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 18-033-A-10

Équilibre potassique, hypokaliémie


et hyperkaliémie
G. Résimont, N. Tabibzadeh, M. Flamant, E. Vidal-Petiot

Résumé : Le potassium est le cation le plus abondant du compartiment intracellulaire. Sa concentration


dans le secteur extracellulaire est très inférieure à sa concentration intracellulaire et finement régulée.
Ce gradient de concentration du potassium entre les secteurs intra- et extracellulaires joue un rôle clé
dans le maintien du potentiel de membrane de toutes les cellules et donc dans le fonctionnement des
tissus excitables tels que le muscle et le nerf. L’homéostasie potassique repose sur la régulation rapide
des répartitions intra- et extracellulaires du potassium, qui permet notamment de limiter les variations
de kaliémie lors d’un apport alimentaire, et sur la régulation, plus lente, des stocks potassiques par le
rein, qui adapte les sorties rénales de potassium aux entrées (digestives). L’hypokaliémie, très fréquente,
est définie par une concentration de potassium dans le plasma inférieure à 3,5 mmol/l ; l’hyperkaliémie,
définie par une concentration supérieure à 5,0 mmol/l, est moins fréquente, en raison de la capacité
physiologique du rein à excréter de grandes quantités de potassium. Dans les deux cas, la sévérité
du trouble tient avant tout à ses conséquences cardiaques et résulte plus de sa rapidité d’installation
que de sa profondeur. Les dyskaliémies sont une problématique quotidienne de tout clinicien. L’arbre
diagnostique repose notamment sur l’évaluation du caractère adapté ou non de la réponse rénale au
trouble observé. Les grands principes de la correction d’une hypo- ou hyperkaliémie sont détaillés dans ce
document, sachant que dans tous les cas, le traitement symptomatique doit être combiné au traitement
de la cause du désordre électrolytique, qu’il faudra au préalable identifier par une démarche diagnostique
systématique.
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Mots-clés : Potassium ; Hypokaliémie ; Hyperkaliémie ; ROMK ; ENaC ; Aldostérone ; Tubule distal

Plan l’apport potassique lié aux repas, par deux grands mécanismes
complémentaires : le transfert cellulaire, rapide, et l’excrétion
■ Introduction 1 rénale, plus lente.
Dans cet article, nous allons tout d’abord aborder les méca-
■ Homéostasie du potassium 1 nismes de l’homéostasie du potassium pour ensuite discuter
Distribution du potassium dans l’organisme 1 les causes et traitements des hypo- et hyperkaliémies. Les
Régulation rapide : transfert intracellulaire de potassium. 2 perturbations de l’homéostasie potassique sont fréquemment ren-
Rôle du rein dans l’homéostasie potassique 4 contrées en pratique clinique quotidienne puisqu’on retrouve
Apports alimentaires de potassium 8 une hypokaliémie chez près d’un patient hospitalisé sur cinq [1] .
■ Hypokaliémie 8 L’hyperkaliémie est moins fréquente de par la capacité du rein
Prévalence et signes cliniques 8 normal à adapter l’excrétion du potassium à la charge alimentaire
Analyse de la réponse rénale en présence d’une hypokaliémie 9 à laquelle il est soumis.
Hypokaliémie à réponse rénale adaptée 10
Hypokaliémie à réponse rénale inadaptée 10


Traitement d’une hypokaliémie
Hyperkaliémie
14
14
 Homéostasie du potassium
Signes cliniques 14 Distribution du potassium dans l’organisme
Étiologies 14
Traitement d’une hyperkaliémie 17 La quantité totale du potassium échangeable du corps est
■ Conclusion 17 d’environ 50 mmol/kg, soit 3500 mmol pour un individu de 70 kg.
Le potassium est très majoritairement situé dans le secteur intra-
cellulaire (98 %, soit environ 3430 mmol). Les 2 % restants (soit
environ 70 mmol) sont répartis dans le liquide extracellulaire
 Introduction (Fig. 1) [2] . Le maintien d’une concentration intracellulaire de
potassium élevée (de l’ordre de 120 mmol/l) est essentiel dans
Le potassium est le cation le plus abondant du secteur intracel- la régulation du volume cellulaire, du pH intracellulaire, de la
lulaire, tandis que sa concentration dans le secteur extracellulaire synthèse de l’acide désoxyribonucléique et des protéines, et de la
est faible, entre 3,5 et 5 mmol/l. Ce différentiel de concentra- croissance cellulaire. À l’inverse, la concentration de potassium
tion joue un rôle central dans la génération du potentiel de plasmatique est basse, et maintenue entre 3,5 et 5 mmol [2, 3] .
repos transmembranaire. La kaliémie est finement régulée, malgré Le flux actif de potassium vers l’intérieur de la cellule, contre
les perturbations auxquelles est soumis l’organisme, notamment son gradient de concentration, est assuré par la sodium–potassium

EMC - Néphrologie 1
Volume 33 > n◦ 1 > janvier 2022
http://dx.doi.org/10.1016/S1762-0945(21)86746-7
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Compartiment extracellulaire Compartiment intracellulaire Figure 1. Représentation schématique de la répartition du


potassium dans les compartiments liquidiens de l’organisme.
VEC ~ 14 l + - VIC ~ 28 l VEC : volume extracellulaire ; VIC : volume intracellulaire ;
+ - EK : potentiel d’équilibre du potassium ; Na-K-ATPase :
+ - sodium–potassium adénosine triphosphatase.

3,5–5 mmol/l 120 mmol/l

2K+
Na-K-ATPase
3Na+
~ 70 mmol (2 %) K+ ~ 3430 mmol (98 %)

Équation de Nernst :

EK = -61,5 log [Ki]/[Ke] = - 90 mV

adénosine triphosphatase (Na-K-ATPase). Le gradient de concen- Insuline


tration transmembranaire de potassium en faveur du secteur
L’insuline stimule l’entrée nette de potassium dans la cellule.
intracellulaire est responsable de la fuite de ce cation par des
Elle agit principalement par la translocation de vésicules intracel-
canaux potassiques, contre le gradient électrique, et est ainsi
lulaires contenant des Na-K-ATPase vers la membrane des cellules
indispensable au maintien de la différence de potentiel trans-
musculaires squelettiques [5] . La sécrétion d’insuline induite par le
membranaire, et donc au fonctionnement de toutes les cellules de
repas ne permet donc pas seulement la régulation de la glycémie,
l’organisme, excitables comme les neurones et les myocytes, mais
mais également celle de la kaliémie.
également non excitables (Fig. 1). Le potassium, dont le potentiel
d’équilibre est proche du potentiel de membrane, est en effet l’ion
qui joue le rôle le plus important dans le maintien de ce dernier, Glucagon
du fait de la perméabilité importante de la membrane au potas- En cas de repas riche en potassium mais pauvre en carbo-
sium (nettement plus importante qu’au sodium notamment). À hydrates, la sécrétion postprandiale de glucagon est également
l’état d’équilibre, le flux sortant passif de potassium compense stimulée par l’augmentation de la concentration plasmatique
exactement le flux entrant actif ; les répartitions intra- et extracel- de potassium, permettant de limiter l’effet hypoglycémiant de
lulaires du potassium sont stables et définissent l’équilibre interne l’insuline tout en favorisant très rapidement l’augmentation de
du potassium (internal balance pour les anglophones). l’excrétion rénale de potassium. En effet, si l’action directe du
glucagon sur les flux transcellulaires de potassium reste débattue,
cette hormone a un effet kaliurétique bien démontré [6, 7] .
Régulation rapide : transfert intracellulaire
de potassium. Catécholamines et stimulation bêta-adrénergique
Les apports alimentaires de potassium sont très variables. Les L’activation des récepteurs ␤2 adrénergiques augmente l’entrée
sorties extrarénales de potassium correspondent aux sécrétions de potassium dans la cellule en stimulant l’activité de la Na-
digestives et sont faibles en situation physiologique. Si l’on prend K-ATPase. Au cours d’un exercice physique, la contraction
l’exemple d’un apport quotidien d’environ 100 mmol/j, la résul- musculaire et un certain degré de lyse cellulaire induisent
tante nette est de l’ordre de 90 mmol qui vont s’ajouter au contenu une sortie cellulaire de potassium, qui tend à s’accumuler
du secteur extracellulaire et 10 mmol qui sont excrétés par le tube dans l’interstitium. Les catécholamines libérées en raison de
digestif (Fig. 2). En un seul repas riche en potassium, il est donc l’activation du système sympathique lors de l’exercice stimulent
possible d’ingérer une quantité de potassium équivalente à la les récepteurs ␤2 adrénergiques, permettant la réentrée du
quantité totale de potassium contenue dans le milieu extracellu- potassium dans les cellules pour éviter la survenue d’une hyper-
laire. L’adaptation de l’excrétion rénale du potassium nécessitant kaliémie [8] . Une stimulation pathologique (comme en cas de
plusieurs heures pour ajuster les sorties aux entrées, un transfert phéochromocytome) ou pharmacologique des récepteurs ␤2 adr-
intracellulaire de cette charge potassique intervient rapidement énergiques peut être responsable d’une hypokaliémie. Notons que
et permet d’éviter les variations brutales et majeures de kaliémie la libération d’amines à action sympathique via les xanthines
après un repas (Fig. 2). contenues dans le café peut également être responsable d’une sti-
Les membranes cellulaires sont perméables au potassium grâce mulation de l’activité de la Na-K-ATPase via la stimulation des
à la pompe Na-K-ATPase, qui est présente à la surface de toutes récepteurs ␤2 adrénergiques.
les cellules de l’organisme, et à des canaux potassiques [4] . La Na- Inversement, l’activation des récepteurs ␣1 adrénergiques dimi-
K-ATPase utilise l’énergie chimique de l’hydrolyse de l’ATP pour nue l’entrée de potassium dans la cellule en inhibant l’activité de
faire entrer dans la cellule deux ions potassium et faire sortir trois la Na-K-ATPase dans le muscle et dans le foie.
ions sodium, contre leurs gradients de concentration respectifs
(Fig. 1). Dans l’heure qui suit un repas, la charge potassique ingé- Équilibre acide base
rée est transférée en quasi-totalité dans le milieu intracellulaire, Les variations de l’état acide-base, en particulier lorsqu’elles
protégeant ainsi d’une augmentation potentiellement dangereuse s’installent rapidement, sont également à l’origine de transferts
de la concentration de potassium dans le plasma. Les échanges se transcellulaires de potassium.
font notamment avec les muscles striés, qui constituent le plus L’alcalose, qu’elle soit d’origine métabolique ou respiratoire,
grand réservoir de potassium du corps (environ 2600 mmol), le entraîne une entrée de potassium dans les cellules, pouvant
foie (environ 250 mmol), les globules rouges (environ 250 mmol) conduire à une hypokaliémie. On estime que la kaliémie diminue
et les os (300 mmol). de 0,5 mmol/l pour une augmentation du pH de 0,1 unités.
Les facteurs régulant l’entrée de potassium dans les cellules sont A contrario, l’acidose, surtout lorsqu’elle est d’origine minérale
détaillés ci-dessous. La Fig. 3 illustre comment ces différents fac- donc accompagnée d’anions chlorure (et non d’anions orga-
teurs sont mis en jeu suite à un apport alimentaire de potassium. niques), induit une sortie de potassium hors des cellules [9] . Si la

2 EMC - Néphrologie
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Apports
alimentaires

100 mmol/j
Sorties
10 mmol/j digestives

90 mmol/j

~ 70 mmol ~3430 mmol


4 mmol/l 120 mmol/l

Régulation rapide

Compartiment
extracellulaire

Compartiment intracellulaire
Sorties
rénales
Régulation lente

90 mmol/j

Figure 2. Bilan du potassium : schéma général.

Figure 3. Mécanismes régulant le transfert


Repas intracellulaire de potassium, et mise en jeu après
un repas.

[HCO3-] [K+]
[K+], [Glycémie] [K+]
+ + +

Insuline Catécholamines

+ +

Alcalose Aldostérone

Compartiment 2K+ Compartiment


extracellulaire intracellulaire
+
3Na+
Na+
+ H +
Na+
- 3HCO3-

Acidose

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tions physiologiques est équivalente à la quantité absorbée par


Régulation voie digestive, donc d’environ 10 à 15 % de la charge filtrée. En
Filtration :
4 mmol/l x 180 l/j conditions de carence d’apport, le rein peut abaisser la kaliurèse
= 720 mmol/j jusqu’à des valeurs très basses (1–3 % de la charge potassique fil-
trée), notamment en mettant en jeu la réabsorption de potassium
par les cellules intercalaires des canaux collecteurs (cf. infra) [3] .
Sécrétion >
Toutefois, la kaliurèse ne peut pas être totalement nulle, et une
Réabsorption
balance négative peut donc se développer si la carence d’apport
se prolonge. À l’inverse, dans les conditions de régime riche
en potassium, l’excrétion peut augmenter considérablement par
l’intermédiaire des cellules principales des canaux collecteurs, per-
Réabsorption : Régulation mettant à un sujet normorénal d’excréter de très grandes quantités
65 % de potassium si nécessaire.

Transports tubulaires de potassium


Tubule contourné proximal
Réabsorption : Environ deux tiers de la charge filtrée de potassium sont réab-
25 % sorbés dans le tubule contourné proximal. La réabsorption du
Excrétion : potassium y est majoritairement passive, par voie paracellulaire
selon apports (Fig. 5).
2–150 % Dans la partie initiale du tubule proximal, le potassium est
réabsorbé de manière grossièrement proportionnelle à la réabsorp-
Figure 4. Excrétion rénale du potassium : schéma général. tion de sodium et d’eau par l’effet solvent drag. La réabsorption
transcellulaire du sodium entraîne en effet une hypertonicité
résultante nette de ces effets laisse penser à un échangeur direct locale dans l’interstitium en regard de la face basolatérale des cel-
potassium/proton (entrée de K+ et sortie de H+ , permettant de lules épithéliales et donc un mouvement d’eau et d’électrolytes
respecter l’électroneutralité intracellulaire) qui serait stimulé en dont le potassium. Dans la deuxième partie du tubule contourné
cas d’alcalémie et inhibé en cas d’acidémie, la réalité est beau- proximal, un gradient de voltage transépithélial lumière-positif
coup plus complexe et indirecte, faisant intervenir, entre autres, s’installe progressivement et permet au potassium d’être réabsorbé
un échangeur Na+ /H+ (NHE1) et des cotransporteurs Na+ /HCO3− également à la faveur de ce gradient électrochimique favorable.
(NBCe1 et 2) qui modifient le contenu intracellulaire en Na+ et Notons que le potassium qui rentre dans la cellule à la face baso-
fonction du pH, et donc l’activité de la Na-K-ATPase (Fig. 3) [9] . latérale par la Na-K-ATPase ressort de la cellule au même pôle par
Cela concerne surtout les acidoses hyperchlorémiques et moins le cotransport chlore/potassium.
les acidoses organiques, au cours desquelles les protons pénètrent Branche ascendante large de l’anse de Henle
dans la cellule, accompagnés des anions organiques, via les mono-
En conditions physiologiques, la branche ascendante large de
carboxylate transporters (MCT), et la sortie de potassium de la
l’anse de Henle est le siège de la réabsorption d’environ 25 % de la
cellule reste limitée.
charge potassique filtrée, par des voies transcellulaires (transport
actif secondaire) et paracellulaires (Fig. 6).
Changement de tonicité du plasma Le potassium entre dans la cellule, accompagné d’un ion
Toute modification de la tonicité du plasma (par exemple, en sodium et de deux ions chlore, via le cotransporteur Na-K-Cl
cas d’hyperglycémie) induit un mouvement d’eau vers l’extérieur (NKCC2) sensible aux diurétiques de l’anse situé sur la membrane
des cellules, ce qui favorise l’efflux de potassium, par simple effet apicale des cellules épithéliales tubulaires. Les canaux ROMK
solvent drag. Cet effet est renforcé par l’augmentation de concen- (renal outer medullary K channel) apicaux recyclent la grande majo-
tration intracellulaire de potassium induite par la déshydratation rité du potassium vers la lumière tubulaire si bien que le transport
intracellulaire [10] . net transcellulaire de potassium dans la branche ascendante large
est quantitativement limité [14] . On estime que moins de 10 %
Aldostérone du potassium qui pénètre dans la cellule est réabsorbé à tra-
vers la membrane basolatérale vers le fluide péritubulaire, via le
Outre son effet majeur sur la sécrétion rénale de potassium (cf.
cotransporteur potassium-chlore KCC4 et un canal potassique. Ce
infra), l’aldostérone favoriserait également l’entrée du potassium
recyclage du potassium est essentiel à la réabsorption du sodium
dans les cellules musculaires [11–13] .
et du chlore par NKCC2 car la concentration luminale du potas-
Les facteurs qui assurent ensuite, pendant la période interpran- sium est faible et sa disponibilité serait rapidement limitante
diale, la sortie progressive du potassium des cellules après cette si l’essentiel du potassium n’était pas recyclé vers la lumière.
phase de stockage transitoire pendant que l’excrétion urinaire de En outre, le fonctionnement de NKCC2 couplé à ce recyclage
potassium se met en place, sont moins bien décrits, mais il est du potassium génère un gradient électrochimique favorable à la
possible que le glucagon, qui s’élève pendant le jeûne et favo- réabsorption paracellulaire des cations, dont le potassium mais
rise l’excrétion rénale de potassium, participe à cette régulation également et surtout le sodium, le magnésium et le calcium.
physiologique [6] .
Tubule contourné distal
À l’entrée du tubule contourné distal, le fluide tubulaire
Rôle du rein dans l’homéostasie potassique contient moins de 10 % du potassium filtré. La sécrétion de
potassium débute dans le tubule contourné distal. Cette portion
Généralités du néphron est caractérisée par la présence du cotranspor-
Le rein est l’organe qui assure l’homéostasie à long terme du teur sodium-chlore (NCC), sensible aux diurétiques thiazidiques
potassium, en excrétant la totalité du potassium absorbé par voie (Fig. 7). Au pôle apical, on retrouve les canaux ROMK permet-
digestive. Le potassium est librement filtré par le glomérule, puis tant la sécrétion de potassium vers la lumière tubulaire. Le tubule
réabsorbé en grande partie dans le tubule contourné proximal et la contourné distal est subdivisé en deux zones fonctionnelles suc-
branche ascendante large de l’anse de Henle. Selon les conditions, cessives.
le potassium peut être réabsorbé et/ou sécrété dans le néphron Dans la partie initiale du tubule contourné distal (DCT1), NCC
distal (Fig. 4). est la seule voie de réabsorption du sodium. Dans la deuxième
Pour un débit de filtration glomérulaire (DFG) normal, la quan- partie du tubule contourné distal (DCT2), le cotransporteur NCC
tité de potassium filtré par les reins est d’environ 720 mmol/j. La est exprimé mais on trouve également le canal sodique épithélial
quantité de potassium excrétée quotidiennement dans les condi- ENaC (epithelial sodium channel). La réabsorption de sodium se fait

4 EMC - Néphrologie
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Lumière
tubulaire
- Solvent drag
H2O, K+

3 Na+
Na+
ATP
SGLT2
2 K+
Glu

CI-
+
Na K+
NHE3

H+ + HCO3- Réabsorption :
HCO3- + H+ 3HCO3-
NBCe1 65 %
Na+
AC AC

H2O CO2+
CO2 H2O

H2O H2O

K+
Diffusion suivant le
+
gradient
Na électrochimique

+ AA

Figure 5. Réabsorption du potassium dans le tubule contourné proximal. SGLT2 : sodium-glucose cotransporter 2 ; NHE3 : Na/H exchanger 3 ; NBCe1 :
sodium bicarbonate cotransporter 1 ; AA : acides aminés

Na+ NKCC2 CI–


2CI– ATP K+
K+
3 Na+
ATP
2 K+
Réabsorption :
K+ 25 %
K+
CI–
ROMK
CIC-Kb

K+, Mg2+, Ca2+

Lumière
tubulaire

+ -

Figure 6. Réabsorption du potassium dans l’anse de Henle. NKCC2 : Na-K-Cl cotransporter 2 ; ROMK : renal outer medullary K channel ; ClC-Kb : chloride
channel Kb.

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Figure 7. Système sécrétoire distal du potas-


- 10–30 mV
sium : le tubule contourné distal. DCT : distal
Mg2+ convoluted tubule ; NCC : Na-Cl cotransporter ;
TRPM6 DCT1
ENaC : epithelial sodium channel ; ROMK : renal
outer medullary K channel ; MR : mineralocorti-
3 Na+ coid receptor ; TRPM6 : transient receptor potential
Na+ NCC
ATP cation channel subfamily M member 6.
2 K+
CI-
K+
K+
ROMK

K+

CI-

Aldostérone
Na+ NCC

CI-

ENaC + 3 Na+
+ +
Na ATP
MR
2 K+
+ K+
K+
ROMK
K+
Lumière
K+
tubulaire MaxiK
DCT2

donc à la fois de manière électroneutre par NCC et électrogénique cellules augmente, contribuant à l’installation d’une alcalose asso-
par ENaC. Le DCT2 marque le début du tubule distal sensible à ciée. Notons que l’alcalose favorise le transfert intracellulaire de
l’aldostérone (qui se poursuit avec le tubule connecteur et le canal potassium et participe à maintenir la kaliémie basse.
collecteur cortical), défini par la présence du récepteur intracel-
lulaire aux minéralocorticoïdes (MR) [15] . Dans cette portion du Modulation et régulation de l’excrétion rénale
DCT, la sécrétion de potassium par ROMK y est donc régulée par de potassium
l’aldostérone, comme dans le canal collecteur cortical (cf. infra).
La sécrétion nette de potassium débute donc à partir du tubule
contourné distal et s’amplifie dans le canal collecteur. Elle est
Tubule connecteur et le canal collecteur quantitativement très variable et finement régulée pour permettre
Le tubule connecteur et le canal collecteur cortical sont fonc- d’adapter la kaliurèse en fonction des entrées de potassium et de
tionnellement très proches. Ce dernier segment tubulaire est la kaliémie, et maintenir ainsi l’homéostasie potassique.
caractérisé par la coexistence de plusieurs sous-types cellulaires : Il existe trois voies de sécrétion du potassium à travers la mem-
les cellules principales, et les cellules intercalaires, elles-mêmes brane apicale du néphron distal : les canaux ROMK, les canaux
divisées en deux sous-types, ␣ et ␤ (Fig. 8). Maxi-K (ou BK) et le cotransporteur KCl.
À la face basolatérale des cellules principales, la pompe Na-K- Les canaux ROMK, depuis le DCT2 jusqu’au canal collecteur,
ATPase fait entrer le potassium dans la cellule, et sortir le sodium sont responsables de la majorité de la sécrétion du potassium vers
vers le fluide péritubulaire. À la face apicale, le sodium rentre la lumière tubulaire.
dans la cellule à partir de la lumière tubulaire par ENaC et le Les canaux Maxi-K (ou BK) ont un rôle moindre, mais par-
potassium est sécrété dans la lumière tubulaire par les canaux ticipent à la sécrétion de potassium essentiellement quand le
ROMK, de haute conductance. La réabsorption de sodium par flux tubulaire et la disponibilité du sodium distale augmentent,
ENaC est fonctionnellement couplée à la sécrétion de potassium lorsque la concentration d’hormone antidiurétique augmente et
par ROMK, en dépolarisant la membrane apicale et en créant un en situation de régime riche en potassium.
gradient électrochimique favorable à la sécrétion de potassium La sécrétion apicale par le cotransporteur potassium-chlore,
vers la lumière tubulaire. Les canaux ROMK sont de loin la voie de exprimé à la surface apicale du tubule distal, est modeste en temps
sécrétion majoritaire du potassium. Les autres voies de sécrétion normal. Toutefois, son activité augmente lorsque la concentra-
de potassium dans la lumière tubulaire sont les canaux Maxi- tion en chlore luminal diminue, condition rencontrée en cas
K, dont l’expression augmente lorsque les besoins de sécrétion d’abondance d’anions mal réabsorbés dans le canal collecteur
potassique augmentent. (bicarbonates, phosphates) [16, 17] .
Les cellules intercalaires ␣ expriment l’antiport H+ /K+ (ou H-K- La sécrétion de potassium par les cellules principales du canal
ATPase), qui permet l’entrée de potassium dans la cellule contre collecteur dépend :
l’excrétion de protons (le passage de la membrane basolatérale • de la concentration intracellulaire en potassium (cette dernière
se faisant ensuite de manière passive via un canal potassique). La dépendant étroitement de l’entrée basolatérale de potassium
pompe H-K-ATPase est mise en jeu dans des conditions de carence par la Na-K-ATPase) ;
d’apport en potassium, et permet ainsi la réabsorption de potas- • de la concentration luminale en potassium ;
sium y compris dans les portions les plus distales du tubule [16] . • de la différence de voltage de part et d’autre de la membrane
En cas d’hypokaliémie ou de régime pauvre en potassium pro- apicale ;
longé, la densité de pompes H-K-ATPase à la surface luminale des • et de la perméabilité de la membrane au potassium.

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- 10–30 mV
Aldostérone
Débit de fluide +
tubulaire ENaC
Na+
3 Na+ +
+ Kaliémie
+ ATP
Quantité de Na MR
2 K+
délivré K+ -
ROMK + Alcalose
+
K
HCO3- K+ ADH
MaxiK
Anion non réabsorbable

K+

CI- Cellule principale

HCO3-
H+
ATP CI-
AE1
K+

K+

ATP H+
CI
Cellule intercalaire α

Lumière
Cellule intercalaire β
tubulaire

Figure 8. Sécrétion de potassium dans le canal collecteur : mécanismes et régulation. Dans les encadrés orange, les facteurs régulant la sécrétion de
potassium. En vert, les facteurs (luminaux à gauche de la cellule, systémiques à droite de la cellule) modulant la sécrétion de potassium. ENaC : epithelial
sodium channel ; ROMK : renal outer medullary K channel ; MR : mineralocorticoid receptor ; ADH : hormone antidiurétique ; AE1 : anion exchanger 1.

Tous les facteurs modulant ou régulant la sécrétion tubulaire de NCC sont inhibées, ce qui permet d’augmenter le flux et la
distale de potassium agissent par l’intermédiaire d’un ou plusieurs quantité de sodium délivrés aux segments en aval, donc l’activité
de ces paramètres. d’ENaC et la sécrétion de potassium par ROMK. La voie de signa-
lisation qui explique l’inhibition de NCC en condition d’apports
Flux tubulaire distal et la disponibilité du sodium
potassiques élevés n’est pas totalement élucidée mais fait inter-
Une augmentation du flux urinaire en regard des segments venir les kinases WNK (with no [K]-lysine), notamment WNK1 et
tubulaires distaux entraîne une augmentation de la sécrétion du WNK4, et leur substrats SPAK et OSR1 qui activent NCC en le
potassium. Une telle augmentation de débit peut survenir suite à phosphorylant et inversement. L’augmentation de la concentra-
une augmentation du volume extracellulaire, une diurèse osmo- tion de potassium plasmatique dépolarise la membrane apicale,
tique ou encore suite à l’administration de diurétiques. Toutes ce qui provoque une augmentation de la concentration intracel-
ces circonstances entraînent une augmentation de la kaliurèse. lulaire en chlore, et donc la mise en jeu de WNK4, kinase dont
L’augmentation de la sécrétion de potassium qui fait suite à une l’activité est très sensible au chlore [18, 19] .
augmentation du débit dans la lumière tubulaire répond à plu- De manière très intéressante, l’inactivation de NCC dans le
sieurs mécanismes. Tout d’abord, la conductance de la membrane DCT1, et l’augmentation de kaliurèse qui s’ensuit, sont déclen-
apicale au potassium est élevée ; si le flux tubulaire est faible, chées par un apport alimentaire de potassium avant même que
les concentrations de potassium de part et d’autre de la mem- la concentration de potassium dans le plasma ne s’élève [20] . Ce
brane cellulaire s’équilibrent, limitant les capacités d’excrétion de phénomène d’anticipation de la réponse rénale à des apports
potassium. À l’inverse, lorsque le flux tubulaire est plus important, potassiques élevés suppose l’existence d’un système de perception
la concentration luminale du potassium est maintenue basse et, digestive du potassium ingéré et d’un mécanisme dit de feed-
via un gradient électrochimique favorable, la sécrétion de potas- forward qui n’est pas élucidé à ce jour [21] . Un rôle du microbiote
sium augmente. De plus, le flux tubulaire active les canaux Maxi-K intestinal a été évoqué mais reste hypothétique [22] . Le gluca-
et augmente donc la perméabilité de la membrane apicale tubu- gon, sécrété par les cellules alphapancréatiques en réponse à une
laire au potassium. En outre, l’augmentation du flux est, le plus augmentation de concentration du potassium plasmatique et res-
souvent, associée à une augmentation de la quantité de sodium ponsable d’une stimulation de la kaliurèse, pourrait également
dans la lumière du néphron distal. Le sodium est réabsorbé via les être impliqué [6] .
canaux ENaC, ce qui favorise la sécrétion de potassium par ROMK
par un effet sur le gradient électrochimique, en dépolarisant la
Aldostérone
membrane apicale.
La principale hormone qui assure l’homéostasie potassique est
DCT1, un senseur du potassium l’aldostérone. Une augmentation, même minime, de la kaliémie
Le DCT1, de par sa situation immédiatement en amont du stimule les cellules de la zone glomérulée de la surrénale par dépo-
tubule distal sensible à la l’aldostérone, joue un rôle clé pour régu- larisation membranaire, ce qui active une voie de signalisation
ler le flux tubulaire et la quantité de sodium délivrés dans ces aboutissant in fine à la synthèse et à la sécrétion d’aldostérone.
segments et donc la sécrétion distale de potassium. En situation de L’activation du MR par l’aldostérone augmente la transloca-
régime riche en potassium, l’expression membranaire et l’activité tion à la membrane et l’activité de la Na-K-ATPase, et des canaux

EMC - Néphrologie 7
18-033-A-10  Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie

ENaC et ROMK, ce qui permet d’augmenter la réabsorption de tion du flux de sodium délivré au tubule distal qui peut favoriser
sodium et la sécrétion de potassium par le néphron distal sensible au contraire une relative perte rénale de potassium [28] .
à l’aldostérone [15] , en jouant à la fois sur le gradient électrochi-
mique et la perméabilité membranaire au potassium.
En situation physiologique, le cortisol est présent à une concen- Apports alimentaires de potassium
tration environ 1000 fois supérieur à l’aldostérone dans le plasma,
L’alimentation actuelle dans les pays développés est totale-
et l’aldostérone et le cortisol ont une affinité semblable pour
ment opposée à celle de l’homme préhistorique, dont le contenu
le récepteur aux minéralocorticoïdes [23] . Malgré cela, le MR
en sodium était extrêmement faible et le contenu en potassium
est « protégé » de l’action du cortisol par l’action de la 11 ␤-
très élevé. De fait, les mécanismes de transport tubulaires rénaux
hydroxysteroïde déshydrogénase de type 2 (11␤-HSD2) exprimée
sélectionnés au cours de l’évolution sont adaptés pour éviter les
dans le tubule distal sensible à l’aldostérone, et qui inactive le
pertes sodées en conditions d’apports faibles, voire quasi nuls et
cortisol en le transformant en cortisone. En conditions physiolo-
pour excréter des quantités très élevées de potassium ; ils sont
giques, le MR est donc régulé par l’aldostérone, et les variations
physiologiquement moins adaptés à des conditions inverses. De
de concentration de cortisol n’ont pas d’effet sur le tubule distal
manière générale, les apports potassiques dans les sociétés indus-
exprimant le MR.
trialisées sont très inférieurs aux apports recommandés, en miroir
Paradoxe de l’aldostérone des apports sodés qui sont très excessifs.
L’aldostérone peut être stimulée par l’angiotensine 2 en cas De nombreuses études ont montré qu’une alimentation riche
d’hypovolémie, indépendamment de la kaliémie, ou par une aug- en potassium (et pauvre en sodium) est bénéfique pour la santé,
mentation de la kaliémie, indépendamment de la volémie. Dans la et inversement s’agissant des régimes occidentaux industriali-
première situation, l’aldostérone doit permettre de réabsorber du sés riches en sodium et pauvres en potassium. Un régime riche
sodium tout en limitant les pertes potassiques, et dans la deuxième en potassium est associé à un risque plus faible d’hypertension,
situation, elle doit favoriser la sécrétion de potassium sans pour d’accident vasculaire cérébral, de lithiase rénale ou encore
autant générer un bilan sodé positif. Cette dissociation des effets d’ostéoporose [30, 31] . La combinaison d’un apport modéré en
d’une même hormone selon le stimulus initial est appelée le sodium (3–5 g/j) et d’un régime riche en potassium (> 3,5 g/j) est
paradoxe de l’aldostérone. L’angiotensine 2, présente lorsque associée à la diminution du risque de mortalité et d’évènements
l’aldostérone est stimulée par l’hypovolémie mais pas lorsqu’elle cardiovasculaires [32, 33] .
est stimulée par l’hyperkaliémie, pourrait jouer un rôle clé dans Les bénéfices d’un régime riche en potassium pourraient
l’effet différentiel de l’aldostérone en fonction du stimulus ini- au moins en partie être expliqués par une augmentation de
tial. L’interrupteur moléculaire qui permet d’orienter l’action de l’excrétion sodée médiée par l’inactivation du cotransporteur
l’aldostérone pourrait être la kinase WNK4 exprimée notamment NCC du tubule contourné distal, alors qu’inversement, un régime
dans le tubule contourné distal. Activée par l’angiotensine 2, pauvre en potassium activerait cette voie et donc la réabsorption
WNK4 favorise la phosphorylation et l’activation de NCC, et donc tubulaire de sodium.
la réabsorption de sodium sans perte potassique associée [24, 25] . La voie de régulation impliquée est celle de kinases WNK,
En outre, l’hyperkaliémie induit une inactivation de la voie des exprimées dans le tubule contourné distal. Lorsqu’elles sont acti-
kinases WNK dans le tubule contourné distal via une augmenta- vées, ces kinases phosphorylent et activent leurs substrats SPAK
tion du contenu intracellulaire en chlore (cf. Pour en savoir plus), (Ste20-related proline–alanine-rich kinase) et OSR1 (oxidative stress-
ce qui contribue à inactiver la réabsorption de sodium par NCC, responsive gene 1), qui à leur tour phosphorylent NCC, ce qui
et à favoriser la réabsorption électrogénique de sodium par ENaC augmente l’expression à la membrane et l’activité du transpor-
dans les segments d’aval, où a contrario, la translocation de ROMK teur. Il a été montré qu’un régime pauvre en potassium active la
à la membrane est activée [15] . voie WNK-SPAK/OSR1/NCC tandis qu’un régime riche en potas-
sium l’inactive, via des modifications du contenu intracellulaire
Vasopressine en chlore, elles-mêmes induites par des variations de la concentra-
La vasopressine ou hormone antidiurétique stimule la sécré- tion du potassium dans l’interstitium [34] . Une baisse du potassium
tion tubulaire du potassium en augmentant la conductance de la extracellulaire entraîne une sortie de potassium de la cellule tubu-
membrane apicale au potassium [26, 27] . laire via le canal potassique basolatéral Kir 4,1/5,1 (inward-rectifier
Équilibre acide-base potassium channel 4.1/5.1), ce qui hyperpolarise la membrane
basolatérale et entraîne une sortie de chlore par le canal chlore
L’alcalose entraîne comme décrit plus haut une hypokaliémie
CLC-Kb [35] . Les kinases WNK, notamment WNK4, sont très sen-
par transfert intracellulaire. De plus, l’alcalose aiguë stimule la
sibles au contenu intracellulaire en chlore, et activées par une
sécrétion de potassium par le tubule distal, par l’augmentation de
baisse de dernier.
l’activité de la Na-K-ATPase et par l’augmentation de la conduc-
Notons enfin que la part de l’apport potassique en soi est dif-
tance de la membrane apicale au potassium, ce qui peut contribuer
ficile à dissocier des bienfaits d’un régime riche en fruits et en
à l’installation ou à l’accentuation d’une hypokaliémie. Le phé-
légumes, aliments à teneur élevée en potassium. En outre, les
nomène inverse se produit en cas d’acidose aiguë. La quantité de
aliments riches en potassium apportent également une charge
potassium excrétée par voie urinaire diminue, malgré une kalié-
alcaline, qui participe au rôle protecteur sur l’os et sur l’apparition
mie plus élevée. Le mécanisme évoqué est que la baisse du pH
de lithiases [30] .
intracellulaire inhibe la Na-K-ATPase et diminue la perméabilité
des canaux apicaux potassiques [9, 28] .
Dans l’alcalose métabolique chronique comme dans l’acidose
respiratoire compensée, l’augmentation de la charge filtrée et
 Hypokaliémie
excrétée en bicarbonates favorise l’excrétion rénale de potassium Prévalence et signes cliniques
par augmentation de l’électronégativité de la lumière tubulaire
distale [29] . Au cours de l’acidose métabolique chronique, on L’hypokaliémie, définie par une concentration sérique de
observe une diminution de la sécrétion de potassium par le canal K+ < 3,5 mmol/l [1, 29] , est l’anomalie biologique la plus fréquem-
collecteur. De plus, l’acidose stimule l’ammoniogénèse, ce qui par- ment rencontrée en pratique clinique. On estime qu’environ
ticipe à l’altération des capacités de sécrétion distale de potassium 20 % des patients hospitalisés développent une hypokaliémie. Les
en raison d’une moindre réabsorption de sodium dans le canal femmes sont plus à risque que les hommes, en particulier en cas de
collecteur. Enfin, l’acidose stimule la H-K-ATPase dans les cel- prise de diurétiques thiazidiques, probablement en lien avec une
lules intercalaires du canal collecteur, et donc la réabsorption de masse musculaire plus faible et donc une réserve de potassium
potassium. L’ensemble explique la participation rénale à la ten- échangeable moins importante.
dance hyperkaliémique observée en cas d’acidose. Notons que Le diagnostic est le plus souvent fortuit sur un examen biolo-
dans l’acidose chronique, ces effets peuvent être modulés par une gique chez un patient asymptomatique. Les pseudohypokaliémies
moindre réabsorption de sodium dans le tubule proximal et la (kaliémie faussement abaissée par un transfert intracellulaire de
branche ascendante large de l’anse de Henle, d’où une augmenta- potassium survenant in vitro) sont nettement moins fréquentes

8 EMC - Néphrologie
Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie  18-033-A-10

Kaliémie < 3,5 mmol/l

Kaliurèse adaptée Kaliurèse inadaptée


< 20–30 mmol/j > 30 mmol/j
GTTK < 3 GTTK > 4
FE K < 2 % FE K > 4 %

Carence Pertes Transfert Hypomagnésémie


Magnésémie normal
d’apport digestives intracellulaire Mg < 0,65 mmol/l

Pression artérielle Pression artérielle


élevée normale ou basse

↑ Rénine ↓ Rénine ↓ Rénine Acidose Alcalose


↑ Aldostérone ↓ Aldostérone ↑ Aldostérone

Hyperaldostéronisme secondaire Hyperaldostéronisme primaire Acidose tubulaire Hypovolémie


- Tumeur à rénine - Adénome de Conn - Type 1 réelle ou efficace
- Sténose artère rénale - Hyperplasie bilatérale - Type 2 - Diurétiques
- Ischémie rénale - Forme génétique - Acétazolamide - Tubulopathies
- Cirrhose, insuffisance
Pseudohyperaldostéronisme cardiaque, syndrome
- Hypercorticisme néphrotique*
- Glycyrhizine - Anion non réabsorbable
- Bloc enzymatiques
- Causes génétiques (Liddle, etc.)

Figure 9. Arbre décisionnel. Démarche diagnostique devant une hypokaliémie. Dans ces conditions, l’hypokaliémie apparaît sous réserve qu’il persiste
une natriurèse et donc un flux de sodium non nul en regard du néphron distal. GTTK ; gradient transtubulaire de potassium ; FE K : fraction d’excrétion du
potassium ; Mg : magnésium.

que la problématique inverse (cf. infra). Elles peuvent survenir La carence chronique en potassium est responsable de désordres
lorsqu’un échantillon est conservé trop longtemps avant centri- métaboliques avec notamment un défaut de concentration des
fugation, à température ambiante, ou en cas de forte chaleur, ainsi urines, par diminution du gradient médullaire et résistance à
que chez des patients ayant une hyperleucocytose majeure dans la vasopressine. L’hypokaliémie chronique favorise également la
un contexte de leucémie [36] . tendance à l’alcalose métabolique et une majoration de l’excrétion
Rappelons que la concentration de potassium dans le secteur rénale d’ammonium. Dans les cas les plus sévères, on peut obser-
extracellulaire (qui ne contient qu’une fraction très minoritaire ver une néphropathie avec une protéinurie, des kystes rénaux,
du potassium total), dépend sur deux paramètres : le contenu total une baisse du débit de filtration glomérulaire, et histologique-
de potassium dans l’organisme, et la répartition de ce dernier dans ment une tubulopathie chronique interstitielle [29] . Ces lésions
les compartiments liquidiens intra- et extracellulaires. De ce fait, ont cependant le plus souvent été décrites chez des patients
la baisse de kaliémie est un reflet très imprécis du déficit en potas- ayant des comorbidités ou des causes d’hypokaliémie potentielle-
sium. Il a été montré que la diminution de la concentration de ment impliquées dans la physiopathologie de ces lésions rénales
potassium dans le secteur extracellulaire est proportionnellement (malnutrition, troubles du comportement alimentaire, prise de
plus marquée que le déficit global en potassium, si bien que le laxatifs, etc.) [37, 38] . Le rôle causal direct de l’hypokaliémie est
gradient de concentration transcellulaire de potassium augmente débattu car a contrario d’autres hypokaliémies chroniques et
progressivement lorsque la kaliémie diminue [7] . profondes, telles celles qui s’observent dans des tubulopathies
Les signes cliniques d’une hypokaliémie sont non spécifiques génétiques comme le syndrome de Gitelman (cf. infra), ne sont
(fatigue, constipation, sensation de faiblesse musculaire). Plus pas associées à ces lésions rénales.
la vitesse d’installation de l’hypokaliémie est rapide, plus le
trouble est symptomatique et potentiellement menaçant. Lorsque
le potassium sérique atteint des valeurs très basses (< 2,5 mmol/l), Analyse de la réponse rénale en présence
peut se produire une rhabdomyolyse. En cas d’hypokaliémie très
profonde (< 2 mmol/l), l’hyperpolarisation des membranes cel-
d’une hypokaliémie
lulaires induit une paralysie ascendante flasque, qui peut être La démarche diagnostique devant une hypokaliémie est
insidieuse, évoluant en 24–48 heures, avec possible atteinte de la basée en premier lieu sur l’analyse du caractère adapté (kaliu-
fonction respiratoire. Le réel danger de l’hypokaliémie tient à son rèse < 20 mmol/24 h) ou inadapté (kaliurèse > 30 mmol/24 h) de
retentissement cardiaque, qui est plus fréquent, et survient même la réponse rénale (Fig. 9). Les urines de 24 heures sont rarement
pour des hypokaliémies légères à modérées, chez les patients avec disponibles en pratique clinique : on peut également évaluer la
une cardiopathie sous-jacente. Un électrocardiogramme doit sys- réponse rénale sur un échantillon urinaire. Cette analyse instan-
tématiquement être réalisé à la recherche d’ondes U ou de signes tanée de l’excrétion urinaire de potassium repose sur le calcul de
d’hyperexcitabilité (extrasystoles, fibrillation auriculaire). La tor- la fraction d’excrétion (FE) du potassium (< 2 % en cas de pertes
sade de pointe ou la fibrillation ventriculaire est une complication extrarénales) ou du rapport K+ (mmol)/créatinine (mmol) (un
potentiellement létale d’une hypokaliémie [1, 29] . rapport < 1 signant une perte extrarénale de K+ ), ou encore sur le

EMC - Néphrologie 9
18-033-A-10  Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie

calcul du gradient transtubulaire de K+ (GTTK). Ce dernier permet De même, une administration d’insuline peut être responsable
de s’affranchir de la variabilité de dilution des urines pour estimer d’une hypokaliémie, ce qui doit être prise en compte et anticipée
la concentration luminale en potassium en regard du canal lors du traitement d’une acidocétose diabétique.
collecteur cortical, et donc évaluer de manière semiquantitative La paralysie périodique hypokaliémique est une maladie géné-
l’activité sécrétoire du potassium par le néphron distal cortical. tique rare, de transmission autosomique dominante. Les crises
Un GTTK inférieur à trois suggère que le processus sécrétoire de sont liées à un transfert intracellulaire brutal de potassium
K+ n’est pas activé (ce qui est adapté en cas d’hypokaliémie) alors se manifestant par des accès aigus transitoires de troubles
qu’un GTTK supérieur à sept suggère que le processus sécrétoire moteurs potentiellement sévères (faiblesse musculaire, tétraplégie
de K+ est stimulé (ce qui est adapté en cas d’hyperkaliémie). complète, troubles de déglutition, troubles respiratoires) [40] . Ces
K+ K+
épisodes sont typiquement déclenchés par des facteurs favorisant

[U] K
+
[S]
[U] K
+⁄
[S] le transfert intracellulaire de potassium tels que l’effort physique
Osm[U]
⁄Osm[S] Creat[U]
⁄Creat[S] intense, les repas riches en sucres rapides, l’exposition au froid
GTTK FEK+ ou l’administration de glucose, d’insuline, ou de glucocorticoïdes.
Les crises durent de quelques heures à quelques jours. Le traite-
ment est la supplémentation de potassium, mais en visant une
Hypokaliémie à réponse rénale adaptée valeur normale-basse de kaliémie, afin d’éviter une hyperkalié-
mie rebond lors de la résolution de la crise, puisque les stocks
Carence d’apports de potassium de l’organisme ne sont pas diminués. Les muta-
Les hypokaliémies par carence d’apports sans autre cause asso- tions identifiées touchent des canaux voltage-dépendants de la
ciée sont rares. En effet, le rein a la capacité d’abaisser de cellule musculaire : la mutation la plus fréquente concerne le
manière importante la kaliurèse [16] . Toutefois, contrairement au gène CACLN1S, qui code pour la sous-unité alpha 1 du canal cal-
sodium, dont l’excrétion peut être quasi nulle en réponse à des cique Cav1.1. Plus rarement, la mutation touche le gène SCN4A
apports nuls, l’excrétion de potassium s’abaisse rarement en des- qui code pour la sous-unité alpha d’un canal sodique, Nav1.4 [41] .
sous de 15 mmol/j environ [2] . L’anorexie, le jeûne très prolongé, Cependant, le mécanisme exact de l’hypokaliémie profonde qui
l’alcoolisme, la malabsorption intestinale peuvent entraîner une accompagne les crises reste inconnu.
déplétion des stocks potassiques et une hypokaliémie modérée. La La paralysie périodique hypokaliémique thyrotoxique est une
présence d’une hypokaliémie sévère dans un contexte d’anorexie forme acquise d’hypokaliémie de transfert plus fréquente que les
traduit le plus souvent des vomissements associés ou une prise de formes génétiques décrites ci-dessous [42] . Elle survient volontiers
laxatifs. En cas hypomagnésémie associée, l’hypokaliémie peut chez des hommes originaires d’Asie ou d’Amérique latine, et est
être réfractaire en raison d’une perte rénale de potassium (cf. déclenchée comme son nom l’indique par une hyperthyroïdie. Les
infra). hormones thyroïdiennes activent la synthèse de sous-unités de la
Na-K-ATPase. Toutefois, ce mécanisme ne permet pas à lui seul
d’expliquer la pathologie. Des mutations dans le canal potassique
Hypokaliémies par pertes digestives KiR 2.6, sensible aux hormones thyroïdiennes, ont été identifiées
L’excrétion digestive normale de potassium dans les selles est chez certains patients [43] . Outre l’administration de potassium,
d’environ 10 mmol/j. Toute diarrhée (infectieuse, tumeur villeuse, les bêtabloquants ont également une place dans le traitement en
maladie cœliaque, laxatifs) augmente les pertes digestives et peut limitant le transfert intracellulaire de potassium et les effets péri-
entraîner une hypokaliémie. Il s’y associe une acidose métabo- phériques de l’hyperthyroïdie. Le traitement est avant tout celui
lique à trou anionique normal, ce qui peut d’ailleurs conduire à du désordre endocrinien sous-jacent.
sous-estimer la profondeur de l’hypokaliémie par sortie de potas-
sium intracellulaire. La kaliurèse est basse, adaptée au trouble
extrarénal. Toutefois, l’acidose en elle-même peut entraîner une
perte rénale de potassium secondaire à la majoration de la dis- Hypokaliémie à réponse rénale inadaptée
ponibilité du Na+ dans le néphron distal, ce d’autant que la
déshydratation éventuelle peut entraîner un hyperaldostéronisme La présence d’aldostérone et la quantité de sodium délivré au
secondaire [39] . tubule distal sont les deux déterminants majeurs de la sécré-
Les hypokaliémies liées aux vomissements sont d’origine rénale tion rénale de potassium, car ces deux conditions aboutissent
et traitées dans la partie « Pertes digestives hautes » plus bas. in fine à augmenter le gradient électrochimique favorable à la
sécrétion de potassium et la perméabilité au potassium de la mem-
brane apicale des cellules tubulaires du néphron distal sensible
Hypokaliémies par pertes cutanées à l’aldostérone. En conditions physiologiques, ces deux compo-
Les pertes cutanées sont rarement responsables d’une déplétion santes sont régulées dans des sens opposés et coexistent rarement ;
suffisante pour entraîner une hypokaliémie. Cependant, en cas en cas de stimulation hypovolémique de l’aldostérone, la quantité
d’exercice intense entraînant une transpiration profuse ou chez de sodium délivrée au tubule distal est faible, limitant l’apparition
les grands brûlés, on peut observer une hypokaliémie. Dans ce d’une hypokaliémie. En situation d’hypervolémie et de flux tubu-
contexte, les crampes sont plutôt secondaires à la perte de sodium laire distal augmenté, la sécrétion de rénine et donc d’aldostérone
et d’eau libre que de potassium [3, 7, 14] . est en règle générale freinée, évitant les pertes rénales de potas-
sium inappropriées.
En revanche, en conditions pathologiques, un taux élevé
Hypokaliémie de transfert d’aldostérone peut s’observer en présence d’un flux tubulaire dis-
Les mécanismes de régulation rapide de la kaliémie par transfert tal de sodium élevé, générant une perte rénale de potassium et une
intracellulaire du potassium peuvent tous être à l’origine d’une hypokaliémie. Il s’agit alors de déterminer si l’on se trouve face à
hypokaliémie dite « de transfert » lors d’une stimulation excessive, une augmentation primitive inappropriée de l’activité minéralo-
pathologique ou pharmacologique. Ces propriétés sont d’ailleurs corticoïde, associée à une augmentation du volume extracellulaire
utilisées dans le traitement d’urgence d’une hyperkaliémie (cha- et typiquement à une hypertension artérielle (HTA), ou si le
pitre « Traitement d’une hyperkaliémie »). trouble primitif est l’augmentation de la disponibilité du sodium
Ainsi, l’activation des récepteurs ␤2-adrénergiques, que ce soit dans le néphron distal générée par une moindre réabsorption
par des agents pharmacologiques sympathicomimétiques (uti- dans les segments en amont. Cette dernière situation est plu-
lisés dans l’asthme, la rhinite, ou comme inhibiteurs de la tôt associée à un volume extracellulaire et une pression artérielle
contraction utérine), ou par excès de dérivés adrénergiques cir- normaux ou diminués, responsables d’une stimulation de la sécré-
culants (phéochromocytome, stimulation par la théophylline ou tion d’aldostérone. Il faut noter que l’hypokaliémie ayant en soi
la caféine, etc.) peuvent entraîner une hypokaliémie. Ce méca- une action freinatrice sur la sécrétion d’aldostérone, cette der-
nisme explique également l’hyperkaliémie moindre qu’attendue nière peut être dans les limites de la normale, ce qui complique la
après un arrêt cardiaque récupéré par injection d’adrénaline. démarche diagnostique.

10 EMC - Néphrologie
Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie  18-033-A-10

Hypokaliémie par perte rénale en contexte un canal potassique dont l’activation stimule la synthèse de
d’hypertension artérielle l’aldostérone [48] . Notons que l’on retrouve des mutations soma-
tiques de ce même gène dans 40 % des adénomes de Conn [49] .
Les hypokaliémies liées à l’activation inappropriée du système L’étiologie des FH2 n’est pas identifiée. Très récemment, des muta-
rénine-angiotensine-aldostérone à n’importe quel niveau sont tions ont été identifées dans les gènes CLCN2 et CLCNA1H,
très fréquentes. Le volume extracellulaire est augmenté et une HTA codant respectivement pour le canal Chlore ClC2 et pour la
est typiquement présente. La stimulation du récepteur minéralo- sous-unité alpha1 du canal calcique de type T Cav3.2, et défi-
corticoïde ou de ses cibles entraîne une réabsorption de sodium nissent les FH-II et FH-IV. Des mutations somatiques de ces
dans le néphron distal via les canaux ENaC, ce qui dépolarise deux canaux ont également été identifiées dans des adénomes de
la membrane apicale des cellules principales du canal collec- Conn.
teur et favorise la sécrétion de potassium par les canaux ROMK.
L’exploration diagnostique de ces hypokaliémies à pression arté-
rielle élevée et associées à une alcalose métabolique repose sur
les dosages de rénine et d’aldostérone pour localiser l’origine de Hyperaldostéronisme secondaire (rénine élevée, aldostérone
l’activation minéralocorticoïde (Fig. 9). élevée)
L’hyperaldostéronisme est dit secondaire lorsqu’il est consécutif
Hyperaldostéronisme primaire (rénine basse, aldostérone à une augmentation de la rénine. Une forme très rare mais carica-
élevée) turale est la tumeur à rénine, tumeur rénale bénigne développée
aux dépens des cellules juxtaglomérulaires qui est responsable
L’hyperaldostéronisme primaire est une sécrétion autonome
d’un hyperréninisme majeur. L’HTA sévère, avec une hypoka-
et excessive d’aldostérone [44] . La rénine est basse, et le ratio
liémie très marquée, est guérie par l’exérèse chirurgicale de la
aldostérone/rénine est élevé. Le diagnostic est difficile car les
tumeur [50] .
tests dynamiques et les normes de laboratoires sont variables
Plus fréquemment, les hyperaldostéronismes secondaires
entre les différents centres, et parce que de nombreux traite-
s’observent dans les situations d’hypoperfusion rénale par une
ments antihypertenseurs interfèrent avec les dosages. En outre,
sténose artérielle qui entraîne une baisse de la pression de per-
la frontière entre HTA à rénine basse et hyperaldostéronisme
fusion des artérioles afférentes rénales et donc une libération
primaire est parfois difficile à définir. Une fois le diagnostic
de rénine (coarctation de l’aorte, sténose athéromateuse d’artère
d’hyperaldostéronisme primaire posé, une enquête étiologique,
rénale, fibrodysplasie de l’artère rénale).
souvent complexe, qui repose notamment sur une imagerie scano-
Enfin, la rénine peut s’élever dans différentes pathologies asso-
graphique des surrénales et des dosages étagés d’aldostérone dans
ciées à une ischémie rénale ou une anomalie de perfusion locale
les veines surrénaliennes par cathétérisme, permet d’en identifier
comme l’infarctus rénal, les séquelles de pyélonéphrites, ou des
la cause [45] .
pathologies urologiques comme le syndrome de jonction.
L’adénome de Conn est responsable d’environ 30 % des hyper-
Le traitement est celui de la cause dans la mesure du possible et
aldostéronismes primaires. Il s’agit d’une tumeur bénigne qui
le traitement pharmacologique repose sur les inhibiteurs du sys-
se développe dans la zone glomérulée du cortex surrénalien.
tème rénine-angiotensine sous surveillance de la créatininémie.
L’exérèse d’un adénome de Conn corrige l’hypokaliémie, mais la
Notons que l’hypokaliémie n’est pas systématique dans les HTA
guérison de l’HTA est inconstante et dépend de l’ancienneté du
liées à un hyperaldostéronisme secondaire, et dépend de la nature
trouble, de l’âge et des comorbidités [46] . Le traitement est donc
et de la sévérité du trouble.
défini au cas par cas, et peut soit être médical (cf. infra, formes
bilatérales) soit chirurgical (surrénalectomie par voie cœliosco-
pique). Le cas échéant, il convient de confirmer au préalable le
caractère unilatéral de la sécrétion d’aldostérone par cathétérisme Pseudohyperaldostéronisme (rénine basse, aldostérone basse)
des veines surrénaliennes. L’activation du récepteur minéralocorticoïde ou de ses cibles,
Lorsque la sécrétion est bilatérale (environ 60 % des cas), indépendamment de l’aldostérone, définit un pseudohyperaldo-
le traitement est médical et repose sur le régime pauvre en stéronisme. Il existe une HTA et une alcalose hypokaliémique,
sel et l’association d’antihypertenseurs dont un antagoniste de mais l’aldostérone est basse, de même que la rénine [44] .
l’aldostérone (spironolactone). On rappelle qu’en conditions physiologiques, le cortisol est
Dans de très rares cas, l’hyperaldostéronisme primaire inactivé par la 11␤-HSD2 et n’a pas d’effet minéralocorticoïde
s’explique par un corticosurrénalome. Cette tumeur maligne du dans le tubule distal sensible à l’aldostérone. En revanche, toute
cortex surrénalien sécrète le plus souvent du cortisol, des andro- situation entraînant un dysfonctionnement de la 11␤-HSD2
gènes ou des précurseurs de la stéroïdogenèse mais peut également conduit à une activation du récepteur aux minéralocorticoïdes
sécréter de l’aldostérone, y compris isolément. Le corticosurré- par les glucocorticoïdes et à une HTA hypokaliémique. C’est
nalome relève d’une exérèse chirurgicale carcinologique, et ce le cas lors des syndromes de Cushing sévères, notamment
diagnostic justifie la réalisation d’une imagerie surrénalienne d’origine paranéoplasique avec sécrétion ectopique d’ACTH, lors
systématique chez tous les patients qui présentent un hyperal- de l’administration de glucocorticoïdes à forte dose, ou encore
dostéronisme primaire, y compris lorsqu’un traitement médical en cas de prise de glycyrrhizine, présente dans la réglisse et cer-
est envisagé d’emblée. taines boissons anisées, qui est un inhibiteur de la 11␤-HSD2. Il
Enfin, il existe des formes génétiques d’hyperaldostéronisme existe également une forme génétique, de transmission autoso-
(FH, pour familial hyperaldosteronism). L’hyperaldostéronisme mique récessive, d’inactivation de la 11␤-HSD2 (syndrome d’Ulick
familial de type 1 (FH-I) est une forme d’hyperaldostéronisme pri- ou excès apparent en minéralocorticoïdes) [51] . Citons encore le
maire sévère, de début précoce, souvent associée à des accidents syndrome de Geller, où l’HTA apparaît à un jeune âge et est aggra-
vasculaires cérébraux, de transmission autosomique dominante. vée pendant la grossesse, en lien avec une mutation du récepteur
Le FH-I résulte d’une recombinaison homologue entre les gènes minéralocorticoïde, qui entraîne son activation constitutionnelle
CYP11B1 et CYP11B2 qui codent pour les enzymes responsables et une activation encore plus marquée en présence de progesté-
de la synthèse du cortisol et l’aldostérone, respectivement [47] . rone [52, 53] .
La synthèse de l’aldostérone s’effectue alors dans la zone glo- Les pseudohyperaldostéronismes s’observent également
mérulée mais également dans la zone fasciculée de la surrénale, lorsque des minéralocorticoïdes autres que l’aldostérone sont
sous le contrôle de l’hormone adrénocorticotrophique (ACTH). Le produits en excès, comme la désoxycorticostérone en cas de blocs
FH-I est également appelé glucocorticoid remediable aldosteronism enzymatiques surrénaliens.
car l’administration au long cours de petites doses de glucocorti- L’activation peut enfin survenir en aval du MR, directement au
coïdes de synthèse permet une freination de la synthèse d’ACTH niveau des canaux ENaC, comme dans le syndrome de Liddle,
hypophysaire par rétrocontrôle et un contrôle de la sécrétion maladie de transmission autosomique dominante qui est respon-
d’aldostérone. sable d’une accumulation de canaux ENaC à la membrane apicale
L’hyperaldostéronisme familial de type 3 (FH-III) est lié à par mutation des séquences sensibles à l’ubiquitination d’une
une mutation gain de fonction du gène KCNJ5, qui code pour sous-unité du canal [53] .

EMC - Néphrologie 11
18-033-A-10  Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie

Tableau 1.
Principaux médicaments hypokaliémiants.
Classe thérapeutique ou médicament Effet Exemples
Diurétiques Moindre réabsorption tubulaire de potassium et Furosémide (Lasilix® ), bumétanide
de l’anse augmentation charge sodée délivrée au tubule distal (Burinex® )
thiazidiques Augmentation charge sodée délivrée au tubule distal Hydrochlorothiazide (Esidrex® ),
indapamide (Fludex® ), chlorthalidone
Bêtalactamines Augmentation de la sécrétion tubulaire distale de Pénicilline, amoxicilline (Clamoxyl® )
potassium
(Augmentation de la charge sodée distale et anions
non réabsorbables)
Bêta-2 mimétiques Transfert intracellulaire de potassium Salbutamol
Insuline Transfert intracellulaire de potassium
Solutés de bicarbonate Transfert intracellulaire de potassium
Résines échangeuses de cations Inhibition de l’absorption intestinale Polystyrène sulfonate sodique
(Kayexalate® ), patiromer (Veltassa® )

La DCI (dénomination commune internationale) est indiquée par défaut. Un nom commercial est parfois indiqué en complément de la DCI pour information.

Hypokaliémie par perte rénale à pression par le même mécanisme. Le traitement est étiologique (arrêt
artérielle normale ou basse des vomissements, prescription d’inhibiteurs de la pompe à pro-
tons) et symptomatique avec un supplémentation en chlorure de
Lorsque le trouble n’est pas une activation primitive minéra- potassium et une réhydratation, idéalement par un soluté salé
locorticoïde, il s’agit alors de mettre en évidence le mécanisme isotonique.
favorisant la perte rénale de potassium dans un contexte de
volume extracellulaire normal ou bas, et sans HTA. Absence d’hypovolémie, pression artérielle normale
Hypomagnésémie. Les pertes rénales ou gastro-intestinales
Hypovolémie réelle ou efficace, pression artérielle basse de potassium et les carences alimentaires sont associées à des
Les situations d’hypovolémie réelle (diminution du volume déficiences d’autres ions. On estime que 50 % des hypokalié-
extracellulaire), ou efficace (dans le cadre de l’insuffisance car- mies cliniquement significatives sont associées à un déficit en
diaque décompensée, la cirrhose avec ascite ou le syndrome magnésium. L’hypomagnésémie aggrave l’hypokaliémie par aug-
néphrotique) entraînent un hyperaldostéronisme secondaire qui mentation de la conductance des canaux ROMK, et peut la rendre
peut entraîner une alcalose hypokaliémique. réfractaire au traitement si les deux troubles ne sont pas pris en
Causes médicamenteuses. Tout médicament augmentant la compte [56] .
disponibilité tubulaire distale du sodium peut entraîner une hypo- Acidoses tubulaires hypokaliémiques. Les acidoses tubu-
kaliémie. Les diurétiques qui agissent en amont du tubule distal, laires associées à une hypokaliémie sont présentées dans le
et notamment les diurétiques de l’anse et les diurétiques thiazi- Tableau 2.
diques, sont la première étiologie d’hypokaliémie, à rechercher à L’acidose tubulaire distale classique (type 1) est la conséquence
l’interrogatoire (Tableau 1). Notons que la prise est parfois occulte, d’une incapacité du canal collecteur à diminuer le pH tubu-
volontaire ou involontaire (phytothérapie, traitements « détoxi- laire et s’accompagne d’une néphrocalcinose, d’une perte de sel,
fiants », etc.). mais également d’une hypokaliémie, souvent sévère et multi-
Par ailleurs, les intoxications sévères au paracétamol peuvent factorielle [57] . Elle est caractérisée par un dysfonctionnement
s’accompagner d’une hypokaliémie par toxicité tubulaire [54] . La des cellules intercalaires de type ␣, soit par défaut de la sécré-
pénicilline et ses dérivés augmentent la sécrétion tubulaire de tion de protons vers la lumière tubulaire, soit par une altération
potassium par augmentation de la charge sodée délivrée au tubule de l’échangeur chlore-bicarbonate au pôle basolatéral. Elle peut
distal, mais aussi par leur nature d’anion non réabsorbable [55] . s’observer dans le syndrome de Gougerot-Sjögren. Les formes
Tubulopathies génétiques. Le syndrome de Bartter et le syn- congénitales sont d’origine génétique (récessive ou dominante).
drome de Gitelman sont des tubulopathies transmises sur un Plus rarement, elle est d’origine toxique (amphotéricine B). La
mode autosomique récessif. Le syndrome de Bartter altère le physiopathologie des troubles hydroélectrolytiques associés à
transport du sodium dans la branche ascendante de l’anse de l’acidose métabolique hyperchlorémique est complexe ; la déshy-
Henle (tableau semblable à la prise de diurétiques de l’anse) et dratation résulte d’une altération de la réabsorption de sodium
le syndrome de Gitelman dans le tubule contourné distal (tableau et de chlore par la cellule intercalaire de type ␤ (qui exprime
semblable à la prise de diurétiques thiazidiques). Dans les deux également la pompe H+ -ATPase à son pôle basolatéral, et réab-
cas, il existe une perte de sel, avec une pression artérielle normale sorbe du sodium et du chlore par le système Na+ -driven Cl- -HCO3−
ou basse et une hypokaliémie en lien avec l’hyperaldostéronisme exchanger NDCBE / pendrine exprimé à son pôle apical), et d’une
secondaire majeur. Dans le syndrome de Gitelman, il s’y associe altération du fonctionnement de la cellule principale par un
une hypomagnésémie qui entretient et aggrave l’hypokaliémie. mécanisme paracrine [58] . L’hypokaliémie pourrait résulter de
Le traitement consiste en la supplémentation en sel, magnésium, l’augmentation d’expression et d’activité des canaux potassiques
potassium associée à la prescription de diurétiques épargneurs BK en présence d’un débit de fluide tubulaire augmenté. De plus,
de potassium (amiloride) pour limiter la sécrétion tubulaire de la moindre sécrétion de protons dans la lumière tubulaire ren-
potassium [23] . force l’électronégativité luminale, ce qui favorise la sécrétion du
Pertes digestives hautes. Les vomissements entraînent une potassium. Enfin, l’altération de l’activité de l’antiport H+ /K+ des
perte de protons et de chlore et sont donc responsables d’une cellules intercalaires du canal collecteur qui peut s’observer dans
alcalose métabolique hypochlorémique avec une chlorurèse les acidoses tubulaires distales diminue directement la réabsorp-
effondrée. Le bicarbonate en excès est éliminé dans l’urine, accom- tion distale de potassium.
pagné par du sodium, entraînant une perte de sodium en grande L’acidose tubulaire proximale (dite de type 2) entraîne une perte
partie d’origine rénale. L’hyperaldostéronisme secondaire à la de bicarbonate de sodium dans l’urine secondaire à une dimi-
perte sodée, d’une part, et majoration du gradient de voltage nution du seuil de réabsorption du bicarbonate, ainsi qu’une
transépithélial lumière négatif dû à la présence de grandes quan- diminution de l’ammoniogénèse [57, 59] . L’hyperaldostéronisme
tités de bicarbonate dans le tubule distal, d’autre part, expliquent secondaire, couplé à l’augmentation de la quantité de sodium
l’hypokaliémie par perte rénale de potassium. Les dérivations délivrée au tubule distal, explique l’hypokaliémie, en règle géné-
digestives hautes sont également responsables d’hypokaliémies rale modérée car à l’état d’équilibre, la quantité de bicarbonate

12 EMC - Néphrologie
Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie  18-033-A-10

Tableau 2.
Atteintes tubulaires associées à une hypokaliémie.
Maladie Segment tubulaire impliqué Mutation ou mécanisme en cause Troubles associés à l’hypokaliémie
Acidose tubulaire Tubule contourné proximal Mutation SLC4A4 (codant pour NBCe1) Défaut de réabsorption de bicarbonates
proximale (type 2) isolée Inhibition pharmacologique de l’anhydrase et d’ammoniogénèse
carbonique IV (acétazolamide) Acidose métabolique hyperchlorémique
(capacité résiduelle à diminuer le pH
urinaire si bicarbonatémie basse)
Retard staturopondéral, retard mental,
glaucome, cataracte, kératopathie,
calcifications des noyaux gros centraux
(mutation NBCe1)
Hypercalciurie, lithiase, déminéralisation
osseuse, néphrocalcinose, IRC
(acétazolamide)
Acidose tubulaire Tubule contourné proximal Causes génétiques (syndrome de Dent, de Défaut de réabsorption de bicarbonates
proximale (type 2) intégrée Lowe, cystinose etc.) et d’ammoniogénèse
à un syndrome de Fanconi Formes acquises toxiques ou Acidose métabolique hyperchlorémique
médicamenteuses (métaux lourds, ténofovir, Autres stigmates de tubulopathie
ifosfamide, etc) proximale : défaut de réabsorption
Formes acquises associées à une maladie tubulaire proximale de glucose, d’acides
systémique (gammapathies monoclonales, aminés, de protéines de faible poids
syndrome de Gougerot-Sjögren, etc.) moléculaire, d’acide urique, de
phosphates, de bicarbonates.
Hypercalciurie, lithiase, déminéralisation
osseuse, néphrocalcinose, IRC
Acidose tubulaire mixte Défaut activité anhydrase carbonique de type II Ostéoporose, calcifications cérébrales,
(type 3) proximale et génétique (mutation CA2, très rare) retard mental, ostéopétrose, faiblesses
distale médicamenteux : topiramate musculaires paroxystiques

Syndrome de Bartter Branche ascendante large de Mutation SLC12A1 (codant pour NKCC2) Alcalose métabolique. Perte de NaCl
l’Anse de Henle Mutation KCNJ1 (codant pour ROMK) Trouble de concentration des urines
Mutation CLCNKB (codant pour CLC-kb) Hypomagnésémie
Mutation BSND (codant pour la Barttine) Hypercalciurie, lithiase, déminéralisation
Mutation CASR (codant pour le CaSR) os, néphrocalcinose, IRC
Pharmacologique (diurétiques de l’anse) Retard staturopondéral
Syndrome de Gitelman Tubule contourné distal Mutation SLC12A3 (codant pour NCC) Alcalose métabolique. Perte de NaCl
Pharmacologique (diurétiques thiazidiques) Hypomagnésémie
Hypocalciurie
Acidose tubulaire distale Canal collecteur, Mutations ATP6V0A4 et ATP6V1B1 (codant Défaut d’excrétion distale d’acide
(type 1) cellule intercalaire alpha respectivement pour les sous-unités A et B pH urinaire > 5,3 même si
de l’H+ -ATPase) bicarbonatémie basse
Mutation SLC4A1 (codant pour AE1) Acidose métabolique hyperchlorémique
Syndrome de Gougerot-Sjögren Perte de NaCl et de potassium
Amphotéricine B, lithium, ibuprofène haute Hypocitraturie
dose Hypercalciurie, lithiase, déminéralisation
os, néphrocalcinose, IRC
Pseudohyperaldostéronisme Canal collecteur Causes génétiques Hypertension artérielle hypokaliémique
Syndrome de Liddle (Mutation gain de à rénine et aldostérone basses
fonction de SCNN1A, SCNN1B ou SCNN1G Alcalose métabolique
codant pour les sous-unités alpha, bêta ou Autres signes selon pathologie
gamma d’ENaC)
Syndrome d’Ulick (excès apparent en
minéralocorticoïdes), mutation HSB11B2
codant pour la 11␤HSD2
Syndrome de Geller, mutation activatrice
NR3C2 (codant pour le MR)
Causes endocriniennes a
Syndrome de cushing sévère
Bloc surrénalien (autres minéralocorticoïdes)
Causes toxiques médicamenteuses
Prise de glucocorticoïdes forte dose
Prise de glycyrrhizine

NBCe1 : sodium bicarbonate cotransporter 1 ; NKCC2 : Na-K-Cl cotransporter 2 ; ROMK : renal outer medullary K channel ; ClC-Kb : chloride channel Kb ; NCC : Na-Cl cotransporter ;
11␤-HSD2 : 11 ␤-hydroxystéroïde déshydrogénase de type 2 ; MR : mineralocorticoid receptor ; IRC : insuffisance rénale chronique.
a
Pas d’atteinte tubulaire stricto sensu (indiqué ici en raison de la proximité mécanistique).

filtré diminue et la bicarbonaturie devient plus faible. Notons que l’anhydrase carbonique, ou plus souvent s’intégrer dans une dys-
l’administration de bicarbonates, si elle peut améliorer l’acidose, fonction tubulaire proximale plus globale. L’acidose tubulaire
accentuera l’hypokaliémie. proximale est alors associée à d’autres stigmates de tubulopathie
L’altération de la réabsorption du bicarbonate peut être iso- proximale : phosphaturie, uricurie, aminoacidurie, protéinurie
lée, comme par exemple en cas de mutation du cotransporteur tubulaire. Le tableau complet définit le syndrome de Fanconi qui
sodium-bicarbonate NBCe1 exprimé au pôle basolatéral des cel- peut être génétique ou acquis (myélome à chaînes légères, toxicité
lules tubulaires proximales, ou d’inhibition pharmacologique de médicamenteuse comme celle liée au ténofovir) [60–62] .

EMC - Néphrologie 13
18-033-A-10  Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie

Figure 10. Arbre décisionnel. Démarche diag-


Kaliémie > 5 mmol/l nostique devant une hyperkaliémie.

Confirmer
Hyperkaliémie vraie Pseudohyperkaliémie
l’hyperkaliémie

- Conditions de prélèvement
Kaliurèse adaptée
- Conservation/acheminement
GTTK > 7 Kaliurèse inadaptée
- Pléiocytose
Kaliurèse > 100 mmol/j
- Sphérocytose...

Transfert
lyse cellulaire

Insuffisance Insuffisance rénale Défaut de sécrétion tubulaire


minéralocorticoïde sévère distale de potassium
- Pathologies interstitielles
- Médicamenteux (triméthoprime, amiloride)
- Pseudohypoaldostéronisme de type 2

L’acidose tubulaire dite de type 3, en lien avec un déficit L’administration de chlorure de potassium ne doit jamais se faire
congénital de l’anhydrase carbonique de type 2 est très rare ; en intraveineuse directe, ni par voie sous-cutanée ou intramuscu-
son phénotype est mixte, associant des caractéristiques d’acidose laire.
tubulaire distale et proximale [57, 59] . La surveillance de la correction de la kaliémie doit être d’autant
plus rapprochée que le trouble initial est profond, et que le débit et
la quantité de l’apport sont importants : 4 heures après le début de
Traitement d’une hypokaliémie la correction en soins intensifs, 12 à 24 heures en contexte moins
Le traitement adéquat d’une hypokaliémie nécessite aigu.
l’identification de l’origine du trouble, avec un traitement
étiologique adapté à chaque situation comme détaillé dans les
paragraphes précédents. En particulier, il est difficile de corriger  Hyperkaliémie
une hypokaliémie d’origine rénale sans y associer un traitement
L’hyperkaliémie se définit par une concentration de potassium
qui permet de limiter la sécrétion inappropriée de potassium
dans le plasma supérieure à 5 mmol/l. Ce trouble est moins fré-
comme les antagonistes de l’aldostérone ou l’amiloride (bloqueur
quent que l’hypokaliémie, car le rein normal possède une grande
du canal ENaC).
capacité d’excrétion du potassium, et l’exploration étiologique en
Il est important d’évaluer approximativement l’ampleur du
est plus simple (Fig. 10).
déficit global en potassium, et on rappelle que ce dernier est
proportionnellement moindre que la diminution de kaliémie
ne pourrait le suggérer. On peut estimer qu’une diminution de Signes cliniques
kaliémie d’environ 1 mEq/l est associée à une perte globale de Comme pour l’hypokaliémie, les manifestations cliniques
potassium dans l’organisme de l’ordre de 300 à 400 mEq [7] . La de l’hyperkaliémie sont principalement neuromusculaires et
correction du déficit potassique et des autres éventuels troubles dépendent de la profondeur du trouble, mais surtout de sa vitesse
ioniques associés (notamment l’hypomagnésémie) peut se faire d’installation. L’élévation de la kaliémie entraîne une dépolarisa-
par voie orale ou intraveineuse selon la sévérité du trouble. Les tion de la membrane des cellules, avec des conséquences variables
apports oraux se font sous la forme de gluconate de potassium en fonction des organes. On peut observer une faiblesse ou une
ou de chlorure de potassium. La masse molaire du chlorure hyperexcitabilité musculaire, des paresthésies, des fasciculations,
de potassium étant de 75 g/mol (39 g/mol pour le potassium et et pour un trouble plus sévère, une paralysie ascendante, voire
36 g/mol pour le chlore), il en découle que 1 g de KCl (exemple, une tétraplégie flasque. Les muscles du tronc, de la tête et res-
un comprimé de Kaleorid 1000) apporte 520 mg d’élément potas- piratoires sont généralement épargnés. Un électrocardiogramme
sium, soit 13 mmol de potassium. Le citrate de potassium a est systématique. Ce dernier peut montrer un raccourcissement de
également un intérêt dans les formes particulières d’acidose hypo-
l’espace QT et des ondes T pointues et symétriques. À un stade plus
kaliémique, permettant de corriger simultanément l’équilibre
avancé, apparaissent des troubles conductifs auriculo- et intra-
acidobasique et l’hypokaliémie.
ventriculaires pouvant aboutir à l’arrêt cardiaque par fibrillation
L’hypokaliémie sévère (inférieure à 3 mmol/l et/ou associée
ventriculaire [63] . La découverte d’un trouble aigu de conduction
à des signes électrocardiographiques) nécessite une hospitali-
doit d’ailleurs entraîner un dosage de la kaliémie.
sation et une supplémentation par voie intraveineuse sous la
surveillance d’un monitoring cardiaque (scope). Le potassium
est veinotoxique et s’administre de manière préférentielle par Étiologies
voie veineuse centrale avec un débit maximal de 1 g/h (soit
13 mmol/h). Les solutions à usage adulte sont le plus souvent du
Pseudohyperkaliémie
KCl à la concentration de 10 %, soit 1 g de KCl (13 mmol de potas- La première étape de la démarche diagnostique devant une
sium) pour une ampoule de 10 ml. Ces solutions hypertoniques hyperkaliémie est l’exclusion d’une pseudohyperkaliémie, consé-
doivent être diluées (idéalement dans du sérum salé isotonique) quence d’un relargage de potassium par les cellules (hématies,
avant administration. Avec une voie veineuse périphérique, il plaquettes ou leucocytes) durant le prélèvement ou secondaire
convient de diminuer le débit de perfusion, et la concentration de aux conditions préanalytiques (Fig. 10). Ce phénomène est
la solution en chlorure de potassium doit être inférieure à 3 g/l. favorisé par l’utilisation d’un garrot, le poing serré durant le

14 EMC - Néphrologie
Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie  18-033-A-10

Tableau 3.
Principaux médicaments hyperkaliémiants
Classe thérapeutique ou médicament Effet Exemple/commentaire
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de Diminution de l’aldostérone Captopril, Perindopril, Ramipril
l’angiotensine
Antagoniste du récepteur de Diminution de l’aldostérone Valsartan, Olmésartan, Irbésartan
l’angiotensine 2
Diurétiques épargneurs de potassium
- Inhibiteur du récepteur au Antagoniste de l’aldostérone Spironolactone (Aldactone® ), éplérénone
minéralocorticoïdes (Inspra® )
- Bloqueurs d’ENaC Inhibition ENaC Amiloride (Modamide® ), Triamtérène (contenu
dans Prestole® et Isobar® )
Certains progestatifs Effet antagoniste minéralocorticoïde Drospirénone (contenue dans Jasminelle® )
Héparine Baisse de la synthèse d’aldostérone Héparine (effet plus marqué avec héparine non
fractionnée qu’avec héparine de bas poids
moléculaire)
Anti-infectieux Inhibition ENaC Triméthoprime (Contenu dans le Bactrim® )
Pentamidine
Anticalcineurines Activation de la voie WNK4/NCC Tacrolimus (Prograf® )
Ciclosporine (Neoral® )
Anti-inflammatoire non stéroïdiens Inhibition de la sécrétion de prostaglandines Ibuprofène (Advil® , Nurofen® )
entraînant une diminution de la sécrétion de Indométacine (Indocid® )
rénine et une vasoconstriction de l’artériole
afférente donc une baisse du DFG
Cas particulier de l’indométacine qui altère le
transfert cellulaire de potassium
Digitalique (intoxication) Inhibition Na-K-ATPase Digoxine
Bêtabloquants Diminution du transfert intracellulaire de K Propranolol (Avlocardyl® )

La DCI (dénomination commune internationale) est indiquée par défaut. Un nom commercial est parfois indiqué en complément de la DCI pour information.
SRAA : système rénine-angiotensine-aldostérone ; DFG : débit de filtration glomérulaire ; ENaC : epithelial sodium channel ; WNK : with no lysine (K) ; NCC : Na-Cl
cotransporteur.

prélèvement, l’utilisation de petites aiguilles ou une pléiocytose de lyse tumorale, hémolyse, etc.) peut entraîner une augmenta-
(thrombocytose > 500 000/cm3 ou leucocytose > 70 000/cm3 ) [36] . tion significative et potentiellement dangereuse de la kaliémie.
Notons que la concentration en potassium sur sérum est supé- Cette élévation peut être aggravée par la survenue d’une insuffi-
rieure d’au moins 0,5 mEq/l par rapport au prélèvement sur sance rénale aiguë secondaire à l’accumulation et la précipitation
plasma. Il existe de rares formes de pseudohyperkaliémie familiale de déchets du métabolisme intracellulaire dans le rein (myoglo-
de transmission autosomique dominante, au cours de laquelle le bine en cas de rhabdomyolyse, phosphates et acide urique dans
potassium est normal si on analyse l’échantillon immédiatement les syndromes de lyse tumorale).
et augmente après quelques heures à température ambiante. Cette L’acidose métabolique, surtout si elle est liée à la présence
anomalie liée à une perméabilité membranaire érythrocytaire d’acides minéraux, est responsable d’une hyperkaliémie par sortie
augmentée, qui survient particulièrement pour des basses tempé- de potassium hors de la cellule, elle-même secondaire à la baisse
ratures (< 20 ◦ C), touche les patients ayant une membranopathie du contenu intracellulaire en sodium et donc à la moindre acti-
héréditaire (sphérocytose, elliptocytose, stomatocytose, etc.) [64] . vité de la Na-K-ATPase. Dans le cas particulier de l’acidose lactique,
l’élévation du potassium est secondaire à l’ischémie tissulaire.
Excès d’apport L’exercice physique intensif peut également augmenter la kalié-
mie par un phénomène de transfert. Mentionnons encore les
Lorsque les fonctions rénales et surrénaliennes sont normales, situations de carence insulinique (décompensation d’un diabète
les hyperkaliémies par excès d’apport ne peuvent pas se produire de type 1) également responsables d’hyperkaliémie par défaut
tant les capacités d’excrétion rénale de potassium sont élevées. d’entrée de potassium dans la cellule. Les bêtabloquants sont
Les hyperkaliémies par excès d’apports sont observées lorsqu’une modestement hyperkaliémiants par un mécanisme analogue (et
pathologie ou un traitement limite l’aptitude du rein à excréter par inhibition de la sécrétion de rénine). L’intoxication à la
le potassium. Cela explique que l’excès d’apports potassiques ne digoxine entraîne une hyperkaliémie par inhibition de la Na-K-
peut être considéré comme une cause en soi d’hyperkaliémie. En ATPase (Tableau 3) [65] . Comme énoncé en première partie, les états
revanche, chez les patients insuffisants rénaux, il est très impor- hypertoniques (hyperglycémie, utilisation de mannitol) peuvent
tant de limiter les apports potassiques. Parmi les aliments riches également entraîner une hyperkaliémie [2, 10] . Enfin, en miroir de
en potassium, on citera les fruits secs, les fruits de mer, les noix, les la paralysie périodique hypokaliémique, il existe une forme de
avocats, et de manière générale, les légumes (épinards, brocolis, paralysie périodique hyperkaliémique [66] .
tomates, etc.). Les fruits sont également souvent riches en potas-
sium, notamment les kiwis, les mangues, les bananes, le melon,
Diminution de l’excrétion rénale de potassium
etc. Enfin la viande rouge est également riche en potassium.
Insuffisance rénale
L’insuffisance rénale aiguë oligoanurique est le plus souvent
Hyperkaliémie de transfert
associée à une hyperkaliémie, par diminution de la sécrétion
Les mouvements transcellulaires de potassium sont plus fré- de potassium secondaire à la diminution de la disponibilité du
quemment une cause d’hyperkaliémie que d’hypokaliémie. En sodium et de l’eau dans le néphron distal. En cas de diurèse conser-
effet, le potassium étant le principal cation intracellulaire, un vée, l’hyperkaliémie est plus rare.
transfert, même minime, du potassium intracellulaire vers le Dans l’insuffisance rénale chronique, des mécanismes de
milieu extracellulaire entraîne une élévation de la kaliémie. À titre compensation permettent de lutter contre l’hyperkaliémie jusqu’à
d’exemple, un transfert de 2 % du potassium intracellulaire vers le un stade très avancé (DFG inférieur à 10–15 ml/min/1,73 m2 ) [67] .
milieu extracellulaire va entraîner une hyperkaliémie de l’ordre de Premièrement, les néphrons résiduels s’adaptent et excrètent
8 mmol/l. Ainsi, toute lyse cellulaire (rhabdomyolyse, syndrome plus de potassium ; deuxièmement, la fraction de potassium

EMC - Néphrologie 15
18-033-A-10  Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie

Tableau 4.
Atteintes tubulaires associées à une hyperkaliémie.
Maladie Segment tubulaire impliqué Mutation ou mécanisme en cause Troubles associés à l’hyperkaliémie
Pseudohypoaldostéronisme Tubule contourné distal partie Mutation inactivatrice de SCNN1A, Perte de NaCl, retard de croissance
type 1 2/Tubule connecteur/Canal SCNN1B ou SCNN1G (codant pour les Acidose métabolique hyperchlorémique
collecteur sous-unités alpha, bêta ou gamma d’ENaC)
Mutation inactivatrice NR3C2 (codant
pour le MR)
Pseudohypoaldostéronisme Tubule contourné distal Activation indirecte de NCC Hypertension artérielle à rénine basse
type 2 (syndrome de génétique Acidose métabolique hyperchlorémique
Gordon) Mutation WNK1, WNK4 (codant pour les Corrigé par les diurétiques thiazidiques
kinases du même nom)
Mutation CUL3 (codant pour la culline 3)
Mutation KLHL3 (codant pour la protéine
kelsh-like type 3)
Pharmacologique
- Anticalcineurines (tacrolimus,
cyclosporine)
Acidose tubulaire distale Canal collecteur Par déficit en aldostérone a Acidose métabolique hyperchlorémique
hyperkaliémique (type 4) Hyporéninisme (autre, variable selon étiologie)
hypoaldostéronisme (néphropathie
diabétique)
Insuffisance minéralocorticoïde (isolée) ou
surrénalienne
Par résistance à l’action de l’aldostérone
Pharmacologique (amiloride,
trimethoprime)
Formes voltage-dépendantes (uropathie
obstructive chronique, etc.)

ENaC : epithelial sodium channel ; MR : mineralocorticoid receptor ; NCC: Na-Cl cotransporter ; WNK : with no lysine (K).
a
Pas d’atteinte tubulaire stricto sensu (indiqué en raison de la proximité mécanistique).

excrétée par le colon augmente ; et troisièmement, le transfert niques ou diabétiques, a été largement démontré, tant sur le plan
intracellulaire est plus rapide [2, 10] . Une hyperkaliémie chez un de la progression de maladie rénale chronique que de la protec-
patient insuffisant rénal chronique dont le DFG est supérieur à tion cardiovasculaire [72–74] . Un monitoring étroit est nécessaire
15 ml/min/1,73 m2 doit donc faire évoquer une diminution de pour ces patients dont le risque d’hyperkaliémie est plus grand,
l’activité minéralocorticoïde associée ou une atteinte fonction- mais dont le bénéfice de ces traitements est le plus important.
nelle des canaux collecteurs. En outre, l’hyperkaliémie dans un L’insuffisance corticotrope, contrairement à l’insuffisance sur-
contexte d’insuffisance rénale chronique est mieux tolérée que rénalienne périphérique (maladie d’Addison) ne donne pas
chez les patients ayant une fonction rénale normale [67–69] . d’hyperkaliémie, puisque le déficit chronique en ACTH n’altère
que la synthèse des glucocorticoïdes.
Anti-inflammatoires non stéroidiens
Les antagonistes de l’aldostérone comme la spironolactone
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) peuvent éga- et l’éplérénone font partie des diurétiques épargneurs de potas-
lement entraîner une hyperkaliémie par un double mécanisme. sium et entraînent une hyperkaliémie en antagonisant l’effet
L’inhibition de la synthèse de prostaglandines rénales diminue de l’aldostérone sur le MR. La drospirénone, progestatif présent
la charge sodée délivrée au tubule distal, secondairement à une dans certaines contraceptions orales ou traitements hormonaux
diminution du DFG par vasoconstriction de l’artériole afférente. substitutifs de la ménopause, possède un discret effet antiminéra-
D’autre part, en inhibant la sécrétion de prostaglandines par la locorticoïde [2, 75] .
macula densa, les AINS entraînent une diminution de la sécrétion Le syndrome d’hyporéninisme-hypoaldostéronisme, que l’on
de rénine [70] . Signalons le cas particulier de l’indométhacine qui, peut rencontrer dans le diabète ou certaines néphropathies inter-
en outre, altère le transfert cellulaire de potassium, augmentant le stitielles, est responsable de la majorité des hyperkaliémies chez les
risque d’hyperkaliémie. patients pour lesquels ni le DFG ni un médicament ne permettent
Les effets rénaux des AINS sont d’autant plus marqués dans d’expliquer l’élévation de la kaliémie [76, 77] . L’acidose tubulaire
les situations d’hypoperfusion rénale au cours desquelles la syn- distale hyperkaliémique (dite de type 4) regroupe les formes
thèse de prostaglandines est stimulée et la pression de perfusion d’acidose hyperkaliémique par défaut de sécrétion tubulaire d’H+
intraglomérulaire dépend de la vasodilatation de l’artériole affé- et de K+ en lien avec un déficit de l’action de l’aldostérone, que
rente médiée par les prostaglandines. Ainsi, le risque d’une ce soit par hypoaldostéronisme ou par résistance aux effets de
diminution du DFG sous AINS est minime chez un patient nor- l’hormone [57, 78] . Les tubulopathies associées à une hyperkaliémie
morénal et euvolémique, mais augmente chez un patient ayant sont synthétisées dans le Tableau 4.
une hypovolémie, une fonction rénale altérée, et surtout en cas
de coprescription d’autres médicaments tels que les bloqueurs du
Défaut d’activité du epithelial sodium channel
système rénine-angiotensine et les diurétiques.
Le pseudohypoaldostéronisme de type 1 est une maladie géné-
Défaut d’activité minéralocorticoïde tique rare qui se caractérise par une résistance à l’action de
Les situations qui conduisent à une moindre synthèse l’aldostérone, associant perte de sel, déshydratation, retard de
d’aldostérone, qu’elles soient pathologiques (insuffisance surré- croissance, hyperkaliémie et acidose métabolique (Tableau 4). Il
nalienne périphérique) ou médicamenteuses (simples à iden- existe une forme sévère néonatale, liée à des mutations homozy-
tifier, comme les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de gotes ou hétérozygotes composites dans les gènes codant les trois
l’angiotensine et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine sous-unités du canal ENaC. Une forme plus modérée est liée à des
2 ou parfois moins connus comme l’héparine [71] ) favorisent mutations hétérozygotes inactivatrices touchant le MR [76, 79] .
l’apparition d’une hyperkaliémie (Tableau 3). L’intérêt des inhi- Les bloqueurs du canal ENaC, tels que le diurétique épargneur
biteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine et des de potassium amiloride ou le trimethoprime (présent dans le
antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2 chez les patients Bactrim® ) [80, 81] , sont également responsables d’une hyperkalié-
à risque cardiovasculaire, qu’ils soient insuffisants rénaux chro- mie du fait du couplage fonctionnel entre réabsorption de sodium

16 EMC - Néphrologie
Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie  18-033-A-10

par ENaC et sécrétion de potassium au niveau des cellules princi- (1,4 %, 1 l) ou hypertonique (exemple : 4,2 %, 250 ml) doit se
pales du tubule distal sensible à l’aldostérone. faire en fonction du risque de surcharge hydrosodée. Les diuré-
tiques de l’anse sont le traitement de choix si le patient est en
Activation du transport de sodium dans le tubule contourné
surcharge hydrosodée avec une diurèse conservée. Notons que
distal
le Kayexalate® peut être administré par voie rectale. Les bêta2-
Le pseudohypoaldostéronisme de type 2, encore appelé syn- agonistes, par voie intraveineuse ou en aérosols, sont parfois
drome de Gordon ou hypertension hyperkaliémique familiale, utilisés mais leur tolérance est limitée par la tachycardie induite.
est une forme rare d’hypertension de transmission autosomique Enfin, le recours à l’épuration extrarénale (préférentiellement
dominante [82, 83] . Les patients présentent une hyperkaliémie et par hémodialyse conventionnelle, technique diffusive) est incon-
une acidose métabolique. L’ensemble des troubles répond très tournable en cas de signes de gravité électrocardiographique et
bien aux diurétiques thiazidiques (Tableau 4). Si cette maladie d’insuffisance rénale aiguë, en particulier dans sa forme oligoanu-
est très rare, l’identification des mutations en cause depuis une rique.
vingtaine d’années [84–86] a été à l’origine de progrès scientifiques Comme pour l’hypokaliémie, le rythme de surveillance dépend
majeurs dans la compréhension des transports tubulaires distaux de la sévérité initiale du trouble et du type de thérapeutique mise
et de leur régulation. Les mutations identifiées portent sur les en place. L’efficacité et la tolérance des traitements administrés
gènes codant pour les kinases WNK 1 et WNK 4 [84] ou leurs pro- par voie intraveineuse doivent être surveillés dans les 4 à 6 heures
téines régulatrices kelch-like 3 et Culline 3 [85, 86] , et ont toutes qui suivent leur mise en place, puis très régulièrement jusqu’à
pour point commun de conduire à une activation du cotrans- correction des anomalies de l’électrocardiogramme.
porteur NCC dans le tubule contourné distal (en miroir de ce qui
se produit au cours du syndrome Gitelman). Le transport élec-
troneutre de sodium est stimulé, d’où une moindre disponibilité
du sodium en regard des segments tubulaires d’aval et donc une  Conclusion
moindre excrétion de potassium [2, 29] . Cette voie de régulation
est par ailleurs une des hypothèses mécanistiques avancées pour Les dyskaliémies sont des troubles hydroélectrolytiques très fré-
expliquer le lien inverse entre consommation de potassium et quents en pratique clinique, auxquels est confronté tout clinicien,
niveau de pression artérielle, ainsi qu’a contrario le lien positif quel que soit son domaine d’activité. Il est essentiel de compren-
entre apports sodés et hypertension artérielle [87] . dre les mécanismes physiologiques assurant l’homéostasie du
L’hyperkaliémie observée sous anticalcineurines (Tableau 2) potassium pour mener une enquête diagnostique systématique
répond à un mécanisme similaire, par activation de la kinase et cohérente face à ces troubles. De ce fait, le traitement symp-
WNK4 [15, 88–91] . tomatique doit toujours être accompagné de la recherche et du
traitement de l’origine du trouble, pour éviter l’administration
au long cours de potassium ou au contraire de traitements
Traitement d’une hyperkaliémie
L’approche thérapeutique dépend de la gravité de
l’hyperkaliémie (signes électrocardiographiques) et de sa vitesse
d’installation [69] . Le traitement repose sur la recherche et la
correction de toute cause favorisante.
“ Points essentiels
Pour les formes chroniques, il s’agit surtout de mesures
de prévention : la posologie des inhibiteurs de l’enzyme de • Il existe un gradient de concentration du potassium de
conversion de l’angiotensine, antagonistes des récepteurs de part et d’autre de la membrane plasmatique : le potassium
l’angiotensine 2 ou diurétiques épargneurs de potassium doit est le cation le plus abondant du secteur intracellulaire, et
être titrée et un ionogramme doit être régulièrement effectué. sa concentration est étroitement régulée et faible dans le
De même, tous les traitements hyperkaliémiants, ainsi que les secteur extracellulaire
automédications (phytothérapies, AINS), doivent être diminués • L’homéostasie du potassium repose à court terme sur la
ou interrompus ; le régime doit être pauvre en potassium ; balance interne du potassium, à savoir le tamponnement
l’élimination du potassium par voie rénale doit être favorisée (diu-
des entrées de potassium par transfert intracellulaire, et
rétiques thiazidiques si DFG > 30 ml/min/1,73 m2 ou de l’anse si
DFG < 30 ml/min/1,73m2 ). Enfin, l’absorption digestive de potas-
à plus long terme sur l’adaptation fine des sorties rénales
sium peut être limitée par le polystyrène sulfonate de sodium aux entrées digestives de potassium
(Kayexalate® ), le Patiromer (Veltassa® ), ou encore le cyclosilicate • La kaliurèse est finement régulée au niveau du néphron
de zirconium sodique (Lokelma® ). Ces deux derniers agents ont distal sensible à l’aldostérone, qui peut sécréter ou réab-
été développés plus récemment et ne sont pas disponibles ni rem- sorber du potassium selon les besoins
boursés dans tous les pays [92–94] . Le rythme de la surveillance • L’hormone qui joue un rôle clé dans la régulation de
biologique dépend du risque individuel (niveau de fonction rénale l’homéostasie du potassium est l’aldostérone, qui est syn-
et présence de facteurs favorisants) [69] . thétisée et libérée par la corticosurrénale en réponse à une
L’hyperkaliémie est considérée comme aiguë lorsqu’elle sur- élévation de la kaliémie, et qui augmente la sécrétion de
vient chez un patient qui n’est pas connu pour présenter ce
potassium par ces cellules principales du canal collecteur
trouble. Le traitement dépend de la sévérité du trouble, défi-
• L’hypokaliémie est un trouble très fréquent. Si les pertes
nie par sa magnitude biologique et son retentissement. En
cas d’hyperkaliémie sévère avec retentissement cardiaque, le rénales de potassium sont faibles, le trouble est extrarénal :
patient doit bénéficier d’une surveillance électrocardiographique carence d’apports, transfert intracellulaire de potassium,
continue en soins intensifs. Le gluconate de calcium doit être pertes digestives basses. Si la kaliurèse est élevée et donc
administré afin de diminuer l’hyperexcitabilité membranaire en inadaptée, le trouble est dit d’origine rénale et son explo-
attendant que les mesures visant à diminuer la kaliémie agissent. ration nécessite d’étudier la pression artérielle et l’état
Il est efficace en 1 à 3 minutes et peut être renouvelé après volémique, de définir l’état acidobasique et de recher-
10 minutes, et réduit ainsi le risque de complications cardiaques, cher une hypomagnésémie associée, et souvent de doser
mais ne diminue que très peu la kaliémie. La perfusion d’un la rénine et l’aldostérone
mélange insuline–solution glucosée permet de diminuer la kalié- • L’hyperkaliémie est plus rare mais potentiellement
mie par transfert intracellulaire. Un schéma classique consiste à
administrer 500 ml de solution glucosée à 30 % contenant 30
létale, d’autant plus que son installation est brutale.
unités d’insuline en 30 minutes. L’alcalinisation est controversée L’exploration étiologique est souvent plus simple que dans
et essentiellement recommandée dans les cas où l’hyperkaliémie le cas d’une hypokaliémie, et en général, rapidement éta-
accompagne une profonde acidose métabolique. Le cas échéant, blie après analyse du contexte et des traitements en cours
le choix entre une solution de bicarbonate de sodium isotonique

EMC - Néphrologie 17
18-033-A-10  Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie

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G. Résimont.
Service de physiologie, Hôpital Bichat, AP–HP, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.
Université de médecine de Liège, Liège, Belgique.
N. Tabibzadeh.
M. Flamant.
E. Vidal-Petiot (emmanuelle.vidal-petiot@aphp.fr).
Service de physiologie, Hôpital Bichat, AP–HP, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.
Université de Paris, Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Résimont G, Tabibzadeh N, Flamant M, Vidal-Petiot E. Équilibre potassique, hypokaliémie et hyperkaliémie.
EMC - Néphrologie 2022;33(1):1-19 [Article 18-033-A-10].

EMC - Néphrologie 19
 18-060-A-05

Diagnostic, facteurs de risque,


et traitement de l’insuffisance rénale
chronique de l’adulte
T. Krummel, D. Bazin-Kara, E. Prinz, N. Keller, E. Charlin, T. Hannedouche

Résumé : La définition de la maladie rénale chronique est standardisée depuis 2012 par le référentiel
Kidney Disease/Improving Global Outcomes. La maladie rénale chronique est subdivisée selon la classifi-
cation CGA (cause, débit de filtration glomérulaire, albuminurie) qui permet une stratification du risque
de progression rénale mais aussi des risques intercurrents (évènements cardiovasculaires, décès). Cette
stratification permet aussi d’individualiser la prise en charge thérapeutique et le rythme de surveillance.
Le diabète représente à lui seul la moitié des causes de maladie rénale chronique à travers le monde. Les
facteurs de progression de la maladie rénale chronique sont relativement bien identifiés. Des équations de
risque validées sont disponibles pour estimer les risques concurrents de décès et d’insuffisance rénale « ter-
minale » nécessitant le recours au traitement de suppléance. La prise en charge thérapeutique fait appel
à différentes mesures, diététiques et pharmacologiques, qui sont détaillées dans cette revue. On distingue
schématiquement les traitements s’adressant à ralentir la progression de la maladie rénale (néphropro-
tection), et ceux visant à corriger les complications générées par l’insuffisance rénale chronique, le plus
souvent à partir du stade G4 et au-delà. Les mesures de néphroprotection sont validées depuis plusieurs
dizaines d’années, et comportent en particulier le contrôle de l’hypertension artérielle, de la rétention
hydrosodée, et la réduction de l’albuminurie par les bloqueurs du système rénine-angiotensine. Quelques
aspects pratiques concernant le dosage, la chronopharmacologie et la gestion des effets indésirables de
ces médicaments sont discutés ici. Chez les diabétiques, les gliflozines sont maintenant proposées en pre-
mière intention, conjointement à la metformine, dès lors qu’il existe une atteinte rénale et si le débit de
filtration glomérulaire est supérieur à 30 ml/min/1,73 m2 . Les antagonistes non stéroïdiens du récepteur
aux minéralocorticoïdes représentent une mesure complémentaire de néphro- et cardioprotection chez les
patients diabétiques de type 2. Les aspects plus récents sont liés à la prise en charge diététique, incluant
la réduction du chlorure de sodium, la limitation de l’apport protidique, le choix préférentiel d’aliments
d’origine végétale plutôt qu’animale, afin de réduire la génération intestinale des toxines urémiques. La
correction et la prévention de l’acidose métabolique sont maintenant relativement bien validées dans
cette prise en charge. Les complications liées à l’insuffisance rénale avancée et leur prise en charge sont
discutées, ainsi que les indications du traitement de suppléance rénale, et le choix des modalités de trai-
tement. Les aspects plus récents liés au traitement conservateur chez les sujets âgés à très âgés sont
également abordés.
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Mots-clés : Maladie rénale chronique ; Insuffisance rénale chronique ; Diabète ; Hypertension ; Diététique ;
Dialyse ; Transplantation rénale ; Traitement conservateur

Plan ■ Éviction des néphrotoxiques 10


■ Adaptation posologique des médicaments 11
■ Épidémiologie 2 ■ Anémie et le rôle de l’érythropoïétine dans l’insuffisance
■ Définition et classification de la maladie rénale chronique 2 rénale chronique 11
■ Prise en charge des patients atteints de maladie rénale ■ Surveillance des maladies rénales chroniques établies
chronique 4 et traitement des complications 12
■ Spécificités du diabète 9 ■ Adressage au néphrologue 12

EMC - Néphrologie 1
Volume 33 > n◦ 1 > janvier 2022
http://dx.doi.org/10.1016/S1762-0945(21)89232-3
18-060-A-05  Diagnostic, facteurs de risque, et traitement de l’insuffisance rénale chronique de l’adulte

■ Indications du traitement de suppléance 12 de cette classification est lié à son association directe avec le risque
■ Options thérapeutiques 13 rénal (progression vers l’IRT), le risque cardiovasculaire, et enfin
la mortalité, ce qui permet, pour chaque stade, de proposer une
■ Annexe A. Pour en savoir plus 14
stratégie de surveillance et de prise en charge adaptée. Les stades
de DFG sont classés comme suit [6] :
• G1 (DFG > 90 ml/min/1,73 m2 ) ;
• G2 (DFG 60–89 ml/min/1,73 m2 ) ;
 Épidémiologie • G3a (45–59 ml/min/1,73 m2 ) ;
• G3b (30–44 ml/min/1,73 m2 ) ;
La maladie rénale chronique (MRC) touche entre 8 et 16 % de • G4 (15–29 ml/min/1,73 m2 ) ;
la population mondiale et représente un véritable enjeu de santé • G5 (< 15 ml/min/1,73 m2 ).
publique car elle est asymptomatique aux stades précoces et donc Cette terminologie, introduite par les Kidney
souvent méconnue des patients et des cliniciens [1] . L’insuffisance Disease/Improving Global Outcomes (KDIGO) en 2012, sera
rénale chronique (IRC) est plus fréquente dans les pays à reve- largement utilisée dans le texte suivant. Les stades G3a à G5
nus faibles et moyens que dans les pays à revenus élevés [2] . Au définissent l’IRC. Pour le stade G5, on rajoute le suffixe G5D ou
niveau mondial, la MRC est le plus souvent attribuée au dia- G5ND selon que le patient est ou n’est pas dialysé. Les patients
bète et/ou à l’hypertension, mais d’autres causes telles que les transplantés rénaux sont classés avec le suffixe T après le stade
glomérulonéphrites, les infections et l’exposition à des toxiques défini par le DFGe (par exemple, G4T).
environnementaux (pollution de l’air, certaines plantes à visée Des critiques ont été formulées vis-à-vis du diagnostic de la MRC
médicinale, pesticides) sont courantes en Asie, en Afrique sub- reposant sur un seul critère biologique, c’est-à-dire un DFGe infé-
saharienne et dans de nombreux pays en développement [1] . En rieur à 60 ml/min/1,73 m2 . Ainsi, un DFGe modérément abaissé
France, dans le registre du réseau épidémiologie et information en (60–45 ml/min/1,73 m2 ), sans albuminurie (G3aA1) pourrait ne
néphrologie (REIN), la néphroangiosclérose est la première cause pas toujours être synonyme d’IRC (en particulier dans les popu-
déclarée d’insuffisance rénale terminale (IRT) (25 %), juste devant lations d’individus à faible apport protidique, ou chez les sujets
la néphropathie diabétique (22 %) [3] . Ces données contrastent âgés si l’on admet un vieillissement normal du rein). Inverse-
avec la prévalence élevée à 45 % du diabète chez l’ensemble des ment, un seuil de DFGe à 60 ml/min/1,73 m2 chez des sujets
patients arrivant au stade du traitement de suppléance rénale. jeunes (avec une néphropathie héréditaire par exemple) semble
Plusieurs facteurs de risque génétiques contribuent au risque peu pertinent. Certains auteurs ont ainsi proposé des valeurs seuil
d’IRC. Outre la polykystose autosomique dominante et quelques d’IRC en fonction de l’âge : 75 ml/min/1,73 m2 avant 45 ans,
néphropathies héréditaires monogéniques, la drépanocytose et la 60 ml/min/1,73 m2 entre 45 et 75 ans et 45 ml/min/1,73 m2 au-
présence de deux allèles de risque APOL1, tous deux courants chez delà de 75 ans. Le consortium Chronic Kidney Disease, dont les
les personnes d’ascendance africaine, peuvent doubler le risque données ont servi pour établir les recommandations KDIGO 2012,
d’IRC. a récemment revalidé le seuil de 60 ml/min/1,73 m2 , quel que soit
Aux États-Unis, la perte de débit de filtration glomérulaire (DFG) l’âge, partant du principe que le risque de progression rénale, de
liée à l’âge est estimée à environ 1 ml/min/1,73 m2 par an dans la mortalité cardiovasculaire et de mortalité totale augmente expo-
population générale, et le risque à vie de développer une insuf- nentiellement au prorata de la réduction du DFG en dessous du
fisance rénale (DFG estimé [DFGe] < 60 ml/min/1,73 m2 ) est seuil de 60 ml/min/1,73m2 , et ceci pour toutes les tranches d’âge
supérieur à 50 %. La détection et le traitement précoces de la MRC chez l’adulte.
sont importants car l’IRC progressive est associée à un risque élevé Dans la pratique quotidienne, pour le diagnostic et le suivi de
d’IRT, de maladies cardiovasculaires et de mortalité [4, 5] . la MRC, les recommandations internationales KDIGO 2012 et la
Les recommandations récentes suggèrent une approche basée Haute Autorité de santé (HAS) en 2011 proposent de recourir à
sur le risque pour l’évaluation et la prise en charge de l’IRC [6–9] . l’estimation du DFG à partir de la créatinine plasmatique et de la
Cette revue comprend une discussion des nouveaux calculateurs formule Chronic Kidney Disease-Epidemiology (CKD-EPI) [6, 10] ,
de risque de progression de l’IRC (https://kidneyfailurerisk.com/) qui s’avère la plus performante sur l’ensemble des valeurs de
ou des risques concurrents (équation G4+) et se concentre sur DFG. La formule CKD-EPI n’est validée que pour un dosage
le diagnostic, l’évaluation et la gestion clinique de l’IRC. Les calibré à un standard de référence (IDMS) de la créatinine plas-
considérations relatives à l’orientation vers un néphrologue et à matique, idéalement enzymatique, ce qui permet de s’affranchir
l’initiation de la dialyse sont également abordées. des chromogènes interférant avec les dosages colorimétriques de
la créatinine (Jaffé et autres), beaucoup moins reproductibles.
En France, et suite aux recommandations HAS 2011, les labora-
 Définition et classification toires de biologie sont tenus de rendre la valeur de créatinine
plasmatique, la méthode de dosage, et le DFGe par la formule
de la maladie rénale chronique CKD-EPI indexé à la surface corporelle (DFGe exprimé en ml/min/
1,73 m2 ).
La MRC est définie comme la présence d’une anomalie de la Les formules estimant le DFG à partir de la créatinine
structure ou de la fonction des reins persistant pendant plus de plasmatique sont basées sur l’assomption qu’il existe une pro-
3 mois [6] . Cette anomalie comprend un ou plusieurs des éléments portionnalité entre l’âge, la masse musculaire et la créatinine
suivants : plasmatique. Ceci peut être mis en défaut dans les situations
• DFG inférieur à 60 ml/min/1,73 m2 ; caractérisées par une masse musculaire atypique (amputation,
• albuminurie (> 30 mg d’albumine urinaire par 24 heures ou un amyotrophie, ou au contraire, bodybuilding et suppléments de
rapport albumine/créatinine [RAC] urinaire de 30 mg/g) ; créatine), les syndromes œdémateux qu’elle qu’en soit la cause
• anomalies du sédiment urinaire, de l’histologie ou de l’imagerie (syndrome néphrotique, cirrhose hépatique, insuffisance car-
suggérant des lésions rénales ; diaque), ou encore un régime végétarien pauvre en viande.
• anomalies tubulaires rénales ; Au cours de l’insuffisance cardiaque décompensée, l’évaluation
• ou antécédents de transplantation rénale. de la fonction rénale peut être particulièrement difficile car
Si la durée de la maladie rénale n’est pas claire, il convient de la masse musculaire est réduite par la cachexie et la micro-
répéter les évaluations pour distinguer l’IRC d’une insuffisance inflammation chronique, et le volume de distribution de la
rénale aiguë (changement de la fonction rénale survenant dans créatinine est modifié par le syndrome œdémateux. Au cours du
les 2 à 7 jours) et d’une maladie rénale rapidement progressive syndrome cardiorénal de type 1 (insuffisance rénale aiguë com-
(lésion rénale ou diminution de la fonction rénale présente depuis pliquant une décompensation cardiaque aiguë), les variations
moins de 3 mois). rapides de la fonction rénale doivent rendre prudent vis-à-vis des
La stratification de la MRC repose sur la classification CGA, qui formules d’estimation du DFG mais aussi des méthodes de mesure
est basée sur la cause de la MRC (C), le stade de DFGe (G), le stade directe du DFGm qui ne sont valides que pour une fonction rénale
d’albuminurie (A) (Fig. 2) [6] . Outre sa simplicité, l’intérêt majeur stable.

2 EMC - Néphrologie
Diagnostic, facteurs de risque, et traitement de l’insuffisance rénale chronique de l’adulte  18-060-A-05

La formule CKD-EPI est validée essentiellement dans les popu- Le profil urinaire par immunofixation permet d’établir un
lations nord-américaines et européennes mais doit être recalibrée profil complet des protéines urinaires avec typage de la pro-
pour les populations asiatiques ou africaines pour lesquelles des téinurie. L’urine non concentrée est séparée par électrophorèse
équations spécifiques sont disponibles. Dans la cohorte de dériva- classique puis les protéines sont révélées par différents anti-
tion de la formule CKD-EPI, le DFG mesuré était en moyenne sérums : antiprotéines glomérulaires (albumine), antiprotéines
15,9 % plus élevé chez les sujets noir-américains que chez les tubulaires (␣1-microglobuline, RBP, ␤2-microglobuline), trivalent
sujets non noirs ayant la même créatinine plasmatique et le même anti-GAM, anti-D et E, antiKappa libres et liées, antiLambda libres
sexe et âge. Plusieurs publications au cours des 2 dernières années et liées, et antichaînes Kappa et Lambda libres. La limite de détec-
ont pointé que le facteur correctif apporté aux résultats du DFGe tion d’une protéine tubulaire est de 6 mg/l et celle d’une protéine
chez les sujets noirs pouvait altérer l’équité des soins en modi- glomérulaire de 3 mg/l. Les chaînes légères totales sont détec-
fiant les seuils du diagnostic et de la classification de la MRC, les tées à partir de 20 mg/l et les chaînes légères libres à partir de
adaptations médicamenteuses et l’accès à la greffe. Les solutions 50 mg/l. Cette technique de dépistage global, de même que la
pour atténuer cette réalité biologique ne sont pas univoques ; la l’immunofixation des composants monoclonaux urinaires, tend
suppression simple du coefficient « ethnique » majore le risque à être supplantée par le dosage des chaînes légères libres sériques,
d’imprécision chez les sujets noirs et peut inversement favoriser plus fiable et plus sensible, qui permet de détecter un déséquilibre
l’accès au spécialiste ou à la transplantation. Les artifices statis- Kappa/Lambda avant l’apparition des chaînes libres dans l’urine.
tiques corrigeant pour la proportion de sujets noirs en population Une imagerie rénale pour évaluer la morphologie et exclure une
impliquent des valeurs seuils différentes selon les régions, source obstruction urinaire doit être réalisée par principe, chez tous les
potentielle de confusion. En attendant les conclusions de la Task patients avec une IRC de découverte récente [6] .
Force National Kidney Foundation–American Society of Nephro- La cause de la MRC est généralement classée en fonction de
logy (NKF-ASN), certains proposent le recours plus large au DFGe la présence ou de l’absence d’une maladie systémique et de la
à partir de la cystatine C (voir ci-dessous) qui est indépendant du localisation de l’anomalie anatomique (glomérulaire, vasculaire,
groupe ethnique. Le facteur de correction ethnique proposé aux tubulo-interstitielle, kystique/congénitale) [6] . Les principales
européens ne semble pas pertinent pour les patients d’ascendance maladies rénales sont liées au diabète, à la néphroangiosclé-
africaine vivant en Europe et n’est pas appliqué en France [10] . rose et autres néphropathies vasculaires : les glomérulonéphrites
Dans les situations où l’estimation du DFG à partir de la créa- primitives, les néphropathies interstitielles chroniques, et les
tinine peut être mise en défaut (cf. supra), ou encore chez les néphropathies héréditaires génétiques, principalement la poly-
patients âgés avec une insuffisance rénale modérée sans albumi- kystose rénale. Dans le registre français REIN, 16 % des patients
nurie (G3aA1), et peut-être chez les sujets noirs, le DFG peut être débutant la dialyse n’ont pas de diagnostic rénal, une situation
estimé à partir de la cystatine C [6] . en partie en rapport avec un adressage trop tardif ou parce que
La cystatine C est éliminée presque exclusivement par filtra- la biopsie rénale n’est plus contributive à ce stade. La détermina-
tion glomérulaire mais n’a pas de clairance urinaire en raison tion de la cause de la MRC peut cependant avoir des implications
d’une réabsorption-dégradation tubulaire complète. Les dosages importantes sur le pronostic et le traitement (par exemple, futilité
sont encore mal standardisés, pas disponibles partout et les valeurs d’un traitement immunosuppresseur dans les syndromes néphro-
peuvent être modifiées par le tabagisme, l’obésité, l’inflammation tiques génétiques, ou au contraire, prévention par anti-C5 de la
et les glucocorticoïdes. Le recours au nouveau matériau de réfé- récidive après transplantation d’un syndrome hémolytique et uré-
rence certifié de la cystatine C (standard International Federation mique atypique). Les techniques d’exome global permettent de
of Clinical Chemistry [IFCC]) augmente de 24 % les valeurs de cys- mettre en évidence 10 à 15 % de maladies rénales monogéniques,
tatine C par rapport aux anciens dosages non calibrés. Le dosage avec une proportion plus importante chez les patients jeunes ou
de la cystatine C n’est pas remboursé en France et l’estimation dans un contexte familial. Le diagnostic génomique est mainte-
du DFG doit faire appel à la formule validée CKD-EPIcys qui pré- nant disponible et proposé largement aux patients avec une IRC
sente une meilleure discrimination du risque cardiovasculaire et avancée, sans diagnostic précis, et âgés de moins de 45 ans.
de mortalité totale que la formule CKD-EPI basée sur la créatinine
plasmatique.
La mesure directe du DFG (DFGm) par la clairance de mar- Dépistage de la maladie rénale chronique
queurs exogènes comme le iohéxol, le 51 Cr-EDTA ou le 99m Tc-DTPA
est plus coûteuse et moins accessible (pour les marqueurs isoto- Étant donné que la plupart des patients atteints d’IRC sont pas
piques) mais peut s’avérer utile, voire nécessaire dans les situations ou peu symptomatiques, le dépistage est important pour la détec-
où la connaissance du DFG vrai est importante (limites de vali- tion précoce de la maladie [6, 10] . Pour les KDIGO 2012 et l’HAS
dité du DFGe à partir de la créatinine, médicaments à marge 2012, le dépistage se résume à la mesure de la créatinine plas-
thérapeutique étroite, don d’organe, indication du traitement de matique pour estimer le DFG et au RAC urinaire sur échantillon.
suppléance rénale, recherche clinique, etc.). La plupart des recommandations internationales suggèrent un
L’albuminurie devrait idéalement être quantifiée par une dépistage ciblé, basé sur le risque de maladie rénale. Ce dépis-
mesure du RAC urinaire [6, 10] . Les stades d’albuminurie sont clas- tage est recommandé chez les personnes âgées de plus de 60 ans
sés en A1 (RAC urinaire < 30 mg/g), A2 (30–300 mg/g) et A3 ou ayant un diabète ou une hypertension artérielle (HTA). Le
(> 300 mg/g) [6] . Les recommandations KDIGO proposent d’utiliser dépistage doit également être envisagé chez les individus avec
le RAC urinaire pour déterminer le stade de MRC plutôt que des facteurs de risque notamment une obésité, une maladie car-
le rapport protéine/créatinine urinaire, car le dosage immuno- diovasculaire, certaines maladies auto-immunes ou hémopathies,
logique de l’albuminurie est mieux standardisé et plus précis à des lithiases rénales, des infections urinaires récidivantes, une
des valeurs d’albuminurie faibles [6] . Les mesures les plus pré- réduction de masse rénale (rein unique ou uninéphrectomie),
cises proviennent d’un premier échantillon prélevé le matin ou l’exposition à certains médicaments néphrotoxiques tels que les
d’une collecte sur 24 heures, car il existe une grande variabilité anti-inflammatoires non stéroïdiens ou le lithium, et des épisodes
biologique de l’excrétion d’albumine dans l’urine au cours de la antérieurs d’insuffisance rénale aiguë, entre autres (Tableau 1).
journée. Les échantillons aléatoires, cependant, sont également Toutefois, aucun essai clinique randomisé n’a démontré que le
acceptables dans le cadre du dépistage [6] . Comparé au rapport pro- dépistage de la MRC chez les patients asymptomatiques améliore
téines urinaires/créatinine, le RAC urinaire est considéré comme le pronostic à long terme.
un marqueur plus sensible et plus spécifique de la patholo-
gie glomérulaire, puisque certaines protéines urinaires telles que
l’uromoduline sont présentes (et pourraient même être protec- Autres facteurs de risque d’insuffisance
trices) dans le cadre de la physiologie normale. Si l’on suspecte rénale chronique
une protéinurie tubulaire ou de surcharge, on peut réaliser une
électrophorèse des protéines urinaires ou le dosage d’une protéine Plusieurs facteurs sociodémographiques contribuent à
spécifique (par exemple, chaînes légères d’immunoglobulines, ␣1- l’augmentation du risque de MRC, notamment l’obésité,
microglobuline, ou ␤2-microglobuline) [6] . l’ethnie non blanche, le niveau d’éducation faible, les revenus

EMC - Néphrologie 3
18-060-A-05  Diagnostic, facteurs de risque, et traitement de l’insuffisance rénale chronique de l’adulte

Tableau 1. 1000 patients par année. Des équations de risque de progression


Compilation des indications du dépistage selon la Haute Autorité de santé vers l’IRCT ont été développées pour aider à stratifier le risque
2011 et Kidney Disease/ Improving Global Outcomes 2012 [6, 10] . rénal individuel, c’est-à-dire le risque de progression vers l’IRT.
1. Diabète Ainsi, le score de risque rénal développé par Tangri et al. (KFRE ;
https://kidneyfailurerisk.com/) prédit les probabilités à 2 ans et
2. Hypertension (traitée ou non)
5 ans de devoir recourir à la dialyse ou à la transplantation chez les
3. Âge > 60 ans individus adultes dont le DFGe est inférieur à 60 ml/min/1,73 m2 .
4. Obésité > 30 kg/m2 Le score de risque rénal, qui a été validé chez plus de 700 000
5. Maladie cardiovasculaire athéromateuse personnes dans plus de 30 pays, utilise des variables cliniques
6. Insuffisance cardiaque
et biologiques facilement disponibles. L’équation à quatre varia-
bles requiert l’âge, le sexe, le DFGe et le RAC urinaire, tandis que
7. Antécédents familiaux d’IRCT (par ex. polykystose rénale)
l’équation à huit variables intègre en outre les taux d’albumine
8. Affections urologiques (uropathies obstructives, néphrectomie, sérique, de phosphate, de calcium et de bicarbonate.
infections urinaires, lithiases) Certains systèmes de santé, au Canada notamment, sont en
9. Maladies de système/inflammatoires (ex. myélome, lupus, vascularite, cours d’évaluation du score de risque rénal pour le triage et
amylose) l’orientation des patients afin de réduire les temps d’attente à la
10. Traitements potentiellement néphrotoxiques (AINS, COXIB, consultation néphrologique, référer vers les cliniques multidisci-
lithium, anticalcineurines, produits de contraste iodés, chimiothérapie, plinaires de MRC, ou encore programmer l’abord vasculaire ou
radiothérapie, etc.) l’inscription sur liste d’attente de greffe.
11. Exposition à des toxiques professionnels (plomb, cadmium, mercure) Aux stades plus avancés de l’IRC, il existe aussi un excès impor-
12. Antécédents d’insuffisance rénale aiguë
tant de risque cardiovasculaire, à tel point que beaucoup de
patients avec une IRC modérée ont une probabilité plus forte
Le dépistage repose sur l’estimation du débit de filtration glomérulaire à partir de décéder d’une maladie cardiovasculaire que de devoir débu-
de la créatinine plasmatique (formule Chronic Kidney Disease- Epidemiology) ter un traitement de suppléance. Schématiquement, le risque
et le rapport albumine/créatinine urinaire sur un échantillon aléatoire. Noter
cardiovasculaire excède le risque rénal dans la plupart des cas,
que les trois premières indications du dépistage (diabète ou hypertension ou âge
> 60 ans) permettent d’identifier environ 90 % des individus atteints de maladie sauf chez les sujets de moins de 55 ans, avec un DFGe inférieur
rénale chronique. IRCT : insuffisance rénale chronique terminale ; AINS : anti- à 30 ml/min/1,73 m2 et une protéinurie abondante.
inflammatoire non stéroïdien. Pour les patients dont le DFGe est inférieur
à 30 ml/min/1,73 m2 , le calculateur de risque CKD G4+ (https://
bas et l’insécurité alimentaire. Par rapport aux sujets blancs, www.kdigo.org/equation/) fournit des informations supplémen-
les individus d’ascendance africaine et les habitants des îles de taires sur les risques de maladies cardiovasculaires et de décès,
l’Océan indien et du Pacifique ont un risque nettement plus élevé qui sont des risques compétitifs avec le risque de progression
de MRC [3] . Ce risque élevé est en partie dû à une prévalence vers l’IRT [11] . La stratification des risques respectifs cardiaques et
accrue de l’hypertension, du diabète, de l’obésité et d’autres rénaux est importante pour prioriser les stratégies thérapeutiques
facteurs de risque rénaux. Des facteurs génétiques sont aussi et l’organisation des soins. Cette stratification peut être utile non
impliqués. Les allèles à risque du gène codant pour l’APOL1 (G1, seulement pour identifier les personnes à haut risque de progres-
G2) peuvent augmenter le risque de maladie rénale de manière sion de la maladie rénale ou de complications cardiovasculaires,
récessive : les personnes ayant deux allèles à risque APOL1 mais aussi pour rassurer les personnes atteintes d’une maladie
(présents chez environ 13 % des Afroaméricains) ont un risque peu progressive, au stade G3aA1 par exemple (Fig. 1).
deux fois plus élevé de progression de la maladie et jusqu’à 29 fois
plus élevé de développer certaines maladies rénales spécifiques
(hyalinose segmentaire et focale et néphropathie associée au
virus de l’immunodéficience humaine), que celles ayant zéro ou  Prise en charge des patients
un allèle de risque. En raison du brassage des populations, ces
variants à risque peuvent être présents chez des individus dont
atteints de maladie rénale
l’ascendance africaine n’est pas immédiatement évidente. chronique
Le mécanisme liant ces variants APOL1 et l’atteinte rénale n’est
pas clairement établi. Dans le rein humain normal, APOL1 est Gestion de l’hypertension artérielle
présente dans les podocytes, le tube proximal et les cellules endo-
théliales des artérioles et des artères de moyen calibre. APOL1 est
et du risque cardiovasculaire
la seule protéine de la famille des apolipoprotéines à être sécré- La prévalence de l’hypertension est élevée en cas d’IRC (87,5 %
tée et circule à des niveaux élevés dans le sang. Certaines études contre 28,5 % dans la population générale), au prorata de la
en transplantation rénale suggèrent que c’est l’APOL1 synthétisée baisse du DFGe. La prise en charge de l’hypertension est un point
au niveau rénal qui est impliquée dans le risque rénal et non pas crucial du fait de l’importante morbi-mortalité cardiovasculaire
l’APOL1 circulante. La plupart des données à ce jour suggèrent que associée à la maladie rénale et de son implication dans la progres-
G1 et G2 sont des variants avec gain de fonction, qui ont acquis sion de l’IRC. La physiopathologie de l’hypertension dans cette
la capacité à léser les cellules rénales plutôt que de provoquer une population est multifactorielle, avec au premier plan la rétention
perte de fonction essentielle. L’hypothèse principale est que les hydrosodée, mais également l’activation intrarénale du système
variants à risque APOL1 insèrent des pores dans les membranes rénine-angiotensine-aldostérone, la stimulation du système sym-
des podocytes comme ils le font dans les trypanosomes. pathique, l’hyperparathyroïdie, le traitement par érythropoïétine
La drépanocytose (présente chez environ 8 % des Afroaméri- (EPO), ou l’augmentation de la rigidité artérielle [12] .
cains) est également associée à un risque accru de maladie rénale. La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) permet
Par rapport aux personnes non porteuses, les personnes présen- une meilleure prédiction de la mortalité et du risque rénal compa-
tant une drépanocytose ont un risque 1,8 fois plus élevé de rativement à la mesure classique. Toutefois, en pratique clinique,
développer une IRC. la mesure oscillométrique automatisée en consultation est recom-
mandée, même si le recours de plus en plus large à l’automesure
tensionnelle et à la MAPA est suggéré [12] .
Pronostic de la maladie rénale chronique Dans les études observationnelles, l’association entre hyperten-
L’incidence de l’IRCT varie en fonction de la présence de fac- sion et mortalité en cas de maladie rénale décrit une courbe en
teurs de risque et de la situation géographique. Par exemple, dans U (ou J) avec augmentation de la mortalité également pour les
16 cohortes en Amérique du Nord, l’incidence chez les personnes pressions artérielles systoliques ou diastoliques les plus basses [12] .
dont le DFGe est inférieur à 60 ml/min/1,73 m2 varie de 4,9 Cette relation paradoxale est présumée être liée à une baisse
à 168,3 IRCT pour 1000 patients par année. Dans 15 cohortes trop importante de la pression artérielle (PA) diastolique chez des
hors Amérique du Nord, l’incidence varie de 1,2 à 131,3 pour patients avec une hypertension systolique isolée, ou à un défaut

4 EMC - Néphrologie
Diagnostic, facteurs de risque, et traitement de l’insuffisance rénale chronique de l’adulte  18-060-A-05

Insuffisance rénale "terminale" Mortalité de toute cause Mortalité cardiovasculaire


RAC RAC RAC RAC RAC RAC RAC RAC RAC RAC RAC RAC
< 10 10–29 30–299 ≥ 300 < 10 10–29 30–299 ≥ 300 < 10 10–29 30–299 ≥ 300
DFGe DFGe DFGe
> 105 Ref Ref 7,8 18 > 105 1,1 1,5 2,2 5,0 > 105 0,9 1,3 2,3 2,1
DFGe DFGe DFGe
90–105 Ref Ref 11 20 90–105 Ref 1,4 1,5 3,1 90–105 Ref 1,5 1,7 3,7
DFGe DFGe DFGe
75–90 Ref Ref 3,8 48 75–90 1,0 1,3 1,7 2,3 75–90 1,0 1,3 1,6 3,7
DFGe DFGe DFGe
60–75 Ref Ref 7,4 67 60–75 1,0 1,4 1,8 2,7 60–75 1,1 1,4 2,0 4,1
DFGe DFGe DFGe
45–60 5,2 22 40 147 45–60 1,3 1,7 2,2 3,6 45–60 1,5 2,2 2,8 4,3
DFGe DFGe DFGe
30–45 56 74 294 763 30–45 1,9 2,3 3,3 4,9 30–45 2,2 2,7 3,4 5,2
DFGe DFGe DFGe
15–30 433 1044 1056 2286 15–30 5,3 3,6 4,7 6,6 15–30 14 7,9 4,8 8,1

Figure 1. Stratification du risque de progression vers l’insuffisance rénale terminale, de mortalité toute cause et de mortalité cardiovasculaire, selon le stade
GA de la maladie rénale. Le risque est exprimé sous forme de risque relatif par rapport à une référence G1A1. L’échelle colorimétrique permet une visualisation
simple du risque. RAC : rapport albumine/créatinine ; DFGe : débit de filtration glomérulaire estimé.

d’autorégulation chez les patients atteints d’une maladie artérielle cacité du traitement pharmacologique. Les KDIGO Blood Pressure
diffuse. Les recommandations concernant les cibles tensionnelles 2020 recommandent une restriction sodée inférieure à 90 mmol/j,
ont largement évolué ces dernières années. Les KDIGO 2012 soit 2 g de sodium ou 5 g/j de chlorure de sodium [12] . La compli-
avaient assoupli les cibles chez les patients insuffisants rénaux, ne ance à un régime aussi strict est souvent difficile, obligeant à une
préconisant des valeurs inférieures à 130/80 mmHg que chez les prise en charge diététique spécialisée. Parmi les mesures non médi-
patients présentant une albuminurie de stade A3. L’étude SPRINT camenteuses, la perte de poids permettrait également de contrôler
a modifié la prise en charge de l’hypertension chez les patients la PA. Une activité régulière modérée et individualisée est égale-
à risque vasculaire élevé. Cette étude a comparé deux cibles de ment recommandée [12] .
PA systolique (< 140 versus < 120 mmHg) chez des patients non Le choix du traitement médicamenteux dépend des indications
diabétiques à haut risque cardiovasculaire, et incluait un groupe spécifiques (albuminurie, diabète), des comorbidités, et enfin de
préspécifié de patients insuffisants rénaux G3A2. L’étude a été la volémie. En cas d’albuminurie A2–A3, l’utilisation d’un blo-
arrêtée prématurément après un peu plus de 3 ans, du fait de queur du système rénine-angiotensine (BSRA) est privilégiée, ces
la réduction très significative de –25 % du critère de jugement deux classes médicamenteuses ayant un effet antiprotéinurique
principal, un critère composite associant mortalité et événements propre, dont l’amplitude est corrélée à la réduction de la vitesse
cardiovasculaires, et de –28 % de mortalité de toute cause dans de progression de l’insuffisance rénale. Rappelons que l’effet
le groupe contrôle intensif. Dans le sous-groupe de patients avec anti-albuminurique des BSRA est dose-dépendant et nécessite la
une insuffisance rénale, le bénéfice du contrôle tensionnel inten- dose maximale tolérée, utilisée dans les essais thérapeutiques.
sif était du même ordre de grandeur, au prix d’un risque plus élevé L’association d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) et
d’insuffisance rénale aiguë réversible, probablement liée à un effet d’un antagoniste du récepteur de l’angiotensine 2 (ARA2) n’est
hémodynamique. en revanche plus recommandée, plusieurs études ayant souli-
Le bénéfice d’un contrôle tensionnel strict chez le patient gné l’augmentation du risque d’effets indésirables (hyperkaliémie
insuffisant rénal est renforcé par une méta-analyse de quatre et insuffisance rénale aiguë) sans amélioration démontrée du
études randomisées (SPRINT, ACCORD, Modification of the Diet pronostic. En absence d’albuminurie, l’effet des BSRA sur la pro-
in Renal Disease [MDRD] et AASK), qui montre une tendance à une gression de l’insuffisance rénale n’est pas démontré mais ces
meilleure survie avec une cible de PA basse, tendance devenant médicaments restent le premier choix chez le patient diabé-
significative après exclusion des patients avec DFGe supérieur tique [12] .
à 60 ml/min et ceux avec un contrôle glycémique strict, notam- Pour obtenir les cibles KDIGO 2020, la plupart, sinon tous
ment dans l’étude ACCORD. Une prolongation des études MDRD les patients, nécessitent une bi-, voire une trithérapie. L’étude
et AASK suggère des résultats similaires chez les patients insuffi- ACCOMPLISH a montré la supériorité d’une combinaison
sants rénaux non diabétiques. Sur la progression de l’insuffisance IEC–dihydropyridine sur la combinaison IEC–diurétique thia-
rénale, le bénéfice du contrôle tensionnel intensif semble limité zidique pour la prévention des événements cardiovasculaires.
aux patients avec une albuminurie A3. Il n’est pas certain que cette comparaison s’applique en cas
En résumé, le contrôle tensionnel strict permet de réduire d’insuffisance rénale avancée, compte tenu de la rétention hydro-
la morbimortalité cardiovasculaire chez l’ensemble des patients sodée fréquente. Certains proposent de s’aider du brain natriuretic
insuffisants rénaux G3-G4 et réduit le risque de progression rénale peptide (BNP) pour guider le choix de la bithérapie. Aux stades G4-
chez les patients avec une albuminurie A3. G5, le traitement diurétique fait appel à un diurétique de l’anse,
À la suite de SPRINT et des méta-analyses récentes, les KDIGO du fait de la résistance relative aux thiazides à ces niveaux de
Blood Pressure 2020 [12] recommandent un contrôle tensionnel fonction rénale. En accord avec les recommandations, la trithé-
strict avec une cible systolique inférieure à 120 mmHg afin de rapie fait appel à une combinaison de type acide citrate-dextrose
réduire la morbimortalité cardiovasculaire. Cette cible n’est valide (IEC + dihydropyridine + diurétique) [12] .
que si la PA est mesurée dans les conditions standardisées de Les associations fixes d’antihypertenseurs permettent de
l’essai SPRINT, c’est-à-dire la moyenne de trois mesures répétées, réduire le nombre de comprimés et améliorent l’observance
au repos, dans une pièce isolée et en l’absence de personnel soi- thérapeutique. Il faut cependant éviter de donner tous les anti-
gnant (« non observée »), avec un appareil semi-automatique de hypertenseurs en une seule prise le matin, une pratique fréquente
type OMRON 907, qui devient ipso facto le standard de mesure qui favorise une chute de PA en matinée au pic d’action et une
tensionnelle chez ces patients. inefficacité relative ou absolue en fin de nuit, au moment où la
Le traitement de l’HTA associe des mesures non médica- PA est la plus élevée et associée au risque maximal de complication
menteuses et pharmacologiques. Le traitement médicamenteux cardiovasculaire.
comprend souvent plusieurs molécules. Plus de la moitié des L’étude MAPEC, une étude prospective chez 3344 patients
patients en insuffisance rénale présentent une rétention hydro- hypertendus, traités par deux antihypertenseurs ou plus, a démon-
sodée, avec une HTA volodépendante. Ainsi, le régime sans sel est tré le bénéfice de répartir les prises médicamenteuses, au moins
la clé de voûte du traitement, indispensable pour une pleine effi- l’un des trois médicaments étant administré le soir. L’incidence

EMC - Néphrologie 5
18-060-A-05  Diagnostic, facteurs de risque, et traitement de l’insuffisance rénale chronique de l’adulte

des événements cardiovasculaires a été significativement plus de la kaliémie d’environ 0,9 mmol/l, et sont relativement large-
basse chez les patients qui prenaient au moins un antihyperten- ment utilisées en France en dépit de risques digestifs rares mais
seur le soir au coucher, par comparaison avec ceux qui prenaient graves. L’hyperkaliémie ne devrait plus être un prétexte pour
tous les antihypertenseurs le matin au réveil, avec une réduction arrêter ou diminuer les BSRA, compte tenu de la disponibilité pro-
très spectaculaire de –60 % du risque relatif (RR) d’événements car- chaine d’échangeurs de cations efficaces (patiromer, zirconium
diovasculaires et de –75 % du critère combiné trois points (décès silicate).
cardiovasculaires, infarctus du myocarde et accidents vasculaires
cérébraux). À souligner, ces mêmes résultats sont retrouvés dans
les sous-groupes préspécifiés des patients ayant une insuffisance Réduire le risque de maladie cardiovasculaire
rénale ou un diabète. Cette stratégie basée sur la « chronothéra-
La prévalence des maladies cardiovasculaires est nettement plus
pie » est d’autant plus importante, qu’en cas d’insuffisance rénale,
élevée chez les individus avec une MRC [11, 12] . Par exemple, dans
la PA nocturne ne s’abaisse plus (non-dipper), voire augmente para-
un échantillon de 5 % de l’assurance maladie américaine, 65 % des
doxalement (riser). Ce phénomène, qui s’aggrave au prorata de la
175 840 patients âgés de 66 ans ou plus, atteints d’IRC, avaient une
baisse du DFG, est attribué à la rétention sodée infraclinique. La
maladie cardiovasculaire, contre 32 % des 1 086 232 personnes
PA nocturne est mieux corrélée au risque cardiovasculaire et au
sans IRC. De plus, l’IRC est associée à des complications cardio-
risque de progression rénale.
vasculaires plus graves, et une survie à 2 ans réduite en cas de
Alors que l’utilisation des BSRA est relativement bien vali-
coronaropathie (77 % contre 87 %), d’infarctus aigu du myocarde
dée dans les néphropathies albuminuriques aux stades G2–G3,
(69 % contre 82 %), d’insuffisance cardiaque (65 % contre 76 %),
leur utilisation ou maintien aux stades plus avancés (G4–G5) a
de fibrillation atriale (70 % contre 83 %) et d’accident vasculaire
fait l’objet de controverses récentes. Par leurs effets pharmaco-
cérébral (73 % contre 83 %).
logiques, les BSRA abaissent la pression glomérulaire et donc le
La réduction du risque cardiovasculaire représente donc un
DFG, de façon variable selon les individus, mais soutenu dans
enjeu majeur de la prise en charge de l’IRC [11, 12] . Les mesures
le temps, et augmentent le risque d’hyperkaliémie. Ces deux
de prévention cardiovasculaires classiques s’appliquent aussi à la
risques sont majorés en cas d’insuffisance rénale avancée (G4+) et
population avec une MRC [12] . L’arrêt du tabac doit être encou-
conduisent assez souvent à interrompre ces médicaments. Dans
ragé, avec un bénéfice supplémentaire probable sur la progression
l’étude NHANES 2011–2014 aux États-Unis, chez 7085 patients rénale [12] . En accord avec les KDIGO lipides 2012, il est recom-
avec une insuffisance rénale, 40 % recevaient un traitement BSRA. mandé de traiter les patients âgés de 50 ans ou plus, atteints d’IRC
Chez les patients G4, 45 % arrêtent le BSRA dans l’année suivant la avec une statine à dose faible ou modérée, quel que soit le taux de
prescription initiale et 83 % à 5 ans. Les principaux motifs d’arrêt low density lipoprotein-cholestérol [13, 14] . Cette stratégie est basée
étaient l’hyperkaliémie, l’aggravation de la fonction rénale, les sur la correction du risque plutôt que celle du facteur de risque.
hospitalisations pour insuffisance rénale aiguë, et la présence de Comme discuté ci-dessus, les cibles de PA ont été abaissées dans les
multiples comorbidités. Deux études observationnelles de petite populations rénales, essentiellement pour réduire la morbimorta-
taille ont suggéré que l’arrêt des IEC chez des patients âgés au stade lité cardiovasculaire, suite aux données de l’étude SPRINT.
G4 améliorait le DFGe. Ces données ont conduit un des auteurs à
mettre en place un essai randomisé contrôlé pour déterminer s’il y
a un bénéfice ou non à arrêter ces médicaments aux stades G4–G5. Nutrition
Inversement, une étude randomisée chinoise a montré le bénéfice
de démarrer un IEC chez des patients avec une néphropathie glo- Les mesures nutritionnelles, essentielles dans la prise en charge
mérulaire très albuminurique (> 3 g/j) au stade G4, en réduisant d’un patient IRC, vont viser plusieurs objectifs : ralentir la
l’incidence de doublement de la créatinine plasmatique et d’IRT progression de la MRC, retarder l’apparition des complications
par rapport au placebo. Les analyses post hoc des essais REIN et métaboliques, diminuer leur retentissement clinique et enfin,
RENAAL ont confirmé que le bénéfice néphroprotecteur d’un IEC maintenir un statut nutritionnel satisfaisant pour éviter la
et d’un ARA2, respectivement, était retrouvé indépendamment sarcopénie, et ainsi surseoir à l’initiation du traitement de
du DFGe à l’initiation. Dans ces analyses, la réduction du nombre suppléance [15] . Cette approche nutritionnelle doit être indivi-
absolu d’IRT était même plus importante chez les patients dans le dualisée selon le stade de la MRC et les spécificités de chaque
tertile inférieur de DFGe, donc les plus à risque de progression. patient (obésité, diabète, risque de dénutrition, âge, etc.) et relève
Deux études observationnelles récentes, dont une pédiatrique, d’une consultation diététique et d’une éducation thérapeutique.
ajustant avec des scores de propension, ont montré le risque de Les recommandations diététiques concernent l’équilibre hydro-
dégradation plus rapide de la fonction rénale et le surrisque de électrolytique, phosphocalcique, acidobasique et les besoins
mortalité lorsque les BSRA sont arrêtés au stade G4. Qiao et al. énergétiques et protéiques [16] .
ont étudié l’association entre la poursuite ou l’arrêt d’un bloqueur L’augmentation de l’apport hydrique est souvent proposée
du SRA et le risque de mortalité, d’IRT et d’événements cardio- empiriquement pour ralentir la progression de l’IRC. En l’absence
vasculaires majeurs (MACE) chez les patients ayant une baisse d’études randomisées décisives, les données observationnelles de
progressive de la fonction rénale (DFGe < 30 ml/min/1,73 m2 ). Au la cohorte CKD-REIN chez 1265 patients avec un DFGe moyen
cours d’un suivi médian de 2,9 ans, 35 % des patients qui ont inter- de 31 ml/min/1,73 m2 retrouvent une relation en U entre la diu-
rompu le blocage du SRAA contre 29,4 % de ceux qui n’ont pas rèse et le risque d’IRT, le nadir de risque se situant pour un apport
interrompu le traitement sont décédés. L’analyse par score de pro- hydrique de 1,0 à 1,5 l/j.
pension a montré un risque de mortalité et de MACE augmenté de L’essai randomisé canadien Chronic Kidney Disease Water
39 % chez les patients qui ont interrompu le traitement BSRA par Intake Trial a comparé chez 631 patients avec un DFGe moyen
rapport à ceux qui l’ont poursuivi. L’arrêt du traitement BSRA était de 43 ml/min/1,73 m2 l’effet d’un apport hydrique inchangé ver-
aussi associé à un risque plus élevé d’IRT chez les patients diabé- sus un apport hydrique augmenté (0,6 l/j en moyenne). Cet essai
tiques mais pas chez les patients non diabétiques. Avec les limites possiblement sous-dimensionné n’a pas retrouvé de différence
d’une étude observationnelle, on peut conclure que la poursuite d’évolution de la fonction rénale à 1 an entre les deux groupes.
des BSRA chez les patients avec une baisse progressive du DFGe Les recommandations KDIGO Nutrition 2020 proposent une
est associée à un bénéfice cardiovasculaire sans risque excessif de limitation du sodium à 90–100 mmol/j (soit 2 g de sodium ou
progression vers l’IRT. 5 g/j de chlorure de sodium) pour réduire la PA (grade 1B) et la
Une des raisons fréquentes à l’arrêt des BSRA est la survenue protéinurie (grade 2A) chez tous les patients aux stades G3–G5 [16] .
d’une hyperkaliémie, en particulier chez les patients diabétiques Une telle restriction sodée doit en fait être recommandée dès
ou aux stades G3b à G5. Cette situation peut être habituelle- le stade précoce de la MRC (G1–G2), a fortiori s’il existe une
ment gérée par un régime alimentaire limité en potassium, la hypertension [12] . En France, cela correspond en moyenne à une
correction de l’acidose métabolique (cf. infra), la majoration des diminution de 50 % des apports sodés quotidiens. Une restric-
doses de diurétiques, ou encore l’introduction d’une gliflozine tion plus importante (4 g/j) est proposée au stade G5, ou en cas
chez le diabétique. Les résines échangeuses d’ions (polystyrène de syndrome œdémateux. L’évaluation des apports sodés est réa-
sulfonate de sodium ou de calcium) permettent une réduction lisée par la mesure de la natriurèse des 24 heures (1 g d’apport

6 EMC - Néphrologie
Diagnostic, facteurs de risque, et traitement de l’insuffisance rénale chronique de l’adulte  18-060-A-05

de sel correspondant à 17 mmol de sodium urinaire). La diminu- comparait deux niveaux de restriction protéique en fonction du
tion des apports sodés permet d’améliorer le contrôle tensionnel : stade de la MRC (régime normal versus 0,58 g/kg/j pour les stades
l’effet moyen estimé est une baisse de 5,9 mmHg pour la PA sys- G2–G3 [n = 585] et 0,58 g/kg/j versus 0,3 g/kg/j + cétoanalogues
tolique et 3,3 mmHg pour la PA diastolique en MAPA, ce qui chez les stades G4–G5 [n = 255]) était en effet négative sur un
correspond presque à l’effet d’un médicament antihypertenseur. critère combiné baisse de DFG + dialyse + décès. Un bénéfice a
Cette sensibilité de l’hypertension au sel est prépondérante chez été identifié pour les stades G4–G5 en analyse per protocol prenant
les sujets rénaux. Les travaux récents suggèrent un stockage actif, en compte les apports protéiques réellement atteints, pour les-
non osmotique du sel dans la peau et les muscles participant à quels une baisse de 0,2 g/kg/j diminue la vitesse de progression
la régulation tensionnelle, en particulier chez les diabétiques et de –1,15 ml/min/an et le risque de dialyse de –49 % (RR : 0,51).
les insuffisants rénaux. Dans ce modèle pluricompartimental, le L’avènement des bloqueurs du SRA avec des résultats plus pro-
système immunitaire joue un rôle important et l’inflammation bants sur la néphroprotection avait précipité un certain désintérêt
stimule la rétention hydrosodée. La limitation en sel diminue le pour les régimes très restreints en protéines et la commerciali-
risque d’œdème, le nombre d’antihypertenseurs et l’albuminurie sation des cétoanalogues avait été interrompue en France. Les
(–0,4 g/j) avec une potentialisation de l’effet des BSRA [12] . détracteurs du régime très restreint en protéines soulignaient les
En population générale, l’intérêt d’une limitation en sel dans difficultés d’observance, pour un bénéfice estimé modeste, notam-
l’alimentation soulève des controverses où se mêlent politique ment au regard de celui des BSRA, et s’inquiétaient du risque de
et lobbying de l’industrie alimentaire. Cependant, les études en dénutrition et de recourir trop tardivement au traitement de sup-
population suggèrent un effet délétère d’une consommation de pléance.
sel au-delà de 9–10 g/j. Une large étude de cohorte américaine de Plus récemment, d’autres études portant sur des populations
plus de 500 000 individus entre 51 et 70 ans et suivis en moyenne ciblées ont montré qu’un régime VLPD associé à des cétoana-
14,3 ans montre que la survenue de l’IRT est significativement logues permet de ralentir la progression de l’IRC et de différer
plus fréquente dans le quartile des consommateurs de sel supé- le début de la dialyse. Dans l’étude prospective de Garneata et
rieur à 9,1 g/j avec un hazard ratio (HR) à 1,17. Une méta-analyse al. évaluant un régime LPD (0,6 g/kg/j) versus VLPD (0,3 g/kg/j)
confirme l’excès de risque d’évènements rénaux et cardiovascu- et cétoanalogues chez des patients G4 non diabétiques, âgés de
laires pour une consommation de sodium au-delà de 4,6 g/j (12 g 54 ans en moyenne, seuls 13 % des patients sous régime VLPD
de sel/j). Enfin, un intérêt particulier est porté ces dernières années atteignent le critère principal (DFG/2 ou début de la dialyse) ver-
sur le rôle spécifique du chlore. L’effet tensionnel du sodium varie sus 42 % dans l’autre groupe. Le nombre de patients à traiter
selon l’anion associé, plus marqué s’il est associé à l’anion chlore (NNT) pendant 1 an est 4,4 pour éviter la survenue du critère com-
(NaCl), que s’il est associé au bicarbonate ou au citrate. Le rôle biné, et 22,4 pour éviter le début de la dialyse. Contrairement à
spécifique du chlore dans la physiopathologie de l’hypertension l’étude MDRD, les objectifs nutritionnels étaient atteints dans les
et des évènements cardiovasculaires est suspecté. deux groupes mais sur les 1412 patients initiaux, la proportion
Le concept d’une restriction des apports protidiques pour ralen- des patients inclus sur l’absence de contre-indication et l’aptitude
tir la progression de l’insuffisance rénale et les conséquences de à adhérer au régime n’était que de 14 %. Il est donc difficile
l’urémie remonte aux années 1950. La charge protéique induit d’extrapoler ces résultats à la population MRC la plus fréquente, à
une hypertension glomérulaire, majore l’insulinorésistance, savoir les patients âgés ou diabétiques. Les autres limites de cette
l’inflammation et la fibrose et participe ainsi à l’albuminurie et étude sont que l’estimation du DFG se faisait à partir de la créati-
à la progression de la glomérulosclérose histologique et de l’IRC. nine, dont la production baisse en l’absence d’apports exogènes en
A contrario, l’effet néphroprotecteur du régime hypoprotidique a créatine (viande), et dépend aussi de la masse musculaire. On peut
été confirmé expérimentalement et agit de façon synergique avec également souligner que l’acidose, un facteur de risque de progres-
le régime hyposodé sur le SRA [15] . De plus, la restriction protéique sion (cf. infra), était marquée dans les deux groupes (16 mmol/l) et
induit une diminution de la génération d’urée et des toxines se corrige davantage dans le groupe VLPD que dans le groupe LPD.
urémiques impliquées dans le stress oxydatif, l’inflammation, Dans les deux méta-analyses récentes, la dernière incluant l’étude
la dysfonction endothéliale et la pathologie cardiovasculaire en de Garneata, les régimes très restreints diminuent le risque d’IRT
général [15] . de –36 % (RR : 0,64) par rapport à un régime LPD et ralentissent
En population générale, les apports protéiques recommandés la progression de l’IRC de –1,85 ml/min/an. En termes de sécu-
sont à 0,8 à 1,0 g/kg/j (Organisation mondiale de la santé [OMS]), rité, les données assez limitées cependant, concernant la masse
ce qui, en France, correspond à une diminution de 45 % par rap- musculaire et l’état nutritionnel, sont rassurantes dans les deux
port à la consommation protéique moyenne d’un adulte jeune méta-analyses. L’étude du métabolisme musculaire des patients
et de 30 % pour un homme de 70 ans ou plus (par comparaison insuffisants rénaux montre un turnover plus efficace sous restric-
aux données AFSSA [Agence française de sécurité sanitaire des ali- tion protéique en lien avec une augmentation du recyclage des
ments] 2007). L’estimation des apports protéiques en état stable acides aminés.
se fait à partir de l’urée urinaire des 24 heures (urée urinaire en On peut conclure que les régimes très restreints avec supplé-
mmol/5,5 = apport en protéines en g/j). Notons au passage que le mentation en acides aminés ou cétoanalogues ont leur place
dosage de l’urée urinaire n’est plus remboursé en France. dans la prise en charge de l’IRC mais ne s’adressent qu’à une
Pour les patients ayant une MRC, des régimes plus res- faible proportion de patients très sélectionnés, et sous réserve
treints ont été proposés sous réserve d’apports normocaloriques à de la possibilité de réaliser un suivi nutritionnel rapproché. Les
30–35 kcal/kg/j : recommandations KDIGO Nutrition 2020, en cours de validation,
• le régime « hypoprotidique modéré » à 0,5–0,6 g/kg/j (low pro- proposent aux stades G3–G5 et chez des patients métaboli-
tein diet : LPD) qui correspond à un régime végétarien avec quement stables, soit une restriction protéique de type LPD à
diminution drastique des produits laitiers et des œufs ; 0,60 g/kg de poids idéal et par jour, soit une restriction de type
• aux stades G4–G5, un régime « très hypoprotidique » (very low VLPD à 0,28–0,43 g/kg/j avec substitution en cétoanalogues pour
protein diet : VLPD) inférieur à 0,5 g/kg/j jusqu’à 0,28 g/kg/j. Ce atteindre les besoins protidiques à 0,60 g/kg/j. Ces recommanda-
type de régime est l’équivalent d’un régime végétalien associé tions insistent sur l’importance d’un suivi nutritionnel rapproché
à une diminution des protéines végétales. Ce régime requiert pour éviter la dénutrition et s’assurer que l’apport calorique soit
la prescription de compléments en acides aminés essentiels et suffisant [16] . Une restriction protidique de cet ordre permet une
non essentiels, sous forme de cétoanalogues (2 cp/10 kg poids/j réduction du risque d’IRT et de décès (grade 1A). Chez les diabé-
de Ketosteril® ), pour couvrir les besoins protidiques tout en tiques, la restriction protidique est assouplie à 0,60–0,80 g/kg/j
diminuant la production d’urée, et éventuellement le recours à (opinion d’experts).
des substituts sans protéines pour remplacer les céréales, ainsi Outre la quantité, l’origine des protéines est importante. En
que l’augmentation des apports glucidiques et lipidiques pour effet, une alimentation avec une majorité de protéines d’origine
assurer les apports caloriques. végétale exerce des effets bénéfiques sur la progression de la
Dans les années 1990, le bénéfice clinique d’une restriction pro- MRC ou sur ses conséquences notamment cardiovasculaires. À
téique plus intense, en deçà de 0,8 g/kg/j, avait été mis en doute quantité égale (0,83 g/kg/j), une consommation préférentielle
devant les résultats mitigés de l’étude MDRD. Cette étude qui de protéines végétales est associée à une diminution de la

EMC - Néphrologie 7
18-060-A-05  Diagnostic, facteurs de risque, et traitement de l’insuffisance rénale chronique de l’adulte

prévalence de l’insuffisance rénale de 53 % chez les diabétiques. correction de l’acidose par supplémentation en bicarbonate de
La consommation de viande rouge est en revanche associée à une sodium versus placebo chez 795 patients avec un DFGe moyen de
progression plus rapide de la MRC. Une alimentation riche en 35 ml/min, et une bicarbonatémie initiale à 21,5 mmol/l. À 3 ans,
fruits et légumes, poissons, céréales et fibres est associée à une la supplémentation en bicarbonate réduit l’incidence de double-
baisse de mortalité chez les patients avec une MRC. Les bénéfices ment de la créatinine plasmatique (6,6 versus 17 %, p < 0.001), le
d’une alimentation végétarienne relèvent de mécanismes variés. recours à la dialyse (6,9 versus 12,3 % ; p = 0,016) et les décès de
L’absorption digestive du phosphore contenu dans les protéines toute cause (3,1 versus 6,8 % ; p = 0,04). Dans une méta-analyse
végétales est moindre que pour les protéines animales (50 versus récente, la correction de l’acidose ralentit la baisse du DFGe de
80 %). À quantité égale de protéines, une alimentation végéta- –3,3 ml/min en moyenne (degré de certitude modérée) et retarde
rienne abaisse la phosphatémie, le fibroblast growth factor (FGF)23 la mise en dialyse (RR : 0,32) (degré de certitude faible).
et la parathormone (PTH), trois facteurs impliqués dans la pro- La méthode de correction de l’acidose est aussi importante.
gression de la MRC et ses complications cardiovasculaires. Les Goraya et al. ont évalué deux stratégies de correction de l’acidose
recommandations KDIGO Nutrition 2020 proposent aux stades (supplémentation en bicarbonate de sodium oral versus majo-
G1–G5ND, une alimentation de type « méditerranéen sans sel », ration des apports alcalins par une alimentation « fruits et
pour améliorer le profil lipidique (grade 2C), et aux stades G1–G4, légumes ») chez des patients au stade G4A3 avec une bicarbo-
une alimentation riche en fruits et légumes pour réduire le poids, natémie moyenne de 23 mmol/l. La baisse du DFGe sur 5 ans
la PA et la charge acide (grade 2C). est significativement plus faible dans les deux groupes traités :
Des études récentes montrent une relation entre le rein et le –10 ml/min pour le groupe « fruits et légumes », –12,3 ml/min
microbiote intestinal. Les patients avec une MRC ont une compo- pour groupe « bicarbonate » versus –18 ml/min dans le groupe
sition altérée du microbiote intestinal (« dysbiose urémique »). témoin, avec un effet bénéfique supplémentaire du groupe « fruits
Ces modifications du microbiote augmentent la fermentation des et légumes » sur la PA et sur le profil lipidique par rapport au
protéines intestinales en toxines urémiques (notamment p-crésyl groupe bicarbonate. La diminution précoce de la charge acide
sulfate, indoxyl sulfate, triméthylamine N-oxyde [TMAO], dont le par la consommation d’aliments alcalinisants a probablement un
taux est corrélé à la mortalité cardiovasculaire dans la MRC) [15] , effet bénéfique sur les complications liées à l’acidose, avant même
augmentent la perméabilité de la barrière intestinale et la trans- que celle-ci ne soit mesurable. On parle d’acidose infraclinique
location de bactéries et de toxines de la lumière intestinale vers mais ce sont les mécanismes de compensation pour maintenir un
la circulation sanguine, aboutissant à une inflammation systé- pH normal (hypercortisolisme, ammoniogénèse) qui exercent des
mique. Ces mécanismes pourraient contribuer à l’augmentation effets délétères osseux et musculaires. Quelques études interven-
de la morbimortalité dans cette population. Les protéines végé- tionnelles de supplémentation en bicarbonates chez des patients
tales, moins fermentables, et l’augmentation des fibres diminuent hypertendus avec une MRC et des taux de bicarbonate « nor-
la production et l’absorption des toxines urémiques intestinales. maux » supportent ce concept mais la validation à plus grande
Les autres effets bénéfiques d’un régime végétarien sont la diminu- échelle n’est pas établie. De plus, il est difficile de différencier
tion conjointe de la production des produits avancés de glycation, l’effet « protéine » de l’effet « charge acide » sur la progres-
de l’insulinorésistance et du syndrome métabolique, et du stress sion de la MRC, du fait que les deux facteurs sont intimement
oxydatif, participant à l’amélioration du profil tensionnel, lipi- liés.
dique, et de l’obésité. Les recommandations proposaient de longue date de mainte-
nir un taux de bicarbonates au-dessus de 22 mmol/l. Il est possible
qu’une cible plus haute soit bénéfique mais une surcorrection avec
Acidose métabolique alcalose pourrait être délétère. Un objectif entre 22 et 26 mmol/l
semble consensuel, et peut être obtenu soit par une supplémen-
Dans le contexte de l’IRC, le diagnostic d’acidose métabolique tation en bicarbonate de sodium, soit par une augmentation de
est établi sur la baisse des bicarbonates plasmatiques veineux la consommation en aliments alcalinisants (fruits, légumes, raisin
inférieurs à 22 mmol/l, et ne nécessite habituellement pas de gazo- et épinards) et une diminution des aliments acidifiants (fromages
métrie artérielle (en l’absence de pathologie respiratoire associée). à pâte dure, jaune d’œuf, viande, etc.). La dose quotidienne en
L’acidose métabolique est une complication relativement tardive bicarbonate de sodium peut être estimée par le calcul du défi-
de l’insuffisance rénale. La prévalence est de 7 % au stade G2, cit en bicarbonate = [25 – bicarbonatémie en mmol/l] × [poids
13 % au stade G3 et 37 % au stade G4. Aux stades précoces de (kg) × 0,5]. En pratique, une supplémentation quotidienne de 2
l’insuffisance rénale, l’acidose résulte essentiellement d’un défaut à 3 g de bicarbonate de sodium est suffisante chez la plupart des
des capacités d’acidification des urines (trou anionique normal), patients. D’autres stratégies ont été ponctuellement testées (sels
à laquelle s’ajoute, à un stade plus avancé, une accumulation alcalins à base de citrate ou plus récemment une résine chélatrice
d’anions indosés (phosphates, sulfates, etc.) avec augmentation de protons [véverimer]), mais les données cliniques à long terme
du trou anionique. La charge acide nette quotidienne dépend sont encore insuffisantes.
essentiellement des protéines soufrées d’origine animale, qui sont
génératrices de protons, tandis que certains acides aminés ou cer-
tains anions comme le citrate, présents dans les fruits et légumes, Hyperphosphatémie et désordres
consomment des protons lors de leur dégradation et sont alcali- phosphocalciques
nisants.
L’acidose métabolique chronique est à l’origine de nombreux Les anomalies biochimiques et hormonales du métabolisme
effets délétères notamment nutritionnels, osseux et cardiovas- phosphocalcique et osseux sont fréquentes au cours de l’IRC, au
culaires. Elle favorise la dénutrition protéinoénergétique en prorata de la diminution du DFGe et de l’augmentation de la
induisant un hypercatabolisme musculaire et une sarcopénie. protéinurie. Dans une étude regroupant 17 cohortes de patients
Au niveau osseux, l’acidose aggrave l’ostéoporose, l’ostéomalacie insuffisants rénaux et 38 cohortes de population générale, soit
et donc l’ostéodystrophie rénale par différents mécanismes. plus de 2 millions de patients, environ 40 % des patients G3a
L’acidose est de plus identifiée comme un facteur de progres- ont une hyperparathyroïdie et jusqu’environ 80 % au stade G4.
sion de la MRC, et semble associée à une morbimortalité accrue, L’hyperphosphatémie est moins fréquente, elle concerne moins
notamment cardiovasculaire. de 10 % des patients au stade G3 et environ 30 % des patients au
La correction de l’acidose métabolique diminue la dégrada- stade G4.
tion de la fonction rénale. Une étude ouverte avait montré que Ces anomalies (hypocalcitriolémie, hypocalcémie, hyperpa-
chez des patients G4, la correction de l’acidose métabolique par rathyroïdie secondaire) sont déclenchées par l’augmentation
bicarbonate de sodium diminuait la vitesse de dégradation de la progressive et persistante du FGF23, une hormone phosphatu-
fonction rénale (–5,93 ml/min/1,73 m2 sur 2 ans pour le groupe riante et inhibitrice de la 1-alpha-hydroxylase tubulaire, sécrétée
témoin versus –1,88 ml/min/1,73 m2 pour le groupe bicarbonate ; en réponse à la charge alimentaire en phosphate. En raison de
p < 0,05). Ces résultats sont confirmés par l’étude prospective ran- ce mécanisme adaptatif, la phosphatémie reste souvent normale
domisée UBI qui a évalué l’effet sur la progression de la MRC d’une jusqu’à un stade avancé de l’insuffisance rénale et ne s’élève qu’à

8 EMC - Néphrologie
Diagnostic, facteurs de risque, et traitement de l’insuffisance rénale chronique de l’adulte  18-060-A-05

Tableau 2.
Synthèse des recommandations diététiques selon le stade de l’insuffisance rénale chronique (modifié à partir de [15, 16] ).
Aliment MRC G1-G2 MRC G3 MRC G4-G5
Protéines (g/kg/j) 0,8–1,0, préférer les protéines végétales 0,6–0,8, si stade G3b ou 0,6–0,8, ou
progression rapide < 0,6 + supplémentation en KA
Lipides Surtout mono- et poly-insaturés, incluant Surtout mono- et poly-insaturés, Surtout mono- et poly-insaturés,
des acides gras n-3 incluant des acides gras n-3 incluant des acides gras n-3
Augmenter la proportion avec la Augmenter la proportion avec la
réduction de l’apport protidique réduction de l’apport protidique
Fibres, végétaux (g/j) 25–30, dont > 50 % d’origine végétale 25–30, dont > 50 % d’origine 25–30, dont > 50 % d’origine
végétale végétale
Energie (kcal/kg/j) 30–35, plus bas si IMC > 30 kg/m2 30–35, augmenter la proportion si 30–35, augmenter la proportion si
réduction en protéines réduction en protéines
Sodium (g/j) < 3,0 < 3,0 < 3,0
Potassium (g/j) 4,7 4,7 ou moins si tendance < 3,0 si hyperkaliémie (diabète,
hyperkaliémie (diabète, BSRA) BSRA)
Calcium (mg/j) 1000–1300 (selon âge) 800–1000 800–1000
Phosphore (mg/j) < 1000, limiter les phosphates inorganiques < 800, préférer une alimentation < 800, préférer une alimentation
dans les aliments industriels végétale végétale

MRC : maladie rénale chronique et son stade (G1 à G5) ; KA : kétoanalogues ; IMC : index de masse corporelle ; BSRA : bloqueurs du système rénine-angiotensine.

partir du stade G4–G5. La prise en charge des anomalies phospho- mais est généralement déconseillée en cas de DFGe inférieur à
calciques au stade de présuppléance reste mal définie. Les KDIGO 45 ml/min/1,73 m2 et de kaliémie supérieure à 4,5 mmol/l [19] .
2017 proposent le maintien de la calcémie, de la phosphatémie, En dépit des résultats de l’étude ACCORD, et sur la base de
de l’iPTH dans des valeurs normales [17, 18] . La charge alimentaire l’extrapolation des données de SPRINT dans une population
en phosphate doit être limitée, en s’aidant au besoin de chélateurs rénale à haut risque cardiovasculaire, le groupe d’experts des
intestinaux dépourvus en calcium [17, 18] . Il faut être particulière- KDIGO Blood Pressure 2020 propose une cible tensionnelle sys-
ment vigilant sur les sources « occultes » de phosphate, présentes tolique inférieure à 120 mmHg, indépendamment de l’âge (sujets
dans les additifs alimentaires. La correction du déficit en vitamine âgés valides), du diabète et de l’albuminurie et sous réserve d’une
D native doit être systématique et permet généralement de cor- tolérance clinique et biologique satisfaisante [12] . Cette cible dras-
riger l’hypocalcitriolémie. L’intérêt d’une supplémentation orale tique ne s’applique qu’à la PA dite « standardisée », dérivée du
en calcium reste débattu, mais s’avère peu souhaitable chez les protocole de mesure de l’étude SPRINT. Ces mesures peuvent être
patients diabétiques ou avec des calcifications vasculaires exten- complétées selon les cas par des mesures à domicile (automesure
sives (Tableau 2). ou MAPA).
Les KDIGO Blood Pressure 2020, Diabète 2020 et Nutrition 2020
proposent une réduction de l’apport alimentaire en sodium à
 Spécificités du diabète moins de 1,5 g/j (soit 5 g de NaCl) à la fois pour sensibiliser l’effet
antihypertenseur et antiprotéinurique des BSRA et pour prévenir
Dans la plupart des pays dont la France, les diabétiques repré- l’apparition d’une insuffisance cardiaque [12, 16, 19] . Les KDIGO Dia-
sentent la moitié environ des patients démarrant un traitement bète 2020 proposent un apport protidique à 0,8 g/kg/j, semblable
de suppléance. La prise en charge du diabète et de la néphropathie à celui recommandé par l’OMS pour la population générale. Une
diabétique s’intègre complètement dans le traitement de la MRC, réduction protidique plus importante est jugée comme poten-
en raison de particularités concernant le choix et l’emploi des tiellement dangereuse chez les patients diabétiques, en raison du
médicaments antidiabétiques et le traitement de la néphropathie risque majoré de dénutrition et d’hypoglycémies [19] .
diabétique. Les recommandations KDIGO Diabète 2020 proposent
Le risque cardiovasculaire et la mortalité chez les diabétiques un monitorage de la glycémie par la mesure régulière de
de type 2 (DT2) dépendent du nombre de facteurs de risque l’hémoglobine A1c (HbA1c) (2 à 4 fois par an) en dépit du
non contrôlés. Une intervention multifactorielle, ciblant les prin- fait que ce marqueur perd sa fiabilité au fur et à mesure que
cipaux facteurs de risque avec notamment l’arrêt du tabac, la la fonction rénale s’altère (grade 1C). L’argument principal est
nutrition, l’activité physique et une intervention pharmacolo- que l’HbA1c est un standard de suivi reconnu et qu’il n’y a pas
gique, a démontré un bénéfice à long terme sur le développement d’alternatives validées [19] . Chez certains patients, en particulier
de complications micro- et macrovasculaires et sur la mortalité. ceux à risque élevé d’hypoglycémie (traités par insuline, voire
Chez les patients DT1 ou DT2 avec une MRC, l’hypertension sulfamides ou glinides) ou lorsqu’il y a une discordance entre
doit être traitée en première intention par un bloqueur du SRA de les glycémies et l’HbA1c, ou encore lorsque le DFGe est inférieur
longue durée d’action, quel que soit le stade d’albuminurie A1–A3 à 30 ml/min/1,73 m2 , le monitorage continu du glucose inter-
(grade 1B) [12, 19] . Cette recommandation aux stades A1–A2 est stitiel (CGM) peut représenter une option alternative mais son
basée sur la démonstration que cette classe thérapeutique réduit le utilisation n’a pas fait l’objet d’étude d’efficacité à long terme.
risque de progression vers la néphropathie diabétique avérée (A3). La cible de contrôle glycémique doit être individualisée avec
Ces agents sont de plus préconisés en l’absence d’hypertension en une HbA1c entre inférieure à 6,5 % et inférieure à 8,0 % selon
cas d’albuminurie de stade A2 ou A3 [12, 19] . Les IEC et les ARA2 l’ancienneté du diabète, les comorbidités et l’espérance de vie
sont considérés comme d’efficacité comparable et sont interchan- (grade 1C) [19] . Schématiquement, chez les patients jeunes, avec un
geables en cas d’intolérance à l’une de ces classes (par exemple, diabète de type 1, une IRC légère à modérée, sans complications
toux sous IEC) ; en revanche, leur association est déconseillée. ou comorbidités, une cible plus basse doit être privilégiée, alors
Les KDIGO Diabète 2020 insistent sur une titration forcée et qu’une cible plus haute peut être tolérée chez les patients âgés,
le recours à la dose maximale tolérée de BSRA (grade 1B). Une avec de nombreuses comorbidités, une IRC plus avancée, ou à
augmentation de la créatinine plasmatique jusqu’à 30 % est accep- haut risque d’hypoglycémie [19] . Le choix d’une cible plus basse
table et l’hyperkaliémie doit être gérée par les mesures diététiques nécessite de renforcer la qualité du suivi glycémique par autome-
ou médicales appropriées (diurétiques, bicarbonate, échangeurs sure ou CGM en raison du risque majoré d’hypoglycémie [19] .
de cations) pour éviter de réduire ou d’arrêter les BSRA chez les Chez les patients avec un diabète et une MRC de stade
patients qui en ont le plus de bénéfice [19] . L’adjonction d’un G1–G3/A2–A3 ou chez les patients G1–G3/A1 avec ou à haut
antialdostérone peut être utile en cas d’hypertension résistante, risque d’insuffisance cardiaque, le traitement antidiabétique fait

EMC - Néphrologie 9
18-060-A-05  Diagnostic, facteurs de risque, et traitement de l’insuffisance rénale chronique de l’adulte

appel en première intention à une combinaison de metformine à évalue les effets de la finerénone sur la morbidité et la mortalité
dose adaptée à la fonction rénale et d’une gliflozine (inhibiteur de cardiovasculaires chez 6400 sujets DT2 avec une albuminurie A2.
SGLT2, ou iSGLT2) avec un effet néphroprotecteur démontré (à ce L’étude FIDELIO a évalué l’efficacité de la finerénone sur la pro-
jour canagliflozine ou dapagliflozine) [19, 20] . Cette recommanda- gression de l’IRC chez 5734 patients DT2, avec un DFGe initial de
tion forte (grade 1A) est liée aux bénéfices importants observés sur 25–60 ml/min/1,73 m2 et une albuminurie A3 sous BSRA à dose
la réduction du risque d’IRT (–33 % dans CREDENCE, –36 % dans maximale tolérée [21] . Après un suivi médian de 2,6 ans, le cri-
DAPA-CKD), un effet indépendant du stade d’albuminurie et du tère combiné principal (insuffisance rénale, diminution > 40 %
DFGe initial (G2 ou G3), et la diminution de la mortalité de toutes du DFGe, ou décès de causes rénales) est survenu chez 17,8 %
causes (–31 % dans DAPA-CKD), de la mortalité cardiovasculaire des patients du groupe finerénone et 21,1 % des patients du
et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque (–23 % dans groupe placebo (HR 0,82 ; IC 95 %, 0,73–0,93 ; p = 0,001). Le
CREDENCE) [20] . critère combiné secondaire (décès cardiovasculaires, infarctus du
La combinaison metformine–gliflozine doit être ajoutée au myocarde non mortel, accident vasculaire cérébral non mortel
traitement BSRA à la dose maximale tolérée, ce qui était la ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque) est survenu chez
situation évaluée dans les essais thérapeutiques. La metfor- 13,0 % des patients sous finerénone et 14,8 % des patients sous
mine doit être arrêtée lorsque le DFGe diminue en dessous placebo (HR 0,86 ; IC 95 % 0,75–0,99 ; p = 0,03). La fréquence
de 30 ml/min/1,73 m2 , alors que la gliflozine doit être pour- des événements indésirables était similaire dans les deux groupes.
suivie, mais pas instaurée, aux stades G4 et G5ND (comme L’incidence de l’interruption du traitement liée à l’hyperkaliémie
dans CREDENCE et DAPA-CKD). La gliflozine doit être inter- était plus élevée avec la finerénone qu’avec le placebo (2,3 et 0,9 %,
rompue transitoirement en période de jeûne ou d’affection respectivement). Ces résultats très positifs ont conduit la FDA à
intercurrente, en raison du risque aggravé d’acidocétose. Chez approuver cet agent en juillet 2021 pour ralentir la progression de
les patients éligibles (G1–G3/A2–A3) et déjà traités par antidiabé- l’insuffisance rénale et réduire la morbimortalité cardiovasculaire
tiques, l’introduction d’une gliflozine est recommandée, quitte à chez les patients adultes avec une IRC associée à un DT2.
baisser ou arrêter les autres antidiabétiques en place (à l’exception Des informations complémentaires sur les conditions
de la metformine) si la cible glycémique est atteinte ou en cas d’utilisation des antidiabétiques chez les patients avec une
d’hypoglycémies [19] . MRC sont détaillées dans les KDIGO Diabète 2020, auquel le
Les KDIGO Diabète 2020 recommandent de privilégier lecteur intéressé peut se référer [19] . Enfin, rappelons que la
une gliflozine avec un bénéfice démontré pour la réduction prise en charge, complexe, du patient diabétique en IRC, relève
des événements cardiovasculaires (empagliflozine, dapagliflo- d’une approche multidisciplinaire impliquant au minimum le
zine, canagliflozine) ou rénaux (canagliflozine, dapagliflozine). néphrologue, le diabétologue et le cardiologue.
Comme les BSRA, et probablement en raison de leurs effets hémo-
dynamiques et diurétiques, les gliflozines peuvent induire une
aggravation réversible de la fonction rénale en début de traite-
ment, ce qui ne doit pas conduire à leur interruption définitive.  Éviction des néphrotoxiques
Dans l’étude DAPA-CKD, environ un tiers des individus
inclus avaient une néphropathie protéinurique non diabétique De nombreux médicaments sont potentiellement néphro-
et la réduction de l’incidence d’IRT a été similaire en ampli- toxiques et susceptibles d’aggraver une IRC. Les médecins en
tude à celle observée chez les patients diabétiques [20] . Ces sont normalement informés et la question doit se poser lors de
résultats spectaculaires confirment que le bénéfice rénal des gli- toute prescription chez un insuffisant rénal. Les patients devraient
flozines est indépendant de l’effet antidiabétique. À la suite de être également informés des principaux néphrotoxiques et de
l’étude DAPA-CKD, la Food and Drug Administration (FDA) et la nécessité d’éviter toute automédication. Enfin comme der-
l’Agence européenne du médicament (EMEA) ont validé en 2021 nière barrière, l’information du pharmacien concernant le statut
l’indication de la dapagliflozine dans le traitement des néphropa- rénal du patient devrait éviter que de tels produits ne lui soient
thies progressives protéinuriques, diabétiques ou non. Rappelons délivrés, notamment les préparations sans prescription (médi-
enfin que cette étude excluait les DT1, les patients avec une poly- caments dits « OTC » pour être vendus over the counter). Les
kystose ou sous traitement immunosuppresseur, les transplantés néphrotoxiques reconnus étant nombreux, nous discuterons les
rénaux et les dialysés, sous-groupes de patients pour lesquels anti-inflammatoires non stéroïdiens et les produits de contraste
d’autres études spécifiques sont nécessaires. iodés.
Chez les patients diabétiques qui ne sont pas à la cible glycé- Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont très fréquemment
mique individualisée en dépit d’une combinaison de metformine prescrits mais également consommés en automédication et cela
et d’une gliflozine ou en cas d’intolérance ou de contre-indication même chez les insuffisants rénaux. Le risque de progression de
à l’un de ces produits, d’autres antidiabétiques doivent être ajou- l’IRC ne semble associé qu’à une consommation importante et
tés, en priorité un agoniste du récepteur du GLP1 (GLP1-RA) à le risque d’insuffisance rénale aiguë semble assez faible chez la
longue durée d’action avec un bénéfice cardiovasculaire démon- plupart des patients en IRC, qui sont volontiers en inflation
tré (liraglutide, semaglutide, dulaglutide) [19] . Certains analogues hydrosodée. Cependant, par leur effet hémodynamique intra-
GLP1 ont aussi montré un bénéfice rénal, mais celui-ci porte essen- rénal, les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont un facteur
tiellement sur la réduction de l’albuminurie ou de sa progression aggravant à toute situation d’hypoperfusion rénale et, en consé-
A2 vers A3, mais aussi possiblement sur la réduction de la baisse quence, ils sont associés à un risque d’insuffisance rénale aiguë
du DFGe (dulaglutide, AWARD-7). Le liraglutide et le dulaglutide majoré de 60 % chez les patients en IRC et ce risque existe même
peuvent être utilisés jusqu’à un DFGe de 15 ml/min/1,73 m2 , lorsqu’ils sont utilisés par voie cutanée. Ceci explique certaine-
sous réserve d’une tolérance digestive adéquate. Pour améliorer la ment pourquoi il est retrouvé un lien fort entre la consommation
tolérance digestive, la posologie du GLP1-RA doit être titrée pro- d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et le risque d’être en dialyse
gressivement. Le GLP1-RA ne doit pas être associé à une gliptine chronique à très court terme.
(iDDP4). En l’absence de données scientifiques, plusieurs inter- Les produits de contraste iodés sont réputés néphrotoxiques
rogations persistent concernant l’efficacité et la sécurité à long depuis longtemps mais cette néphrotoxicité a été remise en ques-
terme sur les critères rénaux, l’efficacité cardiovasculaire en pré- tion récemment. En effet, la néphrotoxicité a été suggérée par des
vention primaire chez les insuffisants rénaux et l’efficacité chez études observationnelles, alors que la fonction rénale des patients
les patients avec un DT1. Enfin, s’agit-il d’un effet de classe et hospitalisés est très variable et que des épisodes d’insuffisance
les bénéfices rénaux sont-ils extrapolables à des patients diabé- rénale aiguë surviennent également fréquemment sans injection
tiques déjà traités par gliflozine ? de produit de contraste. Une étude randomisée pour démonter la
La finerénone est un puissant antagoniste non stéroïdien du toxicité rénale des produits de contraste iodés ne sera probable-
récepteur des minéralocorticoïdes (MRA), plus sélectif que la spi- ment jamais réalisée mais une étude avec des scores de propension
ronolactone ou de l’éplérénone. Le plan de développement de la semble confirmer la néphrotoxicité des produits de contraste iodés
molécule comporte deux essais randomisés contrôlés de phase III mais restreinte aux patients G4–G5 (DFGe < 30 ml/min/1,73 m2 ).
en double aveugle versus placebo, FIDELIO et FIGARO. FIGARO Les administrations de produits de contraste iodés sont donc à

10 EMC - Néphrologie
Diagnostic, facteurs de risque, et traitement de l’insuffisance rénale chronique de l’adulte  18-060-A-05

éviter dans la mesure du possible chez les patients avec une IRC rénale, non rapportée à la surface corporelle et donc exprimée
sévère. Si l’administration d’un produit de contraste est nécessaire, en millilitre par minute. L’EMEA recommande d’ailleurs depuis
il conviendra alors de s’assurer de l’absence d’hypovolémie qui est 2015 que l’évaluation de la pharmacocinétique des médicaments
un facteur de risque aggravant important. Pour cela, l’ajustement chez l’insuffisant rénal soit basée sur un DFG mesuré et non
du traitement diurétique et l’éventuelle hydratation salée doivent indexé, c’est-à-dire exprimé en millilitre par minute et non en
être personnalisés pour assurer l’euvolémie mais sans induire ml/min/1,73 m2 . La HAS a recommandé en 2012 d’utiliser la for-
d’insuffisance cardiaque. Si des administrations multiples de pro- mule de Cockcroft & Gault avec comme argument que c’était la
duits de contraste iodés sont nécessaires, il faut probablement les formule utilisée dans la majorité des études de développement des
espacer d’au moins 1 semaine si cela est possible. médicaments et dans le VIDAL. Cette formule n’est cependant pas
Les produits de contraste gadolinés utilisés en imagerie par validée avec les techniques actuelles, enzymatiques, de dosage de
résonance magnétique (IRM) ne présentent pas de néphrotoxi- la créatinine plasmatique, et enfin la méthode d’adaptation poso-
cité aux doses habituellement utilisées mais comportent un risque logique dans le VIDAL n’est pas toujours précisée. L’étude CLEAR
d’accumulation et de fibrose systémique chez les patients avec une ayant évalué 2447 RCP conclut à une très importante hétérogé-
insuffisance rénale sévère. Ce risque semble très faible avec les pro- néité de méthodes d’estimation de la fonction rénale et observe
duits actuellement utilisés. Chez les patients les plus à risque au beaucoup de discordances entre les méthodes d’estimation de
stade G5, l’hémodialyse réalisée immédiatement après l’injection la fonction rénale données dans les RCP et celles effectivement
du chélate de gadolinium pourrait réduire le risque avec une éli- utilisées dans les études de développement. Dans la pratique
mination importante du produit. quotidienne, il est raisonnable d’adapter la posologie des médi-
De nombreux autres produits pharmacologiques sont poten- caments à la fonction rénale estimée par la formule CKD-EPI, la
tiellement néphrotoxiques par des mécanismes divers mais ne plus exacte actuellement pour estimer la fonction rénale chez la
sont pas toujours évitables surtout en contexte aigu hospitalier. plupart des patients. Cette formule rapportée à la surface corpo-
En situation chronique, leur utilisation doit être prudente chez relle, en ml/min/1,73 m2 , doit être désindexée chez les patients
les patients avec une MRC et l’indication doit en être réévaluée très maigres ou obèses pour adapter la posologie [6] .
régulièrement. Parmi ces produits, citons les agents chimiothé- Les vaccinations peuvent être entreprises normalement chez les
rapiques (sels de platine, gemcitabine, certaines biothérapies), patients en IRC et doivent être proposées largement en raison
antibiotiques et antiviraux (aminoglycosides, colistine, amphoté- du déficit immunitaire fréquent au stade urémique. Les KDIGO
ricine B, ténofovir, acyclovir, disoproxil fumarate), agents à visée et la HAS recommandent une vaccination contre l’hépatite B, la
gastro-intestinale (préparations à base de phosphate, inhibiteurs grippe saisonnière, et le pneumocoque, en l’absence de contre-
de la pompe à proton). indication [6, 10] .
Par ailleurs, certains médicaments diminuent la sécrétion tubu-
laire de la créatinine et ainsi augmentent la créatininémie sans
diminuer le DFG. Ces produits ne sont donc pas néphrotoxiques  Anémie et le rôle
au sens strict mais simulent une insuffisance rénale aiguë. L’effet
est d’autant plus marqué que le DFGe est abaissé car la part de l’érythropoïétine
de sécrétion tubulaire de la créatinine devient alors proportion-
nellement plus importante dans la clairance rénale globale de
dans l’insuffisance rénale
la créatinine. Les médicaments en cause sont principalement chronique
la cimétidine, la ranitidine, le triméthoprime (contenu dans le
cotrimoxazole) et le dolutégravir. On peut vérifier l’absence de En physiologie normale, l’hypoxie tissulaire secondaire à une
néphrotoxicité vraie par une évaluation de la fonction rénale indé- anémie, une hypoperfusion ou une hypoxémie, est perçue par le
pendante de la créatininémie, comme par exemple la cystatine C, système HIF (hypoxia inducible factor) qui stimule alors la trans-
et par le retour de la créatininémie à sa valeur initiale à l’arrêt du cription de nombreux gènes dont celui de l’EPO. En présence
médicament. d’une MRC, la masse des cellules interstitielles rénales produisant
l’EPO se réduit et ceci explique le développement de l’anémie, une
complication fréquente de la MRC [22] .
 Adaptation posologique L’anémie est définie par un taux d’hémoglobine inférieur à
13 g/dl chez les hommes et 12 g/dl chez les femmes. Dans une
des médicaments étude regroupant 17 cohortes de patients insuffisants rénaux et
38 cohortes de population générale, soit plus de 2 millions de
De très nombreux médicaments ont une pharmacocinétique patients, l’anémie est présente chez moins de 6 % des individus
influencée par l’insuffisance rénale. La posologie de ces médi- avec un DFGe supérieur à 60 ml/min/1,73 m2 et sa prévalence
caments doit donc être adaptée au niveau de fonction rénale augmente fortement avec plus de 50 % des individus anémiques
afin d’éviter un surdosage. Parmi les médicaments courants qui aux stades G4–G5.
nécessitent une réduction de dose, on retrouve la plupart des Malgré le lien fort de causalité entre l’insuffisance rénale
antibiotiques, les anticoagulants oraux directs, la gabapentine et et l’anémie, il convient de rechercher systématiquement une
la prégabaline, les hypoglycémiants oraux, l’insuline, les agents autre cause d’anémie en réalisant au minimum un bilan mar-
chimiothérapeutiques et les opiacés, entre autres. tial, la carence martiale étant fréquente dans la population des
La posologie peut être adaptée en réduisant la dose admi- insuffisants rénaux. Selon les cas, le bilan pourra être com-
nistrée ou en augmentant l’intervalle entre deux prises ou par plété par un dosage de protéine C réactive à la recherche d’un
l’association des deux. Pour savoir comment adapter la posolo- syndrome inflammatoire, des dosages vitaminiques (B9 et B12 ),
gie, on peut se référer aux résumés des caractéristiques du produit l’haptoglobine à la recherche d’une hémolyse, une électrophorèse
(RCP) du Vidal mais les données ne sont le plus souvent pas actua- des protéines à la recherche d’un myélome, une électrophorèse
lisées et les patients insuffisants rénaux ont souvent été exclus de l’hémoglobine à la recherche d’une hémoglobinopathie ou un
des études de pharmacocinétique réalisées avant la commercia- myélogramme à la recherche d’une hémopathie. Le bilan initial de
lisation. La source d’information la plus intéressante est le site l’anémie doit comprendre une évaluation des réserves de fer : les
GPR.com, qui propose des adaptations de posologie réactualisées personnes déficientes en fer peuvent bénéficier d’une supplémen-
selon les informations publiées. tation en fer par voie orale ou intraveineuse. Les patients, dont
Le principal problème pratique est comment évaluer la fonction le taux d’hémoglobine reste inférieur à 10 g/dl malgré la correc-
rénale pour l’adaptation posologique. À visée épidémiologique, tion des causes réversibles, doivent être adressés à un néphrologue
et pour comparer la fonction rénale des individus dans une pour discuter l’indication d’un agent stimulant l’EPO ; toutefois,
population, il peut être pertinent de rapporter la fonction les agents stimulant l’EPO ont été associés à un risque accru de
rénale à la surface corporelle. Chez un individu donné, pour décès, d’accident vasculaire cérébral et de thromboembolie vei-
évaluer les modifications de pharmacocinétique d’un médica- neuse, en particulier chez les patients diabétiques, et ces risques
ment, il est préférable d’utiliser la valeur absolue de la fonction doivent être mis en balance avec les avantages potentiels [22] .

EMC - Néphrologie 11
18-060-A-05  Diagnostic, facteurs de risque, et traitement de l’insuffisance rénale chronique de l’adulte

Figure 2. Guide pour le rythme de surveillance


Catégories d’albuminurie persistante
de la maladie rénale chronique (MRC) (nombre
Description et intervalles
de consultations par an) en fonction du stade
GA (d’après [6] ). DFG : débit de filtration
A1 A2 A3
glomérulaire.

Guide pour la fréquence de suivi Modérément Sévèrement


Normal
(nombre par an) selon le stade GA augmenté augmenté

< 30 mg/g 30–300 mg/g > 300 mg/g


< 3 mg/mmol 3–30 mg/mmol > 30mg/mmol

G1 Normal ou élevé ≥ 90 1 si MRC 1 2


Description et intervalles

G2 Légèrement 60–89 1 si MRC 1 2


Catégories de DFG

Légèrement à
G3a 45–59 1 2 3
modérément diminué

G3b Modérément diminué 30–44 2 3 3

G4 Sévèrement diminué 15–29 3 3 4+

Insuffisance rénale
G5 < 15 4+ 4+ 4+
"terminale"

 Surveillance des maladies rénales Tableau 3.


Compilation des indications de l’adressage au spécialiste néphrologue, à
chroniques établies et traitement partir des recommandations Kidney Disease/ Improving Global Outcomes
(KDIGO) 2012 et Haute Autorité de santé (HAS) 2012 [6, 10] .
des complications
Adressage urgent
Une fois le diagnostic de MRC établi, les KDIGO et la HAS - Baisse rapide du DFGe (diminution du DFGe de 25 % par rapport au
recommandent un suivi clinique et biologique [6, 10] . Ce suivi niveau de référence ou diminution soutenue du DFGe
a pour objectif de surveiller la progression de la maladie, le > 5 ml/min/1,73 m2 et par an) (KDIGO, HAS)
contrôle des facteurs de risque de progression et l’apparition - RAC > 2200 mg/g ou syndrome néphrotique (KDIGO)
des complications de l’IRC. Le rythme de surveillance dépend
- Hyperkaliémie > 5,5 mmol/l, résistante au traitement (HAS)
donc beaucoup du DFGe et de l’albuminurie. Il doit être d’au
moins une fois par an et s’intensifier avec le déclin du DFGe Adressage différé
(Fig. 2). Les complications spécifiques de l’IRC, que sont l’anémie, - DFGe < 30 ml/min/1,73 m2 (stade G4) (KDIGO, HAS)
les troubles électrolytiques, acidobasiques et phosphocalciques, - RAC > 300 mg/g (stade A3) (KDIGO) ou > 1000 mg/g (HAS)
apparaissent essentiellement à partir du stade G3b de la MRC - Hématurie > 20/mm3 persistante ou avec sédiment « actif » (KDIGO)
(DFGe < 45 ml/min/1,73 m2 ).
- HTA résistante malgré 3 (HAS) ou 4 (KDIGO) médicaments
antihypertenseurs

 Adressage au néphrologue - Hypokaliémie ou hyperkaliémie persistante (KDIGO)


- Anémie nécessitant un traitement par ASE (KDIGO)
En 2012, les KDIGO [6] et en France, l’Agence de biomédecine et - Lithiases rénales récidivantes ou étendues (KDIGO)
l’HAS [10] ont proposé des recommandations d’adressage au spé- - Maladie rénale héréditaire (KDIGO) ou âge < 18 ans (HAS)
cialiste néphrologue assez similaires, qui sont résumées dans le - Doute sur l’étiologie (HAS)
Tableau 3.
Aux stades G4–G5, l’orientation vers le néphrologue est néces- DFGe : débit de filtration glomérulaire ; RAC : rapport albumine/créatinine ;
saire pour la planification du traitement de suppléance et HTA : hypertension artérielle ; ASE : agent stimulant l’érythropoïèse .
l’évaluation de la transplantation.
Dans la seule étude prospective (IDEAL), il n’est pas retrouvé de
 Indications du traitement bénéfice de survie à démarrer plus tôt, à une clairance de la créati-
nine estimée selon Cockcroft de 10–12 ml/min versus 5–7 ml/min.
de suppléance La population d’IDEAL était cependant peu représentative des
cohortes européennes (10 ans de moins de moyenne d’âge, moins
Les études observationnelles montrent en général une morta- de comorbidités, albuminémie à 38 versus 33 g/l, plus de 25 % de
lité plus élevée lorsque l’épuration extrarénale est initiée à un dialyse péritonéale), et les violations de protocole avec crossover
DFGe plus haut (> 10 ml/min). Ces données suggèrent un biais ont représenté 90 % des patients du groupe 5–7 qui ont démarré
de causalité inverse car : au-dessus de 7 ml/min (en moyenne Cockcroft 9,8 ml/min, soit
• le démarrage est initié plus rapidement en cas de comorbidi- un DFGe selon MDRD de 7,2 ml/min/1,73 m2 ), parce qu’ils deve-
tés (insuffisance cardiaque notamment) dans l’espoir (souvent naient symptomatiques ou compliqués.
vain) d’améliorer les symptômes (qui ne sont pas forcément liés Les recommandations internationales (EDTA 2011, KDIGO
à l’IRC) ; 2013, Kidney Dialysis Outcomes Quality Initiative [KDOQI] 2016)
• et seuls les patients en bon état clinique et sans comorbidité sont basées sur un faible niveau de preuve, et suggèrent de prendre
tolèrent des DFGe bas. en compte l’apparition de symptômes plutôt que les seuls chiffres

12 EMC - Néphrologie
Diagnostic, facteurs de risque, et traitement de l’insuffisance rénale chronique de l’adulte  18-060-A-05

de DFGe pour l’indication de dialyse [23] . Cette recommandation « autonomes » (hémodialyse à domicile, autodialyse, dialyse
est cependant discutable car il y a un effet délétère sur la survie péritonéale) pour des raisons principalement économiques. Le
lorsque la dialyse est démarrée à un stade symptomatique versus profil clinique des patients démarrant la dialyse actuellement (âge
asymptomatique, en particulier lorsque le critère de démarrage est moyen 71 ans, diabète une fois sur deux, nombreuses comorbidi-
une insuffisance cardiaque. tés) rend le plus souvent cette orientation peu réaliste.
Dans ces recommandations, les signes à prendre en compte La dialyse péritonéale permet le maintien à domicile et une
sont les symptômes urémiques (nausées, vomissements, perte certaine souplesse horaire. Les patients insuffisants respiratoires,
d’appétit, goût métallique, frottement ou épanchement péri- obèses morbides, ou ayant subi plusieurs opérations abdominales
cardique, astérixis ou confusion), les anomalies électrolytiques avec des cicatrices péritonéales ou vivant dans un logement insa-
(hyperkaliémie, acidose métabolique, hyperphosphatémie), la lubre ou instable, sont a priori de mauvais candidats à la dialyse
surcharge volémique (oedème pulmonaire ou des membres infé- péritonéale [25] . En France, la durée moyenne de traitement en
rieurs) réfractaires au traitement médical, et enfin les signes de dialyse péritonéale est de 18 mois, ce qui indique les limites de la
dénutrition [23] . méthode dans la durée. La dialyse péritonéale doit être préféren-
En accord avec les recommandations internationales, nous pré- tiellement ciblée chez des patients jeunes en attente d’une greffe
conisons de débuter la dialyse lorsque le DFGe est entre 15 et rapide ou, au contraire, chez le sujet âgé avec une espérance de
7 ml/min et si les patients manifestent des symptômes raisonna- vie limitée, chez lequel on veut privilégier le confort et le main-
blement en rapport avec un syndrome urémique, une surcharge tien à domicile. Des études anciennes, non contrôlées et sur des
hydrosodée, une dénutrition [23] . En revanche, nous proposons de petites cohortes, avaient suggéré un intérêt de la dialyse périto-
démarrer systématiquement, dès que le DFGe diminue moins de néale chronique ambulatoire avec une poche d’icodextrine chez
7 ml/min indépendamment des symptômes urémiques, car à ce des patients en insuffisance cardiaque réfractaire, parfois avec une
niveau de fonction rénale, le risque de complication brutale et de insuffisance rénale modérée (syndrome cardiorénal de type 2). En
démarrage en urgence devient très important. l’absence d’étude contrôlée, les études rétrospectives récentes sont
Il est nécessaire de préciser que la notion d’un démarrage rela- contradictoires et soumises à des biais majeurs d’indications. Dans
tivement tardif (< 7 ml/min) n’est en rien synonyme de l’absence l’étude du registre REIN, la dialyse péritonéale est associée à un
de préparation et que la présence d’un abord vasculaire (ou de excès de risque de mortalité (+55 %) par rapport à l’hémodialyse
dialyse) fonctionnel est un impératif pour éviter le démarrage sur chez les patients incidents avec une insuffisance cardiaque.
cathéter veineux central associé à un surrisque de mortalité et
d’hospitalisation prolongée.
Une des difficultés dans l’indication de l’épuration extrarénale Préparation de l’abord vasculaire
est liée à la faible spécificité des symptômes « urémiques » et
En cas d’orientation vers l’hémodialyse, il est important de pou-
de leur imputabilité à l’insuffisance rénale. Il peut être difficile
voir démarrer la dialyse avec une voie d’abord permanente, de
de rattacher une rétention hydrosodée à son origine cardiaque,
préférence une fistule artérioveineuse. De nombreuses études ont
rénale, voire endocrinienne (insuline), et d’adapter les traite-
identifié les risques associés au démarrage sur cathéter veineux
ments diurétiques, volontiers sous-utilisés ou sous-dosés au cours
central en termes de mortalité, de durée d’hospitalisation initiale,
de l’IRT [24] . Les troubles digestifs sont d’interprétation délicate
voire même d’accès à la dialyse hors-centre et à la greffe. Idéa-
chez des patients traités par du fer oral, des chélateurs divers,
lement, l’abord vasculaire devrait être créé 3 à 6 mois avant le
des résines, et du bicarbonate. Chez les diabétiques en particu-
début de l’épuration extrarénale, en prenant en compte la vitesse
lier, se rajoutent les effets d’une gastroparésie diabétique ou de
d’évolution de la maladie rénale, et le terrain vasculaire et dia-
certains traitements antidiabétiques comme les analogues GLP1.
bétique du patient [26, 27] . Cette durée permet la maturation de la
La perte d’appétit, les troubles du sommeil ou l’asthénie, voire le
fistule artérioveineuse et d’éventuelles corrections si cela s’avérait
déclin cognitif, sont fréquents en cas de dépression réactionnelle
nécessaire.
à l’annonce du traitement de suppléance rénale.
Pour autant, le délai avant la dialyse est difficile à estimer, si
Enfin, un dernier problème important est la difficulté d’estimer
bien que les KDOQI recommandent la création de l’accès lorsque
la fonction rénale au stade G5ND. Les formules d’estimation
le DFGe se situe entre 15 et 20 ml/min/1,73 m2 , voire à un DFGe
du DFG (CKD-EPI ou MDRD) sont mal validées à ce niveau de
plus élevé si la MRC progresse rapidement [26, 27] . Certains auteurs
fonction rénale, et par ailleurs, sont basées sur la créatinine plas-
ont démontré la futilité d’une telle démarche chez des patients
matique, un marqueur qui reflète à la fois le DFG et la masse
très âgés ou très comorbides, en raison du risque compétitif de
musculaire, celle-ci ayant tendance à diminuer avec l’âge, et la
mortalité cardiovasculaire. L’utilisation systématique du score de
progression de l’insuffisance rénale [6] . Les European Renal Best
risque G4+, qui prend en compte les risques concurrents, permet
Practices 2011 proposent de quantifier la fonction rénale à partir
d’estimer la probabilité respective d’IRT, de complications cardio-
de la moyenne de la clairance de l’urée et de la créatinine, non
vasculaires ou de décès et d’améliorer la prise de décision et les
indexée [23] . Les recommandations KDIGO 2013 et KDOQI 2016
orientations thérapeutiques au niveau individuel [11] . Une alterna-
ne précisent pas comment la fonction rénale doit être évaluée
tive possible est l’utilisation des nouvelles prothèses à ponction
à ce stade. Pour notre part, nous préconisons chez les patients
rapide, qui permettent de réduire le délai d’utilisation chez des
G5ND de prendre en compte l’évolution conjointe de plusieurs
patients très âgés.
marqueurs (cystatine C, BNP, préalbumine) pour affiner la part res-
pective des variations de fonction rénale, de l’hydratation, et de la
nutrition. En cas de doute ou de discordance, une mesure directe Greffe préemptive
du DFGm (clairance du iohéxol par exemple) peut être proposée.
La transplantation rénale est considérée comme le traitement
optimal de l’IRT chez les patients éligibles, les greffes de reins à
 Options thérapeutiques partir de donneurs vivants effectuées avant ou peu après le début
de la dialyse ayant les meilleurs résultats.
Les options thérapeutiques de l’IRT sont la transplantation La transplantation rénale dite « préemptive », c’est-à-dire la
préemptive, l’hémodialyse, la dialyse péritonéale ou les soins greffe sans passer par une phase de dialyse, est proposée par
conservateurs sans dialyse [25] . Les patients doivent être informés la plupart des sociétés savantes comme une stratégie prioritaire
précocement des options de traitement et contribuer activement de traitement de l’IRT, en dépit du manque de greffon dispo-
à la prise de décision. L’éducation thérapeutique doit inclure des nible [6, 10] .
informations sur les complications potentielles de l’IRC, ainsi que L’évaluation du rapport bénéfice/risque de la transplantation
sur les différentes modalités de traitement de suppléance. Concer- doit être particulièrement soigneuse chez les sujets âgés. Sauf
nant le choix de la modalité de dialyse, la préférence du patient contre-indication patente, la HAS en 2015 met en avant la greffe
doit être prise en compte. préemptive chez tous les patients avec un DFGe inférieur à
En France, lorsque l’option du traitement par dialyse est 20 ml/min/1,73 m2 (voire au-dessus si l’évolution est rapide), et ce
retenue, l’HAS met en avant les techniques de dialyse dites jusqu’à l’âge de 85 ans, malgré l’absence de données scientifiques

EMC - Néphrologie 13
18-060-A-05  Diagnostic, facteurs de risque, et traitement de l’insuffisance rénale chronique de l’adulte

supportant cette recommandation. La même remarque peut être Levey AS, Becker C, Inker LA. Glomerular filtration rate and
faite que pour la discussion précoce d’un abord vasculaire, en par- albuminuria for detection and staging of acute and chronic kidney
ticulier chez les sujets âgés ou comorbides, c’est-à-dire la nécessité disease in adults: a systematic review. JAMA 2015;313:837-46.
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La mortalité en dialyse est largement dépendante de l’âge et des Kidney Disease Epidemiology Collaboration). A new equation to
comorbidités associées, en particulier diabète, cancer et insuffi- estimate glomerular filtration rate. Ann Intern Med 2009;150:604-
sance cardiaque, qui impactent fortement la survie (registre REIN). 12.
Le début de la dialyse, avec le passage d’une situation clinique Flamant M, Vidal-Petiot E, Metzger M, et al. Performance of
hémodynamiquement stable à un traitement cyclique triheb- GFR estimating equations in African Europeans: basis for a lower
domadaire comportant des à-coups volémiques et rythmiques, race-ethnicity factor than in African Americans. Am J Kidney Dis
s’accompagne d’une surmortalité au cours des premiers mois sui- 2013;62:182-4.
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coce en dialyse sont maintenant bien identifiés et ont fait l’objet of glomerular filtration rate using a reference method. Mesure du
de modèles prédictifs permettant d’estimer l’espérance de vie à débit de filtration glomérulaire par méthode de référence. Ann Biol
6 mois ou 1 an après le début de la dialyse [28] . Ces modèles doivent Clin (Paris) 2019;77:371-4.
être intégrés dans la décision thérapeutique et partagés avec le Lieske JC, Bondar O, Miller WG, et al.; National Kidney Disease
patient et son entourage. Education Program–IFCC Working Group on Standardization of
Chez certains patients, se pose avec acuité la discussion du béné- Albumin in Urine. A reference system for urinary albumin: current
fice du traitement dialytique et des options alternatives incluant le status. Clin Chem Lab Med 2013;51:981-9.
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vateur est une décision partagée entre le professionnel de santé, ting urine albumin. Nephrol Dial Transplant 2009;24:717-8.
le patient et son entourage, et peut s’avérer une option raison- Witte EC, Lambers Heerspink HJ, de Zeeuw D, Bakker SJ, de
nable dans certains contextes pathologiques ou lorsque le patient Jong PE, Gansevoort R. First morning voids are more reliable than
ne souhaite pas être traité par dialyse ou greffe. spot urine samples to assess microalbuminuria. J Am Soc Nephrol
En tout état de cause, il ne s’agit pas d’une décision condui- 2009;20:436-43.
sant à l’abandon du patient et de son entourage mais, bien au Garimella PS, Biggs ML, Katz R, et al. Urinary uromodulin, kid-
contraire, à l’organisation d’un accompagnement structuré per- ney function, and cardiovascular disease in elderly adults. Kidney
mettant le maintien à domicile, un soutien psychologique et Int 2015;88(5):1126-34.
la poursuite d’un suivi régulier et des traitements nutritionnels Chang AR, Grams ME, Ballew SH, et al.; CKD Prognosis Consor-
et pharmacologiques. Cette prise en charge très spécifique est tium. Adiposity and risk of decline in glomerular filtration rate:
orientée sur le confort et la qualité de vie et peut inclure des trai- meta-analysis of individual participant data in a global consor-
tements à visée plus symptomatique (pour le prurit et les nausées tium. BMJ 2019;364:k5301.
par exemple) et inversement, un relâchement sur certains objec- Kazancioğlu R. Risk factors for chronic kidney disease: an
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E. Prinz, Praticien hospitalier.
N. Keller, Praticien hospitalier.
E. Charlin, Praticien hospitalier.
Service de néphrologie-dialyse, Hôpitaux universitaires de Strasbourg, 1, place de l’Hôpital, 67000 Strasbourg, France.
T. Hannedouche, Professeur des Universités (thierry.hannedouche@chru-strasbourg.fr).
Faculté de médecine de Strasbourg, Université de Strasbourg, 1, rue Kirschleger, 67000 Strasbourg, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Krummel T, Bazin-Kara D, Prinz E, Keller N, Charlin E, Hannedouche T. Diagnostic, facteurs de risque, et
traitement de l’insuffisance rénale chronique de l’adulte. EMC - Néphrologie 2022;33(1):1-15 [Article 18-060-A-05].

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