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On va faire une histoire de l’état tel qu’il est apparu en Occident. Ce détour s’explique par le fait que
c’est à partir de cette histoire et de travaux qui l’ont mise au jour qu’ont ensuite été menés les
travaux et analyses à partir de 1960.
Ces processus multiples ne sont pas seulement dus à une volonté de groupe qui serait dominant
(logique implicite). Il convient de prendre les relations sociales dans leur ensemble. D’où
l’importance de proposer une histoire sociologique, considérer la formation de l’État comme
étant au cœur de relations d’inter dépendance entre plusieurs groupes, plusieurs logiques. On a
un processus de consolidation de pouvoir central : on passe d’un État royal à un État
bureaucratique.
C’est à dire que l’État va progressivement s’imposer comme une entité, comme une réalité, et
surtout l’État va s’imposer comme une entité progressivement indépendante du patrimoine du
roi. C’est le processus de publicisation de l’État.
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A. L’émergence d’une domination de type étatique
L’État apparaît comme l’aboutissement d’activités collectives et de processus indissociables
selon Norbert Elias. C’est à la fois :
- Un travail d’accumulation qui va faire converger vers un centre des ressources qui sont
convoitées par des puissances rivales.
Entre le 11ème (seigneurie féodale) et le 15 ème siècle, on voit l’avènement d’une puissance
royale. On peut parler d’État royal.
- La société féodale est caractérisée par une dispersion des pôles de puissances. On a le
partage d’un territoire morcelé. Chaque seigneur avait son territoire, parmi ces seigneurs il y
avait le Roi, élu par les autres seigneurs. Le roi était « Le premier parmi ses pairs ». Petit à
petit, va commencer un processus d’accumulation territoriale au bénéfice du
détenteur de la couronne royale.
- La grande dynastie des Capétiens (987-1328) entre en rivalité, en compétition avec tout un
tas de maison féodales pour étendre leur territoire. Le territoire n’est pas homogène mais il y
a des poches territoriales. Elle veut maintenir le contrôle mais aussi l’agrandir.
Effectivement, cette dynastie va devenir prédominante au sein d’une zone de compétition de
plus en plus élargie. Les capétiens ont utilisés 3 moyens : des mariages, des achats de terre
et des conquêtes militaires. Tout ça a permis l’intégration de maisons rivales à un
domaine dynastique qui s’est avéré de plus en plus vaste.
On voit des transformations durables : on va conserver les conquêtes des prédécesseurs. Les
Capétiens vont donc s’étendre jusqu’en 1328 puis à partir du 14 ème siècle c’est la dynastie des
Valois qui va prendre le relais. Il faut être dans la nuance, cette domination n’est pas
nécessairement synonyme de la formation d’un royaume cohérent. Même si c’est vrai que le roi va
exercer son autorité sur le territoire, en tant que propriétaire centrale il a une approche patrimoniale,
sans administration centrale. Les spécificités locales s’expriment d’une manière latente.
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militaires et économiques dans des territoires donnés. Finalement la maison royale a évincé les
dynasties conquérantes (Guillaume le Conquérant, les Plantagent)
Une lente transition : les luttes pour le monopole de la domination deviennent des luttes
pour l’accès à des positions dominantes dans l’État
On observe ensuite la formation de l’État fiscal. On a la formation d’un centre, une accumulation
territoriale, à l’origine de la division croissante des fonctions de dominations. Petit à petit va
apparaitre un appareil administratif permanent et spécialisé. C’est une lente transition : on
passe d’une lutte pour le monopole de la domination c'est à dire que toutes ces maisons
dynastiques veulent être à la tête et à des luttes entre les fractions élitaires (Bernard Lacroix)
pour l’accès à des positions dominantes dans l’état.
Vers le 14ème siècle, on peut commencer à parler d’État comme l’ensemble des ressources
militaires et financières. Il y a une lutte pour le pouvoir, l’enjeu est ce contrôle. Au bout d’un
moment, les grandes dynasties vont accepter comme un fait la domination de l’État. L’enjeu n’est
plus l’abolition du monopole de domination. L’enjeu va être d’avoir des positions clefs de ce qui va
apparaître comme un État.
Charles Tilly montre que plusieurs types d’impôts vont apparaître : taxes, droits de douane,
droits de péage, loyers sur la terre. On a une institutionnalisation progressive mais cela
provoque parfois des réactions violentes de la part de seigneur et de paysans face à la
rupture avec la société vassalique. Ces résistances se sont progressivement déplacées non
pas vers un enjeu qui serait la fin du monopole du roi, mais vers la gestion juridictionnelle et
policière du monopole d’état et aussi vers l’attribution des ressources (droits sociaux et
politiques). Progressivement, les résistances visaient moins l’abolition du monopole de la
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contrainte physique et financière mais plutôt à la question de qui les gère. On a l’apparition
progressive du consentement, avec la question de la légitimité, lorsqu’on reconnaît comme
nécessaire, acceptable ce contrôle.
Il y a des moyens et des besoins nouveaux. Certaines institutions et groupes spécialisés sont
progressivement devenus indépendants de la maison et de la personne du roi. L’émergence de
l’État s’était opérée à travers de la convergence vers un centre de tout un ensemble de
ressources, soumises à l’usage patrimoniales. Le patrimoine veut dire propriété privée. La
gestion des ressources, les profits étaient au patrimoine. On est passé au patrimoine privé du roi
à la puissance publique ou encore de l’Etat royal à l’État moderne. L’usage et le contrôle
patrimonial est un des éléments très importants entre l’état Occidental et l’état en Afrique.
Un exemple de la consolidation de l’administration fiscale est d’imposer des règles aux sujets mais
aussi au roi. Ces hommes nouveaux, de simples relais de la volonté royale, se sont
progressivement avérés être des protecteurs en quelques sortes d’une entité impersonnelle qui
allait bien au-delà de la personne privée des rois. A partir des 14, 15, 16ème siècle, ils prennent de
plus en plus d’importance.
Cela se fait en lien avec l’environnement structurel de l’époque. On a une part croissante de
l’écrit dans la gestion des affaires, les lettrés deviennent donc plus importants. Les
professionnels de procédure vont importer des compétences, des savoirs faires. Cela entraîne
l’apparition de règles, de procédures que l’on met par écrit qui se stabilisent
progressivement. À contrario la part de la noblesse dans les universités médiévales ne dépasse
pas les 10%. Les études représentent une voie d’ascension sociale de plus en plus prisée (haut
clergé, médecine, offices supérieures). Ces professionnels de la procédure vont importer des
connaissances et des compétences nouvelles dans la gestion de l’état et vont devenir
incontournables. Ce sont des règles, des registres, des instruments qui vont sous-tendre la fonction
de l’état.
On compte aussi les conseillers des souverains et à côté des agents spécialisés tel que Colbert qui
eux aussi devront être titulaires d’une part de l’autorité royale et ils vont exercer cette autorité royale
en gagnant en autonomie. On a un processus de dissociation entre un processus domestique
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contre un processus de gouvernement. La noblesse de robe, l’autorité publique ne va plus être
gérée seulement par des agences. Les stratégies ne vont plus être seulement de conserver des
positions acquises.
B. La publicisation de l’état
Cette tendance commune aux états modernes a crée l’apparition de stratégies collectives, qui
visent à consolider des positions au sein de l’État. On peut avoir par exemple un officier chargé
de collecter un impôt : c’est une position qui va devenir un enjeu en soit. L’apparition de l’État
bureaucratique va se constituer comme un espace pour des groupes ascendants. Il va y avoir
insistance de la part des agents spécialisés sur le caractère public de la puissance royale (termes
d’état, de patrie, de chose publique). Tout cela est en lien avec un travail collectif d’imposition de
l’état comme une organisation nécessaire, irremplaçable, dotée de missions spécifiques et d’une
personnalité propre. Ce travail là est opéré par des groupes hétérogènes plus ou moins formels.
La doctrine juridique des « deux corps du roi » (Kantorowicz, 1957) : la continuité de l’état
Un adage apparaît au 16ème : quand le roi mourrait on disait « le roi est mort, vive le roi ».
L’institution le transcende et va se transmettre sans discontinuité à ses successeurs. Cela
marque la continuité du pouvoir royal, mais aussi la permanence des institutions de l’État
moderne. La société est présentée comme un corps dont le roi garantit la pérennité. Il y aussi l’idée
d’une autorité perpétuelle, d’un pouvoir souverain sur un vaste ensemble de sujets. On a cette idée
de l’autorité, de continuité transpersonnelle. La continuité de l’État prend sa source dans le
fonctionnement de l’État dynastique. L’objectif est d’assurer la continuité dynastique pour la stabilité
du pouvoir royal or cela était un principe intraséquement patrimonial et va de pair avec des
principes bureaucratiques. Il y a une transpercion de la personne royale.
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L’État tel qu’on l’évoque en Afrique n’est pas du tout le fruit de cette histoire . Ils vont donner
une définition de l’autorité politique exercée par l’État :
- Une capacité à prendre des décisions qui s’imposent à la collectivité
- Une capacité à les mettre en œuvre par des moyens appropriés
- Une capacité à leurs donner une justification normative qui amène les sujets de l’autorité à
s’y plier.
L’État n’est plus tout à fait l’État parce qu’il n’a plus le monopole de l’exercice de l’autorité
politique puisqu’il y aurait une pluralisation des sources de l’autorité politiques. Cela est du :
- Au processus d’européenisation
- Au processus de globalisation
- Au renforcement du poids de grandes entreprises mondialisées ou non gouvernementales.
Cela fait référence à la capacité d’acteurs internationaux à exercer une partie de l’autorité
politique.
L’État serait le gardien, l’administrateur de l’autorité politique qu’il partage quelque part avec
toutes une série d’acteurs et non plus le détenteur. Les états se définissent de plus en plus par
leurs activités. La notion de Policy state de Stephen Showroneck désigne que l’Étatse définirait par
des politiques publiques mises en œuvre et par ses activités.
Bruce Berman et John Lonsdale in Unhappy Valley. Conflict in Kenya and Africa (1992)
Ils distinguent deux notions. Le pouvoir va devenir diffus, de plus en plus reconnu et accepté. Ils
distinguent
- Le processus historique (state formation) : la formation de l'État. C’est un processus
historique largement inconscient et contradictoire fait de conflits, de négociations et de
compromis entre divers groupes, et dont les interactions constituent la vulgarisation du pouvoir
- La construction de l’état (State bulding) : c'est à dire un effort conscient de créer un
appareil de contrôle.
L’intérêt pour la science politique en Afrique très récent. À l’origine c’était surtout de
l’anthropologie qui étudiait les objets « exotiques ». L’histoire s’y est intéressée pour connaître les
structures et les formations politiques coloniales et précoloniales. Sont arrivés tardivement les
premiers travaux de sciences politiques, dans les années 60. Ils s’intéressent d’accord aux
ressentis et aux conséquences des indépendances. Cela s’explique aussi par le fait que la science
politique n’apparait que dans les années 40. A partir des années 90, ils s’interrogent sur les
processus de démocratisation. A chaque fois, toutes ses études sont le fruit d’intérêts exogènes,
extérieurs et des prémices européennes. Gazibo écrit : « L’intérêt de la science politique pour
l’Afrique n’est pas venu initialement de ce continent ; de plus, il est récent » et « les modèles
exogènes prévalent dans la recherche sur l’Afrique ».
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Une extraversion théorique
Plusieurs dynamiques vont dans le sens du développement de centres de recherche sur l’Afrique
(Codesria à Dakar) mais pour lui il n’y a pas le développement de cadres conceptuels autonomes. Il
n’y a que reprise de ceux qui sont développés ailleurs. C’est l’extraversion : la recherche africaine
se construit en fonction de la façon dont elle se construit ailleurs. C’est une dépendance théorique
et conceptuelle.
On a quatre modèles :
Gabriel Almond en est un des auteurs. Pour lui, toutes les sociétés disposent de systèmes
politiques : un ensemble d’institution de rôles, d’institutions et de processus. Ces systèmes
permettent de poursuivre des intérêts collectifs, ces systèmes comportent des structures
diversifiées, mais ces fonctions peuvent être par différentes sortes de structure. Toutes les
sociétés vont dans le même sens, dans le développement politique et la modernisation. Les
pays africains sont simplement en retard par rapport à l’Occident. « Les développementalistes
estiment que, certes, les systèmes, les structures et les fonctions peuvent varier dans leurs formes
concrètes, mais que le schéma global […] reste lui inchangé » explique Mamoudou Gazibo.
Ainsi tous les pays peuvent être étudiés dans une même étude. Il n’y a pas de différence de
nature entre les deux sociétés, simplement des différences de degrés, toutes les sociétés
n’ont pas atteint les mêmes degrés de niveau. « Les travaux issus des études
développementalistes ont tendu, de ce fait, à montrer que les différences entre les systèmes
africains et leurs homologues occidentaux étaient non pas de nature, mais de degré de leur
développement politique ». La limite de ce modèle est que c’est un modèle ethnocentrique
(« L’Afrique est étudiée ici non pas à partir d’elle-même mais au prisme de l’occident ») et
évolutionniste.
Dans ce modèle Africain c’est différent, parce que suite aux indépendances, on ne retrouve pas
un centre car il y a une hétérogénéité ethnique qui empêche la main mise d’un centre sur des
périphéries. C’est une approche normative, l’État en Afrique est une illustration de la tradition, il
est tout sauf moderne parce qu’il n’est pas capable d’assurer son hégémonie. Les limites de
ce modèle sont l’ethnocentrisme, un certain évolutionnisme. Il y a des travaux tel que ceux de Guy
Nicolas, qui travaille sur le Nigéria qui dit que oui on peut avoir une émergence de l’état avec un
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pluralisme identitaire. L’État nation comme il s’est construit en occident n’est pas pareil qu’en
Afrique.
- Les « invariants » de la politique africaine. Il y aurait des invariants, des choses qui ne
bougeraient pas comme la politique du ventre de Jean-François Bayart. Pour Mamoudou
Gaazibo, ces auteurs parlent d’État mais pas vraiment l’État au cœur de ces approches mais
plutôt des pratiques qui sont mise en avant pour expliquer l’État en Afrique. Mais « cette
analyse a pêché par excès de formalisme » : les auteurs mettaient tout l’accent sur le droit alors
même que le droit proclamé n’était pas toujours appliqué et respecté.
Dans les années 1980, de nouvelles théories arrivent. Les grandes théories généralisantes ou
de grande portée (développementalisme) vont se transformer en théories de proximité.
- Les rapports société-État et la politique par le bas avec une revue Politique Africaine (Comi
Toulabor, Achille Mbembe, Jean-François Bayart). La politique par le bas part du postulat que
quand on étudie le politique, le mode d’exercice du pouvoir l’intéressant est de ne s’intéresse
non pas aux institutions, aux partis mais plutôt aux dynamiques sociales, à la façon dont les
gens ordinaires participent à la vie politique notamment dans les régimes autoritaires.
Jean-François Bayart parle de modes populaires d’actions politiques comme les OPNI (objets
politiques non identifiés) de Denis Constant Martin.
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pour le développement de l’Afrique soit NEPAD la même année). L’État n’est pas au cœur
des analyses.
Cette séance s’interroge sur le politique dans la longue durée. L’objectif est de montrer qu’il y a du
politique en Afrique précoloniale. On a une diversité des formes d’organisations politiques et
sociales. Du politique veut dire qu’il y a des relations de commandement et d’obéissance. Pour
certains auteurs, on peut même aller jusqu’à parler d’État.
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La question des sources
L’histoire africaine est d’une grande diversité et de plus en plus connue grâce aux travaux
d’historiens qui se sont multipliées depuis 1960. Concernant la période gréco-romaine (Ve siècle av
JC), on a l’archéologie, la linguistique, l’ethnobotanique, des documents écrits comme ceux
d’Hérodote… Aux VII-VIIIe siècle, l’écrit ressurgit en langue arabe (voyageurs du monde
méditérranéen et érudits locaux). C’est le début de la diffusion de l’islam en Afrique
subsaharienne. On a une culture autochtone écrite sur laquelle les historiens peuvent se baser.
Aux XVI, XVIIe siècles, les hollandais, les jésuites et les missionnaires vont écrire. Les marchands
arabes ont parcouru les États du Soudan : Hassan al-Wazzan dit Léon l’Africain écrit. Les
chroniques (tarinks) sont transmises oralement.
Même si certains auteurs disent que les états n’existaient pas il y avait des formes d’organisation
politique. Est-ce qu’il existe à un moment donné un détenteur précis du pouvoir ? Le système de
production partisan limite l’émergence de véritables super structures et donc limite l’émergence de
formes étatiques complexes. Il reste intéressant de considérer les différentes formes d’organisation
du pouvoir. On a une réflexion sur les modes d’institutionnalisation du politique. Ce qui nous
intéresse est comment s’exerce la contrainte, comment est réguler l’ordre social, comment apparaît
un détenteur de l’autorité…
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A. L’approche en termes de « civilisations »
- La civilisation de l’arc sont des peuples chasseurs et récolteurs comme les pygmées.
Ils vivent en bande. Il n’y a pas d’unité territoriale permanente. Ces groupes bougent. Les
déplacements sont fonction des impératifs alimentaires et de la localisation des ressources
disponibles. L’unité repos essentiellement sur les liens de parenté. Les membres d’une
même famille peuvent appartenir à des bandes différentes (si disputes). La vie collective
s’opère par le biais du groupe familial.
- La civilisation des clairières : sont les agriculteurs itinérants de la forêt humide. La vie
collective est régulée par le biais du groupe familial. Les groupes sociaux sont des rôles
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parentaux eux-mêmes définis par la position occupée au sein du groupe de parenté (défini
par rapport à un ancêtre). Ce groupe s’organise sur la base de la filiation, souvent
patrilinéaire et parfois matrilénéaux. Les groupes sont le lignage : le doyen de chaque
lignage assure la cohésion du groupe.
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Ce détour par l’anthropologie permet de voir que l’exercice du pouvoir ne passe pas forcément
par l’émergence et l’institutionnalisation d’une institution qui serait l’État. Selon Daniel
Bourmaud, il est excessif de dire qu’en règle général l’Afrique sub-saharienne a méconnu l’état.
L’intérêt des approches en termes de pouvoir plutôt que l’État : Georges Balandier in
Anthropologie politique
Georges Balandier dans Anthropologie politique dit que le pouvoir correspond à une nécessité pour
chaque société et non pas à un attribut spécifique. C’est ce qui permet à chaque société de lutter
contre la menace de désordre. Il est rarissime que des sociétés humaines existent sans que du
pouvoir et des individus chargés de l’exercer existent.
Daniel Bourmaud propose un continuum construit autour d’une institutionnalisation croissante
des rôles politiques où on peut distinguer deux pôles :
- Une faible institutionnalisation du pouvoir (les Mbutis, peuple pygmée de l’ancien Zaïre)
: il y a de nombreuses sociétés sans gouvernement. Il n’y a pas d’institution politiques
coupées de la société. Le groupe est détenteur de l’autorité. Cela n’empêche pas des
inégalités statutaires (idée de hiérarchie sur la base du prestige). La contrainte s’exerce
ponctuellement. Cela fait référence aux sociétés qui sont restées en périphérie des
royaumes (texte de M’Bokolo)
- Une institutionnalisation accentuée du pouvoir avec des logiques à la fois
bureaucratiques (des agents font appliquer l’ordre au nom du chef) et patrimoniales (les
biens de la communauté se confondent avec les biens du chef). Dans les royaumes et les
chefferies, on a une organisation coercitive permanente. Il y a une territorialisation du
pouvoir sur un mode centralisé ou fédéré. Pour les chefferies, le chef est détenteur du
pouvoir. Il est aidé par un appareil bureaucratique qui lève l’impôt, assure l’ordre public,
garantit le monopole de la contrainte physique légitime. On a une institutionnalisation
croissante du pouvoir qui va instaurer une césure entre gouvernants et gouvernés. Les
royaumes sont dirigés par un monarque qui a un pouvoir de droit divin en tant que
représentant des ancêtres. Le monarque a sous son contrôle une bureaucratie militaire et
administrative qui lui permet de régner de manière despotique sur l’ensemble du corps
social. Il y a un important usage de la guerre par lequel le monarque se procure des
esclaves utilisés comme force de travail, comme soldats. Il y a un contrôle rigoureux de la
production agricole. Il y a une logique patrimoniale : la richesse collective est la
richesse privée du monarque.
En dehors de l’Égypte, c’est l’état de Kerma (en Haute-Nubie) qui devient l’état de Méroé vers
1900 AVJC
Le plus vieil état en dehors de l’Égypte est un royaume en Haute-Nubie (Nord du Soudan actuel)
qui est évoqué sous l’expression « l’infame Kouch ». Son existence est attestée dès 2500 avjc et
les tombes les plus anciennes montrent une certaine différenciation sociale qui montre l’existence
d’un état dont l’apogée se situerait entre 1700 et 1500 avjc : c’est l’état de Kerma qui s’étendait du
Nord jusqu’à l’Égypte actuelle avant d’être conquis par les Égyptiens.
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Vers 1900 avjc un nouvel état fait son apparition : c’est l’état de Méroé. On y trouve des tombes
royales similaires à celles qu’on trouvait à Kerma. On en a déduit une culture élitiste. Cet état a été
attaqué par d’autres monarques, on a changé la capitale mais l’état a persisté sous différentes
formes. Les dirigeants successifs ont été des grands prêtres à la manière pharaonique qui se
faisaient enterrés dans des pyramides toujours plus petites jusque dans le 4 ème siècle avjc. Cet état
fournissait de l’or, des esclaves et des produits tropicaux à la Méditerranée et au Proche Orient où
l’existence de ce royaume était connue. On le visitait parfois comme une sorte de frontière exotique.
Le cœur de son économie était le coton, le sorgo et le bétail. Ce royaume disparait au 4 ème siècle
apjc et aurait été affaiblit par un déplacement des routes commerciales (du Nil à la Mer Rouge).
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Ghana (VIII-XII), Mali (XIII-XIV), Songhaï (XV-XVI), cités haoussas
Jusqu’au XVIIIe, les royaumes soudanais se sont succédés dans la zone sahélienne en se
propageant vers l’est. Il ne faut pas confondre le Ghana actuel avec son ancêtre. Le Ghana, le
Mali, Songhay apparaissent dans des périodes différentes. Il ne faut pas confondre le Ghana actuel
avec son ancêtre. Le Ghana du VIIIe au XII siècle laisse la place à l’empire du Mali jusqu’au XII.
Puis, on a le Songhaï du XVe au XVIe qui se sont substituées les cités haoussas (nord du Nigéria
actuel).
Entre le 16e et le 18e siècle, des solides empires se sont formés. Ils étaient appelés Luba et
Louanda qui ne furent connus des premiers voyageurs portugais qu’à leur déclin. Pour les empires
de l’Afrique centrale et surtout des royaumes du Soudan, leur essor est dû à la conjonction de deux
facteurs : l’adoption du maïs qui permet une progression démographique (plus de plantations pour
l’armée) et l’exploitation du cuivre qui joua un rôle de monnaie et qui a favorisé le commerce sous
toutes ses formes : traite des esclaves inclus.
Fin du XVIIème : série de petits royaumes « négriers »
A partir du XVIe siècle, quand la traite négrière s’est généralisée, ces formations politiques n’ont
pas su proposer d’esclaves autant qu’on leur en demandait. Cela explique leur déclin. Elles ont fini
par vendre leurs propres sujets comme esclaves. Cela explique l’apparition de petits royaumes
négriers, basés sur le commerce d’esclaves. Ils ont pris fin avec l’occident. Le plus connu de ces
royaumes négriers est le royaume d’Abomey. Il y a aussi l’état ashanti et des petits états sur la côte
Ewe (Togo actuel).
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A. Texte support : M’Bokolo, Elikia (1995), « Les États soudanais », Afrique noire : Histoire et
civilisations jusqu’au XVIIIème siècle
Il ne s’agit pas de l’actuel Soudan mais d’une zone sahélienne qui correspond à l’Afrique du
nord-ouest. On dispose d’une série de sources écrites. Ce que l’on appelle les État soudanais sont
une forme d’organisation politique autour d’un chef, d’un souverain, disposant d’agents sur son
territoire (carte ci-dessus). Les états soudanais se sont succédés : ce sont des formations étatiques
solidement ancrées du VIIème à la fin du XIXème. Enfin, cette région de l’Afrique n’a pas le
monopole des formations de type étatique en Afrique précoloniale (aussi en Éthiopie, dans le centre
avec la région du Kongo, le Zimbabwe…).
Le commerce devient régulier vers le IXème/Xème siècle. Ces échanges ont eu des effets
remarquables. Il y a des dynamiques marchandes et des dynamiques politiques qui sont liées.
Elles sont liées car les États soudanais contrôlaient le commerce dont contrôlaient les routes, la
sécurité des routes, des biens, des personnes. Les États trouvent dans le commerce des sources
de revenus. Les principaux bénéficiaires sont les détenteurs du pouvoir politique.
Le rôle de l’islam
La première phase d’islamisation intervient avec la conversion de populations berbères et
touarègues qui dominaient les routes du commerces transsahariens jusqu’à la fin du XIIème siècle.
Jusqu’au XIème siècle, l’islam était resté marginal et a coexisté avec les religions locales qui
étaient dominantes. Les nouveaux convertis conservaient dans une large mesure leurs croyances
et pratiques. Globalement on peut dire que les commerçants, assez tôt, ont embrassé la nouvelle
religion puisqu’ils ont trouvé le ciment d’une fraternité efficace. Les rois et les pouvoirs étaient alors
associés aux croyances locales (royauté sacrée).
M’Bokolo montre que l’islam a permis aux détenteurs du pouvoir de trouver un surcroît de
ressources politiques et spirituelles. C’est une dynamique comparable quand il va y avoir la
rencontre avec le christianisme à la fin du XVème siècle. L’islam, progressivement, est devenu une
source de légitimité féconde (cf. La légende du roi de Malal qui se convertit à l’islam suite à des
prières et associations qui ont permis l’arrivée tant attendue de la pluie). À partir du XIème siècle,
on passe d’une situation de compromis et de coexistence à une volonté d’imposer l’islam par
tous les moyens et à tous les niveaux de la vie sociale.
Les agents de l’islamisation ne sont plus les étrangers mais les africains eux-mêmes à commencer
par les princes et les lettrés (chefs guerriers et religieux) comme les souverains du Mali et Songhaï
sont musulmans. On assiste à une adhésion de plus en plus généralisée des princes à l’islam par
l’instauration d’un arsenal juridique complet et la constitution d’un appareil d’état (conseiliers
lettrés). L’islam devient une ressource de plus en plus privilégiée mais pas exclusive des équipes
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dirigeantes dans les pays soudanais. En parallèle on observe l’émergence d’un islam noir
(processus lent mais massif d’adhésion à un islam plus proche de la culture et des préoccupations
des classes populaires.
L’exemple de Tombouctou est sans doute un des plus connus : c’était à la fois un carrefour
commercial mais aussi le siège d’une vie intellectuelle brillante. D’ailleurs, les empereurs du Mali
avaient des politiques très protectrices envers les lettrés et les savants. Ils faisaient l’objet de
gratifications matériels (argent, bétail, esclave) et d’exemptions fiscales. Les lettrés étaient assez
associés à l’exercice du pouvoir.
Une des principales occupations des états soudanais était la guerre : de conquête mais aussi
idéologique (au nom de l’islam contre les infidèles = djihad). La guerre avait pour effet, sinon pour
objectif, la capture de gens ensuite réduits à l’esclavage, redistribués en partie entre les hauts
dignitaires de l’armée et incorporés de force dans les différentes activités notamment agricoles et
éventuellement vendus à l’exportation ce qui apportait des revenus supplémentaires à l’état.
- Les sources : Ce sont les écrits des voyageurs arabes et européens et même les écrits des
lettrés musulmans locaux. Dans l’ensemble, on relève une méconnaissance volontaire des
formations politiques autres que les états. Dans ces écrits, les états sont vus comme les
seuls permettant d’avoir de l’ordre politique. S’il y avait d’autres formes d’organisation du
pouvoir, on ne le sait pas parce que ces écrits ne les mentionnent pas. L’autre problème est
le manque de profondeur chronologique dans des sociétés à tradition morale : il était
complexe de remonter à des périodes très anciennes (antérieures au VIIème/Vème siècle).
C’est en lien avec l’ouvrage d’Evans-Pritchard et Fortes : il peut paraître assez tentant
d’observer ce qu’eux appelaient en 1940 des sociétés non étatiques et de déduire qu’elles
n’ont jamais changé et qu’elles étaient aussi comme ça au Moyen-Âge. Il y avait des états
soudanais et le reste étaient des sociétés sans états. Cela pose des questions puisque ça
revient à nier l’historicité de ces sociétés et à omettre le fait qu’elles sont elle-même issues
de la décomposition d’états anciens dont elles conservent quelques traces.
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- La difficulté de mettre à jour la ligne de partage entre « États » et « sociétés sans
États ». En effet, les états ont toujours entretenu des relations avec les sociétés non
étatiques et vice versa. Les razia des états soudanais auprès de sociétés non étatiques
(limitrophes des territoires des 10 états) ont eu lieu d’abord pour obtenir des esclaves puis
ensuite au nom de l’islam. Un exemple intéressant est l’ouvrage du XVème siècle d’Al-
Maghili Réponses aux questions de l’askiya Muhammad : cet érudit musulman va donner
des conseils à l’empereur du Tsonghaï pour gérer les affaires politiques et économiques de
l’empire selon la loi islamique. Il va distinguer trois types de formation politique :
1. Les pays qui ont un émir sont respecteux de l’islam et il faut les préserver
2. Les pays où l’émir est corrompu et à la tête desquels le bon prince musulman a le
droit de placer un autre chef
3. Les sociétés sans états païennes ou musulmans sans émir
Pour Raymond Mauny, les États soudanais étaient des États militaires. Son analyse permet de
comprendre les ressorts de la succession rapide des états soudanais dans le sens où les royaumes
et les empires duraient le temps du pouvoir militaire qui leur a donné naissance. Au moindre signe
de faiblesse du pouvoir impérial, les vassaux les plus importants pouvaient reprendre leur liberté ou
défier et attaquer le pouvoir impérial. Quand on perdait une guerre, cela signait l’arrêt de mort
de la structure étatique. L’un des plus gros problèmes des états soudanais était la maitrise de leur
territoire qui était très étendu et de plus en plus divers. M’Bokolo adopte le concept d’empire plutôt
que de royaume pour désigenr ces formations étatiques. C’est parce que l’idée de royaume évoque
des structures emboitées.
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aussi en créant un corps de fonctionnaires chapotés par des ministres (finance, douane,
agriculture). Pour lutter contre les tendances autonomistes, les empereurs pratiquaient les
alliances. On a donc des prémices du bureaucratisation.
Il reste difficile pour les historiens d’étudier cette histoire en raison d’un manque de
sources : M’Bokolo parle de « difficultés théoriques et méthodologiques à la fois excitantes et
redoutables ». Il est possible d’utiliser des terminologies différenciées pour qualifier des formations
socio-politiques. Ce qui est important c’est d’avoir en tête ce à quoi font référence ces termes.
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