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INTRODUCTION AUX CONCEPTS

D’ÉVALUATION ÉCONOMIQUE

Mr. RAZANAKOTO Thierry


Économiste

Université d’Antananarivo
Texte introductif :
Depuis quelques siècles, la dégradation de l’environnement se fait de plus en plus ressentir et que
la communauté internationale, consciente de celle-ci, se mobilise afin de trouver les solutions
adéquates à travers des actions identifiées à l’issue de nombreuses réunions et conférences au
sommet. Cette dégradation est principalement due aux effets des activités humaines. En effet,
l’homme, avec ses différentes activités (sociales, culturelles et surtout économiques), a détruit
seulement en cinq siècles ce que la nature avait comme conséquence négatives naturelles de
rejet en cinq mille ans. Les dégâts sont tellement importants que les effets se font ressentir non
seulement au niveau local mais surtout à l’échelle planétaire. Les bouleversements climatiques
actuels, considérés comme généralement non réversibles, sont en train de changer de façon
significativement importante les conditions météorologiques mondiales, occasionnant des aléas
naturels de plus en plus intenses. Les risques de catastrophes se trouvent à un point tel que les
efforts entrepris par les pays du Sud en vue d’asseoir un développement soutenable, sont
durablement compromis sans la prise en considération sérieuse et efficace de ces risques.
Dorénavant, il n’est plus concevable pour toutes stratégies et politiques de développement
durable de ne pas intégrer cette dimension de gestion de risques et de catastrophes.

Le présent support est constitué de deux parties : la définition de concepts-clés d’une part, et
l’introduction à la méthode d’évaluation économique de l’autre laquelle est principalement
inspirée de son application dans le domaine de l’environnement.

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A - Quelques concepts-clés
Pour mieux suivre et comprendre le cours, la maîtrise de quelques concepts-clés ci-après s’avère
nécessaire.
1 – Biens et services économiques
D’une façon générale, la satisfaction des besoins économiques obéit à deux logiques différentes,
à savoir une logique marchande basée sur le marché (on parle alors de biens et services
marchands) et une logique non marchande (d’où la notion de biens et services non marchands).

Les biens et services marchands sont tous les produits, c’est-à-dire l'ensemble des biens
matériels et biens immatériels qui sont destinés à être vendus sur un marché.

 Les biens marchands sont des produits matériels pouvant être vendus et achetés.

 Les services marchands sont des services payant ex : cordonnier, coiffeuse pour
particulier ... services rendus par des entreprises contre le versement d'une rémunération
monétaire qui leur permet de dégager un profit. On les oppose aux services non
marchands qui sont rendus par les administrations publiques et les associations (au sens
large d'institutions sans but lucratif au service des ménages) : souvent payants, ces
services ne sont pas considérés comme marchands car ils ne sont pas à l'origine d'un
profit de la part de l'unité productive.

Les services non marchands sont des services qui sont fournis gratuitement ou à des prix qui ne
sont pas économiquement significatifs, c’est-à-dire, qui ne permet pas de dégager un profit.

Ils incluent notamment les services fournis par les administrations publiques, et une fraction de
ceux de l'économie sociale, tels que ceux fournis par des associations.

Il peut s'agir de bien public, comme la défense nationale. La consommation du service est alors
inconsciente, involontaire, voire même forcée.

Si le bénéficiaire (ou "usager") ne les paye pas (ou les paye mais pas à leur pleine valeur) au
moment de l'utilisation, ces services ne sont pas gratuits pour autant, ils sont payés par (non
exclusivement) :
2
 la générosité publique : dons, legs, bénévolat, ...
 une contribution forfaitaire, comme une cotisation, lorsque le bénéficiaire adhère à une
association ;
 subventions (lorsque le prestataire de service est privé et obtient un financement public)
ou directement la caisse publique (lorsque le prestataire est public et fournit lui-même le
service)

Il faut distinguer les biens non marchands parce qu'il n'existe pas de marché (exemple : la
défense nationale) et ceux qui pour lesquels un marché existe ou pourrait exister facilement
(exemple : l'éducation). Dans le premier cas, connaître le prix du service est pratiquement
impossible, dans le second le marché fournit une indication. Les quantités de services rendus ne
sont pas non plus toujours faciles à estimer, puisque aucune raison comptable ou fiscale ne
justifie d'obliger un prestataire associatif à rendre des comptes sur les services qu'il rend
gratuitement.

Les services non marchands rendus par les administrations publiques forment néanmoins une
part trop grosse de l'activité du pays pour qu'on les néglige dans la comptabilité nationale et le
calcul du PIB : par convention, on considère qu'ils valent ce qu'ils coûtent. Le secteur associatif
peut faire l'objet du même genre d'estimation, moyennant quelques hypothèses sur la quantité
fournie et sur le prix du travail bénévole.

Catégorisation des Biens


Caractérisation Avec rivalité Sans rivalité
Avec exclusion Biens privés Biens de club
Sans exclusion Biens communaux Biens publics purs
Exemples :
- Biens privés : véhicule d’un particulier, places disponibles lors d’un spectacle en
salle, etc.
- Biens collectifs ou biens de club: l’émission des chaînes de TV privées dont
l’accès est payant (Canal+, Parabole et Blueline), etc.

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- Biens communaux : les common pool resources ou CPRs (pâturages, etc.) gérés
par une communauté locale où les consommations sont rivales pour les membres.
- Biens publics purs : l’air, le soleil, etc.

2 – Passager clandestin
C’et le fait pour un agent de ne pas payer ou de ne pas prendre part aux coûts que représente une
activité tout en tirant profit des avantages qu’elle procure. Les coûts de l’activité étant supportés
ou pris en charge par les autres agents ou membres d’une communauté.

3 – Externalités
On appelle externalités les effets d'une action sur d'autres parties lorsque ces effets n'ont pas été
pris en compte par l'auteur de l'action. Ces effets n'ont pas donné lieu à un échange ou à une
compensation monétaire. Les externalités peuvent être mesurées par la différence entre le coût
marginal social et le coût marginal privé. Une externalité est un coût social non compensé, c'est-
à-dire imposé à des tiers, en dehors de toute transaction volontaire.
Le concept d’externalités fait référence aux retombées que peuvent avoir les activités
économiques sur l’environnement. Selon le cas, les externalités peuvent être négatives ou
positives. En matière d’Economie de l’Environnement, en tant que science, l’analyse porte
surtout, sur les retombées négatives des activités économiques sur l’environnement.
Généralement, l’internalisation de ces coûts fait appel à l’économie pigouvienne (1920) par
l’intermédiaire des instruments fiscaux. En même temps, le traitement des externalités négatives,
considérées comme contraires aux efforts de développement durable, peuvent créer de nouvelles
opportunités d’emploi, de création de nouvelles industries, etc. qui entrent dans la catégorie des
externalités positives.

4 – Couts d’opportunités
Ce sont les coûts associés à un choix. Avec l’hypothèse que l’agent économique dispose de
ressources limitées pour satisfaire ses besoins, il est obligé de faire un choix. Pour simplifier, on
peut considérer qu’il a le choix entre un bien X et bien Y comportant respectivement des
bénéfices Bx et By. Avec ses contraintes budgétaires, il ne peut se procurer qu’un seul bien. Si

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l’agent choisit le bien X, il pourra avoir comme bénéfices Bx et perdra les bénéfices By associés
au bien Y qu’il n’a pas choisi. Les bénéfices By représentent alors les coûts d’opportunité du
choix du bien X de l’agent. C’est la perte accusée par l’agent consécutive à son choix.

5 - Le Marché de Concurrence Pure et Parfaite


Le concept de MCPP est basé sur un certain nombre d’hypothèses lesquelles constituent le
fondement de la théorie classique. Le MCPP est un marché hypothétique, voire fictif, mais les
hypothèses sont nécessaires pour bien asseoir et comprendre le raisonnement des économistes
classiques. Ces hypothèses sont au nombre de 5, à savoir :
- Atomicité des agents : aucun agent ne peut influencer le marché de par ses seules
décisions,
- Homogénéité des produits : tous les produits sur le marché sont présentés de
façon égale et qu’il y a absence de différenciation des produits pouvant influencer
le choix des consommateurs
- Transparence du marché : tous les agents sont au courant de toutes les
informations relatives au même moment,
- Mobilité des facteurs de production : le capital et le travail peuvent aller vers les
emplois les plus rentables, et
- Liberté d’entrée et de sortie du marché

Dans un MCPP, on considère que le prix d’un bien correspond à sa valeur économique. Ici, on
peut prendre l’exemple des prix de bois tropicaux sur le marché international. Selon l’hypothèse
des Classiques, une allocation optimale des ressources ne peut être obtenue que par un marché
efficace. Mais une allocation optimale ne signifie pas nécessairement une allocation équitable.
En outre, dans la réalité, les cinq hypothèses susmentionnées pour un MCPP ne sont jamais ou
presque rencontrées. On est alors en présence de marché imparfait. La notion de défaillance du
marché pose un réel problème pour l’évaluation et l’économie en général car une telle institution
donne des mauvais signaux quant aux réelles valeurs d’un bien qui y est échangé : les prix des
biens échangés sur de tels marchés correspondent alors aux valeurs financières de ceux-ci et non

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à leurs valeurs économiques, d’où la nécessité de faire appel à d’autres instrument pour combler
ce lacune.

6 – Le concept de surplus et l’efficacité


a) Le surplus du consommateur
Marshall, dans ses Principes d’Economie Politique (1920) donnait du surplus la définition
suivante: « Le consommateur retire d’un achat un surplus de satisfaction. La somme
supplémentaire qu’il aurait accepté de payer, au-delà du prix, plutôt que de renoncer à l’achat,
mesure le surplus de satisfaction. On peut l’appeler le surplus du consommateur. ». Il s’analyse à
partir de la courbe de demande d’un bien. Le surplus indique le bénéfice (l’avantage) qu’un
consommateur obtient en participant au marché.
Le surplus est égal au prix maximum que le consommateur était prêt à payer un bien
moins le prix auquel il paye effectivement ce bien. Il est du à l’existence d’un prix unique auquel
se réalisent toutes les transactions. A titre d’exemple : un agent est prêt à payer le kilo du litchi à
500 Ar, mais il a été facturé à 300 Ar. Il a un surplus de 200 Ar.
Le surplus indique le bénéfice (l’avantage) qu’un consommateur obtient en participant au
marché. Le surplus est égal au prix maximum que le consommateur était prêt à payer un bien
moins le prix auquel il paye effectivement ce bien. Il est du à l’existence d’un prix unique
auquel se réalisent toutes les transactions. Plus le prix sur le marché est élevé, plus le surplus du
producteur est fort.
b) Le surplus du producteur
Le surplus indique le bénéfice (l’avantage) qu’un producteur obtient en participant au
marché. Il représente l’avantage qu’enregistre le producteur pour l’ensemble des unités de biens
vendues à un prix supérieur à celui qu’il était disposé à accepter. Le surplus est dû à l’existence
d’un prix unique auquel se réalisent toutes les transactions. La courbe d’offre étant assimilable à
la courbe de coût marginal, le surplus représente alors par unité l’écart entre le prix effectivement
perçu et le coût marginal

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c) Le surplus et l’efficacité
L’allocation des ressources est déterminée par l’équilibre d’un marché.
Surplus du consommateur = Valeur auprès des acheteurs – montant payé par ces acheteurs
Surplus du producteur = Montant reçu des vendeurs- coût des vendeurs
Surplus total = Surplus du consommateur + Surplus du producteur
= Valeur auprès des acheteurs – coût des vendeurs

Un marché est efficace si:


- il alloue l’offre de biens aux consommateurs qui étaient prêts à payer la valeur maximale;
- il alloue la demande pour un bien aux vendeurs qui peuvent produire au coût le plus bas;
- il génère la quantité de bien qui maximise le surplus total

7 – Le concept de valeur
Deux courants sont principalement à mettre en exergue : le concept de valeur selon les
Classiques et le concept de valeur selon les Néoclassiques.
Selon les Classiques, la valeur d’un bien économique peut être mesurée par la quantité de travail
nécessaire ou fourni pour son élaboration. En définitive, c’est la quantité de travail incorporé
dans le bien qui détermine sa valeur. On parle alors de valeur-travail.
Par contre, du point de vue des Néoclassiques, il est admis que non seulement la quantité de
travail incorporé dans le bien ne permet pas d’évaluer correctement la valeur d’un bien, mais en
outre, il est assez difficile d’estimer une telle valeur, en particulier du point de vue monétaire. Au
contraire, la valeur d’un bien se mesure par le degré de satisfaction d’un besoin que sa
consommation peut procurer. Deux notions sont importantes à ce niveau. Premièrement, le bien
doit être utile, c’et-à-dire, servir à quelque chose ; et que ensuite, sa consommation doit
permettre de satisfaire ou du moins contribuer à la satisfaction d’un besoin déterminé. Le
concept de valeur-travail est dépassé et remplacé par celui de la valeur-utilité. Plus un bien à de
l’utilité, plus il a de la valeur. Et c’est cette dernière notion – les principes de l’économie du
bien-être - qui est définitivement à la base des méthodes d’évaluation économique, qui est
d’ailleurs renforcée par le concept marxiste de la valeur lequel introduit la notion de temps
nécessaire pour l’élaboration du bien dans l’appréciation de sa valeur.

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8 – La valeur économique totale
Principe général : calculer la valeur économique totale d’un bien c’est estimer économiquement
l’ensemble des avantages que la société humaine peut tirer de son utilisation.
D’un point de vue purement économique, la valeur totale d’un bien peut s’évaluer en prenant en
considération les valeurs d’usage et les valeurs de non-usage du bien en question. Les valeurs
d’usage se réfèrent aux services fournis par le bien, donc son utilité, c’est-à-dire les satisfactions
directes et indirectes des besoins qu’il peut procurer. Par contre, les valeurs de non-usage
renvoient, soit à des usages futurs que l’on veut préserver pour nous (valeur d’option) ou pour les
générations futures (valeurs de legs), soit à l’existence même du bien, indépendamment de tout
usage présent ou à venir (valeur d’existence). La valeur économique d’un bien peut en
conséquence être schématisée comme ci-après.

VALEUR ÉCONOMIQUE TOTALE

Valeurs d'usage Valeurs de non-usage

Valeurs d'usage Valeur d'usage Valeurs d'option Valeurs de legs Valeurs


direct indirect d'existence

Valeur des biens Valeur des biens Valeur d'usage Valeur exprimant Valeur attachée au
ou services ayant ou services ayant (direct et indirect) la volonté de fait de savoir
une utilité directe une utilité ou de non-usage transmettre aux qu’un bien existe
indirecte futurs descendants des
valeurs d’usage et
de non-usage

Ressources fonctions ressources patrimoine,… espèces


prélevées,… écologiques,… génétiques,… emblématiques,…

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B - Quelques méthodes pour l’évaluation économique
L’évaluation monétaire des coûts externes est une problématique en pleine expansion en
économie de l’environnement. Dans cette section, nous analysons brièvement l’approche
économique dans ce domaine et les techniques d’évaluation les plus utilisées.
Il s’agit ici d’une description relativement brève de quelques méthodes
intentionnellement choisies de par leur pertinence pour une évaluation économique des éléments
de la biodiversité. Ces méthodes sont utilisées dans le but de quantifier les coûts occasionnés par
la mise en œuvre d’une politique ou d’un projet environnemental et, en même temps, d’évaluer
les différents bénéfices et avantages pouvant être associés à la mise en œuvre de ce projet. Bien
entendu, l’objectif reste toujours l’analyse de la rentabilité économique du projet tout en prenant
en considération ses dimensions environnementales et sociales, mais en même temps, de pouvoir
identifier des mesures correctives et des axes d’intervention éventuellement. Il y a lieu de
souligner, cependant, que les descriptions que nous allons apporter, bien que brèves, nous
permettront de comprendre ces méthodes et d’évaluer, par la suite, leur degré de pertinence par
rapport à l’analyse et l’évaluation que nous souhaitons faire, en particulier leurs impacts
socioéconomiques.
L’évaluation des différents bénéfices économiques, ou tout simplement la valeur
économique totale d’un bien ou service donné, va se faire selon trois modalités, en fonction de sa
disponibilité sur un marché concurrentiel :
- dans le cas idéal, le bien environnemental est proposé sur un marché de concurrence pure
et parfaite : on considère alors que le prix qui s’exprime sur ce marché correspond à sa
valeur économique. C’est par exemple le cas des bois tropicaux qui sont vendus sur le
marché international.
- il est plus fréquent qu'un actif naturel soit disponible sur un marché qui n'obéit pas
pleinement aux règles de la concurrence. Dans ce cas, le prix de marché est une donnée
financière et il n'est pas égal à la valeur économique du bien. Il convient de procéder à un
certain nombre de rectifications du prix de marché pour obtenir la valeur correcte
("shadow price") du bien environnemental (Garrabé, 1994). La valeur économique du
bien environnemental dérive alors d'un prix corrigé de marché.

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- enfin, pour la majorité des actifs naturels, il n'existe aucun prix de marché spécifique qui
permette de fonder l'estimation de leur valeur économique. Il devient nécessaire de
recourir à une ou plusieurs techniques d'évaluation économique de l'environnement.

D’une façon générale et relativement simpliste, les techniques d’évaluation économique


de la biodiversité ou des ressources naturelles peuvent être regroupées en deux grandes
catégories bien distinctes (LESCUYER G. 2007). La première concerne les outils pour une
évaluation directe et les techniques utilisées pour les évaluations indirectes se trouvent dans la
deuxième catégorie.

Les méthodes d’évaluation monétaire de l’environnement


Évaluation directe Évaluation indirecte

préférences révélées préférences exprimées pas de préférence

sur marché réel sur marché-substitut sur marché fictif

- changement de productivité - prix hédonistes - évaluations contingentes - méthode dose-effet

- dépenses de protection - coûts de transports - coûts de remplacement

- biens substituables

1 - Les techniques de la méthode directe d’évaluation


L'évaluation directe d'un actif naturel signifie que sa valeur est estimée à partir des
préférences des agents qui s'expriment sous la forme d'une courbe de demande sur le marché.
Ces méthodes reposent donc sur l'observation des comportements des agents sur des marchés
réels ou hypothétiques (OCDE, 2002 ; Faucheux & Noël, 1995).
Pour cette première catégorie, il s’agit de techniques qui peuvent être utilisées pour
arriver à révéler les préférences des agents économiques ou bien à les exprimer de façon à

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permettre leur évaluation. Dans le premier cas, on parlera de méthodes des préférences révélées
et pour le deuxième cas, on parlera plutôt de méthodes des préférences exprimées.

1.1. Les méthodes des préférences révélées


Entrant dans la catégorie des méthodes d’évaluation directe, les méthodes de préférences
révélées consistent à procéder à l’évaluation monétaire du consentement à payer des agents
économiques pour se procurer un certain nombre d’actifs environnementaux. Ce consentement à
payer équivaut alors à la valeur économique de ces actifs environnementaux dont l’évaluation
peut se faire de deux façons : l’évaluation directe sur le marché existant et l’évaluation par
l’intermédiaire des marchés de substitution.

a) L’évaluation directe sur le marché


L’évaluation économique d’un actif environnemental peut se faire grâce à l’utilisation
directe des marchés quand ceux-ci existent pour certains biens environnementaux à évaluer.
C’est le cas, par exemple, de certains produits tels que les bois ou les charbons ou encore ceux
des ressources lacustres et halieutiques comme les poissons pour lesquels des marchés existent.
Dans ce cas, l’estimation des valeurs des biens environnementaux se fait à l’aide des données
collectées sur ces marchés dits « concurrentiels » qui révèlent alors la préférence des agents
économiques pour ces produits. En effet, du point de vue de la théorie économique néoclassique
qui se trouve à la base même de l’évaluation économique quand on parle d’Economie de
l’Environnement, un marché qui répond aux hypothèses de concurrence pure et parfaite
donnerait la vraie valeur d’un bien économique, issu de l’environnement ou non, qui y est
échangé1. Bien entendu, ces hypothèses de travail définissant le « first best » à la base des
raisonnements néoclassiques ne sont jamais remplies dans la réalité. Ainsi, dans la pratique, on
se trouve souvent dans une situation de « second best » (NJOMGANG C. 2007) qui nécessite un

1
A titre de rappel, un marché est qualifié de concurrentiel quand les cinq conditions suivantes sont réunies :
atomicité des agents, transparence du marché, homogénéité des produits et mobilité des facteurs de production ainsi
que la liberté d’entrée et de sortie du marché
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certain nombre d’ajustements pour permettre d’obtenir sur les marchés ou d’évaluer, les valeurs
des biens environnementaux.
Les préférences pour un bien environnemental sont révélées sur un marché réel lorsque le
prix d’un bien marchand dépend de manière directe de l'état du milieu naturel. Trois techniques
permettent alors d'estimer la valeur de ces bénéfices (LESCUYER G. 2007):

Changement de productivité : l'évaluation économique de l'environnement peut être


réalisée par l'impact qu'il a sur la production de biens et services marchands. La variation
attendue de la quantité produite d'un bien marchand à cause de la dégradation du milieu naturel
permet de donner une valeur monétaire minimale à l'actif naturel quand il est conservé. Cette
technique d'évaluation est fréquemment utilisée en milieu rural de pays en développement,
notamment pour évaluer monétairement les effets d'un changement de l'utilisation des sols.
Bojö (1991) utilise, par exemple, cette technique d'évaluation pour apprécier l'utilité
sociale d'un programme d’amélioration de la conservation de sol au Lesotho. La valeur
écologique du milieu naturel préservé est estimée à partir de la dégradation attendue de la
fertilité des sols sans ce projet (baisse de 1% par an), de la baisse consécutive de la productivité
agricole (diminution annuelle de 7kg de maïs et de 8kg de sorgho par hectare), et de la tendance
probable des prix de ces deux produits dans le futur (+2%/an pour le maïs, -2%/an pour le
sorgho). Ces données de marché permettent alors de fournir une estimation minimale de la valeur
de la fonction écologique.

Dépenses de protection : l'évaluation économique des actifs naturels peut se faire par
l'estimation des dépenses réelles de protection que sont prêts à engager les acteurs économiques
pour prévenir la dégradation de l'environnement. A partir des dépenses réelles des ménages, il est
possible de tracer une courbe de demande pour la protection contre ces nuisances, mettant en
relation la quantité de protection demandée et le prix de cette protection.
Très souvent, la méthode des dépenses de protection est celle la plus couramment utilisée
quand il s’agit de faire une évaluation économique d’une dégradation environnementale liée aux
pollutions sonores. Cependant, même à ce niveau, quand l’évaluation se fait en se basant sur les
coûts des dépenses de protection, des biais apparaissent car la protection en question reste très

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souvent partielle et ne touche pas tous les agents économiques concernés. Des ajustements
doivent alors se faire dans la pratique.

Biens substituables : si l'on admet que deux biens d'usage équivalent ont des valeurs
d'échange comparables, alors la valeur économique d'un actif naturel non-marchand utilisé pour
un usage déterminé peut être estimée à partir du prix des biens marchands qui fournissent le
même service. On utilisera par exemple le prix des médicaments « modernes » pour donner une
valeur économique à des éléments de la pharmacopée traditionnelle qui obtiennent le même
résultat curatif.

Ensuite, pour certains biens où les marchés à proprement parler font défaut, l’évaluation
monétaire peut se faire également de deux façons, soit en faisant recours à des marchés de
substitution soit par la méthode des marchés hypothétiques. Nous verrons le développement de
cette dernière méthode dans le paragraphe relatif aux méthodes des préférences exprimées ci-
dessous.

b) Les méthodes des marchés de substitution


Généralement, les économistes de l’environnement font appel à ces méthodes quand le
marché fait défaut et/ou qu’il ne permet pas d’effectuer une évaluation des valeurs
environnementales de façon spontanée (Barde J-P, 1992). Les méthodes des marchés de
substitution permettent dans ce cas d’identifier les comportements des agents économiques et
d’en évaluer, de façon indirecte, le consentement à payer considéré comme la valeur d’un actif
environnemental donné. Globalement, les méthodes des marchés de substitution peuvent
s’effectuer de deux façons : selon la méthode des prix hédonistes et la méthode de coûts des
voyages.

La méthode des prix hédonistes


Elle consiste à prendre comme référence pour les données d’évaluation à utiliser celles du
marché immobilier. En effet, cette première méthode se veut être un outil ayant pour ambition
d’évaluer la valeur d’un actif environnemental grâce à l’étude de la relation entre le prix d’un
bien immobilier et la qualité de l’environnement dans lequel celui-ci se trouve, dont notamment
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la qualité de l’air ou plus précisément, la pollution (NUNES P.A.L.D et al, 2003). Selon cette
méthode, la valeur d’un bien immobilier est fonction non seulement de ses caractéristiques
matérielles mais aussi des attributs environnementaux qui lui sont associés tels que la proximité
des services par exemple ou la pollution, si on ne cite que ceux-là. La valeur des actifs
environnementaux qui sont associés à un bien immobilier pourra alors être déduite de la
différence entre le prix de ce bien avec tous ses attributs environnementaux et le prix de ce même
bien se trouvant dans une autre localité et sans ces attributs. Dans la pratique, cette différence
s’exprime en termes de pourcentage ou d’élasticité (NUNES P.A.L.D et al, 2003). Il convient de
noter cependant que cette méthode présente un certain nombre de limites liées aux hypothèses
qui la sous-tendent. Les deux principales limites que nous pouvons citer sont celles relatives à la
souveraineté du consommateur et à l’unicité des prix hédonistes des attributs. Pour la première,
elle suppose non seulement la capacité du consommateur à acheter ces attributs mais aussi sa
mobilité, alors que dans la réalité, celui-ci peut être contraint de ne pas pouvoir effectuer ce
choix par suite de contraintes financières, sociales ou culturelles. Pour ce qui est de la deuxième
hypothèse, la qualité des attributs et donc les valeurs qui leur sont associées sont des perceptions
personnelles des consommateurs. Il y aura alors autant de fonctions d’utilité que d’individus à
évaluer ; ce qui est loin d’être facile à effectuer.

La méthode de coûts des voyages/coûts des transports


Elle consiste à estimer les dépenses totales qu’un individu doit faire pour pouvoir se
rendre et visiter un site de récréation touristique et d’y pratiquer des activités (Bockstael et al.
1991)2. En fait, il s’agit d’évaluer le consentement à payer du consommateur lequel sera
considéré comme étant la valeur de cet actif environnemental. Pour ce faire, la méthode du coût
des voyages identifie et inventorie toutes les rubriques des dépenses du consommateur qui sont
liées directement à ce voyage, depuis son lieu d’habitation jusqu’à son arrivée sur le site :
dépenses administratives (visa, …), dépenses de transport qui se calculent en fonction de la
distance et de(s) moyen(s) de transport, dépenses sur place relatives à l’acquisition des matériels
et équipements nécessaires et aussi les frais divers, etc. D’autre part, pour éviter d’avoir des biais
dans les résultats de l’évaluation, il faut également évaluer les coûts de la durée du trajet; c’est-à-

2
Cité par NUNES P.A.L.D et al, 2003. Op. cit. p. 51
14
dire, le temps pour l’aller-retour en plus du séjour. Une fois l’inventaire effectué, l’étape suivante
consiste à l’évaluation proprement dite de ces dépenses. Une des principales limites quant à
l’application pratique de cette méthode se situe au niveau de la difficulté rencontrée lors de la
collecte des données nécessaires à l’évaluation, non seulement en termes financiers mais
également en raison même de la nature des consommateurs du site (des touristes pouvant venir
de très loin) et aussi l’évaluation des coûts du temps dépensé pour la réalisation du projet.
Quelquefois, il arrive que la détérioration d’un site de récréation touristique, suite
notamment à des dommages anthropiques (déversements d’hydrocarbures, de déchets industriels
ou ménagers, …), peut entraîner la diminution de la valeur que le consommateur lui attribue.
Cette diminution de valeur pourrait se traduire par la diminution du taux de fréquentation du site.
Comme remède, l’option de faire des investissements de prévention ou de protection est un choix
envisageable.

1.2. Les méthodes des préférences exprimées


Elles entrent dans la catégorie des méthodes d’évaluation dites directes. Contrairement
aux méthodes des préférences révélées qui se réfèrent à des marchés existants, les méthodes des
préférences exprimées se fondent sur l’utilisation des marchés hypothétiques lesquels permettent
de faire « une évaluation directe du consentement à payer du consommateur, au moyen
d’enquête et de questionnaire ».
La plus connue et la plus utilisée dans cette catégorie est la méthode d’évaluation
contingente. Cette méthode consiste à faire en sorte que le consommateur puisse exprimer son
consentement à payer pour une amélioration positive d’un actif environnemental ou son
consentement à recevoir des dédommagements pour un changement négatif de celui-ci. Il
convient de souligner que les termes « actif environnemental » se réfèrent ici à un bien ou un
service environnemental non marchand comme, par exemple, la qualité de l’air, la création ou
l’aménagement d’une aire protégée à vocation touristique, etc.
La technique d’évaluation contingente suit trois étapes:
- une phase de préparation de l'enquête visant à construire un marché fictif dans lequel
l'individu pourra donner une réponse aussi réaliste que possible: les enquêtés doivent pouvoir
calquer leurs réponses au scénario hypothétique sur leurs comportements en marchés réels.
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- une phase d'entretien individuel qui, par le biais d’un questionnaire, incite les individus à
révéler correctement leurs préférences pour le bien proposé sur le marché hypothétique. Pour
cela, il est nécessaire de proposer aux enquêtés un indicateur des préférences (consentement à
recevoir ou consentement à payer) et un mode de paiement qui soient réalistes et cohérents
avec le scénario hypothétique.
- une phase de traitement des données qui permet d’estimer, à partir des consentements
exprimés, la courbe de demande pour le bien environnemental. Le calcul du consentement
moyen nécessite un traitement statistique qui vise à écarter les réponses anormales ou à
distinguer les "vraies" des "fausses" réponses nulles. Un second intérêt de l'analyse statistique
des réponses est de vérifier que le consentement exprimé pour l'actif naturel est en accord
avec les variables socio-économiques des individus enquêtés.

Pour que le consommateur puisse réellement exprimer son consentement à payer (ou à
recevoir), il faut que le questionnaire soit très bien préparé de façon à ce que son comportement
reflète celui d’un agent économique qui se trouve devant un marché : c’est pour cette raison que
l’on parle de marché hypothétique. D’après certains auteurs, des supports peuvent être utilisés
dans la pratique pour arriver à cette fin.
Il faut noter que, en dépit de l’existence de quelques limites, la méthode d’évaluation
contingente présente un certain nombre d’avantages aussi bien sur le plan pratique que du point
de vue théorique. En effet, théoriquement, c’est une méthode qui a l’avantage, non seulement, de
permettre d’évaluer ou de mesurer le bien-être selon Hicks mais aussi de pouvoir s’adapter à
l’évaluation monétaire des valeurs d’option et de non usage, lesquelles sont souvent ignorées et
constituent de ce fait des biais pour les résultats obtenus à partir des autres méthodes
d’évaluation économiques (NUNES P.A.L.D et al. 2003, BARDE J-P. 1992). Sur le plan pratique et
de façon non exhaustive, les quelques avantages que l’on peut citer concernent à la fois le fait
que la méthode d’évaluation contingente peut très bien être utilisée pour une évaluation ex-ante
et aussi qu’elle permet la participation plus ouverte du public au processus d’évaluation. A ce
propos, le prix Nobel d’Economie en 1998 - SEN. A – parle de « part importante de la
démocratie ». En ce qui concerne les inconvénients de cette méthode, la littérature parle d’au
moins six biais si l’on se réfère à Cummings et al (1984) parmi lesquels, nous allons en présenter

16
quatre que l’on peut considérer comme majeurs. Tout d’abord, il y a le biais hypothétique lié à la
nature même de la méthode; ensuite, il y a également le biais stratégique, le biais opérationnel et
enfin le biais de sélection. Pour le premier, le marché hypothétique ne reflète pas les conditions
réelles du marché où une erreur de jugement est sanctionnée immédiatement, ce qui n’est pas le
cas dans un marché hypothétique. Pour le second cas, il est lié au problème du « passager
clandestin » en ce sens que l’enquêté peut choisir de ne pas révéler sa préférence réelle s’il pense
pouvoir y gagner un intérêt supérieur. En ce qui concerne le troisième cas, l’enquêté peut ne pas
avoir les informations ou les connaissances nécessaires pour pouvoir donner une évaluation
correcte du changement qu’on lui demande d’évaluer. Par contre, le biais de sélection quand un
pourcentage de l’échantillon ne parvient pas à donner leur consentement à payer signifiant une
non-réponse à la question posée ou par un zéro de protestation (YELKOUNI M., 2005). Ces deux
biais pourraient conduire soit à une surestimation soit à une sous-évaluation du consentement à
payer du consommateur et donc de la valeur de l’actif environnemental en question.

Si telles sont les méthodes d’évaluation économique qualifiées généralement de directes,


dans le paragraphe qui suit, nous allons voir un aperçu des techniques de la méthode indirecte
d’évaluation économique en matière d’environnement.

2 - Les techniques de la méthode indirecte d’évaluation


L'évaluation indirecte n’a pas comme objectif de reconstruire la courbe de demande du
bien mais cherche à donner une valeur monétaire à une conséquence physique (positive ou
négative) de l'évolution de l'environnement en recourant à des estimations existantes, souvent
macro-économiques. Ces évaluations n'expriment donc pas les préférences des agents
économiques et ne sont pas en mesure de fournir la valeur économique théoriquement exacte de
l'actif naturel.
Cette méthode est qualifiée d’indirecte en ce qu’elle procède à l’évaluation monétaire
d’un actif environnemental par l’intermédiaire des effets physiques ou des dommages que celui-
ci peut produire. Contrairement aux autres techniques que nous venons de voir plus haut, la
référence aux marchés (réels ou hypothétiques) se fait indirectement. En effet, ce sont les
dommages qui font l’objet de l’évaluation monétaire laquelle s’appuie sur les données collectées

17
sur les marchés réels ou hypothétiques. La valeur de l’actif environnemental s’obtient par la suite
au moyen de simple déduction de cette évaluation monétaire avec quelques ajustements tenant
compte des relations « dose-effet » entre les différents facteurs qui, en plus de l’actif
environnemental, peuvent contribuer à la réalisation des dommages ou des effets physiques. En
d’autres termes, il s’agit d’établir et d’estimer les degrés de corrélation qui existent entre le
phénomène physique et les différents facteurs qui peuvent être à l’origine de son apparition, dont
plus particulièrement l’actif environnemental. A titre d’illustration, dans ce cas, on peut parler de
la pollution ou du phénomène érosif.

Pour le premier cas, l’évaluation de la pollution atmosphérique consiste à mesurer ses


effets sur la santé en termes de taux de mortalité et de morbidité. Néanmoins, il convient de
souligner que beaucoup de facteurs peuvent et doivent être considérés pour pouvoir bien
appréhender ce phénomène comme par exemple, «l’état sanitaire général des populations
exposées, les habitudes alimentaires, le tabagisme, … ». Dans cet exemple, selon BARDE J.P
(1992), il s’avère par conséquent légitime de se demander à quel niveau se situent les rôles
relatifs du tabagisme et les concentrations en SOx dans l’atmosphère quand on parle de cancer
des voies respiratoires, lequel est en relation avec le taux de morbidité. Pour ce qui est du
deuxième cas, l’érosion des terres en amont peut diminuer les rendements des terrains agricoles
en aval, en particulier les rizières qui sont envasées. A l’image du premier cas, un certain nombre
de facteurs peuvent être à l’origine de la baisse de rendement d’une rizière, comme les
techniques rizicoles appliquées, le choix des semences utilisées, les moyens financiers et
humains dont disposent les riziculteurs de la zone concernée, pour ne citer que ceux-là.

Bien que très pertinente, cette technique n’est pas la plus facile à manipuler parmi celles
relatives à l’évaluation économique directe et indirecte que l’on peut utiliser. Son utilisation dans
la pratique requiert par conséquent, certaines précautions qui permettraient de minimiser les biais
et d’obtenir de meilleurs résultats. Cependant, une fois la manipulation maîtrisée, la méthode
indirecte d’évaluation s’avère être un outil efficacement recommandé, notamment pour
l’évaluation économique de certaines externalités environnementales comme les pollutions (air et
eau) ou les avantages que l’on pourrait tirer de la mise en œuvre de projets environnementaux.

18
Limites et critiques des méthodes

L’application de ces différentes méthodes d’évaluation à la biodiversité permet, en théorie, de


calculer sa valeur économique totale, c’est-à-dire sa contribution au bien-être humain. Toutefois,
cette démarche exhaustive rencontre de nombreux obstacles dans la réalité, ce qui explique le
faible nombre d'études cherchant à estimer la valeur économique totale d’un écosystème ou de
tout autre élément de la biodiversité. En outre, la littérature montre que, en pratique, l'estimation
de la valeur économique totale est le résultat non pas de l'agrégation de tous les bénéfices tirés de
cet écosystème, mais seulement de certaines valeurs qui ont pu être quantifiées monétairement
(Lampietti & Dixon, 1995 ; Nunes & van den Bergh, 2001). La notion de valeur économique
totale correspond alors à la somme de quelques valeurs économiques sélectionnées
subjectivement par l’évaluateur et non de la totalité des valeurs qui la constituent.
Cependant, ces difficultés pratiques ne doivent pourtant pas délégitimer le recours à l’évaluation
économique basée sur ces méthodes. Si l’estimation de la valeur économique totale constitue
effectivement un objectif idéal, l’évaluation monétaire de certains avantages contribuant au bien-
être d’un individu ou un ménage tirés de l’utilisation d’un bien constitue souvent une information
importante pour une bonne prise de décision. Enfin, il faut reconnaître que même si la référence
monétaire constitue un moyen pratique permettant une comparaison facile d’éléments de
différentes natures, il n’en résulte pas moins qu’il s’agit de méthodes qui permettent d’arriver à
des indicateurs monétaires dont la pertinence reste discutable (Stiglitz, J. et al, 2009).

Les méthodes d’analyse économique

Nous allons considérer les trois types d’analyse les plus utilisés dans la pratique, à savoir
l’analyse cout-bénéfice, l’analyse cout-efficacité et l’analyse multicritère.
a) – L’analyse cout-bénéfice (ACB) et analyse coût-avantage (ACA)
L’analyse cout-bénéfice a été la méthode d’analyse la plus utilisée comme outil de prise
décision par les autorités publiques bien avant même la prise en considération des enjeux
environnementaux. C’est un outil à utiliser ex-ante permettant la prise de décision avant la mise
en place d’un projet en comparant les coûts et les bénéfices monétaires que celui-ci pourrait
occasionner. Les éléments des coûts comme ceux des bénéfices sont évalués suivant la méthode
19
d’évaluation économique, c’est-à-dire en faisant appel aux techniques permettant de d’arriver
aux VET, sauf que pour les bénéfices, ce sont surtout les bénéfices en termes monétaires qui sont
considérés d’où sa limite. Mais, l’ACA permet de combler cette lacune en prenant en
considération tous les bénéfices monétaires et les avantages non monétaires liés aux différents
scénarios d’un projet. La décision se prend alors sur la base de la comparaison des résultats de
ces deux éléments. L’ACA est essentiellement une analyse ex-ante. Son utilisation ex-post
pourrait se faire mais seulement dans le cadre d’un grand changement directionnel ou
d’orientation d’un projet en cours d’exécution.

b) – L’analyse cout-efficacité (ACE)


L’ACE est un outil de prise de décision ex-post. Elle consiste à faire le rapport entre deux
projet (ou plus) en prenant en considération leurs coûts, lesquels devraient être issus de la
méthode d’évaluation économique tenant compte de la VET, et les résultats obtenus à l’issue de
la mise en place de ces projets. Le projet présentant le moindre coût avec le maximum de
résultats est considéré comme le projet coût-efficace. Dépendant de la nature ou de l’objectif du
projet, les indicateurs d’efficacité peuvent être élaborés par l’expert, mais c’est aussi possible,
voire recommandable de les construire en impliquant les bénéficiaires, c’est-à-dire, selon une
approche participative.

c) – Le concept d’analyse multicritère


Traduit de l’Anglais « MultiCriteria Analysis (MCA)», l’analyse multicritère est un
concept relativement nouveau dont les premières utilisations datent des années 19703. Elle trouve
son origine dans les anciennes méthodes d’évaluation économique des éléments de la
biodiversité ou des ressources naturelles en général (Nunes et al, 2003)4. Certains éléments de ce
concept ont déjà été utilisés dans d’autres méthodes, notamment, dans le cadre des évaluations
économiques d’un site de conservation ou d’une ressource naturelle donnée ou même d’un

3
FROGER G. 2005, Les démarches d’aide multicritère à la décision en économie de l’environnement in Liaison
Energie – Francophonie de l’Institut de l’Energie et de l’Environnement de la Francophonie, Organisation
internationale de la francophonie, Economie de l’environnement et des ressources naturelles; n° 66 -67 - 1er et 2ème
trimestre 2005, pp 46 – 53.
4
NUNES P.A.L.D, Van den Bergh J.C.J.M et N IJKAMP P. 2003, The Ecological Economics of Biodiversity :
Methods and Policy Applications, Edward Elgar Publishing, p.46
20
écosystème particulier, alors que d’autres ont été élaborés pour pallier les points faibles de ces
méthodes. C’est le cas par exemple de l’analyse coûts/bénéfices 5 que nous avons déjà décrit
assez brièvement plus haut. Il s’agit donc d’un concept qui a pour ambition de prendre en
considération les différentes dimensions des projets d’environnement, lesquelles sont parfois
voire souvent, difficiles à quantifier monétairement, de façon à permettre une analyse aussi
complète que possible. Pour cela, le concept MCA fait appel à différents critères aussi bien
quantitatifs que qualitatifs et également multidimensionnels qui cadrent avec les différentes
dimensions et les nombreux aspects des politiques ou programmes devant faire l’objet de
l’évaluation. On peut dire alors que le MCA possède cette possibilité de pouvoir prendre
simultanément en considération des dimensions ou des jugements irréductibles ou même à priori
incompatibles et les met dans un système d’évaluation unique permettant de faire ressortir des
résultats qui vont faciliter la prise de décision à des niveaux différents6. Dans ce sens, on dira que
le MCA est un modèle d’évaluation qui rentre dans la catégorie des théories des décisions ayant
pour objectif de prendre en considération différentes options possibles et de montrer les forces et
les faiblesses de chaque option de façon quantifiée en vue de faciliter la prise de décision du
meilleur choix selon un certain nombre de critères même si ceux-ci sont contradictoires ou
conflictuels. Elle vise ainsi à permettre de comparer côte à côte des unités monétaires et non
monétaires. Dans le cadre de l’analyse multicritères, les coefficients de pondération sont fixés
sur la base des préférences des gens (opinion publique ou évaluation économique) ou d’avis
qualifiés.

5
La littérature anglophone parle, à ce propos, de « costs/benefits analysis » qui se traduit en français par « analyse
coûts/avantages » laquelle essaie de prendre en compte les dimensions non monétaires dans l’évaluation même si
celles-ci restent souvent qualitatives, contrairement au cas de l’analyse coûts/bénéfices.
6
NUNES P.A.L.D et al, 2003. Op. cit, p. 83
21
Exercice d’application
C

Park AT&A

Soit un parc d’attraction pour enfants (Park AT&A) se trouvant à Anosizato qui reçoit des visiteurs tous
les jours. Les visiteurs sont de 3 catégories A, B et C.

- Visiteurs A : visiteurs à pieds habitant aux environs immédiats du Park AT&A (au maximimu à
30mn du parc),

- Visiteurs B : visiteurs habitant sur l’axe Nord de la RN1 jusqu’à Anosy. Cette catégorie est
composée de 3 types de visiteurs B1, B2 et B3 lesquels utilisent les moyens de transport
suivants :

 B1 représentant 30% de la catégorie, se déplacent en taxi-be ; frais 300 Ar / personne

 B2 représentant 10% de la catégorie, se déplacent en taxi ; frais 6 000 Ar/pers avec comme
hypothèse un taxi, une personne uniquement

 B3 représentant le reste et se déplacent en voiture privée ; dépenses moyenne en carburant


et autres : 12 000 Ar

- Visiteurs C : visiteur habitant l’axe Ouest de la RN1 jusqu’à Ambatomirahavavy. Cette catégorie
de visiteurs utilisent le taxi-brousse comme moyen de transport ; frais 2 000 Ar/personne

Informations supplémentaires :

 Employé du Park AT&A : 30 dont 22 locaux et le reste en ville; leur salaire moyen est de
450 000Ar

 Recette hebdomadaire moyenne du Park AT&T sur les boissons hygiéniques (interdiction de
vente de boissons alcooliques) et snacks 20 000 000 Ar,

22
 Existence de marchands ambulants en moyenne au nombre de 10 avec une recette journalière
moyenne de 30 000 Ar,

 Existence d’un Epi-bar de qualité où les parents peuvent aller pour les boissons alcooliques
(hypothèse : une à l’intérieur du parc, les enfants peuvent être laissés sans surveillance),

 Prix d’entrée du Park AT&T : enfants 2 000 Ar/pers et adultes 4 000 Ar/pers

 Nombre de visites hebdomadaires : 2400 dont 80 les weekends. En moyenne, le groupe est
formé de 5 individus dont 2 adultes.

 Après le passage d’un cyclone, la montée de la rivière Ikopa a produit une grave inondation
occasionnant des dommages d’un montant égal à 30 millions Ar.

Travail à faire :

1- Identifier les rubriques des données qui vont servir de base pour le calcul

2- Estimer la VET du Park AT&T

23
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