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Résumé
La tenue au feu d’un béton dépend de certaines de ses caractéristiques comme
la nature des composants utilisés pour sa formulation, la perméabilité, la teneur
en eau, la résistance mécanique. Elle dépend aussi des caractéristiques du feu :
vitesse de montée en température, température maximale atteinte, durée d’expo-
sition à une température élevée.
L’action d’un incendie sur une structure en béton peut conduire à la perte graduel-
le de la résistance mécanique et dans certains cas à l’écaillage des surfaces les
plus exposées au feu. Ces détériorations varient aussi selon le type de béton con-
sidéré : un béton à hautes performances par exemple sera plus sensible au phé-
nomène d’écaillage qu’un béton courant si des précautions ne sont pas prises lors
de sa formulation. La considération des processus physiques, chimiques et méca-
niques qui ont lieu à l’intérieur du matériau béton du fait des hautes températures
permet de comprendre les phénomènes en jeu. De récents essais ont permis
d’appréhender le rôle des paramètres les plus importants de la composition du bé-
ton dans son comportement lors d’une sollicitation au feu, ainsi que l’efficacité des
fibres de polypropylène pour la prévention de l’écaillage. L’ensemble des résultats
présentés permet de mieux maîtriser les facteurs permettant de construire des
structures en béton offrant une résistance accrue en cas d’incendie.
Mots-clés
BÉTONS, INCENDIE, RÉSISTANCE MÉCANIQUE, ÉCAILLAGE, GRANULATS, ADDITIONS, AD-
JUVANTS, FIBRES DE POLYPROPYLÈNE, RECOMMANDATIONS, NORMES.
707
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1. INTRODUCTION
Le bon comportement des bétons face aux hautes températures constitue leur
atout majeur pour la réalisation de structures porteuses stables vis-à-vis des incen-
dies, avec des effets mineurs sur les éléments principaux, permettant des répara-
tions susceptibles de prolonger convenablement la durée de vie des ouvrages.
L’incendie du tunnel sous la Manche a soulevé la question du comportement des
bétons à hautes performances vis-à-vis du feu, notamment sur les aspects écailla-
ge/éclatement et d’évolution des résistances. Suite à cet événement, d’importants
programmes de recherche ont permis de préciser les paramètres clés influençant
le comportement au feu des bétons. Aujourd’hui, il est possible, dans la plupart
des cas, de connaître le comportement de différents types de bétons face au feu.
Les bétons évoluent, les recherches sur leur comportement en température se
poursuivent parallèlement. Ce chapitre fait un point après une période riche en
évolutions. Il pose le lien entre la formulation de béton et son comportement face
à de hautes températures.
Dans un premier temps, sont présentés deux types de dégradations associées à
l’action du feu sur le béton : la perte de résistance mécanique et le détachement
de matière. Dans un deuxième temps, sont rapportées les connaissances de base
qui permettent de comprendre le comportement du béton face aux hautes tempé-
ratures. Dans un troisième temps, sont détaillés les effets sur la tenue au feu des
différents paramètres de formulation des bétons. Cette partie est construite à partir
d’une expérience française dont les résultats sont confrontés aux données de la bi-
bliographie. Enfin, sont données les références aux normes et recommandations.
708
La durabilité des bétons face aux incendies
1
Résistance relative
0,8
3 6 5 2
0,6
0,4
0,2
0
0 200 400 600 800 1 000 1 200
Température (°C)
Figure 13.1 : résistance relative du béton à la compression en fonction de la température.
Courbe 1 : résistance à la compression, DTU FB (norme P 92-701) ;
Courbes 2 : courbes extrêmes pour marquer la dispersion, ces courbes représentant déjà des moyen-
nes d’après leurs auteurs, DTU FB (norme P92-701) ;
Courbe 3 : résistance à la compression pour les bétons de résistance caractéristique supérieure à
60 MPa et inférieure ou égale à 80 MPa, DTU FB (norme P92-701 et amendement XP P 92-701/A1) ;
Courbe 4 : courbe donnant les valeurs de réduction de la résistance caractéristique à la compression
du béton, pour un béton de densité normale réalisé avec des granulats calcaires, norme NF EN 1992-
1-2, Eurocode 2 partie comportement au feu ;
Courbe 5 : courbe donnant les valeurs de réduction de la résistance caractéristique à la compression
du béton, pour un béton de densité normale réalisé avec des granulats siliceux, norme NF EN 1992-
1-2, Eurocode 2 partie comportement au feu ;
Courbe 6 : courbe donnant les valeurs de réduction de la résistance caractéristique à la compression
du béton, pour un béton appartenant à la classe 2 (béton C 70/85 et C 80/95), norme NF EN 1992-1-
2, Eurocode 2 partie comportement au feu.
709
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
1 400
1 200
Température (°C)
1 000
0
0 30 60 90 120 150 180 210
Temps (min)
Figure 13.2 : exemples de courbes « conventionnelles » de montée en température.
710
La durabilité des bétons face aux incendies
La courbe normalisée « feu ISO » (ISO 834) est considérée plus particulièrement
pour le dimensionnement des bâtiments, la courbe hydrocarbure est utilisée pour
des cas particuliers d’élévation rapide de la température, les tunnels sont dimen-
sionnés avec la courbe hydrocarbure majorée. L’Eurocode 1 partie 1.2 introduit
les courbes de feux naturels (l’Eurocode 2 partie 1.2 autorise la prise en compte
de ces courbes mais les conditions d’emploi des différents modèles de calculs,
que ce soit pour la quantification de l’action thermique ou pour la réponse méca-
nique des structures, sont encadrées par un arrêté émanant du ministère de l’Inté-
rieur (voir partie 5 de ce présent chapitre)).
L’écaillage ne se produit pas pour tous les bétons. Néanmoins lorsqu’il apparaît,
il peut influencer directement la tenue au feu des éléments structurels car les ar-
matures en acier peuvent atteindre plus rapidement leur température critique puis-
que dans ce cas, elles perdent totalement ou partiellement le bénéfice de la
protection thermique apportée par le béton d’enrobage.
De manière plus détaillée on distingue trois types de désordre :
– des éclatements locaux du béton sur des points singuliers comme les bords ou
les angles, ou sur certaines parties de la surface. Ces éclatements peuvent déta-
cher des morceaux de béton de tailles différentes et parfois être explosifs dans le
cas d’éclatements localisés qui se produisent en surface [NOU 95]) ;
– un écaillage régulier qui consiste en un détachement progressif et continu de
petits morceaux de béton qui sont expulsés avec force du parement exposé au
feu;
– un écaillage dû aux granulats qui ne sont pas thermiquement stables aux tem-
pératures atteintes et présentant un fort coefficient de dilatation thermique, tel le
silex par exemple.
Schématiquement, les éclatements apparaissent durant les trente premières minu-
tes d’exposition au feu, alors que l’écaillage régulier qui démarre au même mo-
ment se poursuit sous l’effet de la température [FIB 07, KAL 01, PHA 05]. Bien
que l’éclatement puisse présenter un aspect plus impressionnant que l’écaillage
(les morceaux détachés par éclatement peuvent avoir des dimensions de quelques
centimètres), ce dernier peut devenir plus dangereux pour la structure du fait que,
lors d’un incendie de longue durée, sa progression risque de mettre à nu les arma-
tures de l’élément structurel.
Les règles de dimensionnement intègrent implicitement ces comportements pour
les bétons courants. Mais les essais et retours sur sinistres montrent que certains
bétons à hautes et très hautes performances sont plus sensibles à l’écaillage régu-
lier que les bétons courants. Il semble que ce phénomène soit lié à la capacité de
transfert de l’eau et de la vapeur sous gradient de température au sein du béton.
Ainsi la structure poreuse (volume poreux et connectivité) du matériau et son état
711
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
hydrique jouent un rôle important. Le paragraphe 3.2 décrit les phénomènes phy-
siques qui interagissent lors du chauffage. Ils permettent d’expliquer pourquoi la
plupart des cas d’écaillage observés correspondent à des bétons à très hautes per-
formances et que certains cas ont pu être observés pour des bétons ayant une ré-
sistance comprise entre 60 et 80 MPa. L’approfondissement des connaissances
sur ce phénomène et les études réalisées dans le sens de sa prévention ont permis
de disposer de solutions très efficaces, telles que l’utilisation de fibres de polypro-
pylène.
Globalement, il est établi que les détachements de matière des bétons portés à
hautes température sont à relier à l’humidité interne contenue dans le matériau, à
la vitesse de chauffage, aux contraintes de compression dues aux charges exté-
rieures, à l’épaisseur de l’élément, au renforcement, au type de granulats, aux
constituants et enfin à la présence ou pas de fibres de polypropylène, qui permet-
tent d’éviter éclatement et écaillage dans la plupart des cas. L’influence des para-
mètres de composition du béton sur l’écaillage est étudiée en détail au paragraphe
4 du présent chapitre.
Après l’incendie, les éléments où des morceaux de béton ont été expulsés par
éclatement sont, en général, facilement réparables si la stabilité structurelle n’a
pas été amoindrie. Dans le cas d’un écaillage généralisé, la réparation dépend
principalement de la mise à découvert ou non des armatures et le cas échéant de
leur possible endommagement.
Les observations, relevées sur des éléments en béton exposés à une sollicitation
thermique de type incendie, peuvent être classées en deux grandes familles :
– éclatements ponctuels (bords, angles…)
– écaillage continu observable pour les bétons à hautes performances et très hau-
tes performances.
712
La durabilité des bétons face aux incendies
713
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
La figure montre qu’à des températures inférieures à 100 °C la perte de masse est
sensible dans le béton, elle est due principalement au départ de l’eau occupant les
pores les plus gros. Au-delà de 100 °C, le départ de l’eau capillaire, de l’eau des
pores les plus fins, de l’eau retenue par adsorption et de l’eau faiblement liée dans
des hydrates se poursuit. Les quantités d’eau évacuées jusqu’à 500 °C sont de 2 à
4 % en masse (soit environ 50 à 100 litres d’eau par m3 de béton). Entre 500 °C
et 700 °C approximativement, la perte de masse s’accélère, ceci n’est pas seule-
ment dû à la décomposition de la portlandite (Ca [OH]2 → CaO + H2O) entre
450 °C et 500 °C, mais aussi à la suite de la décomposition des C-S-H qui précède
la formation de α-C2S et β-C2S. Ces deux réactions s’accompagnent d’une perte
en eau de 3 % en masse (environ 75 litres d’eau par m3 de béton). Le béton réalisé
avec des granulats calcaires présente une perte en masse additionnelle à partir de
600 °C due à la décomposition du carbonate de calcium (CaCO3 → CaO + CO2),
au cours de laquelle 44 % en masse du CaCO3 est relâché en CO2. La perte en
masse du béton à base de calcaire testé est de 34 %, avec seulement 5 à 6 % attri-
buable au départ de l’eau. Entre 900 °C et la phase de fusion pâteuse à environ
1150 °C ou 1200 °C, il n’apparaît pas de perte en masse notable.
Les éléments rapportés ici donnent des informations générales qui peuvent être
complétées par des éléments complémentaires disponibles auprès des références
suivantes : [JAN 05, GEO 05, KHO 02, PEN 06, ROS 80, PIA 84, VER 72].
Les évolutions de la microstructure de la pâte de ciment en fonction de la tempé-
rature ne sont pas toujours faciles à suivre, et ce d’autant plus si les analyses se
font sur des échantillons refroidis.
La température fait évoluer la porosité totale et la distribution porale du béton, et
ceci de manière plus marquée sur les pâtes de ciment des bétons à hautes perfor-
mances [YE 07]. Schématiquement, X. Liu et al. [LIU 06] soulignent les points
suivants :
– la macro-porosité (> 1,3 mm) reste pratiquement stable jusqu’à 400 °C et aug-
mente ensuite ;
– la porosité capillaire (0,02-0,3 mm) augmente lentement jusqu’à 400 °C et pré-
sente une sévère augmentation à 500 °C ;
– la microporosité (< 0,02 mm) augmente avant 400 °C puis diminue ensuite à
500 °C.
La variation de la masse volumique selon la température est influencée par cette
variation de porosité et par la perte en eau. Elle correspond à une perte d’environ
10 % à 1 000 °C (NF EN 1992-1-2, Eurocode 2 partie comportement au feu).
714
La durabilité des bétons face aux incendies
16 40
10 Calcaire 25
échelle
8 20
6 15
échelle
4 10
2 5
0 0
10 200 300 400 500 600 700 800 820 900 1 000 1 100 1 200
Température en °C
Figure 13.3 : thermogrammes de bétons courants réalisés avec du ciment Portland, sur
des éprouvettes cylindriques (Ø = 12 mm, L = 40 mm), cure à 20 °C et 65 % d’humidité
relative pendant 100 jours avant l’essai, la vitesse de chauffage étant de 5 °C par minute.
715
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
716
La durabilité des bétons face aux incendies
717
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
718
La durabilité des bétons face aux incendies
cristallines qu’ils subissent. Après 700 °C, la majorité des granulats ne présentent
plus qu’une faible expansion thermique.
Les déformations thermiques différentielles entre la pâte et les granulats engen-
drent au-delà de 150 °C une microfissuration au sein du béton [BLU 76].
La déformation totale d’une éprouvette en béton non chargée soumise à une élé-
vation de température très lente est due aux effets composés suivants :
– expansion thermique des granulats ;
– retrait de la matrice cimentaire ;
– microfissurations et contraintes engendrées par l’incompatibilité entre ces
deux premiers effets ;
– transformations et décompositions chimiques des constituants du béton s’ac-
compagnant de variations dimensionnelles.
Il est à noter que la vitesse de montée en température peut modifier les observa-
tions relevées et que les déformations thermiques d’un béton pré-séché restent
inférieures à la déformation thermique du matériau de référence.
719
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
dans l’eau avant d’être porté en température [GAW 04]. Enfin, d’autres auteurs
[COL 04, SAB 06] considèrent que le phénomène est dû à l’ensemble de processus
physico-chimiques irréversibles qui ne sont mis en route que par l’augmentation
de la température pendant le régime transitoire; lors d’un nouveau chauffage d’un
élément déjà chauffé, le fluage thermique transitoire ne se reproduit plus sauf dé-
passement de la dernière température maximale déjà atteinte.
İÅ
Béton courant
16 JUDQXODWGHTXDUW]LWH
D = 0,0
%pWRQOpJHU
DUJLOHH[SDQVpH
12
D = 0,10
8
D = 0,0
4
D = 0,30
0 ș&
200 400 600 800 1 000
–4
D = 0,60
D = 0,15
D = 0,70
–8
720
La durabilité des bétons face aux incendies
450
400
350
Température (°C)
300
250
Régime Régime
200 transitoire permanent
150
100
50
0
0 1 2 3 4 5 6 7
Temps (h)
721
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
4.E-03
Déformation axiale
3.E-03
A
2.E-03
1.E-03
0.E-03
0 1 2 3 4 5 6 7
– 1.E-03 Temps (h)
B
– 2.E-03 Cas n° 2 : éprouvette n° 1
Application de la charge chauffée, puis chargée
à l'éprouvette n° 2 sous charge constante
722
La durabilité des bétons face aux incendies
723
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
des pressions sont assez faibles [KAL 00, PHA 05] (difficultés à localiser les pri-
ses de pression, et système de mesure peu fiable) ;
– la deuxième hypothèse propose des éclatements dus aux dilatations thermiques
empêchées. Celles-ci génèrent des contraintes thermiques très élevées (contrain-
tes de compression parallèles à la surface chauffée). Selon les auteurs
[ULM 99b], ces contraintes de compression sont relâchées par une rupture fra-
gile du béton, la pression dans les pores ne jouant qu’un rôle secondaire initia-
teur de l’instabilité. La fissuration empêcherait une mise en pression critique
dans le matériau. Garwin et al. [GAW 06], après avoir mené une analyse quanti-
tative, affirment que l’énergie élastique accumulée par ces contraintes de com-
pression est suffisante pour développer un réseau de fissures et donner une
énergie cinétique aux éléments de béton éclatés. Pour mener ces approches fine-
ment, l’effet du fluage thermique transitoire devrait être pris en compte mais il
reste mal connu.
Pour conclure, il semble que l’éclatement soit en fait le résultat de la combinaison
de la pression des fluides dans les pores, des contraintes de compression au niveau
de la surface exposée, mais aussi de la fissuration interne qui provient des dilata-
tions différentielles entre la pâte et les granulats (au-delà de 140 °C, la pâte de ci-
ment se rétracte du fait de la déshydratation alors que les granulats se dilatent).
Msaad [MSA 05] a étudié numériquement dans sa thèse la contribution de l’effet
mécanique et de l’effet hydraulique dans le phénomène d’éclatement. Il conclut
que les deux effets sont du même ordre de grandeur sur ses indicateurs d’endom-
magement. Gawin et al. [GAW 06] recherchent la possibilité de caractériser le ris-
que d’éclatement à l’aide d’indices obtenus par calcul. Cette démarche peut faire
avancer les modélisations. D’autres, comme Hertz et Sorensen [HER 05], es-
sayent de mettre au point des appareillages simples permettant une bonne carac-
térisation du risque d’éclatement d’un béton donné.
Les causes de l’éclatement du béton ne sont pas encore aujourd’hui parfaite-
ment comprises. Cependant la recherche a permis de mettre en avant des fac-
teurs favorisant ce phénomène (HER 03) :
– la densification de la matrice cimentaire ;
– la faible perméabilité ;
– les contraintes thermiques ;
– le chauffage asymétrique ;
– la montée rapide en température ;
– la présence d’eau libre et d’humidité dans le béton ;
– les déformations thermiques empêchées.
724
La durabilité des bétons face aux incendies
T T
température
x x
contrainte P
ı pression
x Champ d'humidité :
x
(2) Zone de
vaporisation
725
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
726
La durabilité des bétons face aux incendies
Enfin des essais de résistances mécaniques et d’écaillage ont été réalisés afin
d’identifier l’impact de la nature du granulat. Aucune corrélation probante n’a pu
être établie entre les résultats et la stabilité thermique des granulats (caractérisée
par les pertes en masse, les réactions endo- et exothermiques, la dilatation). Au vu
de ces résultats on peut conclure qu’il est difficile d’établir a priori l’influence de
la stabilité thermique des granulats sur le comportement au feu des bétons. Pour
une même famille géologique, il est délicat d’établir une prédiction des compor-
tements.
4.1.1.1. Influence des granulats sur les résistances mécaniques
Dans l’étude Feu-Béton, cinq formules de bétons M60 avec cinq types de granu-
lats différents ont été réalisées : siliceux Garonne et éruptif cornéenne, silico-cal-
caire Basse Seine et calcaires Jurassique Bathonien et Beauce. Des éprouvettes
cylindriques de 10 cm de diamètre et 30 cm de hauteur pour les tests à la compres-
sion et des diabolos de 8 cm de diamètre au centre pour les tests de traction directe
ont été confectionnées. Les recommandations de la Rilem [RIL 95, RIL 00c] ont
été suivies pour la réalisation de ces tests de résistance à la compression et à la
traction directe à chaud. Les dimensions des éprouvettes sont conformes à ces re-
commandations. En particulier l’élancement des éprouvettes de compression doit
être compris entre 3 et 4 pour permettre une rupture dans une zone homogène en
température (les extrémités de l’éprouvette sont plus froides car elles sont en con-
tact avec les éléments d’interface pour le chargement). Les figures 13.8 et 13.9
montrent les dispositifs d’essai spécifiquement conçus pour ces tests.
727
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Figure 13.9 : dispositif d’essai en traction directe à hautes températures [FEU 06].
1,1
M60 Garonne
1,0
0,9 M 60 Cornéenne
Résistance (20 °C)
0,0
0 100 200 300 400 500 600 700 800
Température en °C
728
La durabilité des bétons face aux incendies
729
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
doit être attirée sur le fait que les dispersions des résultats sont telles que la géné-
ralisation à des familles distinctes calcaires/siliceux n’est peut-être pas appropriée
(figures 13.13 et 13.14).
Pour une même classe de résistance des bétons, la nature des granulats n’a pas
d’influence significative sur l’évolution des résistances à la compression avec la
température (la variabilité des résultats au sein d’une même famille géologique
peut être plus importante qu’entre deux familles distinctes).
M75SC M100C
Résistance en compression
120
DTU
00 Fuseau
100
Mortier léger V
75
fcT/fc20°C (%)
80
Béton siliceux III
60
50
40
Chargé à 0,4 f'c
25
20
Résistance initiale = f'c
Moy f'c = 3 99 psi (275 kg/cm2)
0
0
0 200 400 600 800
70F 400F 800F 1 200F 1 60
Température (°C)
Température
Figure 13.11 : Influence du type de granu- Figure 13.12 : Influence du type de granu-
lat sur la résistance à la compression en lat sur la résistance à la compression en
fonction de la température selon Abrams fonction de la température – essais réali-
[ABR 71]. sés dans le cadre du projet national
BHP 2000 [PIM 05].
C = granulat calcaire, SC = granulat silico-
calcaire
ıș
Ratio de résistance en compression (%)
ı20
1
125
Bétons ı20 Béton ordinaire
0,9 Porphyre..................................420 bars
Limite
Quartzite..................................350
100 supérieure
Roulés siliceux (Loire)..............470
0,8 Roulés silico-calcaire (Seine)...420
Argile expansée........................320
0,7 75
0,6 Granulats
50 Granulat siliceux
Grès Limite
0,5 inférieure
Calcaire
25 Gravier calcaire
0,4 Dolérite
Schiste amphibole
0,3 0
20 100 200 300 400 500
0,2 Température (°C)
100 200 300 400 600
Température (°C)
Figure 13.13 : Influence du type de granu- Figure 13.14 : Influence du type de granu-
lat sur la résistance à la compression en lat sur la résistance à la compression en
fonction de la température selon Maréchal fonction de la température selon Bazant
[MAR 70]. [BAZ 96].
730
La durabilité des bétons face aux incendies
Pour la résistance à la traction, une tendance similaire a été observée: une dimi-
nution autour de 150 °C, suivie d’une reprise, laquelle dépasse les valeurs des nor-
mes. La figure 13.15 montre ces résultats pour les deux formules testées, l’une
avec un granulat siliceux (Garonne) et l’autre avec un granulat calcaire (Batho-
nien). Dans ce cas, la comparaison a été faite entre béton vibré et béton autopla-
çant, dont une analyse plus détaillée est faite en 4.1.3.1.
1,1
1,0 M60 BAP Bathonien
M60 Garonne
0,9 EC2-1.2 et DTU
0,8
Résistance (20 °C)
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0,0
0 100 200 300 400 500 600 700 800
Température en °C
731
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Les figures 13.17 à 13.19 permettent de visualiser l’état des éprouvettes à la sortie
du four. Pour l’essai d’étude de l’influence des granulats sur l’écaillage, l’enroba-
ge des armatures transversales était de 1,5 cm.
(a) granulats de Basse Seine (b) granulats Garonne siliceux. (c) granulats Rhône calcaires.
silico-calcaires.
Figure 13.17 : influence des granulats. État des prismes après 90 minutes d’essai
et refroidissement du four. Granulats alluvionnaires [FEU 06].
732
La durabilité des bétons face aux incendies
(a) (b)
Figure 13.19 : influence des granulats. État des prismes après 90 minutes d’essai
et refroidissement du four. Granulats éruptifs [FEU 06].
Les granulats éruptifs utilisés sont : (a) éruptif cornéenne et (b) éruptif andésite.
733
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
De façon générale, on remarque qu’il n’y a pas d’écaillage significatif quel que
soit le granulat utilisé. Les pertes de masse mesurées lors des essais ont fluctué en
moyenne entre 6 % pour les bétons avec granulats siliceux à 8 % pour ceux avec
granulats calcaires. En tenant compte d’une teneur en eau initiale d’environ 4 %,
les pertes de masse durant le chauffage, non liées au départ de l’eau libre, ont été
comprises entre 2 % et 4 %. Elles correspondent au départ de l’eau physiquement
et chimiquement liée ainsi qu’au CO2 produit lors de la décarbonatation et, le cas
échéant, aux éclats. Les pertes de masse globales ne sont donc pas directement des
estimations de la propension à l’écaillage/éclatement.
Pour les différents granulats considérés dans cette étude, représentatifs de la
production française, aucune corrélation n’a pu être établie entre leur stabilité
thermique et le comportement à l’écaillage du béton correspondant.
Khoury [FIB 07] a quant à lui proposé d’établir un lien entre comportement au
feu et stabilité thermique (meilleure est cette dernière, meilleur sera le comporte-
ment au feu) en indiquant cependant que la combinaison de facteurs tels que les
faibles valeurs du coefficient de dilatation thermique ou les surfaces rugueuses
des granulats peuvent renforcer la résistance des bétons à l’écaillage.
Nous pouvons conclure que des bétons d’usage courant jusqu’aux M60 considé-
rés ici, pour une sollicitation du type Feu ISO (figure 13.2) ne présentent pas
d’écaillage significatif et que l’influence du type de granulat est très modérée.
Enfin, l’état final de la majorité des éléments testés montre que la possibilité de
réparation des ouvrages en béton après un incendie est très grande, ce qui est un
atout pour la durabilité de ces ouvrages.
L’expérience a montré que ce bon comportement face à l’écaillage est également
observé dans les bétons courants, de type M30. En revanche, du fait de la diminu-
tion de la perméabilité, comme indiqué en 3.2, les bétons à hautes et très hautes
performances ont plus tendance à s’écailler de manière plus ou moins marquée
quel que soit le granulat. Cependant, des solutions très efficaces pour la préven-
tion de l’écaillage dans ce type de bétons ont été développées, ce qui est considéré
en détail en 4.2.
4.1.2. Influence des additions
L’influence des additions sur le comportement des bétons face aux hautes tempé-
ratures a déjà été étudiée par Khoury [FIB 07], Hertz et al. [HER 05], Féron et al.
[FER 06], Poon et al. [POO 01]. Pour compléter les recherches sur le rôle des ad-
ditions vis-à-vis de l’écaillage, l’étude Feu-Béton a comparé des performances de
bétons de même résistance, confectionnés avec diverses additions minérales uti-
lisées en substitution du ciment. Un béton M60 avec granulat alluvionnaire Ga-
ronne (siliceux), a été retenu comme formulation de référence et quatre types
734
La durabilité des bétons face aux incendies
d’additions ont été sélectionnés : cendres volantes, laitier moulu, fillers calcaires
et fumée de silice. Un béton de résistance identique à celle du béton de référence
M60 a été aussi réalisé avec du ciment CEM II/A-S contenant 11 % de laitier, te-
neur identique à celle du laitier utilisé comme addition minérale (en substitution
du ciment) dans cette même étude.
Dans la suite, nous présentons les résultats relevés dans la bibliographie et ceux
de l’étude Feu-Béton.
4.1.2.1. Influence des additions sur les résistances mécaniques
L’influence des additions minérales sur l’évolution des résistances mécaniques à
hautes températures est controversée. Les travaux de Sarshar et Khoury [SAR 93]
effectués sur des pâtes de ciment indiquent un impact important du type de ci-
ment. Les résultats de Poon et al. [POO 01] indiquent que le comportement des
bétons est peu influencé par la nature des additions en dessous de 600 °C aussi
bien pour les bétons courants (figure 13.20) que pour les BHP (figure 13.21). En-
tre 600 °C et 800 °C, les résistances des bétons avec additions diminuent un peu
plus que celles des bétons de référence.
Il faut noter que les bétons utilisés dans les travaux de Poon et al. [POO 01] ont
des résistances initiales comprises entre 40 et 65 MPa pour les bétons courants et
entre 90 et 125 MPa pour les BHP.
160
Résistance à la compression
BO
140
BO-CV30
120
résiduelle (MPa)
BO-CV40
100
BO-LHF30
80
BO-LHF40
60
40
20
0
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900
Température d'exposition (°C)
735
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
BHP
160 BHP-FS5
Résistance à la compression
BHP-FS10
140
BHP-CV20
BHP-CV30
120
résiduelle (MPa)
BHP-CV40
BHP-FS+CV
100
BHP-LHF30
BHP-LHF40
80
60
40
20
0
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900
Température d'exposition (°C)
Figure 13.21 : influence des additions sur la résistance à la compression résiduelle
en fonction de la température pour des bétons à hautes performances,
d’après Poon et al. [POO 01]
BHP : béton à hautes performances de référence, FS : fumée de silice, CV : cendres volantes,
LHF : laitier de haut-fourneau
Les nombres donnent la teneur en addition.
Perte de masse
Type d’addition Épaisseur maximale des éclats (cm)
par éclats (%)
Aucune 1,0 e < 2 cm (éclats d’angle)
Cendres volantes (11 %) 1,0 e < 2 cm (éclats d’angle)
Filler calcaire (11 %) 0,0 –
Laitier moulu (11 %) 2,0 e < 2 cm (éclats d’angle)
Fumée de silice 2,5 e < 2 cm (éclats distribués dans la surface)
CEM II à 11 % de laitier 1,5 e < 3 cm (éclats d’angle)
736
La durabilité des bétons face aux incendies
Figure 13.22 : influence des additions. État final des éprouvettes après essai d’écaillage
et refroidissement [FEU 06].
(a) béton de référence sans addition ; (b) avec 11 % de cendres volantes ; (c) avec 11 % de filler cal-
caire ; (d) avec ciment CEM II à 11 % de laitier ; (e) avec 11 % de laitier moulu et (f) avec 8 % de
fumée de silice.
L’analyse de ces résultats conduit à conclure que, dans les proportions utilisées,
les additions calcaires tendent à améliorer le comportement du béton face à
l’écaillage (aucun éclat n’a été observé) tandis que la fumée de silice semble pro-
voquer une dégradation plus prononcée que celle du béton de référence, avec des
résultats intermédiaires pour les autres additions.
737
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Dans aucun cas, les éclats n’ont mis à nu les armatures. Lorsqu’il y a eu écaillage,
la dimension des éclats est restée inférieure à l’épaisseur de l’enrobage des arma-
tures transversales. La plupart des éclats observés étaient des éclats d’angles.
Une étude finlandaise a mis en doute l’utilisation des fillers calcaires dans des
proportions supérieures à 25 %, qui conduirait à un écaillage systématique. Cette
tendance n’a pas été observée dans l’étude française [FEU 06]. En effet, des tests
avec des teneurs supérieures (allant jusqu’à 43 %) ont été réalisés : des dégrada-
tions plus importantes qu’avec la teneur de 11 % ont été observées mais elles res-
tent dans des proportions identiques à celles observées avec les autres additions
dosées à 11 %, sans mettre à nu les armatures. L’utilisation de filler calcaire dans
les proportions habituelles n’est donc pas contre-indiquée vis-à-vis du comporte-
ment au feu ; elle tendrait même à améliorer ce dernier.
En ce qui concerne l’utilisation de fumée de silice, Hertz [HER 05] a testé un bé-
ton à hautes performances avec différentes teneurs en cette addition (0 %, 5 %,
10 % et 15 %) et avec différentes teneurs en eau. Il arrive à la conclusion que les
bétons avec fumées de silice et avec des teneurs en eau élevées ont une tendance
à l’écaillage plus prononcée et il propose une limite supérieure de 10 % de fumée
de silice par rapport à la masse de ciment pour éviter l’écaillage. Sarshar et Khou-
ry [SAR 93] ont trouvé que la substitution du ciment Portland par 10 % de fumée
de silice ne modifie pas le comportement du béton face aux hautes températures.
Felicetti et Gambarova [FEL 98] sont arrivés à des conclusions similaires avec
des teneurs en fumée de silice de 6,7 % et 9,7 %. Feron et al. [FER 06] signalent
que l’effet des fumées de silice peut être défavorable à cause d’une augmentation
de la compacité mais qu’il existe des cas où l’effet peut être favorable.
De manière générale, il convient de limiter à 10 % la teneur en fumée de silice
pour limiter l’écaillage du béton à hautes températures lorsqu’aucune précau-
tion n’est prise par ailleurs (par exemple ajout de fibres de polypropylène).
738
La durabilité des bétons face aux incendies
Nous présentons ici les résultats de l’étude Feu-Béton dans laquelle les types
d’adjuvants suivants ont été testés :
– un superplastifiant polycarboxylate ;
– un entraîneur d’air minéral ;
– un entraîneur d’air organique ;
– un agent de viscosité.
Pour une formule de base M60, deux types de béton ont été considérés : avec gra-
nulat siliceux Garonne et avec granulat calcaire Bathonien (plus sensible à
l’écaillage, voir § 4.1.1).
Pour le béton M60 Garonne, sont comparés :
– un béton vibré, avec superplastifiant ;
– un BAP, avec un fort dosage en filler calcaire et superplastifiant ;
– un BAP, avec un faible dosage en filler calcaire, superplastifiant et agent de
viscosité.
Pour le béton M60 Bathonien, sont comparés :
– un béton vibré, avec superplastifiant ;
– un béton vibré, avec superplastifiant et entraîneur d’air minéral ;
– un béton vibré, avec superplastifiant et entraîneur d’air organique ;
– un BAP, avec un faible dosage en filler calcaire, superplastifiant et agent de
viscosité.
4.1.3.1. Influence des adjuvants sur les résistances mécaniques
Pour cette partie de l’étude Feu-Béton le même dispositif expérimental et le même
type d’éprouvettes décrits en 4.1.1.1 ont été utilisés. Les éprouvettes pour les tests
de résistances mécaniques ont été réalisées avec les formules correspondant aux
bétons vibrés avec superplastifiant et celles des BAP avec un faible dosage en ad-
ditions calcaires, superplastifiant et agent de viscosité. Les autres formules n’ont
été testées qu’à l’écaillage.
La figure 13.23 présente les variations de la résistance à la compression en fonc-
tion de la température pour les bétons M60 vibrés et BAP testés. Les éprouvettes
ont été chargées à 20 % de leur résistance à 20 °C dès le début de l’essai et jus-
qu’au test de résistance proprement dit (température stabilisée, augmentation de
la charge jusqu’à rupture). Les valeurs extrêmes obtenues pour chaque point sont
indiquées dans le but d’évaluer la dispersion des résultats.
La figure 13.24, correspond aux résultats des tests de résistance à la traction à
chaud obtenus avec le dispositif illustré à la figure 13.8. Dans ce cas, les éprou-
vettes n’ont été confectionnées qu’avec le béton vibré Garonne et le BAP Batho-
nien avec agent de viscosité. L’analyse de ces résultats par rapport aux courbes de
référence de l’Eurocode 2, 1-2 et DTU Feu-Béton, a été déjà réalisée en 4.1.1.1.
739
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
65
60
55
50
Résistance (MPa)
45
40
35
30
M 60 Bathonien
25
20 M 60 BAP Bathonien
15 M 60 Garonne
10
M 60 BAP Garonne
5
0
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750 800
Température (°C)
5,5
5,0
M 60 BAP Bathonien
4,5
M 60 Garonne
Résistance (MPa)
4,0
3,5
3,0
2,5
2,0
1,5
1,0
0,5
0,0
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750 800
Température (°C)
740
La durabilité des bétons face aux incendies
100
NSC, Fc20 = 51 MPa
HPC, fc20 = 82 MPa
75
HSC, fc20 = 90 MPa
fcT (MPa)
50
25
0
0 200 400 600 800
Température (°C)
Dans la même étude [BAM 07], la résistance à la traction résiduelle a été égale-
ment déterminée à partir de l’essai de flexion. Les valeurs pour le béton autopla-
çant de résistance courante (NSC) ont été de 3,6 MPa à 20 °C, de 3,4 MPa à
200 °C, de 2,5 MPa à 400 °C et de 1 MPa à 600 °C, proches de celles trouvées
dans l’étude Feu-Béton.
4.1.3.2. Influence des adjuvants sur l’écaillage
Nous abordons en premier lieu l’influence des entraîneurs d’air à partir des résul-
tats obtenus [FEU 06] sur des bétons M60 avec des granulats calcaires Batho-
niens. Ces granulats ont été choisis car ils étaient plus sensibles à l’écaillage que
les autres granulats testés (voir § 4.1.1). Deux types d’entraîneurs d’air ont été uti-
lisés : l’un minéral et l’autre organique. Le même dispositif expérimental et le
même type d’éprouvettes (à la différence près d’un enrobage d’armatures de
3 cm) qui ont été décrits en 4.1.1.2 ont été utilisés pour réaliser les tests.
Le tableau 13.2 donne les caractéristiques des éclats selon le type d’entraîneur
d’air utilisé, comparées à celles des éclats d’une éprouvette sans aucun entraîneur,
et la figure 13.26 permet de visualiser l’état final des éprouvettes.
Tableau 13.2 : caractéristiques des éclats après essai d’écaillage,
selon le type d’entraîneur d’air [FEU 06].
Type d’entraîneur d’air Perte de masse par éclats (%) Épaisseur maximale des éclats (cm)
e < 5 cm (éclats d’angle)
Aucun 7,5
et e < 2 cm (éclats de surface)
1,0
Minéral e < 2 cm (éclats d’angle)
1,5
–
0,0
Organique e < 2 cm (éclats d’angle)
2,0
et e < 1 cm (éclats de surface)
741
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Dans le cas d’un béton M60, réalisé avec un granulat plus sensible à l’écaillage
(calcaire Bathonien, voir § 4.1.1) et avec un enrobage des armatures transversales
de 3 cm (facteur aussi défavorable par rapport à l’écaillage [FEU 06]), qui présen-
te des éclats localisés, l’amélioration est notable pour les deux types d’entraîneur
d’air utilisés.
Feron et al. [FER 06] mentionnent aussi que les entraîneurs d’air sont favorables
pour la prévention de l’écaillage. Des résultats similaires pour les bétons à hautes
performances ont été déjà signalés lors du programme européen HITECO
[HIT 99].
Dans ce qui suit, nous présentons l’influence sur l’écaillage des agents de visco-
sité ajoutés en plus du superplastifiant et du filler calcaire pour obtenir des bétons
autoplaçants [FEU 06]. Les tests ont été menés sur le même type d’éprouvettes et
le même dispositif expérimental que pour l’étude de l’effet des entraîneurs d’air.
Des bétons M60 avec des granulats siliceux Garonne et avec des granulats calcai-
res bathoniens ayant les caractéristiques signalées au début du paragraphe 4.1.3
ont été utilisés. La figure 13.27 présente les résultats obtenus pour les deux for-
mulations testées.
742
La durabilité des bétons face aux incendies
Figure 13.27 : influence de l’agent de viscosité. État final des éprouvettes après essai
d’écaillage et refroidissement [FEU 06].
Les bétons testés sont : un béton M 60 siliceux Garonne (a1) béton vibré, (a2) BAP à forte teneur en
filler calcaire, (a3) BAP à faible teneur en filler calcaire avec agent de viscosité ; un béton M60 calcaire
Bathonien (b1) béton vibré, (b2) BAP à faible teneur en filler calcaire avec agent de viscosité.
743
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
744
La durabilité des bétons face aux incendies
745
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Pimienta [PIM 05], lors des études réalisées pour le Projet national BHP 2000,
évoque de très bonnes performances mécaniques à chaud des BHP avec des fibres
de polypropylène. Il a testé deux BTHP M100, l’un avec 0,9 kg/m3 et l’autre avec
1,75 kg/m3 de fibres de polypropylène et les a comparé avec des bétons M100,
M75 et M30 non fibrés. La figure 13.29 illustre les résultats trouvés.
1,1
M100 Garonne fibré à 1,2 kg/m3
1,0
EC2 classe 3 - C90 MPa
0,9 M100 Garonne 1,2 kg/m3 - résistance résiduelle
0,8
0,7
fcT/fc20°C (%)
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0,0
0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000
Température (°C)
100
M30C
50
M75C
25 M75SC
M100C
0
0 100 200 300 400 500 600
Température (°C)
746
La durabilité des bétons face aux incendies
747
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
Nous pouvons observer que, même pour la formulation plus sensible à l’écaillage
(béton M100 Bathonien), l’action des fibres de polypropylène est remarquable.
Dans le cas du M100 Garonne, dès l’addition de 0,9 kg/m3 le résultat est excellent
(ce qui est très en deçà de la limite proposée de l’Eurocode 2, 1-2 de 2 kg/m3).
L’utilisation de fibres de polypropylène monofilaments permet d’obtenir un ex-
cellent comportement vis-à-vis de l’écaillage des bétons à hautes performances.
Dans certains cas, ce résultat peut être aussi obtenu avec des dosages plus faibles
que la limite inférieure spécifiée par la norme Eurocode béton. La stabilité au
feu des ouvrages réalisés avec un béton à hautes ou très hautes performances est
donc assurée avec l’incorporation de fibres de polypropylène monofilaments
dans les dosages préconisés par l’Eurocode 2, 1-2.
Les essais réalisés dans le cadre de BHP 2000 [PIM 05] ont également indiqué
une efficacité des fibres dès de très faibles dosages comme indiqué sur la
figure 13.31. À dosage en fibres croissant, on observe une nette diminution de la
pression maximale mesurée au sein des bétons.
748
La durabilité des bétons face aux incendies
0
0 1 2 3
Park et al. [PAR 07] ont déterminé que le volume optimal de fibres pour éviter
l’écaillage est de 0,1 % pour des BHP ayant un rapport E/L1 de 0,30 et de 0,2 %
pour des BHP avec rapport E/L de 0,25, ce qui les amène à conclure que le volume
nécessaire de fibres doit augmenter avec la résistance du béton. Des études con-
duites sur des BFUP [DEC 07, MIN 07], ayant des résistances à la compression
de l’ordre de 150 MPa, confirment d’une certaine façon cette hypothèse car la te-
neur idéale de fibres pour ces bétons est de 3 kg/m3 (environ 0,15 % en volume)
et non de 2 kg/m3 (moins de 0,1 % en volume) ou moins comme estimée dans
l’étude Feu-Béton pour des bétons moins résistants.
Les résultats obtenus par Phan [PHA 07] concernant les pressions dans les pores
en fonction de la température montrent clairement l’effet positif des fibres de po-
lypropylène monofilaments (figure 13.32). La pression dans les pores, laquelle
provoque l’écaillage explosif dans le cas du béton sans fibres (à la température de
250 °C au point de mesure), est très supérieure à celle mesurée dans le béton fibré
qui n’a pas présenté d’écaillage.
1. E/L représente ici le rapport des masses d’eau et de liant (ciment + fumée de silice).
749
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
2,5
1,0
3,0 kg/m3 de fibres
0,5
0
0 100 200 300 400 500
Température à 25 mm de la surface chauffée
Figure 13.32 : efficacité des fibres de polypropylène pour des bétons conservés dans
l’eau. Pression de vapeur en fonction de la température à 25 mm de la surface chauffée,
pour des BHP(fck 75 MPa) sans fibre, avec 1,5 kg/m3 et 3,0 kg/m3 de fibres de
polypropylène monofilaments, d’après Phan [PHA 07].
Les éprouvettes testées sont prismatiques (100 mm × 200 mm × 200 mm).
Les résultats que nous venons de présenter permettent d’assurer qu’un béton à
hautes ou très hautes performances, formulé avec des teneurs adéquates en fibres
de polypropylène monofilaments, répond parfaitement aux objectifs du dimen-
sionnement vis-à-vis de l’incendie.
5. RECOMMANDATIONS ET NORMES
La tenue au feu des structures en béton fait l’objet de recommandations et de nor-
mes spécifiques qui sont élaborées par différents organismes internationaux et na-
tionaux. Au niveau international, les normes issues des groupes de travail de
l’ISO (International Organization for Standardization) et du CEN (Comité euro-
péen de normalisation) sont la référence en ce qui concerne la conception des
structures, les essais de structure, la formulation et les spécifications des bétons,
tandis que pour les procédures d’essai « matériau », les recommandations de la
Rilem (Réunion internationale des laboratoires et experts des matériaux, systèmes
de construction et ouvrages) sont les plus répandues. En France, des commissions
de normalisation et groupes de travail sous la coordination de l’Afnor (Associa-
tion française de normalisation) rédigent des normes qui sont d’application uni-
quement sur le territoire français : annexes nationales des Eurocodes, NF DTU
750
La durabilité des bétons face aux incendies
751
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
structures béton). Les Eurocodes doivent être utilisés avec leur annexe nationale
dans lesquelles figurent en préambule les niveaux d’approches possibles indiqués
ci-avant.
À l’heure actuelle, les développements en terme de dimensionnement des ouvra-
ges tendent à utiliser des approches d’ingénierie de la sécurité incendie incluant
des analyses de risques, la détermination de scénarios incendie, l’étude de la pro-
pagation de la chaleur et des effluents et la détermination du comportement global
des structures (non pas un élément de structure de manière isolée mais un élément
de structure en interaction avec la structure froide environnante). Les travaux de
l’ISO TC 92 « sécurité au feu », SC4 « ingénierie de la sécurité incendie », WG 12
« structures en feu » évoluent vers des recommandations sur les performances
globales des structures en cas d’incendie (ISO/WD 24679), mais ces travaux en
cours d’élaboration ne rentrent pas à ce jour dans le cadre normatif.
5.1.1.DTU Feu-Béton
La version 1987, complétée en 1993, de la NF P 92-701 [DTU 93] correspond au
DTU FB considéré pour les bétons courants avec résistance à la compression ca-
ractéristique inférieure à 60 MPa. En 2000, le DTU FB a été amendé [DTU 00]
pour tenir compte des bétons à hautes performances avec des résistances nomina-
les comprises entre 60 et 80 MPa.
Ce DTU permet la vérification de la sécurité à partir d’un certain nombre de cal-
culs conventionnels, qui prennent en compte, notamment, une courbe convention-
nelle de montée en température (courbe ISO 834) et une baisse forfaitaire des
résistances mécaniques de l’acier d’armature et du béton en fonction des tempé-
ratures atteintes (voir courbes DTU FB des figures 13.11 et 13.14 pour les bétons
courants et 13.29 pour les BHP). Les courbes relatives au béton sont à l’intérieur
d’un fuseau de valeurs extrêmes correspondant à la dispersion des résultats de la-
boratoire qui ont servi pour leur détermination.
Outre les caractéristiques de la variation des résistances avec la température, le
DTU FB prend en compte trois critères permettant de déterminer le degré de ré-
sistance au feu des éléments de construction :
1°) la résistance mécanique du béton ;
2°) l’étanchéité aux flammes et aux gaz chauds ou inflammables ;
3°) l’isolation thermique dans le cas d’éléments séparatifs : limitation de l’échauf-
fement de la face non exposée au feu à 140 °C en moyenne ou 180 °C en un point.
Les éléments résistants au feu sont alors classés en trois catégories :
– SF (stable au feu) : le critère 1 est le seul requis ;
– PF (pare-flammes) : les critères 1 et 2 sont requis ;
– CF (coupe-feu) : les critères 1, 2 et 3 sont requis.
752
La durabilité des bétons face aux incendies
753
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
754
La durabilité des bétons face aux incendies
Résistance en traction – –
Module d’élasticité – –
755
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
756
La durabilité des bétons face aux incendies
757
LA DURABILITÉ DES BÉTONS
6. CONCLUSION
La très longue durée de vie des ouvrages en béton impose de ne pas négliger l’oc-
currence d’un incendie.
La longue antériorité historique du matériau béton témoigne de son très bon com-
portement face à des incendies. Toutefois, certains incidents récents, conjugués
au caractère de plus en plus protéiforme des types de béton justifient la validation
scientifique de la tenue au feu des bétons.
L’utilisation de formulations nouvelles de bétons dans les structures a nécessité
une analyse plus détaillée des performances des bétons face aux incendies. Le
présent chapitre illustre tout d’abord la nature des dégradations constatées sur le
béton en présence d’incendie, ainsi que les phénomènes qui sont à l’origine de ces
dégradations.
Ces phénomènes, la plupart du temps irréversibles, sont d’autant plus complexes
qu’ils se déroulent progressivement et mettent en jeux différentes transformations
physico-chimiques.
Les recherches permettent de mieux comprendre l’influence des différents cons-
tituants du béton. Notamment, une étude française de référence, intitulée « étude
feu-béton » menée en partenariat avec l’ensemble des intervenants concernés a
conduit aux principales conclusions suivantes :
– sur les résistances, il apparaît que toutes les formules testées sont bien en cohé-
rence avec les valeurs retenues dans la norme NF EN 1992-1-2 et que l’évolution
des performances mécaniques avec la température est similaire pour tous les gra-
nulats utilisés et pour tous les types de béton étudiés. De plus, les résistances à la
compression des bétons à très hautes performances contenant des fibres de poly-
propylène sont supérieures à celles données par la norme NF EN 1992-1-2 pour
la classe 3 ;
– sur l’écaillage, les effets bénéfiques des entraîneurs d’air et encore plus des
fibres de polypropylène (à un dosage de 2 kg/m3) ont été mis en évidence.
Concepteurs et constructeurs disposent d’une palette de solutions techniques leur
permettant d’optimiser leurs structures en conformité avec les normes et règle-
ments en vigueur.
758
La durabilité des bétons face aux incendies
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