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arsenal juridique
Nada ES-SALLAK, Architecte, Urbaniste, Professeur à l’École Nationale
d’Architecture de Fès
Résumé :
Abstract :
The desire to organize urban space and control its evolution has resulted in the
implementation of several legal texts since the colonial period, which has made
the field of urban planning in Morocco highly regulated. However, the proven
complexity of this arsenal, due to the cumbersome and rigorous procedures, has
prompted the central government to periodically introduce flexibility measures.
Keywords: planning, management, urban, legal texts, procedures, constraints, etc.
Introduction
Le dispositif juridique en matière d’urbanisme au Maroc a connu durant la
période post coloniale plusieurs réformes et changements qui visaient
essentiellement la maîtrise et la structuration du milieu urbain et l’amélioration de
sa gestion en termes d’outils et de comportement de l’administration chargée de
son application. Cette situation a fait que le domaine de l’urbanisme se trouve
actuellement largement réglementé. Cela étant, le processus et l’exercice de
planification et de la gestion urbaines, tels qu’ils sont adoptés par le système
administratif marocain, révèlent de nombreuses difficultés, d’ordre juridique (ex.
la rigidité des contenus des lois, ou le cas échéant, l’absence de textes),
technique (ex. la centralisation de l’approbation et la longueur des périodes de
validité des documents d’urbanisme et la multiplicité des intervenants sans une
119
répartition claire de leurs responsabilités) et financier (ex. la faiblesse des
financements octroyés).
En réalité, comme la règle est par définition le fait d’assujettir strictement les
hommes et les activités à des règlements bien précis, on voulait introduire la
dérogation en urbanisme, comme étant l’exception apportée à la règle en la
matière, afin de former un dispositif souple et efficace de prise de décision en
termes de gestion urbaine où la règle et la non règle se complètent. Néanmoins,
le problème ne réside pas dans les procédures administratives de sa mise en
place de cette procédure dérogatoire, mais il est surtout présent dans les
modalités de son application, du fait qu’elle demeure une décision qui dépend
de l’avis d’un groupe restreint d’acteurs et qui n’est directement soumise à
aucune loi ; en faisant d’elle une mesure assez complexe de redistribution des
pouvoirs entre l’État central et les acteurs locaux, dans une transition de
l’urbanisme autoritaire à une gouvernance urbaine discrétionnaire, « une sorte
de théâtralité opaque, où se jouent à la fois des accords formels et des
arrangements parallèles»? (GAUDIN, 1999 : 38)
120
I. L’Analyse juridique de la planification urbaine au Maroc
- De 1912 à 1946 :
1 Hubert Lyautey (présent au Maroc de 1907 à 1925) fut le premier résident général du protectorat français au Maroc de 1912
à 1925.
121
- La loi du 27 janvier 1931, autorisant l’établissement de plans
d’aménagement pour les centres et les banlieues des villes. Cette loi
définit « le périmètre urbain »2 par l'établissement de plans
d'aménagement pour les centres et les banlieues des villes, ce qui a
permis à l’administration de contrôler les constructions isolées et les
groupes de constructions bâtis dans les environs des villes ;
- Le dahir du 20 Safar 1352 (14 juin 1933), relatif aux lotissements qui
seront, soumis à une autorisation administrative à l’intérieur du périmètre
des villes comme dans les banlieues et dans les zones rurales. Ce dahir
soumet les villes nouvellement créées à des normes inspirées de la
réglementation en vigueur en Europe ;
- Le dahir du 1er Rebia II 1357 (31 Mai 1938) sur les associations
syndicales de propriétaires de lotissements (B.O. 26 août 1938). Ce dahir
tend, d’une part, à régler des conditions dans lesquelles les lotissements
seront entretenus et à offrir aux intéressés la possibilité de constituer
volontairement des associations syndicales à cette fin ; et d’autre part, il
vise à fixer les conditions dans lesquelles pourront être redressés les
lotissements défectueux, conformément aux dispositions prévues au dahir
du 14 juin 1933. A cet effet, il a donné à l'Administration le pouvoir de
faire exécuter d'office tous travaux nécessaires pour assurer
l'assainissement et la viabilité des lotissements et a posé le principe
d'associations syndicales créées en vue de pourvoir, le cas échéant, à
l'exécution desdits travaux.
- Le dahir du 10 Joumada I 1357 (8 Juillet 1938) relatif à l'assainissement
des villes et des centres urbains (B.O. 15 juillet 1938). Ce texte rend
indispensable la destruction des quartiers insalubres et des "bidonvilles",
dépourvus de toute viabilité et, d'une façon générale, de tous
aménagements reconnus indispensables à l'hygiène. Il prévoit également
d'éviter la création de nouvelles agglomérations de ce type, d'empêcher
l'extension de celles déjà existantes et de réglementer la construction
ainsi que l'aménagement des groupes d'habitations en matériaux légers.
- De 1946 à 1953 :
122
ans de protectorat. Ce texte englobe les banlieues, les zones
périphériques, les centres délimités et les groupements d’urbanisme, afin
de maîtriser l’urbanisation spontanée.
- Dahir du 20 Moharrem 1373 (30 septembre 1953) relatif aux lotissements
et morcellements (BO 13 novembre 1953). Ce texte tend à prévenir
l’habitat clandestin, à définir juridiquement le lotissement et le
morcellement, à imposer le respect de cette réglementation pour les
promoteurs et à arrêter la spéculation anarchique ainsi que les opérations
de lotissements non autorisées, qui dans l’irrespect des règles et
documents d’urbanisme, risquaient durant cette période de détériorer les
terres agricoles.
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attractifs ruraux et l’orientation de leurs extensions ; et d’un autre côté, le
contrôle de l’urbanisation de ces agglomérations rurales par l’instauration de
l’obligation des autorisations de construire et de lotir.
- Du dahir portant loi n° 1-84-17 du 21 Rebia II 1404 (25 Janvier 1984), relatif
au schéma directeur d'aménagement urbain du Grand Casablanca (B.O. 1er
février 1984) et du Dahir portant loi n° 1-84-188 du 13 Moharrem 1405 (9
Octobre 1984), relatif à l'Agence urbaine de Casablanca (B.O. 5 décembre
1984). L’apparition de ces textes vient suite aux mutations politiques et
organisationnelles qu’a connues le Maroc dans les années 1970 3. Cette
conjoncture avait poussé l’État à changer sa stratégique dans le domaine de
l’urbanisme et de l’habitat et à faire appel au secteur privé dans la production
et la réalisation des programmes de logements, pour contrer les pressions
exercées par les couches pauvres et moyennes et leurs luttes contre la
précarité de leurs conditions de vie.
Par ailleurs, après les émeutes de Casablanca, en 1981 et en 1984, le souci
sécuritaire va primer au niveau des politiques publiques. Ainsi, une gestion
dominée par la réglementation et la volonté de tout contrôler sera à l’origine
de la fragmentation du pouvoir de décision par la création de plusieurs
préfectures à l’intérieur d’une même ville. Cette politique sera renforcée par
la légation de l’urbanisme au ministère de l’Intérieur entre 1985 et 1998.
- Du dahir n°1-92-31 du 15 Hija 1412 (17 juin 1992), portant loi n°12-90,
relative à l’urbanisme (B.O. 15 juillet 1992). En effet, quarante ans après la
loi de 1952, cette loi4 tente de revitaliser le domaine de l’urbanisme, en se
basant principalement sur :
- La définition des différents documents d’urbanisme en les hiérarchisant
(Schéma Directeur d’Aménagement Urbain) SDAU, Plan de Zonage
(PZ), Plan d’Aménagement (PA), arrêtés d’alignement, permis de
construire) et des règlements de construction ainsi que des sanctions
pénales,
- L’amélioration et l’accélération des procédures d’instruction, de
consultation et d’approbation des documents d’urbanisme pour qu’ils
deviennent opposables et davantage opérationnels.
3 Il s’agit particulièrement de : 1- L’affaire du Sahara et notamment l’organisation de la marche verte le 6 novembre 1975, à
travers laquelle, le Maroc a pu récupérer le territoire du Sahara occidental ; et 2- L’apparition d’une nouvelle charte
communale par le Dahir portant loi n° 1-76-583 (30 Septembre 1976) (5 Chaoual 1396) relatif à l'organisation communale
(B.O. 1er octobre 1976). Ce dahir vient confirmer la déconcentration et apporte de nouveaux rôles et responsabilités pour
les présidents des communes.
4 Composée de 93 articles et d’un décret d’application (n° 2-92-832 du 14 octobre 1993, B.O. n°4225 du 20 octobre 1993)
divisé en 43 articles.
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apporte de nouvelles dispositions dans la législation marocaine. Elle
introduit:
- La notion de hiérarchisation des documents d’urbanisme, dans le sens où
le plan de zonage et le plan d’aménagement respectent les dispositions du
Schéma Directeur d’Aménagement Urbain (S.D.A.U.), relatives aux
zones nouvelles d’urbanisation et à la destination générale du sol ;
- La possibilité pour les plans d’aménagement de prévoir l’ouverture à
l’urbanisation des zones d’extension selon un échéancier déterminé
(court, moyen et long terme) ainsi que la désignation des périmètres des
secteurs à restructurer ou à rénover ;
- La possibilité pour les S.D.A.U. et les plans d’aménagement de prévoir
des zones qui obéiront à un régime juridique particulier. Par cette
disposition, le législateur vise de grandes opérations d’aménagement et
d’urbanisme qui feront l’objet, à titre d’exemple, d’un aménagement
concerté ;
- La réduction de la durée de validité des effets des plans d’aménagement,
dans un souci de réalisme, de 20 à 10 ans non prorogeable pour la voirie,
les espaces verts et les équipements publics ;
- Quant au décret d’application de la loi, il prévoit de manière précise, les
procédures d’élaboration, d’étude, de consultation, d’approbation et de
mise en œuvre des différents documents d’urbanisme. Il introduit, par
ailleurs, la notion de suivi de ces documents.
Concomitamment à cette loi, la loi n° 25-90 a été adoptée. Cette dernière est
relative aux lotissements, groupes d’habitations et morcellements (B.O. du 15
juillet 1992), elle fut promulguée par le dahir n° 1-92-7 du 15 Hija 1412 (17
juin 1992).
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Il y a eu également l’introduction du décret n°2-13-424 du 13 Rejeb 1434 (24
mai 2013) apparu dans le bulletin officiel n°6172 du 23 Ramadan (1 er Aout
2013). Ce dernier approuve le règlement général de construction fixant la forme
et les conditions de délivrance des autorisations et des pièces exigibles en
application de la législation5 relative à l’urbanisme et aux lotissements, groupes
d’habitations et morcellement.
5 Il s’agit en particulier de :
- La loi n°12-90 relative à l’urbanisme, promulguée par le dahir n°1-92-31 du 15 Hijja 1412 (17 juin 1992), notamment :
l’article 59 et l’article 60.
- La loi n° 25-90 relative aux lotissements, groupes d’habitations et morcellements, promulguée par le dahir n° 1-92-7 du
15 Hijja 1412 (17 juin 1992).
6 Selon les études réalisées par le Haut-Commissariat au plan, le taux d’analphabétisme au Maroc (tout genre confondu :
Masculin et féminin de 10 ans et plus), montrent qu’en 1982 il était de 65%, en 1994 de 55% et en 2004 de 43%. Étude
publiée sur le site officiel du HCP.
7 Articles 13 à 15 de la loi 25-90.
8 Article 7 de la loi 25-90.
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- L’obligation d’immatriculation9 du terrain objet d’une demande de lotir.
Cette condition s’avère relativement contraignante, étant donné que le
taux des terrains immatriculés reste modeste, ne dépassant pas jusqu’à
2011 les 14% de la superficie totale du pays 10 (en milieu urbain et rural)
11
; et que la procédure d’immatriculation prend souvent des années.
Cet exemple nous amène à parler d’une autre entrave à la planification urbaine
nationale, celle relative à la capacité des politiques foncières mises en place à
contrer les problèmes du foncier marocain. Il s’agit, principalement, de la
multiplicité des régimes juridiques et de la complexité de la procédure
d’expropriation12, qui s’avère surtout nécessaire pour la réalisation des
équipements prévus par les documents d’urbanisme. En fait, le respect de
l’aspect juridico-foncier est très présent dans les textes de lois et de nombreuses
procédures en matière d’urbanisme sont conditionnées par l’apurement de
l’assiette foncière, que ce soit par rapport aux spécificités de son statut ou par
rapport à l’état de son immatriculation.
127
- Le Schéma Régional d’Aménagement du Territoire (SRAT), qui est un
document qui trace, d’une part, les politiques publiques à l’échelle
régionale ; et d’autre part, la cohérence entre ces politiques et les options
nationales, conformément aux orientations du SDAR. Il est censé
permettre la formalisation d’une prévision réaliste du projet régional
autour duquel pourrait se négocier le contenu des contrats État/Région.
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b. Le Plan de Zonage : C’est un instrument transitoire entre le SDAU et le plan
d’aménagement (PA), consistant à respecter les dispositions du premier. Il
permet de définir l’utilisation des sols. Ce plan est établi à l’initiative de
l’autorité gouvernementale chargée de l’urbanisme, en participation avec les
communes concernées. Aucune enquête publique n’est prévue pour ce plan, vu
qu’il ne fait que préserver les orientations du SDAU en attendant l’élaboration
du PA. Son approbation intervient par arrêté, pris par l’autorité gouvernementale
chargée de l’urbanisme et publié au bulletin officiel. Dès son approbation, il
produit des effets à l’égard de l’administration et des tiers pendant une durée
maximale de 2 ans à partir de sa date de publication au bulletin officiel.
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agglomérations rurales dotées d'un plan de développement, « il est interdit de
procéder à aucune construction sans qu'ait été obtenue une autorisation de
construire délivrée par l'autorité locale »14, ainsi que pour toute opération de
lotissement15 ou de morcellement16.
14 Article 7 du dahir n° 1-60-063 du 30 Hijja 1379 (25 Juin 1960). Dans son ouvrage « Urbanisation et droit de l’urbanisme
au Maroc », M. DRYEF note que « Dès qu’une agglomération est dotée d’un plan de développement, l’obtention d’une
autorisation préalable est imposée pour toute construction à réaliser dans cette agglomération », 1993, p.178.
15 Articles 9 et 10 du dahir n° 1-60-063 du 30 Hijja 1379 (25 Juin 1960).
16 Article 58 du dahir n° 1-60-063 du 30 Hijja 1379 (25 Juin 1960).
130
cause du temps écoulé entre leur établissement et l’approbation finale du
document d’urbanisme qui, dans ce cas de figure, se trouve quasiment obsolète
dès son homologation.
Pour mieux examiner ce processus, nous allons analyser de près la procédure
d’élaboration des PA, composée de trois phases : la phase d’étude (1), la phase
d’instruction (2) et la phase d’approbation (3) :
d. Enquête ménage : Afin que les études soient basées sur des données
131
démographiques et économiques réelles et récentes, le BET doit procéder
à une enquête ménage 17 et la superposer avec les données des RGPH.
Ensuite, ce BET remet au maître d’ouvrage un nouveau dossier
comprenant : la méthodologie de l’enquête, la base de sondage,
l’échantillonnage, les résultats de l’enquête selon le modèle et la
nomenclature approuvés.
17 Jugée « très lourde dans sa conception et dans sa présentation », DU, Réflexions sur les procédures d’élaboration et
d’approbation des plans d’aménagement, 2002, p.21.
18 Les études spatiales s’intéressent généralement au site et à la dynamique urbaine.
19 Les études sectorielles se font par secteur : habitat, équipement VRD, eau et électricité, équipement collectif, foncier,
zones d’activité, environnement, ordonnancement architectural, etc.
20 Ce rapport comporte également une synthèse de la vision urbanistique, le parti d’aménagement adopté et les projections
socio-économiques futures de l’agglomération concernée, moyennant des cartes thématiques.
21 Un délai maximal de 15 jours est accordé à ces services pour se prononcer, mais il est souvent prolongé.
22 Cette note de présentation comprend l’ensemble des investigations et propositions motivées, concernant l’utilisation du
sol, la structure urbaine, les superficies à urbaniser et leur ventilation et la grille d’équipement, etc.
132
centraux.
Cette phase est instituée par les dispositions de la loi n° 12-90 et son décret
d’application précités. Elle permet aux différents partenaires de se prononcer
sur le projet du PA, soit dans le cadre de la commission technique locale (CTL),
des séances de délibérations du conseil communal concerné ou de l’enquête
publique. Cette phase se déroule comme suit :
133
leurs terrains et à garantir ainsi leurs plus-values. En fait, malgré l’exigence de
l’établissement de l’enquête parcellaire en phase des études préliminaires des
documents d’urbanisme, en particulier des PA, il semble que ces derniers
constituent, en fin de compte, la clé de la distribution de la plus-value foncière
urbaine.
C’est ainsi que certains élus et acteurs locaux finissent par devenir les garants
des intérêts de ces propriétaires fonciers (ou qu’ils sont eux même propriétaires
fonciers) et commencent à exercer des pressions. Ces pressions peuvent être
sous forme de réserves directes formulées par les élus ou par ces propriétaires
eux-mêmes ou bien sous forme de tentatives de négociations, souvent discrètes,
avec les autres acteurs représentants les pouvoirs publics. Cette position fait du
conseil communal un terrain de confrontation et d’exercice de pouvoirs et « un
lieu où se cristallisent des intérêts qui se développent soit à partir de la loi soit
contre elle » (ABOUHANI, 2004 : 8). Enfin et par référence à d’autres sphères
universelles, cette course reflète que « la concurrence entre les usages du sol est
réglée par l’argent, par les possibilités inégales qu’ont différents agents à
occuper les emplacements les plus convoités, donc les plus chers »
(GRAFMEYER et JOSEPH, 1990 : 27).
En guise de synthèse :
Suite à l’analyse des différentes phases d’élaboration des PA, il s’avère que la
lenteur de cette procédure est due au cumul de plusieurs retards :
- Soit de la part de la maitrise d’œuvre, ce qui est, généralement, dû au
manque de ressources techniques et humaines qualifiées et spécialisées et
23 Composée des représentants de la direction de l’urbanisme, de l’agence urbaine et de l’autorité locale, du directeur
régional de l’habitat et de l’urbanisme et du président du conseil communal concerné.
24 L’origine du retard à ce niveau est due au niveau du temps du déroulement des consultations. A cet effet, cette phase
d’approbation peut s’étaler de 6 mois à deux années, au lieu de prendre 3 à 4 mois de son ouverture.
25 Le projet de PA peut, éventuellement, être soumis à l’avis du ministère chargé des Affaires Culturelles, avant son
approbation par décret.
134
à la baisse continue des frais d’étude, due à la concurrence que se livrent
les BET entre eux.
- Soit de la part de l’administration qui, éventuellement, pourrait opter
pour les soumissionnaires les moins disant, comme premier critère de
sélection, ou qui, le cas échéant, ne dispose pas de suffisamment de
profils confirmés pour le suivi et le contrôle des bureaux d’études en
charge des études, afin d’assurer la réalisation de ces documents dans les
règles de l’art et dans les délais impartis.
- Soit à l’insuffisance de la réglementation en vigueur26, qui ne précise pas
le planning d’exécution des différentes phases de production de ces
documents, notamment quant à l’intervention des services extérieurs et
des administrations sollicités pour exprimer leur avis sur le projet en
cours d’élaboration. Par exemple, il n’est pas indiqué dans les textes
juridiques le délai de la tenue de la réunion de la commission technique
locale27 ou le timing précis de l’ouverture de l’enquête publique par les
communes.
- Soit à la longueur de la phase d’homologation du document d’urbanisme.
26 La procédure d’élaboration des PA est réglementée par le décret d'application n° 2-92-832 du 14 octobre 1993 de la loi
12-90 (article 18 à 27). Pour faire connaitre davantage cette procédure, une circulaire portant le n° 005/DUA/SJ en date
du 17 janvier 1994 a été adressée par le ministère de l’Intérieur chargé de l’urbanisme, aux walis et gouverneurs,
inspecteurs régionaux de l’urbanisme et aux directeurs des agences urbaines, insistant sur le caractère consensuel du
processus à l’échelle locale et précisant les termes de références des études à réaliser.
27 Cette commission est présidée par le gouverneur.
28 Article 27 de la loi 12-90 précitée.
135
Enfin, les questions concernant l’utilité de ces documents d’urbanisme, se
voulant stratégiques, supports de politique urbaine, porteurs de développement
et instaurateurs des règles à l’échelle locale, sont constamment posées.
Les opérations de construction et de lotissement ont été gérées par des textes
juridiques, élaborés pendant le protectorat, puis révisés après l’indépendance.
Ces textes instituent le volet de planification urbaine au sein du système
administratif marocain et mettent en exergue le poids de ses actions, en
particulier, celles relatifs aux actes de lotir et de construire, au vu de leurs effets
irréversibles, à la fois sur le développement des villes et sur la configuration de
leur paysage urbain.
Ces deux opérations, aussi synchronisées que complémentaires, sont appelées à
se conformer à la fois aux dispositions du règlement d’aménagement adopté
dans l’agglomération en question et à la réglementation apportée par la loi de
1992 concernant la procédure d’instruction et de délivrance des autorisations de
lotir et de construire. L’accomplissement de ces conditions, depuis la demande
de la note de renseignement à l’obtention du permis d’habiter et du certificat de
conformité, risque de traduire le niveau d’exigence imposé par la procédure
d’instruction des autorisations de lotir et de construire et, à cet effet, d’être
perçue comme source de blocage, susceptible de condamner un certain nombre
de projets.
L’analyse des principales étapes de ces dispositifs (de lotir et de construire)
permet de relever les contraintes imposées par cette gestion, amplement
réglementée.
136
- Le raccordement du terrain objet du lotissement aux équipements
primaires, c’est-à-dire aux réseaux de voirie, d’assainissement, de
distribution d’eau potable et d’électricité, ordonné par l’article 7 de la
même loi ;
- La prise en considération des dispositions des documents d’urbanisme en
vigueur, prévue par l’article 6 de la loi 25-90. Une condition qui risque
d’apparaitre assez contraignante surtout en l’absence de documents
d’urbanisme homologués et, notamment, en milieu rural.
Alors que la circulaire 222 CAB du 12/04/1995 vient préciser que ce dossier doit
contenir une note de renseignements, celle-ci a détaillé davantage le contenu des
pièces demandées par l’article 4 précité, ce qui a compliqué davantage cette
procédure. Ensuite, dans un objectif de simplification et d’accélération du
processus d’autorisation, deux circulaires, la n° 14/2000 et la n°15/2000, ont été
introduites le 06 octobre 2000 pour remplacer la circulaire n° 222/CAB. C’est à
partir de l’introduction de ces deux circulaires, que l’administration marocaine a
réellement commencé à parler d’assouplissement en matière d’urbanisme.
137
- Le raccordement de chaque lot aux divers réseaux internes au
lotissement ;
- Le raccordement des voies et réseaux divers internes aux réseaux
principaux correspondants ;
- La construction des voies et raccordements permettant le libre accès au
rivage de la mer lorsque le lotissement est riverain du domaine public
maritime ;
- Les réserves d'espaces destinés aux équipements collectifs et installations
d'intérêt général correspondant aux besoins du lotissement tels que centre
commercial, mosquée, hammam, four, établissement scolaire, dispensaire
et espaces destinés aux activités sportives.
138
commissions à envoyer leurs avis motivés au président du conseil
communal ;
- La circulaire du 06 octobre 2000, n°1500/2000 précitée, qui remplace
les procédures accélérées et normales par celles dites « des menus
travaux et des installations saisonnières ou occasionnelles », « des
petits projets » et « des grands projets » et en explicite les procédures.
La circulaire 222 CAB liste les pièces à fournir dans le dossier de demande de
construction, en distinguant principalement entre :
- Les projets situés dans les communes urbaines, les centres
délimités leurs zones périphériques et les zones à vocation
spécifique ;
- Les projets situés en dehors des communes urbaines, des
centres délimités de leurs zones périphériques et des zones à
vocation spécifique.
139
- Instruction des autorisations de lotir et de construire : un passage
impératif et contraignant :
140
de fonctionnement des commissions et de l’absence d’arbitrage en cas
d’opposition d’un seul ou de plusieurs membres, notamment quand il s’agit de
la lecture et de l’interprétation des dispositions techniques des documents
d’urbanisme. C'est-à-dire que, finalement, dans de telles circonstances « le
conflit peut porter non seulement sur l’application de la règle, mais sur sa
constitution même » (REYNAUD, 1997 : 19).
141
accélérer le traitement des demandes déposées » (EL-HAMOUMI, 2008 : 43-
99), afin d’encourager les initiatives d’investissement privées dans le secteur de
l’immobilier et d’aménagement, il laisse le champ ouvert devant des
compréhensions ou interprétations incertaines de ces textes, à la fois de la part
des personnes et de l’administration elle-même.
En cas de litige, l’explication de ces deux articles - 48 de la loi 12-90 et 8 de la
loi 25-90 - peut dans certains cas porter atteinte aux règlements d’urbanisme et
aux plans d’aménagement. C'est-à-dire que toute personne voulant réaliser une
construction ou un lotissement ne répondant pas aux normes en vigueur et ne
respectant pas le plan d’aménagement pourra entamer ces travaux juste après
l’écoulement des délais successifs de la date du dépôt de sa demande
d’autorisation, comme mentionnés dans ces articles (deux mois pour la
construction et trois mois pour le lotissement), sous prétexte qu’elle dispose
d’une autorisation implicite et par conséquent, elle dispose de la protection
légale, conformément à ces textes juridiques.
En guise de synthèse :
Les textes en vigueur37 ordonnent que la durée de validité des effets de ces
arrêtés soit limitée à six mois renouvelable une seule fois pour une durée
37 A savoir : -Les articles 21 et 22 de la loi 12-90 relative à l’urbanisme, - Le décret n°2-92-832 du 14 octobre 1993, pris
pour l’application de la loi 12-90. -La circulaire 005/DUA/SJ du 17 Janvier 1994, relative au Plan d’aménagement.
142
équivalente. Néanmoins, vu l’importance de la durée, généralement consommée
par les études avant l’homologation du plan, le délai de six mois, ou le cas
échéant d’un an, s’avère insuffisant. En pratique, et en l’absence d’une
disposition législative visant l’instauration d’une procédure accélérée de
production des plans d’aménagement, ces arrêtés de mise à l’étude sont
rarement utilisés, même s’ils peuvent être le garant du respect des prévisions de
ces plans en cours d’élaboration.
143
motif de leur rejet par la population. A cet effet, diverses infractions ont été
constatées dans la production de l'espace urbain.
En réalité, l’inadaptation du contenu des documents d'urbanisme aux réalités
vécues pourra être traduite, au moins, par deux points :
- Le déphasage entre le rythme élevé de la croissance urbaine et le rythme
lent de production de ces documents d’urbanisme. Cet état de fait
transforme l’action de planification en une opération de rattrapage
urbain ;
- La problématique de logement, étant donné l’incapacité d’une grande
tranche de la population à pouvoir d’achat limité voire faible, à accéder
aux produits de logement proposés.
39 Circulaire n°302/DGUAAT du 29/09/1995 relative au financement par le FEC des plans d'aménagement et des plans de
développement.
144
d’adaptation de ces documents aux spécificités locales, d’où l’idée
d’assouplissement des procédures permettant de rattraper une éventuelle
élaboration improvisée des documents d’urbanisme ou, le cas échant, Les
problèmes de diagnostic ou d’interprétation des études préliminaires les
précédents.
145
en particulier en termes de création d’emplois et d’importante offre de
logement.
146
périodes écoulées, et d’autre part, des besoins et impératifs de la
déconcentration. Cette succession a permis de préciser les délais 41 de réalisation
des projets, dans l’objectif de vouloir garantir leur valorisation et, ainsi, réduire
les tentatives de spéculation. Elle a cherché, également, à imposer des garde-
fous et de définir certains critères de recevabilité des projets,
afin d’apporter, même temporairement, une solution rapide face à la lenteur et à
la complexité des procédures d'élaboration et de révision des documents
d'urbanisme et d’adapter les dispositions réglementaires aux particularités et
aux réalités des terrains et des sites concernés, de corriger d’éventuels
problèmes, constatés au niveau des documents d'urbanisme et de concrétiser des
visions plus appropriées aux réalités et aux besoins des agglomérations.
41 Un délai de 6 mois pour la validité de l’accord de principe des dérogations et un délai de 6 mois pour démarrer les travaux
relatifs aux projets dérogés, après l’obtention de l’autorisation de construire.
42 Le rapport de la cour des comptes au titre de l’année 2010 souligne que : « L’utilisation démesurée des dérogations a
engendré des conséquences négatives sur la planification et la gestion urbaines ». Rapport annuel de la cour des comptes
2010 / Volume 1, sorti en Octobre 2010, p. 336.
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Bibliographie :
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2. « Étude d’évaluation de la mise en œuvre des documents d’urbanisme
dans la région de Rabat Salé Zemmour Zaër », juillet 2005.
3. « Étude de l’impact de la dérogation sur le processus de planification
et gestion urbaine », Direction de l’Urbanisme, Mai 2009.
4. Rapport annuel de la cour des comptes 2010 / Volume 1, Octobre
2010.
5. Rapport intitulé « Centenaire de l’immatriculation foncière », établi
par l’agence nationale de la conservation foncière, Rabat, 2013.
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