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Bioéthique : l’ouverture de la PMA à toutes les

femmes en débat
Dernière modificat ion : 25 juillet 2019
10 minut es
Par : La Rédact ion

Le débat sur l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes


les femmes continue de diviser même si, selon plusieurs sondages récents, six
Français sur dix s’y disent désormais favorables (contre seulement 24% en 1990).
Un projet de loi a été présenté le 24 juillet 2019.

Le t hème a ét é au cent re des discussions des ét at s généraux de la bioét hique. Si aucun consensus n’a
pu about ir lors des consult at ions et audit ions qui se sont déroulées de janvier à mai 2018, le Comit é
consult at if nat ional d’ét hique se déclare favorable à l’ouvert ure de la PMA dans sa cont ribut ion
t erminale à la révision de la loi de bioét hique, présent ée en sept embre 2018.

Quel cadre légal pour la PMA en France avant la révision


de la loi bioéthique ?

La PMA (ou assist ance médicale à la procréat ion - AMP - expression privilégiée par l’Agence de
biomédecine) est réservée aux couples hét érosexuels (mariés, pacsés ou en concubinage depuis au
moins deux ans) en âge de procréer présent ant une infert ilit é pat hologique médicalement const at ée ou
risquant de t ransmet t re une maladie grave à leur enfant .

Les t echniques varient selon la nat ure du problème : inséminat ion art ificielle du sperme du conjoint ou
d’un t iers donneur, fécondat ion in vit ro (FIV) d’ovules et de spermat ozoïdes des conjoint s ou de t iers
donneurs afin d’obt enir des embryons qui seront réint roduit s ensuit e dans l’ut érus de la femme.

La prat ique ainsi que l’ut ilisat ion du don anonyme et grat uit de gamèt e est possible (don de
spermat ozoïde ou don d’ovocyt e) mais le double don est int erdit . En conséquence, les couples dont les
deux membres sont st ériles ne peuvent pas avoir recours à la PMA.

L’assurance maladie prend la PMA en charge à 100% si la femme a moins de 43 ans.


L’Agence de la biomédecine a recensé 145 255 t ent at ives de procréat ion médicalement assist ée en
2015 en France. La même année, 24 839 enfant s sont nés grâce à ces t echniques, soit environ 3% des
naissances en France.

1970-2013 : les évolutions du droit

Dans les années 1970, avec la t echnique de congélat ion du sperme, apparaissent en France les cent res
d’ét udes et de conservat ion des œufs et du sperme humain (CECOS). Ces cent res organisent le don de
spermat ozoïdes selon les règles ét hiques d’anonymat et de grat uit é.

En 1982, naît Amandine, premier bébé français né après une fécondat ion in vitro.

En 1983, après les Assises de la recherche, le Comit é consult at if nat ional d’ét hique pour les sciences de
la vie et de la sant é (CCNE) est créé. Il a pour mission de donner des avis sur les problèmes ét hiques et
les quest ions de sociét é soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie,
de la médecine et de la sant é.

La législat ion relat ive à la PMA est fixée par les lois bioét hiques du 29 juillet 1994. L’assist ance médicale
à la procréat ion désigne les prat iques cliniques et biologiques permet t ant la concept ion in vitro, le
t ransfert d’embryons et l’inséminat ion art ificielle ainsi que de t out e t echnique d’effet équivalent
permet t ant la procréat ion en dehors du processus nat urel. Les condit ions pour y avoir accès sont fixées
par la loi.

Les lois de bioét hique de 2004 maint iennent les principes fixés en 1994 et créent l’Agence de la
biomédecine. Cet organisme public placé sous la t ut elle du minist ère de la sant é rassemble, pour la
première fois sous une même aut orit é, les act ivit és d’assist ance médicale à la procréat ion, de
diagnost ic prénat al et génét ique.

En 2011, la nouvelle révision des lois bioét hique redéfinit les modalit és et les crit ères permet t ant
d’aut oriser les t echniques d’assist ance médicale à la procréat ion et d’encadrer leur améliorat ion. La
congélat ion ovocyt aire ult rarapide (ou vit rificat ion) est aut orisée.

Enfin, la loi du 6 août 2013 permet les recherches à part ir d’embryons surnuméraires conçus dans le
cadre d’une procréat ion médicalement assist ée (fécondat ion in vitro), ne faisant plus l’objet d’un projet
parent al, après informat ion et consent ement écrit du couple concerné. Les prot ocoles de recherche
sont aut orisés par l’Agence de biomédecine. Les grands principes de la PMA sont encadrés par l’Agence
de biomédecine et la loi de bioét hique.

Le désir d’enfant a conduit cert ains couples int erdit s de PMA en France à y recourir à l’ét ranger dans
des pays où elle est aut orisée pour les femmes seules ou homosexuelles (en Belgique et en Espagne
not amment ).

Par deux avis de 2014, la Cour de cassat ion a jugé que le recours à l’assist ance médicale à la
procréat ion, sous la forme d’une inséminat ion art ificielle avec donneur anonyme à l’ét ranger, ne fait pas
obst acle au prononcé de l’adopt ion, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de cet t e procréat ion, dès
lors que les condit ions légales de l’adopt ion sont réunies et qu’elle est conforme à l’int érêt de l’enfant .
Pour la Cour, le fait que des femmes y aient eu recours à l’ét ranger ne heurt e aucun principe essent iel du
droit français.

Autoriser la PMA pour toutes les femmes ?

La promulgat ion de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe modifie les
t ermes du débat aut our de la PMA. La loi ouvre l’adopt ion aux couples homosexuels et reconnaît ainsi
qu’un enfant peut avoir deux parent s du même sexe. En revanche, le recours à la PMA rest e impossible
pour ces couples.

En 2015, le Haut Conseil à l’égalit é ent re les femmes et les hommes (HCEfh) a publié un avis
recommandant au gouvernement et au Parlement d’ét endre l’accès à la PMA aux couples de
femmes et aux femmes célibat aires, au nom de l’égalit é des droit s ent re t ous et t out es. Les st rat égies
de cont ournement act uellement mises en place par les femmes qui ne peuvent avoir recours à une PMA
en France les exposent à des risques sanit aires (moindre suivi gynécologique, infect ions sexuellement
t ransmissibles, et c.) et à des fort es inégalit és sociales, eu égard au coût d’une PMA à l’ét ranger. La
créat ion d’une "déclarat ion commune ant icipée de filiat ion" pour les couples ayant recours à une PMA et
l’élargissement du remboursement des act es de PMA aux couples de femmes et aux femmes seules
figurent parmi les aut res recommandat ions du HCEfh.

L’ouvert ure de la PMA à t out es les femmes ét ait , en out re, l’un des neuf t hèmes à l’ordre du jour des
ét at s généraux de la bioét hique, organisés de janvier à mai 2018, dans le cadre de la nouvelle révision de
la loi de bioét hique.

Le sujet a suscit é de nombreuses réact ions. Tout efois, les cont ribut ions cit oyennes exprimées sur le
sit e Int ernet des ét at s généraux n’ont pas permis de dégager de consensus. La majorit é des
cont ribut ions a ét é le fait de milit ant s "pro" ou "ant i" "PMA pour t out es". Quant aux rencont res en
régions, elles ont également donné lieu à des opinions divergent es selon le rapport de synt hèse des
ét at s généraux publié le 2 juillet 2018 par le Comit é consult at if nat ional d’ét hique. Les personnes
favorables à l’ouvert ure de la PMA ont fait valoir une demande d’égalit é. À l’opposé, les personnes qui y
sont défavorables ont mis en avant "la not ion de nat ure et les droit s des enfant s" ainsi que leur craint e
qu’une évolut ion législat ive sur la PMA n’ouvre la voie à la gest at ion pour aut rui pour les couples
d’hommes. Enfin, le CCNE not e que beaucoup de professionnels audit ionnés (prat iciens, chercheurs, et c.)
se sont mont rés favorables à l’ouvert ure de la PMA aux couples de femmes mais réservés quant à son
ext ension aux femmes seules, en raison de leur possible vulnérabilit é.

Dans un avis du 15 juin 2017 , le CCNE s’ét ait déjà prononcé sur les demandes sociét ales de recours à
la PMA. Il ne formulait aucune opposit ion à l’ouvert ure de la PMA à t out es les femmes, considérant que
cet t e t echnique hors st érilit é pouvait se concevoir pour pallier une souffrance induit e par une
infécondit é résult ant d’orient at ions personnelles.

Le 25 sept embre 2018, le CCNE a remis son avis sur les priorit és qui pourraient figurer dans la fut ure loi
de bioét hique . Il se déclare de nouveau favorable à l’ouvert ure de la PMA pour les couples de
femmes et les femmes seules. Il est également favorable à l’ouvert ure de la PMA en post mortem
(t ransfert in utero d’un embryon conservé après le décès de l’homme) sous réserve d’un
accompagnement spécifique de la conjoint e.

De son côt é, le Conseil d’Ét at , dans une ét ude publiée le 11 juillet 2018, considère que le droit n’oblige à
rien : "ni au statu quo ni à l’évolut ion des condit ions d’accès" à la PMA. En part iculier, l’ouvert ure de la
PMA ne saurait êt re just ifiée par le principe d’égalit é ou par un prét endu "droit à l’enfant ". Le législat eur,
dans ses choix, devra prendre en compt e l’int érêt supérieur de l’enfant . En cas d’ext ension de la PMA, le
Conseil d’Ét at recommande d’inst it uer un mode d’ét ablissement de la filiat ion spécifique permet t ant
une double filiat ion mat ernelle. Il suggère, par ailleurs, si une PMA hors pat hologie devait êt re aut orisée,
de prévoir son remboursement par l’assurance maladie, "compt e t enu de la difficult é d’object iver une
différence ent re les bénéficiaires et de l’enjeu financier modest e".

La mission d’informat ion sur la bioét hique a remis un rapport à l’Assemblée nat ionale le 15 janvier 2019.
Ses conclusions vont dans le sens d’une reconnaissance : " l’ouvert ure de l’accès à la PMA apparaît
comme une nouvelle ét ape sur le long chemin de l’émancipat ion des femmes par le renforcement de
l’aut onomie des choix reproduct ifs et sur celui de la reconnaissance de t out es les familles".

Le 24 juillet 2019, la minist re de la just ice et la minist re des solidarit és et de la sant é ont présent é au
conseil des minist res le projet de loi relat if à la bioét hique. Celui-ci supprime l'exigence d' une
infer tilité pathologique pour recourir à la PMA. Il élargit l'accès à la PMA aux couples de femmes
et aux femmes non mariées .

Le projet de loi prévoit que la prise en charge par l'assurance maladie est ét endue aux nouveaux publics
éligibles. Il aut orise le recours à un double don de gamèt es au cours d'une même t ent at ive de PMA.

Le t ext e cont ient , en out re, des disposit ions dest inées à sécuriser les droit s des enfant s nés par PMA :
vérificat ion de la mot ivat ion des fut urs parent s lors d'ent ret iens, accès à des données sur le t iers
donneur, voire à son ident it é, et c.

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