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THÉORIE GÉNÉRALE DE

L ÉTAT
Informations générales :

Les principales figures juridiques de l État sont :


- l État comme communauté politique souveraine
- l État comme démocratie
- l État comme État de droit
- l État comme État social ou providence.

Toutes ces figures juridiques sont des produits de l histoire. L État émerge comme une
cité et la conceptualisation la précise, la conforte. Le critère juridique de l État c est la
souveraineté en tant qu entité souveraine.

Quelles que soient les figures juridiques qu on va étudier, on va adopter une démarche
foucaldienne.

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Jusqu'à page 54

Chapitre 1 ‒ L État comme communauté


politique souveraine

L État n a pas toujours existé tel qu on le caractérise juridiquement aujourd hui. Qui
sait s il existera dans des milliers d années. Il y a d autres formes d organisations
politiques.

Le fait que le pouvoir s exerce sur un territoire paraît évident, mais cela ne va pas
ainsi. Pour les hordes barbares, cela ne voulait rien dire la territorialisation du pouvoir.
Le pouvoir politique s exerçait sur des gens et sur le peuple qu il amène avec lui.

La question est de savoir à partir de quand on est en présence d un État en tant


qu entité souveraine. L État est le résultat d un processus institutionnalisation du
pouvoir politique qui devient souverain ou suprême. Il naît de la conjonction de 3
phénomènes qui se sont développés concomitamment :
• Le processus d institutionnalisation du pouvoir
• Le processus de sécularisation du pouvoir
• Le processus d affirmation de la souveraineté de ce pouvoir

SECTION 1 ‒ PROCESSUS D INSTITUTIONNALISATION DU


POUVOIR

Comme l a rappelé Georges Burdeau, dans son livre L État (1970), à l origine on est en
présence d un pouvoir individualisé ! le pouvoir s incarne dans un homme qui
concentre en sa personne non seulement tous les instruments de la puissance mais
encore la justification de l autorité.

Progressivement, ce pouvoir va être transféré à une institution abstraite. Le pouvoir va


être progressivement détaché de la personne qui l exerce pour se reporter sur une
institution.

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Burdeau va expliquer ce processus va être progressif. Cela s explique pour des raisons
d instabilité du pouvoir. Il surgit dans ce cas-là une instabilité dommageable.

Il faut dissocier le pouvoir de celui qui l exerce et on va reporter le pouvoir à une


institution et cette institution à partir du XVIème siècle, c est l État que l on connaît
juridiquement aujourd hui.

§1. Le pouvoir individualisé

La personnalisation du pouvoir désigne la confusion de l autorité et de son détenteur


humain, ce qui veut dire que dans ce système, le pouvoir individuel sans aucun
appareil institutionnel ne survit à la cessation des fonctions du chef politique. D où
l évolution discontinue du pouvoir politique notamment lors de la période de
succession du chef.

Dans ce système de personnalisation du pouvoir, le fondement de ce pouvoir est le


charisme selon Max Weber ! le chef a des qualités exceptionnelles (cruauté, force,
intelligence).
L autorité charismatique est irrationnelle et non légale-rationnelle. Le chef porte en lui
son titre de commandement dans son pouvoir personnel.

Chez les anciens, ce pouvoir personnel prend la forme du tyran notamment en Grèce
antique. Ce terme n avait pas de connotation péjorative.

Jean Bodin, dans Les Six Livres de la République, rappelle ce qu est un tyran et ses
caractéristiques et dit que « le tyran est celui de sa propre autorité se fait prince
souverain sans élection ni droit successif ni vocation spéciale de Dieu ».

Ce qu il faut comprendre c est qu entre pouvoir personnel et pouvoir institutionnel,


c est souvent une question de degré.

Très rapidement dans un pouvoir personnel, il y a des formes rudimentaires


d institutionnalisation. Et inversement dans un pouvoir institutionnalisé, il peut
subsister encore des réminiscences de pouvoir individualisé. Rapidement vient
s ajouter le prestige de la fonction qu il remplit, la considération de l idée dont il assure
le service.

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Le pouvoir individualisé est un pouvoir qui s appuie principalement sur les qualités de
celui qui l exerce.

§2. Le pouvoir à l époque franque

Époque franque ! 450 à 987 (fin des Carolingiens)

En 476, l Empire romain disparaît et Romulus Augustule disparaît avec. Le chef


barbare Odoacre prend son pouvoir.
Avec la chute de l Empire romain disparaît l idée de res publica c est-à-dire qu il existe
une norme juridique supérieure à ceux qui exercent le pouvoir (les Empereurs) même
s ils disposent d un pouvoir absolu en vertu d une règle juridique qui donne ce pouvoir
et c est la fin de toute forme d institutionnalisation du pouvoir.

C est le chef de bande qui détient le pouvoir qui est pouvoir personnel. Les rois
mérovingiens et carolingiens ont ce pouvoir personnalisé.

Le pouvoir à l époque se caractérise par deux traits :


- Un pouvoir personnel
- Un pouvoir patrimonial

A) Le pouvoir personnel

En effet, la monarchie mérovingienne comme la monarchie carolingienne est conçue


comme un pouvoir personnel.

Les Mérovingiens sont nés avec Mérovée (grand-père de Clovis) et ont été évincés en
751 par les Carolingiens dont le premier roi est Pépin le Bref (père de Charlemagne).

La monarchie mérovingienne comme la monarchie carolingienne est conçue comme un


pouvoir personnel. Le titulaire de la royauté n incarne pas l État. Les Francs comme les
Germains ne conçoivent pas un être collectif et moral qui existerait au-dessus des
personnes et qui pourrait être incarné par une personne physique sans être confondu
avec ceux-ci.

Le roi ne se dit pas roi de France mais roi des Francs. Les Francs obéissent aux rois
car il appartient à une famille qui dans l optique païenne a une ascendance divine et
dans l optique chrétienne, investie d une mission providentielle.

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L autorité du roi repose sur des liens de fidélité personnelle. Le roi règne sur des
personnes qui lui ont prêté un serment de fidélité (fides = foi origine du terme
féodalité).
Le trait essentiel de cette autorité vient du dévouement à l égard de la personne du
chef auquel les Francs ont prêté un serment de fidélité. C est un pouvoir fragile car si
les sujets estiment que les chefs ne qu acquittent pas de ses engagements, ils
s estiment déliés de leur d obéissance et de fidélité.

Le pouvoir du roi se manifeste par des commandements oraux et il y a très peu d écrits
sous Charlemagne, ses scribes écrivent quelques textes en latins. Ces liens de
fidélité, les rois carolingiens vont s efforcer de les renforcer. Charlemagne impose à
tous les sujets libres de plus de 12 ans de lui prêter un serment de fidélité. Ce ne sont
plus les nobles mais tous les sujets libres. En cas de manquement de serment, le
parjure s estime à des sanctions très lourdes = Sanctions d ordre criminel, civil et
religieux.

C est une conception très personnelle de l autorité et contient les instruments de


l affaiblissement ; le premier instrument est le fait que le serment de fidélité est prêté
à un individu et non pas par essence viager.

L obéissance s éteint avec la mort du roi et ne se transmet pas à son successeur.

Un autre aspect de ce pouvoir personnel est d ordre religieux. Le roi a une relation
particulière avec Dieu surtout à partir du moment où il embrasse la foi chrétienne.

Pour résumer, les pouvoirs du roi sont exercés en son nom propre et ne survivent pas
car liés à sa personne. Le célèbre historien Marc Bloch, dans son livre La société
féodale, explique qu il n y a pas de sentiment de permanence du pouvoir.

Lorsqu une personne se voyait attribuer un privilège par le roi, elle s empressait de
confirmer ce privilège par le nouveau souverain.

B) Un pouvoir patrimonial

Le royaume franc est considéré comme une propriété personnelle du souverain


assimilé à un patrimoine familial. Le roi franc estime qu il peut aliéner des terres de
son royaume et qu il peut les transmettre à ses héritiers par des titres patrimoniales.
Le pouvoir n est pas lié à une institution qui n est pas distincte de celui qui exerce le
pouvoir.
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C est ainsi que Clovis a partagé son royaume entre ses quatre fils en 511 et cette
tradition va perdurer sous les Carolingiens.

Charlemagne par le règlement successoral de 806 a divisé sa succession entre ses


trois fils légitimes. Ce qui permet de maintenir l unité de l empire, c est le destin. Avant
la mort de Charlemagne, deux de ses fils vont décéder en 811. L empire va être
transmis à Louis le Pieux.

Louis le Pieux devenu empereur veut préserver l unité de l empire et émet un


règlement successoral en 817 qui proclame l indivisibilité de l empire au profit de
Lothaire, son fils aîné, proclamé solennellement empereur. Et ce règlement
successoral prévoyait que les deux fils cadets Pépin et Louis ne garderaient qu une
petite portion du territoire gouverné sous le contrôle de l ainé. Pépin, l Aquitaine et
Louis, la Bavière.

Ce règlement successoral fut remis en question par les cadets engendrant


d incessantes querelles remettant en cause l autorité de l empereur. Louis le Pieux dut
revenir sur ce règlement et établit un second règlement en 839 et reprend la tradition
franque de pouvoir patrimonial.

Le territoire de l empire est divisé en autant de successeurs. Un de ses fils est mort
mais un quatrième est né. Il en reste trois. Louis n a finalement rien. Cela n a pas
éteint la querelle et à la mort de Louis le Pieux, le traité de Verdun de 843 qui est
connu pour être écrit en langue française, va diviser l Empire est divisé en 3.

Charles le Chauve reçoit la Francie occidentale, Louis la Germanie et Lothaire, la


Lotharingie (l Italie et une bande de territoires de 200 km de large séparant la Francie
Occidentale de la Germanie).

§3. Le développement de la vassalité sous les Carolingiens

L objectif des Carolingiens est de renforcer la fidélité hiérarchique et à partir de


Charlemagne tous les sujets libres doivent prêter serment à l empereur. Les
Carolingiens vont exploiter systématiquement le contrat de vasselage ! contrat de
droit privé entre deux personnes libres au terme duquel le vassal s engage au service
du seigneur qu il reconnaît pour maître en échange de la protection que garantit ce
dernier.

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Et pour concrétiser le vasselage se généralise l octroi d un bien fait ou bénéfice c est-
à-dire que le seigneur prend l habitude de gratifier le vassal d une terre.

Les vassaux royaux avaient pour double fonction :


- Accompagner le roi à la guerre (service d ost)
- Sur les terres concédées, ils avaient pour fonction d exercer une mission de
contrôle et de surveillance des autres hommes libres.

Sur la terre concédée, le vassal jouissait d une immunité qui le fait échapper à
l autorité du comte. La fonction comtale apparaît sous les Carolingiens et ce sont des
fonctionnaires de rang noble chargés d assurer l autorité du roi dans les territoires les
plus reculés. Il exerce une juridiction exclusive sur ses propres hommes dans les
limites du territoire concédé. Ce bienfait était concédé à titre personnel et pour le
temps que le vassal se tenait au service du roi.

La transmission du bienfait n était héréditaire à l origine. Les Carolingiens vont ainsi


engager tous les grands à entrer dans le vasselage, les comtes mais aussi les évêques
et les abbés à entrer dans le vasselage. A leur devoir de fonctionnaire s ajoutait des
devoirs personnels liés au contrat de vasselage. Mais en réalité, le contraire qui s est
produit. Le développement a affaibli l autorité du roi.

Très rapidement les grands se sont mis à considérer que la fidélité due au monarque
est essentiellement contractuelle. Le suzerain ne remplissait pas sa mission
contractuelle comme assurer sa protection.

Le lien de vasselage renforce le lien personnel de l autorité. En outre, les vassaux de


l empereur ont des vassaux et ont encouragé cette multiplication en cascade des liens
vassaliques et pensaient à tort, créer une pyramide féodale vassalique qui culminerait.

Ce n est pas ainsi que s est développé le lien de vassalité car ce lien est de nature
bilatéral basé sur un contrat de vasselage. Ce qui fait qu en cas de conflit, le vassal
choisit de soutenir son seigneur. Si son seigneur est en conflit avec le roi, le vassal du
seigneur soutient le seigneur dû au contrat de vassalité.

L empereur n a plus de pouvoir direct sur ses sujets mais un pouvoir sur ses vassaux
mais pas sur les vassaux de ses vassaux. Ce qui résulte une médiation complète du
pouvoir.

§4. L institutionnalisation du pouvoir politique


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Un pouvoir institutionnalisé à partir du moment où il est transféré de la personne du
gouvernant à l institution, elle en devient le seul propriétaire.

Ce phénomène va se développer à partir de la fin du XIe siècle pour culminer jusqu à la


fin du XVIe siècle où l État émerge avec les traits juridique modernes qu on lui connaît
encore aujourd hui.

Il y a plusieurs dispositifs qui vont contribuer à l institutionnalisation du pouvoir et à la


dissociation de la fonction royale de celui qui exerce.

Il y a des théories qui se traduisent par des dispositions symboliques (deux corps du
roi) d abord au Royaume-Uni, et ensuite en France. Mais aussi au-delà de ces
constructions théoriques, des dispositifs juridiques vont permettre
l institutionnalisation du pouvoir politique.

Ces règles juridiques sont les règles d indisponibilité de la couronne de succession


monarchique inaliénabilité du domaine royal.

A) La théorie des deux corps du roi

C est une théorie qui comme la plupart des concepts du droit public qui est importé de
la pensée théologique. En effet, il s était répandu dans la pensée théologique la
distinction entre le corps mortel du Christ et son corpus mysticum qui représentait
l Église avec à sa tête le Pape.

Cette théorie va être reprise par les légistes du roi pour institutionnaliser le pouvoir
royal. Le royaume va être présenté comme un corps politique c est-à-dire le royaume
est présenté comme un corps dont le roi représente la tête et les sujets ainsi que les
quelques entités territoriales représentent les membres. Cela afin d assurer la
cohésion de la communauté politique autour du roi puisqu il n y a pas de dissociation
possible entre la tête et les membres. La tête commande les membres en biologie
donc le roi commande ses sujets.

C est une première tentative théorique d institutionnalisation du pouvoir. Mais le


problème est la perpétuité de la tête. C est la théorie des deux corps du roi qui va
contribuer à assurer la continuité du pouvoir royal.

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Longtemps il fut considéré que c était le sacre et l élection qui faisaient le roi ce qui
veut dire que les successeurs à la mort du roi, n avaient pas d autorité tant qu il n a pas
été sacré ou élu. Les rois faisaient élire, sacrer leurs successeurs de leur vivant. Il y a
un problème de pérennité du pouvoir royal au-delà de la disparition de son titulaire,
d où cette pratique qui se développe ce sacre vivant du roi.

La dissociation de la couronne (le royaume) et la personne du roi :

Jusqu à la moitié du XIIe siècle, la couronne désigne l objet matériel mais autour des
années 1150, la couronne est considérée comme une entité abstraite et désigne le
royaume distinct de la personne physique du roi et à laquelle les grands vassaux
doivent aussi fidélité. Là aussi cette distinction progressive de la couronne de la
personne du roi vise à assurer une continuité du pouvoir royal car la fidélité n est plus
seulement liée à un individu mortel (le roi), mais est aussi liée à une entité abstraite
(la couronne, le royaume).

Cette émergence de la couronne comme entité abstraite va être favorisée par la


théorie des deux corps du roi que le grand historien Ernst Kantorowicz a
magnifiquement illustré dans son ouvrage de 1957, Les Deux Corps du Roi. Il décrit
comment cette théorie émerge et se traduit dans l Angleterre des Tudors.

Théorie qui est une transposition d une théorie théologique de la bi-corporalité du


Christ. On distinguait le corpus verum christi (le corps physique du Christ) du corpus
mysticum christi (qui désigne l Église, la société chrétienne avec à sa tête le Pape).
Cette théorie va être transposée par les légistes des rois Tudors anglais au pouvoir
royal.

On va progressivement distinguer la personne physique du roi du corps mystique,


politique (la couronne) destinée à se perpétuer au-delà de la disparition du souverain
régnant. L intérêt de cette distinction est de penser à l institutionnalisation du pouvoir
par-delà la finitude de son incarnation concrète.
Et cette théorie des 2 corps du roi a eu des traductions symboliques.
Exemple : l habitude prise par les présidents du Parlement (organe judiciaire) de ne
pas porter le deuil lors des funérailles du roi pour marquer la pérennité de l État
judiciaire au-delà de la disparition physique du roi. Les parlementaires suivaient le
cercueil du roi en habit pourpre.

Emmanuel Le Roy Ladurie, dans son livre L Histoire de France, expliquait que quand
François Ier meurt le 31 mars 1547, la pérennité de l office suprême est figurée par
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« l effigie du défunt mannequin grandeur nature ». Le roi défile debout en pourpre. Les
parlementaires sont en robe écarlates ». Ce cérémonial a été importé d Angleterre en
1422 à la mort de Charles VI.

Autre disposition symbolique :


- « Le roi est mort ! Vive le roi ! » qui apparut en 1515 à la mort de Louis XII
- « Le roi ne meurt jamais. » formule courante du XVIe siècle.

Cette théorie a des conséquences :

• C est qu à partir du XVe siècle, le roi s estime de plus en plus tenu par les actes
de ses prédécesseurs. Le royaume qui s est engagé et non le prédécesseur. Le
roi paye les dettes de son prédécesseur, maintient les officiers et les traités.
• Le royaume devient le siège de droit, de pouvoir, dont le roi n est que le
dépositaire. Ces droits et prérogatives obéissent à des règles que le roi doit
respecter, et qui vont prendre le nom de loi fondamentale du royaume et cette
dernière, contribue à l institutionnalisation du pouvoir politique c est-à-dire à la
dissociation entre la couronne et le roi, les règles de la dévolution de la
succession monarchique, d indisponibilité de la couronne, d inaliénabilité du
domaine royal.

B) Les règles de succession monarchique (dévolution de la couronne)

En effet, la transmission de la couronne va progressivement obéir à des règles qui


échappent au droit commun, règles qui d une part correspondent aux règles
successorales classiques des fiefs (principe héréditaire) qui vont progressivement
s imposer au détriment de l élection et du sacre.

Les droits des règles spécifiques comportent le principe de masculinité et de


collatéralité et aussi le règle de l exclusion de la parenté par les femmes. Ces règles
s imposent toujours en réponse à des évènements historiques particuliers, à une
conjoncture particulière.

1) Le principe de masculinité et collatéralité

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Il était de tradition en France pour la transmission des fiefs y compris du royaume
comme pour la succession des principaux royaumes occidentaux, il était de tradition
qu à défaut d héritier mâle, la succession revient aux femmes.

En France, longtemps le problème ne s est pas posé. A défaut d héritier mâle, avant
que le principe dynastique s impose totalement, il faisait sacrer de leur vivant leur
héritier mâle. La loi du sang ne suffit pas. Le problème ne s est pas posé car il y a un
miracle capétien. Les rois ont toujours eu des fils (douze générations + trois siècles).

La première fois qu il s est posé était en 1316 quand meurt Louis X le Hutin et celui-ci
ne laisse comme héritier une fille Jeanne qui doit le succéder. Son oncle s oppose à
l accession de trône de Jeanne et se fait sacrer en 1317 à Reims sous le nom de
Philippe V puis il convoqua les Grands pour confirmer le sacre. De là l assemblée des
Grands posa comme principe « que femme ne succède à la couronne de France ».

À cette règle de masculinité s ajoutait à un principe de collatéralité masculine c est-à-


dire qu en l absence d héritier mâle direct, la couronne devait revenir au frère plus âgé
du défunt.

Il va s appliquer à la mort de Philippe V en 1322 qui ne laisse que deux filles. Qui fut
désigné le roi ? C est son frère Charles IV.

Cela va se corser car il meurt en 1328. A nouveau sans laisser d héritier mâle et du
coup, un conflit successoral surgit qui oppose le neveu de Charles IV, Édouard III
d Angleterre, qui est le fils de la sœur de Charles IV, Isabelle, et Philippe de Valois, qui
est le cousin du roi défunt par le père.

2) L exclusion de la parenté par les femmes

Édouard III est le plus proche du roi défunt mais la question est de savoir est-ce
qu une femme peut transmettre des droits qu elle-même ne peut pas exercer. C est
finalement au nom de ce principe qu on a posé la règle de l exclusion de la parenté par
les femmes.

L assemblée des Grands élit Philippe de Valois qui devient Philippe VI. Ce fut plus par
réflexe national que par réflexe du genre qu on a décidé ainsi. Édouard III s est incliné
et a prêté serment de fidélité car il était duc de Guyenne et quelques temps, il se
ravise et débute la guerre de Cent ans à partir de 1337.

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Lorsque cette querelle dynastique éclate, les légistes firent valoir que le royaume n est
pas un héritage et c est une dignité qui requiert une personne compétente pour
l assumer. (Analogie avec la prêtrise, seuls les hommes peuvent être prêtres donc
seuls les hommes deviennent roi. Cela soigne la dimension sacrée du roi).

Mais les Anglais firent valoir qu il n y a pas de texte juridique. Les légistes du roi
exhumèrent une loi : la loi salique dont le dernier alinéa excluait les femmes de la
succession à la terre salique.

C est ainsi en 1410 Jean de Montreuil, dans son Traité contre les Anglais, présente la
loi salique comme une Constitution et la fait remonter au premier roi mythique des
francs, Pharamond.

On voit bien qu à travers le principe de masculinité, de collatéralité et le principe


d exclusion des femmes, sous la contrainte des évènements, élaborant les règles de
dévolution que le royaume n est pas un bien ordinaire qui obéirait à des règles
successorales classiques et dit échapper au bien commun. C est le premier statut du
droit exorbitant de droit commun.

C) Le principe d indisponibilité de la couronne

Les règles de la dévolution et la théorie des deux corps font apparaître la royauté
comme une sorte d office publique. La loi salique désigne un successeur légitime et la
fonction royale comme sa transmission obéissent à des règles spécifiques (exorbitant
du droit commun), règles qui sont à l abri de toute volonté individuelle même la volonté
du roi.

Et c est ce que va exprimer le principe d indisponibilité de la couronne. C est ce


principe qui fait que les règles de dévolution soient indisponibles au roi et ne peuvent
pas s y déroger. Ce principe va s imposer lorsque l autonomie de la succession royale
fut dramatiquement remise en cause en 1420 avec Charles VI, le roi fol.

Nous sommes dans la dernière partie de la Guerre de Cent ans. Le roi Charles VI
affecté d une maladie mentale est écarté du pouvoir au profit de son épouse la reine
Isabeau, elle-même soutenue par le clan des Bourguignons et tout cela au profit du
parti anglais.

Le dauphin qui deviendra Charles VII soutenu par le parti Armagnac. Le dauphin
s installe à Bourges. Conflit entre les prétentions du dauphin, fils de Charles VI et de
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l autre côté le parti des Bourguignons qui soutient la reine Isabeau qui soutient les
prétentions du roi.

En 1419, une conciliation est tentée entre les deux parties. Mais lors de l entrevue qui
a eu lieu à Montereau, le 14 septembre 1419, le duc de Bourgogne Jean sans Peur est
assassiné par des hommes de main du Dauphin. Ce qui envenime le conflit.

Le traité de Troyes est conclu les 20-21 mai 1420 en vertu duquel le roi Charles VI
téléguidé par son épouse, donne sa fille Catherine en mariage au roi d Angleterre Henri
V qui est par ce traité qualifié d héritier de roi de France. Donc on voit que par ce
traité, le dauphin est exclu de la succession du trône alors qu il est l héritier légitime
en vertu des règles de la succession monarchique.

En 1422, le roi Henri V meurt laissant un fils qui n est âgé que de 10 mois et le futur
Henri VI. Deux mois plus tard, le roi Charles VI décède.

Le petit Henri VI est proclamé roi de France lors des funérailles de Charles VI par le
parti anglais, la reine Isabeau. Parallèlement le dauphin Charles s est lui-même
proclamé roi et revendique son droit qui s estime légitime.

Les juristes partisans de Charles VII vont plaider la nullité du traité de Troyes, et donc
de l exclusion du dauphin dans la succession au trône. Et notamment Jean de
Terrevermeille qui produira plusieurs écrits.

Et dans ses écrits (tractatus), il qualifie le dauphin, de « successeur nécessaire auquel


personne ne peut rien changer ». Il va développer tout un raisonnement juridique pour
démontrer l indisponibilité de la couronne c est-à-dire le caractère intangible des
règles de succession au trône.

Dans ses écrits, il souligne d abord la nature coutumière des règles de dévolution de la
couronne et il souligne que ces règles coutumières sont le fruit du corpus mysticum du
royaume et du corpus christi formé du roi et ses sujets. Par conséquence, ces règles
forment un ordre juridique supérieur auquel personne peut déroger même pas le roi.

Ce qui émerge c est un statut de droit public, des règles de dévolution de la couronne
forment ainsi un vrai statut de droit public. Autrement dit les règles de succession au
trône sont des règles de droit public. Les règles successorales de droit privé
permettent un testateur par testament de déshériter un héritier et désigner quelqu un
autre. C est vrai pour les fiefs, et les seigneuries mais ce n est pas vrai pour la
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couronne qui n obéit pas aux règles de droit privé. Elles ne peuvent pas faire l objet de
stipulations conventionnelles ou testamentaires.

Jean de Terrevermeille considère que le dauphin n est pas héritier de son père. Il est le
successeur nécessaire qui à la succession est investi des droits du trônes (jura regni)
qui sont attachés non à la personne du roi mais à sa fonction (dignitas).

L héritier tel que désigné par les règles de succession monarchique a un droit acquis
de succession fondé sur les droits de sang. Mais c est aussi un devoir car le
successeur ne peut pas renoncer à la couronne. Cela a pour but d exclure les
prétentions anglaises.

Il va y avoir des conséquences politiques et juridiques :

Conséquence politique :

• Le roi de Bourges (Charles VII) est très faible. Mais il y eut le secours de la
bergère de Domremy, Jeanne d arc, écoutant l appel de l archange Michel, de
sainte Catherine et de sainte Marguerite, alla jusqu au roi et se présenta à lui et
lui demander de confier une armée et le faire sacrer à Reims, ce qu elle a réussi
à faire. Grace à elle, le roi gagna des batailles et se fait sacrer à Reims en 1429.
A nouveau prédomine un réflexe national face aux anglais et que la succession
au trône a un caractère national et donc à un loyalisme envers la dynastie
française contre les prétentions anglaises. Même si le roi Henri VI s est
proclamé roi de France en 1431. Le roi Charles VII est légitime.

Conséquence juridique :

• L argumentation juridique de Jean de Terrevermeille c est qu en faisant de ces


règles un statut de droit public inviolable, intangible, va contribuer à faire
émerger un État conçu comme une entité permanente, dotée de prérogatives,
dont celui qui est à sa tête n est que le dépositaire temporaire.

La dernière forme d institutionnalisation du pouvoir royal est l inaliénabilité du


domaine royal

D) L inaliénabilité du domaine royal

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Le pouvoir royal et le principe d indisponibilité de la couronne seraient sans effectivité
si le roi pouvait disposer à son gré, le domaine royal. Autrement dit, le pouvoir royal
étant indisponible, les biens relevant de la couronne et qui sont soumis à ce pouvoir,
sont eux-mêmes indisponibles et inaliénables.

Ce principe qui fut le plus long à s imposer. Les différents rois des Francs qui
partageaient le royaume en différents territoires en fonction du nombre d enfants. Le
domaine royal pouvait être disposé à son gré par le roi.
Ce n est pas avant le règne de Philippe le Bel (1285-1314), qu on s inquiète des
aliénations royales.

Exemple : la pratique des apanages ! Louis VIII qui fut roi de France entre 1223 et
1226 était le fils de Philippe Auguste, qui a considéré étendu le royaume de France en
détriment de ses vassaux et des étrangers. Il pouvait faire des dotations ad panem au
profit de ses fils puînés. C est ce qu il fait et il donne :
- Le comté d Artois à son deuxième fils
- L Anjou et la Touraine à son troisième fils
- Le comté de Poitiers au quatrième.

Plus tard, Jean II le Bon (1350 -1364) donna le duché de Bourgogne en apanage, à
Philippe le Hardi en 1363 et récompensait ses loyaux serviteurs en donnant des droits
domaniaux. Donc il perdurait encore la vision patrimoniale, alors qu en Angleterre, le
principe inaliénabilité du domaine royal a triomphé au XIIIe siècle.

On prend conscience de l importance pour la couronne des revenus domaniaux (des


récoles, des fermages). Ces revenus domaniaux étaient censés assurer l entretien de
l administration et de la maison royale y compris l armée royale. L impôt est considéré
comme une ressource subsidiaire et ponctuelle (impopulaire).

La deuxième raison d ordre stratégique : ces amputations du domaine royale


affaiblissaient le domaine royal. Il suffisait d évoquer l apanage désastreux donné à
Philippe le Hardi, car la lutte avec les Bourguignons a dominé l agenda politique
pendant un siècle. Le duché de Bourguignon fut un temps plus fort que le royaume de
France.

1) L émergence du principe

L émergence fut progressive même s il y a eu plusieurs tentatives.

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Entre 1316 et 1319, son successeur, Philippe V le Long avait pris une série de
mesures qui visait à reconstituer le domaine royal, et qui consistait en l annulation de
toutes les donations faites depuis le règne de Saint Louis, mort en 1270 à Tunis.

Le roi a tenté de poser des règles visant à limiter l aliénation du domaine royal,
tentative sans succès dans un premier temps. Plus tard, en 1329, une assemblée
réunie par le roi Philippe VI, roi de 1328 à 1350, défendit l inaliénabilité du domaine
face aux clergés. Il prétendait que seul le roi pouvait exercer un pouvoir y compris un
pouvoir judiciaire pour s opposer à la justice ecclésiastique. Le domaine était associé
au pouvoir.

En 1357, les États Généraux jugent la pression fiscale illégitime car ils considèrent que
ce n est que la conséquence de la prodigalité royale. Le roi donnant trop facilement
des portions du domaine royale. Puis fut inséré dans la promesse du sacre, une clause
d inaliénabilité. En 1361, le roi Jean le Bon décide que lors du sacre le roi doit prêter un
serment d inaliénabilité ce qui permettrait aux différents rois durant la guerre de cent
ans de déclarer nul la cession territoriale consentie aux anglais sous la pression des
armes.
Ce principe d inaliénabilité du domaine royal fut confirmé dans l ordonnance de
Moulins en 1566 et de l ordonnance de Blois de 1579. Ce principe n a jamais été
absolu et a connu des tempéraments et des exceptions.

2) Les exceptions au principe

Malgré ce principe d inaliénabilité, la pratique d apanage a subsisté (la donation des


territoires ad panem au profit des fils cadets du roi de France). Cette pratique va
subsister et va miner l autorité royale car les apanages sont attribués aux princes de
sang qui ne sentent pas liés par un lien vassalique et qui sont imbus du prestige
attaché à leur sang comme le roi, ils ont un sang royal.

Par conséquence, ils vont vouloir considérer leurs apanages comme des entités
souveraines c est notamment le cas du duché de Bourgogne.

Le duché de Bourgogne devient rapidement une principauté très puissante. Le


successeur de Philippe le Hardi, Jean Sans Peur n a pas hésité à s allier aux anglais
pour servir ses intérêts. C est ainsi qu encore une fois la lutte entre le pouvoir royal et
le duché de Bourgogne a dominé la seconde moitié du XIVe siècle et première moitié
du XVe siècle et pris fin la mort de Charles le Téméraire en 1477 à Nancy.

16
Le roi Louis XI récupéra la Bourgogne et la Picardie par le traité d Arras en 1482. Les
autres possessions revenant à l empereur d Autriche Maximilien de Habsbourg, gendre
de Charles le téméraire.

Pour limiter les effets néfastes, furent imposés un certain nombre de gardes fous :
• Seuls les fils de roi de France sont les bénéficiaires. S ils décidaient sans
héritier mâle direct, le bien revenait à la couronne
• Par ailleurs l apanage est placé dans la mouvance directe de la couronne, ce qui
emportait 2 conséquences :
- L apanage ne pouvait être aliéné
- Son bénéficiaire était un vassal du roi, qui gardait ainsi une juridiction
supérieure.

3) La justification de l inaliénabilité

Les légistes du roi pour établir l inaliénabilité ont à nouveau cherché dans le droit
canon.
Le droit canon avait posé un principe d inaliénabilité des biens de l Église. C est ainsi
que depuis le XIe siècle, les évêques devaient prêtés serment de ne pas aliéner les
biens de leurs diocèses. À nouveau, les légistes du roi vont transposer ces règles du
droit canon pour l appliquer au pouvoir royal. De même que la couronne est
indisponible, les biens de la couronne sont inaliénables car ces biens sont soumis au
pouvoir royal. Autrement dit, le roi ne peut pas disposer de la couronne ni du domaine
royal, il en est le simple administrateur et doit remettre intact à son successeur.

Il y a ainsi toute une série de règles qui contribuent à dissocier le pouvoir royal de la
personne de son détenteur. La couronne émerge avec ce statut de droit public comme
une entité abstraite véritable siège de l autorité et détentrice de droits et de
prérogatives opposables à tous même au roi.

Pour qu il acquiert le caractère juridique comme communauté politique souveraine ou


entité dotée de la souveraineté, il a fallu que l autorité royale s affirme tant vis à vis de
l Église que vis à vis des vassaux.

SECTION 2 ‒ LA LENTE SÉCULARISATION DU POUVOIR

C est une question qui a dominé l agenda politique de l Occident pendant très
longtemps. La question théologico-politique de l origine du fondement et du titulaire
du pouvoir politique.
17
La réponse longtemps répandue fut celle qui découlait de l Empire aux Romains
(13ème épitre) par l apôtre Paul.
Saint Paul disait « que chacun se soumette aux autorités en charge car il n y a point
d autorité qui ne vienne de Dieu (origine divine du pouvoir) et celle qui existe sont
constitués par Dieu si bien que celui qui résiste à l autorité se rebelle contre l ordre
établi par Dieu ».
Cette réponse ne résout pas tout.

Un débat a longtemps perduré jusqu à la fin du Moyen Age, à savoir entre les deux
pouvoirs, lequel est supérieur à l autre ?
Le pouvoir de l Église avec à sa tête le Pape et le pouvoir royal ou impérial avec à sa
tête le roi ou l empereur. Qui détient le pouvoir ?

Longtemps l idée qui a dominé fut le pouvoir temporel.


Fort lentement que finalement, l ordre politique (le pouvoir temporel) va sortir de
l univers politico-religieux ! c est le processus de sécularisation du pouvoir.

Le pouvoir temporel va très lentement acquérir des objectifs et une légitimation


autonome par rapport à l universel religieux (la paix chrétienne, le salut chrétien, la
légitimation de l ordre voulu par Dieu).
Très progressivement le pouvoir temporel va se séculariser et va sortir du domaine
religieux pour obéir une légitimation autonome par rapport à la religion chrétienne.
Lecture d Ernest Wolfgang Böckemförder, qui a écrit en allemand et traduit en français
par Olivier Jouanjan, Le droit, l État et la constitution démocratique (recueil des
principaux écrits).

§1. Les carolingiens ou l avènement d une dynastie de droit divin et


d une théocratie royale

A) Le sacre royal

1) L instauration du sacre royal

Quand apparaît le sacre, il apparaît assez tard. Les Mérovingiens ne se faisaient pas
sacrer. Ils se faisaient élire.

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Même Clovis s est fait baptisé par l évêque de Reims, le 25 décembre 496 en raison de
la promesse faite à sa Clotilde à l aune de la victoire à la bataille de Tolbiac. Le sacre
apparaît avec l avènement de la dynastie carolingienne. Le dernier roi Mérovingien ou
fainéant Childéric III fut évincé en 751 par son maire du palais Pépin le Bref qui se fit
élire par les Grands comme roi des Francs, qui fondent ainsi en 751 la dynastie
carolingienne.

Pépin le Bref est élu mais pour conforter son pouvoir, il se fait consacrer par les
évêques francs qui au cours d une cérémonie solennelle l ont oint d une huile sainte et
l apposent de cette huile au front, ce qui fait de lui ou lui donne une dignité spéciale. Il
est élu par le peuple et par les grands laïcs.
C est une autorité constituée par Dieu car en 754, il se fait sacrer par le Pape ainsi que
ses deux fils Charles et Carloman.

2) La monarchie sacrée ou élective

On a vu que les rois Carolingiens sont sacrés mais l élection perdure. Le sacre fut
précédé par l élection des Grands du royaume même si le successeur est choisi parmi
les enfants du royaume.

En 987, fin des Carolingiens et avènement d Hugues Capet, duc de Neustrie et comte


de Paris. Il se fait élire et sacrer à Reims en 987 et l élection se maintient jusqu à
Philippe auguste. A sa mort, pour la première fois, son successeur sera simplement
sacré et non élu.

3) La cérémonie et la signification du sacre

C est l archevêque de Reims qui a le privilège de sacrer le roi.


Seule exception ! le roi Louis VI le Gros sacré à Sens.

La cérémonie de sacre comporte 3 temps :


- La promesse ! le roi s engage à procurer la paix aux chrétiens, lutter contre les
ennemis de Dieu et à faire régner la justice. Par la promesse, l Église tente à
faire de la royauté un ministère. Quelle est la mission royale ? c est une mission
chrétienne, lutter contre les hérétiques, conserver la paix de dieu
- L élection ! l archevêque de Reims élit les rois et le peuple présent

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- L onction ! le roi reçoit l onction de l huile sainte qui fait de lui l élu de dieu et
est censée communiquer l esprit et la sagesse.

Enfin lui sont remis les signes du pouvoir royal : l anneau (lien entre le roi et le peuple),
l épée (lutter contre les hérétiques, garder la paix) et enfin la couronne et le sceptre
(symbole de la majesté). Le sacre fait du roi quelqu un de dépendant à l égard de
l Église, il doit rendre compte de son ministère à l égard de l Église.

Mais d un autre coté le cérémonial du sacre est très proche du rituel de consécration
d un évêque. Si on tente à situer le roi, dans l ordre du sacré, au même niveau que
l évêque. On va voir que les Carolingiens vont en user pour prétendre régenter le
pouvoir spirituel en plus du pouvoir temporel (césaropapisme).

L autre dimension du sacre, qui donne une dignité spéciale au roi, apparaît dès le XIe
siècle, la vision d un roi thaumaturge. Ce roi a le pouvoir de guérir les malades atteints
des écrouelles (maladie d origine tuberculeuse qui se traduit par un abcès froid qui se
fistulisait durablement, puis laissait des cicatrices).

B) Le césaropapisme

1) L ère du césaropapisme

Avec les Carolingiens va s imposer une théocratie royale (gouvernement des hommes
par Dieu). Ce qui va se passer pour les Carolingiens, c est que les premiers rois vont se
faire sacrer et avec l aide des légistes, à l imitation des empereurs romains, le roi tient
son pouvoir de la volonté de Dieu.
Apparaît la formule « Roi par la grâce de dieu, élu du seigneur. »
Il devient lui-même prêtre.

Il est chargé d un ministère exercé au nom de Dieu et au service de Dieu. C est le rôle
de l Église de vérifier s il acquitte correctement.
D un autre côté, ils exercent leur ministère avec autorité sur l Église = confusion des
pouvoirs temporels et spirituels.

Aidée dans un premier temps par les clercs, la doctrine de l Église a évolué. Cette
prétention césaropapiste des rois carolingiens et donc à confondre en leurs mains le
pouvoir temporel et spirituel, l Église sera confortée par 2 évêques :
Jonas d Orléans (760-843) et Agobard de Lyon (779-840).

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La fonction royale est considérée comme un ministère royal exercé au nom de Dieu et
à son service. Le roi est considéré par le sacre comme étant prêtre et clerc ce qui fait
que le roi des Francs puis l empereur des Romains va intervenir dans les affaires de
l Église comme dans les nominations des évêques en tant qu auxiliaires privilégiés du
pouvoir temporel et spirituel mais il va intervenir dans les controverses théologiques,
en convoquant lui-même les conciles.

Ainsi, le roi des Francs et empereurs tentent de confondre en ses mains le pouvoir
temporel et spirituel. Ce n est pas une innovation mais une résurrection de ce qui
existait sous les empereurs romains qui détenaient la dignité impériale et pontificale.

Depuis Auguste, l empereur romain était pontifex maximus. Le culte impérial unissait
les habitants de l Empire autour de prières pour l empereur, de cérémonies de
sacrifice. L empereur lui-même a bénéficié d un culte pour sa personne. Dans l empire
romain, fidélité politique et foi religieux étaient liés, ce qui entraînent des difficultés
pour les chrétiens. Néron poursuivant les chrétiens, les envoie dans les arènes pour se
faire bouffer par des lions.

L empereur Constantin se convertit en 312 au christianisme et confond toujours entre


ses mains le pouvoir temporel et spirituel. Parce qu Eusèbe de Césarée présente
Constantin comme le lieutenant de Dieu sur Terre. Constantin siège avec les évêques.
Dans le modèle eusébien, l Empire englobe l Église et le pape accepte la suprématie
de l empereur.

C est l empereur qui convoque les conciles et les préside. Ces conciles sont réunis
pour lutter contre les hérésies. Parmi les hérésies, Saint Augustin dénonçait
l arianisme qui niait la divinité du Christ ou encore le pélagianisme qui soutenait que
l homme par son libre arbitre pouvait s abstenir de son péché. (L homme était
condamné par le péché originel et flétrie et ne pouvait obtenir son salut que par la
grâce de Dieu.)

Les empereurs romains se posaient en tant que gardien attitré de dogmes. Les
hérétiques subissaient des condamnations religieuses, civiles et criminelles. A partir
de 380 avec l édit de Thessalonique, le Christianisme devient la religion officielle de
l Empire mais confusion des pouvoirs au profit de l empereur. Ce qui complique la vie
de tous les sujets de l empire qui ne sont pas païens comme les païens et les juifs
notamment considérés comme des impies, des délinquants par rapport à la loi civile et
criminelle.

21
Le césaropapisme va disparaître en 476 avec la chute de l empire romain d occident
avec le dépôt de Romulus Augustule qui fut destitué par le général Odoacre.

Dans un premier temps va s imposer l idée de la séparation des deux pouvoirs. Le pape
Gélase, pape de 492 et 496, la séparation des deux pouvoirs est actée pour lutter
contre le césaropapisme et que le pouvoir temporel est subordonné au pouvoir
spirituel.

Cette conception gélasienne va s imposer en Occident avec la chute de l empire


romain. L empereur byzantin détient les deux pouvoirs, désigne et dépose le patriarche
de Constantinople.

Le césaropapisme revient avec les Carolingiens et connaîtra un prolongement avec le


Saint-Empire romain germanique.

Le fondateur du Saint-Empire romain germanique Otton Ier le Grand en 962. Otton va


essayer d imposer et va réussir à imposer le césaropapisme et va soumettre à
l élection du pape au consentement de l empereur. Otton interdit que le nouveau pape
se fasse élire par les cardinaux sans que l élection soit avalisée par l empire. Et ainsi le
13 février 962, il promulgue le privilegium ottonianum qui oblige tout nouveau pape à
prêter serment auprès de l empereur et son envoyé avant sa consécration et n hésitera
pas à déposer un pape qui intriguait contre lui dès 963. Ce césaropapisme va perdurer
jusqu au XIIe siècle.

2) La remise en cause du césaropapisme : la querelle des investitures

La querelle des investitures tend de 1075 à 1122. Les Ottoniens empereurs du Saint-
Empire romain germanique prétend contrôler le choix des papes. En outre, les
empereurs ottoniens donnent les investitures temporels et spirituels aux évêques.
Donc ils investissent les évêques de leurs choix. Et jusqu au règne d Henri III, qui
règne de 1039 à 1056, ce système fonctionne correctement.

Dans la seconde moitié du XIe siècle, cette politique va être combattue par les
réformes grégoriennes mises en œuvre par la papauté et notamment Grégoire VII.
L idée générale de la réforme est de lutter contre le césaropapisme, de lutter contre la
mainmise du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel.

22
Comment lutter ? Pour la papauté, l inconduite des clergés est due à l investiture des
laïcs. On dénonce le nicolaïsme des prêtres (le mariage, ou le concubinage), la simonie
(trafic des charges et des titres ecclésiastiques).
L ensemble des problèmes seraient dus à l investiture laïque car les empereurs et les
officiers impériaux ne nommeraient pas les personnes les plus compétentes mais qui
servira au mieux leurs intérêts.

C est pourquoi dans un premier temps, en 1059, l héritier de l empereur Henri III, Henri
IV n a que 6 ans. Le pape Nicolas II en profite et réserve l élection du pape aux seuls
cardinaux et n est plus l homme de l empereur. Il faut libérer la tutelle des abbés, des
évêques, des mains de l empereur et des rois.

C est l un des objets de la réforme grégorienne (Pape Grégoire, 1073 à 1085) et le pape
publia les dictatus papae (27 propositions) par lesquels ils condamnent les investitures
laïques et donc le système des investitures laïcs par les empereurs et rois sous peine
d excommunication.

Il ne faut pas sous-estimer la réforme grégorienne et donc on remet en cause l autorité


de l empereur comme représentant de Dieu et que le clergé est à son service. Pour le
pape, l empereur est un laïc.
Ce que pose la réforme grégorienne est la distinction des deux pouvoirs et l empereur
est laïc.

En même temps, Grégoire VII dit que les deux pouvoirs sont séparés mais le pouvoir
temporel est subordonné au pouvoir spirituel car le pape qui est le successeur du
Christ est le seul à avoir un pouvoir universel supérieur donc au pouvoir du souverain.
Tous les détenteurs du pouvoir temporel y compris l empereur doivent obéissance à
l église et donc au pape.

L empereur est comme tout chrétien soumis au commandement de l Église. Qui a le


seul le pouvoir d interpréter les commandements chrétiens ? C est l Église et donc elle
a le pouvoir spirituel.

Donc dixit la réforme grégorienne, les souverains sont les subordonnés du pape et
donc il appartient au pape de s assurer de l aptitude des souverains à exercer leurs
fonctions, leurs pouvoirs. C est un pouvoir présenté comme découlant d une
habilitation donnée par l Église par le biais de sacre.

23
Autrement dit réforme grégorienne = affirmation de la séparation des deux pouvoirs
et subordination du pouvoir temporel au pouvoir spirituel et donc affirmation d une
théocratie pontificale (gouvernement par Dieu à travers le pape).

Les souverains n acceptent pas et l empereur Henri IV entre autres. L empereur refuse
de se plier à la réforme grégorienne et fut excommunié et déposé par le pape et donc
fait face aux révoltes des princes souverains qui prennent la cause du pape. Pour
retrouver son autorité, l empereur chevauche à la rencontre de Grégoire VII à Canossa,
au nord de l Italie, où il attend trois jours en habit de pénitent, et implore son pardon
devant le pape qui le reçoit. Et donc le pape lève l excommunication. Mais aussitôt
rétabli dans ses fonctions, l empereur fait un synode et élit un antipape Clément III.
L empereur s empare de Rome et fut couronné en 1084 à Rome. Le pape meurt le 24
mai 1085.

La lutte se poursuit entre les partisans de l empereur et les partisans laïcs du pape.

Finalement l accord est conclu en 1122 sous le nom de Concordat de Worms.


L empereur renonce à l investiture des évêques et donc à la remise de la crosse et
l anneau à l évêque et donne seulement l investiture temporel de l évêque. Il assume
comme les grands laïcs des fonctions régaliennes pour le compte de l empereur.

Mais en outre ce droit de regard ne s applique dans les possessions germaniques de


l empire. Un siècle plus tard, Frédéric II renonce à toute investiture.

3) Les conséquences de la querelle des Investitures : l émancipation du pouvoir


temporel

Cette prétention du pape à régenter et à contrôler le pouvoir temporel va jusqu au XII


siècle et XIIIe siècle.
Saint Bernard de Clairvaux (1091-1153) va conforter les prétentions à une théocratie
pontificale avec sa fameuse théorie des deux glaives.

Il dit que « le glaive spirituel et le glaive matériel appartiennent tous deux à l Église
mais le glaive matériel doit être tiré pour l Église et le glaive spirituel par l Église. L un
dans la main du prêtre, l autre dans la main du soldat. A l ordre du prêtre et au
commandement de l empereur ».

En 1245, dans une décrétale, le pape Innocent IV décrétera encore « notre seigneur
Jésus Christ a constitué au profit du saint siège une monarchie non seulement
24
pontificale mais aussi royale si bien que le pontife royal peut exercer son pouvoir sur
tout chrétien ». La même année, le pape déposera l empereur Frédéric II.

Néanmoins petit à petit, la prétention à une théocratie pontificale va perdre du terrain.


Ce qui va rester de la réforme grégorienne, des dictatus papae c est l affirmation du
pape Gélase II au Vème siècle, de la séparation du temporel et du spirituel.

L ordre politique est sorti de la sphère religieuse, sacramentelle. Cela était fait dans
l optique de lutter contre le césaropapisme, contre la prétention de l empereur de
régenter l Église mais paradoxalement ça va conduire à une émancipation du pouvoir
temporel par rapport au pouvoir spirituel.

Le pouvoir temporel devient autonome pour permettre de devenir une communauté


politique souveraine par rapport aux commandement religieux. Très longtemps encore
le pouvoir temporel aura un sous-bassement religieux tout en étant émancipé de la
tutelle de l Église.

C) L affaiblissement de la portée juridique du sacre

Ce qui va rester de la réforme grégorienne dans le long terme est l émancipation du


temporel fruit de la séparation des deux pouvoirs. Le problème des souverains est lié
au sacre.

Alors comment malgré le sacre accrédité l idée que la légitimité du pouvoir royal ne
dépende pas de l Église ? Le sacre était présenté par l Église, et est un moyen de
contrôler l exercice du pouvoir royal.

D abord le sacre comme un moyen d asseoir le pouvoir royal juridiquement perd son
importance avec l avènement des règles de dévolution de la couronne.

Qui devient le roi ? Les règles de primogéniture mâle, les règles d indisponibilité de la
couronne qui le désignent.

Et il contribue à la théorie des deux corps du roi qui permet une permanence du
pouvoir royal au-delà du décès du roi et avant le sacre du nouveau roi = instantané de
la succession.
Le principe d instantanéité de la succession est posé par une ordonnance royale du 14
avril 1403. Elle devient dynastique et indépendante de l approbation de l Église.

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C est le sang qui consacre le pouvoir royal. Quand Saint Louis meurt en 1270, Philippe
III présent à Tunis assume la plénitude du pouvoir immédiatement. Il devient roi de
France avec tous ses droits et privilèges. Les légistes du roi veulent émanciper le
pouvoir royal de la tutelle de l église. Les légistes du roi ne veulent aucunement
remettre en cause le sacre comme origine divine du pouvoir royal.

L évêque Bossuet en tête s oppose à toute désacralisation du politique. Il développe la


théorie du droit divin. Le pouvoir du roi provient directement de Dieu sans la médiation
de l Église. C est une autorité constituée par Dieu pour exercer le pouvoir temporel.

À la hiérarchie, Dieu, Pape puis le roi revendiqué par la théocratie papale est substitué
par une double hiérarchie entre d un côté Dieu/pape et de l autre, Dieu/roi pour le
pouvoir temporel. Cette double hiérarchie est au fondement de l absolutisme royale.

Ce que les légistes vont s imposer est que le sacre a une origine divine sans la
médiation de l Église car séparation des pouvoirs temporel et spirituel.

D) L affirmation de l indépendance du pouvoir royal à l égard du pouvoir


pontifical

Il s agit de lutter contre la prétention du pouvoir spirituel à régenter le pouvoir


temporel. Et du coup les empereurs, les rois de France vont revendiquer une
autonomie vis à vis du Saint-Siège, à partir du XIVe siècle et vont l affirmer. Cette
revendication culminera et triomphera avec les théories de la souveraineté de l État au
XVIe siècle et les théories de Bodin.

A la théocratie originelle commune au césaropapisme via le roi, l empereur et à la


théocratie pontificale va succéder une distinction marquée du temporel et spirituel
progressivement.

1) Le conflit célèbre entre Philippe le Bel et le Pape Boniface VIII

1er conflit :

L origine du conflit c est une question d argent et est lié à l impôt levé du clergé.

Le roi avait besoin d argent pour financer une campagne militaire en Flandres. En
1295, il veut lever cette campagne et il a besoin d argent et lève un impôt sur le clergé.

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Traditionnellement il fallait l autorisation du pape. Or le roi se contente du
consentement d une assemblée synodale (évêques de France).

L argumentation pour justifier un tel impôt c était qu il était normal que le clergé
participe aux dépenses communes à partir du moment où il participait à la défense du
royaume dont le clergé bénéficie également.

Le pape, dans une décrétale du 24 février 1296, interdit aux clercs de payer la taxe
déclarée, rappel de l interdiction fait au pouvoir temporel de lever un impôt sur le
clergé sans l accord du pape.

On retrouve à nouveau la question de qui est le pouvoir suprême ?

Les partisans de la royauté à nouveau s appuyant sur Saint Thomas d Aquin (le grand
théologien qui succède à Saint Augustin, qui dans sa théologie s appuie sur Aristote et
l adapte aux besoins de l église), plaident l autonomie du pouvoir politique par rapport
au pouvoir religieux.

Aristote dit que l homme est un animal politique et que la société politique est
naturelle à l homme et existe indépendamment de tout ordre religieux, ni procède de
l ordre religieux. Les légistes du roi déforment cela pour affirmer l autonomie du
pouvoir religieux.

Réagissant à la décrétale du pape, Philippe le Bel interdit toute sortie du fond du


royaume à la direction du pape, privant la papauté d une partie de ses revenus. Dans
cet attitude, réaction, Philippe le Bel obtient le soutien du clergé français (réflexe
national). Ce qui fait que finalement Boniface VIII admit le roi en cas d urgente
nécessité pouvait réclamer du clergé une aide financière sans le consentement du
pape.

2ème conflit opposant les mêmes parties en 1301 :

L évêque français de Pamiers est jugé pour crime d hérésie par la cour du roi, trahison
et lèse-majesté. Pourquoi ? Il avait d une part, soutenu la révolte du Midi et a affirmé
que la canonisation de Saint Louis était une erreur.

Cela viole le privilège du for qui veut que le clergé ne puisse être jugé par les clergés.
Boniface VIII s en émeut et dans une bulle papale du 5 décembre 1301 « Ausculta fili

27
écoute mon fils » réaffirme la supériorité du pouvoir spirituel et il convoque le roi
devant un concile d évêque à Rome.

Mais le roi a le soutien des Grands du Royaume y compris des grands prélats et réunit
une très large assemblée (grands seigneurs laïcs + clercs) et cette assemblée affirme
que le roi tient son royaume que de Dieu par son sacre = monarchie de droit divin sans
la médiation de l Église (Épitre de Saint Paul)

Le pape est décontenancé par ce soutien populaire. On considère que l assemblée des
Grands a pu créer les États Généraux. Le pape reprend espoir après la défaite du roi
contre les Flamands à la bataille de Courtrai de 1302. Le pape publie une nouvelle
bulle unam sanctam dans laquelle il affirme une théocratie pontificale.
Il revendique à nouveau la supériorité du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel. Le
pouvoir spirituel peut régenter et déposer le pouvoir temporel et s appuie sur la théorie
des deux glaives.

Courroux du roi et une expédition est montée par un légiste du roi Guillaume de
Nogaret pour s emparer du pape et le déférer devant un concile et le juger (Attentat
d Agniani en 1303).

L expédition a échoué et le pape n a pas été emprisonné. Le pape meurt un mois plus
tard et son successeur français Clément V qui succède à Boniface VIII en 1305 et qui
reconnaît la légitimité de la cause royale et l excommunication du roi est levée.
L indépendance du pouvoir royal est reconnue en ce qui concerne les affaires
temporelles.

La leçon de cette querelle : cela signifie que la royauté n est plus un organe de
l Église, au service de l Église. Elle est de plus en plus la tête d une communauté
politique indépendante, l État national français.

2) L essor du gallicanisme

La querelle entre le roi et le pape Boniface VIII a jeté les bases du gallicanisme qui est
une doctrine de l indépendance politique du royaume vis à vis de la papauté mais aussi
indépendance de l Église de France (des Gaules) également par rapport à la papauté.

Cette doctrine a perduré comme doctrine jusqu au début du XXe siècle (Thèse de
Nicolas Sild, Le gallicanisme et la construction de l État, publié par l institut de
Varennes en 2016).
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Dans cette thèse, Nicolas Sild analyse les mécanismes juridiques qui permettent
d affirmer que l indépendance de l Église de France par rapport à la papauté et
soumise au roi de France est assurée et contribue à l émergence de l État français
comme communauté politique souveraine.

Les légistes du roi ont développé de nombreux discours pour justifier l exclusivité du
pouvoir civil en matière temporelle. Autrement dit, pour libérer les lois civiles
promulguées par les principes de la tutelle de l Église et aussi pour faire de l Église
nationale ou des Gaules un organe du royaume soumis au roi. Et, le Songe du verger
écrit aux alentours des années 1373 -1378, c est à la faveur du Grand Schisme que les
thèses gallicanes vont triompher.

Le grand schisme de 1378 ‒ 1415 ! époque de deux voire trois papes. Durant cette
période, le gallicanisme va triompher. Non seulement il va progressivement s imposer
l émancipation du pouvoir temporel vis-à-vis du pouvoir spirituel mais aussi va
s imposer l autonomie de l Église de France par rapport à la papauté.

Les légistes du roi ont utilisé tous les arguments possibles et se sont appuyés sur les
théories conciliaristes de Guillaume d Occam et de Marcel de Padoue.

Cette théorie disait que le pouvoir spirituel appartient au conseil des fidèles et réuni
dans des cadres nationaux. Elle contestait le pouvoir spirituel et hiérarchisé de l Église
avec à sa tête le pape.

En 1398, un concile réuni à Paris va ainsi affirmer la supériorité des canons des
conciles généraux sur la législation pontificale. En 1406, une nouvelle assemblée des
évêques de France demande au roi de France de rétablir les libertés des Églises
gallicanes contre le pape. Ce concile va défendre l idée que la législation pontificale ne
s appliquait en France qu avec l accord du roi. Ce qui ressort de cela petit à petit, ce
qui est justifié c est l immixtion du roi dans les affaires de l Église nationale.

En 1438, un concile réunit à Bourges réaffirme la supériorité du concile œcuménique


sur le pape, condamne toute fiscalité pontificale sur le clergé de France et affirme la
liberté d élection des évêques par les chapitres des chanoines.

Charles VII confirme les décisions de cette assemblée d évêques dans la Pragmatique
Sanction de Bourges qu il promulgue en juillet 1438. Ce qui est ainsi réaffirmé c est
l indépendance de l Église gallicane par rapport au pape et l union de l Église gallicane
29
par rapport au roi, ou sous sa tutelle. A nouveau le royaume assoit son indépendance
politique vis-à-vis du Saint siège.

Le roi paraît de plus en plus comme titulaire de la souveraineté plenitudo potestatis.

En 1516, entre la France et la papauté, est conclu le Concordat de Bologne. Par ce


concordat, il est mis un terme à l élection des évêques par les chapitres des chanoines
mais les évêques seront néanmoins nommés par le roi et institués par le pape. Le
gallicanisme est devenu pleinement royal et non démocratique.

Survivance de cela avec le Concordat conclu entre Napoléon et le pape. L évêque de


Strasbourg et de Metz est nommé en accord avec le pape et le ministère de l intérieur.

Pierre de Belloy mort en 1613 affirme cela et voit le triomphe du gallicanisme en disant
que « la République n est pas dans l Église mais au contraire l Église dans la
République. »

E) Les conséquences de la Réforme et des guerres de religion (1562-1598) :


séparation définitive du temporel et du spirituel

Avec la Réforme luthérienne et l apparition du protestantisme nait la division religieuse


au sein de la chrétienté et son cortège de guerre confessionnelle. En retour, l État va
de plus en plus apparaître comme faiseur de paix de religion en affirmant sa neutralité.
Il n est pas l agent de tel ou tel pouvoir ou doctrine religieux. Le sou bassement
chrétien du royaume va perdurer longtemps.

La réforme naît avec la publication de Luther des 95 thèses à Wittenberg en 1517.

À la suite de la réforme et de son succès fulgurant, les thèses luthériennes rencontrent


beaucoup d échos et font éclater des guerres de religion car jusque-là prédominait la
symbiose entre l ordre politique (le prince) et la religion chrétienne et il était de la
mission du pouvoir temporel et des princes de punir les hérétiques et le cas échéant
lutter contre les catholiques. La guerre de religion éclate d abord en Allemagne et se
déchire entre prince catholiques et princes protestants dans le Saint-Empire romain
germanique et une première trêve a été observée avec la paix d Augsbourg en 1555

30
avant que les hostilités recommencent en Europe avec la guerre de Trente ans
(1618-1648) qui prendra fin avec le traité de Westphalie.

Guerre de religion en France entre 1562 et 1598 (en 1598, Henri IV promulgue l Édit de
Nantes et assure la paix religieuse et reconnaît aux Huguenots le droit de vivre en
France et de pratiquer leur religion).

En France, épisode célèbre du massacre de la Saint-Barthélemy durant la nuit du 23 et


24 août 1572. Les chefs catholiques guisards vont supprimer les chefs protestants
durant le mariage de Henri IV et la reine Margot. Il y aura 3000 morts à Paris en une
nuit.

Les guerres confessionnelles éclatent dans toute l Europe pendant plus d un siècle. La
guerre de Trente ans est une guerre confessionnelle mais la religion est
instrumentalisée. Louis XIII n hésitera pas à s allier avec les princes protestants pour
affaiblir l empire d Autriche et il y a des jeux d alliances réversibles.

Conséquences de guerres confessionnelles ! distinction du temporel et du spirituel


fut définitivement acquise.

En effet, les princes vont prendre conscience que la revendication du pouvoir spirituel
de régenter, de contrôler le pouvoir temporel entraînait un risque de conflit politique,
de guerre et le souci d assurer des princes d assurer la paix dans leurs principaux va
les conduire à émanciper l État par rapport à l Église et à affirmer l autonomie du
politique vis-à-vis du religieux.
Étant donné que l unité confessionnelle n existe plus et parmi les protestants entre
luthériens et calvinistes, les monarchies ne peuvent plus poursuivre une fin religieuse.

Le roi n est plus le lieutenant de Dieu sur Terre et ne peut plus conduire les chrétiens
vers le salut. Les monarchies ne peuvent poursuivre qu une finalité temporelle à savoir
la paix civile. L ordre politique ne s inscrit pas dans un ordre supérieur qui est l ordre
religieux et ne serait qu une composante et devient un ordre en soi, autonome, un
absolu sur le plan temporel.

La question du salut est reléguée dans la conscience de chaque chrétien. Les


politiques parmi lesquels Michel de l Hospital, conseiller de Catherine de Médicis fit
valoir que l État ne pouvait trancher à question de la vraie religion mais qu il doit se
hisser au-dessus des partis religieux pour asseoir la paix civile.

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Autrement dit, l État devient gardien de la paix et non plus de la foi. Même si par
ailleurs, la couronne se réclame de droit divin mais ce qui est affirmé c est la neutralité
de l État par rapport aux confessions, religions. Ce qui va être promu c est la tolérance
religieuse.

L évolution va se poursuivre et les politiques vont prôner la tolérance religieuse. La


religion n est plus un élément de l ordre politique qui devient un élément propre. La
tolérance va muer en une liberté de religion comme droit fondamental et qui va
proclamer en 1789 dans l article 9 de la DDHC.

Henri de Navarre doit abjurer la foi protestantisme et en 1588, la règle de catholicité


fut imposée par l Édit d union promulgué le 19 juillet 1588, et qui sera promu comme
une loi fondamentale du royaume au moment des États généraux de Blois en octobre
de 1588.

Il a abjuré la foi protestantisme en 1593 et est sacré roi le 27 février 1594 à Chartres.
Ce qui s impose c est la vraie religion à savoir la religion catholique. Le théoricien
Böckemförder rappelle que c est le triomphe de la politique.

Henri IV a dit « Paris vaut bien une messe ».

C est une raison politique pour pouvoir accéder au trône selon la volonté d Henri III.
Dès qu il fut sacré roi, son objectif est de mettre fin aux conflits religieux et va
s efforcer de pacifier le royaume.

Une fois qu il aura conquis le royaume, il va promulguer l Édit de Nantes, le 13 avril


1598 qui reconnaît aux Huguenots le droit de pratiquer leur religion, qui les considère
comme des citoyens du royaume de France alors même qu ils n appartiennent à la
vraie religion du royaume de France à savoir la religion catholique.

Cette règle de catholicité demeure le principe de religion d État. La paix d Augsbourg


de 1555 a instauré cette territorialisation du royaume avec la division du Saint-Empire
romain germanique en des principautés chacune distingués par les religions.

Le fameux adage « cujus regio, ejus religio » ! les habitants d une principauté ont la
même religion que celui du prince. Le prince choisit la religion mais cela n exclut pas la
tolérance religieuse afin que les habitants vivent en paix dans la frontière du royaume.
Ce principe de territorialisation du royaume n empêche pas la tolérance. L autonomie
favorisée par l affirmation théorique des grands penseurs de la souveraineté de l État.
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D une part, Thomas Hobbes penseur anglais et son ouvrage Le Léviathan de 1629 :
c est à la suite des conflits religieux entre les catholiques (les Stuarts) et les princes
anglicans, il affirme la souveraineté de l État qui est incompatible avec la primauté du
pouvoir spirituel. Le but de l État selon lui est la paix. La théorie du fondement de l État
est que les hommes s assemblent en communauté politique et abandonnent leur
liberté au profit du Léviathan qui doit s assurer de la paix civile.

L État a un but purement temporel. Assurer la paix intérieure et la sécurité extérieure.


Cette affirmation de la souveraineté de l État veut aussi dire que l État qui est
compétent de trancher les conflits d attributions c est-à-dire ceux qui relèvent du
spirituel et du pouvoir temporel. On retrouve là la souveraineté de l État. Selon les
juristes allemands, L État a la compétence de sa compétence et détermine ce qu il est
en son pouvoir de régenter.

L État peut fixer unilatéralement ceux qui relèvent du spirituel et temporel et imposer
la tolérance religieuse.

D autre part, Jean Bodin, dans Les Six livres de la République de 1576 (soit quatre ans
après la Saint-Barthélemy), développe la théorie de la souveraineté de l État et est
inquiet des conséquences des guerres confessionnelles. Pour assurer la paix du
royaume, il développe la théorie de la souveraineté de l État et dit :
« L État ne peut se faire dicter sa politique par une autorité religieuse. »

Le processus d autonomisation du pouvoir temporel va s étendre sur plusieurs siècles.


Dans un ouvrage de 1985, Le désenchantement du monde qui est séparé du monde
religieux, Marcel Gaucher dit que l ordre politique se sépare de l ordre religieux mais
longtemps la forme politique garde une empreinte religieuse. Cette empreinte devient
de plus en plus tenue pour finalement disparaître au profit du néolibéralisme qui est
l autonomie radicale du politique vis à vis du religieux. Cela met la politique actuelle
vis-à-vis d un abyme. S il n y a plus de référence à des valeurs chrétiennes, la politique
se désoriente.

SECTION III ‒ L ÉMERGENCE DE L ÉTAT SOUVERAIN

Dire que l État est souverain, c est que cet État a le monopole de la puissance ou de la
violence physique légitime comme le disait Max Weber. Cela exclut le pluralisme des
pouvoirs politico-religieux. Il n y a qu une source d autorité, de pouvoir dans une entité
souveraine.
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Comment l État émerge en tant qu entité souveraine, est habilité à émettre des
normes, à veiller à leur application et à sanctionner leurs violations ?

L État a le monopole du droit et du contrainte pour assurer le respect du droit ainsi que
de l éviction du droit. Ce qui caractérise la société féodale selon Marc Bloch, c est le
pluralisme politico-juridique avec la parcellisation du pouvoir.

§1. De la suzeraineté à la souveraineté royale

Les efforts de la royauté pour régner sans partage et asseoir son autorité. Il a fallu au
roi de se libérer des liens qui l unissait à la féodalité. Muter d un roi suzerain (seigneur
qui domine un autre seigneur) à un souverain c est-à-dire un roi dont les ordres
s imposent à tous indépendamment de toute allégeance personnelle et de tout lien
féodo-vassalique et de tout serment de vassalité.

A) L atomisation progressive du pouvoir politique durant l époque féodale

Le pouvoir politique va se désagréger à partir de la fin de l ère carolingienne jusqu au


début des Capétiens. Ce qui va s imposer c est un pluralisme politique et va
caractériser l époque féodale.

Au Xe siècle, le pouvoir s atomise à cause des Carolingiens qui ont favorisé l effort de
la vassalité, et le développement des liens. Ils voulaient créer un pyramide féodale
vassalique qui culminerait en eux. C est le contraire qui va se produire avec le
développement de la vassalité, la fidélité étant assurée par une concession d une
propriété, d une seigneurie, ce qui va se répandre c est la conceptualisation de la
contractualisation de la fidélité. Les vassaux ne restent fidèles à ce suzerain que si
celui-ci respecte ses obligations.

Or le roi est de plus en plus faible et est de moins en moins en force d assurer leur
protection. Les comtes, les grands prélats tentent de plus en plus d exercer le pouvoir
du roi en leur nom propre et s autonomisent et obtiennent alors l hérédité des
fonctions et des titres. Ce qui émerge dans la Francie occidentale, ce sont les
principales indépendances (duché d Aquitaine) dont les titulaires essayent de rendre
compte au roi même s ils prêtent serment au roi. La suzeraineté du roi devient toute
théorique.

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Ces grands du royaume se revendiquent princes et ils prétendent détenir des
prérogatives d essence régalienne sur leur territoire. Ils prétendent d obtenir une
autorité suprême à l intérieur de leur principauté.

Les principautés vont devenir trop vastes pour pouvoir être contrôlées par le prince.
Les princes vont être contraints à l exercice de leurs pouvoirs. Les ducs à leurs
comptes qui vont progressivement revendiquer leur indépendance vis à vis du
suzerain. Puis les comtes et les vicomtes vont eux-mêmes petit à petit à partir de la fin
du Xe siècle vont s autonomiser vis-à-vis des Grands. Les comtes vont dans le cadre
de leur seigneurie lever des taxes, vont battre monnaie et rendre justice et lever
l armée. La désagrégation va se poursuivre en cascade.

L autorité du Xe au XIIe siècle, va se concentrer au niveau de la seigneurie qui se


constitue autour d un château fort commandé par un seigneur qui dispose de
garnisons. Ces seigneurs qui ont été institué par les comtes vont aussi s autonomiser
en revendiquant la transmission héréditaire du titre et ne plus rendre compte au
suzerain. Chaque seigneurie détient le pouvoir militaire, de ban, rend la justice lève
des taxes. Ce qui se met en place est un ordre seigneurial.

Les sujets du Xe au XIIe siècle sont soumis à l autorité du seigneur dans les limites de
la seigneurie. L autorité du roi et des ducs est toue théorique.

Les conséquences de cette atomisation du pouvoir, c est que les rois faute de soutien
de ses vassaux perd le pouvoir de légiférer par des mesures de portée générale
applicable dans tout le royaume et d imposer la paix dans tout le royaume. Les
premières initiatives sont d ordre ecclésiastique.
La paix de Dieu vers 1040 procède du clergé et qui interdit de faire la guerre pendant
les fêtes religieuses ou le dimanche.

B) La reconstruction de la pyramide féodo-vassalique au profit du roi (XII-


XIIIe siècle)

L État monarchique va être restauré à partir du régime féodal. Dans un premier temps,
les Capétiens vont rétablir la hiérarchie féodo-vassalique et utiliser les ressorts de la
vassalité pour établir leur autorité. C est l usage déréglé de la vassalité qui a conduit à
l atomisation du pouvoir royal.
Ainsi le vassal obéit à son suzerain. Les princes vont s efforcer de retrouver leur
autorité sur leurs vassaux à l intérieur de leur principauté et vont à cet effet utiliser

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différents instruments juridiques pour faire renaître les liens vassaliques et vont
s efforcer d être le garant de la paix de Dieu dans les limites de leur principauté.

Ce qui émerge, c est la primauté du prince dans les limites de leur principauté dans un
premier temps. Mais cette idée va être profité au roi par translation. Si les princes
doivent pouvoir imposer autorité sur les vassaux alors le roi doit imposer son autorité
sur les princes.
Dans un premier temps, l idée qui va s imposer est l idée d une royauté suzeraine,
supérieure à toutes les forces seigneuriales. C est l idée que les princes ne peuvent
refuser à leur suzerain, le roi, ce qu ils exigent de leurs propres vassaux. Ils pouvaient
refuser cela si le roi ne se prévaut uniquement de son titre royal mais en sa qualité de
suzerain.

Cette idée va s imposer d autant que la vassalité qui s est imposée dans un lien
d allégeance personnel, va progressivement se reposer sur un lien réel lié à des droits
réels au sens du droit civil et va reposer sur l idée de mouvance (idée que chaque fief
est supposé provenir d un autre fief plus vaste par voie de démembrement). Les
principautés sont supposées être tenues en fief du roi (lien réel) comme les châtelains
sont supposés être tenus en fief des comtes. Il y a l idée de hiérarchie des terres avec
à sa tête le roi. L idée d un royaume au sens d un territoire unitaire placé sous l unité
d un roi.

Cette hiérarchie des liens vassaliques va être confortée de deux autres manières :
Les légistes du roi vont s efforcer de faire en sorte que la position du roi au sommet ne
puisse pas être mis en cause. Comment vont-ils procéder ?

• Ils vont d abord imposer l idée que le roi ne doit hommage à quiconque.
Autrement dit, c est l idée que si le roi acquiert un fief, il sera dispensé
d hommage à celui dont provient le fief. Dans un premier temps en contrepartie
d une compensation économique. Solution qui fut retenu en 1185 lorsque
Philippe Auguste reçoit un fief de l évêché d Amiens. Il se dispense de
l hommage en octroyant une compensation économique à l évêque. A partir de
1193, les fiefs acquis par le roi va perdre son statut de fief contre compensation
économique. Ce qui s impose ainsi c est la suzeraineté absolue du roi qui est
exprimé par l adage « le roi ne tient de personne. »

• Autre idée qui permet de contribuer à l apparition d un roi comme suzerain


absolu : c est la remise en cause de la règle exprimée « le vassal de mon vassal
n est pas mon vassal. » Cette règle voulait que le roi n eût une autorité théorique
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que sur les vassaux directs et non sur les arrières vassaux car les vassaux
directs faisaient écran entre le roi et les autres arrières vassaux. Or à partir du
début du XIIe siècle, l usage s impose aux arrières vassaux lorsqu ils prêtent
hommage à leur seigneur, l usage les impose de réserver expressément la
fidélité primordiale au roi. Si jamais mon seigneur entre en conflit avec le roi
alors il faudra être fidèle au roi.

Aucun arrière vassal ne peut apporter son concours à une action menée par son
suzerain direct contre le roi à moins qu il ne soit assuré que le roi était vraiment en tort
en raison du non-respect de ses obligations vassaliques.

Dernière idée ! pour contrer les méfaits de la vassalité multiple qui s est répandue
sous les carolingiens va s imposer l idée que le roi doit toujours bénéficier de manière
prioritaire des services que lui doivent ses vassaux.

! Restitution progressive de la pyramide féodo-vassalique avec à sa tête le roi


qui s impose à nouveau comme le suzerain absolu.

C) Le passage d une monarchie élective à une monarchie purement


héréditaire

Les rois mérovingiens et carolingiens devaient leur royauté à leur élection par les
Grands du royaume et au sacre. Même si leur successeur était choisi parmi les
hérédités = prémices du principe héréditaire.

Les rois faisaient élire leur héritier de leur vivant comme leur successeur pour éviter
une surprise à leur mort. L élection longtemps reste d actualité et favorise les crises
dynastiques ce qui explique le déclin des Carolingiens avec la mort de Louis le Pieux et
le traité de Verdun de 843.

Les héritiers du roi en place vont succéder dans un premier temps. Il y aura des
éclipses notamment il va se mettre en place une concurrence pour la royauté entre les
Carolingiens et les Robertiens c est-à-dire les successeurs de Robert le Fort, comte de
Paris. Le fils de Robert le Fort, Eudes accédera au trône en 888 et sera roi pendant 10
ans au profit de Charles III, qui était le fils de Louis le Bègue. Charles III le succède en
898, il ne pouvait pas avant car trop faible.

L absence de principe héréditaire va faciliter les changements dynastiques. Pépin le


Bref va évincer le dernier roi mérovingien et va se faire élire roi des Francs en 751.
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Et puis comment prend fin la dynastie carolingienne ? Et finalement en dernière
instance c est un Robertien qui va s imposer Hugues Capet lorsque Louis V sans
descendance meurt. C est Hugues Capet qui prend le pouvoir en 987 et qui fonde la
dynastie des Capétiens.

Cela favorise la conception contractuelle du droit et les Grands du royaume vont


demander des contreparties au roi et vont avoir tendance à considérer qu ils vont se
délivrer de la fidélité du roi si lui-même ne les respecte pas. C était le cas de Charles
III qui fut déposé.

Progressivement le principe héréditaire va s imposer et va prévaloir sur le principe


électif si bien que l élection va progressivement devenir une simple formalité, une
confirmation du principe héréditaire, déjà légitimé par le sacre.

Dès Hugues Capet, le roi fait acclamer son héritier et le fait sacrer de son vivant. Et
jusqu à Philippe Auguste, la pratique qui veut que l héritier soit élu et sacré du vivant
du roi. La règle de primogéniture s enracine et fait perdre toute portée à l élection
autre que formelle.

Si bien qu à la mort de Philippe Auguste en 1223, son fils Louis VIII fut simplement
sacré. L élection va réapparaître épisodiquement en l absence de descendance mâle. A
la mort de Charles le Bel, les Grands vont choisir le roi Philippe de Valois. De même
Henri de Navarre va créer les Bourbons en succédant à Henri III.

D) L établissement de la souveraineté royale ou l émergence de l État


absolutiste

A partir de 1250, va s imposer petit à petit l idée d un roi souverain et non suzerain, qui
place face à lui tous les sujets sur un pied d égalité non pas en vertu d un serment de
fidélité qu ils auraient prêté mais en tant que précisément sujet d un même État, du
royaume et sont soumis à un même pouvoir qui est le pouvoir royal. Celui-ci va
concerner toutes les prérogatives de puissance publique à savoir le pouvoir militaire,
législatif = confusion des pouvoirs entre les mains du roi.

C est l idée que le pouvoir tout entier appartient au roi et s exerce directement sur tous
les sujets du roi sans plus de médiation. Cette souveraineté va être affirmée par les
légistes du roi et va s imposer dans les faits.

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1) L affirmation de la souveraineté royale

Les légistes du roi vont à nouveau utiliser d une part le droit canon et d autre part le
droit romain. En 1256, Jean de Blanot commentant les Institutes de l empereur
Justinien va affirmer que le roi a l imperium sur tous les habitants du royaume. C est
l adage « Princeps in regno suo. »
Il est titulaire d un pouvoir originel et suprême. Ce qui veut dire qu aucun sujet du
royaume ne saurait préférer un ordre de son seigneur direct à un ordre du roi. Dire que
le roi est empereur en son royaume c est à la fois pour asseoir l indépendance du roi
vis-à-vis de l Église mais encore assurer la toute-puissance du roi sur ses vassaux.
L empereur détient dans les limites de son royaume les prérogatives caractéristiques
de l imperium romain ! autorité suprême et exclusive.

2) Les manifestations de la souveraineté royale

Puissance suprême de commandement mais aussi toute autorité remonte au roi. Toute
manifestation étatique remonte au roi c est-à-dire la puissance normative, législative
et militaire culmine entre les mains du roi.

a) Le roi protecteur

Ici, le roi au nom de sa mission d assurer la paix, il va pouvoir obtenir le monopole de


faire la guerre. Ce qui emporte l interdiction des guerres privées, vieux privilège de la
noblesse. Il a le droit de lever l impôt pour financer les campagnes militaires.
À partir de 1150, les Capétiens vont s efforcer d imposer leur propre paix à la place de
la paix de l Église. Les rois capétiens vont s efforcer d être les garants de l ordre public.

♦ Les paix spéciales

Ils vont être imposés par trois dispositions juridiques :

- La quarantaine-le-roi institué par Philippe Auguste, roi entre 1180 et 1223 !


une paix qui limite les guerres de lignage à lignage. Elle impose avant
l ouverture des hostilités, une trêve de 40 jours pendant laquelle il est interdit
d attaquer la famille de son adversaire sous peine de trahison passible de haute
justice, des tribunaux, de lourdes sanctions.

- L asseurement ! ce dispositif permettait à deux parties en conflit de passer


devant un officier royal, un pacte de non-agression. Au début, ce pacte est
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librement consenti mais à partir de Saint Louis, ce pacte va être imposé par les
officiers royaux dès lors qu une seule partie le demandait même si l autre n était
pas d accord voire systématiquement lorsque les personnes menacées n étaient
pas des nobles. La violation de ce pacte est passible des tribunaux royaux et à
de lourdes sanctions

- La sauvegarde ! consiste en une protection spéciale accordée à certaines


personnes ou à certains établissements. A partir de Philippe Auguste, cette
sauvegarde devient très fréquente au profit des communautés urbaines et
villageoises. En cas de violation, toute violation est justifiable d un tribunal royal.

Ces dispositifs permettent de dépasser la hiérarchie féodale, de transcender les liens


personnels de fidélité, caractéristiques de la société féodale. Tous les individus, quels
que soient les seigneurs dont ils relèvent, peuvent bénéficier de cette paix spéciale.

♦ La paix royale

Contrairement aux paix spéciales, la royauté s efforce de prendre en matière d ordre


public, en cas de paix, des portées plus générales, et cela à partir du milieu du XIIIe
siècle.

C est ainsi qu au moment de partir pour la Croisade, Saint Louis (Louis IX) demanda à
ses baillis d imposer pendant son absence, des trêves qui dureront cinq ans.

En 1258, Saint Louis, interdira dans tout le royaume, les guerres privées, même si cette
interdiction a eu peu de succès.
Déjà en 1155, Louis VI avait déjà tenté d imposer une trêve générale de dix ans. Tout
de même, ce sont les efforts et tentatives faits par la Royauté qui comptent.

Au temps de Philippe IV Le Bel (règne de 1285-1314), et tout au long du XIVe siècle,


les ordonnances royales réitèreront l interdiction des guerres privées, avec plus ou
moins de succès.
Au XVe siècle, en étroite liaison avec la constitution d une armée royale permanente, la
royauté va s efforcer de réussir à s arroger le monopole de la violence légitime (Max
Weber).

On pourrait aussi mentionner l interdiction par Louis XIII et a fortiori Louis XIV, des
duels, et la violation pouvait donner lieu à une condamnation mort.

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♦ La garde de églises

Attribut essentiel des rois souverains, elle était un attribut des rois carolingiens, mais à
partir de la fin du IXe siècle, avec l affaiblissement du pouvoir royal, la garde des
églises était passée entre les mains des comtes et même des simples seigneurs.
Mais la royauté va chercher à regagner cet attribut, et c est ainsi que durant le XIIIe
siècle, la royauté va de plus en plus souvent intervenir pour réprimer les abus des
gardiens.

C est ainsi que va se propager l idée que la garde générale du roi, en matière d église,
surplombe la garde des seigneurs.

Cette idée qui permet alors au roi de juger le mauvais usage fait par un seigneur de sa
garde spéciale. Et, dans l affirmative, si effectivement le seigneur a abusé de sa garde
spéciale, cela va permettre au roi d enlever la garde spéciale au profit de lui-même.
Au cours des XIV et XVe siècles, la garde personnelle des barons va progressivement
disparaitre, la garde des églises devenant un attribut exclusif de la souveraineté.

b) Le roi justicier

L objectif c est de construire un état de justice, et dans ce but, et conformément à la


logique qui fait du roi selon la formule courant « la fontaine de toute justice », le roi va
progressivement imposer la justice royale, au détriment et à la place des justices
ecclésiastiques et seigneuriales de l autre. Elles s étaient imposées lors de
l affaiblissement du pouvoir royal.

♦ La lutte contre la justice ecclésiastique

L Église, comme l ordre seigneurial, a profité de l affaiblissement du pouvoir royal, pour


s attribuer de larges pouvoirs juridictionnels, qui permettaient à l Église de juger
plusieurs catégories de personne, et pour plusieurs causes.

C est ainsi qu on appelle le privilège de for, qui garantissait à tout clerc, d être
justiciable des seuls tribunaux ecclésiastiques, aussi bien en matière civile que
criminelle.
En outre les tribunaux ecclésiastiques, appelés officialités, s étaient arrogés le pouvoir
de juger, en concurrence avec les tribunaux laïcs, les causes et litiges auxquels étaient
parties les veuves, les pauvres, les orphelins.

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Aussi, ils s étaient arrogé le droit exclusif de juger les droits contre la religion, et aussi
le pouvoir de juger des matières purement civiles, tels que les testaments, les contrats
passés sous serment, les questions pécuniaires, liées au mariage.

La royauté va progressivement lutter contre la justice ecclésiastique, et cette lutte va


prendre son essor, lors du conflit avec Boniface VIII.

C est ainsi qu en 1329, Philippe VI de Valois convoque à Vincennes, une assemblée


des grands de prélats et barons, durant laquelle, Pierre de Cuignières, qui était légiste
et conseiller du roi, le procès des juridictions ecclésiastiques durant cette assemblée.
Il défend l idée que la compétence des tribunaux ecclésiastiques doit être cantonnée à
la seule sphère spirituelle, et pour les affaires de religion. Sur le plan temporel, le
pouvoir royal doit être totalement indépendant, doit être souverain.
Cette idée se traduit juridiquement, de deux manières :
- Restreindre les compétences des juridictions ecclésiastiques !
progressivement vont être identifiés des cas privilégiés, pour lesquels le
privilège du for ne saurait jouer. De manière générale, au XIV et XVe siècles, la
compétence de la justice royale va s étendre au détriment des compétences
ecclésiastiques : aspects pécuniaires du mariage, en matière contractuelle, etc.
- Subordonner les juridictions ecclésiastiques à la juridiction royale ! cette
subordination se développe à partir du milieu du XVe siècle, et se traduit par la
possibilité de recourir à la justice royale, de recourir en roi en son Parlement
(organe judicaire sous l AR), lorsqu un official (un juge ecclésiastique) dans sa
fonction judicaire, ou une autorité ecclésiastique dans sa fonction
administrative, commet un abus.

♦ La lutte contre la justice seigneuriale

Là aussi la justice royale va s imposer grâce à trois dispositifs :


- L appel ! la possibilité d interjeter appel des jugements rendus par la justice
seigneuriale devant la justice royale. Fin du XIIe siècle. L appel avant n était pas
possible, car la justice seigneuriale, faisait souvent appel au jugement de Dieu
(l ordalie). Ce jugement de Dieu excluait alors toute possibilité d appel puisque
la décision divine était sans appel.
Comment malgré cela l appel va progressivement s imposer ? Dans un premier
temps, en utilisant le droit romain, il connaissait une possibilité d appel à
l empereur, et aussi par le biais d ordonnances royales, qui interdisent le recours
au duel judiciaire notamment sur le domaine royal, le mécanisme d appel devant
la juridiction royale se généralise à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle.
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L idée qui justifie cette possibilité d appel, c est que la justice seigneuriale, n est
que le résultat d une délégation consentie par le roi, d une concession faite par
le roi, et par conséquent ne peut pas être de dernier ressort.
- La prévention ! l appel permet d étendre le contrôle royal à l ensemble des
juridictions seigneuriales, mais il ne permet pas de concurrencer en première
instance la justice seigneuriale. Mais c est ce que permet la prévention, qui
permet à la justice royale de prévenir le juge seigneurial, c est-à-dire de venir
avant pour des nécessités de prompte justice. Et cette prévention, peut avoir
lieu dans deux cas. Premier cas, où le juge royal est saisi le premier par un
plaideur, relevant en principe de la justice seigneuriale, deuxième cas où le juge
royal se saisit d office d une affaire criminelle grave dans laquelle la justice
seigneuriale, tarde à intervenir.
- Les cas royaux ! ce sont des causes, qui sont réservées à la justice royale, en
raison de l idée que le roi est souverain par-dessus tous, et les cas royaux ce
sont tous les cas d atteinte à la souveraineté royale : atteinte à la personne du
roi, à ses prérogatives, à ses biens, ou même à ses agents.

c) Le roi législateur

Jusqu au milieu du XIIIe siècle, le principe demeure que le roi ne peut arrêter de
mesure de portée générale, qu à l intérieur du domaine royal. En réalité, son territoire
était longtemps réduit à la portion congrue. Et lorsqu il lui vient de légiférer pour
l ensemble du royaume, il lui faut le consentement préalable des barons,
consentement sans lequel sa législation ne sera pas appliquée. Ce qui veut dire en
clair, que l autonomie normative des grands seigneurs est quasiment complète.
Mais à partir de ce milieu du XIIIe siècle, le roi va progressivement se contenter du
consentement d une majorité, et non de tous les Grands, pour légiférer à l échelle du
royaume, et l idée s impose évidemment que cette législation est alors obligatoire,
même pour ceux qui ne l ont pas approuvé explicitement.

Et à partir du règne de Philippe Le Bel, la notion de plenitudo potestatis, fait son


apparition, aussi bien dans les actes législatifs royaux, mais aussi dans les écrits du
légiste du roi.

Et comme l a dit le grand Jacques Krynen, dans L empire du roi, cette idée de plenitudo
potestatis est l expression médiéval de l absolutisme. Malgré cette idée, le roi en fait
légifère peu, et s il légifère principalement dans le droit public, ou alors pour consolider
les coutumes, ou les rejeter.

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L ordonnance de Montils-lès-Tours d avril 1454 ! Charles VII met par écrit toute
une série de coutumes.
Le roi législateur tarde à s imposer dans les faits, mais à partir du XVIe siècle, la
monarchie parvient à s arroger de manière progressive, le monopole d édiction du droit
positif. Tout le droit positif étant censé être directement ou indirectement de la volonté
du monde.

« Discours de la flagellation » ! 3 mars 1766 Louis XV


Il rappelle que « c est à moi seul qu appartient le pouvoir législatif, sans dépendance et
sans partage. Que c est par ma seule autorité, que les officiers de mes cours,
procèdent non à la formation, mais à l enregistrement, à la publication et à l exécution
de la loi. » Aussi droit de remontrance, mais contestable par le roi.

E) La théorisation de la souveraineté Jusqu'à page 54


Jean Bodin ! Les Six Livres de la République 1576 : on lui doit l invention de modèle
de la souveraineté, et par conséquent, c est à Jean Bodin qu on doit la théorisation de
la notion moderne d État.
Jean Bodin fait de la souveraineté, le critère juridique de l État. Il n y a pas d État sans
souveraineté, comme il n y pas de souveraineté sans État.

On peut aussi citer la thèse d Olivier Beaud, « La Puissance de l État », en 1994. Il


rappelle comment l État au sens juridique moderne apparait, et rediscute Jean Bodin.

Pour Olivier Beaud, l entité qui apparait à la fin du M-A (fin du XVe siècle), ne peut être
considérée comme l État au sens actuel. Certes à la fin du M-A, le royaume dispose de
prérogatives de souveraineté. Mais elles disposent de prérogatives limitées, et ne sont
pas encore pensées comme des matérialisations de la souveraineté, au sens bodinien
du terme. Elles ne sont pas encore pensées comme une puissance qui dispose
exclusive du droit positif pour gouverner l ensemble du territoire.
C est Jean Bodin qui fut le premier à formuler le principe d unité du pouvoir, c est-à-
dire l idée que l action des gouvernants doit être rapportée à un centre unique. Et c est
cette idée qui permet l éclosion du concept d État.

En effet, pour Bodin, la souveraineté, se ramène à une puissance absolue, c est-à-dire


« la puissance de donner et casser la loi, à tous en général, et à chacun en
particulier ». Autrement dit, l État se caractérise par le monopole du pouvoir législatif.

Il faut un peu détailler cette pensée bodinienne de l État.


44
1) La souveraineté, une puissance absolue

La souveraineté, c est un pouvoir de commandement inconditionnel et supérieur à tout


autre sur le plan interne, et indépendant sur le plan externe. Le souverain ne peut pas
être empêché par une instance ce codécision. Le souverain peut être conseillé, mais il
décide seul. Il peut aussi librement modifier ou abroger les actes de ces prédécesseurs
selon Bodin.

La seule limite à ce puissance absolue est d ordre logique, c est que le souverain ne
peut aliéner sa souveraineté, ni l autolimiter. Comme dirait Bodin, « le souverain ne
peut se lier les mains quand bien même il le voudrait. »

Sur le plan externe, cela signifie que le souverain ne dépend de personne, selon la
formule populaire, « il ne tient après Dieu que de l épée. » Il peut devenir que
dépendant s il est vaincu par les armes.

2) La loi, un acte de souveraineté

La loi est conçue par Bodin quand un commandement auquel personne ne peut
déroger, ni résister. Elle est considérée comme une norme juridique suprême, seul le
souverain peut y déroger, peut la modifier.

a) Loi et volontarisme juridique

Pour Bodin, la loi est l acte de souveraineté. Et cette conception est imprégnée de
volontarisme juridique. Autrement dit, la loi dérive de la volonté de celui qui la prend,
donc du souverain. Et Bodin insiste à cet égard, que le roi peut abroger les lois. Ce qui
veut dire que la loi est commandement, dont toute l autorité procède de la volonté du
législateur (du souverain). La loi s impose car le souverain le veut. Elle ne se rattache
plus à un ordre antérieur et transcendant, elle trouve sa validité dans la volonté de son
auteur.

Autrement dit, ce qui apparait chez Bodin, c est que la loi prend un sens nettement
positiviste. Elle dérive de la volonté de son auteur, qui décide en toute autonomie, de
ce qu il considère être le bien de ses sujets. C est une conception purement formelle
de la loi.

45
Il en résulte une conception dynamique du droit étatique évolutive : il est constitué de
normes arrêtées par le souverain, qui peuvent être changées à tout moment, pour
répondre aux besoins changeants de la société, plus exactement pour répondre à ce
que le souverain étant désormais les besoins de la société.

Avec cette volonté, disparait toute conception métaphysique sur le fondement et


l origine du droit, le système juridique devient autonome et autopoïétique. Il trouve en
lui sa propre justification. C est aujourd hui la conception actuelle, encore que le droit
positif soit édicté sous l ordre la conception naturaliste de la DDHC.

b) La loi, un acte unilatéral

Pour Bodin, la loi est un acte unilatéral ! elle a vocation à régir le comportement de
personnes étrangères à son adoption, et qui y ont par conséquent par consenti.
Cela veut dire qu on exclue la nécessité du consentement des assemblée, comme les
Parlements ou les États Généraux. Ils peuvent être associés à l élaboration de la loi,
mais le roi a le dernier mot.

En présentant ainsi la loi comme un acte unilatéral, qui ne nécessite pas d organe
autre que le souverain, Bodin condamne l idée de gouvernement mixte, idée qui à la fin
du XVIe siècle, était défendue par les monarchomaques. Ils luttaient contre
l absolutisme, et défendaient la participation des assemblées représentatives.

Loi unilatérale n a qu un seul auteur en France.


En Angleterre, on a le concept de King of Parliament ! idée que la loi pour être
adoptée, il faut le consentement du roi et du Parlement. Cela dit, la loi est aussi un
acte unilatéral, car une fois adoptée, elle vaut pour tous, et donc de ce point de vue-là,
le principe d indivisibilité et d unilatéralité de la puissance publique, cependant
concilié avec la séparation des pouvoirs. L idée que l exercice de la fonction législative,
l exercice de la souveraineté, peut être réparti entre deux autorités.

Autrement dit, si les Anglais n ont repris que partiellement la conception bodinienne de
la souveraineté, et ont renoncé à la logique absolutiste de la souveraineté, c est-à-dire
à une logique d unicité de l exercice du pouvoir. Bodin, comme Thomas Hobbes,
défendaient cette idée.

c) La loi et devoir d obéissance

46
Le caractère unilatéral de la loi, ne signifie pas seulement qu elle a un seul auteur, et
qu elle s impose à ceux qui n y ont pas consenti. Elle a aussi pour corolaire, le devoir
d obéissance préalable.

Différence avec la coutume, qui suppose la réunion de deux éléments : pratique


concordante et le sentiment qu ont les sujets en obéissant à la coutume, d obéir à une
règle de droit obligatoire.

La loi, quant à elle, impose l obéissance préalable, même si les sujets ne sont pas en
accord avec cette loi : « il n est pas licite aux sujets de contrevenir aux lois. » Bodin

Bodin s oppose aux thèses extrémistes, qui justifiaient le tyrannicide, qui justifiaient le
droit d assassiner le roi qui méconnaitrait les lois divines ou naturelles, et se feraient
ainsi tyran.

Par cette idée de loi qui impose un devoir d obéissance préalable, il s oppose aussi aux
thèses plus modérées, comme les thèses de contractualisation de la souveraineté,
défendues par les monarchomaques : le pouvoir royal serait fondé sur un pacte conclu
avec ses sujets, et par conséquent, en vertu de cet aspect contractuel, les sujets
auraient le droit de déposer le souverain.

Pour Bodin, la distinction entre le tyran et le monarque n est pas pertinente, car les
deux sont souverains et doivent le rester. Si on utilisait les termes d aujourd hui, on
dirait que Bodin s oppose ici au droit de résistance à l oppression.

DDHC 1789 ! article 2 : droit de résistance à l oppression. Pour Bodin, cela est
contradictoire à la souveraineté.

3) L indivisibilité de la souveraineté

a) La signification politique de l indivisibilité de la souveraineté

Encore une fois, Bodin défend une vision « décisionniste » de la souveraineté, qui lie
indivisibilité de la souveraineté et unicité de son exercice. La souveraineté ne peut être
exercée que par un seul, que ce soit un homme une assemblée.

47
Pour Bodin, et là évidemment, c est la différence avec l Angleterre. Si la décision
souveraine importe la décision de plusieurs institutions, il n y a pas de souverain. I faut
qu un organe ait le dernier mot. Il faut qu il puisse finir la discussion pour décider.

Se faisant Bodin s oppose à l idée de gouvernement mixte, qui voudrait qu on


préconise la limitation du pouvoir par les États généraux. Pour Bodin, cela ne conduit
qu à la paralysie, voire à l opposition entre les institutions, voire à la guerre civile.

Aujourd hui, le constitutionnalisme libéral domine, et a mis de côté ces idées, qui
disjoint justement l indivisibilité de la souveraineté, et l unité de son exercice
(séparation des pouvoirs). Conseils de John Locke, puis aussi de Montesquieu.

Exercice divisé de la puissance publique pour limiter le pouvoir, et ainsi garantir la


liberté. Le pouvoir absolu, c est la confusion entre un même organe ou un même
individu, tous les pouvoirs.

b) La définition normative de l indivisibilité de la souveraineté

Dans son livre, Bodin définit la souveraineté comme un ensemble indivisible de


souveraineté, ce qu il appelle les marques de souveraineté.
Cette idée renvoie à une conception matérielle de la souveraineté, comprise comme un
ensemble de prérogatives de compétences, qui participeraient de l essence de l État
comme une entité souveraine.

Ce qui renvoie à l interrogation ancienne, de définir l État par ses compétences,


attributions, et buts.
En réalité, à bien lire Bodin, il retient une conception purement formelle de la
souveraineté, parce que dans son ouvrage, la souveraineté unifie de manière formelle
les compétences étatiques, en les imputant aux seuls souverains, par leur
subsomption dans la puissance de donner la loi.
« Sous cette même puissance de donner et casser la loi, sont compris tous les autres
droits et marques de souveraineté, de sorte qu à parler proprement, on peut dire qu il
n y a que cette seule marque de souveraineté, attendue que tous les autres droits sont
compris en celui-là »
La loi n a pas de contenu spécifique, elle est l instrument par lequel l État peut
réglementer tout ce qu il veut, et donc par lequel unifier les conséquences
changeantes de l État.

Cette conception formelle a beaucoup d avantages :


48
- Elle évacue toute discussion sur le contenu des attributions de l État.
- Elle permet d assurer l indivisibilité de la souveraineté et du pouvoir d État !
l attribution d un tiers à l État, d une marque de souveraineté reviendrait à briser
la souveraineté, puisque toutes les marques doivent être rattachées à la loi.
- Cela donne à l action étatique, un contenu matériel indéterminé ! par
conséquent, les compétences étatiques sont définies par leur imputation
formelle au souverain, par la capacité au souverain de créer du droit, qu importe
la matière qu il réglemente. Les missions de l État varient en fonction des
besoins. Cela ramène la souveraineté à un principe d omni-compétence. Ce qui
rend vaine toute tentative de limiter le champ d intervention de l État.

La doctrine bodinienne légitime donc la tradition de l État providence.

Cela étant, si l État peut ainsi tout faire, en revanche il ne saurait intenter à sa
souveraineté. Il ne saurait librement disposer de ses prérogatives de puissance
publique, de ses compétences, sans remettre en cause son existence.

C est cette idée qu essayait de formuler maladroitement la doctrine des droits


fondamentaux au XIXe siècle. Mais cette théorie n a pas tenue.
Il y a le rejet de conception matérielle de la souveraineté, mais en même temps, si
l État se dessaisit de certaines de ses attributions, il va perdre sa souveraineté, comme
étant la puissance de donner la loi, acte unilatéral qui s impose à tous. Ainsi l État ne
peut pas renoncer à sa force armée. Il ne peut pas renoncer à sa force publique, car
sans elle, la loi n est plus un acte de souveraineté. Il faut une police, une gendarmerie
pour imposer le commandement à ceux qui serait récalcitrants.
A un certain seuil, l État n aurait plus les moyens d imposer ce qu il décide, et ce débat
est très actuel notamment dans le droit de l UE.

F) La population et le territoire comme cadre d application de la


souveraineté

On peut reprendre le point de vue Kelsen, qui a démontré que la population et le


territoire, ne sont que les projections personnelles et spatiales de la souveraineté, des
cadres d application du pouvoir étatique.
Autrement dit, cela signifie que c est bien seule la souveraineté qui est décisive pour
identifier un État. Ce n est pas la population ou le territoire.

49
Qui définit la population de l État ? C est le droit qui définit la population par le biais de
la nationalité, et c est le droit qui délimite le territoire par le biais de la délimitation des
territoires.

1) Souveraineté et population

On associe souvent la nationalité avec la population de l État, et on définit


classiquement la nationalité comme l appartenance juridique et politique à la
population de l État. Définition tirée de Paul Lagarde sur la nationalité française.

En fait cette définition de la nationalité, tente de concilier les deux conceptions d un


État :
- La première conception sociologique conçoit la conception de l État comme une
nation définie par des éléments objectifs (langue, culture voire l ethnie ou la
religion) et des éléments plus subjectifs (savoir vivre, etc.).
Si on définit la population d un État comme une nation, ce à quoi on renvoie, ce n est
pas tant la population, que le peuple, compris comme une communauté de citoyens. Et
le lien juridique de nationalité rattache l individu au peuple, à la communauté de
citoyens.

- La deuxième conception, est celle de Kelsen (conception « normativiste »), qui


pour lui la population, c est l ensemble des individus assujettis à la domination
étatique.

Dans ce cas-là, cela fait disparaitre ou du moins minorise la distinction entre


nationaux et étrangers.
Cette conception de Kelsen méconnait le fait que dans un État démocratique, les
nationaux sont également citoyens et forment le souverain. En revanche, elle a
l avantage d exprimer une réalité positive, car la puissance de l État s étend même aux
étrangers séjournant sur son territoire.

Quelles que soient ces distinctions, toujours est-il que la population n est rien d autre
que la projection personnelle étatique.
La nationalité est liée indissolublement à la souveraineté, car c est l État qui définit
librement quels sont ces nationaux. Et ce lien-là entre nationalité et souveraineté, peut
être affecté par les aléas de la souveraineté.

2) Souveraineté et territoire

50
Comment expliquer que le souverain exerce sur sa population, sa domination à la fois
sur les citoyens et étrangers ?
La conception de territoire permet de justifier cela, car c est l expression spatiale de la
souveraineté. Il y a aussi un lien. La caractéristique du pouvoir souverain, c est d avoir
une assise territoriale, le territoire c est le terme médian entre le titulaire du pouvoir et
les sujets du pouvoir.

On sait que l État comme entité souveraine, est soumise au processus de


territorialisation du pouvoir. Au fur et à mesure, l État étend notamment son domaine
royal.
Alors que à l origine, et notamment à l époque franque, le pouvoir n était pas lié à un
territoire, mais lié à des personnes, sur un clan. Il y avait des liens d allégeance
personnelle.
Quand on parle de l intégrité du territoire (article 5 de la Constitution), c est rappeler
que la souveraineté ne peut tolérer une atteinte au monopole dont elle dispose dans le
cadre territorial qui est le sien. Elle ne saurait tolérer une autre autorité, et le destin du
territoire, comme celui de la population suit les aléas.

G) Souveraineté et État fédéral

L État fédéral se définit comme un État constitué de plusieurs États, auxquels il se


superpose. Plusieurs États qui disposent de prérogatives et de compétences, qui
s imposent à une population. Il y a deux niveaux de pouvoir, mais qui est souverain ?

La conception bodinienne de la souveraineté, n aide pas à penser l État fédéral. Si on


suit la logique bodinienne, dans laquelle la doctrine est enfermée, de deux choses
l une, où les entités composantes restent titulaires de la souveraineté, et ce sont donc
des États au sens juridique du terme, et l entité surplombante, n est pas un État, et
dont l acte constitutif ne peut être qu un traité, donc un acte plurilatéral.
Ordre juridique dérivé qui trouve le fondement dans le consentement des États, et par
conséquent l ordre juridique de la confédération n a pas de primauté sur le droit des
États.
Ou alors c est un État fédéral, qui trouve son fondement dans un acte de droit public
interne, à savoir la Constitution, donc un acte unilatéral, et les entités composantes ne
sont plus des États au sens plein du terme.

Beaucoup d auteurs ont tenté de sortir de cette logique binaire, liée à une conception
indivisible, et où elle cherche où elle siège.

51
Tocqueville, dans De la démocratie en Amérique, il montre que la souveraineté est
partagée aux États-Unis, entre les États membres et l État central. Cela étant, la
question qui a empoisonné les États-Unis, de la fin du XVIIIe jusqu à la seconde moitié
du XIXe siècle, c est la question du titulaire de la souveraineté. Est-ce que ce sont les
États fédéraux, les peuples des États, ou le peuple.

La localisation de la souveraineté a eu des conséquences dramatiques, John Calhoun,


a été président de 1825 à 1833, puis sénateur de l État de la Caroline du sud. Il disait
que les États-Unis ne sont pas une création du peuple américain, mais des peuples
des États membres, et par conséquent la Constitution des États-Unis n est pas une
Constitution du peuple, mais un pacte entre les États membres. Et donc que ces
derniers, étaient les gardiens du pacte fédéral, et pouvaient refuser l application d une
loi fédérale, considérée comme contraire au pacte fédéral.

Cette querelle n a pu être tranchée que par la guerre de Sécession, qui fera des États,
une union des États indestructibles.

Arrêt Marbury v. Madison ! Cour suprême fédérale s était reconnu le pouvoir


d invalider des décisions des États fédérés.

Voilà la difficulté de penser l État fédéral dans une logique qu elle soit une société
indivisible.

D autres auteurs, ont considéré eux qu on ne pouvait penser le phénomène fédéral, de


concert avec la souveraineté. Il fallait évacuer la question de la souveraineté.

Il en est ainsi de Karl Friedrich, classiques Garnier (jaune) ! qui pour lui, énonce qu il
ne peut y avoir de souverain dans un système fédéral. Le système fédéral, quel qu il
soit, se caractérise par la coexistence de deux niveaux de pouvoir autonome. Et pour
lui, l autonomie et la souveraineté s excluent mutuellement.

Olivier Beaud, dans Théorie de la fédération, 2007, il faut penser le fédéralisme en


insistant sur son unité profonde, qu importe ses traductions institutionnelles, et pour
cela il faut penser le fédéralisme, il faut évacuer la question de souveraineté, de
l analyse du fédéralisme.

H) Souveraineté et état constitutionnel

52
A partir du moment où l État et le pouvoir étatique sont fondés sur une Constitution
adoptée par le peuple, la question de la souveraineté de cette État se pose
différemment. L État constitutionnel reconnait en effet aucune souveraineté en son
sein.

Le sens d une Constitution est de ne pas attribuer la souveraineté à ceux qui exercent
la puissance publique. Dans un État constitutionnel, il n existe que des pouvoirs
constitués (institués par la Constitution), qui ne sont autorisés à remplir que les
fonctions qui leur sont assignées, et à n exercer que les pouvoirs qui leur sont
conférés, dans les limites et conditions posées par la Constitution.

Ces pouvoirs constitués ne sauraient donc prétendre être souverains. Seul est
souverain le pouvoir constituant, et ce dernier exprimer sa souveraineté que dans
l adoption de la Constitution.

Ce qui veut dire qu une fois la Constitution adoptée, la souveraineté reste en suspens,
reste latente, tant que la Constitution reste en vigueur. Et cela est vrai même lorsque le
peuple se voit attribuer un pouvoir de décision, par le biais de l instauration d une
procédure référendaire.
Article 11 de la Constitution de 1958

Dans ce cas, le peuple agit en vertu d une compétence conférée et réglée par la
Constitution. Il agit comme pouvoir constitué.

Même lorsque le peuple se voit confier le pouvoir de révision de la Constitution,


même-là, il intervient comme pouvoir institué par la Constitution.
Par conséquent, il doit en principe respecter les limites matérielles et formelles posées
à la révision de la Constitution.

Cela montre que dans un État constitutionnel, le souverain encore une fois est devenu
invisible, immobile, absent. Il n apparait plus que comme sujet d imputation, et donc de
légitimation des actes de domination étatique.

Il y a un auteur qui se sépare de cette conception, c est Carl Schmitt ! employé à


restaurer la souveraineté, même dans un État constitutionnel, en limitant la validité du
droit constitutionnel, aux circonstances ordinaires.

Pour lui, en présence de circonstances exceptionnelles, le droit constitutionnel (les


règles posées par la Constitution) doit être neutralisé et le souverain doit pouvoir
53
s exprimer. C est la fameuse conception décisionniste de la souveraineté de Carl
Schmitt ! est souverain celui qui décide de l exceptionnel.

On retrouve un peu de cette idée de Carl Schmitt dans certaines Constitutions qui
revoient un État de nécessité. Les pouvoirs de l exécutif étaient augmentés dans des
cas exceptionnels (exemple de la Constitution de Weimar).
En France, on peut prendre l article 16, qui peut s inspirer de Carl Schmitt.

La souveraineté selon Schmitt, c est l envers de celle qui s exprime dans l acte
constituant. En gros, la souveraineté c est celle qui exerce le pouvoir d abolition de la
Constitution, de mise en suspens de la Constitution.
Pour Carl Schmitt, cette souveraineté ne revient pas au peuple (il adopte la
Constitution), mais à celui qui gouverne.

Chapitre 2 ‒ L État comme


Jusqu'à p.94
démocratie
Tous les États ne sont pas des démocraties. Il faut cependant relever que la
démocratie est un principe de légitimité du pouvoir, et une forme de gouvernement qui
est aujourd hui quasi universellement revendiquée par tous les États du monde. La
Chine dit qu elle est démocratique, l Afghanistan talibane dit qu elle est démocratique
dans le sens que le pouvoir qu ils exercent est voulu par le peuple. Les dictatures
marxistes se revendiquaient démocratiques.

Que met-on derrière le terme de démocratie, d où l importance de définir ce qu est une


démocratie, ce qu est un État démocratique.
Kelsen a écrit, dans La Démocratie, sa nature, sa valeur, que le mot d ordre
démocratie domine les esprits, et précisément pour cette raison, il perd son sens
précis. Notion abusée, et prend les sens les plus contradictoires.

Par conséquent, d où l importance de l effort de définition juridique de ce qu est une


démocratie. A cet égard, dire que cela appartient au peuple est exact, mais pas
suffisant.

Elle renvoie à plusieurs principes, plusieurs éléments, qui se retrouvent dans toutes les
expressions (les traductions institutionnelles) que la démocratie peut revêtir.

54
Propos préliminaires :

Il convient aussi de revenir sur l État-nation comme seul cadre d épanouissement de la


démocratie.

Jürgen Habermas ! L intégration républicaine, 1986


Page 124 : « Le démos des citoyens doit-il s ancrer dans l ethnos des compatriotes,
afin de pouvoir se stabiliser en tant qu association de sujets de droit, libres et
égaux ? »

Autrement dit, il est convenu que la démocratie suppose la compétition pacifique pour
le pouvoir, l acceptation de la décision majoritaire, et l alternance entre la majorité et la
minorité, ce qui suppose un certain consensus politique et social entre les membres de
la communauté politique.

Ce consensus politique et social peut-il être trouvé en dehors du cadre d une nation ?

Que faut-il entendre par nation ? Conception purement civique, donc la communauté
de citoyens, quelles que soient leurs différences culturelles ? Ou faut-il entendre la
nation au sens d ethnos, c est-à-dire, une conception élective, volontariste (le vouloir
vivre ensemble), ou est-ce une conception romantique allemande de la nation ?

Deux conceptions s opposent :

1) La conception ethnoculturelle de la démocratie

Cette conception est défendue par beaucoup, et en particulier par Carl Schmitt. Selon
cette conception requiert une unité pré-politique, que seule réalise la nation, entendue
comme ensemble humain, ethno-culturellement homogène.

Carl Schmitt pose comme condition, la condition d homogénéité substantielle du


peuple politique.
Autrement dit, la loyauté des citoyens doit être ancrée dans une conscience de la
solidarité naturelle du peuple, fondée sur une communauté de destins historiques, en
sorte que l octroi de la citoyenneté ne saurait être indépendant de l identité nationale.

Autrement dit, la nation ne peut constituer une communauté de citoyens, si en même


temps elle ne désigne pas une communauté homogène.

55
Cette conception se développe au XIXe siècle, et cette conception revient à dire que la
souveraineté du peuple présuppose un peuple, et le peuple n acquiert par son identité,
en vertu de la seule Constitution qu il se donne.

C est par l acte constituant que le peuple prend conscience de son identité collective.

L identité du peuple est un fait historique, parfaitement contingent, et qui n est pas à
la disposition de ceux qui se découvrent comme appartenant à un peuple.

Pour Schmitt, la communauté démocratique ne résulte pas de la volonté de citoyen,


qui se reconnaissent réciproquement comme sujets libres et égaux. Elle est fondée sur
une similarité.
Il écrit dans sa « théorie de la Constitution », l égalité démocratique est
essentiellement une homogénéité substantielle. Les citoyens peuvent se reconnaitre
réciproquement comme citoyens égaux. D où sa distinction qu on retrouve dans la
structure même de son ouvrage, où il oppose d une part, la Constitution politique, et la
Constitution bourgeoise. Il oppose démocratie et État de droit.

Pour lui, une démocratie à l échelle de l humanité est impossible, car l humanité n est
pas un peuple. L État de droit conduit à conférer des droits subjectifs à tous les
hommes, mais leur jouissance se réduit à la sphère privée.
Tandis que l exercice des droits politiques est réservé aux membres d un même
peuple, et doit être réservé.
Il nous dit que la notion démocratique d égalité est une notion politique, et comme
toute notion politique, elle se réfère à la possibilité d une distinction.

La démocratie ne peut pas reposer sur l absence de distinction entre les hommes. Elle
ne peut que reposer que sur l appartenance à un peuple, qui se distingue des autres
peuples, et qui se distingue par son homogénéité substantielle (culture, langue,
religion, voire race). Par conséquent, l égalité démocratique ne peut que s appliquer
qu à l intérieur d une nation et pas à l extérieur.

Cela veut dire que la conception de Carl récuse la force d intégration sociale d un État
de droit démocratique, sans laquelle les intéressés qui se lancent dans une procédure
d auto-législation démocratique, qui mette en place un régime démocratique, doivent
par l acte constituant, se reconnaitre réciproquement des droits égaux, y compris des
droits politiques égaux, qu importe les différences culturelles.

56
Carl Schmitt refuse cela, car pour lui l autodétermination collective est une affirmation
de soi collective d un peuple homogène, si bien que la reconnaissance de droits
politiques égaux, ne se conçoit pas en dehors de cette nation entendue au sens
ethnoculturel.

Schmitt récuse la possibilité d une adhésion volontaire à une nation. Il est conscient,
que cela force une assimilation forcée d éléments étrangers pour leur inculquer de
force les éléments culturels, ou alors même pire, cela peut conduire à des politiques
visant à préserver l homogénéité du peuple, donc de purification ethnique, de contrôle
de l immigration. On renvoie à des débats anciens et actuels.

Carl Schmitt avoue qu il y a antinomie entre sa conception et l État de droit. Il nous dit
que « ces conséquences de l homogénéité démocratique montrent à quel point la
démocratie s oppose aux idées libérales de liberté et d égalité de l individu. Si un État
démocratique reconnaissait jusque dans ces dernières conséquences, l égalité
universelle, dans le domaine de la vie publique, alors cet État démocratique se
dépouillerait de sa propre substance. »

2) Une conception civique de la démocratie

Défendue par Habermas ! la démocratie ne requiert qu un attachement civique à


l ordre constitutionnel.
Pour qu il y ait un sentiment de solidarité, de faire communauté, il suffit d un
attachement civique à l ordre constitutionnel qui pour ce dernier est aménagé dans le
but de garantir les droits fondamentaux, et de manière que la décision soit le fruit
d une discussion et d une communication publique qui permet d exposer la
confrontation de tous les points de vue.
Il faut que ce qui unisse les citoyens, c est un patriotisme constitutionnel.

Habermas a développé assez tôt cette théorie. L Allemagne nazi a disqualifié la


conception ethnoculturelle de la nation.
Ce qui doit réunir une communauté, c est l attachement aux valeurs de l État de droit,
de la démocratie, telles que formulées dans la Constitution.

Et autrement dit le processus démocratique doit être aménagé de telle manière que
tous les points de vue soient discutés avec tous les autres, et ainsi une décision
sortira, et sera la meilleure, acceptable par tous.

57
S il est correctement aménagé, en respectant les exigences, le processus
démocratique est capable lui-même d aménager l intégration sociale, dans une société
pluraliste.
La loyauté dans ce cas-là repose sur l attachement à l ordre constitutionnel
démocratique, mais il repose aussi sur les prestations de l État social.

C est une conception volontariste, qui peut conduire à l idée que le peuple se constitue
en même temps qu il se donne une Constitution démocratique, c est-à-dire s érige en
souverain, parce qu il reconnait à chacun de ses membres, des droits égaux, et cela est
suffisant.

Habermas dit que pour qu il y ait une démocratie viable, les membres de la
communauté, se reconnaissent des droits politiques et des libertés individuelles, mais
aussi se reconnaissent des droits sociaux. Il évoque la sécurité sociale, les différentes
formes de vie culturelle.

Il ajoute que cette conception civique de la démocratie est possible même dans une
société pluraliste. Il dit « même dans une société démocratique, une culture
majoritaire, politiquement dominante, peut imposer sa forme de de vie aux minorités,
refusant par-là, l égalité effective de droits aux citoyens dont la culture est différente.

Il rappelle que les ordres juridiques interprètent le même contenu universaliste des
principes constitutionnels différemment, à la lumière d une tradition, d une culture et
d une forme de vie prédominante.

Exemple : le droit à la vie. Est-ce que le droit à la vie s oppose à l avortement ? On


entend le droit à la vie sous une forme de vie culturellement dominante, et le risque
alors c est que cette forme de vie majoritaire donne un contenu aux principes
constitutionnels universels qui ne permet pas l épanouissement des cultures
minoritaires.

Il dit donc que la réglementation de matière culturellement sensible, comme le statut


des églises, la langue officielle, les positions sur les unions conjugales, ne reflètent
bien souvent que la conception de la culture majoritaire. C est le risque dans une
société pluraliste.

Habermas dit que le risque c est que la minorité ne se sente pas respectée, se fasse
sécession.

58
On peut passer par une décentralisation, la reconnaissance de droits spécifiques à
certaines minorités, et si on fait cela, si on permet la coexistence égalitaire des
diverses formes communautaires, c est le risque de la fragmentation de la
communauté nationale.
Pour conjurer ce sort, il faut que la culture majoritaire renonce à imposer sa vision de
la culture politique générale, donc sa vision des principes constitutionnels
universalistes.

Il faut à la fois éviter cela, donc une vision trop marquée de la culture politique
générale, pour laisser place à l expression d autres formes de vie, et d un autre côté il
ne faut pas que la culture politique devienne trop abstraite, parce que sinon ce qui lie
la communauté de citoyens devient trop vague. Le contenu de l attachement devient
trop évanescent.

Il faut trouver un équilibre pour que ce soit à la fois inclusif et en même temps
suffisamment fort pour avoir une véritable solidarité.

Ces propos d Habermas ont été repris à multiples reprises pour envisager une
l hypothèse d une communauté européenne. Pour Habermas, il est possible d aboutir à
la forme d une communauté politique européenne, sur la base de valeurs partagées,
d une culture commune, et d un développement d un espace européen.

Ce débat est toujours actuel.

SECTION 1 ‒ LA NOTION DE DÉMOCRATIE

Juridiquement, il est difficile de la définir, car la démocratie désigne à la fois un mode


de légitimation du pouvoir, une formule d organisation politique, mais aussi un idéal
politique et même un idéal social, et on fait une référence implicite à Tocqueville, qui
dans De la démocratie en Amérique, qu aux États-Unis, pourquoi la démocratie
s épanouit tellement, car c est une forme d organisation politique, mais aussi une
forme de société. On parle d égalité des conditions.

Difficile de définir la démocratie, parce que c est tout cela à la fois, et par conséquent,
dans la mesure que c est aussi un idéal, cela confère à cette notion un dynamisme qui
fait que c est une notion évolutive, qui devient toujours plus exigeante, au fur et à
mesure de ses réalisations.

59
La définition qu on en donne, n est pas forcément stable, et elle n est le reflet que de la
réalité démocratique du moment.

Cela étant, la démocratie c est avant tout un principe relatif à la détention du pouvoir
politique dans l État, qui est un principe selon lequel, le pouvoir politique doit être
constitué, légitimé et contrôlé par les citoyens. On peut reprendre la fameuse formule
de Lincoln, et qui figure à l article 2 la Constitution de 1958, « c est le gouvernement
du peuple, pour le peuple et par le peuple ».

Cela veut dire, qu il y a deux principes qui doivent organiser une démocratie : les
citoyens doivent à égalité être les auteurs des décisions auxquels ils sont soumis, et
doivent être aussi à égalité les bénéficiaires de ces décisions, il faut une autonomie
politique de chacun, et il faut le bien commun de tous. Il faut une identité du peuple
gouverné, du peuple gouvernant, et du peuple bénéficiaire.
Et le peuple doit être également gouverné, gouvernant et bénéficiaire.

Concrètement, cela veut dire d abord que l origine du pouvoir réside dans le peuple. La
souveraineté appartient au peuple, et la justification de cette origine démocratique du
pouvoir réside dans l égalité de droits, dont jouissent tous les citoyens. Droits qui
garantissent que l exercice du pouvoir, préservera la liberté de chacun.

L égalité et la liberté sont au fondement de la démocratie.

§1. Les fondements de la démocratie : l égalité et la liberté

La démocratie tend à se caractériser par un lien social placé sous le signe de l égalité,
ou par une forme politique susceptible d exprimer l idéal de garantir l idéal de liberté.
On trouvait déjà cela dans la démocratie antique, et dans la manière dont elle a été
exposée par Aristote, elle se caractérisait comme un gouvernement par les lois.
Les citoyens étaient également soumis aux lois, et d un autre côté ils avaient tous un
droit égal de participer à leur adoption, et à un droit égal d accéder aux magistratures,
donc aux fonctions administratives ou politiques.
Les démocraties athéniennes étaient directes.
Ce gouvernement par les lois leur assure leurs libertés, car comme le rappelle
Aristote, car il permet de gouverner et d être gouverné à tour de rôle, donc de n être
gouverné par absolument personne.

La liberté et l égalité sont au fondement de la démocratie, et que pour les anciens,


l égalité, c est l égalité politique.
60
On retrouve ces idées chez Rousseau, et on retrouve ces idées à la Révolution
française (reconnaissance de la souveraineté de la nation, c est la reconnaissance de
l égalité de droit pour tous les citoyens), chez Tocqueville (égalité des conditions).

Ensuite, la pensée libérale qui éclot déjà avec John Locke ou Montesquieu, voire
Tocqueville, chacun a le droit de participer à l adoption des lois, ce qui lui permet de
n être gouverné par personne. C est une auto-législation.

Mais chez les anciens, la liberté, n est que la liberté politique. Pour les modernes, donc
les libéraux, il y a une autre forme de liberté, la liberté individuelle. Chez les modernes,
il faut distinguer la liberté de droit politique, et la liberté comme autonomie
individuelle.

Pour les libéraux, chaque individu a droit à sa liberté individuelle. Chaque individu doit
être libre, et par conséquence les limitations à sa liberté d agir ne peuvent lui être
imposé de façon hétéronome. La liberté individuelle présuppose ou implique la liberté
politique.

Pour Hobbes, les hommes sont libres dans l état de nature, et ils abandonnent alors
leur liberté au souverain absolu pour garantir leur sécurité.

Pour les libéraux, il faut tenir compte de la liberté inhérente à l homme, mais implique
l auto-législation.
A partir des modernes, il y a une imbrication entre liberté comme autonomie
individuelle, et liberté comme autonomie politique, et on peut ajouter que la liberté
individuelle implique la liberté politique, et la liberté politique permettra de garantir
que la liberté individuelle continuera à être garantie.

DDHC de 1789, l article 2 ! garantir la liberté. Les autres articles assurent la liberté,
mais c est surtout la loi, qui est l œuvre de tous.
Aujourd hui, on est un peu revenu dessus, car des lois même démocratiques peuvent
être liberticides.

Cela étant, la liberté politique qui caractérise la démocratie, ne s épuise pas dans le
droit de suffrage, qu il s agisse de voter la loi, ou d élire des représentants. Elle
implique des libertés d opinion, la liberté de la presse, d association et de réunion. Ces
libertés sont la condition d un processus démocratique ouvert, où tous les points de
vue sont discutés.

61
Se faisant, si ces libertés sont bien garanties, la loi sera bien l expression de la volonté
générale, et dans la perspective de la pensée libérale, elle permettra de garantir la
liberté de chacun.

Donc si effectivement l égale liberté politique est assurée, nous sommes dans un
régime démocratique, dans un régime d auto-législation, autrement dit, d identité entre
gouvernants et gouvernés.

Jacques Rancière, a rappelé que la démocratie est le gouvernement de n importe qui.


On élit des représentants, et Carl Schmitt rappelle l intérêt d élire des représentants
intelligents et compétents, mais ce qui lui donne un titre à gouverner, ce n est pas son
intelligence ou sa compétence, ce n est que sa désignation par le peuple, sinon nous
ne sommes plus en démocratie. On est plus dans l identité entre gouvernant et
gouverné.

Dernière remarque, Tocqueville parle d égalité des conditions, mais a remarqué qu il y


a des inégalités. Quand il parle d égalité des conditions, cela veut dire qu elles restent
ouvertes. On peut passer d une classe à l autre.

L égalité des conditions ne signifie pas qu il n y ait pas d inégalités sociales. Si


inégalité sociale il y a, l inégalité de droit n est qu une inégalité formelle.

§2. Le titulaire de la souveraineté démocratique

Théories de la souveraineté nationale et populaire.

Le souverain c est le titulaire de la puissance suprême de commandement, et c est lui


qui légitime démocratiquement le pouvoir. Longtemps, on prédominait en Occident, le
pouvoir était sécularisé, le source du pouvoir étant Dieu, étant entendu ensuite que
Dieu, investit de son exercice, les rois, soit directement, soit par la médiation de
l Église.

La Révolution française et la Révolution américaine ont opéré une démocratisation de


la souveraineté. Transfert de la souveraineté de Dieu et du roi, au peuple.

C est à partir cette époque, que la légitimité démocratique va s imposer ! le pouvoir


émane du peuple. Et cette idée-là a été traduite de deux manières en France. L idée

62
que la souveraineté appartient au peuple, a donné deux conceptions traditionnelles : la
souveraineté nationale et la souveraineté populaire.

A) La théorie de la souveraineté nationale

Selon cette théorie, la souveraineté qui tire une origine démocratique du pouvoir, elle
appartient à la nation, un corps collectif distinct des individus qui la composent. La
nation ce ne sont pas seulement les citoyens vivant sur le territoire, mais c est aussi ce
qui englobe le passé et l avenir.

Théorie développée par Sieyès, à la fois dans les textes constitutionnels, mais aussi
dans ses écrits dont Qu est-ce que le Tiers-état ?

Pour la bourgeoisie française, qui au départ, est celle qui est aux manettes de la
Révolution française, Mirabeau, Danton, Robespierre, Condorcet. Il s agit à la fois de
mettre un terme à la souveraineté royale, mais en même temps éviter que le peuple
lui-même ne gouverne. Le peuple n est pas apte, et on retrouve cette idée d ailleurs
dans les concepteurs de la Constitution fédérale américaine.

On dit que la nation appartient à un être collectif abstrait, distinct des individus qui la
composent.
On retrouve cette idée encore aujourd hui, avec l article 3 de la DDHC de 1789. Puis
dans la Constitution de 1791, qui affirme la souveraineté nationale (titre III).

Quelles sont les conséquences de la souveraineté nationale ?

D abord, l inaliénabilité de la souveraineté ! on ne transfère par la souveraineté, mais


on peut déléguer temporairement l exercice. Mais surtout ensuite, la souveraineté
nationale ne peut s exercer que par le biais de représentants. Sa volonté, étant la
volonté d un être de raison, un être collectif abstrait, elle s exprime par les
représentants.

Qui sont ces représentants ?

Ils peuvent être élus, ou simplement désignés par la Constitution. C est ainsi que dans
la Constitution de 1791 qui maintenait la monarchie, l article 2 du titre III, les
représentants sont le corps législatif et le roi.

63
Ces représentants sont titulaires d un mandat représentatif et non impératif, ils ont
toute la volonté de la nation.

Enfin, la théorie de l électorat-fonction ! les citoyens, ne détiennent individuellement


aucune parcelle de souveraineté. Par conséquent, lorsqu ils désignent les
représentants ils n exercent pas un droit, mais une fonction. D où l instauration du
suffrage censitaire.
On voit que cela permet d affirmer la théorie démocratique du pouvoir, mais aussi
éviter que le peuple prenne le pouvoir ! mise en place d une oligarchie bourgeoise.

B) La théorie de la souveraineté populaire

En même temps que la souveraineté nationale, on retrouve la théorie de la


souveraineté populaire, et on retrouve des traces chez Rousseau, dans son contrat
social.

Pour Rousseau, il s agit de faire en sorte qu avec la mise en place d un ordre politique,
les individus retrouvent leur liberté, et par quels moyens ils retrouvent la liberté ? Ils
n obéissent qu aux lois, auxquels ils auront tous également participé. La souveraineté
est celle de tous les citoyens pris à égalité. La souveraineté réside dans l universalité
des citoyens.

La Constitution de l an I (article 7), est surplombée d une déclaration, qui pose le


principe de souveraineté populaire. Constitution montagnarde jamais appliquée.

Cela veut dire, que chaque citoyen détient une parcelle de souveraineté.
Cela a une série de conséquences ! la démocratie directe, car comme le souverain
c est la communauté des citoyens, elle peut exercer elle-même la souveraineté, établir
la loi, qui sera la traduction de la volonté générale.
Pour des raisons purement pratiques, ce n est pas toujours possible, et Rousseau en
convient à regret. Mais dans ce cas-là, le peuple élit des commissaires, qui ne sont
pas des représentants, mais des commissaires, soumis à un mandant impératif ! ils
sont révocables.

Enfin, l électorat de droit s impose. Le citoyen a un droit de suffrage. La Constitution


de l an I, avait consacré le suffrage universel masculin.

64
De nos jours, si on regarde la Constitution de 1958, comme celle de 1946, elle fait un
mélange des deux. On sait que le système français est à la fois représentatif mais
consacre le suffrage universel comme un droit, et reconnait la pratique d usages
référendaires.

§3. Le principe de la décision majoritaire

Article sur la démocratie comme système de la décision majoritaire! Ernst-Wolfgang


Böckenförde ! Le droit à la constitution et à la légitimité démocratique

Le principe de la majorité signifie que les décisions d une fraction du corps politique
sont tenues pour être les décisions de l entièreté du corps politique.
Rousseau insiste aussi là-dessus ! c est une fiction, une fois que la décision est prise
par la majorité, c est censé être devenue la volonté générale.

C est un expédiant technique permettant la prise de décision mais c est bien plus que
cela comme va le montrer sa justification. Structurellement adéquat à la notion de
démocratie.

A) La justification du principe

Le principe de la décision majoritaire se justifie par les deux principes qui sont aux
fondements de la démocratie : liberté et égalité
Si la liberté politique, c est-à-dire le droit de participer au droit politique, appartient à
tous, alors l adoption d une décision requiert la majorité, mais seulement la majorité.
S il suffisait d un nombre moins que la majorité, les adversaires de la décision seraient
défavorisés. Et s il fallait plus qu une majorité, alors ce seraient les participants de la
décision qui seraient défavorisés.

Cette égalité de droit politique, cela doit être une égalité numérique. Si on veut en
effet, parce que les citoyens jouissent une égalité de droits politiques, si on veut qu ils
aient des chances égales d influence politique, alors les suffrages doivent être
comptés et pas supposés, et donc, 50 + 1 voix, doivent faire la décision.

La règle majoritaire permet l égal poids des décideurs dans la décision majoritaire.

Ce principe assure l égalité des opinions qui s expriment dans la prise de décisions.
65
De ce point de vue, on exige parfois des majorités qualifiées pour certaines décisions.
Mais l exigence de telles majorités qualifiées ne signifient pas un renforcement de la
démocratie. L exigence permet seulement à protéger la minorité.

Enfin, on dit souvent que la démocratie notamment en ce qu elle est, un processus de


délibération ouvert à tous, cela ne remet pas en cause le principe de la décision
majoritaire, car à défaut de consensus, il faut pouvoir clore la discussion pour prendre
une décision.

Cela dit le principe de la décision majorité ne saurait être sans limites.

B) Les limites du principe

La démocratie ne saurait permettre un absolutisme de la majorité, du moins, ce qu on


entend majoritairement par démocratie, c est-à-dire ce qu on appelle la démocratie
libérale.
La démocratie constitutionnelle, Carl Friedrich

Selon ces conceptions, le pouvoir de la majorité se heurte à des limites qui sont
inhérentes à la notion même de démocratie.
Les limites sont le pluralisme, et le respect des droits fondamentaux.

1) Le respect du pluralisme

La liberté et l égalité qui justifient comme on vient de le voir, le principe de la décision


majoritaire, en même temps, le limitent.
Ces deux principes, si toute conviction politique doit être respectée à l égale de toute
autre, et si tous les citoyens disposent d une liberté politique, alors il est défendu à la
majorité, d utiliser les prérogatives que lui confèrent la détention du pouvoir, pour
empêcher l adversaire politique de reconquérir le pouvoir, en le muselant.

Le droit de la majorité de prendre des décisions qui s imposent à tous.


Cela repose sur le fait qu elle repose en concurrence permanente avec la minorité pour
la conquête du pouvoir, et que cette minorité dispose d une chance égale de redevenir
à nouveau la majorité.

66
Le respect du pluralisme est un élément constitutif de la démocratie. Le respect du
pluralisme emporte l interdiction pour la majorité de porter atteinte aux droits et
libertés qui constituent la condition du maintien de l égalité des chances d accès au
pouvoir.

Quelles sont ces droits et libertés politiques qui doivent donc préserver le maintien
d un débat démocratique, c est la liberté d association, d expression, d opinion, le droit
de suffrage et d éligibilité, la liberté de création des partis politiques, la liberté de
réunion. Tous ces droits qui rendent possibles un réal débat démocratique.

Autrement dit, le respect du pluralisme se traduit par l existence d une opposition, et la


reconnaissance à celle-ci, d un statut qui lui permet de faire entendre sa voix : droit de
parole dans les médias, à la tribune des assemblées, voire financement public des
partis politiques.
Le respect du pluralisme suppose aussi la remise en jeu régulière du pouvoir, dans le
cadre d élections libres et disputées, ou le vote est secret, ou plusieurs partis rentrent
en compétition, et enfin l alternance au pouvoir.

Tout cela peut paraitre évident, mais dans certains, le système lors des élections n est
pas le même.
La démocratie c est la concurrence en vue de la conquête du pouvoir, l alternance dans
sa dévolution.

Ce qu implique la démocratie, au sens de démocratie libérale ou constitutionnelle,


c est l acceptation de la contestation, donc la reconnaissance de l égale validité de
toutes les opinions politiques. Cela signifie le renoncement à conférer à ses propres
conceptions, la valeur d une vérité objective.

Par conséquent, certaines démocraties combattent les mouvements, et les partis


politiques, qui ont pour objectif de détruire l ordre démocratique pluraliste au nom
d une vérité objective, c est-à-dire au nom d une idéologie totalitaire.

La démocratie doit s arrêter là où l exercice des droits inhérents par certains,


conduiraient à la mettre en péril. Il y a des démocraties qui pour préserver l ordre
démocratique pluraliste, interdisent les partis qui veulent détruire l ordre
démocratique. C est le cas de l Allemagne.

Éric Mollin : La raison d État au service de la liberté. 2015

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Dans cette étude, il montre que la notion de démocratie militante peut aussi être vue
comme une expression de la raison d État.

L ordre constitutionnel allemand a interdit certains partis, notamment le parti


communiste, dans un arrêt du 21 mars 1957 ! dans cet arrêt, la Cour fédérale
allemande interdit le parti communiste sur la base de l article 21 de la loi
fondamentale, et dans cet arrêt, la Cour fédérale allemande relève l incompatibilité des
buts poursuivis par le parti communiste avec les principes démocratiques de liberté et
d égalité.

La démocratie accepte les conflits, et elle les organise et réglemente, dans le cadre de
l enceinte parlementaire, des campagnes électorales, etc. Elle croit aux vertus de la
confrontation, de la critique, et là on renvoie encore à une fois à Habermas, qui insiste
sur la formation discursive de la volonté (démocratie comme espace de délibération
aussi ouvert que possible).

C est cette conception de la démocratie qui s est imposée après la chute du mur de
Berlin, et la faillite de l idéologie marxiste-léniniste, ce qui fait qu à la suite de cela, on
a considéré que le modèle démocratique qui s est imposé, c est le modèle de
démocratie pluraliste et libéral.

Et ce modèle, Francis Fukuyama, dans La fin de l Histoire, il l a cru avec le triomphe du


modèle de la démocratie libéral. Mais ce triomphe, rétrospectivement, consiste à
considérer les régimes marxistes-léninistes comme étant tout sauf des démocraties,
alors même qu elles se revendiquaient comme des démocraties populaires.

L un des seuls qui n a jamais adopté ce point de vue, c est Raymond Aron.
Démocratie et totalitarisme
Raymond Aron expliquait qu il y avait une différence de nature entre les deux, et que
pour lui, les régimes marxistes-léninistes sont des régimes totalitaires. Le critère de
distinction qu il met en évidence, c est le respect du pluralisme.

Claude Lefort ! L invention démocratique


Régime de l indétermination

2) Le respect des droits fondamentaux

Aujourd hui un État ne saurait se prétendre démocratique, si la puissance étatique sur


l individu avait une extension illimitée au point d anéantir la liberté individuelle. Et de
68
ce point de vue-là, c est aussi pour cette raison les régimes totalitaires ne méritent pas
le qualificatif démocratique, en effet, ces régimes affirmaient le primat de la réalisation
d un nouvel ordre social (ordre racial pour l État nazi par exemple) sur les libertés
individuelles.
Parce qu il permettait au pouvoir étatique d investir l ensemble de la sphère privé au
nom de ce nouvel ordre social, il ne méritait pas le qualificatif démocratique.

Ce qui caractérise le régime totalitaire, c est l absorption de la société par l État. L État
qui est l appareil institutionnel du régime.
Il n y plus l ordre social, qui pourrait se développer librement en dehors de l emprise
étatique. Il n y a plus de sphère privée, dans laquelle la pouvoir étatique pourrait
s immiscer.

L idée de préservation d une sphère privée de la puissance étatique, est déjà celle de
la philosophie des lumières, des penseurs libéraux, qui ont inspiré les constituants
français et américains, John Locke notamment.

Cette idée on la retrouve dans les premières constitutions, aussi bien dans la
Constitution des États-Unis, ou dans la DDHC. Il y a l idée que la souveraineté
démocratique, ne s étend pas aux droits individuels. Les révolutionnaires dans la
déclaration, ils proclament les droits inaliénables de l homme face aux pouvoirs, ce
sont les idées du libéralisme politique, du constitutionnalisme, c est de poser des
limites au pouvoir politique, et de le faire dans une Constitution écrite, c est l objet
même de la Constitution, de limiter le pouvoir. Il faut le faire par la séparation des
pouvoirs, mais aussi par l affirmation des droits des individus face au pouvoir.

C est la fameuse liberté des modernes, exposée par Benjamin Constant. Préservation
d une sphère d autonomie privée, dans laquelle chaque homme peut librement tracer
son destin, ou l accomplir. La fonction d une Constitution démocratique, donc ratifiée
par le peuple souverain, c est précisément tracer la limite entre le pouvoir
démocratique, et la sphère des libertés individuelles.

Le pouvoir politique a même pour finalité la préservation des libertés individuelles. Le


but de toute association politique, est la préservation des droits individuels et
inaliénables de l homme.

§4. Le modèle de la démocratie délibérative

Ouvrage de Charles Girard et Alice Le Goff : La démocratie délibérative


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Ouvrage de Girard : délibérer entre égaux ‒ enquête sur un idéal démocratique

Cette conception-là voit la démocratie non pas seulement comme la loi du nombre fut-
elle tempérée par le respect du pluralisme et des droits fondamentaux, elle insiste au
moins autant sur le processus discursif, délibératif, organisé en amont de la décision.

Autrement dit, la légitimité démocratique de la décision, elle ne repose pas seulement


sur le choix démocratique, ni même sur le respect de valeurs supposées
démocratiques, mais la légitimité démocratique de l exercice du pouvoir, réside dans la
qualité du processus démocratique qui conduit à la décision.
C est la conjonction de la délibération et du vote majoritaire, qui crée la légitimité.
D une certaine manière, c est une conception procédurale de la démocratie.

Il faut un certain nombre de présupposés procéduraux. Cette procédure délibérative


requiert la garantie des droits, qui vont conditionner la qualité de la délibération
démocratique : droit d égale parole pour tous, liberté d information, etc.

Habermas insiste beaucoup sur ces exigences procédurales. En réalité, il emprunte à


Niklas Luhmann, et il nous dit, notamment dans Droit et Démocratie 1997, « le droit ne
prend pas son sens normatif en vertu de sa seule forme (autorité du peuple), pas plus
qu en vertu mais à travers d une procédure d édiction du droit qui engrange la légitimé,
et c est cette procédure qui réunit les qualités nécessaires, qui doit permettre
d accéder au juste. »
Il n y a pas de valeurs a priori à respecter en dehors de la procédure démocratique
elle-même.

Une démocratie délibérative peut être mise en place dans le cadre d un régime
purement représentatif. Autrement dit, la délibération peut être limitée au sein des
représentants. Inversement, il peut y avoir démocratie participative, démocratie directe
(référendum) sans démocratie délibérative.
Exemple : grand débat national de Macron. Aucune confrontation des idées.
En revanche, la convention citoyenne sur le climat, elle, répond en partie, aux
exigences.

SECTION 2 ‒ LES EXPRESSIONS DU PRINCIPE


DÉMOCRATIQUE

70
Un régime démocratique est un régime où le pouvoir a un fondement populaire, et
c est vrai.
Le peuple qui donne son consentement à l acte d établissement et d organisation de la
société politique.
Mais ensuite, le principe démocratique se traduit aussi par l association des citoyens à
l exercice du pouvoir.

§1. La souveraineté constituante du peuple

A) Le peuple, titulaire du pouvoir constituant

Carl Schmitt, dans sa théorie de la Constitution, une Constitution est légitime lorsque
le pouvoir et l autorité du pouvoir constituant sont reconnus comme étant légitimes. Et
pour cela, il faut que le pouvoir constituant soit démocratique, autrement dit, que le
titulaire du pouvoir constituant soit le peuple. Le peuple doit être le titulaire de la
souveraineté.

Une Constitution est légitime lorsque l autorité du pouvoir constituant est reconnue, et
pour cela il faut que la souveraineté émane du peuple. On pourrait considérer qu il y a
différents titulaires du pouvoir constituant, mais en vérité le concept même de pouvoir
constituant est par son origine et son contenu, une notion démocratique et
révolutionnaire, qui ne trouve sa place que dans le cadre démocratique de la
Constitution. Autrement dit, le concept de pouvoir constituant est émergé à la RF, et il
a été immédiatement associé à la souveraineté démocratique, si bien qu on ne conçoit
pas de constitution qui ne soit pas du peuple.

La première expression juridique de la démocratie, la première manifestation de la


souveraineté populaire, c est l adoption d une Constitution, c est l exercice du pouvoir
constituant par le peuple.

C est Sieyès qui conceptualise l application de la notion de souveraineté à la nation, et


aussi à la Constitution. Sieyès est toujours présenté à juste titre comme le grand
penseur de la théorie de la souveraineté nationale. C est évidemment vrai, mais
comment s exprime cette souveraineté nationale ? Elle s exprime par l adoption d une
Constitution. C est Sieyès qui fait du peuple, en l occurrence la nation, le sujet du
pouvoir constituant. La nation est la communauté d individus qui décide librement de
vivre sous une loi commune, étant la Constitution, forgée par leurs représentants.

71
L objectif est de mettre fin à l absolutisme royal, donc de mettre fin au pouvoir de
domination originaire et illimité du roi, fondé sur la volonté de Dieu, fondé sur la
tradition, et pour cela, est affirmé le pouvoir originaire et illimité de la nation.

Dans Qu est-ce que le Tiers-État ? il écrit : « si nous manquons de Constitution, il faut


en faire une. La nation seule en a le droit. La nation existe avant tout, elle est à
l origine de tout. (...) Avant elle, et au-dessus d elle, il n y a que le droit naturel. »

Sieyès ajoute encore que l expression de la volonté de la nation est indépendante de


tout respect de procédure.
Cela n empêche pas Sieyès de présenter des suggestions. Sieyès plaide pour que la
nation désigne une assemblée constituante, un corps de représentants, chargé
d élaborer la Constitution, et de l adopter.

Les États-Généraux sont convoqués le 5 mai 1789, le Tiers-État se proclame AN le 17


juin, le 20 juin des députés se considèrent comme les seuls représentants du peuple,
et formulent le serment du jeu de paume, donc elle se proclament AN constituante.
Quelques jours plus tard, les députés de la noblesse et du clergé rejoignent l AN, et
proclament AN constituante le 9 juillet 1789, et c est cette AN, née d une
transformation des États-Généraux, qui va élaborer la première Constitution française.

Emmanuel de Waresquiel ! Sept Jours, 17-23 juin 1789, la France entre en Révolution

La Constitution, une fois que l assemblée s est proclamée constituante, cela veut dire
que la future Constitution, n aura pas été octroyée par le roi (Charte de 1814)

Une fois la Constitution adoptée par l Assemblée nationale constituante, est-ce que ce
texte constitutionnel devra être sanctionné par le roi avant d être exécuté ? Le roi a-t-il
un véto ?

Les idées de Sieyès vont s imposer encore. Attribution à la nation du pouvoir


constituant, représentée par l Assemblée constituante ! donc pas de sanction du roi
pour l entrée en vigueur de la Constitution.
L absence de sanction royale va se justifier sur un autre argument : la séparation entre
pouvoir constituant et pouvoirs constitués, qui justifie donc l exclusion du roi à la
participation du pouvoir constituant. D après la Constitution élaborée, il est pouvoir
constitué, à savoir le pouvoir exécutif, et même codétenteur du pouvoir législatif.

72
Robespierre intervient sur la question de la sanction royale pour la Constitution
élaborée, et il dit est-ce au pouvoir exécutif à critiquer le pouvoir constituant dont il
émane ?

Dernière observation historique, la théorie de la souveraineté nationale, exclue de


facto le peuple de l exercice direct du pouvoir constituant. La Constitution n a pas été
soumise à une ratification populaire. Les premières Constitutions, seront la
Constitution de l an I (jamais entrée en vigueur), et ensuite la Constitution de l an III.

En 1945, lorsqu il a fallu adopter une nouvelle Constitution, il y a eu deux étapes : un


projet rejeté et l autre adopté. Suffrage universel direct pour l Assemblée nationale,
mais ensuite le projet devait être ratifié par le peuple (premier projet rejeté).

B) La distinction entre pouvoir constituant et pouvoir législatif

La souveraineté constituante du peuple suppose une distinction entre pouvoir


constituant et pouvoirs constitués, et parmi le pouvoir constitué, le plus éminent
d entre eux, le pouvoir législatif.

Et ici, c est à nouveau Sieyès qui pose la distinction entre pouvoir constituant et
pouvoir législatif. La Révolution française marque le passage de la souveraineté royale
à la souveraineté nationale (démocratique), nation, être collectif abstrait, qui ne peut
être représenté que par des représentants.
La représentation représente donc un danger pour la souveraineté de la nation, pour la
souveraineté constituante de la nation ! les représentants de la nation, en tant que
pouvoir constitué, ne respectent pas les limites de leur délégation (pouvoir législatif
constitué). Sieyès est conscient du risque, et c est pourquoi il pose la distinction entre
pouvoir constituant, à savoir pouvoir illimité et pouvoir constitué, pouvoir limité.

Dans son ouvrage, « si nous voulons nous former une idée juste de la suite des lois
positives qui ne peuvent émaner que de sa volonté (la nation), nous voyons en
première ligne les lois constitutionnelles, qui se divisent en deux parties : les unes,
règlent l organisation et les fonctions du corps législatif, les autres déterminent
l organisation et les fonctions des différents corps actifs. Ces lois sont dites
fondamentales parce que les corps qui existent et agissent par elles ne peuvent point y
toucher. La Constitution est l ouvrage du pouvoir constituant, aucune sorte de pouvoir
délégué, ne peut rien changer aux conditions de sa délégation. »

73
De fait, cette distinction entre le pouvoir constituant et le pouvoir législatif constitué,
se traduit par la rigidité de la Constitution. La soumission de la révision de la
Constitution à une procédure contraignante, distincte et plus stricte que la procédure
législative ordinaire. Cela pour éviter que le pouvoir constitué s approprie en même
temps le pouvoir constituant.

De fait la Constitution du 3 septembre 1791 met en place une procédure de révision


particulièrement lourde. Autrement dit, avec cette distinction, qui se traduit par
l instauration d une procédure spécifique, la définition prend sa signification formelle
de norme suprême, qui ne peut être modifiée que selon une procédure spécifique et
plus contraignante que la procédure législative ordinaire.

Distinction consacrée en droit positif français mais aussi aux États-Unis, même si ce
n est pas immédiatement :
- Guerre d indépendance : 4 juillet 1776. Les 13 colonies britanniques deviennent
des États, et se dotent de Constitutions, mais au début, dans la plus pure
tradition britannique, de souveraineté du parlement, les États américains
tiennent leur législature pour les organes les plus appropriés pour modifier la
Constitution.
- Mais très vite, ils se rendent compte que les législatures en profitent pour porter
atteinte aux libertés individuelles, donc pour adopter des lois qui contredisent
les principes constitutionnels
- Prise de conscience des citoyens que le législateur, bien que représentant du
peuple, peut être liberticide, d où l idée de mettre la Constitution à l abri des
atteintes de la législature, d où l idée d instaurer une distinction entre loi
constitutionnelle et loi ordinaire. On fait une distinction entre pouvoir
constituant et pouvoir législatif.

C est ainsi que Thomas Jefferson, qui a vécu in vivo la Révolution française, aimait
l idée que la loi constitutionnelle doit être édictée par un pouvoir supérieur à celui de la
législature. Rigidité de la Constitution. Quel est ce pouvoir supérieur ? C est le système
des conventions et assemblées constituantes, chargées d adopter les amendements
constitutionnels, le texte ainsi élaboré devra être soumis à ratification populaire.
Aujourd hui, quel est le mode normal de révision des Constitutions.

C) Les limites à la souveraineté constituante du peuple

1) La distinction entre pouvoir constituant originaire, et pouvoir de révision

74
Est-ce que cette distinction est une limite à ou une protection de la souveraineté
constituante du peuple ?

La protection de la souveraineté constituante du peuple suppose-t-elle l existence de


limites matérielles et formelles à la révision de la Constitution ?

Autrement dit, la protection ou l effectivité de la souveraineté constituante du peuple,


suppose-t-elle que le pouvoir de révision de la Constitution, se saurait être assimilé au
pouvoir constituant, ne saurait être assimilé à un acte de souveraineté, et par
conséquent si le pouvoir de révision n est pas le pouvoir constituant, par conséquent il
se heurterait en tout état de cause, à des limites matérielles et formelles.

Les Constitutions rigides posent des limites formelles à la révision de la Constitution,


en ce qu elles aménagent une procédure spécifique de révision, distincte de la
procédure législative ordinaire. La Constitution de 1958 est une Constitution rigide, qui
aménage une procédure de révision spécifique à l article 89.

D autre part, beaucoup de textes constitutionnels limitent aussi le champ de la


révision, l objet de la révision, en soustrayant à la révision, un noyau dur de
dispositions ou de principes jugés intangibles. On pose des limites matérielles.

Exemple : la clause d éternité de la loi fondamentale allemande ! article 79§3 de la


Grundgesetz ! est insusceptible de révision, les principes énoncés aux articles 1 et 20
! droits fondamentaux et principes selon lesquels l France est un État de droit,
démocratique, fédéral ; division en Länder, et la participation des Länder à la
législation fédérale.

En France, on a aussi une limite explicite, à l article 89 qui nous dit que la forme
républicaine du gouvernement ne peut faire l objet d une révision.

En l absence des limites matérielles explicites, certains auteurs ont soutenu que le
pouvoir de révision est intrinsèquement limité.

Carl Schmitt, mais encore George Burdeau, mais encore Olivier Beaud, dans sa thèse
sur la puissance de l État.

Selon eux, la révision ne peut en tout état de cause, ni abroger, ni anéantir la


Constitution, ni même porter atteinte à l identité de l ordre constitutionnel.

75
Carl Schmitt, dans sa théorie de la Constitution, distingue entre les dispositions de la
Constitution qui définissent l identité constitutionnelle, et les dispositions qui ne sont
que des lois constitutionnelles.
Les juridictions constitutionnelles nationales, admettent certes la primauté du droit de
l UE, mais avec une limite, qu est le respect de l identité constitutionnelle nationale.

Pour justifier ces limites à la révision matérielle et formelle, il est soutenu par les
partisans de l existence de telles limites (Carl Schmitt, etc.), que la révision
constitutionnelle n exprime pas la souveraineté constitutionnelle du peuple.
Le pouvoir constituant est originaire, il est à l origine du droit, le pouvoir de révision est
un pouvoir constitué, institué par la Constitution. Par conséquent, il n a pas de nature
constituante, il est donc subordonné par la Constitution.

Il n y a pas de réponse définitive, ou plutôt qu il y a des réponses variables en droit


positif, en doctrine, et en jurisprudence.

La thèse pose déjà des difficultés, lorsque le pouvoir de révision est confié à un organe
distinct de l organe qui détient le pouvoir constituant originaire.
L organe qui détient le pouvoir constituant originaire, c est le peuple.

Exemple : à qui est confier la révision de la loi fondamentale ? Accord des deux tiers
du Bundestag et du Bundesrat.

Même lorsqu ainsi le pouvoir de révision est confié à un autre organe, donc du peuple,
cela pose des difficultés pour les positivistes, comme pour le doyen Vedel qui pour lui
le pouvoir de révision n est pas limité.
Schengen et Maastricht, de G. Vedel ! il écrit le pouvoir constituant dérivé n est pas
un pouvoir d une autre nature que le pouvoir constituant initial. Les limites peuvent
être anéanties par des révisions des dispositions qui contiennent les limites.

La distinction entre pouvoir constituant et pouvoir de révision prend encore une autre
tournure dans l hypothèse, où le pouvoir de réviser la Constitution, appartient au
peuple.
Ratifier la révision par voie référendaire.

Il y a des thèses doctrinales qui s affrontent : la thèse démocratique et la thèse


normativiste

76
- Thèse démocratique : unicité organique du pouvoir originaire et du pouvoir
constituant dérivé. Dans les deux cas, le peuple est le détenteur. Elle défend
l identité des deux pouvoirs, et par conséquent, la souveraineté du pouvoir
constituant dérivé. Souveraineté qui exclue donc toute délimitation possible,
aussi bien matérielle que formelle. Elle ajoute un argument logique, à supposer
même qu on considère que le pouvoir constituant dérivé, s il ne respecte pas les
limites matérielles posées à la révision, on pourra toujours dire qu il est
intervenu non pas en qualité de pouvoir constituant dérivé, mais en qualité de
pouvoir constituant originaire.
Cette thèse démocratique, c est la thèse qui reste dominante en France, en
doctrine, et on peut renvoyer à Sieyès, même s il n est pas si limpide sur la
question. Il est en faveur de la souveraineté du pouvoir de révision.
« De quelque manière qu une nation veuille, il suffit qu elle veuille. Toutes les
formes sont bonnes, et sa volonté est toujours la loi suprême. »

Cette conception démocratique on en retrouve trace dans la licéité de la révision


constitutionnelle de 1962 ! suffrage universel direct du Président de la République.
Mais avant la ratification, il faut que le texte soit adopté par les deux chambres dans
les mêmes termes.
Le Sénat, présidé par Monnerville, est la dernière enclave à la politique de DG, et il sait
qu il va se heurter à l opposition du Sénat, qui n adoptera même pas le texte de
révision. Il utilise donc l article 11, qui permet d organiser un référendum sur un projet
de loi qui porte sur l organisation des pouvoirs publics, sans qu il modifie les
dispositions de la Constitution, sinon révision.
Il soumet le projet de l élection du Pdt au SUD, avec le référendum ! plus de 62% de
OUI.
Les adversaires de la procédure, ont crié à la forfaiture, et là-dessus les partisans de la
thèse démocratique ont dit que l irrégularité originaire du référendum (car article 11
n est pas une procédure de révision) aurait été purgée par la ratification populaire de
la révision de 1962, le peuple étant souverain.

Mitterrand en 1988, déclare que l usage établi et approuvé par le peuple, peut être
considéré comme une voie de révision, concurremment avec l article 89.
Il y a donc deux procédures révision.

Thèse normativiste (ou positiviste) : elle nous dit que lorsque le peuple intervient pour
réviser la Constitution, il le fait en qualité de pouvoir constitué, car il se base sur une
disposition de la Constitution, et non au titre du pouvoir constituant originaire qu il

77
détient par ailleurs. Dès lors, il doit respecter les limites de la disposition qui l habillent
à agir, et sous peine de se dépouiller de son titre de compétence.
Les limites qu il a lui-même posé à la révision, s appréhendent comme un procédé
d autolimitation, lorsqu il agit en qualité de pouvoir de révision.

Les éléments de réponses jurisprudentiels : la JP a donné des éléments de réponse.


JP du CC français et aussi du tribunal constitutionnel fédéral allemand :

A lire la JP du CC, il en ressort qu il penche pour la thèse démocratique. D abord il


refuse de contrôler la constitutionnalité des lois référendaires (adoptées sur la base de
l article 11), car il nous dit qu elles constituent l expression directe de la souveraineté
nationale. Il avait dit cela en 1962, où il lui était demandé de la licéité de la révision
constitutionnelle avec le SUD et l article 11.

En outre, dans le contentieux né autour du traité de Maastricht, il a rendu trois


décisions communément appelées : Maastricht I, Maastricht, II, et Maastricht III. Là
encore ou trouve des éléments en faveur de la thèse démocratique.
- 9 avril 1992 : avait jugé plusieurs dispositions du traité contraires à la
Constitution, et donc il fallait réviser la Constitution. La Constitution a été
révisée, et elle avait introduit les articles 88-1 et suivants. Plutôt que modifier
les dispositions constitutionnelles qui étaient en conflit avec le traité. Le pouvoir
de révision a prévu une autorisation.
Cette révision constitutionnelle a été soumise au CC,
- 2 septembre 1992 : décision concernant la révision de la Constitution pour
ratifier le traité de Maastricht. La révision est-elle inconstitutionnelle car au lieu
de modifier les dispositions en conflit, le pouvoir de révision a simplement
introduit les articles ? Réponse du CC ! le pouvoir constituant est souverain,
qui lui est loisible d abroger, de modifier, des dispositions de valeur
constitutionnelle mais il y a des limites. PARADOXE
- 23 septembre 1992 ! non plus de juger la révision constitutionnelle. On lui
demandait de juger la constitutionnalité de la loi de ratification du traité de
Maastricht. Il refuse à nouveau car il ne peut pas juger les lois qui sont
l expression de la volonté générale.

Par la suite dans une décision du 26 mars 2003, le CC a refusé de juger de la


constitutionnalité d une révision constitutionnelle, opérée par la voie parlementaire.

Même s il y a des limites formelles, ces limites, si elles ne sont pas respectées, ne
seront pas sanctionnées.
78
C est différent en Allemagne :

La Cour constitutionnelle fédérale allemande, n hésite pas à juger la constitutionnalité


des révisions constitutionnelles : qu elles respectent bien la clause d éternité (article
79§3), et là il y a nombreuses décisions en ce sens.

2) Les limites au pouvoir constituant originaire

Le pouvoir constituant parce qu originaire, se déployant sur un terrain juridique vierge,


ne saurait rencontrer de limites, même lorsqu il se manifeste dans le cadre d un État
préexistant, puisque dans ce cas, par l adoption d une nouvelle Constitution, il s agit de
renverser l ordre juridique existant, pour le remplacer par un nouvel ordre juridique.

Pourtant, on rencontre en droit positif, des illustrations de limites formelles et


matérielles au pouvoir constituant originaire.

a) Les limites formelles

Le processus qui aboutit à l adoption de la Constitution de 1958.


On a dans un premier temps, révisé la Constitution de 1946, en suivant la procédure
prévue par elle, à l article 90. Et par cette procédure de révision, on a adopté la loi
constitutionnelle du 3 juin 1958, loi constitutionnelle qui a fixé les conditions de forme,
et même de fond à l adoption de la future constituant, liant ainsi le pouvoir constituant
originaire.

On a présenté ce processus comme une révision-abrogation, suivie d une


autolimitation du pouvoir constituant originaire, ou d une hétéro-limitation du pouvoir
constituant originaire, voyant son pouvoir restreint par le pouvoir constituant dérivé.

Autre exemple de limites formelles : certaines Constitutions, comme celle en Suisse,


ou en Espagne, prévoient une procédure de révision totale ! et aménagent la
procédure à cette fin pour réviser totalement la Constitution.
Dans ce cas-là, sauf Révolution, même l adoption d une nouvelle Constitution, est le
fait d une autorité constituante dérivée, donc d un pouvoir subordonné et conditionné,
qui n est légitime à agir que s il respecte la procédure de révision prévue.

On peut prendre l exemple de la Suisse, qui a déjà utilisé ce pouvoir. La Constitution


du 29 mai 1874 était le fruit d une révision totale, de la Constitution initiale du 12
79
septembre 1848, et cette Constitution du 29 mai 1874, a été remplacée par celle
actuelle, du 18 avril 1899.

b) Les limites matérielles

Le pouvoir constituant originaire subit de plus en plus souvent, des contraintes


externes, et on parle alors de l internationalisation (au sens large) de la fonction
constituante.

Quelques exemples :
- A l issue de la première guerre mondiale, l empire ottoman a été démantelé par
le traité de serres. L empire a été démantelé, et des mandats ont été confiés par
la SDN à la France notamment sur la Syrie et le Liban, et au Royaume-Uni pour
la Palestine et l Irak. Ces deux pays pouvaient donc exercer une tutelle sur le
processus constituant dans ces États, et ainsi d influencer la rédaction des
textes constitutionnels.
- La Constitution du Japon du 6 mars 1946 ! Japon a capitulé après l envoi des
bombes atomiques par les Américains. Ensuite, il a été question d adopter une
nouvelle Constitution pour le Japon, et elle a été rédigée sous influence
américaine, et on la désigne souvent comme la Constitution McArthur !
commandant général des troupes américaines qui étaient sur le sol japonais
jusqu en 1951
- Prise en charge internationale de la fonction constituante par les accords
internationaux, au lieu et place du pouvoir constituant national. C est l exemple
de la Constitution de la Bosnie-Herzégovine de 1994. La Constitution de la
Bosnie du 14 décembre, c est une simple annexe (annexe 4) d un accord de paix
international, adopté y compris par un pouvoir composé du Pdt des États-Unis
et des représentants et des communautés serbes et bosniaques.
- L exemple des PECO : après la chute du mur de Berlin, les anciens pays de l
Est, ont voulu rejoindre la maison européenne, et devenir membres du Conseil
de l Europe, ou de l UE. Il leur fallait adopter des Constitutions qui
correspondent aux valeurs défendues par ces deux organisations
internationales.
Du reste, des experts ont été détachés dans ces pays-là pour les aider à rédiger
leur futur Constitution. Limite matérielle, certes consentie.
- Enfin, c est la conception jus naturaliste ! selon laquelle il existerait des
principes métajuridiques, donc pré-droit positif qui reflèteraient les droits
inhérents à la nature humaine, et qui formeraient donc une supranationalité,

80
liant le pouvoir constituant originaire. C est cette conception qui inspire la
DDHC de 1789.

§2. Principes démocratiques et association des citoyens à l exercice


du pouvoir

Il y a la démocratie directe et la démocratie représentative.

A) La démocratie directe

1) Définition

Régime politique dans lequel le peuple se gouverne directement lui-même, il exerce


lui-même le pouvoir sans intermédiaire. C est le peuple qui adopte la loi, prend les
décisions gouvernementales, rend la loi. C est le système démocratique idéal car il y a
une distinction réelle entre gouvernant et gouvernés. C est un régime de confusion de
pouvoirs.

Pour Rousseau, la démocratie directe était impliquée la souveraineté populaire.

2) Les applications

Athènes au IV et Ve siècles avant JC ! le peuple se réunissait en assemblée


(ensemble des citoyens donc que 1/10 de la population, pas les métèques, pas les
esclaves, pas les femmes). Les citoyens se réunissaient en assemblée, donc à l agora,
pour discuter, et voter la loi.

Aujourd hui, la démocratie directe existe dans certains cantons suisses, notamment
ceux de Glaris et Appenzell. ! Assemblée des citoyens se réunit une fois par an dans
un pré au printemps et à ce moment-là, vote le budget, approuve les lois, et procède à
des nominations. Mais tous les citoyens ne se déplacent pas, et le pouvoir est de facto
exercé par les fonctionnaires qui sont élus, qui préparent les lois.

Démocratie directe est impraticable dans nos démocraties modernes, même dans les
petits États, en raison de l impossibilité de réunir le peuple. Ce qui veut dire que si
démocratie directe il existe, c est simplement un certain nombre de techniques, de
dispositions, qui coexistent avec des institutions représentatives.

81
Autrement dit, ce sont des démocraties semi-directes.

3) Les techniques de démocratie directe

Ces techniques ont toutes pour objet d associer le peuple à l exercice du pouvoir, à la
prise de décision.
Quelles sont les techniques

a) Le rappel des élus (recall) (le prof cite Total Recall de Paul Verhoeven)

Cette technique consiste en une sorte de révocation populaire par les électeurs, du
titulaire d une fonction élective, politique ou administrative. Généralement, c est un
certain nombre de citoyens, qui doit demander par pétition la révocation de l élu.

Plusieurs États américains prévoient le recall comme l État de Californie.

En 2003, le gouverneur de l époque avait fait l objet d une procédure de recall.

b) Les techniques référendaires

♦ L initiative populaire :
L acte par lequel une fraction du corps électoral intervient pour proposer une loi, ou
une révision constitutionnelle. La proposition peut se limiter à l énoncé de certains
principes, que d autres organes vont ensuite développer pour en faire un texte
juridique élaboré, ou alors la proposition peut comporter un texte déjà élaboré. Elle
peut être suivie d une procédure purement parlementaire, et donc le texte est soumis à
discussion, et vote du parlement. Ou alors il va faire l objet d une votation populaire,
soit directement d un référendum, soit d abord d une adoption parlementaire suivie
d un référendum.

Plusieurs pays la pratiquent : la Suisse en matière constitutionnelle

♦ Le veto populaire :

Là aussi c est un procédé qui permet au peuple par le biais d une pétition formulée
dans un certain délai, par un certain nombre de citoyens, de s opposer à une loi
régulièrement votée par le Parlement.
A défaut d opposition, la loi entre vigueur.

82
On trouve le veto en Suisse au niveau fédéral ! article 141 de la C
Plusieurs États des USA
En Italie : référendum abrogatif prévu à l article 75

Enfin le référendum au sens strict, c est le procédé direct par lequel le peuple donne
son consentement à une loi ordinaire ou constitutionnelle.
Il existe des référendums consultatifs sans pouvoir de décision.

Exemple récent du référendum consultatif qui n a pas été si consultatif que ça : le


Brexit.
R-U ! Cameron 1er ministre avait décidé de consulter par référendum le peuple
britannique, le maintien ou non du peuple dans l UE. Si juridiquement, les institutions
n étaient pas liées, ils l étaient politiquement.
Le référendum peut porter sur l adoption d une loi ordinaire (article 11 en France) ou
sur une révision de la Constitution (article 89 en France).

On distingue aussi que le référendum doit être obligatoire, ou facultatif. Il revient au


peuple de déclencher le référendum s il est facultatif : référendum d initiative
populaire, ou d initiative citoyenne. L initiative peut revenir à des communautés locales
(Italie, Suisse), le Parlement (Danemark), soit à l exécutif (France).

B) Démocratie participative

Forme de démocratie qui associe les citoyens à l élaboration des normes sans leur
donner comme dans le cas de la démocratie directe, un pouvoir de décision. Cela dit, la
démocratie participative peut donc être le préliminaire, soit d une opération de
démocratie directe, c est-à-dire que le texte élaboré par le peuple, ou alors duquel le
peuple aurait été associé serait ensuite soumis à un vote parlementaire.

Il convient aussi de faire le départ entre la démocratie participative et délibérative.


Délibérative ! démocratie qui veut que la démocratie ce n est pas seulement la forme
de démocratie qui donne le pouvoir au peuple. Elle organise un espace de discussion
qui permet la confrontation à égalité de tous les points de vue.
Participative !
Un dispositif de démocratie participative peut être délibératif : assemblée citoyenne
par exemple ! doit réfléchir à l élaboration d un texte, et dans le cadre de son travail,
elle est organisée selon le modèle délibératif.

83
Un sondage ! pas délibératif.

Assemblée parlementaire répond au modèle délibératif.

Exemple de démocratie participative : Revue Pouvoir n4 2020


Convention citoyenne sur le climat! elle était composée de 150 citoyens, de manière
à être représentatifs de la société française. Avait pour ambition de définir propre à
réduire les émissions d effets de serre dans un esprit de justice sociale, et aux termes
de ses travaux, elle devait adresser publiquement au Pdt de la R, un rapport détaillant
des mesures qui permettraient d atteindre cet objectif. Elle devait aussi indiquer
lesquelles de ces mesures devaient selon elles, être soumises à référendum. Le
Gouvernement s était engagé à répondre publiquement aux propositions, et le
président s était engagé à rependre les dispositions sans filtre, mais la réalité a prouvé
que le filtre est réapparu.
Encore une fois, les travaux de cette convention avaient organisé par un comité de
gouvernance. Plusieurs sessions ont été organisées, les membres avaient été
indemnisés pour pouvoir participer aux travaux.

C) Principes démocratiques et représentation

A la différence de la démocratie directe, la démocratie représentative exlcut toute


intervention du peuple dans l exercice du pouvoir, autrement que par le biais de la
désignation de représentants. Ce qui veut dire que la nation n exerce pas directement
la souveraineté, et en délègue l exercice à des représentants élus. On parle alors de
démocratie médiate.

Cette forme de démocratie rentre la catégorie plus large du régime représentatif, qui
n est pas nécessairement démocratique, et qui de fait longtemps ne l a pas été avant
l avènement du suffrage universel.

1) La théorie du régime représentatif

Ouvrage : Bernard Manin, les principes du gouvernement représentatif, collection


poche

La théorie de la représentation a pour fondement une théorie de la souveraineté


parlementaire en Angleterre, qui s est imposée après la Glorious Revolution, et en
France, elle a pour fondement la souveraineté nationale, qui a comme implication le
régime représentatif.
84
Les conséquences sont les mêmes, on établit une démocratie sans le peuple, ce qui
est vrai, on est dans une démocratie purement nominale dans un premier temps au
moins.

a) La notion de représentation

La notion de représentation, ce n est pas la même chose au sens du droit agir ! le


représentant agit au nom à la place du représentant. Soit représentation légale, ou
alors résulter d un contrat de représentation.

C est une théorie qui dit qu il existe un souverain qui ne peut exercer lui-même sa
souveraineté, soit pour des raisons pratiques, soit pour des raisons plus théoriques.

Donc il existe un souverain qui ne peut exercer lui-même sa souveraineté, la


souveraineté est inaliénable, et donc on distingue entre l essence de la souveraineté et
son exercice.
L essence de la souveraineté demeure dans le souverain, nation ou peuple, son
exercice en revanche, est délégué à des représentants : article 3 Constitution.

La difficulté d acclimatation du système représentatif, c est qu il n y a pas deux


personnes. Or en principe il n y a de représentation, que s il existe une personne
représentable, à laquelle le représentant doit se conformer.

En droit public, le représentant n est pas une personne, c est une assemblée.
Ce n est pas aux représentants que les actes sont imputés, ils sont imputés à l État. Le
chef de l État ce n est pas une personne (organe).
Les actes accomplis dans leur fonction sont imputés à l État, qui est la PM.
N a pas d autre volonté que celle qu expriment les représentants. On dit même qu en
réalité, le représenté, le peuple, la nation, n existe qu à partir du moment qu une
volonté est exprimée en son nom.

b) Le mandat représentatif

C est le rapport juridique entre le représentant et le représenté. Le représentant a reçu


du représenté un mandat, et il l exerce.
Quel est son objet ? Qu est-ce qui est transféré au représentant ? L exercice de la
souveraineté.

85
Dans la théorie classique, cela veut dire que lorsqu on parle de l exercice de la
souveraineté, on ne vise pas toutes les fonctions juridiques de l État, mais en réalité
que la fonction législative, qui est la volonté du souverain (article 6 de la DDHC ;
Seules les autorités législatives sont des représentants, et encore moins les autorités
judiciaires.

A cet égard, la Constitution de 1791 énonçait que les représentants de la nation sont le
corps législatif et le roi. Pourquoi le roi ? En vertu de la Constitution, il était
codétenteur du pouvoir législatif, il pouvait opposer son veto aux lois votées par l AN,
et c est en cette qualité qu il est représentant.

Ce qui montre aussi que la qualité de représentants est totalement indépendante du


mode de désignation, elle n est pas liée à l élection (le roi l était par règle héréditaire).
L AN, le corps législatif, en vertu de la constitution de 1791 était seulement élu au
suffrage restreint.

2) Les caractères du mandat

Le mandat présente un caractère collectif, à savoir lorsqu on envisage l assemblée


comme représentants. Ce ne sont pas les députés qui sont le représentant du
souverain, c est l assemblée.
Le député n est pas le représentant de sa circonscription, il n est pas le représentant
de ses électeurs, il est le représentant de la nation. Il représente de concert avec les
autres députés, la nation entière. C est un élu de la nation, et pas l élu de quelconque
circonscription.

La conséquence, c est que le sort des députés devrait être indépendant.


Ainsi, après la défaite de Sedan en 1870, la France dut céder à la Prusse, les
départements de l Alsace Moselle, les députés élus dans les circonscriptions, furent
considérés comme demeurant en fonction, et en réalité, ils ne quittèrent l assemblée
que de leur propre initiative.

Autre exemple en 1962 : lorsqu à la signature des accords d Évian, l Algérie, alors
département français, il fut mis fin par une loi, le mandat des députés élus dans les
circonscriptions. Les députés n étaient pas les élus des électeurs algériens, mais de la
nation, donc décision critiquée.

86
En 1999, 15 mars, le CC a affirmé que le Parlement représente la nation tout entière et
non la circonscription.
La 2ème caractéristique du mandat est son caractère représentatif et non impératif,
contrairement au droit privé. Les représentants expriment la volonté générale indé-
pendamment de toute instruction donnée par les électeurs car la volonté générale ne
s'identifie pas à la volonté ́ de la somme des électeurs. Elle traduit au contraire l'unité ́
de cette volonté ́ . Cela est vrai dans la théorie française classique de la représentation,
mais aussi dans d'autres contextes juridiques, où on pratique le régime représentatif,
comme dans d'autres systèmes constitutionnels. La théorie de la représentation est
liée à celle de la souveraineté nationale car dans cette dernière, la Nation est une enti-
té transcendante aux individus qui la composent. Elle ne s'identifie pas non plus à la
somme des électeurs. On y considère que la Nation est un être collectif abstrait dans
lequel réside la souveraineté ́ , de manière indivisible, pas dans les individus, pris cha-
cun indépendamment des autres. A partir de là, la volonté de la Nation n'existe qu'à
partir du moment où elle est formulée : c'est la représentation qui crée la volonté na-
tionale. Autrement dit, la représentation n'a pas pour objet de déléguer aux organes
représentatifs, le Parlement, par ex, le pouvoir d'exprimer les vœux du corps national,
elle a pour but d'autoriser ces organes représentatifs à vouloir pour la Nation. La
conséquence, au-delà̀ de ces réflexions théoriques, est que le mandat représentatif se
caractérise par l'indépendance de l'élu à l'égard de ses électeurs. Ce ne sont pas eux
qui préparent son programme, ils s'en remettent au contraire à lui pour prendre les
meilleures décisions. L'investiture donnée à l'élu est générale.
Il n'a d'autre obligation que d'agir en conscience et si ses opinions viennent à changer,
les électeurs ne peuvent le révoquer.
Mandataire du peuple, je ferai ce que je croirai le plus conforme à ces intérêts. Il m'a
envoyé pour exposer mes idées, non les siennes. L'indé absolue de mes opinions est le
premier de mes devoirs envers lui. Condorcet, philosophe et député à la Convention.

§3. Critique de la théorie du régime représentatif au regard du prin-


cipe démocratique
Il n'y a pas d'incompatibilité logique entre représentation et démocratie, n'en déplaise
à Rousseau. Dans Le contrat social, on trouve des passages qui vont dans le sens
d'une telle incompatibilité logique. Partisan de la théorie de la souveraineté populaire,
où chaque individu est titualire, à titre individuel, d'une parcelle de souveraineté, il
avance que cette dernière ne peut être représentée, car elle consiste essentiellement
dans la volonté générale, qui ne se représente point. Pour lui, représenter la souverai-
neté conduirait le peuple à s'enchaîner pour l'avenir. Si donc le peuple promet simple-

87
ment d'obéir à l'élu, il perd la qualité de peuple. A l'instant qu'il a à naître(?), il n'est
plus souverain.
Les députés du peuple ne peuvent être ses représentants, ils ne sont que ses commis-
saires, et ne peuvent rien conclure définitivement. Pdv radical, mais ne lui en déplaise,
le prof trouve qu'il n'y a pas incompatibilité logique, même si à l'origine, la théorie de la
représentation était mise en place pour éviter l'instauration d'un régime démocratique.
La révolution de 1789, poussée par la bourgeoisie, avaient une préoccupation
majeure : éviter que la proclamation de l'origine démocratique du pouvoir, de la souve-
raineté du peuple, ne débouche sur l'ex du pouvoir par le peuple. Ces idées là furent
donc consacrées dans les textes de 1789. La C° de 1791 met en place un régime re-
présentatif, et les représentants étaient le corps lég, élu au suffrage censitaire, car le
suffrage n'est pas un droit, mais une fonction (théorie de l'électorat-fonction). L'autre
représentant est le roi, non élu. Sieyès, dans Qu'est- ce que le tiers-Etat, distingue la
démocratie directe, qu'il qualifie de véritable démocratie, du gouvernement représen-
tatif. Il plaide alors pour ce dernier :
La France n'est point, ne peut pas être une démocratie. La plupart de nos concitoyens
n'a ni assez d'instruction, ni assez de loisirs pour vouloir s'occuper directement des lois
qui doivent gouverner la France.
On trouve le même type de propos dans Le Fédéraliste, les écrits commentant la
Constitution américaine, sur le point d'être adoptée, par Madison, Jay et Hamilton. On
trouve aussi ce type de propos chez Montesquieu, dans De l'esprit des lois, où il dit
que l'avantage des représentants est qu'ils sont capables de discuter les affaires, le
peuple n'y est point du tout propre, c'est l'un des inconvénients de la démocratie.
Autre vision : la démocratie principe doctrinal inventé pour satisfaire le postulat de
l'origine démocratique du pouvoir, tout en écartant de son exercice l'action du peuple
concret. En faisant passer la volonté populaire par le filtre de la représentation, les ré-
volutionnaires ont organisé le pouvoir d'une oligarchie, sur une base populaire. Très
peu étaient électeurs, encore moins étaient ceux qui étaient éligibles (l'impôt était plus
important pour être éligible que pour être élécteur). En outre, la qualité de représen-
tant n'était pas liée à l'élection. Le suffrage censitaire, mis en place par la C° de 1791,
a existé dans la plupart des pays européens. Il sera maintenu par la C° de l'an III, et
par les chartes, de 1814 et 1830. La C° de l'an I (1793) proclame le suffrage universel,
car elle consacre les idées de Rousseau concernant la souveraineté populaire, mais
elle n'est jamais entrée en vigueur. Il a fallu attendre la proclamation de juillet, et la IIe
République, en 1848, pour que le SUD soit adopté pour les hommes.
Le régime représentatif est mis en place pour instaurer un régime oligarchique, en dé-
pit de la proclamation de la souveraineté du peuple. Mais ce qui fonde la proclamation
de la souveraineté du peuple est l'égalité de droits. Cette proclamation est un potentiel
88
émancipateur qui devait, à terme, s'imposer. La rév1789 est quand même la suppres-
sion des corps (3 ordres), et la proclamation théorique de l'égalité des droits. Cette
proclamation devait s'imposer dans les faits, et c'est ce qui s'est passé. Ca a pris du
temps, mais c'est arrivé : le suffrage s'est progressivement universalisé. Tous les ré-
gimes représentatifs connurent un mouvement d'universalisation du suffrage, et se
transformèrent en démocratie représentative, c'est à dire en régime dans lesquels la
désignation des représentants procède de l'élection directe au SU.

A) L universalisation du suffrage
SUM proclamé en Fr en 1848. Dans un premier temps, les femmes restèrent exclues
du droit de vote, en raison de la division sexuelle des tâches. Les femmes règnent en
maître dans la sphère privée, mais c'est à l'homme qu'il revient d'assumer les fonctions
publiques. Ordonnance du gvt provisoire de la Rép Française, dirigé par De Gaulle, du
21 avril 1944. Les militaires durent attendre jusqu'à 1945. En Grande-Bretagne, au
cours du XIXe siècle, le cens est plusieurs fois abaissé, mais le SU n'est proclamé
qu'en 1918. (Vraiment universel, puisque les femmes l'obtiennent aussi). Mais en 1918,
les hommes peuvent voter à partir de 21 ans, les femmes à partir de 30 ans. Inégalité
réglée 10 ans plus tard. Aux US, longtemps a été maintenue une forme de suffrage ca-
pacitaire. Certains Etats ont en effet longtemps subordonné le droit de vote à la condi-
tion que les individus sachent lire et écrire, voire commenter la Constitution, afin d'é-
carter les populations noires et pauvres des urnes. C'est le Voting Rights Act, ou un
truc comme ça, qui universalise (en théorie) le suffrage, en 1965.

B) L'égalisation continue du suffrage


La démocratie suppose non seulement que le suffrage soit universel, mais aussi égal.
Un Homme, une voix. Egalité dans l'expression du vote (chaque citoyen n'a qu'une
voix), mais aussi égalité dans la représentation du vote. La voix de chaque électeur
doit avoir le même poids, la même valeur. D'où l'interdiction du vote plural. La France
n'en a jamais connu, sauf sous le régime de Vichy, avec le projet de C° de Pétain, qui
n'est pas entré en vigueur et qui voulait donner un double suffrage aux chefs de famille
de 3 enfants et plus. Le Coco, dans une décision du 17 janvier 1979, a rappelé l'inter-
diction constitutionnelle du vote plural, à propos des élections au conseil des prud'-
hommes. Un projet de loi voulait donner aux électeurs- employeurs un vote plural, pro-
portionnel au nombre d'employés. Le Coco a donc censuré cette disposition. Pause.
Longtemps, les inégalités dans la représentation du vote n'ont pas été prises en
compte, au motif que les voix se comptent, mais ne se pèsent pas. Il en va aujourd'hui
différemment, et la JP constitutionnelle condamne les inégalités trop importantes dans
la représentation du vote. Elles résultent du découpage des circonscriptions électo-
rales. Il faut un équilibre démographique entre les circonscriptions. Sinon, l'élu ne re-

89
présente pas le même nombre d'électeurs, et les électeurs n'ont pas la même in-
fluence dans la désignation d'un représentant. Électeur dans une circonscription de 50
000 personnes : 1 voix = 1/500000e. Si la circonscription d'à côté a 100 000 électeurs,
1 voix = 100 000e, donc inégalité. Le Coco, dans ses décisions des 1er et 2 juillet 1986,
dites Découpage électoral, concernant le découpage Pasqua, pour les élections légis-
latives, a rappelé, qu'en vertu du principe constitutionnel d'égalité des suffrages, les
représentants devaient être élus sur des bases essentiellement démographiques. Au-
trement dit, ne pouvaient être tolérés que des écarts raisonnables de population d'une
circonscription à l'autre. D'autres choses entrent en jeu : les limites géographiques, les
délimitations des circonscriptions administratives, le respect des structures locales,
etc. Le Coco n'a pas fixé je chiffre d'écart maximal autorisé, mais on en a déduit que
les écarts ne devaient pas dépasser 20%. Mais le découpage peut aussi aboutir à une
rupture de l'équilibre politique entre les circonscriptions. Elles vont être découpées de
telle manière à ce qu'un parti devra réunir plus de suffrages pour obtenir un élu qu'un
autre. En d'autres termes, le vote d'un électeur n'aura pas le même poids, non selon la
circonscription, mais selon l'orientation politique qu'il exprime. Cette pratique s'appelle
le gerrymandering, du nom du gouverneur du Massachussetts, qui en 1812, avait dé-
coupé les circonscriptions en forme de salamandre afin d'assurer la victoire de ses al-
liés politiques. 2 possibilités : la circonscription perdue, ou la noyade. Là aussi, le Coco
a posé des limites, en disant que le découpage ne devait procéder d'aucun arbitraire,
pour éviter le découpage à des fins partisanes.

C) La liberté, le secret et la sincérité du vote


En principe, le vote n'est pas obligatoire, mais certaines démocraties l'ont rendu obli-
gatoire pour lutter contre l'abstentionnisme. Plus important, le secret du vote, qui as-
sure l'indépendance de l'électeur à l'égard du pouvoir, sinon des pressions peuvent
s'exercer sur eux. Le vote périt par acclamation, philosophe "Alain". Dans les dicta-
tures, on vote souvent à main levée. Dans l'époque rév française, c'est le vote public
qui s'imposait. Robespierre y voyait la sauvegarde du peuple, pour voir les mauvais ci-
toyens. Enfin, l'interdiction de la fraude électorale. Les régimes dictatoriaux procèdent
à la fraude électorale massive. En Fr, elle est condamnable, et c'est le JC qui juge de la
sincérité du vote. Étant entendu que le Coco comme le CE ne sanctionnent que les
fraudes qui ont eu, selon lui, une incidence sur l'issue du scrutin. Concrètement, si une
circonscription électorale lég a un député élu avec 70% des voix au 1er tour mais que
des irrégularités sont relevées dans l'un des 30 bureaux de vote, le Coco relèvera cette
irrégularité, mais n'annulera pas le résultat de l'élection (ce qui n'empêche pas des
poursuites pénales).

D) La crise de la démocratie représentative

90
1) L énoncé de la critique

Elle tourne toujours autour du même élément ! l indépendance de l élu vis-à-vis de


ses électeurs. C est lié au caractère représentatif du mandat.
La démocratie représentative ne serait qu une fiction de démocratie, parce qu elle
revient à dire que le peuple se borne à choisir des représentants, auxquels il remet
l exercice de la souveraineté. Ensuite la volonté de l élu est postulée irréfraglablement
être la volonté du peuple sans se soucier si cela correspond réellement à ce que le
peuple souhaite.

Autrement dit, ce à quoi aboutirait la démocratie représentative, c est la confiscation


de la souveraineté par les représentants. La souveraineté parlementaire se
substituerait à la souveraineté nationale.

Des exemples où les majorités changent en cours de législature, sans consultation du


corps électoral. Manifestation la plus parlante.
1981 ! Mitterrand arrive au pouvoir. Nationalisation, 35 heures… début de mis en
œuvre du programme socialiste. Mais attaque sur le franc, etc. et fin 1982, abandon du
programme, on met une politique de rigueur budgétaire. Les gouvernants en place,
s éloignaient alors du programme pour lequel il a été élu.

Sous la IIIe et IV Républiques, les majorités pouvaient changer en cours de mandat,


sans consultation.
Exemple : le Front populaire en 1936 ! Léon Blum Pdt du Conseil ! gouvernement
chute un an plus tard, et remplacé par un gouvernement de droite. La coalition du FP
éclate.

2) La mesure de la critique

D abord on peut la refuser dans son principe même, et c est ce que fait Bockenforde,
dans l État de droit, la souveraineté démocratique ! la représentation repose sur une
fiction juridique, mais il n existe pas de volonté immédiate du peuple, de volonté
organisée du peuple.

C est le travail des représentants d organiser juridiquement le peuple. Ils doivent donc
disposer d une liberté.
Ce qui importe, c est le caractère ouvert de l élite, pour éviter l instauration d une
oligarchie, il y a des limites au pouvoir, et c est le contrôle porté sur son action.

91
Lorsqu on observe la réalité politique, on peut convenir que la distance entre l élu et
l électeur doit être relativisée. Pourquoi ? Parce qu aujourd hui on constate bien que
lorsque les électeurs choisissent un représentant, ils ne se prononcent pas
uniquement sur les capacités du candidat, mais en fonction des orientations politiques
exprimées.
Certes, le programme électoral n est pas un engagement juridique, mais politiquement,
l élu se sent tout de même contraint au moins dans une certaine mesure, de son
programme électoral.
Preuve en est, c est que lorsqu il s en écarte, il tente de le nier, soit il essaie de le
justifier.

D autre part, il arrive aussi que lorsque la majorité change en cours de mandat, les
représentants retournent devant les électeurs.

Exemple célèbre en Allemagne :


En 1982, élection parlementaire, arrive en tête une coalition SPD ET FDP (Helmut
Schmitt). Le FPD s allie avec la CDU, et Helmut est nouveau chancelier, et Schmitt doit
démissionner.

Par ailleurs, il faut avoir à l esprit que les mécanismes des démocraties
représentatives sont de plus en plus associés à des mécanismes de démocratie
directe, ou au moins de démocratie participative.

« La contre-démocratie » Pierre Rosanvallon

En réalité, ce que démontre Rosanvalon, il faut l envisager comme présentant un


double visage.

Il y a d une part la démocratie qui se manifeste par des mécanismes d institution de la


confiance, c est-à-dire, l élection. On fait confiance à des représentants. Pour lui, il
s agit de deux sphères, deux moments distincts de la vie de la démocratie.
Il dit que la contre démocratie, n est pas le contraire de la démocratie, c est plutôt la
forme de la démocratie qui contrarie l autre.

Ce qu il appelle aussi la démocratie de la défiance organisée face à la démocratie de la


légitimité électorale.
Comment s exprime socialement la défiance, comme elle s organise ? Par des
pratiques de surveillance, d empêchement et de jugements du pouvoir.

92
La contre démocratie donne ainsi voix et visage à différentes figures : le peuple
vigilant, contrôle les représentants, et les contraint à respecter leurs engagements.
Il y a aussi la figure du peuple veto, c est le peuple qui contraint les gouvernants à
renoncer à certains projets.

Enfin, il y a la figure du peuple juge, c est la judiciarisation du politique. Soit on juge le


politique, il y a évidemment aussi la possibilité d attaquer les mesures prises par les
gouvernants.

C est donc l expression de la souveraineté non politique du social, qui fait pièce au
pouvoir politique institué.

Et Rosanvalon ne critique pas cette pratique, il dit qu elle est aussi nécessaire que la
confiance, parce qu elle permet une autre voie d expression de la souveraineté.
Cette contre démocratie n est évidemment pas sans défauts, et il parle de défaut
d appréhension globale des problèmes liés à l organisation d un monde commun.

Si on favorise trop la contre démocratie, on empêche la formulation positive d un


monde commun. Ce que Rosanvalon appelle l apolitique.
L apolitique, c est souvent la marque de fabrique du populisme, qui se cantonne dans
la protestation.

Rosanvallon propose plusieurs pistes, parmi celle-ci, le dvpt de la démocratie


participative, avec l organisation de conférences citoyennes, mais il évoque aussi la
nécessité de repolitiser la démocratie, de conjurer le risque d apolitique, càd,
reconstituer la vision d un monde commun.

E) Principe démocratique et contrôle démocratique des autorités


indépendantes

Une des évolutions majeures des démocraties contemporaines, est la montée en


puissance des autorités indépendantes, càd extérieures au circuit de démocratie
directe.
Elles sont en plus en plus nombreuses, avec des missions de plus en plus importantes.
On appelle cela parfois le rôle de l État régulateur, ou le développement de la
gouvernance.
La justification du recours croissant, tient précisément à la considération qu il s agit
d isoler le traitement de certaines questions, du politique, de mettre à l abri le

93
traitement de certaines questions, de considérations partisanes de l électorat, pour les
confier à des experts, qui sont obligés de statuer en toute objectivité.
Et dans ce cas-là, ces autorités tirent leur légitimité de leur indépendance.
Leur succès, vient justement de ce qu on considère comme apolitique, et donc comme
portant un remède à la confiance déclinant dans le politique.

Dans son ouvrage « La légitimé démocratique », Rosanvallon présente les organes


indépendants, comme une nouvelle forme de légitimité démocratique. Il appelle la
légitimité d impartialité, et qui permettrait, et qui serait un remède à l essoufflement de
la démocratie représentative.

A l origine, le projet d intégration européenne est fondé sur ce modèle-là. Jean Monet,
un des pères du projet d intégration européenne, voulait une Europe dirigée par des
indépendants, des experts, il se méfiait du politique. Ça s est traduit par la mise en
place de la commission européenne, qui est censée être indépendante.

Cette indépendance n est toutefois pas sans défaut. Elle est acceptable au regard du
principe démocratique, que si les pouvoirs qui sont reconnus à ces autorités, ces
agences, sont étroitement circonscrits et que si leur exercice fait l objet d un contrôle
démocratique. Car en démocratie, tout pouvoir doit aller de pair avec la responsabilité
démocratique. Il n y a pas de pouvoir sans responsabilité.

Autrement dit, on ne saurait leur confier des tâches, qui vu leur nature, ou leur
importance, ne peuvent relever d organes représentatifs, ou démocratiquement
responsables.

Ex : BCE ! achats de dettes souveraines en 2008. A été contestée pour cela,


notamment par les Allemands.

94
Chapitre 3 ‒ L État comme État de
droit Jusqu'à page 109

L État de droit se présente aujourd hui dans tous les États démocratiques, comme une
contrainte axiologique, dont dépend la légitimité politique et qui implique un certain
modèle d organisation politique.
Un État s il veut paraitre légitimité, doit se présenter comme un État de droit. Nombre
de constitutions contemporaines font référence à l État de droit : Loi fondamentale
fédérale de 1949 en Allemagne.
Aussi nombreux instruments internationaux ! article 2 TUE ! État de droit, une des
valeurs sur laquelle les États membres et l UE, sont fondés.
État de droit est aussi présent dans le discours politique. Incontestablement, il y a un
succès du thème de l État de droit.
Comment peut-on l expliquer ? Une des explications possibles, c est la suivante, c est
la perte de confiance en l État, qui apparait aujourd hui non plus nécessairement
comme un instrument de confiance collective, mais aussi comme un agent possible
d oppression.
A cela s ajoute, l accent mis sur l individu face au pouvoir, et sur la défense de ses
droits fondamentaux, contre la dictature de majorité même démocratique. C est le
triomphe du libéralisme.

On peut renvoyer à la réalité incontestable que la puissance étatique s exprime avant


tout par la norme juridique.
Le concept d État de droit qui apparait dans la doctrine juridique allemande, signifie
d abord que l État est soumis au droit.
Ce concept va ensuite s enrichir dans d autres pays, mais qu il n est pas resté
doctrinal. Il a connu des traductions juridiques qui ont abouti à une nouvelle
95
configuration du pouvoir étatique. Enfin cette nouvelle configuration impliquée par la
notion d État de droit, conduit à se poser la question des relations actuelles entre État
de droit et démocratie.

SECTION 1 ‒ L ESSOR DE LA THÉORIE DE L ÉTAT DE DROIT

Limiter la puissance de l État par le droit. D abord elle considère que l État est régi par
le droit, cela veut dire qu un organe étatique ne peut aboutir qu en vertu d une
habilitation juridique, donnée par la Constitution. Autrement dit, l exercice de la
puissance étatique se transforme en une compétence instituée et donc limitée par le
droit, ce qui montre que l État de droit a d abord comme premier sens, l existence
d une hiérarchie des normes, dimension formelle de hiérarchie des normes.
L administration est soumise à la loi et au droit, garanti par l existence de recours, et le
Parlement, législateur, quant à lui, est astreint au respect de la Constitution, respect
garanti par l intervention d un juge constitutionnel. Dimension formelle.

Mais l État de droit, a aussi une dimension substantielle, comme la reconnaissance de


droit aux individus.

État assujetti au droit, soumis au droit. Soit en vertu d une autolimitation, soit en vertu
d une hétérolimitation, donc qui place le fondement du droit en dehors du droit.
Le concept d État de droit, tel qu il ressort des conceptions allemandes, mais aussi
françaises et anglo-saxonnes.

§1. La doctrine allemande du Rechtsstaat (= État de droit)

A) D une conception substantielle à une conception formelle de l État de


droit

Origine allemande ! deux conceptions du Reschstadt : d abord une conception


substantielle qui cherchait à limiter la sphère d intervention de l État par l affirmation
de libertés individuelles, dans l exercice desquelles l État ne saurait s immiscer. Idée
inspirée du libéralisme, qui était prôné par les théoriciens du Formärz, au milieu du
XXe siècle, qui luttait contre l État despotique. Pour être clair, il luttait contre l état
autocratique prussien.

Mais coexistait avec cette conception, une conception formelle qui exclue toute
interrogation sur le contenu du droit, et qui se borne à imposer au nom d une
96
autolimitation, l assujettissement de l administration, à la loi et bien sûr l existence de
recours juridictionnels.

Dans un premier temps, c est la conception formelle de l État de droit qui va


progressivement s imposer, et cette conception va s imposer en opposition, à ce que la
doctrine allemande appelle l État de police ! État dans lequel l Administration peut
agir de façon discrétionnaire à l égard des citoyens.

Par opposition l État de droit soumet l Administration à des règles extérieures à elle, et
supérieures, règles qui l habilitent à agir, et précisent les limites de son action, et
règles qui peuvent permettre aux citoyens de contester les actes administratifs.
Subordination de l Administration à l habilitation de la loi, à l adoption de laquelle, les
citoyens ont participé par l élection du Parlement, loi qui seule peut restreindre les
droits et libertés des citoyens.
C est encore le cas aujourd hui en Allemagne, avec la réserve de la loi ! seule la loi
peut restreindre les droits et libertés des individus. Administration peut restreindre
uniquement sur habilitation de la loi.

B) L État de droit ou l autolimitation de l État

Dans la lignée des philosophes, comme Hegel et Fichte, il ne saurait y avoir de limites
externes à l action étatique, car il n y a de droit qu étatique. On retrouve ces idées chez
les normativistes (Kelsen, etc.).
Kant, quant à lui, défend que l ordre juridique doit être fondé sur la raison, et placé au
service de la liberté.

Échec de la révolution de mars 1848 ! inspirée par les idées du Formarz.


Instauration d une monarchie parlementaire. Après l échec de mars 1848, révolution à
laquelle a participé Marx, la doctrine juridique allemande s écarte de la vision
kantienne pour défendre l idée que le droit de l État c est le droit public positif, quel
que soit le contenu de ce droit, et surtout le droit public, c est le droit posé par l État.

L État dans la doctrine juridique allemande, est présentée comme une personnalité
juridique distincte de la personne des gouvernants, distincte de la nation, et c est lui
qui est le titulaire originel de la souveraineté. Unique source du droit, et par
conséquent, il ne saurait y avoir de droit antérieur et encore moins supérieur à l État.

Dans cette perspective, seule l idée d autolimitation de l État par le droit est
concevable. L État va lui-même adopter des règles qui vont gouverner l exercice de ses
97
pouvoirs. Pourquoi il respecte ses règles ? Car il y trouve intérêt, dans la mesure où le
droit en vigueur sera d autant mieux respecté par les sujets. La pression sociale
pousse aussi l État à respecter les règles ! sentiment national du droit

Remise en cause du positivisme étatique. Après la seconde guerre mondiale, c est une
conception substantielle qui va s imposer, et qui est centrée sur la protection des
droits fondamentaux, et au premier rang desquels on trouve la dignité humaine.

§2. La doctrine anglaise de la Rule of law

Le concept est avant tout associé à Dicey, grand constitutionnel britannique, et qui a
donné une définition de la rule of law.
On trouve des premières traces de la rule of law, dans la magna carta. Dans la magna
carte (la grande charte de 1215), on y trouve la soumission du roi au
dfroit, l interdiction de toute arrestation arbitraire, le droit des hommes libres à obtenir
justice, tous ces éléments étant encore présents dans la conception contemporaine de
la rule of law.
Action des juges s appuyant sur la common law. Il faut ensuite mentionner la
souveraineté du parlement, après la Glorious Revolution de 1688, qui entraine pour
conséquence que le Parlement est extérieur et supérieur à la Rule of Law, il est
simplement soumis au droit naturel, qui lui impose de respecter la liberté et la
propriété.

Émergence de l idée qu en réalité, la Rule of Law est imprégnée des idées libérales,
notamment défendues par John Locke, pour Dicey en effe,t la rule of law signfie la
garantie accordée au droit des individus, sous l empire de la constitution anglaise, et
dans cette garantie, le juge joue un rôle primordial.
En conséquence, cette garantie se décline en trois éléments selon Dicey. Première
élément, est plutôt écrit. La légalité, c est-à-dire la prééminence absolue du droit, dans
sa dimension législative.
Deuxième élément, égalité de tous les citoyens devant la loi et devant le juge, et de ce
point de vue-là, une seule loi, et un seul juge.
Enfin, la liberté, est un troisième élément, c est-à-dire les droits individuels dont le
juge est le gardien, et droits individuels qui résultent moins d une déclaration
solennelle que de décision rendue par les juges, dans chaque cas d espèce.

Pas de contradiction avec la Rule of Law, la souveraineté du parlement est limitée par
la souveraineté politique de la nation.

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Aujourd hui, la souveraineté du parlement est écornée, notamment grâce au
renforcement de la protection juridictionnelle des droits de l homme, lié à des
engagements externes.

§3. La doctrine française de l État de droit

Transpoition en France, et acclimatée à la traditition institutionnelle propre à la France.

A) Le cadre institutionnel et juridique spécifique à la France

Premièrement, la mise en place d un ordre juridique hiérarchisé, à la Révolution


française, avec au sommet, pour reprendre la formule de la DDHC, les droits naturels,
inaliénables et sacrés de l homme.
La Constitution se situe au-dessous, elle a pour objet de garantir ces droits et de
séparer les pouvoirs ! article 16 de la Constitution
En dessous de la Constitution la loi, puis les actes émanant de l exécutif.

Enfin tout en bas, les actes des juges, bouche de la loi, qui ne sauraient s immiscer
dans l acte législatif, ni suspendre l exécution d une loi.

Dans les faits, à raison de la mystique rousseauiste de la souveraineté de la loi,


expression de la volonté générale, il ne saurait y avoir de bornes.
A raison aussi de la souveraineté nationale, qui s impose à la RF, la nation est
souveraine, mais étant un être collectif abstrait, elle ne saurait s exprimer que par ses
représentants, ce qui entraine dans les faits, un transfert de la souveraineté de la
nation au corps législatif, qui adopte la loi.
A raison de ces deux théories, et bien dans les faits, on aboutit à un système juridique
où la loi est souveraine.

Encore une fois, il y a là une assimilation de la loi votée par le Parlement.


Affirmation du légicentrisme. La suprématie de la Constitution pourtant affirmée, mais
dans les faits, elle restera toute théorique, car on refusera à tout contrôle juridictionnel
de la constitutionnalité des lois.
Soumission assurée par un contrôle de légalité assuré par le juge administratif, qui dès
l arrêt Blanco.

B) De la doctrine légale à la doctrine de l État de droit

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La tradition juridique française, c est le légicentrisme, et ce qui domine c est ce qui va
pousser la doctrine juridique française à reconnaitre et constater que le concept de
l État de droit, se réduit à un concept d État légal en France.
Ce qui est intéressant, c est que les auteurs vont faire jouer à la théorie de l État de
droit, une fonction de l État légal, du légicentrisme.
Ils vont utiliser la théorie de l État de droit, comme appui théorique pour dénoncer la
souveraineté parlementaire, inhérente au système d état légal.

Les auteurs se divisent sur la valeur juridique de la DDHC. Pour Duguit et Hauriou,
valeur supérieure à la Constitution, valeur juridique. Pour Carré de Malberg, pas de
valeur juridique, et la conséquence c est qu il réclame une réforme constit pour inscrire
les droits fondamentaux dans la Constitution.

§4. Les sources intellectuelles de la doctrine de l État de droit

On cherche à brider la puissance de l État pour éviter qu elle ne devienne oppressive.


Cette idée c est celle du libéralisme, avec les philosophes de la fin du XVIIe et XVIII,
Locke, les révolutions françaises et américains. Affirmation de droits illéaniables des
hommes face au pouvoir.

Pour les libéraux, il faut contenir les interventions de l État dans la vie sociale. Les
libéraux opposent société et État. Autrement dit, le libéralisme défend une certaine
conception des libertés, et le libéralisme en conséquence, défend une certaine
conception du rôle de l État

A) Le libéralisme et les libertés

Pour faire simple, l idée maitresse de l État, c est qu elle trouve sa limite dans les
droits des individus. Les individus peuvent opposer leurs libertés face au pouvoir.
Constant exalte la liberté des modernes. Autonomie d une sphère privée, dans laquelle,
l action de l État ne saurait s y immiscer.
L État a pour finalité, la garantie des droits fondamentaux des individus.
Locke explique que les individus s associent pour mieux sauvegarder leurs libertés et
leur droit de propriété.
L action du prince ne reste légitime que lorsqu il garantit la liberté et la propriété.

Article 2 DDHC : droits naturels et imprescriptibles de l homme

D ailleurs, cette subjectivisation du droit, explique la théorie de l État de droit.


100
Pour Carl Schmitt, c est la pensée libérale bourgeoise, qui dans sa théorie de la
Constitution, il oppose la Constit bourgeoise et démocratique, car pour lui, il dénonce
que la défense de l individu face çà la collectivité, emporte le risque de la destruction
proprement politique de l État.

Cette affirmation théorique trouve racine dans l école du droit naturel, conception jus
naturaliste. Autrement dit, ce sont des droits dont les individus disposent, et auxquels,
ils ne renoncent pas en établissant une société politique. Le but de l organisation
sociale, c est la sauvegarde des droits naturels et imprescriptibles. Et les lois positives,
ne sont que le moyen d assurer ces droits subjectifs, qui sont ontologiquement
premiers.

B) Le libéralisme et le rôle de l État

Libéralisme oppose l État à la société civile, en fixant des bornes à la prise étatique sur
la vie sociale. La règle c est la non-intervention de l État, dans la vie sociale, autrement
dit, les activités sociales sont en principe libres. L État ne doit assumer que les tâches
qu il est le seul à pouvoir assumer, et qui sont indispensables à l organisation et la
pérennité de la vie sociale ! les fonctions régaliennes, la défense, la police, la justice.

Pour le reste, notamment pour tout ce qui touche aux échanges économiques, il faut
laisser toute place à l initiative privée. Donc qu il y a dans l optique libérale, une
frontière ferme entre ce qui relève du public et ce qui relève du privé. Les administrés
doivent avoir des garanties juridiques pour s opposer à tout empiètement de l État sur
leur sphère d autonomie, parce que tout expansion du rôle de l État constitue une
menace potentielle pour les libertés individuelles.

Risque à l égard du risque d omnipotence de l État. A cela s ajoute aussi pour les
libéraux, la croyance dans la capacité d autorégulation de la société, c est la fameuse
main invisible d Adam Smith.
On voit que dans l optique des libéraux, l État de droit est indissociable de la
représentation d un État libéral, respectueux de l autonomie du social.
Cela pose un problème de conciliation avec le développement de l État providence.
Intervention plus étendue dans le social, une réduction de la sphère du social
autrement dit.

SECTION 2 ‒ LES IMPLICATIONS DE L ÉTAT DE DROIT

101
Concrétisation du concept en droit positif, et fait l objet d une reconnaissance
universelle, notamment par les Nations Unies, et c est aussi un élément du patrimoine
constitutionnel européen. On le trouve alors dans les statuts du Conseil de l Europe
(articles 3 et 4).

§1. Les exigences formelles

Si on regarde en France, concernant les exigences formelles, le système institutionnel


français, se caractérise par une montée en puissance de l exécutif.
Malgré de la montée en puissance, ce qu on constate c est aussi un renforcement de la
soumission de l action de l exécutif au droit, grâce au développement du principe de
légalité.
Évidemment, c est aussi la soumission de l action du législateur aux normes
constitutionnelles, grâce au développement de la justice constitutionnelle.

A) Le principe de légalité

Principe de soumission de l Administration au droit

Soumission observable malgré la montée en puissance de l exécutif, qui est assurée


grâce à l enrichissement du bloc de légalité, et grâce au perfectionnement du contrôle
juridictionnel.
1) Enrichissement du bloc de légalité : des normes juridiques qui s imposent à
l Administration

6 juin 1944 CE
Au fur et à mesure, le territoire français est libéré, et mise en place de commissaire de
la république. Epuration, notamment les mouvements de résistance plaide pour épurer
l administration, il faut pour le CE, encadrer cela par le droit, d où le développment des
PGD, en l absence de garanties législatives.

PGD qui sont imposés aux règlements autoomes par l arrêt du 26 juin 1959 CE
Ainsi qu aux ordonnances de l article 38
Arrêt Sieur Canal ! évènements d Alger

Reconnaissance de la primauté sur les lois des normes internationales


Arrêt Jacques Vabre
Arrêt Nicolo

102
Dame Perreu qui revient sur l arrêt Cohn Bendit

Renforcement du bloc de légalité.

2) Le renforcement de l intensité du contrôle

Le CE, pratique un contrôle maximum sur les mesures de police qui portent atteinte à
une liberté publique. Il faut que la mesure soit nécessaire pour assurer le respect de
l ordre public, compte tenu des circonstances.
Arrêt Sieur Benjamin 1933
En revanche, traditionnellement, les mesures de police des étrangers, ne sont
soumises qu à un contrôle minimum.
CE 2 novembre 1973 Société Librairie François

Traditionnellement, les étrangers n ont pas de droits de séjour sur notre sol. Cela étant,
on sait que le juge administratif a augmenté son contrôle sur les mesures de police
des étrangers, dès lors que ceux-ci peuvent faire valoir que la mesure de police qui les
touchent, porte atteinte à un droit fondamentaux. On peut se baser sur la CEDH.
Si une liberté est atteinte, le CE va pratiquer un contrôle de proportionnalité strict.

Autre exemple, qui concerne l autorisation donnée par l administration de participer


aux concours d entrée la fonction publique ! garanties.
Arrêt Barrel ! communiste ENA

Traditionnellement, le contrôle était restreint sur les obligations de concourir, mais il


est devenu normal.
Arrêt 1983 Raoult

En matière disciplinaire, contrôle restreint de la sanction disciplinaire est passé à un


contrôle normal (maximum).
Dahan CE

3) La réduction des hypothèses d une unité juridictionnelle

Actes qui échappent à tout contrôle juridictionnel.


- Les mesures d ordre intérieur
- Les actes de gouvernement

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Le mouvement jurisprudentiel est dans la réduction de la catégorie des actes de
gouvernement, et il va aussi dans le sens dans la réduction des mesures d ordre
intérieur.

4) Le renforcement de l efficacité de la justice administrative

Il faut non seulement que l administration contrôle mais que ces décisions soient
efficaces, et son efficacité a été renforcée avec la réforme des procédures d urgence,
et avec l amélioration de l exécution des décisions de justice.

a) La réforme des procédures d urgence

Principe : privilège du préalable (de la décision exécutoire)


Toute décision administrative est applicable et s impose aux administrés, sans
recoures d un juge.
En outre, interdiction au juge de prononcer des injonctions.
Conséquence est exécutoire, mais si recours il y a, ils ne sont jamais suspensifs de la
décision de l exécution.

Longtemps, sursis à exécution ! exception unique

Réforme des procédures d urgence du 30 juin 2000 qui donnent au juge administratif,
des pouvoirs proches au juge civil des référés.
Dans cet optique, le suris a exécution a été transformé par le référé-suspension,
codifié L121-1 du Code de justice administrative, et aussi le référé-liberté, L121-2 du
CJA.
Référé-liberté : Permet au juge administratif, d ordonner toute mesure nécessaire, à la
sauvegarde d une mesure fondamentale.

Et puis amélioration de l exécution des décisions de justice :


Plusieurs mouvements de réforme, mais qui permet à l administration, d assortir cette
annulation d une injonction de prendre les mesures d exécution nécessaire.

B) La garantie de la suprématie de la Constitution

Essor de la justice constitutionnelle en Europe après la 2nd guerre mondiale


Existait déjà avant notamment en Autriche.

104
Mais c est véritablement au lendemain de la guerre, que la justice constit se
développe, et le contrôle de constit des lois.
En Europe, on confie à une juridiction spécialisée, le contrôle de constitutionnalité des
lois.
En Amérique, le contrôle diffus permet de donner à tout juge, la possibilité de contrôler
la constit des lois.

Ce qui est intéressant ici, c est la suprématie de la Constitution, et aussi, la


Constitution est devenue de plus en plus jurisprudentielle, car la plupart des Constit
contiennent une déclaration des droits fondamentaux. Or, ce qu implique ces droits,
concrètement, est matière à interprétation, et par conséquent implique la nécessité du
juge.

Même si le texte constit ne bouge pas, son interprétation jurisprudentielle évolue au fil


du temps.
Aux États-Unis, on sait bien que la position de la Cour suprême a bcp évolué.
Maintenant avec les nominations effectuées par Trump, la majorité est devenue
conservatrice, on espère un revirement jurisprudentiel conservateur.
La France n a pas échappé à ce mouvement, du développement de la justice
constitutionnelle.

Mécanisme de la QPC qui permet non seulement de contrôler a posteriori les lois
parlementaires, alors que jusque-là, le contrôle ne pouvait être déclenché qu a priori,
et aussi, le mécanisme de la QPC permet indirectement à tout justiciable de saisir le
Conseil constitutionnel. Indirectement car, le mécanisme de la QPC permet au
justiciable dans le cadre d un procès le concernant, de soulever par voie d exception, la
qpc.

La juridiction saisie au fond, si elle estime la question sérieuse, transmet cela au CE


ou C cass, si elle la juge pareillement sérieuse, sera transmise au CC.

Étant entendu que le Conseil constit doit se prononcer dans les trois mois, et si la loi
est déclarée inconstit, la loi sera abrogée.

Il convient tout de même de soulever que le CC a une compétence limitée, bien moins
étendue que d autres cours constitutionnelles.

105
Pourquoi ? Parce que le CC ne peut connaitre que de la constitutionnalité des lois,
votées par le Parlement, et de la constitutionnalité des traités, par le biais de l article
54.
Autrement dit, le Conseil constitutionnel ne connait pas la constitutionnalité des actes
administratifs, c est le juge administratif qui est amené à examiner cela, il ne connait
pas non plus de la constitutionnalité des actes de droit privé, car c est le juge judiciaire
qui est compétent. Pareil pour la constitutionnalité des jugements, et des pratiques
constitutionnelles développées par les pouvoirs publics.

Ce qui veut dire qu en France, le CC n a pas le monopole du contrôle de constit, il


partage cette tâche avec d autres acteurs, et le chef de l État pour ce qui est des
pratiques développées par les pouvoirs publics.
Exemple : selon la Constitution, gouvernement est responsable de la défense
nationale, mais en même temps, le président de la République est chef des armées.
Qui a le dernier mot ? Le chef de l État. Domaine réservé du chef de l État, même en
période de cohabitation.
En Allemagne, cette question est tranchée par le Tribunal fédéral constit. Procédure du
conflit d organes. Article 93§1.

Le CC est donc censuré, ce qui veut dire qu il n est pas le seul interprète authentique
de la Constitution, il doit cohabiter avec la C cass, le CE,

§2. Les applications substantielles

Les expériences totalitaires ont révélé l insuffisance du principe de l État de droit,


réduit à sa dimension formelle d ordre juridique hiérarchisé, et sanctionné par le juge.
L État de droit aujourd hui, ne saurait être l État de n importe quel droit, mais c est
l État d un droit qui est sous-entendu par un ensemble de valeurs et de principes.
Autrement dit, la hiérarchie des normes selon Kelsen, n est que l enveloppe formelle
d une conception substantielle du pouvoir, que tout à la fois est transcrit et préservé.

Autrement dit, les expériences totalitaires ont permis d imposer ou de réimposer, le


substrat libéral de la théorie de l État de la loi, car l emprise de l État totalitaire, sur la
vie sociale (Claudie Lefort définit cela comme suppression de toute distinction entre
l État et la société).
Définition d une sphère d autonomie privée dans laquelle le pouvoir ne saurait
s immiscer ! théorie libérale

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L État de droit garantit aussi à l individu, des libertés qu il peut opposer au pouvoir,
permet de défendre sa sphère d autonomie privée. Les libertés-résistances.
En raison de l essor de l État-providence, dès le début du XXe siècle, et bien davantage
depuis la fin de la 2nd GM, l État de droit selon sa conception substantielle garantit des
libertés des droits-créances, donc des droits des individus qui permettent de réclamer
des prestations, des interventions dans la vie sociale.

Ces droits sont garantis par des textes constitutionnels, en ce qui concerne la France,
avec la DDHC de 1789, qui a toujours valeur constit, mais aussi les droits proclamés
dans la Constitution de 1946, qui a encore une valeur constit.

Donc, droits fondamentaux garantis par les textes constit, mais aussi par des textes
internationaux, dans le cadre des N-U, à cela s ajoutent les deux pactes sur les droits
civils et politiques, économiques et sociaux, mais surtout dans le cadre européen, la
CEDH, à laquelle tout État-partie au Conseil de l Europe doit adhérer.

§3. Les mécanismes de contrôle du respect de l État de droit

On vise ici le principe de l État de droit, pas uniquement la protection des droits
fondamentaux.

Conseil de l Europe ! il faut se souvenir à lire les statuts du Conseil de l Europe (C.E),
ne peut devenir partie du C.E, qu un État qui s engage à respecter le principe de l État
de droit. En outre, le C.E prévoit des sanctions pour tout État qui ne respecterait pas
ce principe, et cette sanction, c est l exclusion (jamais appliquée). ARTICLES 3-4 et 5.

UE ! les mécanismes de contrôle de l État de droit


Le principe de l État de droit est une valeur selon laquelle l UE est fondée, ainsi que
les États membres. L une des conditions posées à l adhésion d un État, c est
l engagement à respecter les valeurs de l UE, donc le principe de l État de droit.
Condition énoncée dans l article 49 depuis le traité de Lisbonne, et qui a été appliquée
dès l origine.
Le processus d adhésion est un processus long qui vise à préciser que l État candidat
se conforme au respect de l État de droit, et la commission de Bruxelles fait
régulièrement un monitoring, publie des rapports de l État-candidat.
Quid évidemment une fois l État devenu membre de l UE ?
Il existe un mécanisme de sanction dès le traité d Amsterdam, article 7 TUE, et précisé
à l article 354 TFUE.

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Mécanisme de sanction qui prévoit la suspension de certains droits liés à la qualité de
membre, notamment la suspension du droit de vote au sein du Conseil.
Le mécanisme prévu, n a jamais été mis en œuvre, du moins s il a déjà été déclenché,
il n est jamais allé jusqu à son terme, à raison du fait que son déclenchement est
subordonné à l adhésion par les institutions à une majorité très large. En réalité, pour
que sanction il y ait, il faut notamment l unanimité des membres du Conseil européen.

Voilà pour laquelle ce mécanisme a échoué, notamment pour s opposer aux théories
illibérales, notamment de la Hongrie par exemple.

L UE est donc démunie car ces procédés de contrôle se sont révélés impuissants, par
totalement car il y a une arme qui n avait pas été pensée pour cela au départ, mais
dont l utilisation à cette fin s est avérée efficace, c est l arme judiciaire.

CJUE ! mécanisme du contrôle de l État de droit prévu à l article 7, est un contrôle


politique. Ce mécanisme de contrôle politique excluait tout recours au juge. Que faire ?
Autrement dit, puisque parmi les voies de recours aménagées devant la Cour de
justice, il y a une procédure classique, qui permet de condamner les États-membres
pour violation des obligations qui résultent pour eux.

A finalement été saisie, et a développé un raisonnement efficace, et qui permet par la


procédure, c est l invocation de l article 19 du TUE.
Il est dit que les États membres mettent en avant les voies de recours propres à
assurer une protection juridictionnelle efficace, dans les domaines couverts par le droit
de l union.

La cour de justice a développé d abord par voie préjudicielle, pour qu il y est des voies
de recours efficaces dans les domaines couverts par le droit de l union, et que ces
voies de recours soient devant des juges indépendants.
Raisonnement qu elle a développé, qui lui a permis de condamner plusieurs fois la
Pologne et la Hongrie, notamment pour les réformes de la justice.

SECTION 3 ‒ ÉTAT DE DROIT ET DÉMOCRATIE

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La question est simple et rejoint la problématique des démocraties ilibérales : y a-t-il
antinomie entre État de droit et démocratie, ou union nécessaire ? la démocratie, donc
la souveraineté du peuple peut-elle s accommoder de bornes à son pouvoir ?
La liaison n est pas forcément évidente.

Libéralisme et démocratie ! possible antinomie entre souveraineté du peuple et son


pouvoir.

Conceptuellement ! partage des auteurs concernant antinomie entre Etat de droit et


démocratie comme Schmidt.

Théorie de la C, Schmidt ! oppose composante libérale (Etat de droit bourgeois) et


politique (composante démocratique) de la C car démocratie (=souveraineté consti-
tuante du peuple) radicalement incompatible avec la proclamation de la liberté des in-
dividus comme limite au pouvoir démocratique => libéralisme fait une démocratie
sans peuple ALORS QUE selon lui démocratie ne présuppose pas l égalité des droits
auprès de tous les individus CAR implique l égalité des citoyens par une appartenance
à une même communauté par une identité politique et homogénéité substantielle sup-
posant de discriminer l étranger.

Selon Abermass ! lien intime et réciproque entre autonomie privée (reconnaissance


de droits subjectifs aux individus) et autonomie publique (participation au pouvoir et
liberté publique) des citoyens => liaison entre Etat de droit et démocratie car l une
permet de garantir l autre en le présupposant car thèse de la co-originarité des 2 car
DH sont précondition et la garantie de la délibération collective DONC pour avoir dé-
mocratie individus doivent se reconnaitre une égalité de droit.

Notions compatibles ! si juge constitutionnel a une autolimitation et tient compte de


l acceptabilité sociale de ses décisions.

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