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Ministère de l’Enseignement Supérieur REPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE

et de la Recherche Scientifique UNION-DISCIPLINE-TRAVAIL

SUPPORT DE COURS :

MICROECONOMIE

Chargé du cours : Dr. TIEMELE Jean-Baptiste


Economiste, Enseignant-chercheur : INP-HB (DFR-GCEA)

1
THÉORIE DE LA FIRME ET ORGANISATION DU
MARCHÉ

Chapitre 1 : LE MARCHÉ DE CONCURRENCE PURE ET PARFAITE

Introduction

La concurrence pure et parfaite est un concept rigoureux qui est à la base du modèle le plus
important du fonctionnement des affaires. L’essence du concept tient au caractère entièrement
impersonnel du marché. Il n’existe pas de rivalité entre les offreurs sur le marché, et les
acheteurs ne reconnaissent pas être en concurrence les uns vis-à-vis des autres. Ainsi, en un
sens, la concurrence parfaite décrit un marché dans lequel il y a une absence complète de
concurrence directe entre les agents économiques. En régime de concurrence pure et parfaite
(CPP), on cherche à savoir comment le prix et la production sont déterminés à court et à long
terme.

Section 1 : LA CONCURRENCE PURE ET PARFAITE

1. Définition

Un marché de CPP est un marché sur lequel aussi bien les acheteurs que les vendeurs pensent
que leurs propres décisions d’achat ou de vente n’ont aucun effet sur le prix du marché. Dans
ce cas, ce prix qui était considéré comme un paramètre devient une variable dont la valeur est
déterminée par les actions conjuguées des acheteurs et des vendeurs.

2. Les hypothèses du marché de concurrence pure et parfaite

1. Atomicité des offres et des demandes : Les entreprises et les consommateurs sont
suffisamment nombreux et de taille restreinte de telle sorte qu’aucun d’entre eux ne puisse, en
faisant varier son offre ou sa demande particulière, modifier de façon appréciable l’offre ou la
demande globale.
2. Liberté des acheteurs et des vendeurs : Aucun groupement de type syndical ou de type
professionnel ne doit entraver cette liberté ; l’Etat ne doit pas intervenir pour la limiter par une

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réglementation quelconque. Il doit y avoir liberté d’entrée et de sortie de la branche.
3. Transparence du marché : Chaque participant doit être parfaitement informé des conditions
du marché, c'est-à-dire des quantités offertes et demandées et des prix auxquels ces quantités
sont offertes ou demandées.
4. Homogénéité du produit : Les vendeurs d’un type de produit livrent des biens considérés par
les acheteurs comme identiques. Aucun produit ne doit, par conséquent être caractérisé par une
marque, un emballage particulier. Aussi, les consommateurs sont-ils identiques pour les
vendeurs en ce sens qu’ils ne trouvent aucun avantage ou inconvénient à vendre leurs produits
à un consommateur plutôt qu’à un autre.
5. Parfaite mobilité des produits et des facteurs de production : cette mobilité intervient entre
les différents emplois possibles et les différents secteurs de l’économie. Cette hypothèse
s’applique aussi bien aux producteurs qu’aux consommateurs.
NB: les hypothèses homogénéite du produit et celle de l'atomicité constituent l'hypothèse de
concurrence pure et 3 autres l'hypothèse de concurrence parfaite
Section 2. LOI DE L’OFFRE ET DE LA DEMANDE

Si nous considérons que les autres facteurs agissant sur l’offre et la demande, en dehors du prix
sont connus et invariables, l’offre totale O (somme des offres individuelles) et la demande totale
D (somme des demandes individuelles) d’un produit X sont des fonctions du prix Px de ce

produit :
D = f ( Px )
O = f ( Px )

Ces fonctions ont les propriétés suivantes :


- La demande est une fonction normalement décroissante du prix ;
- L’offre est, normalement, une fonction croissante du prix ;
- L’équilibre d’un marché est réalisé si la quantité demandée du bien X est égale à la quantité
offerte de ce bien :
D( Px ) = O( Px )

3
Prix

R
Excédent Offre
P1 A1

Pe E

P2 A2 Déficit

Demande
Quantité
0 Qe
Figure 1 : Loi de l’offre et de la demande

Le seul prix d’équilibre susceptible de demeurer stable, est celui correspondant à l’égalité des
quantités offertes et demandées, c’est-à-dire au point d’intersection E des courbes d’offre et de
demande. AP1, les offreurs vendent une quantité plus grande définie par le point A1 que celle
que les acheteurs seraient disposés à acheter. Il en résulterait un excédent de l’offre par rapport
à la demande. Les offreurs seront conduits à baisser leur prix jusqu’au niveau d’équilibre. AP2,
inférieur au prix d’équilibre Pe, les acheteurs seraient disposés à acheter une quantité plus
grande définie par le point A2, que celle que consentiraient à vendre les offreurs. On observerait
un déficit de l’offre par rapport à la demande. Les consommateurs qui ne pourraient être servis
au prix P2 accepteraient un relèvement des prix jusqu’au niveau d’équilibre. L’unicité du prix
d’équilibre entraine pour certains acheteurs et pour certains offreurs un surplus. Le surplus des
consommateurs est le gain psychologique que réalisent les acheteurs disposés à payer plus cher
que le prix d’équilibre, gain représenté par la surface PeER. Le surplus des producteurs est le
gain réalisé par les offreurs disposés à vendre moins cher leur produit que le prix d’équilibre,
gain représenté par la surface PeEO.

Section3. ÉQUILIBRE EN PÉRIODE DE COMMERCIALISATION (OU PÉRIODE


DE MARCHÉ)
1. Définition
La période de commercialisation correspond à la courte période de temps ou l’offre est
absolument fixe. Par exemple, après la moisson d’une culture céréalière, la quantité du bien ne
peut être accrue jusqu’à la prochaine moisson. On peut aussi donner l’exemple des

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commerçants qui détiennent des stocks de marchandises ; la quantité disponible à la vente ne
peut être accrue instantanément car il faut un certain délai pour la commande et la livraison.
La branche (l’industrie) regroupe l’ensemble des firmes qui produisent un bien homogène.

2. Détermination de l’équilibre de la branche en période de commercialisation


En période de commercialisation, la production ne peut être modifiée. Chaque firme a une offre
fixe qu’elle vend au prix établi par le marché. La courbe d’offre du marché qui est la somme
des offres individuelles, est représentée par une droite parallèle à l’axe des ordonnées.
Prix

P3

P2
D3
P1
D2
D1 Quantité
0 Qe
Figure 2 : équilibre en période de commercialisation

- La quantité produite et vendue est égale à OQe. Cette courbe d’offre définit la quantité offerte
par l’ensemble des firmes de la branche.
- Si la demande de marché est D1, le prix d’équilibre sera OP1. Si cette demande passe à D2,
le prix d’équilibre passera à OP2. A D3 correspondra OP3.
En conséquence de ce qui précède, on retient qu’en période de commercialisation, la demande
seule détermine le prix d’équilibre du marché. Tandis que l’offre seule détermine la quantité
d’équilibre du marché. Le prix d’équilibre obtenu rationne la quantité offerte QeA entre les
différents acquéreurs qui sont prêts et capables de payer le prix de marché.

Section 4. ÉQUILIBRE DE COURT TERME D’UNE FIRME DANS UN MARCHÉ


DE CONCURRENCE PARFAITE
Contrairement à la période de commercialisation, dans le court terme, l’entrepreneur peut
ajuster sa production en variant les quantités utilisées des inputs variables. L’étude de
l’équilibre de la firme dans le court terme va consister à déterminer le profit maximum que peut

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réaliser l’entrepreneur tout en modifiant le niveau de sa production. Ce profit (𝜋) maximum
peut être déterminé selon deux approches :
- L’approche totale
- L’approche marginaliste

1. L’approche totale de la maximisation du profit


Elle consiste à déterminer le profit comme la différence entre le revenu total (RT) et le coût
total (CT) d’exploitation de la firme. Le profit sera maximisé pour le niveau d’output qui
maximise la différence entre le RT et le CT.
 = RT − CT avec RT = Pq et CT = C (q) + b
 = Pq − C (q ) − b
d
Pour maximiser  , on doit avoir =0
dq
d
= P − C ' (q ) = 0  P = Cm
dq
- La condition du second ordre pour la maximisation du profit  nécessite que la dérivée
seconde c’est-à-dire d 
2
= C ( q ) = −Cm ( q )
'' '
soit négative : ce qui signifie que le coût
dq 2
marginal (Cm) doit être croissant pour la valeur de l’output qui maximise  .

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Exemple 1: soit le tableau suivant

Prix du Production Revenu Coût fixe Coût variable Coût Profit ou


marché et vente total total total total perte

5 1 5 15 2 17 -12
5 2 10 15 3,50 18,50 -8,50
5 3 15 15 4,50 19,50 -4,50
5 4 20 15 5,75 20,75 -0,75
5 5 25 15 7,25 22,25 2,75
5 6 30 15 9,25 24,25 5,75
5 7 35 15 12,50 27,50 7,50
5 8 40 15 17,50 32,50 7,50
5 9 45 15 25,50 40,50 4,50
5 10 50 15 37,50 52,50 -2,50

60
50 C
Revenu et coût total

40

30
B
20 A

10

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Figure 3 : Maximisation du profit par l'analyse de la différence entre revenu total et coût total

- Au point A et C : la firme est en équilibre d’exploitation car le RT est égal au CT.


- Au point B : la firme réalise le maximum de profit avec un niveau de production et de vente
égal à 7 unités. Au point B, les courbes de RT et CT ont la même pente donc 𝑅𝑚= 𝐶 𝑚
 max → Rm = Cm = P = RM

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NB : la courbe du revenu total pour une firme est toujours une droite dans le cas de la
concurrence pure et parfaite car le prix unitaire ne varie pas lorsque les quantités vendues
varient. Cette invariabilité du prix est due au fait que les offres d’une seule firme n’ont aucune
influence sur la quantité offerte par la branche, donc ces offres ne font pas varier le prix du
marché.

2. L’approche marginaliste de la maximisation du profit (  )

CmC
P CTMC
F1 Profit de CT E1 F2
P0
P=Rm=RM=Cm

CVMC

P1

Min CVM

E1 Min CTM
Q
Q2 Q1 Q0 Q3

Figure 4 : Approche marginaliste de la maximisation du profit (  )

- L’équilibre de court terme de la firme est réalisé au point E1 où le Cm de court terme est égal
au Rm: puisque le Rm = Prix, l’équilibre de court terme est alors atteint au niveau d’output Q0
pour lequel P = Rm = Cm
- Tout niveau de production < Q0 correspond au Cm < Rm : dans ce cas l’augmentation de la
production et des ventes entraine un accroissement plus que proportionnel du RT par rapport
au CT et le p est croissant tant que cette inégalité se maintient.
- Si le niveau de production est > Q0, le Rm < Cm. La hausse du CT consécutive à
l’accroissement du niveau de production excède l’augmentation du RT et réduit le niveau du p.
Afin d’accroitre le p, il est nécessaire de réduire le niveau de production. Le niveau de
production optimum offre-t-il à l’entrepreneur trois (3) options :

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- Si le prix (P) de l’output > min CTM, la firme maximise ses p ;
- Si min CVM < P < min CTM, la firme minimise ses pertes totales ;
- Si P < min CVM, la firme minimise ses pertes totales et ferme ses portes ;
- Au niveau de production (Q1), le prix de marché (P) est égal au min CVM. Dans ce cas la
firme est indifférente entre le niveau de production nulle et le niveau d’output correspondant au
minCVM : car dans les deux cas, les pertes de l’entreprise sont égales à ses coûts fixes (CF) ;

Théorème : une firme, dans une branche ou la concurrence est parfaite, atteint son équilibre de
profit maximum à court terme en portant sa production au niveau ou le coût marginal est égal
au prix fixe du bien, donné par le marché.

3. Courbe d’offre de court terme d’une firme en situation de concurrence parfaite

La préoccupation est que la firme subissant une perte continuera à produire à court terme si et
seulement si la perte obtenue en produisant est inférieure à celle qui résulterait de la fermeture
complète de l’établissement.

Définition
La courbe d’offre de la firme est la courbe qui indique la quantité qu’elle souhaite produire pour
chaque prix possible. Elle se confond avec la portion de la courbe du Cm de court terme située
au-dessus de la courbe de CVM c’est-à-dire au seuil de fermeture de l’entreprise.

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P Cm ou offre
CTM
P3 CVM

P2
P1

P0

Q
0 Q0 Q1 Q2 Q3

Figure 5 : Courbe d’offre de l’entreprise dans le court terme

Commentaires
- La fonction d’offre n’est pas définie pour des niveaux de prix inférieurs à P0.
- La fonction d’offre est obtenue à partir de la condition de  max , c’est-à-dire P = Cm

- Puisque le Cm de court terme dépend de la quantité produite, l’offre sera positive dans les
conditions suivantes :
Si P  MinCVM → la courbe d ' offre existe :la firme produit
Si P MinCVM → la courbe d ' offre n ' existe pas :la firme ne produit pas
- Entre les points E et G (P0 et P2) la firme fera des pertes à court terme puisque le prix est
inférieur au CTM. Mais elle récupérera une partie de ses frais généraux.
- On appelle P0 le prix de fermeture c’est-à-dire le prix en dessous duquel la firme réduit ses
pertes en choisissant de ne rien produire.

Exemple
Soit la fonction de CT suivante d’une entreprise : CT = 0,1q3- 2q2+ 15q + 10
Déterminer la courbe d’offre de court terme de cette entreprise.

Solution
- Condition d’équilibre en CPP : Cm = P
CT = 0,1q3- 2q2+ 15q + 10
dCT
Cm = = 0,3q 2 − 4q + 15
Dq

10
Cm = p  0,3q 2 − 4q + 15 = p
0,3q 2 − 4q + 15 − p = 0
 = 42 − 4  0,3(15 − p)
 = 1, 2 p − 2
 0  p  1, 6
1
4  (1, 2 p − 2) 2
q=s=
0, 6
CVT
CVM = = 0,1q 2 − 2q + 15
q
 CVT 
d
 q 
Min CVM  =0
dq
 0, 2q − 2 = 0
 q = 10

Si q = 10 alors Cm = 0, 3(10) 2 − 4(10) + 15 = 5


Cm = 5 et comme Cm = p
donc p = 5

Ainsi, pour q = 10, Cm = Min CVM = P = 5


L’expression de la fonction d’offre est alors :

 1

 Si = 4  (1, 2 P − 2) 2
 , si P5
 0, 6

 Si = 0 , si P 5

avec Si = offre de l’industrie i

Si la branche est composée de 100 firmes la fonction d’offre globale est égale à :
  1

 Sc = 100  4  (1, 2 P − 2) 2 
   pour P  5
 0, 6
 
 
 Sc = 0 pour P 5

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Section 5. ÉQUILIBRE DE COURT TERME DANS UNE BRANCHE EN SITUATION
DE CONCURRENCE PARFAITE

1. Offre dans le court terme

La courbe d’offre de la branche est obtenue en faisant la somme des courbes d’offre
individuelles qui correspondent aux courbes de coût marginal.
Supposons qu’il y ait deux entreprises A et B. La courbe d’offre de chacune est la portion de sa
courbe de coût marginal (Cm) située au-dessus du prix de fermeture.

P SA P SB P SG

P3 P3 P3

P2 P2 P2

P1 P1 P1

0 qA q 0 qB q 0 qG

Firme A Firme B Branche


Figure 6 : Détermination de la courbe d’offre de la branche

Les graphiques ci-dessus supposent que le prix de fermeture de la firme A est inférieur à celui
de B. La courbe d’offre de chaque firme est horizontale au point de fermeture. Quel que soit le
prix, l’offre de la branche (qG) est la somme de l’offre de la firme A (qA) et de l’offre de la
firme B (qB).
La courbe d’offre de la branche présente une discontinuité au prix P2. Entre P1et P2, seule la
firme A dont le coût est plus bas produit. Quant à la firme B, elle commence à produire au prix
P2. Quand il existe un grand nombre d’entreprises dont chacune a un prix de fermeture différent,
il apparait un grand nombre de petites discontinuités à mesure qu’on se déplace vers le haut sur
la courbe d’offre de la branche. En réalité, comme chaque firme n’a dans un marché
concurrentiel qu’une petite taille par rapport à celui-ci, la courbe d’offre de la branche est
continue.

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2. Prix et quantité d’équilibre dans le court terme
Le prix d’équilibre de la branche résulte de la confrontation entre l’offre totale et la demande
totale pour différents prix indiqués.
Exemple
A partir des données du tableau ci-dessous, indiquer le prix et la quantité d’équilibre de la
branche.
Tableau 2: offres et demandes
Offre totale de 1000 firmes (2) Prix (3) Demande totale (4)
Offre d’une firme (1)

10 10.000 150F 4.000


9 9.000 130F 6.000
8 8.000 110F 8.000
7 7.000 90F 9.000
6 6.000 80F 11.000
0 0 70F 13.000
0 0 60F 16.000

Le prix d’équilibre s’établit à 110F pour une quantité de 8000 unités échangées.
En confrontant une firme, un marché et un consommateur, le prix et la quantité dans le court
terme peuvent être obtenus graphiquement comme suit :

P P P
Cout Cm CTM D0 D1 d0 d1

P2 P2 E2

P1 P1 E2
q1 q2 q Q1 Q2 Q q 1 q3 q2 q
Firme Marché Consommateur

Figure 7: Prix et quantité dans le court terme

Les valeurs d’équilibre prix quantité (P1, q1) sont déterminées à l’intersection des courbes
d’offre et de demande globales de marché. Ce couple d’équilibre persistera d’une période à une
autre à moins que ces deux courbes ne soient perturbées par l’un des facteurs qui les
déterminent.

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On suppose que la courbe de demande du consommateur se déplace de d 0 à d1 c'est-à-dire un
accroissement de la demande individuelle. Ceci ne produira aucun effet sur le prix de marché
qui est un prix de CPP quoique la quantité demandée par le consommateur passe de q1 à q2. Par
contre si la courbe de demande de marché se déplace de D0 à D1, il y a perturbation et le prix
d’équilibre augmente de P1à P2, de même que la quantité de marché passe de Q1 à Q2. Au niveau
du consommateur, cette hausse de prix va se traduire par une baisse de la quantité demandée de
q2 à q3. Cependant, au niveau de la firme, l’accroissement de prix engendre un effet positif sur
la quantité offerte qui passe de q1 à q2 : au niveau de la firme, la hausse de prix implique une
augmentation du profit.

Section 6. ÉQUILIBRE DE LONG TERME DANS UN MARCHÉ DE


CONCURRENCE PARFAITE

Tous les facteurs étant variables dans le long terme, un chef d’entreprise peut choisir de
modifier la taille de son établissement tout comme le niveau de sa production pour réaliser le
profit maximum. Tout comme des entreprises existantes peuvent quitter la branche, de
nouvelles entreprises peuvent y entrer si les perspectives de profit sont meilleures qu’ailleurs.
A la vérité, la variation du nombre d’entreprises de la branche consécutive aux perspectives de
profit constitue l’élément clé de la formation de l’équilibre de long terme. Ces nouvelles
entreprises (firmes) vont continuer à entrer sur le marché tant que des profits positifs seront
réalisés par les firmes déjà en activité dans la branche. Ce mécanisme d’ajustement se
poursuivra jusqu’à ce que tous les profits économiques soient nuls.

1. Le prix d’entrée et de sortie en CPP

Définition : on appelle prix d’entrée ou de sortie, le prix correspondant au minimum de la


courbe du coût moyen de long terme (CMLT).

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Coût CmL
P CML
P2

P1

0 q1 q2 q3 q

Figure 8: Décision d’offre de la firme à long terme

Au prix d’entrée et de sortie (P2) les firmes ne font que des profits normaux. Il n’existe aucune
incitation à entrer dans la branche ou la quitter. Tout prix inférieur à P2 incitera l’entreprise à
sortir de la branche à long terme c’est-à-dire à la quitter définitivement. Lorsque le prix est
supérieur à P2, la firme peut rapporter des super profits. Ce prix P2 est le prix qui couvre le coût
moyen le plus bas auquel le nouvel entrant pourrait produire c’est-à-dire le seuil critique à partir
duquel l’entrée devient intéressante.

2. Détermination de l’équilibre au niveau de la firme et de la branche

En longue période, la concurrence détermine un nombre important de variables :


- le prix d’équilibre : Pe ;
- la quantité d’équilibre au niveau de la branche : Qe ;
- la quantité d’équilibre pour chaque firme : qe;
Qe
- le nombre d’entreprises dans la branche : ne =
qe

Commentaire
- Soit un ensemble de firmes ayant la même taille et représentées par le Cm à partir duquel un
équilibre initial (E0) permet d’obtenir les valeurs (P1, q1, Q1). L’expansion de la taille des
établissements va se traduire par un accroissement de la quantité offerte sur le marché (Q1 à
Qe).

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- Au prix P1 chaque firme atteint un équilibre de court terme au point (A) où le coût marginal
est égal au prix (Cm = P). A ce point d’équilibre, chaque firme de la branche produit la quantité
(q1) qui lui permet de réaliser un profit économique pur ou un profit maximum (AB x 0q1 ou la
surface AP1PeB). Cette situation pourrait correspondre à un équilibre de long terme si toutefois
le Cm de long terme est égal au prix. Cependant, puisque chaque firme de la branche réalise
des profits économiques purs, il y aura de nouvelles firmes qui feront leur entrée sur le marché.
Par conséquent, la courbe de la branche va passer de S0 à S1 : ce qui accroît la quantité offerte
dans la branche de Q1 à Qe. Mais le prix d’équilibre est réduit à Pe. Cette baisse de prix entraine
une réduction de la quantité offerte par chaque firme de q1 à q2.
- Au prix Pe, chaque firme produit la quantité (qe) qui égalise le prix (Pe) au coût marginal
(point C) c’est-à-dire au minimum du CVM : il s’agit là du point d’équilibre de long terme où
les firmes de la branche ne réalisent ni profits économique purs ni pertes mais plutôt des profits
comptables ou profits normaux.

3. Équilibre à long terme pour une entreprise en CPP

L’équilibre à long terme d’une entreprise (firme) en situation de CPP est obtenu au point où le
prix est égal au minimum du coût moyen de long terme. En ce point, le minimum du coût moyen
total de long terme et les coûts marginaux de court et long termes sont égaux. La position
d’équilibre à long terme est caractérisée par une situation de « non profit » : les entreprises
n’ont ni profit ni perte pure, seulement un profit comptable égal au taux de rentabilité que l’on
peut obtenir dans d’autres branches en concurrence pure et parfaite.

P CTmCT CTMCT
Coût
p1 CTmLT

CTMLT
ELT

0 q1 q

Figure 9: Équilibre à long terme pour une entreprise en CPP

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La firme réalise des profits ou des pertes selon que l’une ou l’autre des conditions suivantes se
vérifie :
- Si P1 > 𝐶𝑇𝑀𝐿𝑇 : les firmes réalisent des profits économiques purs et de nouvelles firmes font

leur entrée sur le marché et la quantité offerte augmente.


- Si P1 < 𝐶𝑇𝑀𝐿𝑇 : il y a des firmes de la branche qui subissent des pertes économiques pures :

celles-ci vont quitter la branche.


- Au point d’équilibre de long terme (ELT) les firmes ne réalisent ni profits économiques ni
pertes économiques pures. Il n’y a donc pas d’incitation à l’entrée de nouvelles firmes car les
entreprises existantes ne réalisent que des profits comptables ou profits normaux.
Pour ces mêmes raisons, les firmes ne quitteront pas la branche. A ce point d’équilibre:

P = Rm = CTM CT = CTM LT = CTmCT = CTmLT


4. Détermination de l’équilibre de long terme dans les industries à coûts constants,
croissants

4.1. Équilibre de long terme dans une branche à coûts constants

L’équilibre et le prix d’offre de long terme dans des conditions de coût constant sont expliqués
au moyen de la figure suivante :

P P D1 D2 S1 S2
Coût Cmc CMC CML
A
P2 P2
E
CML=P1 P1 Courbe d’offre de
Long terme

0 q1 q2 q Q1 Q2 Q

Graphique A : Équilibre à long terme Graphique B : Équilibre à long terme


de l’entreprise du marché
Figure 10: Équilibre de long terme et prix d’offre dans une branche en CPP avec un
coût constant

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Dans une branche (industrie) à coûts constants, les prix des facteurs de production restent
constants avec l’accroissement du nombre des firmes. Cette invariabilité des coûts est due au
fait que les inputs sont déjà utilisés par plusieurs firmes avant l’entrée d’autres firmes sur le
marché si bien qu’une demande accrue n’affecte pas leur prix de marché. Dans une telle
industrie, le prix d’équilibre de long terme est déterminé au minimum de coût moyen de court
terme et long terme.
- Soient D1 et S2 les courbes d’offre et de demande initiales du marché qui déterminent un prix
d’équilibre du marché OP1. Supposons que la branche ait atteint une situation d’équilibre de
long terme, la position de chaque entreprise étant celle du graphique A, la droite de prix est
tangente aux courbes de coût moyen de court et de longs termes en leur minimum. Imaginons
maintenant un accroissement de la demande D2. Avec un nombre d’entreprises fixes,
constantes, le prix montera en 0P2 et chaque entreprise se déplacera pour trouver l’équilibre au
point A. Cependant, en A chaque entreprise obtient un profit économique pur et de nouveaux
entrants sont attirés par la branche, ce qui déplace la courbe d’offre vers la droite. Dans ce cas,
on suppose que toutes les ressources utilisées dans la branche (industrie) sont interchangeables
si bien qu’une utilisation accrue n’affecte pas leur prix de marché. Par conséquent, l’arrivée de
nouvelles entreprises n’accroit pas les coûts des entreprises existantes ; la courbe de coût moyen
de long terme (CML) des entreprises en place ne se déplace pas et les nouvelles entreprises
peuvent fonctionner avec une courbe CML identique à l’adaptation de l’équilibre à long terme
lorsque la demande se déplace. L’augmentation du nombre d’entreprises pousse la courbe
d’offre de la branche en S2. Autrement dit, puisque la production peut être accrue par
l’augmentation du nombre des entreprises produisant 0q1 unités par période de temps au coût
moyen 0P1, la branche a un prix d’offre de long terme constant égal à 0P1 par unité produite.
- Si P > 0P1 ; les entreprises d’une dimension représentée par CMC continueraient à entrer dans
la branche de façon à bénéficier du profit réalisable.
- Si P < 0P1, certaines entreprises quitteraient la branche pour éviter une perte économique pure.
En définitive, la courbe d’offre de long terme est horizontale au niveau du coût moyen de long
terme (CML) qui est égal au prix P1.

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4.2. Équilibre de long terme dans une branche à coûts croissants

La situation de coût croissant ou de prix d’offre croissant de la branche est présentée par la
figure suivante :
P D2 S1 S2
Prix et coûts CMC2 CML2 D1

E2
P2 P2 B
CMC1 CML1
E1
P1 P1 A

0 q1 q 0 Q1 Q2 Q
Graphique A : Équilibre à long terme Graphique B : Équilibre à long terme
de l’entreprise du marché

Figure 11: Équilibre de long terme et prix d’offre dans une branche en CPP avec des coûts
constants
-Soit A le point d’équilibre initial de la branche à partir duquel est déterminé un prix d’équilibre
P1.
- Chaque firme de la branche est en équilibre au point (E1) où le prix est égal au minimum du
coût moyen de court terme.
- Si la demande du marché passe de D1 à D2, il s’en suit une hausse de prix de P1 à P2. Au prix
P2 les firmes réalisent les profits économiques purs qui attirent de nouvelles firmes dans la
branche et l’offre s’accroit de S1 à S2.
- L’accroissement de la quantité produite (Q1 à Q2) consécutif à l’accroissement de la demande
va engendrer une hausse de la demande des facteurs de production dont les prix vont augmenter
dans la branche à coûts croissants tant pour les firmes déjà en activité que pour celles qui
viennent de faire leur entrée dans la branche. L’ensemble des courbes de coût se déplacent alors
au nouveau point d’équilibre E2.
- Le processus d’ajustement à l’équilibre de long terme continue jusqu’au point (B) où le
nouveau prix d’équilibre (P2) est égal au minimum des coûts moyens de court terme et long
terme.

19
- La droite joignant les points d’équilibre A et B détermine la courbe d’offre de long terme dans
une branche à coûts croissants. Cependant la quantité produite par chaque firme reste
indéterminée : celle-ci peut augmenter, baisser ou rester constant.

Remarque : Les industries (branches) à coûts constants et celles à coût croissants se distinguent
par leur position d’équilibre final.

Concernant les industries à coûts constants, de nouvelles firmes entrent sur le marché en
réponse à une augmentation de la branche et ce jusqu’à ce que le prix d’équilibre revienne à sa
position initiale.
Dans le cas d’industrie à coûts croissants, de nouvelles firmes entrent dans la branche jusqu’à
ce que le nouveau prix d’équilibre soit égal aux minima du nouvel ensemble de coûts moyens
de court et long termes.

20
Chapitre 2 : LE MONOPOLE
Introduction

Dans ce chapitre, nous allons considérer un secteur d’activité où il n’y a qu’une seule entreprise
qui offre un bien donné, c'est-à-dire un monopole. Quand il n’y a qu’une entreprise sur un
marché, il est fort peu vraisemblable que celle-ci prenne le prix du marché pour une donnée.
Au contraire, un monopole aura en principe conscience de son influence sur le prix du marché
et choisira le prix et l’output qui maximisent ses profits totaux. Évidemment, il ne peut pas
choisir le prix et l’output de façon démesurée et indépendante ; pour un prix donné, le monopole
ne peut vendre que ce que le marché accepte. S’il choisit un prix élevé, il ne peut vendre qu’une
petite quantité. Le comportement de demande des consommateurs constitue une contrainte pour
le monopoleur quand celui-ci choisit le prix et la quantité.
En monopole, la branche s’identifie à la firme. Ainsi, la concurrence pure et parfaite (CPP) et
le monopole sont-ils diamétralement opposés. En théorie micro-économique, le monopole pur
et la CPP se présentent essentiellement comme des modèles plutôt théoriques. Car quoi que le
produit d’un monopole soit défini comme n’ayant pas de substitut immédiat, il peut être soumis
à deux types de concurrence indirecte :
- Tous les biens sont en compétition pour acquérir une partie du budget du consommateur.
- L’existence de substituts imparfaits détermine le pouvoir de marché réel du monopole.

Section 1 : DÉFINITION, CARACTÉRISTIQUES ET FONDEMENTS DU


MONOPOLE

1. Définition
Le monopole est la situation dans laquelle un seul offreur est en présence d’une multitude
d’acheteurs ou de demandeurs.
Exemple de monopole en Côte d’Ivoire : la CIE, la SODECI.

2. Les caractéristiques du monopole


On distingue trois principales caractéristiques :
- Existence d’un seul vendeur pour un bien donné,
- Il n’y a pas de concurrents directs dans un régime de monopole,
- La firme en situation de monopole est un « Price-maker ».

21
3. Les fondements du monopole
Pourquoi un monopole peut-il se constituer alors que le but des entrepreneurs est le profit ? En
d’autres termes, pourquoi d’autres entreprises ne viennent pas sur le marché pour obtenir une
part du profit de monopole ? Sans être exhaustif, nous avancerons cependant quelques-unes des
raisons essentielles :
- Le contrôle des facteurs de production, une firme unique peut avoir à elle seule le contrôle de
toute l’offre d’un facteur indispensable à la production d’un bien donné. Exemple : aux États-
Unis, la société Aluminium company of America (ALCOA) a possédé presque tous les
gisements de bauxite pendant de nombreuses années. Pendant ce temps, le contrôle de l’offre
de la bauxite, associé à la détention de certains brevets, donnait à ALCOA un monopole absolu
sur l’aluminium (car la bauxite est un ingrédient nécessaire pour produire l’aluminium)
- L’octroi du droit de possession des brevets à un seul individu.
Exemple : la législation sur les brevets aux États-Unis permet à un individu de demander et
d’obtenir le droit exclusif de produire un certain bien ou de produire un bien au moyen d’un
procédé particulier.
- La formation du monopole peut provenir du coût d’établissement d’une usine de production
efficiente, en particulier en liaison avec la taille du marché ; dans ce cas, s’il y a plus d’une
firme qui produit le même bien, chacune doit alors produire à un niveau de coût plus élevé que
le minimum de coût moyen. Alors chaque firme sera tentée de réduire le prix, d’augmenter sa
production et réduire ses coûts moyens d’exploitation.
Ces entreprises se livrent une guerre de coûts et celle qui survit devient le monopole appelé
monopole naturel. Il y a monopole naturel lorsqu’une entreprise est, naturellement, plus
efficiente pour produire, à elle seule, la totalité de la quantité demandée du produit. La firme,
en raison de son équipement qui est parfaitement adaptée à la taille du marché, produit au
minimum de son coût moyen et vend à un prix raisonnable.
Le terme de monopole naturel implique seulement que le résultat naturel des forces de marché
est le développement d’une organisation de monopole.
- La concession de marché ; la concession d’un marché est un contrat entre un organisme public
(par exemple une municipalité) et une société commerciale. L’organisme public accorde à la
société commerciale le droit exclusif de vendre un bien ou un service à l’intérieur de ses limites
territoriales de souveraineté. De son côté, la société commerciale accepte que l’organisme
public contrôle certains aspects de sa politique de vente. L’organisme public peut par exemple,
limiter ou tenter de limiter le taux de marge ou le taux de profit de la société.

22
Section 2 : LA DEMANDE EN SITUATION DE MONOPOLE

Comme un monopole représente un marché avec une seule entreprise, la courbe de demande du
marché est la courbe de demande du monopole.
Pour maximiser son profit, le monopoleur ne peut prétendre écouler toutes les quantités qu’il
lui est possible de produire au prix qu’il décide car il subit la contrainte de la demande. Toute
augmentation de la quantité vendue entraine une baisse de prix ou de recette moyenne : il
s’ensuit que toute recette unitaire supplémentaire est inférieure à la valeur moyenne des recettes
précédentes. D’où recette moyenne et recette marginale sont décroissantes avec les quantités
vendues et se différencient l’une de l’autre : la recette marginale diminue plus rapidement que
la recette moyenne (prix de vente) lorsque les quantités vendues augmentent.
- Le monopoleur a le choix entre deux politiques :
Soit fixer le prix mais il ne peut alors déterminer les quantités qui dépendent de la demande
globale des acheteurs ; celle-ci étant normalement décroissante avec le prix, plus le prix sera
élevé moins les ventes seront importantes.
Soit fixer les quantités vendues mais le monopoleur ne peut déterminer le prix, celui-ci
dépendant de la courbe de demande : pour augmenter ses ventes, la firme est obligée de baisser
ses prix.
Soit une situation fictive représentée par les données suivantes :

Tableau 1 : demande et revenu marginal en situation de monopole

Quantité Prix Revenu total Revenu marginal Revenu moyen


5 2 10 - 2
13 1,1 14,3 0,54 1,1
23 0,85 19,55 0,52 0,85
38 0,69 26,22 0,44 0,69
50 0,615 30,75 0,35 0,615
60 0,55 33 0,23 0,55
68 0,5 34 0,13 0,5
75 0,45 33,75 -0,03 0,45
81 0,4 32,4 -0,23 0,4
86 0,35 30,1 -0,46 0,35

23
Relations : lorsque la demande a une pente négative, le revenu marginal a également une pente
négative. En outre, le revenu marginal est inférieur au prix sur son intervalle de variation. La
différence entre le revenu marginal et le prix dépend de l’élasticité-prix de la demande, comme
 1
le montre la formule Rm = p 1 −  .
 

Revenu total

quantité

Prix

11 1
11 = 1
11 1
Demande (revenu moyen)

quantité

Revenu marginal

Figure 1: Relation entre demande, revenu moyen et revenu marginal.


On sait que :

RT = p  q avec p = f (q )
dRT dp
Rm = = p+q
dq dq
 qdp 
= p 1 + 
 pdq 
 1
Rm = p  1 − 
 

24
Rm  1
0 si
Rm = 0 si  = 1
Rm 0 si  1

La différence entre Rm et le prix décroit lorsque 11 croit et Rm = p lorsque  → 

Pour comprendre aussi les tracés de Revenus moyens et marginal, on peut considérer une
fonction de demande linéaire de la forme :
p = a − bq avec b 0
RT = pq, RT = (a − bq )q
RM = RT / q, RM = a − bq 
 donc Rm décroit plus vite que RM
Rm = dRT / dq = a − 2a 
Commentaire : le revenu total commence par croître, atteint un maximum et décroit par la
suite. Le maximum de la courbe du revenu total est atteint au point précis où les quantités
produites et vendues donnent un revenu marginal égal à zéro.
Lorsque11 1 Rm 1
Lorsque11 = 1  Rm = 1
Lorsque11 1 Rm 1

Section 3 : LES COÛTS ET L’OFFRE EN SITUATION DE MONOPOLE

1. Les coûts du monopole


Une firme peut être en situation de monopole sur le marché du bien qu’elle produit et être en
situation de concurrence sur le marché des facteurs de production. Dans ce cas ses achats seront
si petits par rapport à l’offre totale d’inputs qu’ils ne peuvent pas affecter leurs prix. Cependant,
dans la plupart des cas le monopole n’est pas en situation de concurrence sur le marché des
facteurs puisqu’il achète généralement des ressources spécialisées qui sont très peu utilisées
dans d’autres activités de production. Par conséquent les dépenses de la firme dépendent des
quantités de facteurs achetés. Plus la demande des facteurs par la firme est élevée, plus ses
dépenses seront aussi élevées.

25
Tableau 2: le coût avec un monopole sur le marché des facteurs
Unités du Produit Coût Prix du Coût total Dépense Coût total Coût moyen coût moyen Coût marginal
facteur total fixe facteur variable marginale du (7)=(3)+(5) variable total [(10)=(7)t-(7)t-1]
variable (2) (3) variable (5)=(4)x(1) facteur (8)=(5) : (2) (9)=(7) : (2) : [(2)t-(2)t-1]
(1) (4) (6)=(5)t – (5)t-1

0 0 10 2 0 - 10 - - -

1 5 10 2,25 2,25 2,25 12,25 0,45 2,45 0,45

2 13 10 2,5 5 2,75 15 0,39 1,15 0,34

3 23 10 2,75 8,25 3,25 18,25 0,36 0,8 0,33

4 38 10 3 12 3,75 22 0,32 0,58 0,25

5 50 10 3,25 16,25 4,25 26,25 0,33 0,53 0,35

6 60 10 3,5 21 4,75 31 0,35 0,52 0,48

7 68 10 3,75 26,25 5,25 36,25 0,39 0,53 0,66

8 75 10 4 32 5,75 42 0,43 0,56 0,82

9 81 10 4,25 38,25 6,25 48,25 0,47 0,6 1,04

10 86 10 4,5 45 6,75 55 0,52 0,64 1,35

26
Commentaire du tableau:
Supposons que le monopoleur sur le marché d’un bien soit également monopoleur sur le marché
d’un facteur. La courbe d’offre du facteur qu’il utilise est donc croissante. Les colonnes (1) et (4)
donnent la courbe d’offre du facteur. La colonne (1) indique les quantités de facteurs variables
offertes, tandis que la colonne (4) indique les prix auxquels ces quantités sont offertes. Pour la
courbe d’offre du facteur donné, le coût variable total (colonne5) est égal au nombre d’unités
utilisées multiplié par le prix d’offre correspondant à ce nombre. La colonne (6) fait apparaitre un
nouveau concept. Lorsqu’une entreprise est en situation de concurrence parfaite sur le marché du
facteur, elle peut en acheter une quantité quelconque sans influencer le prix du marché. Par
conséquent, le prix du facteur est égal à la dépense marginale consacrée à ce facteur dans un
marché de concurrence parfaite.
La dépense marginale pour un facteur de production variable est égale à la hausse du coût
variable total imputable à l’utilisation d’une unité supplémentaire du facteur de production variable
dans la production.

2. L’offre du monopole
En situation de monopole, la firme n’a pas une courbe d’offre traditionnelle telle qu’en CPP. La
quantité offerte est plutôt fonction de la demande de marché et du revenu marginal (Rm). En
effet, en monopole, une quantité donnée peut être offerte à différents prix en fonction de la
demande de marché.

27
P Cm
P1 CM

P2

D2 D1

0 q1 q

Rm1 Rm2

Figure 2 : Offre du monopole pour différentes courbes de demande

On constate que :
- Lorsque la demande est D1, la quantité (q) est vendue au prix P1.
- Lorsque la demande passe à D2, le même volume de production est vendu à P2.
Donc l’offre du monopole dépend de la position de la courbe de demande.

Section 4 : L’ÉQUILIBRE À COURT TERME EN SITUATION DE MONOPOLE

Cet équilibre sera analysé d’une part en termes de revenu total et de coût total, d’autre part en
termes de revenu marginal et de coût marginal.

1. Analyse en termes de revenu total et de coût total


Le monopoleur, tout comme l’entrepreneur en situation de CPP, maximise son profit en produisant
et en vendant des quantités pour lesquelles la différence positive entre RT et CT est la plus
importante (ou minimise sa perte lorsque la différence négative est la plus faible).
Exemple : soit le tableau ci-dessous présentant le revenu total, le coût total et le profit

28
Tableau 3: Détermination du profit
Production et Prix Revenu total Coût total Profit
ventes
5 2 10 12,25 -2,25
13 1,1 14,3 15 -0,7
23 0,85 19,55 18,25 1,3
38 0,69 26,22 22 4,22
50 0,615 30,75 26,25 4,5
60 0,55 33 31 2
68 0,5 34 36,25 -2,25
75 0,45 33,75 42 -8,25
81 0,4 32,4 48,25 -15,85
86 0,35 30,1 55 -24,9

60

50

40
Revenu total

30 Revenu
Coût total

total
20 Coût total

10

0 20 40 60 80 100
Quantité produite et vendue

Figure 3: détermination du profit

Le profit maximum (4,5) est réalisé avec 50 unités produites et vendues.

29
2. Analyse en termes de revenu marginal et de coût marginal
Soit le tableau suivant fournissant les données sur le revenu marginal et le coût marginal.

Tableau 4 : maximisation du profit en termes de Rm et de Cm


Quantité Prix (2) Revenu total Coût Revenu marginal Coût marginal Profit (7)=(3)-
(1) (3)=(1)x(2) total(4) (5)=[(3)t-(3)t-1] : (6)=[(4)t-(4)t-1] : (4)
[(1)t-(1)t-1] [(1)t-(1)t-1]
5 2 10 12,25 - - -2,25
13 1,1 14,3 15 0,54 0,34 -0,7
23 0,85 19,55 18,25 0,52 0,33 1,3
38 0,69 26,22 22 0,44 0,25 4,22
50 0,615 30,75 26,25 0,38 0,35 4,5
60 0,55 33 31 0,23 0,48 2
68 0,5 34 36,25 0,13 0,66 -2,25
75 0,45 33,75 42 -0,03 0,82 -8,25
81 0,4 32,4 48,25 -0,23 1,04 -15,85
86 0,35 30,1 55 -0,46 1,35 -24,9

En situation de monopole, le maximum du profit est atteint pour une production telle que le coût
marginal est égal au revenu marginal. Aussi la pente de la tangente à la courbe de coût marginal
est supérieure à celle de la courbe de recette marginale. Cette deuxième condition permet de
préciser que l’intersection entre les deux courbes qui sera choisie pour déterminer le volume de
production sera celle qui est définie dans la partie croissante du coût marginal. En effet, la courbe
de recette marginale est constamment décroissante.

30
Revenu marginal
Coût marginal
1,6

1,4
1,2
1
0,8
0,6 Rm
0,4 Cm
0,2
0 20 40 60 80 100
-0,2
-0,4
-0,6
Quantité

Figure 4 : Maximisation du profit à partir du revenu marginal et du coût marginal

Théorème : un monopoleur maximise son profit ou minimise sa perte en produisant et en


vendant la quantité du produit pour laquelle le coût marginal est égal au revenu marginal.
La réalisation d’un profit ou d’une perte dépend de la relation entre le prix et le coût moyen total.
Dès lors, l’équilibre de court terme du monopole se présente graphiquement comme suit :

Prix Cm CMT
Coût
P A
F

C B

D=RM=p(q)
0 qE q

Rm
Figure 5 : Équilibre de court terme entre le coût marginal et le revenu marginal.

31
L’équilibre de court terme intervient au point E où le coût marginal est égal au revenu marginal.
Les prix et quantités d’équilibre sont OP et OqE. Au niveau OqE, le coût moyen ou unitaire total
est OC=qEB. Le profit par unité est : OP-OC=PC.
Par conséquent, le profit du monopole à court terme est : pc x oqE = PABC
- Le monopoleur peut fixer le prix (P) et laisser le consommateur décider la quantité à acheter
(qE) ou bien il peut offrir (qE) et laisser le consommateur déterminer son prix (P).
- Si Rm > Cm => le niveau d’output effectif est inférieur à qE. Le monopoleur peut accroitre son
profit en augmentant sa production, car la production supplémentaire accroit le RT plus que le CT.
- Si Rm < Cm => le monopoleur doit diminuer sa production car tout accroissement de la
production augmente les coûts de production plus que le RT.

3. L’inefficacité du marché de monopole


En régime de CPP, l’entreprise opère en un point où P=Cm tandis qu’en situation de monopole,
elle maximise son profit au point Cm = Rm ou encore au point où P > Cm. En régime du monopole
le prix est plus élevé et l’output est bas par rapport au régime de CPP.
Donc en monopole le niveau de satisfaction du consommateur est inférieur à celui de la CPP.

Pm Cm

Pcpp
D

0
qM qcpp

Rm
Figure 6 : Inefficacité du monopole

32
4.La charge morte du monopole (deadweight loss)

Cm

PM

a b
PCPP
c

qE qcpp q

Rm
Figure 7 : Charge morte du monopole

La surface (b + c) représente la charge morte du monopole ou la perte de satisfaction des agents


due au fait qu’ils paient le prix monopole plutôt que le prix concurrentiel. Elle (charge morte)
correspond à la surface totale comprise entre les courbes de demande et de coût marginal située
entre l’output de monopole et l’output concurrentiel.

Application
Un monopole a une courbe de demande linéaire de la forme suivante :
P = 100 – 4q
Sa fonction de coût total est : CT = 50 + 20q
1) Déterminer le profit (  ) de ce monopole ?
2) Cette entreprise au vu de certaines difficultés qu’elle rencontre dans sa situation de monopoleur,
décide de passer en régime de CPP.
Déterminer son profit (  ) maximum en régime de CPP.

33
Réponse
1) Le profit du monopole
1) RT = pq = q (100 − 4 q)
RT = 100 q − 4 q 2
 = RT − CT
 = 100q − 4q 2 − 50 − 20q
d
 max  =0
dq
 100 − 8q − 20 = 0
 100 − 8q = 20
Donc le p est maximum si Rm = Cm
100 − 8q = 20  −8q = 80
 q = 10

Donc la quantité d’équilibre du monopole est qM = 10


Calculons le prix d’équilibre du monopole
p = 100 − 4(10)
p = 60 qui est le prix d 'équilibre du monopole
Le profit maximum est:

 max = 100(10) − 4(10) 2 − 50 − 20(10) = 350


 max = 350
La condition de 2ième ordre pour la maximisation du  exige que la dérivée seconde de l’expression
de p soit négative.

d 2
2
= R '' (q) − C '' (q) 0
dq
= (100 − 80q)'q − (20)'q
= −8 0  la condition est vérifiée
R '' (q) − C '' (q) 0  R '' (q) C '' (q)

Ce qui implique que le taux d’accroissement du Rm est inférieur au taux d’accroissement de Cm.
34
La condition de 2ième ordre permet de préciser que l’intersection entre les courbes de coût marginal
et de recette marginale qui sera choisie pour déterminer le volume de production, sera celle qui est
définie dans la partie croissante du coût marginal.

(1) implique que R''(q) = -8 et C''(q) = 0, donc le taux de variation du Cm est nul mais supérieur
au taux de variation du Rm.
2) Le profit en situation de CPP
(2) La condition de maximisation du  ⟹ 𝑃 = 𝐶𝑚

CT = 50 + 20q
Cm = 20
P = 100 − 4q
P = Cm  100 − 4q = 20  q = 20q et P = 20
 = RT − CT   = 100(20) − 4(20)2 − 50 − 20(20)
 = −50
En régime de CPP, l’entreprise vendrait une quantité d’output plus importante (qcpp = 20) à un prix
plus bas (pcpp =20) comparativement au régime de monopole où la quantité d’output est
(qE=10) et le prix et (PM =60).

5. Monopole naturel
Nous avons vu qu’un monopoleur offre la quantité pour laquelle la recette marginale est égale au
coût marginal ; il produit dès lors un output trop faible qui témoigne de l’inefficacité du monopole.
On pourrait penser que pour éliminer cette inefficacité, il faudrait fixer un prix égal au coût
marginal ; or en procédant ainsi, il se pourrait que le monopoleur réalise un profit négatif.

35
Cm
P CM

PCM

Perte subie par une firme qui tarifie au


Coût marginal
Pcm
Demande
qCM qCm q

Figure 8 : Un monopole naturel

La figure ci-dessus nous montre que si un monopole naturel produit l’output pour lequel le prix
égale le coût marginal, il réalise le niveau efficace de production qCm, mais il ne peut pas couvrir
ses coûts. Par contre s’il produit l’output qCM pour lequel le prix égale le coût moyen, il couvre
alors ses coûts, mais il produit un output inférieur à la quantité efficace.
Le monopole naturel s’observe souvent pour les entreprises (généralement les services d’utilité
publique) qui ont des coûts marginaux faibles.
Exemple : une société de téléphonie est confrontée à des coûts fixes très importants pour installer
les câbles et les centraux, mais le coût marginal d’une unité supplémentaire de services
téléphoniques est très faible.

Section 5 : L’ÉQUILIBRE DE LONG TERME EN SITUATION DE MONOPOLE

Contrairement au marché de CPP, l’équilibre de long terme de la firme de monopole n’est pas
caractérisé par l’absence de profits économiques purs. Quel que soit le type de profit (profit nul ou
pur) que réalise le monopoleur, il n’y a pas d’autres producteurs qui peuvent pénétrer sur un
marché dans l’espoir de s’attribuer une part du profit pur. Par conséquent, le profit économique
pur n’est plus éliminé à long terme comme il l’est dans le cas de la CPP. Par rapport au long terme,

36
l’entreprise en situation de monopole cherche à savoir si elle peut réaliser davantage de profit en
modifiant la taille de son équipement.

1. Équilibre de long terme d’un monopole à établissement unique

L’adaptation à l’équilibre de long terme par un monopole doté d’un seul établissement peut
prendre une ou deux formes possible(s) :
- Soit le monopoleur subit une perte de court terme, et décide de se retirer de la branche s’il n’y a
aucune dimension de son établissement qui lui permette d’obtenir un profit pur (ou au moins, de
ne subir aucune perte).
- Soit l’entreprise monopoleur obtient un profit de court terme avec son établissement d’origine,
et elle cherche à déterminer si un établissement d’une taille différente lui permettra d’obtenir un
plus grand profit. La recherche de l’équilibre de long terme se fera seulement ici avec le second
cas, car dans le 1er cas, l’entreprise ayant quitté la branche, il n’est plus question de rechercher un
équilibre quelconque.
Considérons :
D = demande du marché,
Rm = revenu marginal du monopoleur,
CML = courbe enveloppe de coût moyen de long terme,
CmL = courbe de coût marginal de long terme.

Supposons qu’initialement, la firme soit représentée par un établissement ayant CM0 et Cm0
comme coût moyen et coût marginal de court terme. L’égalité de coût marginal de court terme
(Cm0) et du revenu marginal (Rm) fournit la production q0 au prix P0. A ce niveau de la production,
le coût unitaire (CM) est 0D = q0C : le profit de court terme du monopole est représenté par P0BCD.
L’existence d’un profit économique pur incite l’entreprise à se doter d’une organisation plus
profitable à long terme. Elle maximisera son profit lorsque le coût marginal de long terme sera égal
au revenu marginal. La production sera alors de q1 et le prix P1. L’établissement qui pourra
produire 0q1 unités au coût unitaire (CM) le plus faible est celui représenté par CM1 et Cm1. Le
coût unitaire correspondant est 0H et le profit maximum du monopole à long terme est le rectangle
P1FGH. Ce profit est plus important que le profit obtenu avec l’établissement d’origine

37
P
P0 B Cm0 Cm1
D C CM0 CmL CML

F
P1

CM1
H
D

0 q0 q1 q

Rm

Figure 9 : Équilibre de long terme d’un monopole à établissement unique

2. Équilibre de long terme du monopole à plusieurs établissements

Si en concurrence pure et parfaite, l’entrepreneur doit être à même de produire au prix fixé et
imposé par le marché, en situation de monopole, la firme peut produire avec des équipements
différents, plus ou moins efficients et donc plus ou moins coûteux au niveau de la production. Il y
aura répartition de la production entre les équipements suivant le principe du moindre coût de
façon à obtenir globalement une situation optimale pour le monopole. Prenons deux équipements
dont les coûts marginaux de production sont différents et déterminons la situation optimale du
monopole.

38
Tableau 5 : Répartition de la production sur deux équipements
Q p RT Rm Cm1 Cm2 Cm
1 5,00 5,00 - 1,92 2,04 1,92
2 4,50 9,00 4,00 2,00 2,14 2,00
3 4,10 12,30 3,30 2,08 2,24 2,04
4 3,80 15,20 2,90 2,16 2,34 2,08
5 3,55 17,75 2,55 2,24 2,44 2,14
6 3,35 20,10 2,35 2,32 2,54 2,16
7 3,20 22,40 2,30 2,40 2,64 2,24
8 3,08 24,64 2,24 2,48 2,74 2,24
9 2,98 26,82 2,18 2,56 2,84 2,32
10 2,89 28,90 2,08 2,64 2,94 2,34

Le monopole a le choix pour produire soit avec l’équipement 1 soit avec l’équipement 2. Pour une
unité produite, l’équipement 1 la fournit à un coût de 1,92 tandis que l’équipement 2 à un coût de
2,04. Il est donc préférable pour le monopole de produire avec l’équipement 1. Un raisonnement
similaire sur l’ensemble des quantités permet de définir le coût marginal de production du
monopole (dernière colonne du tableau). Ainsi, le monopole optimise sa situation lorsque sa recette
marginale égale son coût marginal de production. Le monopole produira alors 8 unités de produit
(5 avec l’équipement 1 et 3 avec l’équipement 2).
A long terme, le monopoleur qui dispose de plusieurs établissements adapte leur nombre pour
atteindre l’équilibre. Quelle que soit la taille de l’établissement initial, le monopoleur peut à long
terme construire chaque établissement d’une taille telle que le coût moyen de court terme coïncide
avec le coût moyen de long terme en son minimum. Mais lorsque l’entreprise accroît sa production
en augmentant le nombre de ses établissements fonctionnant au minimum du coût moyen de long
terme, la courbe de coût de chaque établissement se déplace vers le haut car le prix des facteurs de
production s’accroît avec leur niveau d’utilisation. Pour le monopoleur, la courbe de coût marginal
de long terme indique le minimum d’accroissement du coût imputable à une augmentation de la

39
production consécutive à la mise en œuvre d’un nombre plus élevé d’établissements de taille
optimale.

P P
Coût Coût
CmL
CMCT2 CML2
P0

P1

CMCT1
CML1
D

0 q q 0 Q0 Q1 Rm Q

Production par établissement Production du monopole

Graphique A : Adaptation d’un établissement Graphique B : Adaptation du monopole

D’après la règle CmL=Rm, l’équilibre de maximisation du profit à long terme est atteint pour une
production de OQ0 unités et à un prix de OP0. Le niveau optimum de la production par
établissement est égal à 0 q . Le nombre d’établissements Nm que construit et utilise le monopoleur

est égal à : Nm = OQ0/0 q .


Exemple : soit un monopole à deux établissements différents vendant son produit sur un marché
unique. A quelle condition, il maximisera son profit ?
Réponse
 = RT − CT
Soient q1=la production de l’établissement 1
q2=la production de l’établissement 2.
La production totale des deux établissements est Q = q1 + q2

40
 = RT (Q) − C1 (q1 ) − C2 (q2 )
 = RT (q1 + q2 ) − C1 (q1 ) − C2 (q2 )

 max = = 0  RT ' (q1 + q2 ) − C1' (q1 ) = 0
q1

 max = = 0  RT ' (q1 + q2 ) − C2' (q2 ) = 0
q2

Conclusion : le p est maximum si le coût marginal (Cm) dans chaque établissement est égal au
revenu marginal (Rm) de la production totale.

Section 6 : QUELQUES CAS PARTICULIERS DU MONOPOLE

Cette section analyse deux cas particuliers d’organisation de monopole : le monopole discriminant
et le monopole bilatéral.

1. Le monopole discriminant ou la discrimination par les prix

Dans certaines situations, le monopole peut vendre sa production sur deux (2) ou plusieurs marchés
distincts à des prix différents et accroitre son profit.

Définition : La discrimination par les prix est la situation dans laquelle des prix différents sont
facturés pour le même bien dans différents marchés.
Exemple : Les consommateurs d’électricité, selon qu’ils sont des ménages ou des industriels sont
généralement distingués nettement sur la base de l’élasticité de leur demande.
Les économistes distinguent généralement trois types de discrimination par les prix :
- La discrimination au premier degré (ou monopole parfaitement discriminant) : Elle
correspond à une situation ou le monopoleur vend les différentes unités d’output à des prix
différents et ou les prix peuvent différer d’une personne à l’autre. On parle parfois dans ce cas de
discrimination parfaite en termes de prix. Ici, le monopole fixe un prix P1 pour la première unité
vendue, puis P2 pour la deuxième, et ainsi de suite jusqu’à Pn pour la nième unité. Dans ce cas,
les acheteurs paient pour chaque unité exactement ce qu’ils étaient disposés à sacrifier pour
l’obtenir (ils se voient imposer le prix le plus élevé possible pour chacune des unités de produit
qu’ils désirent acheter) : le surplus du consommateur s’annule et est totalement accaparé par le
producteur.

41
Situation sans discrimination Situation avec discrimination
P Y RT Rm RM RT Rm RM
8 0 0 - - 0 - -
7 1 7 7 7 7 7 7
6 2 12 5 6 13 6 6.5
5 3 15 3 5 18 5 6
4 4 16 1 4 22 4 5.5
3 5 15 -1 3 25 3 5
2 6 12 -3 2 27 2 4.5
1 7 7 -5 1 28 1 4

En situation de discrimination parfaite, le prix et la recette moyenne de la firme sont dissociés.


Ce type de discrimination est peu réaliste car il faut supposer que les consommateurs ne sont pas
en relation entre eux et que le producteur connaît parfaitement les intentions des acheteurs.

- La discrimination au deuxième degré : Ici les prix diffèrent selon les quantités achetées, mais
pas selon les individus.
Exemple : Les rabais accordés en fonction de la quantité achetée. La discrimination au deuxième
degré est aussi appelée ‘‘Ecrémage’’
- La discrimination au troisième degré : Elle correspond à une situation ou le monopoleur
pratique des prix différents selon la personne qui achète, mais chaque unité d’output vendu à une
même personne est vendue au même prix.
Exemple : Les tarifs préférentiels pour personnes âgées, pour les étudiants, etc.
- Condition d’équilibre d’un monopole en cas de discrimination au troisième degré
Soit : RT1(q1) et RT2(q2), les revenus du monopole obtenus respectivement avec les
consommateurs du groupe 1 et 2. Soit : C (q1+q2), le coût de production de l’output. Le programme
de maximisation du profit (𝜋) du monopoleur s’écrit comme suit :

42
MAX = RT1 (q1 ) + RT2 (q2 ) − C1 (q1 + q2 )
 
= R1' (q1 ) − C' (q1 + q2 ) = 0 
q1 
  R1 (q1 ) = R2 (q2 ) = C ( q1 + q2 )
' ' '


= R2' (q2 ) − C' (q1 + q2 ) = 0 
q2 

CNC : pour maximiser le (𝜋), le Rm sur chaque marché doit être égal au Cm de la production totale.
Si le Rm sur le marché 1 était supérieur au Cm, il serait intéressant d’accroitre l’output sur le marché
1. Le même raisonnement au marché 2. En utilisant l’expression de la relation entre R m et
élasticité-prix de la demande on peut écrire :

 1 
Rm = P  1 − 
 11 
 1 
Rm ( q1 ) = P1  1 −  = Cm ( q1 + q2 )
 11 

 1 
Rm ( q2 ) = P2  1 −  = Cm ( q1 + q2 )
  22 
 1   1 
 P1  1 −  = P2  1 −  = Cm ( q1 + q2 )
 11    22 
1
1−
 1   1  P1  22
P1  1 −  = P2  1 −  =
 11    22  P2 1−
1
11
donc les prix seront égaux si et seulement si les élasticités-prix de la demande sont égales.
Remarquons maintenant que si P1 > P2, nous devons avoir :
1 1
1− 1−
11  22
1 1
11  22
  22 11

Conclusion : le marché avec le prix le plus élevé doit donc avoir l’élasticité de la demande la plus
faible. Par conséquent, une entreprise qui discrimine en termes de prix pratiquera un prix faible

43
pour le groupe qui est sensible au prix et un prix élevé pour le groupe qui est relativement
insensible au prix.

Application 1
Supposons qu’un monopoleur soit confronté à deux marchés avec les courbes de demande
suivantes :
D1(P1) = 100 – P1
D2(P2) = 100 – 2P2
Admettons que le coût marginal soit constant et égal à 20$ par unité. Si le monopoleur peut
discriminer en termes de prix, quel prix devrait-il pratiquer sur chaque marché afin de maximiser
son profit ? Quel prix unique devrait-il choisir s’il ne peut pas discriminer ?
Réponse
Pour résoudre le problème de discrimination en termes de prix, calculons tout d’abord les
fonctions de demande inverse.
P1 ( q1 ) = 100 − q1
q2
P2 ( q2 ) = 50 −
2
Les solutions sont q1 = 40 et q2 = 30 . En substituant dans les fonctions de demande inverse, nous

obtenons les prix q1 = 60 et q2 = 35 .

Si le monopoleur doit pratiquer le même prix sur chaque marché ; nous calculons tout d’abord la
demande totale :
D(P) = D1(P1) + D2(P2) = 200 – 3P
La fonction de demande inverse est alors :
200 q
P( q ) = =
3 3
La condition d’égalité de la recette marginale et du coût marginal
200 2
 − q = 20
3 3

Donc q = 70 et P = 43,33

44
Application 2
Soit un monopole dont les fonctions de demande et de coût sont données par les relations suivantes:
P = 100 – 4q
CT = 50 + 20q
1- Calculer le profit maximum du monopoleur
Ce monopoleur produit la quantité qM = 10 au prix PM = 60 et réalise un 𝜋𝑚𝑎𝑥= 350.
2- Ce monopole a désormais la possibilité de séparer les consommateurs qui s’adressent à lui en
deux groupes distincts :
P1 = 80 − 5q1
RT1 = P1q1 = 80q1 − 50q12
P2 = 180 − 20 q2
RT2 = P2 q2 = 180q2 − 20 q22
CT = 50 + 20( q1 + q2 )

Avec la séparation des consommateurs en deux groupes distincts, le Profit du monopoleur sera
maximum si Rm1=Rm2=Cm
RT1
Rm1 = = 80 − 10q1
q1
RT2
Rm 2 = = 180 − 40q2
q2
dCT
Cm = = 20
dq
A l’équilibre : Cm= Rm1= Rm2
80 − 10q1 = 20  q1 = 6 et P1 = 50
180 − 40q2 = 20  q2 = 4 et P2 = 180 − 20(4) = 100
 = RT1 (q1 ) + RT2 (q2 ) − C(q1 + q 2 ) = 450

Le profit 𝜋 du monopole s’est accru de 350 à .450 grâce à la discrimination de prix. On peut ainsi
calculer les élasticités sur les deux marchés. On vérifie d’abord que les Rm sont égales sur les deux
marchés :
Rm1 = 80 − 10(6) = 20
Rm 2 = 180 − 40(4) = 20

45
 1   1 
Rm1 = P1  1 −   20 = 50  1 − 
 11   11 
50
 3011 = 50  11 = = 1, 67
30
 1   1 
Rm 2 = P2  1 −   20 = 100  1 − 
  22    22 
 20 22 = 100 22 − 100
100
22 = − = −1, 25
80
P1 = 50; 11 = 1, 67
P2 = 100; 22 = 1, 25

CNC : Le prix est plus bas sur le marché où l’élasticité de la demande est la plus forte.

2. Le monopole bilatéral
Définition : c’est la situation de marché caractérisée par l’existence d’un seul producteur
(monopole) qui fait face à un seul acheteur du produit (monopsone). Puisque chaque agent
(vendeur ou acheteur) a un pouvoir du monopole sur le produit, le monopole bilatéral aboutit à une
indétermination quant à la combinaison prix-quantité qui maximise le profit (𝜋).
L’indétermination du prix et de la quantité en situation de monopole bilatéral ne veut pas dire que
les parties (vendeur-unique et acheteur-unique) ne parviennent pas à conclure un accord précis sur
le prix et la quantité. Cela veut dire que la solution ne repose pas seulement sur des conditions de
demande et de coût que l’économiste peut traiter mais également sur l’aptitude à la négociation et
sur d’autres caractéristiques personnelles qui échappent au domaine de l’analyse économique.
Le graphique ci-dessous permet d’étayer l’indétermination du prix et de la quantité en situation de
monopole bilatéral.

46
P CmB

B Cm
P2

A
P1 D

0 Q1 Q2 Q

Rm
Figure 11 : le monopole bilatéral

Description de la figure : D et Rm représentent respectivement la courbe de demande et de revenu


marginal du vendeur-monopoleur. De même Cm représente la courbe de coût marginal du
producteur. Au point A, où se coupent Cm et Rm, le monopoleur vendrait 0Q2 unités au prix
unitaire de 0P2 s’il pouvait forcer l’acheteur unique à se comporter comme un acheteur dans un
grand marché. Ce qui n’est pas le cas car en réalité, l’acheteur unique dispose d’un pouvoir
potentiel, celui d’être en situation de monopole pour l’achat. A l’optimum, l’acheteur unique
souhaite égaliser la valeur marginale du produit (donnée par la courbe de demande) au coût
marginal de l’achat (CmB). L’acheteur s’efforce d’atteindre le point B où 0Q1 unités sont achetées
au prix 0P1 (déterminé par l’intersection de Cm et de la courbe d’offre potentielle). Mais il ne peut
pas l’atteindre car le monopoleur-producteur ne peut pas se comporter comme un entrepreneur en
CPP, ni l’acheteur-monopoleur ne peut aussi se comporter comme un acheteur en CPP. Dans une
telle situation, l’économiste ne peut pas déterminer la solution car le producteur monopole
optimise sa position en vendant OQ2 unité au prix OP2; tandis que l’acheteur monopoleur optimise
sa position en achetant OQ1 au prix OP1. Aucune de ces solutions extrêmes n’est en réalité obtenue.
La production se situe quelque part entre OQ1 et OQ2 et le prix entre OP1 et OP2.

47
Section 7 : LA RÉGULATION DU MONOPOLE

L’État peut contrôler les profits (𝜋) du monopole à l’aide de 3 instruments :


- le contrôle des prix,
- l’impôt forfaitaire,
- l’impôt sur le chiffre d’affaires.

1. La régulation du monopole par le contrôle des prix


Le contrôle des prix consiste à imposer un prix maximum (ou prix plafond). Ce prix peut être fixé
à l’intersection des courbes de demande et de coût marginal (Cm). Le prix imposé (P1) a pour effet
de réduire le prix de monopole (PM) et d’augmenter la quantité offerte qui passe de qM à q1. Aussi,
le profit du monopole initialement représenté par la surface du rectangle PMBCD est réduit au
rectangle P1FCD. Le prix plafond P1 correspond à un prix de CPP. Donc la combinaison (P1, Q1)
est un équilibre de CPP. Ce cas est particulier

P Cm
CM

PM B

P1 F I

D C
D

qM q1
0 q

Rm
Figure 12 : monopole et contrôle des prix

48
2. La régulation du monopole par l’impôt forfaitaire

Il s’agit d’un impôt qui frappe en général le profit (𝜋) du monopole sans toutefois affecter la
combinaison optimale (prix-quantité). En effet, cet impôt est payé indépendamment de la quantité
physique produite ou de la valeur des ventes. En prenant en compte l’impôt forfaitaire, le profit
(𝜋) du monopole se présente comme suit : 𝜋 = RT(q)- CT(q)- I, avec I = montant de l’impôt
forfaitaire.
La maximisation du 𝜋 du monopole implique que :

d
= RT ' (q) − CT ' (q) = 0  Rm = Cm
dq

Si l’impôt sur le profit exige que le monopole paie à l’État une certaine proportion de la différence
entre le RT et le CT : dans ce cas on obtient l’expression suivante du profit :
 = RT (q) − CT (q) − t  RT (q) − CT (q) 
 = (1 − t )  RT (q) − CT (q) 

La maximisation de 𝜋 implique que :


d
= (1 − t )  RT '(q) − CT ' (q)  = 0
dq
(1 − t)  0

On obtient le même résultat que précédemment c’est-à-dire Rm = Cm.


Le niveau de production et le prix restent inchangés. La seule manière pour un monopole
d’amenuiser cet impôt est de réduire le montant de p déclaré avant l’impôt. Cet impôt s’apparente
au coût fixe qui s’ajoute au coût total CT de la firme. Alors la courbe de coût moyen (CM) se
déplace à un niveau tel que l’intersection des courbes de Cm et de Rm donne un  économique
nul.

49
CM1
P Cm
CM0

PM

0 qM

Rm
Figure 13 : Monopole et impôt forfaitaire

3. Le monopole et l’impôt sur le chiffre d’affaires

L’État peut réduire le profit (p) du monopole en imposant une taxe sur son chiffre d’affaires.
Dans ce cas, il est possible au monopole de transférer une partie de la taxe sur le consommateur
en pratiquant un prix plus élevé ou en réduisant la quantité produite. L’impôt sur le chiffre
d’affaires se présente comme un coût variable qui provoque un déplacement des courbes de CM
et de Cm
 = (1 − t) RT(q) − CT(q)
d
= (1 − t ) RT '(q ) − c '(q ) = 0  revenu net = Cm
dq

50
Cm1
CM1 Cm0
CM0
P1
P0

0 q1 q2

Rm

Figure 14: Monopole et impôt sur chiffre d’affaires

51
Chapitre 3 : LA CONCURRENCE MONOPOLISTIQUE ET LE MONOPSONE

Introduction
A la fin des années vingt (20) et au début des années trente (30), les économistes ont commencé à
s’intéresser aux situations intermédiaires entre le monopole et la concurrence parfaite. Parmi ces
économistes, l’Anglais Jean Robinson et l’Américain Edward Chamberlain ont conduit des
travaux qui ont abouti à la mise en place du modèle de concurrence monopolistique. Il s’agit d’une
forme de marché ou cohabitent plusieurs firmes qui produisent et vendent des biens que les
consommateurs considèrent comme de proches substituts mais qui ne sont pas identiques.
Le terme concurrence monopolistique dérive du fait que certains secteurs d’activité comme le
secteur des boissons non alcoolisées présentent des caractéristiques propres à la concurrence
parfaite et au monopole. Le secteur est monopolistique dans la mesure où chaque entreprise est
confrontée à une courbe de demande décroissante pour son produit. Elle a par conséquent un
certain pouvoir de marché puisqu’elle peut fixer son propre prix au lieu d’accepter passivement le
prix du marché comme une entreprise concurrentielle. D’un autre côté, il y a concurrence entre les
entreprises pour attirer les consommateurs à la fois en termes de prix et de type de bien vendu. En
outre, il n’y a aucune restriction limitant l’entrée de nouvelles entreprises dans un secteur d’activité
en concurrence monopolistique. Sur la base de ces deux aspects, le secteur est semblable à un
secteur concurrentiel. A côté de ce marché, nous allons étudier un autre ou une entreprise est
l’unique demandeur de certains produits ou facteurs : c’est le monopsone.

Section 1 : LA CONCURRENCE MONOPOLISTIQUE

1. Définition
La concurrence monopolistique (CM) est l’organisation de marché ou il y a plusieurs firmes qui
vendent des biens qui sont de proches substituts sans être parfaitement homogènes et il y a libre
entrée sur le marché d’autres firmes.

2. Les caractéristiques du marché de concurrence monopolistique


2-1- Hétérogénéité des produits
Les vendeurs s’efforcent de différencier les produits qui satisferont un même type de besoin.

52
La différenciation peut porter sur la qualité physique d’un produit comme elle peut résulter aussi
d’une légère différence de présentation (emballage, appositions d’une marque, conditions de
vente,…).

La différenciation peut être aussi réelle, dans ce cas, elle se caractérise par la composition même
du produit en termes de sa puissance, son coût de production, etc. ou être artificielle si elle est
fondée sur la publicité, les différences de présentation du produit, etc.
2-2- Absence de transparence du marché
Les acheteurs ont sur les conditions du marché, des informations incomplètes, voire orientées par
l’action des vendeurs qui ont recours à la publicité.
2-3- Pas de restriction à l’entrée de chaque firme dans le secteur d’activité (ensemble des
entreprises qui produisent des biens que les consommateurs considèrent comme de proches
substituts).
2-4-L’entreprise dispose d’un certain pouvoir de marché parce qu’elle peut fixer son
propre prix.
2-5- La concurrence est personnalisée entre les potentiels rivaux.
Les produits, bien qu’ils soient hétérogènes sont seulement légèrement différents. Chaque produit
est un substitut étroit des autres et donc la concurrence existe mais elle est personnalisée entre des
rivaux.
3. L’équilibre de court terme en situation de concurrence monopolistique

Soit D=courbe de demande proportionnelle qui est à pente négative, D représente la fraction de la
demande qui s’adresse à chaque entreprise de la famille générale du produit. Par exemple, s’il y a
100 vendeurs ou entreprises qui fabriquent le produit pour tout niveau de prix,
Demande totale
D=
100
- supposons que toutes les entreprises supportent les coûts identiques,
- soit d = courbe de demande de chaque entreprise ; d est différente de D car en réalité chaque
entreprise peut modifier son prix alors que toutes les autres entreprises laisseraient le leur inchangé.

53
Prix
Coût
Cm
P CM
P’
d

Pe
Rm

d
D Rm
0
q1 qe q2

Figure 1 : La firme en régime de concurrence monopolistique et équilibre de court terme en CM

Description de la figure :
Si chaque entreprise vendait au prix P, elle vendrait q1 unités du produit. Mais la firme
représentative qui agit en supposant que les autres entreprises conservent leur prix en P, trouvera
avantageux de réduire son prix en p’ et de vendre une quantité égale à q2. La pente négative de la
courbe de demande (d) signifie pour l’entreprise qu’il faut réduire le prix pour accroitre sa part de
marché. Cependant, comme on a émis l’hypothèse que toutes les entreprises sont identiques, alors,
les autres entreprises vont aussi baisser leur prix de vente de sorte que chacune d’elles ait désormais
une nouvelle courbe de demande(d). La nouvelle courbe (d) coupe (D) à un prix plus bas que la
courbe (d) précédente, et la tentative de l’entreprise pour vendre la quantité q2 est déçue. Une telle
baisse des prix se poursuivra aussi longtemps que chaque entreprise trouve avantageux
d’augmenter ses ventes en réduisant son prix au-dessous du prix courant du marché.

L’équilibre de court terme doit avoir pour caractéristique qu’au prix courant du marché, aucune
entreprise n’a intérêt à modifier son propre prix. Cela veut dire qu’à l’équilibre, la courbe de
revenu marginal (Rm) de chaque entreprise doit être égale au coût marginal à un niveau de
production tel que le prix du marché soit, à ce niveau, situé sur (D).
En résumé, l’équilibre de court terme en situation de concurrence monopolistique possède deux
caractéristiques :

54
1- chaque entreprise choisit le niveau de production pour lequel Rm est égale à Cm, et
2- (d) coupe (D) au niveau de production qui est choisi par l’entreprise.

Cm
Prix CM
Coût

Pe

Rm
D

0 qe q

Figure 2: Équilibre de long terme en concurrence monopolistique

4. L’équilibre de long terme en situation de concurrence monopolistique


Dans le court terme, chaque entreprise réalisait un profit économique positif car le prix était
supérieur au coût moyen, au niveau de production qe. L’existence du profit économique positif va
occasionner une entrée libre de nouvelles entreprises dans le groupe de produits. Au fur et à mesure
que des entreprises s’installent, la courbe de demande proportionnelle (D) se déplace vers la
gauche jusqu’au point où les profits économiques s’annulent. A ce point d’équilibre, aucune
entreprise n’a intérêt à modifier son prix ou sa production puisque Cm = Rm.
L’équilibre de long terme est défini par deux conditions :
- La courbe de demande de la firme (d) doit être tangente à la courbe de coût moyen total et
- la courbe de demande proportionnelle (D) doit couper à la fois (d) et le coût moyen au point de
la tangente.
Les conditions sont les mêmes que pour l’équilibre de court terme, mais (d) doit en plus être
tangente à CML au niveau de production d’équilibre.

55
5. Les éléments de similitude entre la concurrence monopolistique, le monopole et la
concurrence pure et parfaite

Le régime de concurrence monopolistique emprunte certaines caractéristiques à la concurrence


pure et parfaite, d’autres au monopole.
- Éléments de monopole : chaque vendeur a une clientèle attachée au produit qu’il fournit, il
dispose donc d’un monopole sur sa marque ou sur toute autre caractéristique spécifiant le produit.
L’offre du concurrent monopolistique rencontre une demande imparfaitement élastique par rapport
au prix. Cependant le produit du concurrent monopolistique peut comporter des substituts plus ou
moins étroits. S’il existe des substituts très étroits (élasticités croisées fortes), la demande est
élastique et la concurrence monopolistique tend à se rapprocher de la concurrence pure. Au
contraire, si les substituts ne sont pas étroits (élasticités croisées faibles), la demande tend à être
inélastique et la tendance au monopole du concurrent monopolistique se confirme. Celui-ci doit
donc tenir compte, dans sa politique de vente, non seulement de l’élasticité de la demande de son
produit par rapport au prix mais aussi de l’élasticité de la demande de son produit par rapport au
prix des autres biens (élasticités croisées).
- Éléments de concurrence pure et parfaite
Dans le long terme, l’existence de superprofits ou profits « anormaux » attire des vendeurs de
produits substituables au produit du concurrent monopolistique. Celui-ci voit sa demande se
réduire : elle se déplace vers la gauche au fur et à mesure de l’entrée sur le marché des concurrents.
Le mouvement de la courbe de demande ou de recette moyenne s’arrête au moment où elle devient
tangente à la courbe de coût moyen. En effet, à ce point, il n’y a plus de superprofit et la recette
marginale qui a subi une translation identique à celle de la recette moyenne est égale au coût
marginal. L’industrie ou la branche toute entière est alors en équilibre, c'est-à-dire qu’il n’y a plus
d’entrées de firmes, chaque vendeur ayant un coût égal à sa recette moyenne et ne disposant pas
de superprofit.
En résumé, en courte période, l’analyse est celle utilisée pour le monopole ; en longue période, le
schéma de concurrence se trouve réintégré.

56
6-Avantages et inconvénients du régime de concurrence monopolistique

- Avantages : l’effort de différenciation peut stimuler le progrès technique et parvenir à mieux


adapter le produit à la demande du consommateur. Mais la différenciation peut n’être
qu’artificielle et ne pas correspondre à un progrès technique. Elle se traduit par une adaptation de
la demande du consommateur au produit sous la pression de la publicité.
- Inconvénients : le prix d’équilibre est plus élevé qu’en concurrence pure et parfaite, on rappelle
que, dans ce cas, il doit s’établir, à long terme, au niveau du coût moyen minimum, alors qu’il
s’établit, en concurrence monopolistique, au point de tangente de la demande et du coût moyen.
Le prix de vente est alors supérieur au coût marginal. De plus l’équilibre de longue période est
situé dans la partie décroissante du coût moyen, avant d’atteindre son minimum.
Les ressources productives ne sont donc pas utilisées de manière optimale, le concurrent
monopolistique se protège, comme le monopoleur, en restreignant sa production mais on ne peut,
pour sa défense, affirmer qu’il détermine des économies d’échelle.

Section 2 : LE MONOPSONE

En cas de monopole, il n’y a qu’un vendeur pour un bien précis. En situation de monopsone, il n’y
a qu’un acheteur.

1. Définition
Il y a monopsone lorsqu’un grand nombre de vendeurs fait face sur un marché à un seul acheteur.
Celui-ci dispose d’un pouvoir analogue à celui du monopoleur. Mais le monopsoneur l’exerce à
l’égard des vendeurs alors que le monopoleur est seul en face des acheteurs.

2. Exemples de monopsone
Le monopsone se rencontre dans de multiples situations :
- Les pouvoirs publics sont des acheteurs monopsonistes pour les industries de la défense ;
- Une firme industrielle peut être en position monopsoniste pour l’achat d’une matière première
dans un pays sous-développé ;
- Une coopérative laitière dispose d’un monopsone pour le ramassage du lait.
- L’achat de facteur travail par une firme isolée, seul débouché local pour une main-d’œuvre
abondante.
57
3. Monopsone sur le marché du travail

Dans notre analyse, nous supposons que le monopsoneur acheteur produit un output qui est vendu
sur un marché de concurrence parfaite. Il est censé produire un output en utilisant un facteur unique
sur la base de la fonction de production Y= f(L).
Nous supposons que l’entreprise domine le marché de facteur sur lequel elle intervient et qu’elle
est consciente du fait que la quantité de facteur qu’elle demande influence le prix qu’elle doit payer
pour ce facteur. Si l’entreprise désire acquérir L unités de facteur, elle doit payer un prix w(L).
Nous supposons que w(L) est une fonction croissante : plus une entreprise désire employer du
facteur L, plus elle doit offrir un prix de facteur important. Une entreprise en position de
monopsone est price maker. Le profit du monopsoneur, exprimé en fonction de la quantité de
travail (L) échangé s’écrit :
 ( L ) = P. f (L) − w(L). L
max  ( L) = max P. f (L) − w(L). L
 f ( L ) w( L )
= P. − w( L) − L =0
L L L
La condition de maximisation du profit est que la recette marginale découlant de l’engagement
d’une unité supplémentaire du facteur doit être égale au coût marginal de cette unité, soit :
f ( L) w( L)
P. = w( L) + L
L L

Puisque nous avons supposé que le marché de l’output était concurrentiel, la recette marginale
f ( L)
est : p.PmL avec PmL = qui est la productivité marginale du travail. Concernant le
L
coût marginal, on retiendra que la variation totale du coût suite à l’engagement de 𝛥L travailleurs
supplémentaires est égale à :
C = wL + Lw (1)
C w
Soit = CmL = w + L (2)
L L

L’équation (1) peut être interprétée comme suit : Quand l’entreprise augmente l’emploi du facteur,
elle doit payer w𝛥L en plus pour rémunérer ce facteur. Mais l’augmentation de la demande du
facteur accroît son prix de 𝛥w et l’entreprise doit payer ce prix plus élevé pour toutes les unités
qu’elle employait auparavant. Le coût marginal d’acquisition des unités additionnelles du facteur
peut aussi s’exprimer de la sorte :
58
 L w 
CmL = w  1 + 
 w L 
 1
= w 1 +
 

Où ᶯ représente maintenant l’élasticité d’offre du facteur. Si la courbe d’offre est parfaitement

élastique, c’est-à-dire si ᶯ est égale à l’infini, nous revenons au cas d’une entreprise confrontée à

un marché de facteur concurrentiel.


Analysons le cas d’une entreprise en position de monopsone confrontée à une courbe d’offre de
facteur linéaire. La fonction d’offre inverse à la forme suivante : W(L)=a+bL, de sorte que les
coûts totaux sont égaux à :
C ( L) = w( L) L = aL + bL2

Et que le coût marginal d’une unité additionnelle d’input est égal à CmL(L)=a+2bL. Puisque le
coût marginal d’acquisition d’une unité supplémentaire du facteur est supérieur au prix de ce
facteur, ce prix est inférieur à ce qu’il aurait été si l’entreprise avait été confrontée à un marché de
facteur concurrentiel. Exactement comme le monopole, un monopsone opère en un point inefficace
au sens de Pareto.

59
Chapitre 4 : L’OLIGOPOLE

Introduction
L’oligopole est une structure intermédiaire de marché entre le marché de concurrence pure et
parfaite et le monopole. Il correspond à l’existence d’un petit nombre de vendeurs ou producteurs
qui ont chacun un pouvoir de marché et s’affrontent entre eux.
Dans un oligopole, chaque firme est capable d’identifier clairement ses concurrents et de tenir
compte de leurs comportements ou stratégies quand elle prend ses décisions de quantité ou de
prix. Il existe une interdépendance entre les décisions des firmes qu’on appelle interdépendance
conjecturale. Ces comportements peuvent conduire soit à des situations conflictuelles (non
coopératives) où chaque firme poursuit son propre objectif, soit à des situations de coopération (ou
les firmes poursuivent ensemble un objectif commun). Les causes principales qui constituent les
barrières à l’entrée sur le marché d’oligopole sont : les économies d’échelle, les réglementations,
les avantages (ou différences) absolus de coûts.
Trois principales hypothèses sous-tendent le marché d’oligopole :
1- les produits sur le marché d’oligopole sont supposés homogènes (identiques) ;
2- les entreprises oligopolistiques achètent des facteurs de production sur des marchés de
concurrence pure et parfaite ;
3- les entreprises se comportent de façon indépendante même si elles sont interdépendantes sur le
marché.
Afin de simplifier une réalité très complexe, considérons que l’oligopole ne comporte que deux
firmes (A et B) ; cette situation prend le nom de duopole. Nous supposons que les firmes produisent
un bien homogène, afin d’éviter les problèmes liés à la différenciation. On distingue deux types
principaux de comportement : l’affrontement et l’entente. Dans le premier cas, les équilibres seront
appelés équilibres non coopératifs. Plusieurs modèles très célèbres s’y intéressent ; il s’agit des
modèles de Cournot, de Stackelberg et de Bertrand. Dans le second cas, les équilibres seront dits
coopératifs. Le modèle du cartel en fournit une parfaite illustration.

Nous allons commencer notre analyse par la concurrence en quantités. Cela sera suivi par la
concurrence en prix, et nous terminerons par la coopération entre les firmes.

60
Section 1 : LE DUOPOLE ET LA CONCURRENCE EN QUANTITÉ

Nous nous considérons sur un marché où deux entreprises produisent un bien homogène (l’eau
minérale par exemple). Trois modèles seront utilisés pour rechercher des solutions aux interactions
entre deux firmes en termes de quantité : les modèles de Cournot, de Stackelberg et de Bowley.

1. Le modèle de Cournot
Antoine Augustin Cournot, économiste et mathématicien français fut le premier au 19 ème siècle à
proposer des solutions au problème d’oligopole en général et du duopole en particulier. Le modèle
de Cournot analyse le cas de deux entreprises suiveurs. L’hypothèse de base du modèle de Cournot
est que chaque firme maximise son profit (p) en supposant que la quantité produite par l’autre
entreprise concurrente n’est pas modifiée. Le modèle de Cournot se présente comme suit :
- Les deux firmes A et B ont des fonctions de coût total qui se présentent de la sorte :
dCTA
CTA = C1 (q1 ) CmA = = Cm1 (q1 )
dq1
dCTB
CTB = C2 (q2 ) CmA = = Cm 2 (q2 )
dq2
Q=q1+q2=production totale de la branche
- La fonction de demande inverse de la branche
P = f (Q) = f (q1 + q2 )
P = − aQ+ b
P = − a(q1 + q 2 ) + b

- Considérons par exemple que la première firme A constate que sa concurrente a décidé de
produire q2; combien doit-elle produire à son tour? Pour le savoir, elle cherchera à maximiser son
profit étant donné la quantité de sa concurrente.

61
 A = pq1 − C1 (q1 ) = RT1 − C1 (q1 )
 A = ( (−a(q1 + q 2 ) + b) ) q1 − C1 (q1 )
= − aq12 − aq1q2 + bq1 − C1 (q1 )
 A
= −2aq1 − aq2 + b − C1' (q1 ) = 0 soit Rm1 = Cm1
q1
− aq2 + b − C1' (q1 )
q1 =
2a
1 b − C1' (q1 )
q1 = − q2 +
2 2a

Cette équation indique, lorsque q2 est donné, le niveau q1 que la firme A choisit pour maximiser
son profit (𝜋). On parle alors de fonction de réaction de la firme A.
De la même façon, la firme B réagit aux actions de la firme A par sa propre fonction de réaction
 B
= −2aq2 − aq1 + b − C2' (q2 ) = 0 soit Rm 2 = Cm 2
q2
1 b − C2' (q2 )
q2 = − q1 +
2 2a
Les conditions de premier ordre indiquent que chaque duopole maximise son profit si Rm=Cm
Les conditions de deuxième ordre pour que chaque duopole maximise son profit est :

 2  2 i  2Ci  2 i  2Ci
= − 0 avec i = 1, 2
qi2 qi2 qi2 qi2 qi2

Le Rm de chaque duopole doit croitre moins vite que son Cm.


Chaque duopole maximise son profit par rapport à la variable unique sur laquelle elle peut agir.
L’équilibre de Cournot se présente comme suit :

62
q2

Fonction de réaction de la firme A q1=f(q2)

q*2 E Fonction de réaction de la firme B q2=f(q1)

q*1 q1

Figure 1: Équilibre de Cournot

Application
Soit les fonctions de demande inverse et de coût total suivants :

P = 100 − 0,5(q1 + q2 )
CT1 = 5q1
CT2 = 0,5q2

Déterminer les quantités, le prix et les profits à l’équilibre ?

1 = pq1 − CT1 soit 100 q1 − 0, 5( q1 + q2 ) q1 − 5 q1


= 100q1 − 0, 5q12 − 0, 5q1 q 2 − 5 q1
 2 = pq2 − CT2 soit 100 q2 − 0, 5(q1 + q2 ) q 2 − 0, 5 q 22
= 100q2 − 0, 5q1 q 2 − 0, 5q22 − 0, 5 q 22
−100q2 − 0, 5q1 q 2 − q22

Les fonctions de réaction sont données par :

63
 1
= 100 − q1 − 0, 5q2 − 5 = 0
q1
q1 = 95 − 0, 5q2
 2
= 100 − 0, 5q1 − 2q2 = 0
q2
q2 = 95 − 0, 25q1

Les valeurs d’équilibre q1 𝑒𝑡 q2 sont respectivement :


q1=95-0,5(50-0,25q1)
=95-25+0,125q1
q1=70+0,125q1
q1 = 80

q2=50-0,25(95-0,5q2)
q2 = 30

P=100-0,5(80+30)
P=45
Π1=100(80)-0,5(80)2-0,5(80)(30)-5(80)
Π1=3200

Π2=100(30)-0,5(80*30)-30²
Π2=900

* Propriétés de l’équilibre de Cournot


• Le prix de marché est déterminé par la demande pour la production totale (qA+qB)
• Le prix à l’équilibre de Cournot est :
–inférieur au prix de monopole
–supérieur au prix de concurrence parfaite et au coût marginal
• En concurrence « à la Cournot », les firmes font des profits
•Lorsque le nombre d’entreprises sur le marché croît, les quantités produites augmentent, le prix
de marché diminue.

64
Prix

Prix de Monopole
monopole Cournot
Prix de
Cournot Concurrence Demande de marché
parfaite
Prix de Coût marginal
Concurrence
parfaite
Quantité
Le duopole de Cournot correspond pour les firmes à une situation relativement égalitaire. Aucune
des deux firmes n’a une situation dominante. Or l’histoire des industries crée souvent des firmes
dominantes, soit parce qu’elles ont un poids quantitatif important (part de marché élevée tel que
Microsoft dans le secteur des systèmes d’exploitation pour les compatibles PC), soit elles ont un
comportement agressif et innovateur tel que Dell contre IBM dans le secteur des ordinateurs
compatibles PC.
Pour coller à la réalité concernant les relations entre les entreprises, Von Stackelberg a imaginé
une situation où une des deux firmes a une idée précise du comportement de son concurrent : elle
connaît parfaitement sa fonction de réaction et elle l’intègre dans son processus de décision.

2. Le modèle de Stackelberg

Heinrich Von Stackelberg est un économiste allemand qui fut le premier à étudier de façon
systématique les interactions entre une entreprise meneur (leader) et une entreprise suiveur
(follower). Le leader (par exemple la firme A) fixera une quantité à produire qui maximise son
profit, en prenant en considération la quantité qu’il escompte que le follower (la firme B) fixera en
réaction à son propre choix. Autrement dit la firme A s’efforce d’anticiper les réactions que ses
propres décisions auront sur les choix de la firme B. Ce modèle suppose donc que le leader
connaisse la fonction de réaction du follower.
Supposons que la firme A choisisse de produire une quantité q1, la firme B réagit en choisissant
une quantité q2.
. Chaque entreprise sait que le prix d’équilibre sur le marché dépend de la quantité totale d’output
produite.
- La fonction de demande inverse

65
P(Q)= - aQ+b avec Q=q1+q2
P(Q)= – a(q1+q2)+b

2.1. Le problème du follower


Nous supposons que le follower (firme B) désire maximiser son profit :
Le profit du follower dépend de l’output choisi par le leader, mais du point de vue du follower,
l’output du leader est prédéterminé, donc il le considère comme une donnée.
La fonction de profit de l’entreprise B est :
 2 (q1 , q2 ) = p ( q1 + q2 ) q2 − C2 ( q2 ) avec p = − a ( q1 + q2 ) + b
 2 (q1 , q2 ) = ( − a( q1 + q2 ) + b) q2 − C2 ( q2 )
 2 = − aq1q2 − aq22 + bq2 − C2 (q2 )
Nous allons utiliser la fonction de Π ci-dessus pour tracer les courbes d’isoprofit de la firme B.
Elles représentent les combinaisons de q1 et q2 qui engendrent un niveau constant de profit pour
l’entreprise B.

 2 = − aq22 + aq1q2 + bq2 − C2 (q2 )

q2
Courbe d’isoprofit firme B

q*2
Fonction de réaction q2(q1)

q*1 q1

Figure 3 : Détermination de la courbe de réaction de la firme B

Le profit de l’entreprise B augmente au fur et à mesure que nous nous déplaçons vers des courbes
d’isoprofit situées davantage vers la gauche. Le profit réalisé par l’entreprise B atteindra le niveau
le plus élevé possible quand cette entreprise est en position de monopole.

66
C’est-à-dire quand l’entreprise A ne produit rien. Pour chaque niveau d’output q1 que l’entreprise
A peut choisir, l’entreprise B produira la quantité 2 qui correspond au point de tangence entre la
courbe de q1 et la courbe d’isoprofit de la firme B. La courbe (droite) q1 doit être verticale au
niveau du choix optimal. L’ensemble des points de tangence définit la courbe de réaction de
l’entreprise B. Algébriquement, la courbe de réaction de l’entreprise B s’obtient en procédant à la
maximisation de son profit par rapport à q2. Cela revient à égaliser la recette marginale (Rm) au
coût marginal (Cm).

Soit RT2, la recette totale du follower et CT2, le coût total du follower

RT2 = p(Q)q2 = (−a(q1 + q2 ) + b)q2


= −aq1q2 − aq22 + bq2

La recette marginale du follower est =𝑅𝑚2= -𝑎𝑞1- 2𝑎𝑞2+ 𝑏


CT2=C2(q2)
Le coût marginal est cm2
L’égalité entre Rm2 et cm2 entraîne -𝑎𝑞1- 2𝑎𝑞2+ 𝑏 = 𝐶𝑚2
1 b − Cm2
q2 = − q1 +
2 2a

q2=f(q1) est la fonction de réaction du follower.

2.2. Le problème du leader


Si la firme A est le leader, son problème est le suivant :
max 1 ( q1 , q2 )
s .c q2 = q2* ( q1 )
Le leader essaie donc de se placer sur sa courbe d’isoprofit correspondant au profit le plus élevé
possible qui a un point d’intersection avec la courbe de réaction du follower. Les courbes
d’isoprofit de la firme A sont données par :
1 (q1 , q2 ) = RT1 − CT1
p(Q)q1 − C1 (q1 ) avec Q = q1 + q2 et p (Q) = −aQ + b

Donc

67
1 (q1 , q2 ) = (−a(q1 + q2 ) + b)q1 − C1 (q1 )
= −aq1q2 − aq12 + bq1 − C1 (q1 )

q2
Courbe de réaction de la firme 2

q*2

q*1 q1

Figure 4 : Solution de Stackelberg quand la firme A est meneur

Le programme du meneur est :

 Max1 ( q1 , q2 )

 s.c q2 = q2 (q1 )
*

Dans le cas de notre modèle linéaire,

 1 b − Cm2 
1 ( q1 , q2* ) = − a q12 − a  − q1 +  q1 + bq1 − C1 (q1 )
 2 2a 

a 2 b − Cm2
− a q12 + q1 − a q1 + bq1 − C1 ( q1 )
2 2a
a Cm2 − b
= q12 + a q1 + bq1 − C1 ( q1 )
2 2a

CIO

68
1 (q1 , q2* )(q1 ) Cm2 − b
= 0  − a q1 + + b − Cm1 = 0
dq1 2a
Cm2 − b
 − a q1 + + b = Cm1
2a
Cm2 + b − 2Cm1
q1E =
2a
1  Cm2 + b − 2Cm1  b − Cm2
q1E = q2*q1E = −  +
2 2a  2a
2Cm1 − Cm2 − b b − Cm2
q1E = +
4a 2a
2Cm1 − Cm2 − b + 2b − 2Cm2
q1E =
4a
2Cm1 − 3Cm2 2 + b
q1E =
4a

3- Le modèle de Bowley
Ce modèle analyse le cas où la concurrence en quantités à lieu entre deux entreprises meneurs
(leader). Dans ce cas les deux firmes essaient d’établir un point d’intersection entre leurs courbes
d’isoprofit et la courbe de réaction de leur concurrent. Comme le montre la figure suivante, ces
comportements sont incompatibles et donc il n’existe pas d’équilibre dans ce cas.

q2 R1

S2
 2S

S1
R2

1S q1

Figure 5 : Duopole de Bowley

69
Les deux firmes se feront la « guerre » jusqu’à ce que l’une d’entre elles accepte de suivre l’autre.
Donc c’est une situation instable qui conduit à un duopole de Stackelberg. Si aucune firme n’arrive
à dominer l’autre, la situation peut aussi déboucher sur un duopole de Cournot.

Le tableau ci-dessous résume les différentes figures de duopole selon le comportement des
producteurs.

Tableau 1 : Les configurations de duopole

Producteur B
Dépendance Maîtrise
Dépendance Équilibre de Cournot Équilibre de Stackelberg
Producteur A (double dépendance) (duopole asymétrique)
Maîtrise Équilibre de Stackelberg Pas d’équilibre possible
(duopole asymétrique) (Duopole de Bowley)

Section 2 : LE DUOPOLE ET LA CONCURRENCE EN PRIX : MODÈLE DE


BERTRAND
Le duopole de Bertrand correspond à une situation où les firmes se font concurrence par les prix.
Dans ce modèle :
- Les prix sont différenciés,
- Les consommateurs achètent le produit le moins cher,
- La baisse du prix est inéluctable,
- L’équilibre est réalisé quand le prix est égal au coût marginal,
- L’efficacité est maximale,
- L’incitation à l’entente est maximale, puisque la marge prix-coût marginal est nulle à l’équilibre.
Chaque firme cherche à maximiser son profit par le biais de son prix.
Soit P1 le prix de la firme A
P2, le prix de la firme B
La demande qui s’adresse à chaque firme est :
D1(P1, P2) et D2(P1, P2)
Les coûts unitaires sont constants : C1et C2.
Le problème de chaque firme est de maximiser son profit qui est :

70
Π1= (P1-C1) D1(P1, P2)
et Π2= (P2-C2)D2(P1, P2)
Nous avons un bien homogène (les consommateurs ne font pas de différence entre les produits des
deux firmes) et chaque firme sert toute la demande qui s’adresse à elle. Si une firme propose un
prix plus faible que son concurrent, elle attire toute la demande de marché (D(P)). Si les deux
firmes appliquent le même prix, alors elles partagent la demande de manière à satisfaire la demande
totale. On peut par exemple considérer que les deux firmes partagent également la demande dans
ce cas. Les demandes individuelles sont alors données par :

* Si P1<P2, D1(P1, P2)=D(P1), D2(P1, P2)=0 et Π1=(P1-C1)D(P1), Π2=0


* Si P1>P2, D1(P1, P2)=0, D2(P1, P2)=D(P2) et Π2=(P2-C2)D(P2), Π1=0
* Si P1=P2=P, D1(P, P)+D2(P, P)=D(P) et Π1=(P-C1)D1(P), Π2=(P-C2)D2(P)

Exemple : 𝐷1(𝑃, 𝑃)= 𝐷2(𝑃, 𝑃)=12𝐷(𝑃)


Par conséquent, tant que son prix reste supérieur à son coût unitaire Ci, la firme i a intérêt à casser
les prix pour récupérer la totalité de la demande. Mais cela est aussi vrai pour son concurrent (j).
Si l’on part d’une situation d’égalité des prix
1
P1 = P2 = P, D1 ( P, P) = D( P )
2
La firme A a intérêt à baisser son prix à P− si
1
( P −  −C1 ). D( P − ) ( P − C1 ) D( P )
2
Profit de monopole avec 𝑷-𝝐 Profit du duopole avec p

Ce raisonnement n’est valable que si la firme A considère que son concurrent ne va pas changer
son prix (conjectures de Bertrand). Avec ces conjectures, chaque firme a intérêt à baisser son prix
pour obtenir une position de monopole.
Quel sera l’équilibre ( P1* , P2* ) 𝑑𝑒 𝑐𝑒 𝑚𝑎𝑟𝑐hé ?

a) Prenons C1=C2=C (coûts symétriques)


* Peut-on avoir un équilibre de type P1* > P2* ?

Dans ce cas nous aurions

71
1 = ( P1* − C ).0 = 0
 2 = ( P2* − C ).D( P2* ) 0
On observe alors que la firme A a intérêt à baisser son prix jusqu’à P2* − pour obtenir le monopole

et donc des profits positifs. Donc cela ne peut être un équilibre car à l’équilibre, nous devons
avoir P1* = P2*

* Peut-on avoir un équilibre de type P1* = P2* = P* à 𝑙'é𝑞𝑢𝑖𝑙𝑖𝑏𝑟𝑒 ?

Dans ce cas la firme A obtiendrait


1
1 = ( P* − C ). D.( P* ) 0
1
Mais en baissant légèrement son prix, elle peut obtenir
1
1 = ( P* −  −C ).D.( P* − ) ( P* − C ) D( P* )
2
Donc à l’équilibre, on ne peut avoir P1* = P2* = P* C
* Peut-on avoir un équilibre de type P1* = P2* = P* < 𝐶 ?

Non car dans ce cas, les firmes font les profits négatifs et elles doivent quitter le marché
Donc, l’équilibre du duopole de Bertrand symétrique est :
P1* = P2* = P* = 𝐶
1
*i = ( P* − C ) D( P* ) = 0
2
A partir de dette configuration, aucune firme n’a intérêt à modifier son prix. Nous obtenons alors
une configuration intéressante. Le paradoxe de Bertrand : Nous avons un duopole (avec un
certain pouvoir de marché) qui, à l’équilibre, possède les mêmes propriétés que la concurrence
parfaite : Prix=coût marginal et profits nuls.
b) Aura-t-on toujours le même équilibre si C1≠C2 ?
* Par exemple si C1<C2 ?
Dans ce cas, la firme A peut appliquer un prix suffisamment faible pour obtenir le monopole de
marché :
P1* = C2 −  *i = (C2 −  −C1 ).D(C2 − ) 0
*2 = 0 car la firme 2 doit quitter le marché.

72
Si l’écart de coût est suffisamment important, la firme A peut même obtenir sa position de
monopole libre en appliquant son prix de monopole P1m tel que :

max p1 ( P1 − C1 ).D( P1 ) = 1 ( P1m ) = 1m si P1m C2 −  −C1 ).D(C2 − ) 0 , 𝑐ar dans ce cas, ce prix

n’implique pas l’entrée du concurrent.

Donc le paradoxe de Bertrand n’apparaît plus si le duopole n’est pas symétrique.

Section 3 : COOPÉRATION ET FORMATION DES CARTELS : MODÈLE DE


FELLNER
Les modèles que nous avons étudiés jusqu’à maintenant considèrent que les firmes prennent leurs
décisions de manière non-coordonnée : elles ne coopèrent pas. Et si elles formaient un cartel (un
groupe d’entreprises qui forment une coalition de façon à se comporter comme un monopole
unique et à maximiser la somme de leurs profits) pour fixer ensemble leurs quantités ? Si la
collusion est possible, l’objectif du cartel devient alors la maximisation du profit total du secteur.
Elles partageront ainsi ce profit maximal. Leur problème de maximisation du profit pour les deux
entreprises consiste dès lors à choisir leurs outputs q1 et q2 afin de maximiser les profits totaux du
secteur soit : max q 1 , q2
1 +  2

 = 1 +  2 et Q = q1 + q2

max  q1 ,q2 = max q ,q


1 2
 RT (Q) − CT1 (q1 ) − CT2 (q2 ) 
= max q ,q
1 2
 P(q1 + q 2 ) − CT1 (q1 ) − CT2 (q2 ) 

Les conditions d’optimalité deviennent alors :

  RT
 q = 0  − Cm1 ( q1 ) = 0
 1 q1

  = 0  RT − Cm (q ) = 0

 q2 q2
2 2

73
 RT
 q = Cm1 ( q1 )
 1

 RT = Cm ( q )

 q2
2 2

Le prix de vente du produit est identique, quelle que soit la firme qui le produit. Donc, chaque
unité fabriquée en plus (unité marginale) rapportera la même recette marginale, quelle que soit la
firme qui produit cette unité. Cela nous permettra d’écrire que :
RT RT
= donc Cm1 (q1 ) = Cm2 (q2 )
q1 q2
Ainsi, les quantités optimales produites par les firmes sont telles que les coûts marginaux associés
à ces quantités soient tous égaux entre eux.
Le cartel est assimilable à un monopole, donc il définit des quantités optimales plus faibles et un
prix de vente plus fort par rapport à un oligopole non coopératif.
Si une entreprise a un avantage en termes de coût, c.-à-d. si sa courbe de coût marginal est toujours
située en dessous de celle de l’autre entreprise, elle produira nécessairement davantage d’output à
l’équilibre dans une solution de cartel.
Pour maintenir le cartel, les entreprises doivent disposer d’un moyen de détection et de punition
des tricheurs. Si elles ne peuvent pas observer la production de leur concurrent, la tentation de
fraudeur peut détruire le cartel.
Calculons la solution du cartel dans le cas de coûts marginaux nuls et d’une courbe de demande
linéaire où p = - aQ+b.
La fonction de profit agrégé est la suivante :
 ( q1 , q2 ) =  − a ( q1 + q2 ) + b  .( q1 + q2 ) = − a ( q1 + q2 ) 2 + b( q1 + q2 )

L’égalité de la recette marginale et du coût marginal nous donnent dès lors

−a 2(q1 + q2 ) = 0 donc q1 + q2 = b / 2a
Puisque les coûts marginaux sont nuls, la répartition de l’output entre les deux entreprises n’a pas
d’importance. Seule est déterminée la quantité totale d’output au niveau du secteur.
La solution du cartel est représentée à la figure suivante :

74
q2

Courbes d’isoprofits de la firme A

b/2a Combinaisons d’outputs qui maximisent


le profit du secteur

Courbes d’isoprofits de la firme B

b/2a q1

Figure 6 : Équilibre du cartel

Si les profits du secteur sont maximisés, le profit marginal correspondant à la production d’une
unité d’output supplémentaire dans chacune des deux entreprises doit être identique. Cela implique
que les courbes d’isoprofits doivent être tangentes l’une à l’autre au niveau des outputs qui
maximisent le profit. Les combinaisons d’outputs qui maximisent les profits totaux du secteur
c’est-à-dire. les solutions du cartel, sont par conséquent situées le long de la droite qui lie les
tangentes des courbes d’isoprofits.

* Stabilité du cartel
Les cartels sont intéressants pour les firmes mais ils ont un problème : la stabilité.
En imaginant que la firme A envisage d’augmenter sa quantité à partir de la solution de cartel.
Aurait-elle intérêt à la faire ?
Dans ce cas, la condition d’optimalité du cartel implique

75
p
p (q1 + q2* ) + (q1 + q2* ) − Cm1 (q1 ) = 0
q1
p p *
p (q1 + q2* ) + q1 − Cm1 (q1 ) + q2 = 0
q1 q1
Ou
p p *
p (q1 + q2* ) + q1 − Cm1 (q1 ) = − q2 0
q1 q1
Le membre de gauche de cette condition est le profit marginal de la firme et ce profit marginal est
donc positif à l’optimum du cartel. Ce qui veut dire que la firme sera incitée à augmenter sa
production si elle pense que son partenaire ne va pas modifier la sienne. Par conséquent, si les
firmes ne peuvent pas observer les quantités individuelles, cela va déboucher dans un duopole de
Cournot où chaque firme va obtenir, en fin de compte, des profits plus faibles que dans le cartel.

Section 4 : QUEL MODÈLE POUR L’OLIGOPOLE ?

Cela dépend en fin de compte des connaissances empiriques que nous possédons sur l’industrie
que nous étudions.
- pour certaines industries où la coordination des activités des firmes sont interdites ou difficile à
réaliser, les modèles non coopératifs seront adaptés.
- Si la position des firmes est fortement asymétrique, une concurrence de type Stackelberg est fort
possible (exemple : Compaq entrant face à IBM au début de l’industrie des PC).
- Si les firmes sont plutôt similaires en taille et en position de marché, c’est du côté de Cournot ou
de Bertrand qu’il faudrait chercher : si la concurrence est rude entre les firmes, nous aurons une
situation plutôt proche de Bertrand (biens de consommation de base).
- Si la coordination est possible alors la collusion est à surveiller de près (OPEP), avec tous les
problèmes qu’il pose.

** CLASSIFICATION DES MARCHES : Le tableau de Stackelberg


L’économiste allemand Stackelberg a réalisé un tableau qui recense toutes les situations possibles
pour un marché. Pour construire ce tableau, il suppose que nous nous trouvons dans les conditions
de perfection d’un marché : atomicité du marché, homogénéité des produits, fluidité à l’entrée et
à la sortie, parfaite transparence du marché, mobilité des facteurs de production.
76
Tableau de Stackelberg
Offre Un Quelques-uns Une multitude

Demande
Un Monopole bilatéral Monopsone contrarié Monopsone

Quelques-uns Monopole contrarié Oligopole bilatéral Oligopsone

Une multitude Monopole Oligopole Concurrence pure


et parfaite

Section 5 : LE DUOPOLE COMME UN « DILEMME DES PRISONNIERS »

On peut résumer la problématique du duopole en considérant que les firmes ont le choix entre deux
attitudes : une stratégie d’entente (coopérative) ou une stratégie concurrentielle.

1-Le dilemme des prisonniers

Le « dilemme des prisonniers » est un type de jeu dû à A. W. Tucker, qui l’inventa en 1950 alors
qu’il était à Stanford. Les jeux les plus simples sont représentés sous forme de tableaux où sont
indiqués les gains des joueurs en fonction des stratégies possibles de l’ensemble des joueurs. Le
dilemme du prisonnier permet de montrer que des agents individuellement rationnels peuvent
choisir des stratégies qui ne sont pas globalement optimales pour eux. Le jeu repose sur les trois
éléments suivants :
• Deux personnes, coupables, sont mises en examen pour vol par un juge d’instruction. Le juge ne
dispose d’aucune preuve et propose donc les deux stratégies suivantes à chaque suspect : soit il
dénonce son complice, soit il ne le dénonce pas.
• Les deux suspects sont séparés, ne peuvent pas communiquer entre eux et ne peuvent donc pas
négocier. Cette hypothèse vise à assurer que le jeu est non-coopératif ;
• Les deux suspects ne peuvent pas revenir sur leur déclaration. Cette hypothèse vise à s’assurer
que le jeu est statique.
• Chaque suspect sait que le juge a fait la même proposition à l’autre suspect. Il s’agit de
l’hypothèse d’information parfaite.

77
Nous avons donc deux joueurs indicés par l’ensemble I = {1,2} et chaque joueur a deux stratégies
possibles A1 = A2 = {D, N} où D signifie “Dénoncer” et N signifie “Ne pas dénoncer”.
Les hypothèses sur les gains sont les suivantes :
• Si les deux joueurs ne se dénoncent pas mutuellement, ils sont libres et se partagent le butin.
Le butin est de V et ils gagnent donc chacun V/2 ;
• Si un joueur n’est pas dénoncé par son complice et a dénoncé son complice, il part seul avec le
butin. Le joueur qui n’a pas été dénoncé gagne donc V et celui qui a été dénoncé ne touche pas sa
part du butin tout en subissant une désutilité liée à son passage en prison, égale à -P.
• Si les deux joueurs se dénoncent mutuellement, ils ont toujours la perspective de se partager le
butin à la sortie, puisqu’aucun n’avoue, mais doivent subir une désutilité liée à leur passage en
prison. Ils gagnent chacun V/2-P. On a donc les gains suivants :
Π1 (D, D)=V/2-P Π2 (D, D)=V/2-P
Π1(D, N)=V Π2 (D, N)=-P
Π1 (N, D)=-P Π2(N, D)=V
Π1 (N, N)=V/2 Π2 (N, N)=V/2

On range ces gains dans un tableau que l’on appelle la matrice des gains. Chaque case correspond
à une réalisation a et elle indique le couple des gains qui y est associé
(Π1(a), Π2 (a)):

Joueur 2
D N

D (V/2-P, V/2-P) (V, -P)


Joueur 1
N (-P,V) (V/2, V/2)

Cette matrice permet d’étudier rapidement le jeu. Pour trouver ses solutions éventuelles, il faut
d’abord définir le concept d’équilibre.

78
2- L’équilibre en stratégies dominantes
Dans le cas du dilemme du prisonnier, la question qui nous intéresse est de savoir si les joueurs
vont se dénoncer ou non. On appelle la solution d’un jeu, quand elle existe, un équilibre. Notons
bien que dans le cas général, l’existence d’un équilibre n’est pas assurée et que, lorsqu’il existe, il
n’y a aucune raison qu’il soit unique. Par la suite, nous introduisons la notation suivante qui
représente, du point de vue du joueur i, les stratégies jouées par les autres joueurs :

a − i = (a1 ,..., ai −1 ,..., a i +1 ,..., a N


N −1 éléments

Cette notation permet de représenter une réalisation du jeu sous la forme suivante :
a = ( ai, a-i).
Définition 1 : Une stratégie est dite dominante pour le joueur i si, quel que soit l’action des

autres joueurs, elle permet de maximiser le gain du joueur i. On la note a 𝒊 telle que :

∀ai ∈ Ai, ∀a-i ∈ A-i Πi( a 𝒊, a-i) = Πi (ai, a-i).


Il est clair que lorsqu’il existe une stratégie dominante, un joueur a toujours intérêt à la jouer,
puisqu’elle maximise son gain dans l’absolu.

définition 2 : Une réalisation a = ( a 𝒊, a -𝒊) est un équilibre en stratégies dominantes si tous les
joueurs ont une stratégie dominante.

Reprenons l’exemple du dilemme du prisonnier pour voir s’il existe un équilibre en stratégies
dominantes. Pour voir si le joueur 1 possède une stratégie dominante, il faut examiner s’il existe
une stratégie qui lui procure toujours le plus grand gain. Si le joueur 2 joue a2 = D le joueur 1 a le
choix entre dénoncer le joueur 2, auquel cas il gagne Π1 (D,D)=V/2-P et ne pas le dénoncer auquel
cas il gagne Π1(N,D)= -P< V/2-P. Il est clair qu’il a intérêt à jouer a1= D. Si maintenant le joueur
2 joue a2 = N, le joueur 1 a le choix entre dénoncer le joueur 2, auquel cas il gagne Π1(D,N)=V et
ne pas le dénoncer, auquel cas il gagne Π1(N,N)=V/2 < V. Il a donc également intérêt à dénoncer
le joueur 2 dans ce cas. Donc, quelle que soit la stratégie du joueur 2, le joueur 1 a intérêt à le

dénoncer. On dit qu’il a une stratégie dominante a 1= 𝐷. Considérons maintenant le cas du joueur
2. Si le joueur 1 le dénonce, soit il le dénonce à son tour et gagne V/2-P soit il ne le dénonce pas
et va seul en prison ce qui lui assure un gain -P < V/ 2-P. Donc le joueur 2 a intérêt à dénoncer le
joueur 1 si ce dernier le dénonce. Maintenant, si le joueur 1 ne dénonce pas le joueur 2, ce dernier

79
a le choix entre ne pas le dénoncer, auquel cas il partage le butin avec lui V/2, et le dénoncer auquel
cas il n’a pas besoin de partager et gagne V. Donc le joueur 2 a également intérêt à dénoncer le

joueur 1 s’il ne le dénonce pas. Le joueur 2 possède également une stratégie dominante a 2 = 𝐷.
Puisque les deux joueurs ont une stratégie dominante qui consiste à dénoncer l’autre, on dit que le

dilemme du prisonnier admet un équilibre en stratégies dominantes donné par a = (D, D).
Il est clair que cette situation n’est pas globalement optimale pour les joueurs puisque le résultat

de cette dénonciation réciproque est de leur garantir le gain global le plus faible possible : (Π1( a

), Π2( a ) = (V/2-P, V/2-P) au lieu de (V/2,V/2). Globalement, il serait dans l’intérêt des joueurs de
rechercher la réalisation a*qui maximise leur gain total Π1(a*)+Π2 (a*), quitte à le redistribuer
ensuite. Pour déterminer cette stratégie “optimale” (du point de vue des voleurs), on utilise les
profits agrégés suivants :
Π1(D,D)+Π2(D,D)=V -2P,
Π1(D,N)+Π2(D,N)=V -P,
Π1(N,D)+Π2 (N,D)=V -P,
Π1(N,N)+Π2(N,N)=V.
La solution collectivement préférable pour les joueurs est donc a* = (N,N) alors qu’en jouant
individuellement, et en maximisant leur gain, ils aboutissent à la situation qui leur donne le plus
petit gain collectif possible V-2P. L’équilibre en stratégies dominantes garantit donc aux joueurs
la solution qui leur est la plus défavorable sur le plan collectif. Les équilibres en stratégies
dominantes sont particulièrement faciles à trouver mais il est clair que tous les jeux n’admettent
pas un équilibre en stratégies dominantes. Nous allons maintenant voir un exemple de ce type dans
un jeu connu sous le nom de l’intersection.

3- L’intersection

Supposons que l’on ait deux automobilistes qui arrivent en même temps à une intersection. Ils ont
le choix entre deux stratégies : passer (stratégie P) ou ne pas passer (Stratégie N). Les gains sont
les suivants :
1. Si les deux joueurs passent, ils ont un accident et leur utilité est égale à -A<0.
2. Si un seul joueur passe, il gagne une utilité B>0 et le joueur qui s’arrête gagne 0.

80
Ces hypothèses signifient simplement que l’on préfère passer plutôt que de s’arrêter, et s’arrêter
plutôt que d’avoir un accident. La matrice des gains est donc la suivante :

Joueur 2
P N

P (-A, -A) (B, 0)


Joueur 1
N (0, B) (0, 0)

Ce jeu n’admet pas d’équilibre en stratégie dominante. Pour le démontrer, il suffit qu’un seul des
deux joueurs n’ait pas de stratégie dominante. Examinons le cas du joueur 2. Si le joueur 1 joue a1
= P, le joueur 2 gagne Π2(P,P)=-A<0 s’il joue P, et il gagne Π2(P,N)=0 s’il joue N.
Donc il choisit de ne pas passer a2= N. Si maintenant le joueur 2 joue a2= N, le joueur 1 gagne
Π2(N,P)=B>0 s’il joue P et il gagne Π2(N,N)=0 s’il joue N. Donc il choisit de passer a2 = P.
Il n’existe donc pas de stratégie qui maximise le gain du joueur 2 quelle que soit la stratégie jouée
par le joueur 1. En conséquence, ce jeu n’admet pas d’équilibre en stratégies dominantes.

On peut montrer facilement que le joueur 1 n’a pas non plus de stratégie dominante, de sorte que
la preuve aurait pu être faite à partir de ce joueur. Il nous faut donc introduire un autre concept
d’équilibre, moins exigeant que l’équilibre en stratégies dominantes.

4- L’équilibre de Nash
Un concept d’équilibre central en théorie des jeux est l’équilibre de Nash (1951).

Définition 3 : Une réalisation a = ( a 𝒊, a -𝒊) est un équilibre de Nash si aucun joueur ne réalise
un gain en déviant de cette réalisation, sachant qu’aucun autre joueur ne dévie lui-même de

cette réalisation. Plus précisément : ∀ai ∈ Ai, Πi ( a 𝒊, a -𝒊)  Πi (𝒂𝒊, 𝒂-𝒊). Un équilibre de Nash
maximise donc le gain d’un joueur sachant que tous les autres joueurs jouent également à
l’équilibre de Nash.
Proposition 1 : Tout équilibre en stratégies dominantes est un équilibre de Nash. La réciproque
est fausse.

81
Vérifions la première partie de cette proposition sur le dilemme du prisonnier.
• Si a1 = D le gain du joueur 2 est Π2(D,D)=V/2-P  -P = Π2(D,N) donc le joueur 2 choisit a2
= D;
• Si a2 = D le gain du joueur 1 est Π1(D,D)=V/2-P  -P = Π1(N,D) donc le joueur 1 choisit a1 =
D.
En conséquence, aucun joueur n’a intérêt à dévier de la ai = D sachant que l’autre joueur joue

a-i = D. Donc la réalisation a =(D,D) est un équilibre de Nash. La question se pose alors de savoir
s’il s’agit du seul équilibre de Nash ou s’il y en a d’autres. Pour le savoir, il faut regarder s’il existe
au moins un joueur pouvant réaliser une déviation profitable des trois autres réalisations possibles
du jeu :
1. a=(N,N). A partir de cette réalisation, chaque joueur peut améliorer son gain en déviant. Si le
premier joueur joue N, le second joueur peut améliorer son gain en jouant D puisqu’il gagne alors
Π2(N,D)=V > V/2=Π2(N,N). On dit que le profit de déviation du second joueur est égal à V-
V/2=V/2 > 0. Donc cette réalisation n’est pas un équilibre de Nash. La preuve serait similaire si
l’on raisonnait en fixant la stratégie du second joueur. En fait, les deux joueurs ont intérêt à dévier
de cette réalisation.
2. a=(N,D). A partir de cette réalisation, le premier joueur peut améliorer son gain en déviant.
En effet, si le second joueur le dénonce, le premier joueur gagne soit Π1(N,D)= -P s’il ne
le dénonce pas et Π1(D,D)=V/2-P s’il le dénonce. Son profit de déviation est donc V/2-P
+P = V/2 > 0. Il ne s’agit donc pas d’un équilibre de Nash. Par contre, on remarque que pour cette
réalisation le joueur 2 n’a pas intérêt à dévier. En effet, s’il joue a2 = N alors que le premier joueur
joue N, il gagne Π2(N, N)=V/2, alors que s’il ne dévie pas il gagne Π2(N,D)=V.

Il ferait donc une perte égale à -V/2 en déviant.


3. a=(D,N). Il s’agit du cas symétrique du précédent. Ici, c’est le second joueur qui peut améliorer
sa situation en déviant. S’il joue a2 = N il gagne Π2(D,N)=-P alors que s’il dévie en
a2= D il gagne Π2(D,D)=V/2 - P. Le profit de déviation est donc V/2 - P + P = V/2. On montre que
le premier joueur n’a pas intérêt à dévier.

82
L’équilibre de Nash du dilemme du prisonnier est donc la dénonciation réciproque. L’examen des
profits de déviation montre que toutes les réalisations de ce jeu incitent les joueurs à dénoncer
l’autre.
La seconde partie de la proposition montre qu’un équilibre de Nash n’est pas forcément un
équilibre en stratégies dominantes. On peut illustrer ce point par le jeu de l’intersection. Nous
avons montré que ce jeu n’admet pas d’équilibre en stratégies dominantes. Il suffit donc de montrer
qu’il admet au moins un équilibre de Nash. En fait, il en admet deux, ce qui permet d’illustrer le
fait qu’un équilibre de Nash n’est pas forcément unique. Examinons les réalisations du jeu une par
une :
• a =(P,P). Si a1 = P, le joueur 2 peut jouer soit a2 = P et il gagne Π2(P,P)= -A<0, soit a2= N et il
gagne Π2(P,N)=0 . Donc le joueur 2 joue a2 = N si le joueur 1 joue a1 = P. Le joueur 2 dévie
donc de la réalisation proposée et a=(P,P) n’est pas un équilibre de Nash.
• a =(P,N). Si a1 = P, le joueur 2 peut jouer soit a2 = P et il gagne Π2(P,P)=-A<0, soit a2=N et il
gagne Π2(P,N)=0 . Donc le joueur 2 joue a2=N si le joueur 1 choisit a1=P. Considérons maintenant
l’autre joueur. Si a2=N, le joueur 1 peut jouer soit a1=P et gagner Π1(P,N)=B>0 soit jouer a1 = N
et gagner Π1(N,N)=0 . Donc le joueur 1 joue a1=P si le joueur 2 choisit a2=N. Il s’ensuit que la

réalisation a =(P,N) est un équilibre de Nash.


• a=(N,P). Si a1 = N, le joueur 2 peut jouer soit a2 = P et il gagne Π2(N,P)=B>0, soit a2= N et il
gagne Π2 (N,N)=0 . Donc le joueur 2 joue a2 = P si le joueur 1 choisit a1 = N. Considérons
maintenant l’autre joueur. Si a2 = P, le joueur 1 peut jouer soit a1 = P et gagner Π1(P,P)= -
A<0 soit jouer a1= N et gagner Π1(N,P)=0 . Donc le joueur 1 joue a1 = N si le joueur 2 choisit a2=

P. Il s’ensuit que la réalisation a =(N, P) est également un équilibre de Nash.


• a =(N,N). Si a1 = N, le joueur 2 peut jouer soit a2 = P et il gagne Π2(N,P)=B>0, soit a2 = N et il
gagne Π2(N,N)=0 . Donc le joueur 2 joue a2= P si le joueur 1 joue a1 = N. Le joueur 2 dévie donc
de la réalisation proposée et a =(N,N) n’est pas un équilibre de Nash.

5. Autres exemples
(i) la tragédie de l’étang communal :
Deux pêcheurs et un étang communal. La probabilité d’attraper un beau poisson dépend du degré
d’intensité de pêche de chacun. Lucien a d’autant plus de chance de faire une belle prise qu’il
pêche intensément, et que Casimir pêche légèrement. Mais si tous deux pêchent intensément,

83
l’étang s’épuise… (Si l’accès à l’étang communal est gratuit pour chaque individu, il existe une
différence entre le coût privé et le coût social de la pêche : la décision optimale du point de vue
individuel ne l’est pas du point de vue social).

Casimir
légère intense
Lucien Légère 2 ; 2 0 ; 3
Intense 3 ; 0 1 ; 1

(ii) le financement d’un bien public :


Les habitants des rives d’un fleuve envisagent de construire un pont. Le coût du pont est supérieur
à la disposition à payer des habitants d’une seule rive. Chaque « rive » préfère qu’autre contribue
: le bénéfice net qu’une rive tire du pont est d’autant plus grand que sa propre contribution est
faible.
Rive gauche
contribuer ignorer
Rive droite contribuer 1 ; 1 -1 ; 3
ignorer 3 ; -1 0 ; 0

Exercice 1

Deux entreprises se font concurrence par les prix. Leurs fonctions de demande sont
Q1=20-P1+P2
Q2=20+P1-P2
Où P1 et P2 sont les prix fixés par les deux entreprises et Q1 et Q2 les demandes correspondantes.
Vous pouvez remarquer que la demande pour chaque bien ne dépend que de la différence de prix:
si les deux entreprises entraient en collusion et fixaient le même prix, elles pourraient fixer le prix
aussi haut qu'elles le souhaiteraient et réaliser des profits infinis. Les coûts marginaux sont nuls.
Supposons que les deux entreprises fixent leurs prix simultanément.
1) Trouvez l'équilibre de Nash.
2) Quel sera le prix fixé par chaque entreprise, quelle sera sa quantité vendue et quel sera son
profit? (Indication: maximisez le profit de chaque entreprise en fonction de son prix).
Réponses

84
1) Commençons par l'entreprise 1. L'entreprise 1 calcule son prix optimal en prenant en compte la
courbe de réaction de l'entreprise 2. Son profit  1 est égal à sa recette P1Q1 moins le coût total qui

est nul dans notre cas.


1 = PQ
1 1 − c1 = P1 (20 − P1 + P2 ) = 20 P1 − P1 + PP
* 2
1 2

Pour quel prix P1 l'entreprise maximise-t-elle son profit ? La réponse dépend de P2, que l'entreprise
1 prend comme donné. Mais quel que soit le prix fixé par l'entreprise 2, l'entreprise 1 maximise
son profit lorsque le profit supplémentaire réalisé suite à une très faible augmentation de son prix
est juste égal à zéro. En prenant P2 comme fixé, le prix optimal de l'entreprise 1 est donné par :
 1
= 20 − 2 P1 + P2 = 0
P1
Nous pouvons réécrire cette équation pour obtenir la règle de fixation du prix suivante, qui est
la courbe de réaction de l'entreprise 1:
Courbe de réaction de l'entreprise 1 : P1 = 10 + 0,5P2

Cette équation permet à l'entreprise 1 de déterminer son prix, étant donné le prix P2 choisi par
l'entreprise 2. De la même façon, nous pouvons trouver la règle de fixation du prix pour l'entreprise
2:
Courbe de réaction de l'entreprise 2: P2 = 10 + 0,5P1

La courbe de réaction de l'entreprise 1 représente son prix optimal en fonction du prix fixé par
l'entreprise 2, tout comme la courbe de réaction de l'entreprise 2 représente son prix optimal en
fonction du prix fixé par l'entreprise 1.
L'équilibre de Nash se situe à l'intersection des deux courbes de réaction.
2)
*P2 = 10 + 0, 5(10 + 0, 5 P2 )
P2 = 10 + 5 + 0, 25 P2
0, 75 P2 = 15
P2 = 20
*P1 = 10 + 0, 5  20
P1 = 20

Donc, à l'équilibre, chaque entreprise fait payer un prix égal à 20 et réalise un profit:

85
 1 =  2 = 20 P1 − P12 + PP
1 2

20  20 − (20) 2 + 20  20
400

Chaque entreprise va produire:

Q1 = 20 − P1 P2
= 20 − 20 + 20
= 20 unités
Un équilibre de Nash est un équilibre non coopératif : chaque entreprise prend la décision qui lui
permet de réaliser le plus de profit possible, étant donné les actions de ses concurrents.

Exercice 2 :

Deux entreprises produisant des biens différenciés présentent les fonctions de recette moyenne et
de coût total suivantes :

p1 = 2 y1 − y2 + 276
CT1 = y12 − 10 y1 + 600 pour l ' entreprise 1
p2 = −2 y1 − 2 y2 + 378
CT1 = 2 y22 − 36 y2 + 800 pour l ' entreprise 2

1. Chaque entreprise estime que la production de sa rivale constitue une donnée à laquelle elle doit
s’adapter pour maximiser son profit.
Quels seront la production et le profit de chaque entreprise ?
2. L’entreprise 2 suppose que le prix de la firme 1 est, pour elle, une donnée.
Quels seront la production et le profit de chaque entreprise ?
3. L’entreprise 1 réagit à la modification du prix de la firme 2 en ajustant alors son prix et sa
quantité de façon à maximiser son profit. Quelles seront alors les conséquences de cette réaction ?

86
Réponses
Dans le cas où chacune des deux firmes adopte une attitude de bienveillance :
La firme 1 maximise son profit :

1 = RT1 − CT1
= (−2 y1 − y2 + 276) y1 − ( y12 − 12 y1 + 600)
= −3 y12 − y1 y2 + 288 y1 − 600
 1
= −6 y1 − y2 + 288 = 0
y1
→ −6 y1 + 288 = y2
La firme 2 maximise son profit :
 2 = RT2 − CT2
= (−2 y1 − 2 y2 + 378) y2 − (2 y22 − 36 y1 + 800)
= −4 y22 − 2 y1 y2 + 414 y2 − 800
 2
= −8 y2 − 2 y1 + 414 = 0
y2
1
→ −(− ) y1 + 51, 75 = y2
4

Ainsi, on obtient le système suivant :


−8 y1 + 288 = y2

 1
−(− ) y1 + 51, 75 = y2
 4
−(23 ) y1 + 236, 25 = 0
4
y1 = 41,1; p1 = 152, 35 et 1 = 4464, 4
y2 = 41, 5; p2 = 212,87 et  2 = 6081,8

2. Si la firme 2 considère le prix de la firme 1 comme une donnée à laquelle elle doit s’ajuster
partiellement puisque les biens sont différenciés :

87
Ainsi : P1 = 152, 35 = −2 y1 − y2 + 276
→ 2 y1 = − y2 + 123, 65
1 123, 65
→ y1 = − y2 +
2 2
P2 = −2 y1 − 2 y2 + 378
1 123, 65
→ P2 = −2(− y2 + ) − 2 y2 + 378
2 2
→ P2 = y2 + 123, 65 − 2 y2 + 378
→ P2 = − y2 + 254, 4 = RM 2
RT2 = − y22 + 254, 4 y2
Alors Rm2 = −2 y2 + 254, 4
Cm2 = 4 y2 − 36
Rm2 = Cm2
→ −2 y2 + 254, 4 = 4 y2 − 36
→= −6 y2 − 290, 4
→ y2 = 48,8 P2 = 206 et  2 = 6225,1
→ y1 = 37, 6  1 = 4168, 4

3. Si la firme 1 réagit à la modification du prix de la firme 2 en considérant alors comme une


donnée le prix de la firme 2 :
Ainsi : P2 = 206 = −2 y1 − 2 y2 + 378
→ 2 y2 = −2 y1 + 172
→ y2 = − y1 + 86
Alors :  1 = (−2 y1 + y1 − 86 + 276) y1 − y12 + 12 y1 − 600
 1 = (− y1 − 86 + 276) y1 + y12 + 12 y1 − 600
→  1 = −2 y12 + 202 y1 − 600
 1
= −4 y1 + 202 = 0 → y1 = 50,5; p1 = 139,5 et  1 = 4500,5
y1
p2 = 206 → y2 = 35,5 et  2 = 5270,5

88
Exercice 3

Deux entreprises produisent des biens parfaitement substituables.

La firme 1 a une fonction de coût marginal de la forme Cm1 = 0,3y1– 31 et des frais fixes de 3650.
La firme 2 a une fonction de coût marginal de la forme Cm2 = 0,8y2 - 20 et des frais fixes de 650.
La demande s’adressant à l’industrie est y = -10 p + 440

1. Chaque entreprise agit en faisant l’hypothèse que le comportement de l’autre constitue pour elle
une donnée à laquelle elle doit s’adapter pour maximiser son profit. Quels seront la production et
le profit de chaque entreprise ?

2. Convaincue de sa supériorité, l’entreprise 1 décide d’agir en tant que leader sur le marché.
L’entreprise 2 ne modifie pas son attitude. Quels seront le prix du marché et les quantités vendues
par chaque entreprise ?

3. Convaincue également de sa supériorité, l’entreprise 2 décide d’agir en tant que leader et la


firme 1 se comporte alors comme une firme satellite. Quels seront le prix du marché et les quantités
vendues par chaque entreprise ?

4. Cependant il apparaît que les deux entreprises prétendent en même temps à la situation de leader.
Quels seront le prix du marché et les quantités vendues par chaque entreprise ?

5. Les deux firmes cherchent à s’entendre pour constituer un cartel permettant de maximiser leurs
profits joints. Déterminer les prix et les quantités d’équilibre.

Réponses

1. La situation de l’industrie correspond à une situation de duopole à la Cournot où chacune des


firmes adopte un comportement de satellite, en s’adaptant aux situations créées par l’autre :
L’entreprise 1 maximise son profit:

89
1 = Py1 − CT1
Avec CT1 = 0,15 y12 − 31y1 + 3650
CT1 = 0,15. y12 − 31. y1 + 3650
Et, issu de la fonction de demande des consommateurs,
Ainsi
1 = (−0,1( y1 + y2 ) + 44) y1 − (0,15 y12 − 31 y1 + 3650)
1 = −0,1 y12 − 0,1 y1 y2 + 44 y1 − 0,15 y12 − 31 y1 − 3650
1 = −0, 25 y12 − 0,1 y1 y2 + 75 y1 − 3650

 1
= −0, 5 y1 − 0,1 y2 + 75 = 0
y1
→ −0, 5 y1 = −0,1 y2 + 75
équation de la courbe de réaction de A
y1 = 150 − 0, 2 y2 :

L’entreprise 2 maximise son profit :

 2 = Py2 − CT2
Avec CT2 = 0, 4 y22 − 20 y2 + 650
Et, issu de la fonction de demande des consommateurs,

P = −0,1( y1 + y2 ) + 44

Ainsi
 2 = (−0,1( y1 + y2 ) + 44) y2 − (0, 4 y22 − 20 y2 + 650)
 2 = −0,1 y22 − 0,1 y1 y2 + 44 y2 − 0, 4 y22 − 20 y2 − 650
 2 = −0,5 y22 − 0,1 y1 y2 + 64 y2 − 650
 2
= − y2 − 0,1 y1 + 64 = 0
y2

→ y2 = −0, 2 y1 + 64: Équation de la courbe de réaction de B

L’équilibre de marché est obtenu au point d’intersection des courbes de réaction des deux firmes.

90
 y1 = −0, 2 y2 + 150

 y2 = −0,1 y1 + 64
 y1 = −0, 2 y2 + 150

 y2 = −10 y1 + 640
0 = 9,8 y2 − 490

y2 = 50  2 = 600
y1 = 140  1 = 1250
P = 25
2. Dans une situation dite de duopole de Stackelberg où une firme se croît leader et prête à l’autre
un comportement de satellite : la firme 1 se croît dominante et adopte un comportement de
maximisation de son profit compte tenu du comportement supposé de suiveur de 2 :

1 = (44 − 0,1( y1 + 64 − 0,1 y1 ) y1 − (0,15 y12 − 31 y1 + 3650)


1 = −0, 24 y12 − 68, 6 y1 − 3650
 1
= −0, 48 y1 + 68, 6 = 0
y1
→ y1 = 142, 92

La firme 2 s’adapte à la situation créée par la firme 1 :


y2 = 64 − 0,1y1 = 49,71
P = 24,74 1 = 1252, 45  2 = 585,56

3. La firme 2 se croît dominante et adopte un comportement de maximisation de son profit compte


tenu du comportement supposé de suiveur de 1 :

91
 2 = (44 − 0,1( y1 + 150 − 0, 2 y2 ) y2 − (0, 4 y22 − 20 y2 + 650)
 2 = −0, 48 y22 − 49 y2 − 650
 2
= −0,96 y2 + 49 = 0
y2
→ y2 = 51, 04

La firme 1 s’adapte à la situation créée par la firme 2 :


y1 = 150 − 0, 28 y2 = 139, 79
P = 24, 74 1 = 1234, 48  2 = 600,18

4. Lorsque les deux entreprises adoptent en même temps un comportement de leader. L’oligopole
est dit de Bowley :
* Pour la firme 1 :

1 = (44 − 0,1( y1 + 64 − 0,1y1 ) y1 − (0,15 y12 − 31y1 + 3650)

Après maximisation du profit, il s’ensuit que : y2 = 51, 04

5. La meilleur situation possible étant celle du monopole, les deux firmes vont chercher à
s’entendre en formant un cartel permettant de maximiser leurs profits joints – situation
oligopolistique dite de Fellner – profits qu’elles se répartiront par la suite.

 G = 1 +  2
 G = (44 − 0,1( y2 + 150 − 0, 2 y2 ) y2 − (0, 4 y1 y12 − 20 y2 + 650)
 G
= −0, 5 y1 + 75 − 0, 2 y2 = 0
y1

→ y1 = 150 − 0, 4 y2
 2
= − y2 + 64 − 0, 2 y1 = 0
y2
→ y2 = 64 − 0, 2 y1
y1 = 150 − 0, 4(64 − 0, 2 y1 ) → y1 = 135, 22
Ainsi y2 = 36, 96: P = 26, 78
1 = 1420, 34:  2 = 532, 57:  G = 1952, 91

92
Une telle collusion est stable puisque le profit global est supérieur à la somme des profits quand
chacune se croit en position de suprématie. Cependant, le cartel exige une redistribution des profits.

La firme 1 devra reverser à la firme 2 au moins : 600,18 – 532.57 = 67,61, pour que cette dernière
participe à l’entente, et verser à la firme 1, au plus : 1420,34-1252,45=167,89, pour qu’elle-même
ait intérêt à participer au cartel.

Selon la règle de partage qu’elles adopteront dans la partie négociable (167,89 – 67,61 = 100,28),
le profit final se situera pour chacune d’elles entre :

1252,45 < Π1 < 1352,73


600,18 < Π2 < 700,46

93
Chapitre 5 : THEORIE DE L’EQUILIBRE GENERAL ET OPTIMUM DE PARETO

Introduction

Dans les chapitres précédents, nous avons analysé le marché pour un bien particulier de façon
isolée. Nous avons considéré les fonctions de demande et d’offre d’un bien comme dépendant
uniquement du prix de ce bien, sans tenir compte du prix des autres biens. Mais en règle générale,
les prix des autres biens influencent les demandes et les offres des individus pour un bien
particulier. Nous avons jusqu’à présent ignoré l’effet de ces autres prix sur l’équilibre du marché.
Quand nous avons analysé les conditions d’équilibre sur un marché particulier, nous n’avons
considéré qu’une partie du problème, à savoir comment la demande et l’offre sont influencées par
le prix du bien particulier que nous étudions. Cela correspond à une analyse d’équilibre partiel.
Dans ce chapitre, nous allons étudier comment les conditions de demande et d’offre interagissent
sur plusieurs marchés (marchés des biens et services, marché de la production, marchés de la
monnaie) pour déterminer les prix de plusieurs biens. Nous parlons dans ce cas, d’équilibre
général. Il s’agit d’un problème complexe et nous devrons adopter plusieurs simplifications pour
l’analyser.
Tout d’abord, nous limiterons notre analyse au comportement de marchés concurrentiels, chaque
consommateur ou producteur prenant donc les prix pour des données et optimisent son
comportement sur cette base.
Deuxièmement, nous adopterons notre hypothèse simplificatrice habituelle qui consiste à ne
considérer que le plus petit nombre possible de biens et de consommateurs. Pour ce faire, nous
nous en tiendrons qu’à deux consommateurs et deux biens.
Troisièmement, nous allons analyser le problème de l’équilibre général en deux temps. Nous
envisagerons tout d’abord une économie où les individus ont des dotations fixes de biens et nous
examinerons comment ils peuvent échanger ces biens entre eux. Il n’y a à ce stade aucune
production et nous parlons dès lors naturellement, dans ce cas, d’échange pur. Quand nous aurons
acquis une bonne compréhension des marchés d’échange pur, nous examinerons le comportement
de production dans un modèle d’équilibre général, dans ce cas, nous parlerons d’échange avec
production.

94
Section 1 : L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DANS UN MODÈLE D’ÉCHANGE PUR

Nous nous plaçons dans une économie où la quantité totale de biens est donnée (il n’y a pas de
production). Nous avons alors uniquement des consommateurs qui, à partir de leurs dotations
initiales de biens, procèdent à des échanges en vue d’améliorer leur bien-être.

1. La boîte d’Edgeworth

Pour analyser l’échange de deux biens entre deux personnes, on peut utiliser un instrument
graphique assez commode connu sous le nom de boîte d’Edgeworth (ce graphique a été nommé
ainsi en l’honneur de Francis Ysidro Edgeworth, économiste anglais qui fut l’un des premiers à
utiliser cet outil analytique). Cette boîte nous permet de représenter les dotations et les préférences
de deux individus sur un seul graphique simple qui peut être utilisé pour étudier différents résultats
du processus d’échange.

Appelons les deux individus impliqués, A et B et les deux biens, 1 et 2.


X A = ( x1A , xA2 ) , est le panier de consommation de A avec x1A , la consommation de bien 1 de

l’individu A et x A2 , la consommation de bien 2 de l’individu A. De même, X B = ( x1B , xB2 ) ,

représente le panier de consommation de B. Une paire de paniers de consommation, X A et

X B , est appelée une allocation. Une allocation est dite réalisable si la quantité totale consommée
de chaque bien est égale à la quantité totale disponible.

1
La quantité whi représente la dotation initiale du consommateur h en bien i. wA représente, par
exemple, la dotation du consommateur A en bien 1.

Par exemple x1A est la consommation de bien 1 du consommateur A qui disposait initialement

de w1A .
Chaque consommateur cherche à maximiser son utilité. Ses niveaux d’utilité correspondants aux
différents paniers de bien sont représentés par sa carte d’indifférence.

95
w1 = w1A + w1B
w2 = wA2 + wB2
Dans le graphique ci-dessous, le point C correspond à une distribution possible des dotations
initiales. Dans ce cas (w1A + wA2 ) représente le panier de biens que le consommateur A peut

consommer s’il ne participe pas à l’échange (sa consommation en autarcie). Ce point correspond
aussi au panier (w1B + wB2 ) pour le consommateur B.

La base de la boîte mesure la quantité totale de bien 1 dans l’économie et sa hauteur, la quantité
totale de bien 2. O est l’origine du repère correspondant à l’individu A et O’ celle du repère
correspondant à l’individu B.

x1B w1B O'


Bien 2

x A2 xB2

wA2 C wB2

Bien 1
O
x1A w1A

Figure 1: Une boîte d’Edgeworth

2. L’échange
La zone où le consommateur A a un niveau de satisfaction supérieur à celui que lui procure sa
dotation est composée de tous les paniers situés au-dessus de sa courbe d’indifférence passant par

96
W. De même, la zone où B a un niveau de satisfaction supérieur à celui correspondant à sa dotation
est composée de toutes les allocations qui sont situées au-dessus de sa courbe d’indifférence
passant par W.

A et B ont tous les deux un niveau de satisfaction plus élevé dans la zone hachurée. Le déplacement

de W vers M, implique que la personne A renonce à xA − wA


1 1
unités de bien 1 et obtient en

échange xA2 − wA2 unités de bien 2. Il implique également que B acquiert

x1B − w1B unités de bien 1 et donne xB2 − wB2 unités de bien 2.

Ces possibilités d’échanges mutuellement bénéfiques disparaissent quand les deux courbes
d’indifférence deviennent tangentes. Le point M correspond à un tel point. A partir d’une
allocation telle que le point M, il n’existe pas d’échanges qui améliorent les positions des deux
individus. Une telle allocation est appelée allocation efficace au sens de Pareto car il n’est pas
possible d’accroître le niveau de satisfaction d’un individu sans réduire le niveau de satisfaction
de quelqu’un d’autre.
Une allocation efficace au sens de Pareto peut être définie comme une allocation présentant la
propriété suivante :
1- il n’est pas possible d’accroître la satisfaction de toutes les personnes impliquées ou
2- il n’est pas possible d’accroître le niveau de satisfaction d’un individu sans réduire le niveau de
satisfaction de quelqu’un d’autre ou
3- tous les gains d’échange ont été exploités ou
4- il n’est pas possible d’effectuer des échanges mutuellement avantageux ; etc.
Définition 1 : Une allocation est un optimum de Pareto s’il n’est pas possible d’améliorer la
situation d’un individu sans détériorer celle d’au moins un autre individu.
Le lieu géométrique des points correspondants à des allocations de Pareto s’appelle la courbe de
contrat.

97
Bien 2
O'

O Bien 1

Figure 2: La courbe de contrat

3. Équilibre des marchés

L’équilibre du processus d’échange que nous venons de présenter, c’est-à-dire l’ensemble des
allocations efficaces au sens de Pareto, est très important, mais la position finale des agents reste
encore largement indéterminée. Il en est ainsi parce que ce processus d’échange est très général.
Fondamentalement, nous avons uniquement supposé que les deux parties atteignaient une
allocation qui leur procurait à toutes deux un niveau de satisfaction plus élevé. Si nous considérons
un mécanisme d’échange particulier, nous disposerons d’une définition plus précise de l’équilibre.
Supposons qu’il existe des marchés pour ces biens et que le prix du bien i=1,2 soit présenté par

p i , la valeur de la dotation initiale du consommateur A est alors


RA = p1w1A + p 2 wA2
Le panier que le consommateur peut acheter est alors contraint par cette richesse initiale. Cela nous
donne sa contrainte de budget

p1 x1A + p 2 xA2 = p1w1A + p 2 wA2 (1)


On peut aussi écrire cette contrainte sous la forme

p1 ( x1A − w1A ) + p 2 ( xA2 − wA2 ) = 0


98
Nous exprimons alors la contrainte de budget sur la base de la demande nette du consommateur

sur le marché de chaque bien i : xA − wA . Si elle est positive, il s’agit d’un achat ( xA
i i i
wiA ) et si

elle est négative, il s’agit d’une vente ( xiA wiA )

Il y a en fait deux concepts pertinents de demande. La demande brute de l’agent A, pour le bien 1
par exemple, est la quantité totale de bien 1 qu’il désire aux prix en vigueur. La demande nette de
l’agent A pour le bien 1 est la différence entre cette demande totale et la dotation initiale de bien
1 dont il dispose. Dans le cadre de l’analyse de l’équilibre général, les demandes nettes sont parfois
appelées les demandes excédentaires. La demande excédentaire ou demande nette de l’agent A
1
pour le bien 1 sera représentée par e A .

e1A = x1A − w1A


L’équation (1) qui traduit que

p1 x1A + p2 xA2 = R et qui est la contrainte de budget de A permet d’obtenir que


RA p1 1
x = 2 − 2 xA
2
A
p p

x A2

wA2 A

xA2 * E

w1A x1A * x1A


Figure 3 : L’optimum du consommateur

99
Nous avons un problème similaire pour le consommateur B. Étudions simultanément ces deux
problèmes grâce à la boîte d’Edgeworth et cela pour un vecteur donné de prix p=(p1,p2). Nous

p2
représentons ce vecteur par la pente q = 1
p

A ce vecteur de prix correspond une droite de budget.


Le consommateur A maximise donc sa satisfaction au point F. Il voulait donc vendre du bien 2
pour acheter du bien 1. Le consommateur B maximise donc sa satisfaction au point H. Il voudrait
vendre du bien 1 et acheter du bien 2. Le prix p correspond-il à l’équilibre des deux marchés ?
Sur le marché du bien 1 nous avons :

O1 = w1B − x1B x1A − w1A = D1 donc une demande excédentaire

Sur le marché du bien 2 :

O2 = wA2 − xA2 xB2 − wB2 = D2 donc une offre excédentaire

L’équilibre général d’une économie d’échanges pure est une allocation des biens tel que :
- chaque consommateur maximise sa satisfaction,
- les marchés sont soldés (Oi=Di)
Étant donné que les consommateurs font face au même vecteur de prix, leur optimum simultané
correspond à la même pente de la tangente à leur courbe d’indifférence, on dit alors qu’un
équilibre général d’échange est atteint lorsque les TMS en E sont les mêmes pour les deux
consommateurs :

p1
TMS = 2 = TMS 2
1
(condition n° 1)
p

100
x A2

x1B w1B O'

wA2 A C' wB2

E F p

D
C p'
O x1A

w1A

xB2
Figure 4: Équilibre général

En définitive, si on considère que

e1A = x1A − w1A est la demande nette du bien 1 pour l’agent A, et que

e1B = x1B − w1B est la demande nette du bien 1 pour l’agent B,

La demande excédentaire agrégée pour le bien 1 notée :

z1 (p1 , p2 ) = e1A + e1B = x1A + x1B − w1A − w1B


Il existe une demande excédentaire agrégée pour le bien 2 définie de façon similaire que nous
représentons par :

z2 (p1 ,p2 ) = e2A + e2B = xA2 + xB2 − wA2 − wB2

Le prix d’équilibre ( p1* , p2* ) correspond à une situation où la demande excédentaire agrégée pour

chaque bien est nulle :

z1 (p1* , p*2 ) = 0 z 2 (p1* , p*2 ) = 0

101
4. La loi de Walras

La « loi de Walras » exprime une propriété importante de l’interdépendance des marchés : la


position d’un marché est liée à la position des autres, en sorte que si N-1 marchés parmi n sont à
l’équilibre, le Nième l’est nécessairement.

Démonstration :
Soient : Di = demande du bien i par tous les consommateurs,
Oi = offre du bien i par tous les offreurs,
Pi = prix unitaire du bien i
Lorsqu’on considère l’économie dans son ensemble, on peut écrire :

 pi Di = i =1 pi Oi
N N
i =1
(1)
Admettons que les (N-1) premiers marchés soient en équilibre ; cela se traduit par l’égalité
suivante :

 pi Di = i =1 pi Oi
N −1 N −1
i =1
(2)
Des égalités (1) et (2), il est possible d’écrire :

 p D −  i =1 pi Di =  i =1 pi Oi −  i =1 pi Oi  pN DN = pN ON
N N −1 N N −1
i =1 i i
(3)

Par hypothèse, les prix sont tous non nuls ; ainsi, le marché du nième bien est en équilibre :
(3)⇔ D𝑁= O𝑁. Alors, nous concluons que si l’équilibre est réalisé sur (N-1) marchés, il est aussi
réalisé sur le Nième marché. C’est la loi de Walras.

Section 2 : L’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL DE L’ÉCHANGE ET DE LA PRODUCTION

Intéressons-nous au cas d’une économie simplifiée où un producteur fournit deux biens A et B à


l’aide de deux facteurs K et L.

102
1-L’équilibre général de la production
Un équilibre général de la production est atteint lorsque le taux marginal de substitution technique
de K à L (TMSTK/L) dans la production du bien A est égal au TMSTK/L dans la production du bien
B:

pL
TMSTK/L pour A= TMSTK/L pour B = (condition n°2)
pK

2-La courbe de transformation

La courbe de transformation permet de faire le lien entre les facteurs et les biens. Elle représente
les volumes maximum de biens A et B que l’économie peut produire, pour une quantité donnée de
facteurs K et L, ainsi que pour un ensemble donné de connaissances technologiques (donc, entre
autres, pour des fonctions de production données). Grâce à la courbe de contrats du producteur, on
peut, pour chaque niveau de production du bien A (matérialisé par une isoquante), déterminer la
production optimale de biens B. La courbe de transformation est souvent appelée « frontière des
possibilités de production » (FPP). Une économie efficace, au sens de Pareto, se situe toujours sur
sa FPP. En effet, l’efficacité est atteinte quand l’économie ne peut plus accroître la production
d’un bien sans restreindre celle d’un autre bien.

103
Quantités de B
M ' (5, 20) T'

Courbe de
transformation N ' (15,12)
D'

T
O' (20,3)
D
Quantités de A
Figure 5: Courbe de transformation ou frontière des possibilités de
production

A partir de cette courbe, on définit le taux marginal de transformation entre les biens A et B
(TMTAB). Il mesure le nombre d’unités du bien B auquel l’économie doit renoncer lorsqu’elle
désire obtenir une unité supplémentaire du bien A. Au point N’, le TMT est égal à la valeur absolue
de la pente de la tangente en N’à la FPP. Le coût d’une unité supplémentaire de bien A est égal au
coût marginal de A. De même, le gain lié à la production d’une unité de bien B en moins correspond
au coût marginal de B. EN d’autres termes, le TMT est aussi le coût d’opportunité d’une unité
supplémentaire d’un bien. Par conséquent, le TMTAB peut s’écrire:

CmA
TMTAB = B
Cm
Mais en concurrence pure, il y a équilibre et optimum lorsque le prix s’identifie au coût marginal.
En conséquence, la condition d’équilibre dans la production sera:

CmA px
TMTAB = =
CmB p y
3-L’équilibre général de l’échange et de la production

Pour chaque point de la frontière, de coordonnées (a,b), on peut construire un diagramme


d’Edgeworth et obtenir la courbe de contrats associés à la combinaison (a,b) des biens A et B.

104
Pour qu’un optimum de Pareto soit atteint, dans une économie d’échange et de production, il faut
que le TMT, en un point quelconque, soit égal au TMSAB de chaque consommateur :

TMSAB =TMTAB (condition n°3)

Plus généralement, on dira qu’un équilibre général (sous-entendu simultané d’échange et de


production) est atteint lorsque les conditions n°1, n°2, et n°3 sont réalisées. Graphiquement (Cf.
figure 5), la droite DD’ doit être parallèle à la tangente TT’.

** La boite d’Edgeworth présentée tantôt suggère une forte correspondance entre équilibres
walrasiens et allocations Pareto-optimales :
- Allocation Pareto-optimum (PO) : les TMS de l’ensemble des agents doivent être égaux.
- Équilibre walrasien : pour chaque agent le TMS doit être égal au rapport des prix.
Dans une économie de production on trouve que pour qu’une allocation soit Pareto-optimale, les
TMS doivent être également égaux aux TMT. Or un équilibre concurrentiel se caractérise par
l’égalité des TMT au rapport des prix, ce qui a donné lieu aux deux théorèmes de l’économie du
bien-être.
Théorème 1 : Si (x,p) est un équilibre walrasien, alors x est une allocation Pareto-optimale. En
d’autres termes, ce théorème stipule que tous les équilibres de marché (ou tout équilibre
concurrentiel) sont efficaces au sens de Pareto.
Démonstration : Supposons que ce n’est pas le cas. Il existe donc une autre allocation x’ que les
agents préfèrent à x. Dès lors que x’ est réalisable, on a :
n n
p  X i' =  wi
i =1 i =1

Par définition un équilibre est walrasien, si une allocation est préférée à cet équilibre par un agent
au moins, alors cette allocation n’est pas individuellement réalisable.
pX i' pwi i = 1,..., n
n n n n
p  X i' = p  wi = pX i'  pw i
i =1 i =1 i =1 i =1

105
Ce résultat est une contradiction, donc il n’existe pas une autre allocation que les agents préfèrent
à x.

Théorème 2 : Supposons que l’allocation x, dans laquelle chaque agent détient une quantité
strictement positive de chaque bien, est une allocation pareto-optimale. On suppose en outre
que les préférences sont convexes, continues et strictement monotones. Alors x est un équilibre
walrasien. Le vecteur de dotations initiales associé à cet équilibre est wi = X i* i = 1,..., n . En

d’autres termes, ce théorème signifie que si tous les agents ont des préférences convexes, il existe
toujours un ensemble de prix tel que toute allocation efficace au sens de Pareto soit un équilibre
de marché pour des dotations initiales adéquates.

EXERCICE D’APPLICATION

Soit une économie d’échange fonctionnant en concurrence pure et parfaite, composée de trois
consommateurs (C1, C2, C3) et de deux biens (A et B). Les fonctions d’utilité des agents sont les
suivantes:
1
Pour C1 : U1 (a1 , b1 ) = (a1 ) 2 .b1
1
Pour C2 : U 2 (a2 , b2 ) = (a2 .b2 ) 2

Pour C3 : U 3 (a3 , b3 ) = a3 .b3


Soit la dotation initiale W :
a1=2 ; b1=20
a2=2 ; b2=10
a3=6 ; b3=30
a) La répartition W est-elle un optimum de Pareto ?
b) A quelle condition W représente-t-elle un équilibre général d’échange ?
c) Si le bien A est le numéraire, calculer le prix de A et celui de B.

SOLUTION
a) Pour que W soit un optimum de Pareto, dans le cadre d’une économie d’échange, il suffit que
tous les TMSAB (W) soient égaux.

106
* Le TMSAB du consommateur C1 s’écrit :

U1 1 −1/ 2
.a1 .b1
a1 2 b
C1
TMS AB = = = 1
U1 1/ 2
a1 2a1
b1
20
AN C1
TMS AB = (2; 20) = =5
2 2

* Le TMSAB du consommateur C2 s’écrit :

U 2 1
.b 2 (a 2 b 2 ) −1/2
a2 b
C2
TMS AB = = 2 = 2
U 2 1
.a 2 (a 2 b 2 ) −1/2 a2
b2 2
10
AN C2
TMS AB = (2;10) = =5
2

* Le TMSAB du consommateur C3 s’écrit :

U 3
a3 b
C3
TMS AB = = 3
U 3 a3
b3
30
AN C3
TMS AB = (6;30) = =5
6

La répartition W est un optimum de Pareto.


b) Un équilibre général d’échange, dans le cadre d’un marché fonctionnant en concurrence pure
et parfaite est atteint en W, si les PA et PB des deux biens sont tels que :PA/PB=TMSAB=5
c) Si le bien A est choisi comme numéraire, alors : PA=1 et PB=1/5=0,20

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Références bibliographiques

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