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LA FORMATION DE L’ÉTAT
Partiel 2H
Sujet 1 : La violence de l’État /7
Sujet 2 : Les monopoles imbriqués à l’origine de l’état moderne /7
Sujet 3 : L’État importé /6
3 pages maximum
On va parler d’État moderne pour qualifier le type d’organisation politique qui s’est imposé aujourd’hui
comme mode légitime de gouverner dans nos sociétés.
État = ensemble institutionnel qui impose des règles de conduite et d’action à une population donnée sur
un territoire défini par le monopole de la violence légitime.
Ce mode d’organisation apparait en Europe au 13 e siècle cad que l’État est le résultat d’un long processus
historique, c’est un fait historique, contingent qui n’avait rien de nécessaire, qui aurait pu ne pas se
développer, ce n’est pas un cadre naturel.
Comment est apparu l’État en Europe sous la forme que nous connaissons aujourd’hui ?
Qu’entend-on par État moderne ? Les traits spécifiques de la construction de l’État moderne
Cette définition avec ces 3 critères des anthropologues (= tirée de la comparaison entre société sans État
et celles avec État) correspond exactement à celle de Max Weber (V. citation diapo).
Comment ces critères se sont-ils mis en place ? Quels sont les facteurs de cette formation ? Pourquoi en
Occident ?
P. Anderson est d’accord avec l’explication de Wallerstein mais il explique que ces
changements économiques ne sont pas la raison de la création des États. Ces changements
économiques vont provoquer une crise au sein de la société , l’État sera dès lors un outil pour
les sociétés afin de surmonter ces transformations économiques autrement dit l’État va servir
à combattre les résistances sociales aux transformations économiques. L’État se développe là
où les résistances des pouvoirs traditionnels sont les plus fortes c’est pour cela qu’il doit
renforcer sa puissance pour lutter contre l’aristocratie notamment. Plus la résistance sera
forte plus l’État construit sera fort, centralisé, absolutiste et doté d’une administration
importante, c’est pour cela que la France est bien plus absolutiste que les P.B et la G.B. La
résistance de la noblesse polonaise est telle que la Pologne va disparaitre, elle va être
dépecée entre la Prusse, la Russie et l’Autriche-Hongrie.
D’important bouleversements religieux affectent l’Europe, ils font l’objet du travail de S. Rokkan.
Il va intégrer le caractère central de la variable religieuse et notamment le schisme produit par la
Réforme protestante. Il va essayer de croiser cette variable religieuse à la particularité
économique pour expliquer la forme prise par chaque État dans chaque pays. À partir de là, il va
créer une carte conceptuelle (V. Diapo Eprel). Il faut comprendre le rôle que joue l’Église
catholique en tant qu’organisation supranationale, inter-ethnique et la bande de cités
indépendantes, de villes franches qui va traverser l’Europe du Nord au Sud, de la Flandre à l’Italie
(Hambourg, Cologne, Luxembourg, Venise…). À partir de là, il va distinguer trois trajectoires
étatiques liées à trois grandes régions. Tout d’abord, on a un axe Est-Ouest basé sur un contexte
socio-économique distinct : à l’Est l’économie reste agricole, artisanale, l’organisation sociale est
peu touchée par le dvpt du commerce et l’expansion des villes, on a donc le maintien du système
féodal et notamment du servage (Russie, Prusse, Autriche, Pologne) ; à l’Ouest au contraire une
économie marchande se développe ce qui va fournir des ressources fiscales importantes aux
États donc on y assiste à une construction précoce de l’État et de type monarchique. Pour autant
les États les plus forts ne se constituent pas là où se trouve les villes libres car elles sont en
concurrence les unes avec les autres et aucunes n’est capable d’imposer son autorité aux autres
ainsi cette zone centrale va rester fortement décentralisée. En revanche, des États forts vont se
construire en France, au Royaume Uni, bien que situés à l’Ouest ils ne sont pas dans cette zone
centrale. À l’Est, vont apparaitre des états autoritaires de type impérial car ce sont les
propriétaires terriens qui disposent des ressources et du pouvoir. La propriété de la terre est la
base de la consolidation du pouvoir politique à l’Est.
L’axe Nord-Sud va aussi se constituer sur un clivage religieux et culturel lié à la Réforme
protestante et à la diffusion de l’imprimerie. Ici, S. Rokkan va s’intéresser à la formation des
nations qui se fait notamment en fonction de la distance avec Rome. Plus on s’éloigne de Rome
plus la distance vis-à-vis de l’Église est importante ainsi dans le Nord le protestantisme va
s’imposer. Dans le cadre de la Réforme protestante, la Bible va être imprimée dans les langues
des pays dans lesquels le protestantisme se diffuse ce qui va favoriser la fragmention du territoire
en fonction de la langue. De plus, l’obligation de lire quotidiennement la Bible va conduire à une
standardisation de la vie culturelle dans ces espaces. Ainsi États et Nations s’y composent au
même moment. Au Sud, l’influence de l’Église demeure. Dans ces pays, l’État va se construire
avant la Nation, ce sont les États qui construiront les nations mais bien plus tard (politiques
d’unification de l’État central).
Au niveau du fameux ruban de villes commerçantes libres, on a une situation mixte les États vont
s’y construire tardivement (V. l’exemple de la constitution tardive de l’État italien).
Ainsi pour S. Rokkan, les particularités économiques et culturelles notamment religieuses
expliquent les formes prises par chaque État dans chaque pays.
Cependant, on ne peut pas expliquer la particularité des trajectoires historiques à partir de
découpages géographiques qui restent trop grossiers.
La singularité des trajectoires étatiques peut s’expliquer par des sorties différentes de la féodalité
occidentale. Cette sortie peut s’expliquer par la combinaison de ressources différentes (impôt,
guerre).
A) Le féodalisme européen
B) La loi du monopole
Norbert Elias tire cette loi du monopole depuis le cas de la France, il va montrer que
c’est ce principe concurrentiel qui met fin à la féodalité. Ce sont ces rivalités
guerrières qui provoquent la concentration des pouvoirs au profit des vainqueurs,
elles entrainent la constitution d’oligopoles puis au final de monopole ( penser à
l’image du combat éliminatoire). La formation des États c’est la fin provisoire de ce
processus.
Le roi détient un monopole fiscal qui lui permet de rétribuer en argent et non plus en
terres, un monopole militaire et un monopole juridique. On parle de monopoles
imbriqués car le monopole militaire garantit le monopole fiscal et le monopole
fiscal permet de financer le monopole militaire. Cette imbrication des monopoles
garantit aux rois le soutien des bourgeois et de la petite noblesse qui sont deux
groupes sociaux essentiels à son maintien sur le territoire. Pour autant, ce modèle ne
peut pas être généralisé car la sortie de la féodalité va se faire d’autres manières
dans l’espace européen, ce qui va expliquer l’existence de formes étatiques
différentes.
La réponse de Charles Tilly est une critique à l’égard des travaux précédents. Selon lui, la
formation de l’État répond d’abord à la nécessité de la lutte armée et surtout à la
préparation de la lutte armée ; paradoxalement ces états construits pour faire et préparer la
guerre vont déboucher sur des états civils.
Pour C. Tilly, ce sont le capital et la contrainte qui sont les principaux facteurs de formation
de l’État moderne, la forme de l’État s’explique par les combinaisons différentes de ces deux
ressources. Dans les cités-états on a une domination du capital, il prend le cas de Venise. Ces
cités-états ne s’engagent pas dans la guerre. À Venise, ce sont des grandes familles élues qui
dirigent l’État, elles ne créent pas d’armée, de bureaucratie ce qui va conduire au déclin de la
ville. Dans cette trajectoire, il n’y a que les Pays-Bas, le Luxembourg et la confédération suisse
qui vont survivre toutes les autres cités-états vont être absorbés par les grands États-nations
voisins.
Dans l’Europe de l’est c’est la contrainte qui domine. Il y a deux variantes celle de la Russie et
de la Pologne. En Russie les tsars vont construire l’État, puisqu’ils n’ont pas de capital ils vont
rémunérer les serviteurs de l’état par des terres mettant en place un système féodal
particulier qui va se mettre en place avec une logique de soumission, d’obéissance
inconditionnelle. Ils vont augmenter leur ressources en exacerbant la pression sur les paysans
(servage) conduisant à une pression coercitive, une contrainte extrêmement forte qui sera
maintenue par le développement d’une armée très forte ( on observe le même processus en
Prusse).
La Pologne, la Hongrie : les nobles vont réussir a priver le roi d’une partie de sa puissance, de
sa contrainte mettant l’état dans l’incapacité de former son armée et sa bureaucratie, ces
deux états vont donc être absorbés par leurs voisins.
Europe occidental = coercition capitalisée, combinaison relativement équilibrée du capital et
de la contrainte
Angleterre = on observe une alliance entre les propriétaires terriens, les marchands et les
banquiers qui vont limiter le pouvoir du roi tout accroissant sa puissance en le finançant. Le
pays développe une puissance militaire très importante notamment navale.
France = absolutisme poussé car la résistance des groupes sociaux est très importante
Pour C. Tilly, les États-nations sont le produit de la poursuite de la guerre et du renforcement
de leur capacité militaire. L’état et ses structures sont le produit secondaire des efforts faits
par les gouvernants pour acquérir les moyens de faire la guerre, ainsi l’État moderne se
construit et se renforce par et pour faire la guerre.
Les activités de l’État (protéger, prélever des ressources...= approche wébérienne) vont se multiplier à
partir du XIXe siècle du fait du développement de l’État providence notamment.
Nous avons laissé de côté l’universalisation du modèle de l’État, en effet on observe une logique
d’importation de ce modèle à travers le monde. Nous avons mis l’accent sur la dimension objective de la
construction de l’État et laissé de côté l’acceptation de cette forme politique, de cette forme de
domination. Cette acceptation va passer par la notion d’État-Nation. Ces notions seront abordées dans les
prochains chapitres.
1. Le concept de nation
Deux conceptions de la nation, une française et une allemande. Elles renvoient à deux
notions élaborées par F.TONNIES : la gemeinschaft (communauté naturelle) vs gesellschaft
(société contractuelle).
Dans la tradition française, la nation est liée au cadre institutionnel et territorial de l’État, il
s’agit donc d’une définition essentiellement politique du fait national, la nationalité repose
sur la nationalité et exclue toute forme de discriminations. On va avoir tendance à rechercher
une unité culturelle permettant d’intégrer les minorités régionales ou immigrées, on va
parler d’un modèle artificialiste = la nation repose sur le désir du vivre ensemble, une
adhésion volontaire, réfléchie des citoyens. Cette vision française s’opposerait à une vision
allemande centrée sur le peuple, une unité de la langue, ethnique, culturelle ainsi elle
reposerait sur des éléments objectifs. Il ne s’agit pas d’un fait politique mais d’un fait
ethnoculturel. Cette nation va être plus fermée, on a une définition communautariste ou
différentialiste.
Ces deux conceptions sont héritées de deux traditions historiques différentes, par exemple
en Allemagne il n’y avait pas d’unité territoriale donc la nation allemande ne pouvait pas
s’identifier au cadre institutionnel et territorial d’un État d’où la recherche de traits
caractéristiques d’une identité particulière. Ces deux conceptions vont s’affronter à travers le
cas de l’Alsace-Lorraine durant le XIXe siècle notamment.
R. Bendix nous dit que le nationalisme (au sens d’une construction d’une communauté
nationale dans le cadre de l’État) est associé à une modernisation du politique comme les
processus de modernisation liés à l’urbanisation, l’éducation, l’industrialisation.
E. Gellner reprend cette idée de modernisation mais insiste sur la modernisation
économique. C’est le dvpt du capitalisme qui rend nécessaire le dvpt d’une identité culturelle
car la société industrielle appelle une forte mobilité professionnelle, elle rend nécessaire une
haute culture universelle et il n’y a que l’État qui peut donner cette haute culture universelle
grâce à l’éducation nationale. Ce processus est toujours d’actualité avec la mondialisation et
l’uniformisation qu’elle implique pour répondre aux nouveaux besoins du capitalisme (ex :
anglais langue internationale).
« c’est le nationalisme qui crée la nation et non la nation qui crée le nationalisme » E.
Gellner, 1982 Cette formule renverse les perspectives, l’État est au centre de la création du
nationalisme et donc de la nation. L’État a construit un discours national, notamment à
travers l’appareil scolaire, qui a abouti à la création de la nation . Ainsi la nation est une
construction politique et non seulement une nécessité économique.
Au XIXe siècle, le combat national se confond avec le combat contre la monarchie absolu, les
vestiges de la féodalité orientale. La construction nationale a recours à la violence par
l’épuration, on exclue les populations qu’on estime ne pouvant pas faire partie de la patrie.
Ce processus continue au XXe siècle et aujourd’hui (Rwanda, Bosnie, Birmanie, Chine, …).
On assiste à la négation de l’existence de nations diverses au sein du territoire à l’instar de
la magyarisation au sein de l’empire austro-hongrois qui a nié l’existence des autres identités.
L’inculcation d’un sentiment d’unité nationale participe aussi à cette construction avec
l’école au centre du dispositif, on ne nie pas la diversité mais on la hiérarchise.
Les usages locaux de l’identité nationale entrent aussi en jeu : En effet, cette construction
nationale ne peut pas se résumer aux intentions de l’État central selon Peter Sahlins, il va
travailler sur les frontières de l’Espagne et de la France au niveau des Pyrénées. Il va montrer
comment la frontière va être utilisée par les villageois qui habitent de part et d’autre pour
sortir, éloigner ceux d’en face. Ainsi par exemple, on interdit l’accès au marché de ceux
habitant du coté espagnol. Ces usages locaux vont durcir l’appartenance des populations à
une identité nationale. Ce jeu avec l’identité nationale (nous vs vous) introduit une
dimension subjective dans l’identité nationale. La nation est aussi le résultat de
représentations singulières, c’est une croyance, le sentiment d’appartenir à la même
communauté. On introduit ici un troisième monopole celui de la fabrication de l’identité
nationale qui vient s’ajouter aux monopoles fiscal et de la violence légitime.
La nation est d’abord et avant tout une communauté imaginée qui se construit, ce qui compte c’est le
sentiment de partager un certain de nombres de valeurs, de représentations.
1. La communauté imaginée
Qu’est-ce que le sentiment national qui fait que des individus s’identifient corps et âme à d’autres
individus qu’ils ne connaissent pas et ne connaitront jamais?
Pour B. Anderson, le nationalisme est une manière de se représenter le monde et les autres. La
communauté imaginée est dans ce cadre-là, la nation qui réunit mentalement des individus qui
ne se connaissent pas mais que cette image de communion , de cohésion et d’appartenance (qui,
elle, existe dans leurs esprits) réunit.
Il s’interroge sur la manière dont cette image est produite et comment elle évolue. Il insiste sur
deux facteurs à l’origine de ces « communautés imaginées » que sont les nations : l’émergence
du capitalisme marchand et l’invention de l’imprimerie.
Anderson insiste sur deux moyens notamment : le développement des techniques d’édition et la
presse.
En effet, la presse et l’édition vont produire chez les membres d’une même culture nationale les
mêmes pensées au même moment. C’est ce type de pratiques qui va contribuer à créer le
sentiment d’appartenance à une même communauté (lire les mêmes journaux, les mêmes
informations, les mêmes romans). On observe le même schéma à l’œuvre pour le rituel du vote,
avec l’idée d’un rassemblement des citoyens autour d’un même rite national qui renforce cette
idée de conscience nationale.
2. La fabrication de la conscience nationale
Nous nous appuierons ici sur les thèses d’Eugène Weber. Il nous montre qu’on ne peut parler de
France au sens d’un espace national homogène qu’à la fin du XIXe siècle. Entre 1870 et 1914, les
paysans de la France rurale sont devenus des français. Jusque-là ce processus d’intégration
nationale ne concernait que les habitants des villes ce qui veut dire que l’intégration des paysans
au cadre national est d’abord une intégration à la culture urbaine, à la culture moderne
notamment via les migrations. Finalement, l’intégration nationale c’est la disparition des cultures
locales traditionnelles. C’est un processus à la fois subi et choisi. Les paysans ont été intégrés
(subi) mais ils se sont aussi intégrés (choisi). Ainsi, la diffusion de la langue française a été imposé
par les élites républicaines via l’apprentissage dispensé dans les écoles et l’interdiction de parler
les dialectes mais on va aussi trouver un sentiment de fierté à parler français couplé à un intérêt
économique à maitriser le français.
Anne-Marie Thiesse insiste sur les moments festifs comme les fêtes nationales car tous les
individus font l’expérience de leur appartenance à une même communauté durant ces moments.
On a un travail d’instrumentalisation du passé, la création de symboles et de traditions va
renforcer l’unité du groupe tout en achevant de le différencier des identités voisines
- Drapeau
- La Marseillaise
- L’Hexagone
- Le Panthéon
- Vercingétorix
- Les spécialités culinaires
- Les mots (noms de rue)
Elle montre que cette définition des symboles de la Nation s’opère à travers toute l’Europe au
même moment à la fin du XVIIIe siècle.
CONCLUSION
- Le rôle central de l’État, ce dernier est l’agent central et décisif de l’intégration nationale, y
compris dans le travail de clôture de l’identité nationale
- « L’État-Nation, tel qu’il apparait définitivement au XIX siècle en Europe occidentale, peut
être entendu comme une entreprise politique à caractère institutionnel qui revendique avec
succès non seulement le monopole de la violence légitime mais également celui de la
formation de l’identité nationale » Y. Déloye p. 155 = nouveau monopole étatique à savoir
celui de la construction de l’identité nationale
- La « dénationalisation » de la citoyenneté comme fracture de l’État-nation