C'est à dire que le tiré a le droit
d'exiger que le titre soit présenté au paiement, au lieu exact indiqué comme étant
celui du paiement. A défaut d'indication d'un lieu spécial, c'est le domicile du tiré qui
sert de lieu de présentation au paiement.
Lorsque le titre est ainsi présenté au paiement, le tiré a l'obligation de vérifier la
régularité formelle du titre. Cela veut dire qu’il doit vérifier que la chaine des
endossements n'a pas été interrompue, mais cela ne veut pas dire qu'il a l'obligation
de vérifier l'authenticité des signatures à l'origine de cette chaine des endossements.
Cela s'explique par le principe de l'indépendance des signatures.
Le tiré est présumé avoir exécuté son obligation de vérification, dès lors qu'il n'y a
aucune interruption apparente sur le titre. Il appartient à la personne qui s'en prévaut,
de prouver que le tiré a commis une fraude ou une faute lourde dans l'exécution de
son obligation de vérification.
La fraude est considérée comme une connivence active et consciente en faveur du
détenteur du titre, au détriment du porteur légitime, tandis que la faute lourde est une
négligence grave et coupable commise par le tiré lors de l'exécution de son
obligation de vérification. On cite le cas du banquier qui, en tant que professionnel,
aurait pu ou aurait du s'apercevoir de l'interruption de la chaine des endossements.

PARAGRAPHE II: LA REALISATION DU PAIEMENT

Pour que le paiement soit efficace et libératoire(B), il doit obéir à certaines


modalités(A).

A- Les modalités du paiement


Elles sont déterminées par les mentions qui figurent sur le titre. Ces mentions sont
relatives à la personne qui doit exécuter le paiement(1), à la monnaie du
paiement(2), et à l'étendue de l’obligation au paiement(3).

1-La mention relative à la personne

Les mentions obligatoires désignent le tiré, accepteur ou non, comme la personne


sur qui pèse l'obligation d'exécuter le paiement. Mais la pratique admet que le
paiement puisse être fait par un tiers. C'est l'hypothèse du paiement par mandataire.
Toutefois, le paiement par mandataire équivaut au paiement par le tiré, puisque le
mandataire agit pour le nom et pour le compte du tiré.

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La loi prévoit une hypothèse ou un tiers exécute le paiement : c'est le « paiement par
intervention ». L'intervenant est une personne non mandataire du tiré, qui exécute le
paiement parce qu'elle a intérêt à ce paiement. La loi exige alors que l'intervenant
désigne la personne qui sera libérée par ce mode de paiement. Le tiré lui-même,
sauf lorsqu'il est accepteur, peut payer en tant qu'intervenant. Le but de l'intervention
est d'éviter que la carence d'un des signataires, nuise au crédit de l'ensemble des
signataires du titre. A défaut d'indication, le signataire libéré par l'intervention est
présumé être le tireur.

2-La monnaie du paiement


En principe, le paiement doit avoir lieu dans les espèces qui ont cours légal au lieu
de paiement. Cela veut dire que la somme d'argent, mention obligatoire figurant sur
le titre, doit être convertie dans la monnaie du lieu de paiement.
L'obligation est que le paiement se fasse par une somme d'argent. Toutefois, on
admet les modes de paiement équivalents au versement d'une somme d'argent. Il
s'agit du paiement par chèque ou par virement bancaire. Le paiement d'une lettre de
change ne peut pas se faire par la création d'une lettre de change du même montant.
Mais le paiement par chèque ou par virement bancaire est un paiement sous réserve
d'encaissement. Il faut donc attendre le retour du chèque ou du virement pour savoir
si la somme d'argent a effectivement été versée au bénéficiaire.

3-L'étendue de l’obligation au paiement

En principe, c'est la totalité de la somme indiquée dans le mandat de payer qui doit
être versée au porteur. On dit que le paiement doit être intégral ou total.
Le paiement partiel équivaut à un défaut de paiement, mais le paiement partiel n'est
pas nul. La loi prévoit que le tiré peut imposer au porteur un paiement partiel. Le
porteur peut donc être obligé à recevoir un paiement partiel. Il a le droit de se
retourner contre les autres signataires, pour le montant impayé, après avoir fait
dresser protêt faute de paiement, dans la mesure du montant non payé.
Cette solution s'explique aussi parce que le porteur a un droit sur la provision, même
partielle. Il a donc intérêt à un tel paiement.

B-L'efficacité du paiement (Les effets)

Le paiement produit deux effets essentiels: la libération du tiré (1) et la fin de la lettre
de change (2).

1--La libération du tiré

En principe, dès que le tiré s'est exécuté selon les mentions figurant sur le titre, il est
personnellement libéré de l'obligation de payer. Mais ce principe est soumis à une
condition : le paiement doit être intervenu sans fraude et sans faute de la part du tiré.
Il appartient donc au tiré de rapporter la preuve de la validité du paiement qu'il a
effectué, en produisant la lettre de change avec l'acquis du porteur mentionné sur le
titre. A défaut, le tiré s'oblige à payer une seconde fois, c’est-à-dire que seule la
détention du titre acquitté vaut libération du tiré.
La preuve de cette libération pose problème dans certaines circonstances :

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a- Première circonstance:
La lettre acquittée est restée dans les mains du porteur et le tiré détient un document
prouvant l'exécution du paiement. Il y a conflit entre la détention de la lettre de
change et la détention d'une preuve de paiement par le tiré. La solution est que la
détention d'un autre document que le titre prouvant le paiement n'est pas suffisante.
La possession du titre par le porteur, bien que revêtue de l'acquis, fait présumer
l'absence de paiement, mais cette présomption n'est pas irréfragable. Le tiré est
autorisé à utiliser des documents supplémentaires comme moyen de preuve du bon
paiement qu'il a effectué.

b- Deuxième circonstance:
La lettre de change payée a été remise au tiré sans la mention de l'acquis. La
présomption s'inverse. Le tiré est censé avoir effectué un paiement libératoire. La
seule détention du titre, même non acquitté, par le tiré, fait présumer la validité du
paiement. Il appartient alors au porteur désigné, de prouver par tout moyen que la
remise volontaire du titre au tiré résulte d'une fraude ou d'une faute lourde commise
par le tiré à son détriment.
La jurisprudence exige des manoeuvres dolosives attribuées au tiré.

2--La fin de la lettre de change


Le paiement éteint le titre non seulement en tant qu'instrument de paiement de droit
cambiaire, mais aussi en tant que reconnaissance de dette de droit commun. C’est-
à-dire que le rapport cambiaire s'éteint avec le rapport fondamental qui lui a donné
naissance.
Cette double extinction juridique s'étend à tous les rapports qui ont pu unir un
endosseur à son endossataire. Le principe de l'incorporation du droit dans le titre a
pour conséquence la disparition du droit incorporé avec la fin de la valeur juridique
du titre.
Toutefois, ce principe connait deux exceptions :
- Il ne s'applique pas au tiré accepteur. Lorsqu'un tiers a payé à la place de
l'accepteur, il ne perd pas son recours contre ce dernier même si le titre est
considéré comme éteint à l'égard du porteur.
- Il en est de même du tireur qui n'a pas fourni provision. Le paiement du titre ne
prive pas le signataire qui a payé, de son droit de recours contre le tireur, qui
n'a pas exécuté son obligation de fournir la provision.
L'explication de ces exceptions est que le tiré accepteur et le tireur qui n'a pas fourni
provision ont participé à la création d'une lettre de change de complaisance. Ils ne
sont donc pas concernés par la libération du paiement.

SECTION III: LES INCIDENTS DE PAIEMENT

Ce sont les évènements qui empêchent l'exécution normale du paiement. On


retrouve les principes fondamentaux évoqués en matière de chèque, sauf à préciser
que l'incident principal concernant le chèque est l'opposition. Dans la lettre de
change, l’opposition n'est pas le seul évènement qui entrave le paiement. En outre,
ce n'est pas uniquement le tireur qui a le droit de faire opposition. Toute personne qui
y a intérêt est autorisée à s'opposer au paiement de la lettre de change. On en déduit
que l'incident normal de paiement, en ce qui concerne la lettre de change, est le
défaut de paiement lui-même, par le signataire poursuivi, indépendamment de la
cause du défaut de paiement.

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Le problème devient donc de savoir quels sont les recours dont dispose le porteur en
cas d'incident de paiement. La loi organise alors les conditions préalables à l'exercice
du recours (Par I) et les conditions d'exercice du recours (Par II).

PARAGRAPHE I : LES CONDITIONS PREALABLES A L'EXERCICE DU


RECOURS

La loi impose, au porteur qui n'a pas pu recevoir paiement, des formalités à remplir,
avant d'exiger des autres débiteurs le paiement refusé par le signataire poursuivi. Le
porteur impayé doit dresser protêt, d'une part (A) et doit donner avis du défaut de
paiement, d'autre part (B).

A- La formalité du protêt

Il s'agit du protêt faute de paiement qui doit être dressé dans les mêmes conditions
que le protêt faute d'acceptation. Cette formalité est une obligation à exécuter par le
porteur sous peine de sanction de négligence, entrainant la perte de ses recours
contre tous les signataires du titre. La seule exception est le recours contre le tireur à
condition que le porteur prouve qu'il n'a pas fourni provision.
Devant la sévérité de cette sanction, la loi et les parties peuvent intervenir pour
assouplir ce principe.
D'une part, la loi autorise le porteur à invoquer des évènements remplissant les
conditions de la force majeure de droit commun. Il s'agit d'un évènement imprévisible
et irrésistible, persistant pendant 30 jours après l'échéance.
D'autre part, les signataires peuvent insérer sur le titre une clause dispensant le
porteur de son obligation de dresser protêt: c'est la clause dite sans protêt ou clause
de retour sans frais.
Lorsque le protêt est exigé, pour être valable, il doit être dressé dans les deux jours
ouvrables qui suivent la date d'échéance, sauf prorogation légale ou conventionnelle.
Par ailleurs, le protêt doit contenir toutes les mentions inscrites sur la lettre de
change, le motif de refus de paiement, et une sommation de payer adressée à toutes
les personnes visées dans l'acte.

B- La formalité de l'avis

L'avis comme le protêt est un acte d'huissier ou de notaire constatant le défaut de


paiement. Il est destiné à informer l'endosseur du défaut de paiement par le tiré ou
par tout autre débiteur poursuivi. L'endosseur ainsi informé a lui-même l'obligation de
transmettre l'avis à son propre endosseur. On remonte ainsi la chaine des
endossements jusqu'au tireur.
Ce mécanisme est organisé pour protéger les signataires en leur permettant
d'intervenir dans la procédure de paiement, en faisant disparaitre l'incident de
paiement à l'égard du tiers porteur.
Le défaut d'avis, à l'inverse du défaut de protêt, n'est pas sanctionné par la
négligence du porteur. Celui qui ne donne pas l'avis dans les conditions prévues par
la loi, est civilement responsable, le cas échéant, envers ceux qui ont subi un
préjudice lié au défaut d'information.

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PARAGRAPHE II: LES CONDITIONS D'EXERCICE DU RECOURS FAUTE DE
PAIEMENT

Pour que ce recours puisse être exercé, il doit suivre une procédure spéciale prévue
par la loi (A) et intervenir dans les délais prévus par la loi (B).

A- La procédure applicable au recours

Le porteur qui veut exercer son recours doit suivre une procédure conditionnée par
les mentions qui figurent sur le titre. Le porteur doit obéir strictement aux conditions
fixées par la loi en fonction des mentions figurant sur le titre.
Soit le porteur obéit aux mentions: il s'agit du porteur diligent (1).
Soit le porteur ne respecte pas les mentions: il s'agit du porteur négligent (2).

1--La procédure applicable au porteur diligent


Le porteur diligent est celui qui a respecté scrupuleusement les formalités préalables,
résultant des mentions figurant sur le titre. Il a, en principe, le droit de poursuivre tous
les signataires sur la base de la solidarité cambiaire qui les lie. La procédure pose
alors trois problèmes:la date du recours(a), son étendue(b), et les formes du
recours(c).

a) La date du recours

En principe, le porteur doit respecter la mention obligatoire de l'échéance qui figure


sur le titre, avant d'exercer ses recours cambiaires. Le respect de la date d'échéance
s'explique parce que c'est cet évènement qui permet de constater le défaut de
paiement par le tiré.
Mais ce principe rencontre des exceptions. En effet, la date d'échéance ne s'impose
pas au porteur en cas de refus d'acceptation opposé par le tiré, en cas de procédure
collective d’apurement du passif ouverte contre le tiré accepteur et en cas de
procédure collective ouverte contre le tireur d'une lettre de change stipulée non-
acceptable.
Ces cas de recours anticipés s'expliquent par le doute sur l'existence de la provision.
Ces évènements remettant en cause l'existence de la provision, et donc le paiement
lui-même par le tiré, il parait inutile d'imposer au porteur d'attendre l'échéance pour
constater ce qui est déjà évident : le refus de paiement faute de provision.

b) L'étendue du recours

Quelle est la somme que le porteur diligent peut réclamer aux signataires dans
l'exercice de son recours contre eux?
On distingue selon que le recours est exercé à l'échéance ou avant l'échéance:
Si le recours est exercé à l'échéance,le porteur a le droit de réclamer au signataire le
montant du titre augmenté de tous les frais liés aux formalités préalables accomplies
et qui font de lui un porteur diligent.
Si le recours est exercé avant l'échéance ou en cas de recours anticipé, le porteur
est obligé de déduire du montant de la lettre de change une somme d’argent appelé
escompte. L'escompte est calculé sur la base du taux officiel pratiqué par la Banque
Centrale, lorsqu'elle prend à l'escompte les titres dont les banquiers primaires sont

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porteurs. Le porteur a le droit d'ajouter les frais liés au respect des formalités
préalables.

c) Les formes du recours

Le porteur a le choix entre un recours amiable et un recours judiciaire ou contentieux.


Le recours est dit amiable lorsque le porteur convient avec un des signataires de
modalités particulières de paiement. Mais le signataire et le porteur ne pourront pas
imposer cette convention aux autres signataires.
Le recours judiciaire ou contentieux consiste pour le porteur à assigner les
signataires devant les tribunaux. Il peut alors utiliser la procédure d'injonction telle
que prévue par l'acte uniforme de l'OHADA sur les voies d'exécution:c'est la
procédure simplifiée de recouvrement de créances commerciales.

2-La procédure applicable au porteur négligent

Le porteur négligent est celui qui n'a pas accompli les formalités obligatoires
préalables à l'exercice du recours cambiaire. En principe, un tel porteur est frappé de
déchéance, et il perd ses recours contre tous les autres signataires malgré la
solidarité cambiaire. Mais les effets de cette déchéance sont limités :
- d'une part, la déchéance ne concerne que l'action cambiaire. Le porteur n'est
jamais déchu de ses actions contre les autres signataires, sur la base du
rapport fondamental qui l'unit au signataire poursuivi ou sur la base de la
cession de créance, lorsqu'il s'adresse à un autre signataire:ce sont les
recours extra cambiaires.
- -d'autre part, le porteur même négligent conserve ses recours cambiaires
contre le tireur qui n'a pas fourni provision. Si on admettait la déchéance du
porteur à l'égard du tireur qui n'a pas fourni provision, cela équivaudrait à un
enrichissement sans cause de ce dernier. En effet, c'est l'absence de
provision qui a provoqué le défaut de paiement. La négligence du porteur ne
doit pas conduire à une injustice en privant le porteur qui a fourni la valeur du
paiement de cette provision, de tout recours.
- enfin le porteur négligent ne perd pas ses recours contre le tiré accepteur.
Cette solution s'explique parce que le tiré accepteur s'oblige au paiement à
l'échéance. Si le tiré accepteur n'exécute pas son obligation cambiaire, le
porteur doit se retourner contre les autres signataires. Dans le cas ou ces
derniers payent, ils sont investis dans les droits du porteur contre l'accepteur.
Admettre la négligence du porteur serait contraire au principe de la subrogation
légale de celui qui a payé, dans les droits du créancier désintéressé.
Par ailleurs, c'est le défaut de paiement par le tiré qui ouvre l'exercice du recours
cambiaire du porteur contre les autres signataires. Admettre que le porteur est déchu
de toute action contre l'accepteur, reviendrait à le priver du droit de constater le
défaut de paiement par le tiré accepteur en raison de la négligence. La survie de ce
recours s'explique par des raisons d'équité et de justice.

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B- Les délais d'exercice du recours

La loi impose au porteur des délais dans lesquels le recours doit être exercé. Si le
porteur ne les respecte pas, il perd ses recours parce que ceux-ci sont atteints par la
prescription. La loi détermine alors les délais de prescription (1) et les modalités de
mise en œuvre de ces délais (2).

1--La détermination des délais de prescription

Ils varient en fonction des signataires poursuivis par le porteur:


Si l'action est dirigée contre le tiré accepteur, le porteur a un délai de trois ans, à
compter du jour de l'échéance, pour agir.
Si l'action est exercée contre les autres signataires à l'exception du tireur, l'action se
prescrit par un an à compter de la date d'échéance, ou de la date du protêt en cas de
recours anticipé.
Lorsque l’action est dirigée contre le tireur, la prescription est de 6 mois à compter de
la date où l'endosseur a remboursé le titre, ou à compter du jour où il a été cité en
justice. Il s'agit ici du recours exercé contre le tireur par un signataire devenu porteur.

2--La mise en œuvre des délais de prescription

La prescription en droit cambiaire est qualifiée de prescription extinctive. C’est-à-dire


que l'arrivée du terme proclame la disparition définitive du droit. On dit que l'arrivée
du terme établit une présomption de paiement au profit des débiteurs cambiaires.
Toutefois, cette présomption de paiement peut être remise en cause avec pour
conséquence une modification de la prescription de l'action cambiaire. On fait alors la
distinction entre la suspension de la prescription (a) et l'interruption de la prescription
(b).

a) La suspension de la prescription

Elle est provoquée par des évènements qui ont pour effet d'arrêter le cours de la
prescription, sans remettre en cause le principe de la présomption de paiement. En
conséquence lorsque l'évènement suspensif disparait, la prescription de droit
cambiaire reprend son cours normal.

b) L'interruption de la prescription

Ce sont des évènements qui vont affecter la prescription en remettant en cause la


présomption de paiement. Il s'agit donc d'actes qui vont contredire le principe de la
libération des signataires du titre par l'arrivée du terme.
La loi énumère alors strictement les actes interruptifs de la prescription. Il s'agit de la
saisie, du commandement de payer, de la citation en justice, et de la production dans
une procédure collective ouverte contre le débiteur. Tous ces évènements prouvent
que le créancier n'a pas été payé.
Dans ces conditions, un nouveau délai de prescription va courir à compter de la
survenance de cet évènement. La question s'est posée de savoir quelle est la nature
du délai qui va courir à compter de la survenance de l'acte interruptif de la
prescription.

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La loi décide que la prescription cambiaire ne s'applique pas s'il y a eu condamnation
ou reconnaissance de dette par acte séparé. Dans ces deux cas, la nouvelle
prescription qui court est une prescription de droit commun.
Cette solution ne pose aucun problème pour la condamnation en justice.
La jurisprudence a dû intervenir pour régler le cas de la reconnaissance de dette par
acte séparé, entrainant interruption de la prescription. Cet acte séparé aura pour
conséquence de faire courir un délai de droit commun à condition qu'il intervertisse
ou qu’il soit novatoire de la prescription. La jurisprudence qualifie ainsi l'acte séparé
qui fait apparaitre sans équivoque la volonté du débiteur cambiaire, de substituer une
nouvelle dette, à la dette de droit cambiaire. C'est comme si la dette cambiaire
servait de rapport fondamental à une nouvelle dette de droit commun, indépendante
et autonome à la fois de la dette cambiaire elle-même et du précédent rapport de
droit commun, qui avait donné naissance à la lettre de change.
Il faut donc que l'acte séparé soit totalement autonome et différent des conventions
initiales qui ont présidé à la création de la lettre de change. La preuve de l'acte
séparé ne peut pas se faire à l'aide de la lettre de change.
Enfin, en cas d'aveu ou de serment déféré, la présomption de paiement disparait, la
prescription cambiaire également.

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