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Hypertension artérielle
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du sujet âgé et risque
animation
de démence

Olivier Hanon * Les liens entre pression
artérielle et fonctions
cognitives sont plus
complexes qu’une simple
relation linéaire.
L’hypertension artérielle
prédispose ainsi au déclin
cognitif et à la survenue
de démences, tandis
qu’une méta-analyse
suggère qu’un traitement
antihypertenseur comparé
à un placebo diminue
significativement ce risque.
Ce qui est nouveau
L’hypertension artérielle est un facteur de risque de déclin cognitif
et de démence.
Des essais thérapeutiques récents suggèrent que les traitements
antihypertenseurs réduisent le risque de démence.
n raison du vieillissement de la population, le nombre d’in-
E dividus ayant une démence va passer de 24 millions en
2001 à 81 millions en 2040, dans le monde.1
Plusieurs travaux récents montrent que l’association d’une mala-
die d’Alzheimer à une pathologie cérébrovasculaire est plus fré-
quente que ne le voudrait le hasard. Ainsi, les études anatomo-
pathologiques montrent qu’un grand nombre de démences ne
sont pas seulement d’origine dégénérative (maladie d’Alzhei-
mer), ou à l’opposé vasculaire, mais associent les deux types de
lésions, définissant la « démence mixte ».2 Dans ce cadre, de
nombreuses études récentes soulignent le rôle de l’hypertension
artérielle comme facteur de déclin cognitif.
Hypertension artérielle et déclin cognitif
Globalement, l’épidémiologie basée sur des études longitu-
dinales indique une association significative entre l’hypertension
artérielle et l’altération cognitive (tableau 1). En particulier, l’hyper-
tension à l’âge moyen de la vie (50 ans) est un paramètre forte-
ment prédictif d’une détérioration cognitive ultérieure (20 à
25 ans plus tard). D’autres études, menées chez des sujets plus
âgés, montrent une relation entre la pression artérielle mesurée à
l’âge de 70 ans et l’incidence de la démence (vasculaire ou
Alzheimer) 10 à 15 ans plus tard.3
En revanche, une diminution de la pression artérielle peut sur-
venir dans un second temps lors de l’évolution du syndrome
démentiel.4 En effet, la présence de comorbidités (dénutrition,
troubles de la mobilité, état grabataire…) ou l’existence de
lésions dégénératives au niveau des régions préfrontales (favori-
sant une dysautonomie), peuvent entraîner une baisse tension-
nelle chez les patients déments.
* Université Paris Descartes, service de gériatrie, hôpital Broca,
AP-HP, 75013, Paris.
olivier.hanon@brc.aphp.fr

LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 60

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Monographie
RR HYPERTENSION ARTÉRIELLE SUJET ÂGÉ ET RISQUE DE DÉMENCE
En conclusion, les liens entre pression artérielle et fonctions
cognitives sont plus complexes qu’une simple relation linéaire.
L’hypertension artérielle chronique prédispose au déclin cognitif
et à la survenue des démences mais une baisse de la pression
artérielle peut être observée secondairement, lors de l’aggrava-
tion d’une maladie d’Alzheimer.
Traitements antihypertenseurs et déclin cognitif
Études non randomisées
La majorité des études observationnelles suggèrent un effet
protecteur des traitements antihypertenseurs sur les fonctions
cognitives. Trois grandes études ayant inclus des sujets âgés
(KUNGSHOLMEN PROJECT [n = 1 270], 5 CACHE COUNTY
STUDY [n = 3 308], 6 et HONOLULU ASIA AGING STUDY
[n = 1 294]) 7 indiquent une diminution importante du risque de
maladie d’Alzheimer (respectivement réductions de 30 %, 36 %
et 60 %) en relation avec la prise d’un traitement antihyperten-
seur. De même, les données récentes d’une étude observation-
nelle (OSCAR) 8 portant sur 25 745 sujets hypertendus démontre
un bénéfice significatif du traitement antihypertenseur sur le
fonctionnement cognitif (gain de 0,8 point du score sur l’échelle
MMSE [Mini mental state examination] entre le début et la fin de
l’étude, p < 0,0001).
Études randomisées
Les premiers travaux à avoir évalué les effets des antihyperten-
seurs sur les fonctions cognitives, en comparaison au placebo,
POUR LA PRATIQUE
RR Chez le sujet âgé, la majorité des démences associent à la
fois des lésions dégénératives et des lésions vasculaires,
définissant les « démences mixtes ».
RR L’hypertension artérielle prédispose au déclin cognitif
et à la survenue des démences.
RR Toutefois, une baisse de la pression artérielle peut être
observée dans un second temps, lors de l’évolution d’une
maladie d’Alzheimer.
RR Les résultats des essais thérapeutiques récents ouvrent
la voie d’une prévention des démences par les traitements
antihypertenseurs.
RR L’existence de lésions extensives de la substance blanche
augmente le risque de troubles cognitifs et de démences.
RR Une évaluation des fonctions cognitives est recommandée
chez le patient hypertendu de plus de 75 ans au moyen d’une
échelle MMSE, en raison du risque de survenue de démence
et afin d’évaluer le risque de mauvaise observance du
traitement.
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se sont révélés négatifs, mais leur interprétation soulève
quelques biais méthodologiques (tableau 2). Dans l’étude MRC, 9
l’évaluation cognitive s’est révélée très sommaire et dans l’étude
SHEP 10 plusieurs données manquantes ont été rapportées
concernant l’évaluation neuropsychologique.11
L’étude SYST-EUR12 a, pour la première fois, mis en évidence
une diminution de la survenue des démences grâce au traite-
ment antihypertenseur. L’incidence de la démence a été réduite
significativement, de 50 %, dans le groupe traitement par rapport
au groupe placebo. Ces résultats concernaient tous les types de
démence, y compris la maladie d’Alzheimer. À l’issue de la phase
traitement contre placebo, il a été proposé à tous les patients de
commencer ou de continuer le traitement antihypertenseur pen-
dant 2 ans (SYST-EUR 2).13 Comparé au groupe « contrôle », le
traitement antihypertenseur à long terme a permis de réduire l’in-
cidence de la démence de 55 % (p < 0,0001). En résumé, les
résultats indiquent que le traitement de 1 000 patients pendant
5 ans permet d’éviter 20 cas de démence (intervalle de confiance
[IC] à 95 % : 7-33).
L’étude PROGRESS14 a montré une réduction significative du
déclin cognitif sévère de 19 % (IC à 95 % : 4-32, p = 0,01) grâce
au traitement antihypertenseur chez des patients ayant un anté-
cédent d’accident vasculaire cérébral. Le risque de démence
était réduit de 12 % dans le groupe traitement (IC à 95 % : - 8-28)
et de 34 % chez les patients ayant eu des accidents vasculaires
cérébraux récidivants (IC à 95 % : 3-55). La réduction des
démences était significative sous bithérapie (réduction de 23 % ;
IC à 95 % : 0-41) mais pas sous monothérapie (- 8 % ; IC à 95 % :
- 48-21), soulignant le rôle de la baisse tensionnelle.
L’étude HOPE, 15 menée chez 9 297 patients à haut risque vas-
culaire suivis 4,5 ans, a mis en évidence une réduction de 41 %
du déclin cognitif associé aux accidents vasculaires cérébraux
dans le groupe traitement par rapport au groupe placebo, mais
l’impact du traitement sur l’incidence des démences n’a pas été
étudié.
L’étude SCOPE16 a montré le bénéfice du traitement actif sur la
cognition chez les patients dont le fonctionnement cognitif était
déjà perturbé à l’inclusion (MMSE entre 24 et 28) mais pas sur la
population totale, suggérant l’intérêt du traitement antihyperten-
seur en cas de déclin cognitif débutant.
L’étude HYVET17 souligne une réduction de l’incidence des
démences de 14 % dans le groupe traité (Hazard ratio : 0,86 [IC à
95 % : 0,67-1,09], p = 0,21), qui n’atteint toutefois pas le seuil de
significativité, probablement en raison d’un manque de puis-
sance lié à son arrêt prématuré du fait d’un bénéfice sur la morta-
lité totale.
Toutes ces données ont été regroupées au sein d’une méta-
analyse 21 intégrant 16 595 sujets inclus dans les études HYVET,
SHEP, PROGRESS, et SYST-EUR ; les conclusions indiquent un
bénéfice des traitements antihypertenseurs caractérisé par une
diminution significative de 13 % du risque de démence en com-
paraison au placebo.
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TABLEAU 1

Études longinutales. Association entre hypertension artérielle et démences

âge suivi Odds ratio

Références n à l’inclusion (ans) Type de démences (intervalle de confiance 95 %)
(ans)
Yoshikate et al. 1995 22 828 74 7 Démence vasculaire 1,6 (1,2-2,2)
Launer et al. 2000 23 3 703 50 25 Maladie d’Alzheimer et démence vasculaire 4,8 (2,0-11,0)
Kivipelto et al 2001 24 1 449 53 21 Maladie d’Alzheimer 2,8 (1,1-7,2)
Qiu et al 2003 25 1 270 81 4.7 Maladie d’Alzheimer 1,4 (1,0-2,0)
Wu et al 2003 26 602 > 65 15 Maladie d’Alzheimer 2,0 (1,1-3,5)
Yamada et al 2003 27 1 774 O 65 25 Démence vasculaire 1,33 (1,14-1,56)
Luchshinger et al. 2005 28 1 138 76 6 Maladie d’Alzheimer 1,6 (1,0-2,6)
Freitag et al 2006 29 2 505 57 5.1 Maladie d’Alzheimer 2,29 (1,23-1,45)
Morris et al 2001 30 634 > 65 13 Maladie d’Alzheimer 0,30 (0,1-0,9)
TABLEAU 2

Effet des traitements antihypertenseurs sur le déclin cognitif ou la démence dans les études randomisées contre placebo

Études n Traitements antihypertenseurs Suivi Résultats

MRC 2 584 Bêtabloquants ou diurétiques 54 mois Pas d’effet significatif sur les fonctions cognitives
SHEP 4 736 Bêtabloquants ± diurétiques 4,5 ans Réduction non significative des démences de 16 %
SYST-EUR 2 418 ICA ± IEC ± diurétiques 2 ans Réduction significative des démences de 50 %
SYST-EUR 2 2 902 ICA ± IEC ± diurétiques 4 ans Réduction significative des démences de 55 %
PROGRESS 6 105 IEC ± diurétiques 4 ans Réduction significative du déclin cognitif de 19 %
Réduction significative des démences sous bithérapie de 23 %
HOPE 9 297 IEC 4,5 ans Réduction significative du déclin cognitif lié aux AVC 41 %
SCOPE 4 964 ARA2 ± diurétiques 3,7 ans Réduction non significative des démences de 7 %
Réduction significative du déclin cognitif
en cas de troubles cognitifs légers (p = 0,04)
HYVET 3 336 Diurétiques ± IEC 2,2 ans Réduction non significative des démences de 14 %

ARA2 : antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II ; AVC : accident vasculaire cérébral ; ICA : inhibiteurs calciques ;
IEC : inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine.

Mécanismes physiopathologiques microcirculation cérébrale pourraient aussi altérer le fonctionne-

L’hypertension artérielle est à l’origine de modifications vascu-
laires qui affectent le débit sanguin et le métabolisme cérébral.
Les troubles cognitifs peuvent être liés à la présence de lésions
ischémiques focales (infarctus, lacunes) et/ou d’une ischémie
chronique de la substance blanche (leucoaraïose) en rapport
avec une atteinte des petites artères cérébrales (artériosclérose,
lipohyalinose). C’est cette sommation de lésions vasculaires et
de lésions dégénératives qui peut contribuer à une expression
anticipée d’une maladie d’Alzheimer encore infraclinique, faisant
atteindre le seuil de démence plus précocement.18 Plusieurs
études ont ainsi retrouvé une association significative entre l’hy-
pertension artérielle, la présence de lésions de la substance
blanche et les troubles cognitifs.19 De plus, des troubles de la
ment de la barrière hémato-encéphalique, conduisant à une
accumulation des protéines A bêta responsables de la formation
des plaques amyloïdes. Enfin, l’agrégation de protéines bêta-
amyloïdes pourrait aussi favoriser au niveau des cellules endo-
théliales une production excessive de radicaux libres responsa-
bles de la mort cellulaire neuronale.
Intérêt du dépistage des troubles cognitifs
chez l’hypertendu âgé
En pratique, il apparaît essentiel d’identifier, parmi les patients
hypertendus, les sujets à risque de démence, c’est-à-dire ceux :
– ayant déjà une atteinte mnésique débutante (on parle alors de

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Monographie
RR HYPERTENSION ARTÉRIELLE SUJET ÂGÉ ET RISQUE DE DÉMENCE

Grade 1 Grade 2 Grade 3 Grade 4

Grade 5 Grade 6 Grade 7 Grade 8

FIGURE Différents grades de sévérité des lésions de la substance blanche (leucoaraïose) à l’imagerie par résonance magnétique (grade 1 [peu sévère]
à 8 [très sévère]). D’après la réf. 31.

troubles cognitifs légers, mild cognitive impairment), dont le risque Conclusion

d’évolution vers une démence est estimé entre 5 à 10 % par an et
pour qui une surveillance cognitive régulière est nécessaire ;
– ayant des lésions extensives de la substance blanche ; la sévé-
rité des lésions de la substance blanche est définie à l’imagerie
par résonance magnétique (v. figure). Un grade supérieur à 6
multiplie le risque de démence par 4, un grade entre 4 et 6 multi-
plie ce risque par 2.20
Pour ces patients à risque de « conversion » vers une
démence, l’optimisation du contrôle tensionnel et la surveillance
des fonctions cognitives (bilans mémoire réguliers, observance
thérapeutique) s’avèrent particulièrement importantes.
Dans ce cadre, les recommandations de la Haute Autorité de
santé 200521 précisent : « Une évaluation de la fonction cognitive
est recommandée chez l’hypertendu de plus de 75 ans au moyen
d’une échelle MMSE en raison du risque de survenue de démence
et afin d’évaluer le risque de mauvaise observance du traitement ».
Il existe des arguments épidémiologiques solides plaidant en
faveur de l’association entre hypertension artérielle et troubles
cognitifs. Les études randomisées sont peu nombreuses et les
plus récentes indiquent une prévention des troubles cognitifs
grâce aux antihypertenseurs.•
SUMMARY Hypertension in the elderly and risk of dementia
Prevention and treatment of dementia has turned into a major public health challenge.
Recent epidemiological studies have shown a significant association between the presence
of hypertension and the occurrence of cognitive decline or dementia (including Alzheimer's
disease). Indeed, the summation of vascular brain damage and degenerative changes may
contribute to an early expression of a still subclinical Alzheimer’s disease, causing the
threshold of dementia to be reached earlier. Some recent randomized controlled trials (SYST-
EUR, PROGRESS, HOPE, SCOPE, HYVET) included cognition as secondary endpoint. Their
results open the way for prevention of dementia by antihypertensive treatments. It is
therefore necessary that further randomized trials are conducted with the primary objective

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to assess the impact of antihypertensive treatment on cognitive decline or dementia. In
clinical practice, it is important to identify, among hypertensive patients, the subjects at risk
for dementia, i.e those who already have mild cognitive impairment or extensive cerebral
white matter lesions, in order to optimize blood pressure control and monitor cognitive
function (regular cognitive assessment, drugs adherence).
RÉSUMÉ Hypertension artérielle du sujet âgé et risque de démence
La prévention des troubles cognitifs et des démences représente un enjeu majeur des années
à venir. Plusieurs travaux récents ont mis en évidence une association significative entre
l’existence d’une hypertension artérielle et la survenue d’un déclin cognitif ou de démences (y
compris la maladie d’Alzheimer). En effet, la sommation de lésions cérébrales vasculaires et de
lésions dégénératives peut contribuer à l’expression anticipée d’une maladie d’Alzheimer
encore infraclinique, faisant ainsi atteindre le seuil de démence plus précocement. Quelques
essais thérapeutiques récents (SYST-EUR, PROGRESS, HOPE, SCOPE, HYVET) ont inclus la
cognition comme critère d’évaluation secondaire. Leurs résultats ouvrent la voie d’une
prévention des démences par les traitements antihypertenseurs. Il est donc nécessaire que
d’autres essais randomisés soient réalisés avec cette fois pour objectif principal l’évaluation de
l’impact des traitements antihypertenseurs sur le déclin cognitif ou la démence. En pratique, il
apparaît essentiel d’identifier, parmi les patients hypertendus, les sujets à risque de démence,
c’est-à-dire ceux ayant déjà une atteinte cognitive débutante ou des lésions extensives de la
substance blanche cérébrale, afin d’optimiser le contrôle tensionnel et de surveiller les
fonctions cognitives (bilans mémoire réguliers, observance thérapeutique).
L’auteur déclare avoir participé à des interventions ponctuelles (conférences, travaux
scientifiques, activités de conseil), pour les laboratoires Sanofi, BMS, Boehringer, Bayer,
Novartis, Servier, Pfizer, Eisai, Lunbeck, Jansen, Menarini, Solvay..

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