Vous êtes sur la page 1sur 4

http://www.vie-publique.

fr/actualite/dossier/etats-generaux-2018/bioethique-ouverture-
pma-toutes-femmes-debat.html

Bioéthique : l’ouverture de la PMA à toutes les femmes en débat


le 28 09 2018

Le débat sur l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes


les femmes continue de diviser même si, selon plusieurs sondages récents, six
Français sur dix s’y disent désormais favorables (contre seulement 24% en
1990).

Le thème a été au centre des discussions des États généraux de la bioéthique. Si


aucun consensus n’a pu aboutir lors des consultations et auditions qui se sont
déroulées de janvier à mai 2018, le Comité consultatif national d’éthique se
déclare favorable à l’ouverture de la PMA dans sa contribution terminale à la
révision de la loi de bioéthique, présentée en septembre 2018.

Quel cadre légal pour la PMA en France ?


La PMA (ou assistance médicale à la procréation - AMP - expression privilégiée par
l’Agence de biomédecine) est réservée aux couples hétérosexuels (mariés, pacsés ou
en concubinage depuis au moins deux ans) en âge de procréer présentant une
infertilité pathologique médicalement constatée ou risquant de transmettre une maladie
grave à leur enfant.

Les techniques varient selon la nature du problème : insémination artificielle du sperme


du conjoint ou d’un tiers-donneur, fécondation in vitro (FIV) d’ovules et de
spermatozoïdes des conjoints ou de tiers-donneurs afin d’obtenir des embryons qui
seront réintroduits ensuite dans l’utérus de la femme.

La pratique ainsi que l’utilisation du don anonyme et gratuit de gamète est possible
(don de spermatozoïde ou don d’ovocyte) mais le double don est interdit. En
conséquence, les couples dont les deux membres sont stériles ne peuvent pas avoir
recours à la PMA.

L’assurance maladie prend la PMA en charge à 100% si la femme a moins de 43 ans.

L’Agence de la biomédecine a recensé 145 255 tentatives de procréation


médicalement assistée en 2015 en France. La même année, 24 839 enfants sont nés
grâce à ces techniques, soit environ 3% des naissances en France.
1970-2013 : les évolutions du droit
Dans les années 1970, avec la technique de congélation du sperme, apparaissent en
France les centres d’études et de conservation des œufs et du sperme humain
(CECOS). Ces centres organisent le don de spermatozoïdes selon les règles éthiques
d’anonymat et de gratuité.

En 1982, naît Amandine, premier bébé français né après une fécondation in vitro.

En 1983, après les Assises de la recherche, le Comité consultatif national d’éthique


pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) est créé. Il a pour mission de donner
des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les
progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la
santé.

La législation relative à la PMA est fixée par les lois bioéthiques du 29 juillet 1994.
L’assistance médicale à la procréation désigne les pratiques cliniques et biologiques
permettant la conception in vitro, le transfert d’embryons et l’insémination artificielle
ainsi que de toute technique d’effet équivalent permettant la procréation en dehors du
processus naturel. Les conditions pour y avoir accès sont fixées par la loi.

Les lois de bioéthique de 2004 maintiennent les principes fixés en 1994 et créent
l’Agence de la biomédecine. Cet organisme public placé sous la tutelle
du ministère de la santé rassemble, pour la première fois sous une même autorité, les
activités d’assistance médicale à la procréation, de diagnostic prénatal et génétique.

En 2011, la nouvelle révision des lois bioéthique redéfinit les modalités et les critères
permettant d’autoriser les techniques d’assistance médicale à la procréation et
d’encadrer leur amélioration. La congélation ovocytaire ultra rapide (ou vitrification) est
autorisée.

Enfin, la loi du 6 août 2013 permet les recherches à partir d’embryons surnuméraires
conçus dans le cadre d’une procréation médicalement assistée (fécondation in vitro),
ne faisant plus l’objet d’un projet parental, après information et consentement écrit du
couple concerné. Les protocoles de recherche sont autorisés par l’Agence de
biomédecine. Les grands principes de la PMA sont encadrés par l’Agence de
biomédecine et la loi de bioéthique.

Le désir d’enfant a conduit certains couples interdits de PMA en France à y recourir à


l’étranger dans des pays où elle est autorisée pour les femmes seules ou
homosexuelles (en Belgique et en Espagne notamment).

Par deux avis de 2014, la Cour de cassation a jugé que le recours à l’assistance
médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur
anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de
la mère, de l’enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de
l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant. Pour la Cour, le
fait que des femmes y aient eu recours à l’étranger ne heurte aucun principe essentiel
du droit français.

Autoriser la PMA pour toutes les femmes ?


La promulgation de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même
sexe modifie les termes du débat autour de la PMA. La loi ouvre l’adoption aux couples
homosexuels et reconnait ainsi qu’un enfant peut avoir deux parents du même sexe.
En revanche, le recours à la PMA reste impossible pour ces couples.

En 2015, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh) a publié
un avis recommandant au gouvernement et au Parlement d’étendre l’accès à la PMA
aux couples de femmes et aux femmes célibataires, au nom de l’égalité des droits
entre tous et toutes. Les stratégies de contournement actuellement mises en place par
les femmes qui ne peuvent avoir recours à une PMA en France les exposent à des
risques sanitaires (moindre suivi gynécologique, infections sexuellement
transmissibles, etc.) et à des fortes inégalités sociales, eu égard au coût d’une PMA à
l’étranger. La création d’une "déclaration commune anticipée de filiation" pour les
couples ayant recours à une PMA et l’élargissement du remboursement des actes de
PMA aux couples de femmes et aux femmes seules figurent parmi les autres
recommandations du HCEfh.

L’ouverture de la PMA à toutes les femmes était, en outre, l’un des neuf thèmes à
l’ordre du jour des États généraux de la bioéthique, organisés de janvier à mai 2018,
dans le cadre de la future révision de la loi de bioéthique. Le sujet a suscité de
nombreuses réactions. Toutefois, les contributions citoyennes exprimées sur le site
Internet des États généraux n’ont pas permis de dégager de consensus. La majorité
des contributions a été le fait de militants "pro" ou "anti" "PMA pour toutes". Quant aux
rencontres en régions, elles ont également donné lieu à des opinions divergentes selon
le rapport de synthèse des États généraux publié le 2 juillet 2018 par le Comité
consultatif national d’éthique. Les personnes favorables à l’ouverture de la PMA ont fait
valoir une demande d’égalité. A l’opposé, les personnes qui y sont défavorables ont
mis en avant "la notion de nature et les droits des enfants" ainsi que leur crainte qu’une
évolution législative sur la PMA n’ouvre la voie à la gestation pour autrui pour les
couples d’hommes. Enfin, le CCNE note que beaucoup de professionnels auditionnés
(praticiens, chercheurs, etc.) se sont montrés favorables à l’ouverture de la PMA aux
couples de femmes mais réservés quant à son extension aux femmes seules, en
raison de leur possible vulnérabilité.

Dans un avis du 15 juin 2017, le CCNE s’était déjà prononcé sur les demandes
sociétales de recours à la PMA. Il ne formulait aucune opposition à l’ouverture de la
PMA à toutes les femmes, considérant que cette technique hors stérilité pouvait se
concevoir pour pallier une souffrance induite par une infécondité résultant
d’orientations personnelles. Le 25 septembre 2018, le CCNE a remis son avis sur les
priorités qui pourraient figurer dans la future loi de bioéthique. Il se déclare de nouveau
favorable à l’ouverture de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules. Il
est également favorable à l’ouverture de la PMA en post mortem (transfert in utero d’un
embryon conservé après le décès de l’homme) sous réserve d’un accompagnement
spécifique de la conjointe.

De son côté, le Conseil d’État, dans une étude publiée le 11 juillet 2018, considère que
le droit n’oblige à rien : "ni au statu quo ni à l’évolution des conditions d’accès" à la
PMA. En particulier, l’ouverture de la PMA ne saurait être justifiée par le principe
d’égalité ou par un prétendu "droit à l’enfant". Le législateur, dans ses choix, devra
prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant. En cas d’extension de la PMA, le
Conseil d’État recommande d’instituer un mode d’établissement de
la filiation spécifique permettant une double filiation maternelle. Il suggère, par
ailleurs, si une PMA hors pathologie devait être autorisée, de prévoir son
remboursement par l’assurance maladie, "compte tenu de la difficulté d’objectiver une
différence entre les bénéficiaires et de l’enjeu financier modeste".

Vous aimerez peut-être aussi