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CHAPITRE I : LA MORALE

- Le désir
- La liberté
- Le devoir
- Le bonheur

QUESTIONS DIRECTRICES DU CHAPITRE : QU’EST CE QU’UNE VIE


BONNE ?

C'est une question fondamentale car c'est une question qu'on peut difficilement ne
pas se poser. Personne ne peut vivre notre vie à notre place. On ne peut donc pas être
indifférent à la manière dont on vit.
Dans la vie quotidienne, on ne se pose pas ce genre de question. C'est le « métro,
boulot, dodo ». Mais il est possible de prendre du recul, c'est-à-dire de réfléchir. Réfléchir,
c'est prendre du recul par la pensée afin d'examiner un objet avec attention. Il est donc
possible de réfléchir sur sa propre vie, non plus simplement la vivre, mais interroger la valeur
de cette vie. Poser la question de la valeur, c'est poser la question de ce qui importe
vraiment, de ce qui vaut. Qu’est ce-qui donne à la vie sa valeur ?

Nous pouvons donc examiner ce qui peut donner à la vie sa valeur ?


- Est- ce le plaisir ? - Est-ce le désir ?
- Est-ce le bonheur ? - Est-ce la liberté ? - Est-ce le devoir ?

Nous devons également nous apercevoir que le terme BON dans notre question
« qu’est-ce qu’une vie bonne » peut avoir au moins 2 sens, et ne jamais oublier ces 2 sens :
1) Le BON au sens de bonheur.
En ce sens, qu’est ce qu’une vie bonne signifie qu’est ce qu’une vie heureuse ?

2) Le BON au sens de bien, c’est à dire au sens moral.


En ce sens, qu’est ce-qu’une vie bonne peut signifier qu’est-ce qu’une vie vertueuse ou
qu’est-ce qu’une vie morale ?

La première question que nous allons nous poser, donc, c'est celle de la valeur du plaisir, et
du lien entre le plaisir et ce qui est BON.

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Table des matières
CHAPITRE I : LA MORALE 1
QUESTIONS DIRECTRICES DU CHAPITRE : QU’EST CE QU’UNE VIE BONNE ? 1
PARTIE I – PLAISIR ET SAGESSE. 3
PROBLEMATIQUE : LA VIE BONNE EST-ELLE UNE VIE DE PLAISIR ? 3
EXERCICE DE LANCEMENT : « L’image des tonneaux percés », dans le Livre Le Gorgias de
Platon. 4
HYPOTHESE 1 : UNE VIE BONNE EST UNE VIE DE PLAISIRS ILLIMITES. 6
REFERENCE 1 : CALLICLES dans le Livre Le Gorgias de Platon. 6
HYPOTHESE 2 : UNE VIE BONNE EST UNE VIE DE PLAISIRS MESURES 10
REFERENCE 2 : Epicure, 341-270 av. J.-C. Livre : Lettre à Ménécée. 10
HYPOTHESE 3 : UNE VIE BONNE EST UNE VIE SOUS LA CONDUITE DE LA RAISON 15
REFERENCE 3 : PLATON, Livre : La République. 16
Transition entre la Partie I et la partie II. 20
PARTIE II : ALIENATION DU DESIR, DETERMINISME ET LIBRE-ARBITRE. 21
PROBLEMATIQUE : SOMMES-NOUS LIBRES DE DESIRER ? 21
HYPOTHESE 1 : LA VIE PASSIONNELLE EST UNE VIE ALIENEE 21
Référence annexe (Texte non philosophique) : Beigbeder. Livre : 99 Francs. 21
HYPOTHESE 2 : LA LIBERTE COMME LIBRE NECESSITE 23
REFERENCE 1 : L’illusion du libre arbitre, selon Spinoza (1632-1677), Lettre à Schuler. 23
REFERENCE 2 : Le désir comme puissance, selon Spinoza (1632-1677), L’Éthique. 26
HYPOTHSE 3 : LA LIBERTE COMME AUTODETERMINATION DE LA VOLONTE (VERS LE
MEILLEUR). 33
REFERENCE 3 : Le concept de libre-arbitre, Descartes (1596-1650), Lettre au père
Mesland du 9 Février 1645. 34
PARTIE III : MORALE DE L’INTERET / MORALE DU DEVOIR 36
PROBLEMATIQUE : SOMMES NOUS-LIBRES DE MAXIMISER NOTRE INTERET ? 36
HYPOTHESE 1 : LA MORALE, MAXIMISATION DU BONHEUR DU PLUS GRAND NOMBRE.36
REFERENCE 1 : Le cas du tramway, selon Michael Sandel,Vidéo Harvard : The moral Side
of murder. 36
REFERENCE 2 : La morale utilitariste, selon Bentham,(1748-1832). Livre : Introduction
aux principes de la morale et de la législation. 36
HYPOTHESE 2 : LA LIBERTE COMME AUTONOMIE MORALE 43
REFERENCE 3 : Le devoir comme fondement de la morale universelle, selon Emmanuel
Kant, (1724-1804). Livre : Fondements de la métaphysique des mœurs. 43
PARTIE IV : LE DESIR ET LE CORPS COMME PUISSANCE 55
HYPOTHESE 1 : LE CORPS COMME AFFIRMATION 55

2
REFERENCE 1 : La volonté de puissance, selon Nietzsche (1844-1900), Ainsi parlait
Zarathoustra. 55

PARTIE I – PLAISIR ET SAGESSE.

3
DEFINITIONS INTRODUCTIVES : Désir, besoin, volonté : ce qui me meut.

En premier lieu, on peut distinguer le désir et le besoin. En effet, on peut définir le


besoin ainsi : le besoin, pour l'être humain, désigne l'ensemble des choses qui sont
nécessaires à la continuation de sa vie, c'est-à-dire des choses sans lesquelles cette vie
n'est pas possible.
Le premier point sur lequel on peut distinguer besoin et désir, c'est leur nécessité. Ce
qui est objet de besoin est nécessaire. Nécessaire signifie ce qui ne pourrait pas être
autrement qu'il est. Ce qui est objet de désir au contraire est contingent. Contingent signifie
ce qui pourrait être autrement qu'il est ou n'être pas du tout.
Un second point, lié au premier, qui permet de différencier désir et besoin, c'est que
le besoin est objectif. Objectif qualifie ce qui est comme il est indépendamment de
l'individu. Subjectif qualifie ce qui dépend d'un individu pour être ce qu'il est.
Le besoin est objectif et nécessaire, le désir est subjectif et contingent.
Un autre phénomène par rapport auquel on peut distinguer le désir, c'est la volonté.
La volonté peut se définit ainsi : la volonté c'est la faculté ou capacité d'être à l'origine de
certains actes délibérés, c'est-à-dire qui ne sont issus ni du hasard, ni de la nécessité
physique, mais choisis.
Quand on désire un objet, on est donc attiré par lui qu'on le veuille ou non. Je peux
décider de ne pas satisfaire le désir que j'éprouve, mais je ne peux pas décider de ne pas
éprouver ce désir. Je ressens un manque, j'en ai envie. C'est-à-dire que tant que mon désir
n'est pas satisfait, je reste dépendant.
On peut donc tenter une première définition du désir : c'est l'appétit ou l'attirance
pour quelque chose qu'on s'imagine être source de satisfaction.

PROBLEMATIQUE : LA VIE BONNE EST-ELLE UNE VIE DE PLAISIR ?

4
EXERCICE DE LANCEMENT : « L’image des tonneaux percés », dans le Livre Le Gorgias de
Platon.

(Calliclès vient de soutenir que le bonheur consiste dans la satisfaction d'un grand nombre de
désirs, c'est-à-dire dans une vie déréglée, qui ne se prive de rien).

« SOCRATE : Suppose qu’il y ait deux hommes qui possèdent, chacun, un grand nombre de
tonneaux. Les tonneaux de l’un sont sains, remplis de vin, de miel, de lait, et cet homme a
encore bien d’autres tonneaux, remplis de toutes sortes de choses. Chaque tonneau est donc
plein de ces denrées liquides qui sont rares, difficiles à recueillir et qu’on n’obtient qu’au
terme de maints travaux pénibles. Mais, au moins, une fois que cet homme a rempli ses
tonneaux, il n’a plus à y reverser quoi que ce soit ni à s’occuper d’eux ; au contraire, quand il
pense à ses tonneaux, il est tranquille. L’autre homme, quant à lui, serait aussi capable de se
procurer ce genre de denrées, même si elles sont difficiles à recueillir, mais comme ses
récipients sont percés et fêlés, il serait forcé de les remplir sans cesse, jour et nuit, en
s’infligeant les plus pénibles peines. Alors, regarde bien, si ces deux hommes représentent
chacun une manière de vivre, de laquelle des deux dis-tu qu’elle est la plus heureuse ? Est-ce
la vie de l’homme déréglé ou celle de l’homme tempérant ? En te racontant cela, est-ce que
je te convaincs d’admettre que la vie tempérante vaut mieux que la vie déréglée ? Est-ce que
je ne te convaincs pas ? »

A FAIRE : Exercice de lecture. (15/20min)

1. Analysez bien le mécanisme du tonneau percé.


2. Identifiez les différentes raisons/ les différents aspects qui font que le mécanisme du
tonneau percé correspond au mécanisme du plaisir.
3. Tirez en des conclusions sur le lien entre bonheur et plaisir.

….

(Suite du cours, à lire après avoir fait l’exercice de lecture.)

On a vu que le désir exige d'être satisfait. Une attitude normale semblerait donc de
chercher à satisfaire tous nos désirs. La doctrine morale qui défend que la vie bonne
consiste dans la poursuite des plaisirs s'appelle l'hédonisme.
C'est la position qui est défendue par Calliclès dans le Gorgias. Le fait de chercher à
satisfaire tous ses désirs, quels qu'ils soient, est la marque de l'homme fort. Calliclès défend

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l'idée que la vie bonne, celle qui a le plus de valeur, c'est la vie intempérante. La tempérance
est la vertu morale qui contrôle et limite les désirs et les passions. Celui qui est tempérant
est, selon Calliclès, faible parce qu'il se prive volontairement de plaisirs et de jouissances qu'il
pourrait obtenir s'il avait le courage de les rechercher. La tempérance paraît donc être une
lâcheté.
C'est à cette doctrine que s'oppose Socrate avec l'image des tonneaux. L'intempérant,
n'a que des tonneaux percés si bien qu'il a beau essayer de les remplir sans fin, sans fin ils se
vident et il ne peut jamais profiter de ce qu'ils contiennent. Tout occupé qu'il est à les
remplir, il ne profite jamais de ce qu'ils contiennent.
Le tempérant n'est pas celui qui ne désire pas, mais celui qui maîtrise ses désirs et
donc qui n'est pas asservi aux objets qu'il désire. Calliclès se croit fort parce qu'il ne recule
pas devant ses désirs, mais Socrate montre que par conséquent il se retrouve dans la
situation de celui qui court toujours après les objets qu'il désire. En effet, dès lors qu'un désir
est satisfait, un autre lui succède : il n'a de satisfaction que dans l'acquisition, mais il ne sait
pas jouir de ce qu'il possède. Celui donc qui cherche à satisfaire tous ses désirs n'est pas fort
comme le croit Calliclès mais faible parce qu'il ne maîtrise rien.
Le tempérant maîtrise ses désirs. Il sait se contenter de ce qu'il a et, par conséquent,
est tranquille et heureux. La vie bonne n'est pas une vie soumise aux objets extérieurs, mais
une vie souveraine où je peux me maîtriser.

A FAIRE : Exercice de rédaction et de construction d’une argumentation: (45/60 min)

Exercice de rédaction et d’argumentation : Pourquoi l’image du « tonneau percé » est-elle


une bonne représentation d’une vie de plaisirs ?

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HYPOTHESE 1 : UNE VIE BONNE EST UNE VIE DE PLAISIRS ILLIMITES.

REFERENCE 1 : CALLICLES dans le Livre Le Gorgias de Platon.

Approfondissons la thèse de Calliclès. et donnons toute sa force à la thèse selon laquelle la


vie bonne est une vie de plaisirs illimités.

TEXTE 2 : Toujours le Gorgias de Platon,

« Calliclès - Mais que veux-tu dire avec ton « se commander soi-même » ?

Socrate - Oh, rien de compliqué, tu sais, la même chose que tout le monde : cela veut dire
être raisonnable, « se dominer », commander aux plaisirs et passions qui résident en soi
même.

Calliclès - Ah ! tu es vraiment charmant ! Ceux que tu appelles hommes raisonnables, ce sont


des abrutis ! [2]

Socrate - Qu'est ce qui te prend ? N'importe qui saurait que je ne parle pas des abrutis !

Calliclès - Mais si, Socrate, c'est d'eux que tu parles, absolument ! Car comment un homme
pourrait il être heureux s'il est esclave de quelqu'un d'autre ? Veux tu savoir ce que sont le
beau et le juste selon la nature ? Hé bien, je vais te le dire franchement ! Voici, si on veut
vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soient elles, et ne
pas les réprimer. Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence
au service de si grandes passions et de les assouvir avec tout ce qu'elles peuvent désirer.
Seulement, tout le monde n'est pas capable, j'imagine, de vivre comme cela. C'est pourquoi
la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênée qu'elle est de devoir dissimuler
sa propre incapacité à le faire La masse déclare donc bien haut que le dérèglement j'en ai
déjà parlé est une vilaine chose. C'est ainsi qu'elle réduit à l'état d'esclaves les hommes
dotés d'une plus forte nature que celle des hommes de la masse ; et ces derniers, qui sont
eux mêmes incapables de se procurer les plaisirs qui les combleraient, font la louange de la
tempérance et de la justice à cause du manque de courage de leur âme. Car, bien sûr, pour
tous les hommes qui, dès le départ, se trouvent dans la situation d'exercer le pouvoir, qu'ils
soient nés fils de rois ou que la force de leur nature les ait rendus capables de s'emparer du

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pouvoir que ce soit le pouvoir d'un seul homme ou celui d'un groupe d'individus - oui, pour
ces hommes là, qu'est ce qui serait plus vilain et plus mauvais que la tempérance et la justice
?
(…) Ecoute, Socrate, tu prétends que tu poursuis la vérité, eh bien, voici la vérité : si la
facilité de la vie, le dérèglement, la liberté de faire ce qu'on veut, demeurent dans l'impunité,
ils font la vertu et le bonheur ! Tout le reste, ce ne sont que des manières, des conventions,
faites par les hommes, à l'encontre de la nature. Rien que des paroles en l'air, qui ne valent
rien !

Socrate - Ce n'est pas sans noblesse, Calliclès, que tu as exposé ton point de vue, tu as parlé
franchement. Toi, en effet, tu viens de dire clairement ce que les autres pensent et ne
veulent pas dire. Je te demande donc de ne céder à rien, en aucun cas ! Comme cela, le
genre de vie qu'on doit avoir paraîtra tout à fait évident. Alors, explique moi : tu dis que, si
l'on veut vivre tel qu'on est, il ne faut pas réprimer ses passions, aussi grandes soient elles,
mais se tenir prêt à les assouvir par tous les moyens. Est ce bien en cela que la vertu consiste
?

C - Oui, je l'affirme, c'est cela la vertu !

S - Il est donc inexact de dire que les hommes qui n'ont besoin de rien sont heureux.

C - Oui, parce que, si c'était le cas, les pierres et même les cadavres seraient tout à fait
heureux. »

POUR BIEN COMPRENDRE ET LIRE CE TEXTE,


FAITES CET EXERCICE DE LECTURE (30/45 min).

1) Qu’est-ce que la justice selon la nature ?



2) Pourquoi la masse des gens critique ceux qui pensent que la liberté c’est faire tout ce que
l’on veut et assouvir tous ses désirs ?

Raison 1 : …
...

Raison 2 : …

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3) Que fait la masse pour dissimuler son incapacité à assouvir tous ses désirs ?

Action 1 : …

Action 2 : …

Action 3 : …

4) Les forts doivent-ils respecter la loi des faibles ?

5) Réflexion de fin de lecture :

1) Faire tout ce que l’on veut, réaliser tous ses désirs et refuser donc l’existence des lois
communes vous parait-il la bonne manière d’être libre ?



2) Etes vous plus d’accord avec une conception de la justice selon la nature ou avec une
conception de la justice selon la loi ?



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EXEMPLE D’INTRODUCTION TYPE BAC POUR UNE EXPLICATION DE TETXE 

1) Thèse du texte.
En tant qu’être de désir, l’homme recherche ce qui lui procure du plaisir. L’accumulation des
plaisirs semble permettre d’obtenir un maximum de satisfaction et d’atteindre le bonheur.
Ainsi, laisser libre cours à ses passions semble au premier abord être la meilleure manière
de vivre une vie pleinement accomplie.

2) Objection à la thèse.
Cependant, la quête illimitée des désirs est souvent critiquée du point de vue du bonheur lui
même : elle ne permettrait pas d’atteindre le bonheur et occasionnerait une vie de manque,
de démesure et de malheur. Elle est également critiquée du point de vue de la justice, dans
une perspective aussi bien morale que politique. Une personne qui ne limiterait pas ses
désirs privilégierait nécessairement sa liberté et son bien être au détriment du bien être et à
la liberté d’autrui. Les lois et les jugements moraux seraient donc fondés et établis pour
permettre une organisation juste de la société, permettant le bonheur de chacun.

3) Récapitulatif de l’argumentation complète du texte.


Dans Le Gorgias, Calliclès s’oppose à l’idéal de maitrise des désirs et à la justice des hommes.
Il oppose au contraire une autre conception du bonheur et de la justice, non pas selon la loi,
mais selon la nature. Selon la nature, le bonheur et la vertu résultent du fait de vivre
pleinement ses passions. Par conséquent, les lois et les jugements moraux qui critiquent ce
style de vie déréglé ne sont pas fondés sur des valeurs absolues. Au contraire, ils ne sont que
le résultat d’une incapacité, c’est-à-dire un déficit de force naturelle, de la masse. En effet, la
masse, n’ayant pas la capacité d’assouvir ses passions, dissimule sa faiblesse et sa jalousie

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derrière des arguments moraux et des idéaux de justice pour culpabiliser et condamner les
forts.

4) Problème avec repères (ici absolu/relatif) et avec les notions principales du texte
Nous nous demanderons ainsi si la justice et la morale sont fondées absolument ou si elles
n’expriment que le point de vue relatif des faibles et leur incapacité à atteindre le bonheur ?

5) Annone du plan
Dans une première partie, (lignes 1- 11), Calliclès oppose la justice selon la loi et justice selon
la nature et définit la vie vertueuse par l’illimitation des passions. Dans une deuxième partie,
Calliclès explique que la critique habituelle de cette conception du bonheur n’est pas fondée
sur des principes moraux absolus mais seulement sur une incapacité de la masse qui invente
des conventions pour punir les forts (lignes 11-21). Dans une troisième partie (lignes 21-fin),
Calliclès s’oppose à Socrate : l’idéal de sagesse et de maîtrise des passions ne peut pas
conduire au bonheur et à la vertu car ils sont contraires à la vie elle-même.

HYPOTHESE 2 : UNE VIE BONNE EST UNE VIE DE PLAISIRS MESURES

Il y a une manière de concevoir l’hédonisme (doctrine morale où le plaisir est recherché


comme fin de l'action), non pas comme une quête illimitée de plaisirs ou un refus des règles
de la justice, mais comme une recherche équilibrée des plaisirs. C’est la philosophie
d’Epicure et de son fameux « Carpe Diem » : « Cueille le jour ».

Épicure affirme que le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse.

EXERCICE : Qu’est-ce que le Carpe Diem ?


Cueillir
Le jour
Qu’est-ce que le temps ?
Le jour = c’est le temps plus la lumière.

REFERENCE 2 : Epicure, 341-270 av. J.-C. Livre : Lettre à Ménécée.

TEXTE 3 :

"Le plaisir est le commencement et la fin de la vie heureuse. En effet, d’une part, le plaisir est
reconnu par nous comme le bien primitif et conforme à notre nature, et c’est de lui que nous
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partons pour déterminer ce qu’il faut choisir et ce qu’il faut éviter ; d’autre part, c’est
toujours à lui que nous aboutissons, puisque ce sont nos affections qui nous servent de règle
pour mesurer et apprécier tout bien quelconque si complexe qu’il soit.

Mais, précisément parce que le plaisir est le bien primitif et conforme à notre nature, nous
ne recherchons pas tout plaisir, et il y a des cas où nous passons par-dessus beaucoup de
plaisirs, savoir lorsqu’ils doivent avoir pour suite des peines qui les surpassent ; et, d’autre
part, il y a des douleurs que nous estimons valoir mieux que des plaisirs, savoir lorsque, après
avoir longtemps supporté les douleurs, il doit résulter de là pour nous un plaisir qui les
surpasse. Tout plaisir, pris en lui-même et dans sa nature propre, est donc un bien, et
cependant tout plaisir n’est pas à rechercher ; pareillement, toute douleur est un mal, et
pourtant toute douleur ne doit pas être évitée.

En tout cas, chaque plaisir et chaque douleur doivent être appréciés par une comparaison
des avantages et des inconvénients à attendre. Car le plaisir est toujours le bien, et la douleur
le mal ; seulement il y a des cas où nous traitons le bien comme un mal, et le mal, à son tour,
comme un bien. C’est un grand bien à notre avis que de se suffire à soi-même, non qu’il faille
toujours vivre de peu, mais afin que si l’abondance nous manque, nous sachions nous
contenter du peu que nous aurons, bien persuadés que ceux-là jouissent le plus vivement de
l’opulence qui ont le moins besoin d’elle, et que tout ce qui est naturel est aisé à se procurer,
tandis que ce qui ne répond pas à un désir naturel est malaisé à se procurer.

En effet, des mets simples donnent un plaisir égal à celui d’un régime somptueux si toute la
douleur causée par le besoin est supprimée, et, d’autre part, du pain d’orge et de l’eau
procurent le plus vif plaisir à celui qui les porte à sa bouche après en avoir senti la privation.
L’habitude d’une nourriture simple et non pas celle d’une nourriture luxueuse, convient donc
pour donner la pleine santé, pour laisser à l’homme toute liberté de se consacrer aux devoirs
nécessaires de la vie, pour nous disposer à mieux goûter les repas luxueux, lorsque nous les
faisons après des intervalles de vie frugale, enfin pour nous mettre en état de ne pas craindre
la mauvaise fortune.

Quand donc nous disons que le plaisir est le but de la vie, nous ne parlons pas des plaisirs
des voluptueux inquiets, ni de ceux qui consistent dans les jouissances déréglées, ainsi que
l’écrivent des gens qui ignorent notre doctrine, ou qui la combattent et la prennent dans un
mauvais sens. Le plaisir dont nous parlons est celui qui consiste, pour le corps, à ne pas
souffrir et, pour l’âme, à être sans trouble. »

EXERCICE DE COMPREHENSION ET d’ARGUMENTATION

Selon Epicure, le plaisir est le but de la vie. Ce qui nous permet d’atteindre le plaisir c’est la
sensation. La sensation est le critère du bien de la bonne vie.

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Cependant, surgit comme un paradoxe dans le raisonnement :
1) la sensation est la faculté qui nous indique ce qu’est la bonne vie.
2) la sensation fonctionne selon le principe du plaisir et de la peine.
3) Tout le plaisir est en tant que tel un bien,
4) Pourtant, une bonne vie ne consiste pas dans la recherche de tout plaisir.

Le plaisir est le but de la vie mais affirmer cela ce n’est pas justifier une vie déréglée et
illimitée de plaisirs.

CONSIGNE :
Notez dans le texte tous les arguments et définitions permettant de comprendre ce
paradoxe :

- Pourquoi, si tout plaisir est un bien, le bonheur n’est pas dans la recherche maximale,
illimitée du plaisir, mais au contraire dans une vie mesurée ?



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EXPLICATION RAPIDE DU TEXTE :

Dans La lettre à Ménécée, Epicure, affirme que « le critère du Bien c’est notre
sensation ». (Il s’oppose donc à Platon qui disait que le critère du Bien c’est la raison.). Son
originalité consiste à identifier le bonheur au plaisir et le plaisir au bien (moral).

Cependant, la sensation ne conduit pas au dérèglement du plaisir. On peut mépriser


des plaisirs s’ils ont pour résultat des désagréments trop importants. Il faut donc distinguer «
désirs naturels » et « désirs non naturels », pour apprendre à se satisfaire de peu et ne pas
être malheureux s’il nous manque le superficiel.

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L’adage épicurien Carpe Diem (« Cueille le jour ») ne signifie pas de « vivre sa vie à
fond », de « profiter de chaque instant en faisant le maximum » mais de se suffire à
soi-même, de se contenter de peu pour atteindre la paix du corps et la paix de l’âme.

Ce qui est essentiel c’est de comprendre que le bonheur, la satisfaction, cette paix de
l’âme et du corps est avant tout définie « négativement » comme  absence de douleur dans
le corps ( a-ponie) et absence de trouble (a-taraxie).

Ainsi, chaque plaisir et chaque douleur doit être appréciés par une comparaison des
avantages et des inconvénients, avec pour objectif de conserver ce plaisir essentiel qui est
lié à l’absence de souffrance. Pour ne pas souffrir, il ne faut certes pas faire des excès de
plaisir, lesquels se transforment souvent en douleur dès qu’une certaine limite indiquée par
la sensation est dépassée (trop manger, trop boire). Mais, la mesure principale pour éviter la
souffrance, c’est éviter la souffrance due au manque et donc chercher à en finir avec le
manque.

L’important, c’est de ne jamais sentir de douleur dans le corps, ni de trouble dans


l’âme et donc de ne jamais sentir le manque.

C’est ainsi que l’on comprend qu’une vie de plaisir véritable est une vie dans laquelle :

- (1) on se suffit de ce qu’on a, afin ne pas souffrir du manque dès que l’on a pas quelque
chose.

- (2) on se suffit de peu, c’est-à-dire dans laquelle on ne dépend pas de beaucoup pour être
satisfait.

- Pour que le plaisir reste compatible avec le bonheur, il importe qu'il ne soit pas sans
fin. Une recherche illimitée et déraisonnée du plaisir que ce soit dans la nourriture, la
boisson, la chair, le pouvoir, la richesse et le regard des autres n'apporte pas le
bonheur, puisqu’avant d’être satisfaits, ces désirs portent en eux le manque,
l’agitation, la frustration, l’attente.

- (3) on se suffit du nécessaire, car le plaisir que nous procure le nécessaire est à la fois le
plus grand plaisir et le plus facile à obtenir. Surtout, il est suffisant, alors pourquoi se
compliquer ?

Une vie qui veut jouir de l’équilibre, de l’harmonie, de la satisfaction que l’on appelle
le bonheur est une vie dans laquelle le plaisir de vivre n’est jamais troublé par le manque.
C’est donc une vie frugale et modérée, qui se satisfaire du nécessaire (car le nécessaire suffit)
et ne se trouble pas avec la recherche du superflu. On entre ainsi dans un cercle vertueux où

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la vie agréable engendre les vertus et où ces vertus favorisent en retour une vie agréable.
(Lien entre Vertu et Bonheur).

HYPOTHESE 3 : UNE VIE BONNE EST UNE VIE SOUS LA CONDUITE DE LA RAISON

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EXERCICE LE MYTHE DE L’ANNEAU DE GYGES

Que faites-vous avec un anneau d’invisibilité ?

Que signifie l’invisibilité ?

….
….

….
….

Petit corrigé :

🡪 La crainte de la sanction :
Si dans l’impunité, je ne respecte pas la loi, cela signifie que je respecte la loi que par
« crainte de la sanction ». (Si on enlève la sanction, je ne respecte pas la loi, donc je respecte
la loi que par crainte de la sanction).

🡪 La justice comme « bien étranger ».


C’est-à-dire que la Justice est un « bien étranger », c’est pas un bien pour moi. La justice est
extérieure à moi-même. Et elle est une limite à mon bonheur.

🡪 L’opposition entre justice et bonheur.


La justice s’oppose à mon bonheur. Si je veux être heureux, dès que je peux (si j’ai la
possibilité d’échapper à la sanction) il ne faut pas respecter la justice / il faut échapper à la
justice.

C’est contre cette argumentation, que Platon développe son argumentation dans La
République.

 UNE VIE BONNE C’EST DIRIGER SA VIE SOUS LA CONDUITE DE LA RAISON ET ATTEINDRE
LE BONHEUR PAR LE CONTROLE / LA MAITRISE DE SES DESIRS

REFERENCE 3 : PLATON, Livre : La République.

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Dans La République de Platon, bonheur et justice sont étroitement liés, il est même
nécessaire d’être juste pour être heureux. D’après la tripartition de l’âme, il est nécessaire
d’être juste, c'est-à-dire de régler ses plaisirs et de vivre sous la conduite de la raison pour
être heureux. C’est la partie rationnelle qui doit gouverner la partie désirante pour atteindre
le bonheur. Ainsi, le bonheur ne consiste pas dans l’assouvissement de tous ses plaisirs mais
dans le contrôle du désir qui permet l’harmonie, l’ordre intérieur et la félicité.

Savoir ce qu’est une bonne vie c’est savoir comment organiser sa vie et plus
particulièrement savoir organiser son âme.

Par organiser son âme on entend deux choses : savoir comment diriger son esprit et
savoir y créer un ordre, une harmonie intérieure.

Cependant, il est difficile de connaître les principes de l’âme. Il est difficile de voir
dans les petits caractères de l’âme. Il est difficile de comprendre le bon fonctionnement
d’une âme puisque c’est trop petit et trop difficile à analyser.

Ainsi dans le deuxième livre de La République, Platon dresse une analogie


psycho-politique.

√ ANALOGIE PSYCHO-POLITIQUE

 C’est dans les « grands caractères » de l’organisation de la cité que l’on peut
regarder pour comprendre le fonctionnement d’une âme. C’est à partir de la bonne
organisation de la cité, la bonne organisation politique que l’on comprendra facilement la
bonne organisation psychologique.
Dans la cité, on peut identifier trois parties :
- la classe productive,
- la classe des guerriers / des gardiens,
- la classe dirigeante ou intellectuelle, si possible, dira Platon, un philosophe-roi.

De la même manière, l’âme possède trois parties (théorie de la tripartition de l’âme) :


1) La Raison ou le « Noûs ».
2) La force d’âme, l’ardeur morale ou le « Thumos ».
3) Et les désirs ou les « Epithumiai »

LA BONNE ORGANISATION DANS LA CITE.


1) Il paraît évident que la classe qui détient la connaissance de ce qu’est une bonne cité doit
être celle qui, à partir de son savoir, fixe les lois de la cité sur ce modèle. Pour bien organiser
une cité, il faut que ceux qui savent, ceux qui détiennent le savoir de ce qu’est une bonne
cité, gouvernent.

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2) La classe de guerriers ou des gardiens, doit utiliser sa force pour faire appliquer les
principes de la justice définie par les dirigeants.

3) La partie productive, la classe productive doit se soumettre aux lois définies par les
dirigeants et maintenues par les gardiens.

LA BONNE ORGANISATION DANS L’AME.

Une âme bien ordonnée est une âme où la raison qui contemple les principes
intellectuels des choses dirigent.

La raison contemple les idées de bonheur, de justice, de vertu et elle les applique à l’âme
afin de maîtriser la partie désirante.

Lorsque la raison, aidée par la force d’âme, contrôle et maîtrise les désirs, se crée un
équilibre, une harmonie dans l’âme. Or, l’harmonie dans l’âme est l’autre nom du bonheur !

Ainsi, c’est par la maîtrise des désirs, que l’on atteint le bonheur.

Ainsi, il est capital de s’apercevoir que le bonheur est l’autre nom de la vertu ! En effet,
nous venons de dire que c’est par la maîtrise des désirs, que l’on atteint le bonheur, mais
qu’est ce que la vertu, sinon la maîtrise des désirs ? Maitrise des désirs = Vertu = Bonheur.

On parle de lien analytique entre vertu et bonheur, c’est-à-dire que l’un implique
nécessairement l’autre, et que sans l’un on ne peut pas avoir l’autre. (si je suis heureux, c’est
que je suis vertueux et vice et versa, si je suis vertueux, je suis forcément heureux).

Et cette vertu est individuelle mais aussi collective. La vertu dans l’âme c’est pareil que
la justice dans la cité ! En effet, c’est le même principe d’ordre et d’harmonie qui crée la
justice dans la cité et le bonheur dans l’âme.

 Lorsque la raison gouverne la cité, elle crée une harmonie, un ordre, un équilibre dans
la cité que l’on appelle justice.

 Lorsque la raison gouverne l’âme, elle crée une harmonie, un ordre, un équilibre, dans
l’âme que l’on appelle la vertu.

 Mais cet équilibre, cet ordre, cette harmonie, c’est ce qui permet la satisfaction pleine,
l’absence de manque, c’est-à-dire le bonheur.

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Il y a donc une unité, une égalité, entre justice, vertu et bonheur.

LA PHILOSOPHIE MORALE DE PLATON 

La philosophie morale de Platon est un intellectualisme moral.

C’est par la connaissance intellectuelle et par la recherche du Vrai bien, que je vais pouvoir
être vertueux, agir moralement. Et c’est cette vertu, qui n’est autre qu’un équilibre ou une
harmonie de l’âme que l’on appelle le bonheur.

Pour parvenir à un vrai bien et non à un bien illusoire, il faut que l’homme cherche le vrai,
qu’il élève son être à la vérité. Comment faire ?

1) Par le savoir, la connaissance. La raison doit se fixer sur ce qui est vrai et bon en soi. C’est
la vérité qui libère le désir des apparences sensibles et permet d’accéder à un fondement
véritable.

2) Par la sagesse (par la vertu), c'est-à-dire que la raison ne cherche pas à savoir pour savoir.

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Elle permet de faire de la vérité un principe de vie. La vérité, les Idées sont les archétypes
des choses, leur modèle, leur norme. Les Idées c’est à la fois ce que les choses sont vraiment,
leur essence et la norme de ce qu’elles doivent être. La sagesse consiste à structurer,
organiser sa vie en fonction des principes découverts par l’intelligence.

Le bonheur, c'est-à-dire la satisfaction véritable de son être, implique donc la connaissance


rationnelle qui permet d’accéder aux principes véritables et d’orienter sa vie selon le vrai
bien. Avec ces principes, on ordonne son esprit de manière conforme à l’ordre des choses, on
accède à une certaine maîtrise de soi, à une certaine harmonie de l’âme (SAGESSE – VERTU -
JUSTICE) c'est-à-dire au BONHEUR
.
C’est ce qu’on appelle un lien analytique entre VERTU et BONHEUR : l’un implique l’autre
nécessairement.

EXEMPLE SUCCINCT DE REDACTION D’ARGUMENT DE DISSERTATION TYPE BAC.

« L’homme est un être qui se pose la question du sens et de la fin de son existence.
Caractérisé par un certain déficit ontologique (manque d’être), par un être contingent et en
défaut, il tend paradoxalement à se satisfaire en se dispersant dans l’assouvissement indéfini
des désirs particuliers. Dans la République, Platon établit au contraire ce qu’on appelle un
lien analytique entre la vertu et le bonheur et fait de la connaissance le principe (arkhé) de la
félicité. Afin de dépasser les biens sensibles et apparents auxquels s’attache de manière
erratique le désir, l’homme doit régler sa vie avec sagesse et faire de la connaissance de ce
qui vaut vraiment le principe de son existence. En effet, ce n’est qu’en connaissant le vrai
bien que l’on peut acquérir une certaine sagesse et, faisant du bien la norme de son
existence, conférer à sa vie un véritable fondement. Le bonheur implique donc un certain
savoir, savoir des Idées qui sont à la fois l’essence de l’être et la norme du devoir être, savoir
qui permet d’ordonner sa vie selon l’ordre des choses. La justice permet donc d’épouser les
proportions objectives de l’être et de produire en son âme l’harmonie intérieure dont le
bonheur découle nécessairement. »

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Transition entre la Partie I et la partie II.

Nous avons vu que la sagesse, la vertu, était le résultat d’une capacité de l’homme à se
commander lui-même. Contrairement, à Calliclès qui identifiait la bonne vie et la vie de
passions démesurées, nous avons développé, avec Platon, l’idée que seule la vie sous la
conduite de la raison permettait une vie heureuse et harmonieuse.

C’est en se libérant de l’influence des désirs, que l’on peut mener une bonne vie.

Cependant, comment se libérer de l’influence des désirs ?

Est-ce possible ?
Et si oui, en quel sens est-ce souhaitable ?

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PARTIE II : ALIENATION DU DESIR, DETERMINISME ET
LIBRE-ARBITRE.

PROBLEMATIQUE : SOMMES-NOUS LIBRES DE DESIRER ?

HYPOTHESE 1 : LA VIE PASSIONNELLE EST UNE VIE ALIENEE

On pense souvent que :


1) le bonheur consiste dans le fait de laisser libre cours à ses désirs.
2) nous sommes libres de désirer.

Cependant, nous avons vu que le désir peut me conduire à la servitude et au malheur. Nous
avons développé, avec l’image du tonneau des Danaïdes, l’idée selon laquelle le désir ne
peut être satisfait : il est illimité, démesurés en son principe.
Épicure pense cependant que la sensation de plaisir et de peine permet de mesurer
ses désirs et de fuir tous les désirs qui nous cause un trouble dans le corps ou un trouble
dans lame, nous permettant ainsi d’atteindre le plaisir de l’autosuffisance.

Cependant, le désir semble d’autant plus démesuré (Hubris) dans une société de
consommation, société qui a fait de l’illimitation du plaisir sa raison d’être et dans laquelle
les objets de désir sont devenus le cœur de l’économie.

Dans 99 francs, Beigbeder décrit son travail de publicitaire. Il s’agit de créer un


imaginaire irréaliste où tout est parfait, un idéal de bonheur qui n’est en réalité que fiction.

Grâce à cette représentation truquée de la réalité, il capture le désir, organise la


frustration, asservi la libre arbitre, afin d’augmenter les ventes.

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Dans la publicité « personne ne souhaite votre bonheur parce que les gens heureux
ne consomment pas ».

Référence annexe (Texte non philosophique) : Beigbeder. Livre : 99 Francs.

Un ancien publicitaire décrit son travail…

« Je me prénomme Octave et m’habille chez APC. Je suis publicitaire: eh oui, je pollue


l’univers. Je suis le type qui vous vend de la merde. Qui vous fait rêver de ces choses que
vous n’aurez jamais. Ciel toujours bleu, nanas jamais moches, un bonheur parfait, retouché
sur PhotoShop. Images léchées, musiques dans le vent. Quand, à force d’économies, vous
réussirez à vous payer la bagnole de vos rêves, celle que j’ai shootée dans ma dernière
campagne, je l’aurai déjà démodée. J’ai trois vogues d’avance, et m’arrange toujours pour
que vous soyez frustré. Le Glamour, c’est le pays où l’on n’arrive jamais. Je vous drogue à la
nouveauté, et l’avantage avec la nouveauté, c’est qu’elle ne reste jamais neuve. Il y a toujours
une nouvelle nouveauté pour faire vieillir la précédente. Vous faire baver, tel est mon
sacerdoce. Dans ma profession, personne ne souhaite votre bonheur, parce que les gens
heureux ne consomment pas.
Votre souffrance dope le commerce. Dans notre jargon, on l’a baptisée « la déception
post-achat ». Il vous faut d’urgence un produit, mais dès que vous le possédez, il vous en faut
un autre. […] Mais pour créer des besoins, il faut attiser la jalousie, la douleur,
l’inassouvissement : telles sont mes munitions. Et ma cible, c’est vous. […] Plus je joue avec
votre [inconscient], plus vous m’obéissez. Si je vante un yaourt sur les murs de votre ville, je
vous garantis que vous allez l’acheter. Vous croyez que vous avez votre libre arbitre, mais un
jour ou l’autre, vous allez reconnaître mon produit dans le rayonnage d’un supermarché, et
vous l’achèterez, comme ça, juste pour goûter, croyez- moi, je connais mon boulot.
Mmm, c’est si bon de pénétrer votre cerveau. Je jouis dans votre hémisphère droit.
Votre désir ne vous appartient plus : je vous impose le mien. Je vous défends de désirer au
hasard. Votre désir est le résultat d’un investissement qui se chiffre en milliards d’euros.
C’est moi qui décide aujourd’hui ce que vous allez vouloir demain. »

PETIT EXERCICE DE REDACTION. (15-20 lignes)

CONSIGNE : répondez à la question ci-dessous, en notant les différents arguments du texte.


Astuce : prêtez particulièrement attention à la relation entre désir et liberté.

 Pourquoi peut-on dire qu’une société de consommation est-elle nécessairement une


société aliénée ?

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HYPOTHESE 2 : LA LIBERTE COMME LIBRE NECESSITE

Dès lors que l'on essaie de comprendre ce qui signifie pour l'homme d'être capable
de liberté, une première explication assez intuitive se présente. L'homme est libre parce qu'il
est doté de libre-arbitre. Le libre-arbitre est la faculté de se déterminer soi-même à agir
d'une certaine façon sans que ce choix soit intégralement déterminé par des causes
extérieures. Quand on dit que l'homme est capable de libre-arbitre on veut donc dire que
l'homme ne se comporte pas de la même manière qu'un objet naturel, comme une pierre
que je lance. La pierre est déterminée à chaque instant par les lois de la nature. C’est ce
qu’on appelle le déterminisme.

DETERMINISME : Tout corps, tout objet (naturel ou artificiel) est entièrement déterminé
par les lois de la nature.

Mais on a l'intuition qu'il n'en va pas exactement de même pour l'homme.

Nous avons l'impression que nous ne sommes pas intégralement déterminés par les
lois de la nature. Si nous sommes bien déterminés par les lois de la nature, que, comme tout
corps, les causes extérieures nous déterminent à agir, nous aurions la possibilité de nous
décider, de nous déterminer seul à agir, indépendamment des actions des corps extérieurs
ou des déterminations auxquels nous sommes soumis.

QUESTION : Est-ce bien le cas ?

Le fait que nous soyons des êtres sensibles (c’est-à-dire doté de sens), et plus
particulièrement des de désirs fait que nous sommes affectés par le monde sans lequel nous
vivons. Nous sommes des êtres affectés. Ainsi, le fait d’être affecté par le monde, ne
conduit-il pas à une nécessaire servitude passionnelle ?

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PASSION (du latin PATIOR : être passif, souffrir, supporter, être affecté par) : La passion est
une affection qui me détermine à agir. Cela s’oppose à ACTION, c’est-à-dire à la liberté de
s’autodéterminer à agir.

En ce sens, une vie de passion peut-elle être une vie libre ?

REFERENCE 1 : L’illusion du libre arbitre, selon Spinoza (1632-1677), Lettre à


Schuler.

« Une pierre reçoit d’une cause extérieure qui la pousse une certaine quantité de
mouvement, par laquelle elle continuera nécessairement de se mouvoir après l’arrêt de
l’impulsion externe. Cette permanence de la pierre dans son mouvement est une contrainte,
non pas parce qu’elle est nécessaire, mais parce qu’elle doit être définie par l’impulsion des
causes externes ; et ce qui est vrai de la pierre, l’est aussi de tout objet singulier, quelle qu’en
soit la complexité, et quel que soit le nombre de ses possibilités : tout objet singulier, en
effet, est nécessairement déterminé par quelque cause extérieure à exister et à agir selon
une loi précise et déterminée.
Concevez maintenant, si vous le voulez bien, que la pierre, tandis qu’elle continue de
se mouvoir, sache et pense qu’elle fait tout l’effort possible pour continuer de se mouvoir.
Cette pierre, assurément, puisqu’elle n’est consciente que de son effort, croira être libre et
ne persévérer dans son mouvement que par la seule raison qu’elle le désire. Telle est cette
liberté humaine que tous les hommes se vantent d’avoir et qui consiste en cela seul que les
hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent. Un
enfant croit librement appéter le lait, un jeune garçon irrité vouloir se venger et, s’il est
poltron, vouloir fuir. Un ivrogne croit dire par un libre décret de son âme ce qu’ensuite,
revenu à la sobriété, il aurait voulu taire. »

EXERCICE DE LECTURE :

CONSIGNE : RELISEZ PATIEMMENT LE TEXTE PLUSIEURS FOIS ET REPONDEZ AUX


QUESTIONS SUIVANTES :

1) La pierre est-elle libre de se mouvoir ?



2) Que penserait-elle si elle avait conscience de son mouvement ?



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3) Le fait que l’on soit conscient de nos désirs nous rend-il libre de désirer ?

4) Pourquoi nous croyons-nous libres ?



Le problème posé par la théorie du libre-arbitre, c'est qu'elle semble faire de la


liberté un pouvoir sur-naturel. En effet, on a dit que tous les tous les objets naturels sont
soumis à des lois qui déterminent absolument tous leurs mouvements. On a du coup du mal
à voir pourquoi il faudrait exclure l'homme de ce cas là : pourquoi est-ce que l'homme
disposerait d'un moyen de s'autodéterminer ?
Pour pouvoir s'autodéterminer, l'homme devrait être capable d'échapper à la
puissance des lois de la nature, mais on ne voit pas pourquoi il en serait ainsi.

Il serait ainsi, dit Spinoza, comme un « empire dans un empire ». C’est-à-dire comme
une exception dans les lois de la nature. Ce qui est absurde !

Que signifie cette formule ?

Si l'on admet que l'être humain dispose du libre-arbitre, cela signifie qu'il est capable
d'échapper, par la seule force de se volonté, au déterminisme naturel, à l'empire des lois de
la nature.

Cela signifie donc qu'il serait capable de se donner ses propres lois,
indépendamment des lois de la nature et donc qu'il serait un empire libre, qui fait ce qu'il
veut, dans un autre empire, la nature, qui a ses propres lois.
On ne comprend pas pourquoi l'homme échapperait aux lois de la nature alors qu'il
est un être naturel comme les autres.

Mais alors pourquoi a-t-on cette impression d'être libre ? On a bien l'impression de
pouvoir agir comme on le veut. D'où vient que nous ayons cette impression d'être doué du
libre-arbitre ?

C'est à cette question qu'entreprend de répondre le texte. Tous les objets naturels
sont déterminés par des causes externes. Par exemple le mouvement de la pierre est soumis
à un certain nombre de causes externes : la force initiale du lancé, la force de gravitation, le
frottement de l'air, etc. C'est la conjonction de toutes ces causes externes qui explique le
mouvement de la pierre.

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Maintenant, imaginons que la pierre soit consciente de son mouvement, qu'elle soit
capable de penser. Au moment où elle est en l'air, n'étant consciente d'aucune force qui
s'exercerait sur elle, elle se croirait libre de son mouvement. En effet, elle n'aurait
conscience d'aucune cause externe et ne serait consciente que de son propre mouvement et
de son désir de persister dans son être. Elle penserait donc que ce mouvement n'est pas
déterminé par les causes externes. Mais c'est faux.

Il en va de même pour l'homme, selon Spinoza. Notre croyance au libre-arbitre vient


de ce que nous sommes conscients de nos désirs mais ignorons les causes qui les
déterminent. Je suis conscient de désirer du chocolat et, comme je ne sais pas d'où me vient
ce désir, je crois qu'il vient de moi et, par conséquent, je pense être libre quand je décide de
manger du chocolat. Mais ce désir ne vient pas de nulle part. Chaque désir est
intégralement déterminé par des causes qui échappent à ma conscience. Par exemple, mon
désir vient de cette publicité que j'ai vue dans le métro ce matin et, comme maintenant j'ai
faim, c'est de chocolat dont j'ai envie. Mon désir n'est absolument pas libre, il est
déterminé.
Mais du coup, si mon désir est déterminé, moi qui décide de satisfaire ce désir, je ne
suis pas libre (au sens où ce serait moi qui me déterminerait seul sans être déterminé par
rien). Mon action est en fait intégralement déterminée (même si elle était imprévisible pour
tous, y compris pour moi, puisque personne n'a conscience de toutes les causes agissantes
déterminant une action).
Le libre-arbitre n'est en fait qu'une illusion qui est produite par l'ignorance dans
laquelle je suis des causes qui déterminent mon action. Je me crois capable de me
déterminer seulement parce que j'ignore ce qui me détermine.
En fait, la théorie du libre-arbitre n'est possible que si l'on admet que mon action est
contingente. C'est-à-dire que la théorie du libre-arbitre suppose que je peux aussi bien faire
A que B. Mais les lois de la nature ne souffrent aucune exception et tout ce qui arrive est
intégralement nécessaire.
Selon Spinoza la contingence n'existe pas. Nous ne croyons les choses ou les
événements contingents que parce que nous ignorons toutes les causes qui les déterminent.

REFERENCE 2 : Le désir comme puissance, selon Spinoza (1632-1677), L’Éthique.

Nous avons vu ensemble le texte de Spinoza extrait d’une Lettre à Schuler, que le libre arbitre
est une illusion. En effet, l’être humain n’est pas un empire dans un empire dans la nature, il
n’a pas la possibilité d’échapper au déterminisme naturel, et l’ensemble de ses actions sont
causées par des causes extérieures. Si nous pensons être libre d’agir dit Spinoza, c’est
simplement que nous ignorons les causes qui nous poussent à agir.

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En ce sens, l’être humain est déterminé, et l’ensemble de sa vie passionnelle n’est pas le
résultat d’un choix mais d’influence extérieures NECESSAIRES dit Spinoza.

Très bien. Mais Si toutes mes actions sont nécessairement déterminées, si tout ce que je fais
est nécessaire, n’est-on pas obligé de conclure que nous ne sommes pas libres ? Que la
liberté n’a aucun sens pour un être déterminé ?

Pour vous expliquer le concept Spinoziste de liberté, nous devons procéder par étapes :

- Tout d’abord, dit Spinoza, nous devons distinguer entre nécessité et contrainte ! La liberté
s’oppose à la contrainte : si je suis contraint d’agir selon le désir d’un autre, je ne suis pas
libre.
Sur cela, nous sommes d’accord. Mais lorsque je ne suis pas contraint, je peux tout à fait être
libre, même si ce que je fais est nécessaire. C’est ce point que nous devons expliquer.

Tout est nécessaire dans la nature. Mais je peux agir en fonction de la nécessité extérieure,
ou en fonction de ma propre nécessité. La nécessité non pas des causes qui me conduisent à
agir, mais la nécessité de ma nature à moi, de mon essence.

La question est donc, comment puis-je agir selon la nécessité de ma propre nature ?

Si cela est possible, puisque la liberté ne s’oppose pas à la nécessité quand cette nécessité
est celle de ma propre essence, je pourrais dire que je suis libre, même si ce que je fais est
nécessaire.

Pour comprendre ce point, nous pouvons faire un petit détour par le concept spinoziste de
désir ou de « conatus ».

Le désir, pour Spinoza, ne provient pas d’un manque. Il n’y a pas un vide en moi, un manque
à combler, et le désir n’est pas le mouvement qui vise à combler ce manque par la
satisfaction d’un objet. Le désir n’est pas un mouvement pour avoir ! Avoir quelque chose, se
satisfaire de quelque-chose. En ce sens, Spinoza critique la conception antique et religieuse
du désir, ou des désirs, comme forces aliénantes, qui devraient être maitrisées par la raison
ou la foi.

Le désir, beaucoup plus profondément, est l’essence même de l’homme. Le désir n’est pas un
simple mouvement provenant d’un manque, mais ma force vitale ou mon élan vital même.
Le désir c’est la force de la vie, le désir est une puissance, au sens où il est le mouvement
même d’affirmation et d’accomplissement de ma vie.

Dans des termes spinoziste : le désir est une puissance d’affirmation de mon être.

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Le désir est un conatus c’est à dire « l’effort pour persévérer dans son être ». Il est puissance
d’affirmation de son être et de persévérance dans son être. Le désir est entièrement positif
au sens où il est la puissance même de la vie.

Que fait ce désir ? Quel est cet effort de persévérer dans son être ?
Le désir tend à suivre ce qui augmente sa puissance d’agir et à fuir ce qui diminue sa
puissance d’agir.

En effet, ce qui augmente ma puissance d’agir me procure un affect de joie, et ce qui diminue
ma puissance d’agir provoque en moi un affect de tristesse.

Réciproquement, dès que j’éprouve de la tristesse, c’est que ma puissance d’agir diminue, et
dès que j’éprouve de la joie, c’est que ma puissance d’agir augmente.

Le conatus, comme effort pour persévérer à son être tend à augmenter sa puissance d’agir,
c’est à dire à être affecté de joie, joie qui elle même affecte positivement l’individu qui par là
augmente sa puissance d’agir.

Lorsqu’une chose ou une personne (lire un livre, manger une glace, discuter avec quelqu’un)
conviennent à ma nature, elles augmentent ma puissance d’agir et me procurent de la joie.

Lorsqu’une chose ou une personne (regarder une publicité, manger du concombre, écouter
mon chef) ne conviennent pas à ma nature, elles diminuent ma puissance d’agir et me
procurent de la tristesse.

Que les choses ou personnes conviennent ou pas à ma nature, nous sommes dans les 2 cas
dans le règne de la nécessité !

Mais :
- Dans un cas, mon comportement s’explique par des choses ou personnes qui me
déterminent de l’extérieur.

- Dans l’autre cas, mon comportement s’explique par des choses ou personnes qui me
déterminent de l’extérieur (pareil) mais dont je reconnais intérieurement l’accord avec ma
propre nature.

-De sorte que ma propre nature est bien nécessitée à agir mais qu’elle n’est pas contrainte !
Au contraire, on peut même dire que j’agis selon ma propre nature, en accord joyeux avec ce
qui me poussent à agir. Lorsque je m’aperçois que ce que je fais est influencé par l’extérieur,
déterminé par des causes extérieures (c’est toujours le cas) mais que cette détermination est
en accord avec ma propre nécessité, avec ma propre essence, avec ma propre nature, avec

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mon propre désir, avec ma propre puissance d’affirmation (tout cela est la même chose) alors
cette détermination augmente ma puissance d’agir, me procure de la joie.

Cette détermination n’est pas une contrainte à mon action, mais au contraire ce qui
augmente sa puissance. De sorte que l’on peut dire que j’agis selon ma propre nature au
contact joyeux de choses qui alimentent positivement cette puissance (en convenant à ma
nature sans la contraindre).

Bien.

Etre libre qu’est-ce que c’est ?

Réponse : - C’est agir selon sa propre nature !

Objection : - Oui mais cette nature est nécessaire. Donc on ne peut être libre si on doit suivre
la nécessite, non ?

Réponse : - Mais qu’est ce donc la liberté si ce n’est de pouvoir augmenter sa propre


puissance d’agir en accord avec sa propre nature, avec sa propre essence, avec son propre
désir.

Objection : - Mais ce désir il est influencé par l’extérieur, il est aliéné. Et les passions ou
affects humains sont la voie de la servitude. On parle bien de servitude passionnelle ?
Comment pouvez vous faire de l’augmentation de notre puissance désirante le synonyme de
la liberté ?

Réponse : - Mais vous serez toujours dans la nature ! Cessez de vouloir en sortir et de
prétendre que vous pouvez ne plus être influencé par l’extérieur. Vous êtes vous même une
partie (un mode dit Spinoza) de la nature ! La seule question qui vaille c’est : est-ce que cette
influence extérieure est en accord avec votre nature ? Ou est-elle en désaccord ? Si elle est
en accord alors vous agirez finalement selon la compréhension de votre propre nature, c’est
à dire, de vous même et vous serez libre. Si elle est en désaccord, alors vous serez contraint,
et déterminé pas une vie passionnelle asservie à des choses qui expriment plus la nature
d’autre chose que de vous même.

Question : Mais comment je fais pour changer alors, si je suis pas libre, sans libre arbitre, et
si je suis dans la situation d’être déterminé par des causes extérieures qui n’expriment pas la
nécessité de ma nature mais au contraire expriment la nature, l’essence de ces autres choses
ou personnes qui agissent sur moi ? Si je suis dans cet état de servitude passionnelle ? Je ne
peux jamais m’en libérer ? Comment passer d’un état à l’autre ?

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Réponse : Par la sagesse ! C’est à dire pour Spinoza par le savoir / la connaissance, qui est en
même temps une éthique, c’est à dire une libération et une joie.

Bon je suis pas sûr d’être arrivé à ce niveau de sagesse mais j’essaie de vous expliquer quand
même ;)

En fait c’est assez simple et assez compliqué, mais surtout « beau et rare », selon les termes
de Spinoza.

La question qu’on traite c’est donc comment passer de la servitude des passions tristes à
l’action, au sens fort du terme, qui s’oppose à passion (qui vient de patior, patir) ?

C’est à dire comment agir selon sa propre essence, selon sa propre nécessité, en accord avec
sa propre nature qui augmente notre puissance d’agir et nous rend joyeux ?

Autrement dit : comment se libérer ? Sachant qu’il ne s’agit pas du tout ici de se libérer de
son désir, mais au contraire d’augmenter sa propre puissance d’affirmation joyeuse, sans être
diminué par des passions tristes.
Réponse : Par la connaissance !

Le problème essentiel c’est que la plupart du temps :

1) Je ne connais pas les causes qui me déterminent à agir.


Conséquence immédiate : je crois agir par la nécessité de ma propre nature alors que j’agis
par une nécessité qui exprime plus la nature des autres choses que de la mienne.
Je ne suis donc pas libre.

2) J’ai un rapport illusoire aux causes qui me déterminent à agir. C’est à dire que j’ai une idée
inadéquate de ces choses. Une idée erronée. J’imagine que ces choses conviennent à ma
nature et augmentent ma puissance d’agir alors qu’en réalité elles ne conviennent pas à ma
nature et diminuent ma puissance d’agir.
Conséquence immédiate : comme je me trompe sur la nature de ces choses, je crois qu’elles
me permettent de suivre ma propre nature et je me pense libre, alors qu’en réalité elles
expriment leur propre nécessité sans que je m’en aperçoive, et moi je ne suis pas entrain
d’affirmer ma propre puissance d’agir mais la leur.
Je ne suis donc pas libre.

Solution la connaissance. C’est la connaissance qui me libère.

1) Je prends connaissance des causes qui me déterminent à agir. Ainsi, la première


conséquence c’est que je ne suis plus dans l’illusion d’être cause de mes propres actions alors

32
que ce n’est pas vrai. Sortir de cette illusion, c’est déjà, en soi, une libération. Mais ce n’est
pas tout. Maintenant que je connais ces causes, je peux apprendre à savoir si elles
conviennent à ma nature réellement ou si elles ne conviennent pas à ma nature.

2) Pour les choses ou personnes qui me déterminent à agir et avec lesquelles j’entretiens un
rapport illusoire. Comment ça se passe ? Par exemple avec la cigarette. J’entretiens un
rapport illusoire avec la cigarette, j’imagine que la cigarette correspond à mon désir et
augmente ma puissance d’agir. Je suis libre en fumant. Mais dès que je connais le rapport
réel que j’entretiens avec la cigarette, à savoir que cela va me tuer, que cela m’enlève le goût
des aliments, que cela me ruine financièrement, etc, que ce passe t-il ? Et bien au lieu de
ressentir de la joie, je ressens de la tristesse. Au lieu de ressentir une augmentation (illusoire)
de ma puissance, je ressens une diminution de ma puissance. Face à cette tristesse, face à
cette diminution de puissance, mon désir change. Au lieu de continuer à désirer cette chose,
je ne la désire plus. Et si je ne la désire plus, et bien mon désir va se porter sur autre chose
qu’il va juger bon, c’est à dire apte à augmenter réellement ma puissance d’agir, par exemple
une tarte aux fraises, et juger mauvaise cette cigarette qu’il ne désire plus. Vous voyez donc
que la liberté, ou la libération n’est pas le résultat d’un choix, ou d’une décision de la volonté
qui s’autodéterminerait sans être déterminée. Là je suis autant déterminé par la cigarette
que par la tarte au fraise qui la remplace.

Mais, la liberté est le résultat d’un changement d’affect ressenti (de la joie la cigarette me
procure maintenant de la tristesse) du fait d’un changement dans la connaissance que j’ai du
rapport de convenance ou de disconvenance d’une certaine chose à ma propre nature.
Autrement dit, par la connaissance de ce qu’est véritablement la cigarette, je remplace le
rapport imaginaire à elle qui me procurait de la joie, par un rapport à elle qui disconvient à
mon propre désir et me procure de la tristesse. Je me détourne alors d’une chose qui
diminue ma puissance d’agir.

Et cela marche pour la cigarette, mais aussi pour toutes choses : dès que vous aurez
substitué à tous vos rapports imaginaires aux choses qui vous attirent, un rapport de
connaissance réel, s’ensuivra, par le mécanisme même des affects, un changement dans
votre action vers des objets ou choses qui correspondent véritablement à votre nature. Vous
n’agirez plus en fonction de causes inconnues ou illusoires, mais en fonction d’une
connaissance des causes qui vous déterminent à agir et augmentent réellement votre
puissance.

Bref, c’est par la connaissance que vous atteindrez la joie, et cette joie vous conduira à
chercher à connaître de nouveaux rapports entre votre désir et de nouvelles causes qui
augmenteront de nouveau votre joie.

33
On pourrait dire que la joie est le chemin de la connaissance et que la connaissance est le
chemin de la joie.

On pourrait objecter que plein de choses disconviendront toujours à notre nature ! Et que la
joie éternelle est impossible. Mais alors c’est que vous n’êtes pas encore rentrés dans la
chemin de la connaissance. Car au bout du chemin existe cette idée que nous sommes qu’un
mode de la nature et qu’à ce titre nous sommes nécessairement en harmonie avec elle, si on
comprend bien le rapport qui nous unit à elle.

34
Problème et transition avec Descartes :

Spinoza nous dit que le libre-arbitre n’existe pas, et la liberté c’est la libre nécessité. Je suis
libre quand je suis ce que la Raison me dit être le vrai ou le bien. La liberté, c’est réaliser ce
qui est rationnel, et faire ce qui est bien.

Question : si je fais ce que la Raison m’indique, si je me laisse guider par la Raison, peut-on
dire que ma volonté est absolument libre ? La Raison n’est-elle pas une limite à ma
volonté, en ce sens qu’elle la détermine nécessairement dans le sens du meilleur (le Bien
ou le Vrai) ?

35
HYPOTHSE 3 : LA LIBERTE COMME AUTODETERMINATION DE LA VOLONTE
(VERS LE MEILLEUR).

Dès lors que l'on essaie de comprendre ce qui signifie pour l'homme d'être capable
de liberté, une première explication assez intuitive se présente. L'homme est libre parce qu'il
est doté de libre-arbitre.

LIBRE-ARBITRE :
Le libre-arbitre est la faculté de se déterminer soi-même à agir d'une certaine façon sans
que ce choix soit intégralement déterminé par des causes extérieures.

Les objets et être vivants obéissent strictement aux lois de la nature. Mais on a
l'intuition qu'il n'en va pas exactement de même pour l'homme. Nous avons l'impression que
nous ne sommes pas intégralement déterminés par les lois de la nature.

EXEMPLE DE l’ANE DE BURIDAN.


On peut prendre l'exemple célèbre de l'âne de Buridan.

Imaginons un âne qui ait exactement aussi faim que soif et qui soit exactement à
même distance d'un tas d'avoine et d'un bac d'eau.
Il serait donc soumis à des désirs exactement aussi forts l’un que l’autre.

Serait-il capable de se déterminer par lui-même vers un côté plutôt que l’autre,
puisque les désirs sont strictement équivalents ? et

Non, il serait incapable de choisir entre eux. Par conséquent, l'âne mourrait de faim
et de soif, immobile.
Cet exemple est visiblement caricatural. On pense bien qu'un animal n'agirait pas
ainsi, ne serait-ce que parce que la soif est plus urgente que la faim. Mais l'exemple sert à
mettre en évidence quelque chose.

Si l'animal est soumis à deux contraintes, deux désirs exactement aussi intenses, il n'a
aucun moyen de trancher entre eux.

L'homme au contraire, n'agirait pas ainsi. Il est capable de se décider, sans raison
particulière, pour la nourriture ou la boisson. Cela signifie qu'il est capable de se déterminer
seul à agir, indépendamment des désirs ou des déterminations auxquels il est soumis.

36
On parle de liberté d'indifférence : entre deux solutions qui sont également
indifférentes, l'homme est capable de choisir l'une ou l'autre. C'est le degré minimal du
libre-arbitre.
Cependant, le libre-arbitre ne se limite évidemment pas à l'exercice de la liberté
d'indifférence.
REFERENCE 3 : Le concept de libre-arbitre, Descartes (1596-1650), Lettre au
père Mesland du 9 Février 1645.

« L’indifférence me semble signifier proprement l’état dans lequel est la volonté lorsqu’elle
n’est pas poussée d’un côté plutôt que de l’autre par la perception du vrai et du bien ; et c’est
en ce sens que je l’ai prise lorsque j’ai écrit que le plus bas degré de la liberté est celui où
nous nous déterminons aux choses pour lesquelles nous sommes indifférents.

Mais peut-être que d’autres entendent par indifférence une faculté positive de se
déterminer pour l’un ou l’autre de deux contraires, c’est-à-dire pour poursuivre ou pour fuir,
pour affirmer ou pour nier. Cette faculté positive, je n’ai pas nié qu’elle fût dans la volonté.
Bien plus, j’estime qu’elle y est, non seulement dans ces actes où elle n’est pas poussée par
des raisons évidentes d’un côté plutôt que de l’autre, mais aussi dans tous les autres ; à ce
point que, lorsqu’une raison très évidente nous porte d’un côté, bien que, moralement
parlant, nous ne puissions guère aller à l’opposé, absolument parlant, néanmoins, nous le
pourrions. En effet, il nous est toujours possible de nous retenir de poursuivre un bien
clairement connu ou d’admettre une vérité évidente, pourvu que nous pensions que c’est
un bien d’affirmer par là notre libre arbitre.

[…] Une plus grande liberté consiste en effet ou bien dans une plus grande facilité de se
déterminer [sous-entendu, si on voit le meilleur], ou bien dans un plus grand usage de
cette puissance positive que nous avons de suivre le pire, tout en voyant le meilleur. »

Descartes, Lettre au Père Mesland, du 9 Février 1645.

ANALYSE DU TEXTE :

Descartes distingue trois degrés de liberté.

Le premier sens de liberté, qu'on vient d'examiner est la liberté d'indifférence ou


liberté d'indifférence négative.

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Descartes la qualifie de plus bas degré de liberté car elle est la conséquence d’un
défaut de l'entendement, c’est-à-dire un défaut de connaissance. On ne sait pas qu’elle est la
meilleure option. Et comme l’on ne sait pas, que l’on a un défaut de connaissance, et bien on
est indifférent, les choses nous paraissent équivalentes, on ne voit pas de raison de trancher
dans un sens plutôt que dans l’autre.

Ainsi, cette liberté d’indifférence négative, c’est cette capacité de trancher sans
raison particulière entre deux solutions indifférentes. Mais en même temps que cela
montre la capacité de ma volonté à se déterminer d'elle-même, cela montre aussi la
faiblesse de mon entendement. L'entendement désigne la capacité de connaître. C'est donc
une liberté d'indifférence négative au sens où il me manque une raison de choisir l'une ou
l'autre solution.

Le deuxième degré de liberté est la liberté d'indifférence positive.

Dans ce cas-là, je vois visiblement que A est meilleur que B, mais je choisis malgré
tout B. On parle de liberté d'indifférence positive parce que dans ce cas les deux solutions ne
sont pas équivalentes, mais je me rends indifférent à la meilleure solution. Cela montre
l'indépendance de ma volonté par rapport à mon intelligence, à mon entendement, à ma
raison. Je suis capable d'agir même contre ce qui me semble la meilleure solution.

Le troisième degré de liberté consiste à choisir la solution qui me semble la meilleure.

J'examine les deux solutions et j'en viens à me décider à faire A plutôt que B. Cette
liberté a plus de valeur que la liberté d'indifférence négative car ici j'ai bien une raison de
choisir. Mon entendement, c'est-à-dire ma connaissance, éclaire et dirige ma volonté. J'agis
de manière raisonnable.
Elle a également plus de valeur que la liberté d’indifférence positive, car ma volonté
reste absolue (je pourrais ne pas faire le meilleur) tout en étant plus rationnelle (je fais ce qui
est le meilleur : pourquoi ne le ferais-je pas ? puisque je sais que je n’y suis pas obligé, cf.
degré précédent).

EXERCICE D’APPROPRIATION et DE RELFEXION :

Est-on plus libre :


1) si on fait ce qu’on pense le meilleur ?

2) si on sait ce qui est meilleur mais qu’on préfère faire ce qui est pire ?

38
Justifiez vos réponses.

PARTIE III : MORALE DE L’INTERET / MORALE DU DEVOIR

PROBLEMATIQUE : SOMMES NOUS-LIBRES DE MAXIMISER NOTRE


INTERET ?

HYPOTHESE 1 : LA MORALE, MAXIMISATION DU BONHEUR DU PLUS


GRAND NOMBRE.

REFERENCE 1 : Le cas du tramway, selon Michael Sandel,Vidéo Harvard : The


moral Side of murder.

https://www.youtube.com/watch?v=kBdfcR-8hEY

REFERENCE 2 : La morale utilitariste, selon Bentham,(1748-1832). Livre :


Introduction aux principes de la morale et de la législation.

« Additionnez toutes les valeurs de l'ensemble des plaisirs d'un côté, et celles de l'ensemble
des peines de l'autre. Si la balance penche du côté du plaisir, elle indiquera la bonne
tendance générale de l'acte, du point de vue des intérêts de telle personne individuelle ; si
elle penche du côté de la peine, elle indiquera la mauvaise tendance générale de l'acte.
Tenez compte du nombre de personnes dont les intérêts semblent en jeu ; et réitérez le
procédé précédent pour chacune d'entre elles. Additionnez les nombres qui expriment les
degrés de la bonne tendance qu'un acte possède du point de vue de chaque individu pour

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lequel sa tendance est globalement bonne ; recommencez à propos de chaque individu pour
lequel sa tendance globale est mauvaise. Faites le bilan ; si la balance penche du côté du
plaisir, elle indiquera la bonne tendance générale de l'acte, compte tenu du nombre total ou
de la communauté des individus concernés ; si elle penche du côté de la peine, elle indiquera
la mauvaise tendance générale de l'acte, compte tenu de cette même communauté. »

PETIT POINT SUR LA MORALE UTILITARISTE

La morale utilitariste c’est une morale du bonheur. (Faire le bien et être heureux).

La morale utilitariste c’est une morale du plaisir. (Faire le bien et prendre du plaisir).

La morale utilitariste c’est une morale de l’intérêt, ou de l’« utilité ». (Faire le bien =
maximiser les intérêts, l’utilité)

Autrement dit, mon intérêt c’est le maximum de plaisir et le minimum de peine.

Maximum de plaisir et le minimum de peine = Le bonheur.


Et cela, pour chaque individu.

🡪 QUESTIONS :

1) S’il s’agit de bonheur et de plaisir, la morale est-elle subjective ? Peut-on dire à


chacun sa morale ?

L’idée de la morale utilitariste consiste à trouver un principe objectif de la morale. C’est la


raison pour laquelle le bonheur va être quantifier.

Le principe de la morale repose sur un calcul objectif des plaisirs et des peines. Les plaisirs et
les peines deviennent des quantités. Ils deviennent commensurables.

Un acte est bon si les conséquences qui en résulte sont bonnes, c’est-à-dire ont pour une
conséquence positive en termes de bonheur.

Un acte est mauvais si les conséquences qui en résulte sont mauvaises, c’est-à-dire ont une
conséquence négative en termes de bonheur.

C’est pour cela que la morale utilitariste est une morale conséquentialiste.

2) Pourquoi doit-on se soucier du bonheur du plus grand nombre ?

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Pourquoi, si je dois savoir quoi faire, si je me demande quoi faire, je dois réfléchir au
bonheur du plus grand nombre ?

Les idées générales qui supportent cette idée sont :


- Les intérêts sont potentiellement contradictoires,
- Les ressources sont limitées,
- Les individus sont égaux, ont une valeur équivalente (1=1).

Une première manière d’organiser les rapports sociaux serait de dire que c’est la force
qui doit prévaloir. Le plus fort a plus, le moins fort a moins.

Une approche morale des rapports sociaux tente au contraire de dépasser la logique du
rapport de force pour organiser la société selon des principes de justice.

(Force Vs Justice).

3) Qu’est-ce que le bonheur « du plus grand nombre » ?

« Faites le bilan ; si la balance penche du côté du plaisir, elle indiquera la bonne tendance
générale de l'acte, compte tenu du nombre total ou de la communauté des individus
concernés »

Le bilan total porte sur : « Le nombre total d’individu ».

C’est bien chaque individu qui doit être compté, chacun ayant la même valeur.

Chacun est équivalent à un autre. Un individu ne vaut pas plus qu’un autre.

Cette idée semble scandaleuse pour deux raisons :


1) Elle semble indiquer le sacrifice potentiel des individus, si ce sacrifice est compensé
par le bonheur d’un nombre d’individus plus grand. (Le sacrifice)

2) Elle semble indiquer le possible sacrifice de soi-même, au nom du bonheur des


autres. Elle semble d’une certaine manière trop altruiste. (L’altruisme radical).

En réalité, elle est cohérente avec le principe même de l’individualisme, qui affirme la
valeur de l’individu.

Le problème c’est que le confond souvent l’individualisme, comme doctrine libérale du droit
de l’individu, avec l’égoïsme ou avec la doctrine économique de la maximisation de son
intérêt individuel.

41
Ce qui est cohérent, pour le dire autrement, c’est que, si l’on accorde une valeur suprême à
l’individu, chaque individu doit avoir les mêmes droits en tant qu’individu. C’est-à-dire que
chaque individu est égal à un autre.

L’individualisme est une doctrine de l’égalité.

Le fait que l’on dise que chaque individu est égal ! fait de chaque individu un individu
équivalent aux autres du point de vue de sa valeur.

Il est « équivalent » et donc « interchangeable ». (Ce qui donne le problème du sacrifice ou de


l’altruisme radical).

Le problème est donc le suivant : pourquoi je dois me soucier du bonheur du plus grand


nombre ?

Car,
- Chaque individu a les mêmes droits,
- Donc le bonheur de chaque individu a la même valeur,
- Et donc on peut calculer la moralité de notre action en fonction des conséquences
sur le bonheur et le malheur des individus concernés.

4) Peut-on avoir plus que les autres ? La justification de l’inégalité ?

Je peux avoir plus que si les autres ont plus, dans l’ensemble.

Mais l’ensemble, il est calculé comme une somme du bonheur de chaque individu.

C’est-à-dire que la justification du fait d’avoir plus est basée sur une égalité entre les
individus.

Chaque individu est libre de rechercher le bonheur.

Mais dans « chaque individu », il y a à la fois la base individualiste libérale de la liberté !

et à la fois l’idée que chaque individu peut faire pareil (c’est-à-dire l’idée d’une égalité de
chaque individu).

PB : Le seule justification de l’inégalité, de la différence, de la liberté de faire ce que l’on


souhaite, est fondée sur l’idée d’une égalité entre les individus.

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Le libéralisme pose que les individus sont égaux. Et c’est parce qu’ils sont égaux, qu’ils
peuvent être également libres. Mais du coup, ce qu’ils font de leur liberté (devenir inégal)
est justifié par cette idée d’égalité, cette idée de valeur égale de l’individu.

Et donc la liberté a une limite ! c’est quoi cette limite ? Et bien c’est le fait que le bonheur du
plus grand nombre d’individus soit compatible avec mon action individuelle.

POUR CONTINUER LA REFLEXION.

« Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont
créés égaux ; ils sont dotés par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits
se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. »

Déclaration d’Indépendance des États-Unis, 4 juillet 1776

Si vous écraser quelqu’un, pouvez-vous l’écraser au nom de votre droit individuel à la


recherche du bonheur ?

Quand je dis que j’ai un droit individuel, Je dis que j’ai un droit en tant qu’individu. SI
je crois à ce que je dis, tout autre individu a aussi les mêmes droits que moi.

Et donc quand je viole les droits de l’autre individu au nom des droits de mon
individualité, je suis dans une contradiction.

En gros, quand j’écrase quelqu’un, je ne peux jamais l’écraser au nom du droit. Je


l’écrase toujours au nom de la force !

L’idée des droits individuels : c’est chaque individu a le droit de poursuivre le bonheur.

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Et donc ! si chaque individu, à égalité, à le droit de poursuivre le bonheur, je ne peux pas moi
tout seul dire que j’ai le droit de poursuivre le bonheur tout seul, rien que pour moi, même si
cela produit le malheur des autres.

Et quand je produis le malheur sur quelqu’un, quand je l’écrase, je ne peux pas le justifier au
nom de mon droit au bonheur ! puisque l’autre l’a aussi. On est égaux !

C’est pour ça que mon action elle a une limite. C’est pour ça que l’on ne peut pas maximiser
son bonheur sans se soucier des conséquences.

Soit tous les individus ont le même droit, soit personne n’en a.

Ainsi, mon droit à écraser l’autre est exactement son droit à m’écraser, et mon droit à ne pas
être écrasé est exactement son droit à ne pas être écrasé.

C’est-à-dire que ma liberté d’avoir plus est exactement le droit de l’autre à avoir plus, et mon
droit à ne pas avoir moins est exactement son droit à ne pas avoir moins.

C’est dire que l’égalité entre les individus est au fondement de la liberté de chacun à
rechercher son bonheur.

Autrement dit que l’égalité de chacun est impliquée, comme justification ultime, de
toutes les inégalités.

Problème :

- Les inégalités sont justifiées par…. L’égalité entre les individus…

- C’est parce que nous sommes égaux, que chacun a le droit égal à avoir plus, mais ce
droit est égal.

C’est pour cela que l’on doit prendre en compte les conséquences de nos actes sur les autres,
car les autres ont le même droit que moi à ne pas subir les conséquences négatives des actions
des autres.

Mais du coup comment justifier les inégalités ? Une inégalité peut-elle être juste ?

« Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 

Tout dépend comment on calcule alors l’utilité commune.

Si c’est l’utilité du plus grand nombre ?

44
Si c’est l’utilité de « l’ensemble » ?

Si c’est l’utilité associé à ce qui est commun, de ce qui contribue au Bien commun ?

PETITE REMARQUE

En économie aujourd’hui, le critère essentiel c’est, le rendement du capital.


(Return on capital employed. ROCE).

Est-ce à dire que l’utilité commune est le résultat du retour sur investissement du capital ?

La propriété privée illimitée des moyens de productions qui peut produire des
inégalités illimitées semble justifiée au nom de l’idée du droit de chacun à poursuivre son
bonheur, c’est-à-dire au nom du bonheur du plus grand nombre (disons au moins) au nom du
bonheur d’ensemble (résultat du PIB maximum produit, quel que soit sa répartition).

Sous-entendu le rendement du capital créé une société prospère dans son ensemble, et
toutes les inégalités qu’il implique son juste, car permettant un maximum de production
économique.
Que ce maximum de production économique ne profite qu’à une toute petite partie ne
pose pas problème, puisque 1) « plus de richesse c’est toujours mieux que moins ». Et 2)
« cette richesse va entrainer peu à peu la richesse des autres. »

Les points :
1) Plus de richesse c’est toujours mieux que moins.
2) Cette richesse va finir par entrainer peu à peu la richesse des autres.

Doivent être « prouvés » ?

Admettons qu’on puisse le prouver, qu’est-il devenu, de toutes façons, de la liberté de


« chaque » individu à poursuivre son bonheur, c’est-à-dire du droit individuel libéral qui
implique l’égalité des sujets de droits ?

45
HYPOTHESE 2 : LA LIBERTE COMME AUTONOMIE MORALE

REFERENCE 3 : Le devoir comme fondement de la morale universelle, selon


Emmanuel Kant, (1724-1804). Livre : Fondements de la métaphysique des
mœurs.

La morale Kantienne.

I) Petit résumé pour situer (voir à quoi s’oppose) la pensée


déontologique de Kant.

La morale kantienne est une morale de l’autonomie, auto-nomos, se donner à soi même sa
propre loi. Et la liberté est équivalente à la morale. Un être non-moral n’est pas libre, il est
déterminé par des passions, par con corps, par son être empirique, c’est à dire par son
expérience sensible.

1) Tout d’abord, il s’agit de comprendre que la loi morale qui me prescrit ce que je dois faire,
ne vient pas de Dieu. La morale n’a pas de fondement théologique, et la loi morale n’est pas
un commandement divin.

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2)Ensuite, il s’agit de comprendre, contre l’intellectualisme moral de Platon, que pour être
juste, pour être moral, pour bien agir, il n’est pas nécessaire de savoir, d’être intelligent, de
connaître les principes de la justice pour les appliquer à sa vie. Ce que je dois faire dans mon
action n’est pas le résultat d’une théorie, ou d’une activité théorique de la raison. Une
personne ignorante peut tout à fait être morale.

3) De même, il faut comprendre que la morale, ce que je dois faire, n’est pas déterminé par
la recherche du bonheur. Le but de la morale n’est pas le bonheur.

En effet, si l’on fondait la morale sur le bonheur :

a) On affirmerait implicitement que le bonheur c’est bien. Ou, autrement dit, que le
bonheur est le but de l’existence, la fin de l’existence, ce que l’on doit chercher. Mais c’est un
présupposé infondé. Pourquoi ne pas dire que le but de la moral c’est la liberté. Ou le
respect, ou l’amour ? Par ailleurs on affirmerait que le bonheur est un impératif, et qu’une
personne qui préfère autre chose que le bonheur est forcément immoral.

b) On affirmerait que le bonheur est un concept universel. 0n aurait un problème pour


définir ce qu’est le bonheur, qui semble très largement subjectif, et qui ne semble pas avoir
un contenu bien déterminé universellement. Selon Kant, le bonheur est un idéal de
l’imagination (cf. texte précédent).

c) On affirmerait que la morale n’est qu’un moyen (pour être heureux). Autrement dit, on
affirmerait que la morale est intéressée (fondée sur l’intéret individuel, en l’occurence, sa
recherche de bien être). On aurait un problème lorsqu’il y a conflit entre mon bonheur et
celui d’un autre. Il semble bien que, parfois, le bonheur des uns soit incompatible avec le
bonheur des autres, et il semble très difficile de fonder la morale, ce que je dois faire ou ne
pas faire, en fonction de moi. Plus précisément, en fonction de mon bien être personnel. La
morale n’est ce pas précisément savoir renoncer à ce qui est le mieux pour soi, à son bien
être, quand cela est juste ?On ferait dépendre la morale de mon intérêt personnel, or selon
Kant, la moral ne peut être que désintéressée. La morale s’oppose à la logique de l’intérêt.

d) On affirmerait que tout malheur est le résultat d’une faute morale et que tout bonheur
est une récompense d’une bonne conduite. On serait conduit à penser qu’une personne
heureuse est morale, et qu’une personne malheureuse est immorale (comme les anciens le
pensaient, lien analytique entre la vertu et le bonheur, l’un impliquerait l’autre). Or, on
observe très souvent le bonheur des vicieux et le malheur des justes. C’est toute la tragédie
de Job dans la Bible. Le vertueux peut être malheureux, et le vicieux peut être heureux. La
morale est d’un ordre hétérogène au bonheur. Kant parle de lien non pas analytique entre
vertu et bonheur mais d’un lien synthétique. C’est à dire que l’un n’implique pas l’autre. La
morale ne nous rend pas heureux, elle nous rend simplement « digne de l’être », selon la

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formule de Kant. La morale nous donne pas le bonheur, mais nous confère une dignité, et
l’on peut simplement espérer, que la morale et le bonheur aille ensemble, pas le chercher, ni
le vouloir (si vous le voulez, vous retomber dans la logique de d’intérêt).

e) On justifierait le sacrifice, c’est à dire qu’on affirmerait que le bonheur des uns, s’ils sont
plus nombreux, peut parfois justifier le malheur des autres. (Cf. vidéos Sandell : Le côté
moral du meurtre). Par opposition à l’utilitarisme qui vise à maximiser le bonheur du plus
grand nombre, Kant pense qu’aucun acte immoral (par exemple le meurtre, le mensonge, la
torture) ne peut devenir moral parce qu’il aurait des conséquences positives. La morale
Kantienne n’est pas une morale qui se demande, pour savoir si une action est bonne ou
mauvais, si les conséquences sont bonnes ou mauvaises. Ce n’est pas un conséquentialisme.
C’est une morale qui réfléchit à l’acte effectué lui même et en lui même.

→ La morale de Kant est une morale déontologique (du devoir) : c’est à dire une morale
de l’action et non des conséquences, du devoir et non de l’intérêt (dans le terme intérêt, on
vise la morale utilitariste qui réfléchit non pas à l’acte mais aux conséquences de l’acte point
de vue du maximum de bonheur produit).

EXERCICE DE LANCEMENT

Dans les Fondements de la métaphysique des mœurs, Kant prend l’exemple d’un épicier. Un
épicier face à un enfant dont il pense qu’il serait facile de le voler en lui faisant payer plus
cher le prix de ses achats.

Répondez aux 3 questions suivantes :

1) Si l’épicier décide de suivre son intérêt et d’arnaquer l’enfant, est-il moral ?

2) Imaginons que, finalement, l’épicier n’arnaque pas l’enfant, peut-on dire avec certitude
qu’il a agi moralement  ?

3) Si oui pourquoi ? Si, non, que faudrait-il pour être sûr qu’il ait été effectivement moral ?

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LECTURE DU TEXTE

« Etre bienfaisant, quand on le peut, est un devoir, et de plus il y a de certaines âmes si


portées à la sympathie, que même sans un autre motif de vanité ou d'intérêt elles éprouvent
une satisfaction intime à répandre la joie autour d'elles et qu'elles peuvent jouir du
contentement d'autrui en tant qu'il est leur oeuvre. Mais je prétends que dans ce cas une
telle action, si conforme au devoir, si aimable qu'elle soit, n'a pas cependant de valeur
morale véritable, qu'elle va de pair avec d'autres inclinations, avec l'ambition par exemple
qui, lorsqu'elle tombe heureusement sur ce qui est réellement en accord avec l'intérêt public
et le devoir, sur ce qui par conséquent est honorable, mérite louange et encouragement,
mais non respect ; car il manque à la maxime la valeur morale, c'est-à-dire que ces actions
soient faites, non par inclination, mais par devoir. Supposez donc que l'âme de ce
philanthrope soit assombrie par un de ces chagrins personnels qui étouffent toute sympathie
pour le sort d'autrui, qu'il ait toujours encore le pouvoir de faire du bien à d'autres
malheureux, mais qu'il ne soit pas touché de l'infortune des autres, étant trop absorbé par la
sienne propre, et que, dans ces conditions, tandis qu'aucune inclination ne l'y pousse plus, il
s'arrache néanmoins cette insensibilité mortelle et qu'il agisse, sans que ce soit sous

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l'influence d'une inclination, uniquement par devoir, alors seulement son action a une
véritable valeur morale. »
Fondements de la métaphysique des mœurs.

ANALYSE DE TEXTE
Si l’arnaque de l’épicier ou son intérêt à voler l’enfant est facilement condamnable du point
de vue moral, il est beaucoup plus difficile de comrpendre pourquoi des sentiments positifs,
la bienveillance, la sympathie, on dirait aujourd’hui l’empathie n’est pas moral.
Pour comprendre cela, il faut comprendre la conception que Kant se fait de l’homme et de la
liberté. Kant est d’accord avec Spinoza, sur le déterminisme absolu des affects. Sur le plan de
la vie affective, l’homme n’est pas libre, mais entièrement déterminé par des causes qui le
poussent à agir. Kant ne reprend pas l’image de la pierre, mais parle d’une « liberté de
tournebroche », c’est à dire un déterminisme qui ne fait que répondre à des impulsions
mécaniques.
Cependant, selon Kant, l’homme possède deux dimensions :
- sa dimension affective, qu’il appelle son « être empirique ». C’est notre vie en tant qu’elle
constitue notre expérience sensible ( de nos sens). En tant qu’être naturel, nous appartenons
à la nature, et comme tout être naturel, nous sommes déterminés. L’ensemble de notre vie
affective est à ce titre déterminée.
- sa dimension transcendantale. Transcendental signifie qui dépasse l’expérience sensible.
C’est nous mêmes mais en tant que l’on dépasse la simple vie naturelle et affective. Cette
dimension transcendantale de notre être est la condition de possibilité de notre accès à la
moralité et sera le lieu de notre liberté. Une liberté transcendantale, par laquelle, nous
pouvons, en dehors de la chaîne des causes et effets naturels, nous déterminer à agir, être
cause de notre propre action.
Revenons au texte, dès lors que nous sommes déterminés par un affect (qu’il soit positif,
l’empathie, ou négatif, l’avarice), nous agissons en réaction à l’ensemble des determinations
empiriques qui constituent notre vie sensible. Le « mobile » de nos actions dit kant (mobile
signifie la motivation, ce qui nous pousse à agir), lorqu’il est affectif, ne peut être dit libre.
Notre action est le résultat d’ « inclinations » affectives. Notre action est donc conditionnée !
Par un certain état de notre vie affective.
Mais quel est le problème ?
D’une part, nous ne sommes pas libre, et la morale sera au contraire la manière pour
l’homme de se libérer des inclinations affectives, en agissant par lui même, de manière
autonome.

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Mais surtout, d’autre part, puisque nous sommes conditionnés à agir, il suffit que les
conditions changent pour que l’on agisse d’une manière différente. Dans l’exemple du texte,
il suffit que celui qui éprouve d’abord de la sympathie, et qui agit moralement sur la base de
cette sympathie, se retrouve lui même dans une situation difficile, pour qu’il ne puisse plus
agir moralement comme il le faisait avant.
Ainsi, nous trouvons une caractéristique essentielle de la morale Kantienne :
Agir moralement implique de trouver un principe Inconditionnel, c’est à dire :
1) Inconditionnel au sens d’invariable, qui ne dépende pas des conditions dans lesquelles je
me trouve. Qui n’est pas conditionné par un certain état de ma vie affective. Ce n’est donc
pas les affects, qui sont des conditionnements extérieurs à mon action qui peuvent servir de
principe à la moralité.
2) Inconditionnel au sens de sans condition, de pur. Agir moralement implique d’agir
moralement, non pas d’agir en fonction de principes extérieurs à la morale.
→ En ce sens, toute motivation, tout mobile affectif qui rentre dans ma pensée (le bien, la
sympathie, l’intérêt, le bonheur) lorsque j’effectue une action, toute inclination empirique
me conduit à un acte non moral.
C’est ce que l’on peut concevoir être le « rigorisme », la rigeur de la morale kantienne. Aucun
sentiment, aucun affect, aucun intérêt ne peut être présent sous peine de nous faire tomber
en dehors de la moralité.
C’est ainsi que l’on parvient à une distinction capitale chez Kant :
- d’une part les actions simplement conformes au devoir. Ce sont les actions qui paraissent,
extérieurement, morales mais qui ne le sont pas, car elles ont été faites en suivant des
mobiles affectifs, c’est à dire d’autres principes que le principe du pur devoir.
- les actions effectuées par devoir, c’est à dire en suivant la seule loi morale, qui elle seules
sont morales.

Retour donc et corrigé de l’exercice sur l’épicier :


L’épicier qui n’a pas volé l’enfant a très bien pu faire une action conforme au dévoir et non
pas par devoir.
Par exemple, s’il a décidé de ne pas voler l’enfant en pensant aux conséquences de son vol.
Je ne le vole pas parce que cela aura des conséquences sur ma réputation.
Dans ce cas là, l’épicier aurait fait :
(1) un calcul d’intérêt,
(2) il se serait laissé déterminé par un mobile affectif – la réputation,

51
(3) il aurait adopté une logique conséquentialiste : je ne vole pas parce que cela a telle
conséquence, je ne fais pas x parce que y. C’est à dire que son action est conditionnelle (si y,
la mauvaise réputation, alors pas x, je ne vole pas).
Au contraire, si l’épicier a décidé de ne pas voler l’enfant par devoir, par pur respect de la loi
morale, alors il a été moral.
Je ne vole pas, pourquoi ? Parce que c’est mon devoir. Par pour d’autres raisons, qui
pourraient être mon calcul sur ma réputation, mon intérêt, ou mon amour des enfants.
Je ne fais pas x point.
→ On voit bien que la morale de Kant est une morale de l’intention, une morale de la
bonne volonté. Une actione est morale si l’intention est bonne. Et l’intention est bonne, si la
volonté est bonne.
On sait déjà que la volonté est bonne si elle n’est pas déterminée par des mobiles affectives
qui conditionneraient l’action.
2 questions cependant ?
Mais qu’est-ce qu’une bonne volonté ? Et si elle n’est pas déterminée par des mobiles, par
quoi peut elle être déterminée pour être morale ?
Réponse : par la loi morale qui se présente comme un impératif catégorique et se formule
comme un devoir : tu dois.

II Explication de la loi morale : le devoir, l’impératif catégorique.

Tout être raisonnable a en lui la loi morale. Cette loi morale se présente comme un devoir.
C’est à dire qu’elle s’impose à ma sensibilité. J’ai une envie, un intérêt, un souhait, mais j’ai
en même temps conscience d’un impératif qui m’indique, non pas de suivre ma sensibilité
mais mon devoir.

Comment qualifier ce devoir ?

52
1) Le devoir se présente sous la forme d’une loi pour mon action.
C’est à dire qu’elle est ce qui va réguler mon action. La loi morale est ce qui va donner son
orientation à mon action.
Et qui dit loi, dit universalité. Ce n’est pas une loi qui vaut pour une action et pas pour une
autre. C’est le principe à partir duquel je vais pouvoir ordonner toutes mes actions.

2) Cette loi se présente sous forme d’impératif. Cet impératif est un impératif catégorique.

Un impératif catégorique est un impératif inconditionnel, nous l’avons vu, c’est à dire qui ne
dépend pas des conséquences et ne varie pas en fonction des conditions.

Un impératif catégorique peut être formulé ainsi :


- Je fais x parce que je dois faire x.
- Je ne vole pas l’enfant parce que c’est ce que je dois.

Cet impératif s’oppose à ce qu’ Kant appelle un impératif hypothètique (qui vient
d’hypothèse, de condition) qui est de l’ordre de l’utilité et qui est un impératif conditionnel.
-Je fais x pour atteindre y.
x n’est qu’un moyen d’une fin qui lui est extérieure.
- Je ne vole pas l’enfant parce que je soigne ma réputation.

3) La loi morale est ce qui me rend libre. Même si elle est universelle, et qu’elle est la même
pour tous (chaque individu n’a pas sa propre loi) c’est l’individu lui même qui trouve en lui
cette loi qui lui indique son devoir. Il suit cette loi de manière auto-nome. Auto-nomos. Se
donner sa propre loi. La loi morale est bien la loi de sa volonté, la loi par laquelle il va guider
sa volonté.
Ainsi, c’est en suivant cette loi morale, que l’individu va pouvoir agir, non pas à partir des
déterminations empiriques qui le conditionnent, mais à partir d’une loi raisonnable présente
en lui même. En ce sens, la loi morale universelle est ce qui permet ma liberté.

Très bien, mais qu’est-ce que c’est mon devoir ? Je dois faire quoi ?

Il y a plusieurs formulations de l’impératif catégorique, voici la plus importante :

1)  Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps
qu’elle devienne une loi universelle. »

Cette formule est le coeur de la morale Kantienne. Une action est morale, si la « maxime » de
mon action, c’est à dire ce qui me pousse à agir, la règle de mon action puisse devenir une loi
universelle.

53
Je dois me demander si le principe selon lequel je fais ce que je fais peut être universaliser,
c’est à dire puisse devenir une loi, un principe universel.
Si oui, l’action est morale, si non, elle ne l’est pas.

Par exemple :

Imaginons que la maxime de mon action soit : « je peux mentir pour sauver une personne. »

Est-ce que cette maxime est universalisable ?

Réponse de Kant, non.

Car si on universalise le mensonge, et que le mensonge devient la règle. Que tout le monde
ment tout le temps. Que se passe t-il ?

Et bien si tout est mensonge, il n’y a plus de vérité. Et s’il n’y a plus de vérité, il n’y a plus de
mensonge. Dans ce cas là, le mensonge s’auto-détruit, c’est ce qu’on appelle une
contradiction logique : universalisez le mensonge et il n’y a plus de mensonge ! Quel sens
pourrait donc avoir une loi qui vise à universaliser le mensonge ?

Losque l’on universalise la maxime de notre action, si elle aboutit à une contradiction
logique, alors cette maxime ne peut être logiquement universaliser, c’est à dire devenir la
norme pour tout le monde, et c’est ainsi que l’on sait si l’on est moral, ou pas.

2) Autre formulation de l’impératif catégorique : «  Agis de façon telle que tu traites


l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps
comme fin, et jamais simplement comme moyen ».

C’est à dire que l’autre ne peut jamais être simplement utiliser comme instrument, comme
chose, comme moyen pour la réalisation d’une fin.
Cette formulation formule le principe de dignité inconditionnelle de la personne.

CONCLUSION SUR LA LIBERTE COMME AUTONOMIE MORALE

54
La liberté comme autonomie morale consiste à concevoir la liberté comme au-delà des
determinismes passionnels. Losque nous agissons en fonction de mobles sensibles, nous
sommes déterminés par autre chose que nous, et le chemin que prend notre volonté ne
dépend pas de notre volonté elle même. C’est ce que l’on appelle : l’hétéronomie. Hétéro-
autre, nomos – la loi.

Pour être auto-nome, il faut que l’individu raisonnable trouve en lui même sa propre loi pour
déterminer sa volonté. En tant qu’être raisonnable, l’individu a en lui une loi morale qui lui
indique comment déterminer sa volonté de manière inconditionnelle. Elle se présente ainsi
comme un devoir, un impératif catégorique et universel. Cette impératif catégorique formule
l’idée selon laquelle chaque être raisonnable doit se poser la question de savoir si sa volonté
pourrait devenir une loi universelle. Si la maxime de son action est universalisable, alors cet
être autonome est, dans son action, à la fois libre et moral.

ANNEXE SUR KANT.

55
KANT ET LA QUESTION DU BONHEUR

La morale ne consiste pas dans la recherche du bonheur du plus grand nombre !


Pourquoi ?
Tout le monde souhaite être heureux. Cependant, le bonheur ne peut pas être compris
comme le but de la vie. La fin de l’existence. Nous ne sommes pas faits pour être heureux !
Et être libre, ce n’est pas chercher le bonheur !

Tout le monde souhaite et vise le bonheur et pourtant, le bonheur n’est pas la fin de
l’homme. Comment expliquer ce paradoxe ?

Kant explique cette tension entre la recherche du bonheur d’une part et entre le fait que
le bonheur n’est pas notre destination ultime en affirmant que le bonheur n’est pas un idéal
de la raison, mais de l’imagination.

« Le concept du bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a
tout homme d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et
cohérents ce que véritablement il désire et il veut. La raison en est que tous les éléments qui
font partie du concept du bonheur sont dans leur ensemble empiriques, c’est-à-dire qu’ils
doivent être empruntés à l’expérience ; et que cependant, pour l’idée du bonheur, un tout
absolu, un maximum de bien-être dans mon état présent et dans toute ma condition future,
est nécessaire.
Or il est impossible qu’un être fini, si perspicace et en même temps si puissant
qu’on le suppose, se fasse un concept déterminé de ce qu’il veut ici véritablement. Veut-il
la richesse ? Que de soucis, que d’envie, que de pièges ne peut-il pas par là attirer sur sa tête
! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ? Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner
un regard plus pénétrant pour lui représenter d’une manière d’autant plus terrible les maux
qui jusqu’à présent se dérobent encore à sa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien que
charger de plus de besoins encore ses désirs qu’il a déjà bien assez de peine à satisfaire.
Veut-il une longue vie ? Qui lui répond que ce ne serait pas une longue souffrance ? Veut-il
du moins la santé ? Que de fois l’indisposition du corps a détourné d’excès où aurait fait
tomber une santé parfaite, etc. !
Bref, il est incapable de déterminer avec une entière certitude d’après quelque
principe ce qui le rendrait véritablement heureux : pour cela il lui faudrait l’omniscience […].
Le bonheur d’un être raisonnable est un problème tout à fait insoluble ; il n’y a donc pas à
cet égard d’impératif qui puisse commander, au sens strict du mot, de faire ce qui rend
heureux, parce que le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l’imagination, fondé
uniquement sur des principes empiriques, dont on attendrait vainement qu’ils puissent
déterminer une action par laquelle serait atteinte la totalité d’une série de conséquences
en réalité infinie… »

56
Emmanuel Kant : Fondements de la métaphysique des mœurs

ANALYSE DU TEXTE :

Dire que le bonheur est un « idéal de l’imagination » signifie que :

1) Le bonheur n’est pas l’objet d’une connaissance rationnelle.

On ne peut le définir rationnellement, en donner un concept déterminé (il n’y a pas


d’équation mathématique, de formule ou de recette précise du bonheur). En ce sens le
bonheur est un concept indéterminé.
Si on ne peut connaitre le bonheur, on ne peut pas savoir ce qu’il faut faire a priori pour
l’obtenir. On ne peut déduire de l’idée indéterminée que nous nous faisons du bonheur une
manière d’agir, un mode de conduite

2) (Étant donné que nous n’en avons pas une idée déterminée). Nous imaginons ce que
pourrait être le bonheur.

En l’absence d’une connaissance rationnelle du bonheur, c’est à dire d’une idée précise et
déterminée, nous faisons des tentatives imaginaires pour lui donner un contenu. A partir de
mes expériences de satisfaction, particulières et personnelles, je vais imaginer ce que serait
une satisfaction totale que j’appelle bonheur. Le bonheur c'est cette satisfaction absolue que
j'imagine à partir des satisfactions particulières dont je fais l'expérience.

3) Cette imagination du bonheur est toujours l’imagination d’un idéal !

En effet, nous avons une idée absolue de bonheur comme satisfaction absolue, maximum
de bien-être. Et dans la vie réelle, aucune expérience possible ne peut correspondre à cette
idée.
Imaginer ce qu’est le bonheur, c’est essayer de donner une réalité, une image à l’idée que
l’on se fait du bonheur. Mais, l’image que chacun de nous nous faisons du bonheur dépasse
toujours la réalité. Le bonheur imaginaire ou imaginé n’est par définition pas réel. Il est
justement un idéal que l’on cherche à atteindre.

4) Cet idéal de l’imagination est un idéal empirique, c’est à dire personnel et subjectif.

Le bonheur est l’objet d’expérimentations subjectives multiples à partir de tentatives


infinies et indéfinies d’imaginer ce que serait le bonheur.

57
Ainsi, on ne peut que tâtonner pour chercher à l’obtenir, suivre les conseils, les préceptes
de sagesse, l’expérimenter. Le bonheur est donc un concept empirique, c’est-à-dire que
c’est l’expérience personnelle qui va donner une forme, un contenu, une représentation. Et
c’est en fonction de notre expérience des satisfactions agréables que chacun va imaginer le
bonheur différemment.

RECAPITULATIF SUR CE TEXTE DE KANT.

Le bonheur est difficile à atteindre car :


- Il n’y a aucune idée déterminée du bonheur. N’ayant aucune connaissance
déterminée du bonheur, je ne sais pas comment l’atteindre.

- En l’absence d’idée déterminée de bonheur, je l’imagine. Mais la représentation


imaginaire que je me fais du bonheur n’a pas de correspondance réelle. J’imagine un
bonheur imaginaire qui par définition, ne correspond pas à la réalité que je peux
expérimenter.

Pour ces 2 raisons, le bonheur n’est pas la fin, le but de l’humanité :

Dire que tout le monde veut être heureux, signifie que le bonheur est une fin générale de
l'humanité.

Mais comme cette fin est un idéal de l’imagination, cette fin n’est pas la fin universelle
de l’homme, celle qui permet de déterminer son action à partir d’un principe universel.

La recherche du bonheur permet d’expérimenter individuellement ce qui nous est


agréable, mais ne saurait nous guider universellement pour déterminer précisément ce
que nous devons faire ou ne devons pas faire.

La recherche du bonheur ne peut défini comme la fin universelle de l’homme, puisque ce


but est indéterminé et ne permettrait pas de déterminer universellement son action.

Ainsi, la liberté devra être définie par autre chose que la recherche du bonheur… par la
loi morale.

58
PARTIE IV : LE DESIR ET LE CORPS COMME
PUISSANCE

HYPOTHESE 1 : LE CORPS COMME AFFIRMATION

REFERENCE 1 : La volonté de puissance, selon Nietzsche (1844-1900), Ainsi parlait


Zarathoustra.

« DES CONTEMPTEURS DU CORPS.

C’est aux contempteurs du corps que je veux dire leur fait. Ils ne doivent pas changer de
méthode d’enseignement, mais seulement dire adieu à leur propre corps — et ainsi devenir
muets.
« Je suis corps et âme » — ainsi parle l’enfant. Et pourquoi ne parlerait-on pas comme les
enfants ?
Mais celui qui est éveillé et conscient dit : Je suis corps tout entier et rien autre chose ; l’âme
n’est qu’un mot pour une parcelle du corps.
Le corps est un grand système de raison, une multiplicité avec un seul sens, une guerre et
une paix, un troupeau et un berger.
Instrument de ton corps, telle est aussi ta petite raison que tu appelles esprit, mon frère,
petit instrument et petit jouet de ta grande raison.
Tu dis « moi » et tu es fier de ce mot. Mais ce qui est plus grand, c’est — ce à quoi tu ne veux
pas croire — ton corps et son grand système de raison : il ne dit pas moi, mais il est moi.
Ce que les sens éprouvent, ce que reconnaît l’esprit, n’a jamais de fin en soi. Mais les sens et
l’esprit voudraient te convaincre qu’ils sont la fin de toute chose : tellement ils sont vains.

59
Les sens et l’esprit ne sont qu’instruments et jouets : derrière eux se trouve encore le soi. Le
soi, lui aussi, cherche avec les yeux des sens et il écoute avec les oreilles de l’esprit.
Toujours le soi écoute et cherche : il compare, soumet, conquiert et détruit. Il règne, et
domine aussi le moi.
Derrière tes sentiments et tes pensées, mon frère, se tient un maître plus puissant, un sage
inconnu — il s’appelle soi. Il habite ton corps, il est ton corps.
Il y a plus de raison dans ton corps que dans ta meilleure sagesse. Et qui donc sait pourquoi
ton corps a précisément besoin de ta meilleure sagesse ?
Ton soi rit de ton moi et de ses cabrioles. « Que me sont ces bonds et ces vols de la pensée ?
dit-il. Un détour vers mon but. Je suis la lisière du moi et le souffleur de ses idées. »
Le soi dit au moi : « Éprouve des douleurs ! » Et le moi souffre et réfléchit à ne plus souffrir —
et c’est à cette fin qu’il doit penser.
Le soi dit au moi : « Éprouve des joies ! » Alors le moi se réjouit et songe à se réjouir souvent
encore — et c’est à cette fin qu’il doit penser.
Je veux dire un mot aux contempteurs du corps. Qu’ils méprisent, c’est ce qui fait leur
estime. Qu’est-ce qui créa l’estime et le mépris et la valeur et la volonté ?
Le soi créateur créa, pour lui-même, l’estime et le mépris, la joie et la peine. Le corps
créateur créa pour lui-même l’esprit comme une main de sa volonté.
Même dans votre folie et dans votre mépris, vous servez votre soi, vous autres contempteurs
du corps. Je vous le dis : votre soi lui-même veut mourir et se détourner de la vie.
Il n’est plus capable de faire ce qu’il préférerait : — créer au-dessus de lui-même. Voilà son
désir préféré, voilà toute son ardeur.
Mais il est trop tard pour cela : — ainsi votre soi veut disparaître, ô contempteurs du corps.
Votre soi veut disparaître, c’est pourquoi vous êtes devenus contempteurs du corps ! Car
vous ne pouvez plus créer au-dessus de vous.
C’est pourquoi vous en voulez à la vie et à la terre. Une envie inconsciente est dans le regard
louche de votre mépris.
Je ne marche pas sur votre chemin, contempteurs du corps ! Vous n’êtes point pour moi des
ponts vers le Surhumain ! —
Ainsi parlait Zarathoustra. »

60
Petit point sur la pensée de Nietzsche et quelques éléments d’explication de texte qui est
magnifique.

Nietzsche est un penseur qui critique la morale, qui critique notre croyance à la morale, qui
critique la dévalorisation du corps, des passions, du désir au nom d’idéaux moraux.

Ces idéaux moraux ne sont pas ou plus au service de la vie. Au contraire, ils se sont retournés
contre la vie pour la condamner. Cette vie « d’ici bas », comme s’il y en avait « une autre »,
serait vile, insuffisante, imparfaite. L’être humain porterait en lui la faute, le mal et le péché.

Les philosophes et les prêtres ont inventé un monde parfait, et des Idées pures, pour
condamner ce monde-ci. Notre monde serait une simple apparence déchue d’un monde
parfait et idéal. Et la vie sur terre serait celle du pardon et du rachat, de la souffrance et de la
mortification du corps, l’homme étant coupable de son propre désir.

Les moralistes et les métaphysiciens ont donc inventé des valeurs. En disant qu’une vie qui a
de la valeur est une vie qui respecte ces valeurs. Que la « vraie vie » serait une vie « Bonne »,
et que le bien impliquait de critiquer le corps, la liberté et la force.

Mais ce faisant, en inventant des valeurs qui permettent de juger la vie, dans la position de
surplomb du juge qui juge la vie, ils ont rendu la vie coupable. Croyant indiquer les
« valeurs » de la vie, croyant donner un idéal pour la vie, ils ont dévalorisé la vie au nom d’un
idéal.

Nietzsche commence donc par affirmer que ceux qui ont inventé des valeurs contre la vie,
n’ont pas été courageux, sages et braves, mais, au contraire, ont exprimé leur propre
manière de voir la vie. Les valeurs qu’ils ont créé ne sont que les résultats de la force de leur
propre vie, une vie affaiblie et qui a perdu le goût de vivre. Ne faut-il pas avoir perdu le goût
de vivre pour affirmer que la « vraie vie », « la vie véritable » est une vie de renonciation à la
vie ?

Ceux qui ont inventé la morale sont ceux qui n’avait plus de puissance de vivre. Ils ont glorifié
une vie qui renonçait à sa propre puissance parce qu’ils avaient eux même renoncé à leur
propre puissance.

L’approche de Nietzsche est, dit-on, une approche « symptomale » de la morale. Comme


dans le symptôme d’une maladie, par exemple un éternuement, le médecin peut en déduire
que le patient est atteint d’un rhume. Et bien nous prendrons les « valeurs morales » comme
des symptôme, et nous essaierons de voir qu’elle en est la cause (ici, non pas le rhume, mais
une vie saine et forte ou une vie affaiblie et malade?).

61
La question de Nietzsche est la suivante : quel type de vie se cache derrière telle ou telle
valeur ?

Quel type de vie cela doit être pour qu’elle se manifeste à travers telle ou telle valeur ?

Est-ce une vie affirmative, qui voit sa volonté comme une puissance, qui voit la vie comme
une puissance de création ?

Est-ce une vie au contraire, réactive et résignée, qui voit la vie comme un excès qu’il faudrait
réfréner, discipliner et interdire ?

C’est ce qu’on appelle la question de la valeur des valeurs ?

Quelle est la valeur de nos valeurs ?

Cette question est simple :

Elle veut juste dire : que valent-elles ? Que valorisent t-elles ? Ces valeurs. Comment
voient-elles la vie et ce qui a de la valeur dans la vie ?

Ou autrement dit, quelle puissance de vie est à l’origine de telle ou telle valeur ? Est-ce une
vie active ? Est-ce une vie passive ? Est-ce une vie affirmative ? Est-ce une vie réactive ?

Et en comprenant le type de vie qui se cache derrière les valeurs, on peut apprendre ce
qu’elles valent vraiment ! A savoir, pas grand choses dit Nietzsche, elles sont les symboles
d’une vie qui déprécient la vie, qui la refuse.

Ainsi Nietzsche entreprend de faire de la philosophie à « coup de marteau », pour détruire


les anciennes idoles, les arrières mondes, les concepts tout fait, les idées pures, Le Bien, Le
Mal, La Conscience, pour ramener la pensée à ses origines souterraines. Faire de la
« philosophie à coup de marteau » c’est détruire les anciennes idoles pour retrouver la
puissance affirmative de la vie, qui invente et qui crée.

Pour notre texte. On va voir la critique adressée par Nietzsche aux concepts de conscience,
ou d’esprit pur. Et voir apparaître une nouvelle conception du corps.

Mais avant cela, puisque je suis lancé, je fais un petit détour qui nous ramènera très vite à ce
concept de corps comme puissance de création.

62
Tout d’abord, ce texte est une critique de l’idée de libre-arbitre. Si vous croyez que c’est votre
esprit qui décide et que vous avez une volonté, comme ça, une faculté abstraite qui peut,
toute seule et par elle même, vouloir A plutôt que B, c’est que vous avez une sacrée illusion
sur ce que c’est que vivre !

Non, la vie est une force d’affirmation, elle est celle de l’instinct et de la création.
Vous savez quoi, dit Nietzsche, en réalité, je vous le dis en cachette, le « libre-arbitre » est
une invention des théologiens et des philosophes.

Il nous ont dit que l’on pouvait faire A plutôt que B, parce que comme ça, ils créaient la
possibilité de nous condamner !

Le libre arbitre est l’invention de celui qui veut juger et punir !

En effet, si vous avez la possibilité de ne faire que A. Personne ne pourra vous le reprocher !

Quelle est la condition unique et suffisante pour pouvoir reprocher à quelqu’un ce qu’il fait ?

Il faut qu’il ait la possibilité de faire autre chose !

Je ne reproche pas au lion de manger une girafe. Pourquoi ? Parce qu’il pouvait rien faire
d’autre. C’était inscrit dans sa nature.

Et bien pour les humains, c’est identique. Nous ne pouvons pas faire autre chose que ce qui
est affirmé par ce que nous sommes.

Mais alors nous ne pouvons pas être condamnés ?

Réponse non.

Mais pourquoi ai-je l’impression que ma nature est condamnable ?

Réponse : parce que les théologiens et les philosophes ont inventé le libre-arbitre et c’est
comme cela que nous sommes devenus condamnables. Le libre arbitre est un prétexte à la
culpabilité, c’est-à-dire est la justification du pouvoir de ceux qui nous dominent en nous
culpabilisant.

Objection : Est-ce à dire qu’il ne faut pas de valeur ? Et que personne n’est bon ou mauvais ?

63
Réponse : En un sens oui, mais c’est surtout que la grille de valeur actuelle, notre morale est
désespérante et classe les gens en fonction de leur renoncement à la vie. Il faut inventer de
nouvelles valeurs di Nietzsche, des valeurs qui valorisent la vie et sa puissance créatrice.

Alors nous pourrons classer qui sont les « bons » ou les « mauvais ».

Comment ? En fonction non pas de leur détestation de la vie mais de l’amour de la vie. De
l’amour du destin : Amor Fati.

2ème point :

Nietzsche ne critique pas seulement le libre arbitre, mais, en réalité, tout le « sujet » humain,
en tout cas la compréhension de l’homme comme un « sujet ».

Vous voyez bien que ce mot « sujet ». Dire que les être humains sont des « sujets », ça
commence mal.

A l’intérieur, il y a l’idée que je suis assujetti, c’est à dire soumis. On dit un souverain, un roi,
et ses sujets.

Ensuite il y a l’idée que je suis un « individu », bref un petit atome seul et indépendant, quoi
on m’a divisé pour me localiser et m’identifié. Mon identité est restreinte à mon tout petit
« moi ». Et ci celui- là décide de faire une bêtise : oust ! en prison. Donc ici, y a l’idée de sujet
individuel mais sujet de droit aussi. Je suis titulaire de droit… et de devoirs ! Bref, je suis
responsable de mes actes et on va me dire souvent que ce que je fais j’en suis coupable et
que ce que je fais n’est pas bien..

Ils ont inventé la culpabilité sans inventer la responsabilité, car la responsabilité c’est déjà ne
plus être soumis au pouvoir de l’autre qui nous culpabilise.

Enfin, il y a l’idée en latin de sub-jectum, c’est à dire de « quelque chose en dessous », en


gros il y aurait ma vie concrète, réelle, mais en dessous, une truc permanent, qui reste là
(une âme, un esprit) qui ne change pas et qui serait mon « vrai moi ». Bref, avec l’idée qu’il y
a un truc en dessous, on me divise en 2. L’apparence et l’essence, le corps et l’esprit, mon
désir et ma raison.

Merci, déjà je suis soumis (1) ensuite je suis individualisé/culpabilisé/isolé (2) et ensuite je
suis divisé en 2 !

Ou alors est-ce l’inverse, c’est parce que je suis divisé en 2 et individualisé que je peux être
soumis ?

64
En fait, cela va ensemble et tous ses aspects se répondent et s’entre-impliquent.

Dans la Généalogie de la morale, Nietzsche prend l’exemple d’un éclair.

Vous voyez un éclair ? Ce truc là fait d’énergie ou de lumière qui zèbre la nuit pendant les
orages ou les tempêtes et qui quand il tombe au sol, électrifie la terre et éclate le ciel par un
grondement de tonnerre ? Bon, un éclair.

Et bien demande Nietzsche ? Qu’est ce qu’il peut faire d’autre l’éclair que de luire (luire c’est
le fait de faire de la lumière) ? Est-ce qu’il peut ne pas luire ? Est-ce qu’on peut séparer d’un
côté l’éclair, et de l’autre côté l’action de luire ? Qu’est ce que ça serait un éclair sans
lumière ? Et qu’est ce qui pourrait produire ce genre de lumière si ce n’est pas un éclair ?

C’est impossible, en fait il n’y a pas 2 choses, mais 1.

Le problème c’est que le langage sépare tout !

On écrit : l’éclair luit. Sujet de la phrase + verbe. Comme on dit Mathieu mange à table. Sujet
+ Verbe.

Et le sujet il est différent du verbe. C’est 2 choses.

Et bien tant que nous n’aurons pas renoncé aux illusions du langage ! Qui découpent note
être et notre faire, notre sujet et notre action en 2 choses séparées, et bien nous serons
toujours séparé de notre capacité d’action. Pourquoi ? Parce qu’on croit qu’elle est extérieure
à nous !

Il faut renoncer aux illusions de la grammaire et du langage pour nous défaire des fausses
images des théologiens et des philosophes qui nous font croire que nous sommes des sujets,
que l’on a mal agi et qu’on aurait pu faire autrement, et nous font vivre des vies contraintes
et affaiblies.

Je ne suis pas autre chose que mon corps,


Je ne suis pas autre chose qu’une force,
Je ne suis pas.. « Je » avec à côté « suis »,
Je suis entièrement moi même dans l’affirmation de ma propre puissance créatrice, créatrice
de nouvelle valeurs qui n’affaiblissent pas la vie mais en aiment le destin.

C’est un peu ce que dit Zarathoustra.

65
Fin du petit détour, et voyez que l’on peut maintenant facilement comprendre ce qu’est le
corps ! Et les contempteurs du corps, c’est à dire ceux qui le critiquent.
(relisez le texte si vous en êtes là peut être).

Le corps est un champ de bataille. Il est une multiplicité, non pas 1 mais des millions. Il est un
rapport de force entre l’infinité de mes amours, tendances, créations, images, impressions,
désir, espoir, tristesse, amitié. Il est mon « soi » profond. Celui qui s’exprime derrière toutes
ma mauvaise conscience, ma fausse conscience de moi même, recouvert que j’ai été d’un
« ego » fantoche, une création de papier que j’appelle « ma personnalité », ma petite
existence, ma petite identité moyenne et stéréotypée.

Le corps est celui qui est tout ce que je suis et par lequel s’affirme la création de nouvelles
valeurs.
Ou alors, je peux me détacher de nouveau de lui, ne plus faire un avec sa volonté
d’affirmation, sa puissance de s’élever au dessus de lui même, et retournée à une vie
résignée et retournée contre elle même.

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