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II - La consistance du domaine public

Il s’agit de déterminer ici quels biens peuvent entrer (A) et sortir (B) du domaine public.

A - L’entrée dans le domaine public

Il existe différentes façons de classer les dépendances du domaine public.

On peut d’abord différencier les biens selon leur propriétaire (Etat, établissement public, commune…).
Cependant, l’unité de régime juridique rend peu pertinente un tel classement.

On peut aussi distinguer suivant que le bien est affecté à l’usage direct du public ou à un service public.
Toutefois, la détermination de l’affectation n’est pas toujours évidente ainsi qu’il a déjà été souligné.

Il est également possible de se référer au caractère immobilier ou mobilier du bien. Mais le domaine
public mobilier ne présente pas de particularité quant à son régime (la distinction se justifie, en revanche,
quant aux critères d’appartenance au domaine public).

On peut aussi utiliser la consistance maritime, fluviale, terrestre ou aérienne du bien. Mais pour
certains biens il peut être difficile d’affirmer leur caractère aquatique ou terrestre (ainsi, la zone des 50
pas géométriques qui constitue une bande de terre fait partie du domaine public maritime).

La classification la plus couramment retenue oppose le domaine public naturel forgé par des
phénomènes naturels au domaine public artificiel résultant de la main de l’homme. Cependant, le
domaine public naturel est moins la conséquence de phénomènes naturels que de la volonté du législateur
qui décide lesquels de ces phénomènes seront retenus pour déterminer la consistance du domaine public.

Aucune de ces approches n’étant totalement satisfaisante, on se rangera du côté de la majorité sans
exclure les autres classifications comme sous distinction. En effet, l’opposition entre domaine public
naturel et artificiel, n’est pas sans conséquence pour l’incorporation d’un bien au domaine public (1) et la
délimitation de ce dernier (2).

1) L’incorporation au domaine public

Le domaine public naturel (a) peut être distingué du domaine public artificiel (b).

a) Le domaine public naturel

Sa composition est variée et obéit à une procédure spéciale d’incorporation.

- La composition

Au sein du domaine public naturel, on distingue les domaines maritimes, fluvial et hertzien.

Le domaine maritime

Il comprend d’abord les rivages de la mer c’est à dire, les bandes de terre alternativement couvertes et
découvertes par les marées.
La délimitation des rivages de la mer a d’abord été différente suivant les lieux.
En méditerranée, c’est le plus grand flot d’hiver qui servait de base conformément aux dispositions du
Code Justinien.
Ailleurs (Océan Atlantique, Manche, Mer du Nord et outre-mer), le rivage était délimité sur le fondement
de l’ordonnance de 1681 qui prend comme référence le plus grand flot de mars.
En 1973, le Conseil d’Etat a étendu l’application de cette ordonnance à tous les rivages et a fait prévaloir
l’esprit de ce texte sur sa lettre. En effet, la référence au plus grand flot de mars s’expliquait par le fait,
qu’à l’époque on pensait que c’était cette marée qui était la plus importante. Or, les connaissances
actuelles ont montré qu’il n’en était pas toujours ainsi. La haute juridiction administrative a donc décidé
de fixer “ la limite du domaine public maritime, quel que soit le rivage, au point jusqu’où les plus hautes
mers peuvent s’étendre, en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ” : CE 1973 Sieur
Kreitman.
Le CG3P a repris cette règle.

Dans les DOM, la loi littorale de 1986 inclut dans le domaine public maritime, sous réserve des
droits des tiers, la zone des 50 pas géométriques ou 50 pas du Roi, c’est à dire, une bande de terre qui
part du rivage de la mer pour s’étendre à l’intérieur des terres jusqu’à 81,20 mètres (elle servait à l’origine
à la défense des îles).

Sont ensuite inclus dans le domaine public maritime depuis la loi du 28 novembre 1963 relative au
domaine public maritime les lais et relais de la mer.
Les lais sont des terrains formés par les alluvions déposées sur le rivage et émergeant du plus haut flot.
Les relais sont des terrains laissés à découvert par la mer en se retirant et qui ne sont plus recouverts par le
plus haut flot.
Les lais et relais déjà constitués au moment de l’entrée en vigueur de la loi de 1963 pouvaient être inclus
dans le domaine public s’ils présentaient une utilité publique et après délimitation côté terre. Ceux
apparus après cette loi l’étaient automatiquement.
Le CGPPP prévoit désormais que les lais et relais antérieurs à 1963 et faisant partie du domaine privé de
l’Etat sont inclus dans son domaine public. En revanche, ceux dont le classement dans le domaine public
est dénué d’intérêt peuvent être déclassés.

Cette même loi de 1963 intègre aussi au domaine public le sol et le sous-sol de la mer territoriale.
Celle-ci va jusqu’à 12 000 marins, soit 22.224 km., depuis la loi du 24 décembre 1971 (3 miles
auparavant).
L’eau étant qualifiée de res communis ne fait pas partie du domaine public : CE 1984 Ministre de la mer
c. Mme Galli

Les havres et les rades (découpures naturelles de la côte pouvant servir de port) sont souvent
distingués du sol de la mer territoriale. Cependant, comme le fait remarquer M. Lavialle, leur
incorporation au domaine public s’explique par le fait que le sol de la mer territoriale est inclus dans le
domaine public.

Le CGPPP classe également dans le domaine public maritime les étangs salés, c’est à dire, les
étangs communiquant directement (la communication ne doit pas résulter du cours d’une rivière) et
naturellement avec la mer dont ils partagent les eaux et les poissons.

Il a été jugé que le propriétaire de l’étang Napoléon en Camargue (devenu salé à la fin du siècle dernier
puis séparé de la mer au milieu du 20e siècle suite à des tempêtes) “ se trouve réintégré dans sa propriété
lorsque, de la même manière, l’obstacle qui l’en avait privé a disparu ” : Cass. civ. 1968 SCI du They de
Roustan
Les terrains soustraits artificiellement à l’action des flots (endigage) sont inclus par la loi de 1963
dans le domaine public sous réserve de la conclusion d’une concession d’endigage transférant la pleine
propriété des terrains endigués au concessionnaire. Le CGPPP les inclut dans le domaine public maritime
naturel (ce qui peut se discuter).

Pour éviter les abus qui s’étaient produits (constructions de marinas par un promoteur immobilier qui
s’engage en contrepartie à construire un port de plaisance), la loi littorale réserve les concessions
d’endigage aux installations liées à un service public ou un travail public qui doit nécessairement être
implanté en bord de mer.

Sont également cités comme dépendances du domaine public maritime naturel les terrains réservés
en application des dispositions de la loi du 28 novembre 1963 et dont les propriétaires demandent à l’Etat
de les acquérir.
Ces terrains sont la propriété du Conservatoire du littoral et des rivages lacustres et sont réservés pour la
satisfaction des besoins d’intérêt public d’ordre maritime, balnéaire ou touristique.
Ils sont intégrés dans le domaine public en vertu de la loi de 2002 sur la démocratie de proximité et le
CGPPP leur donne la qualité de dépendance du domaine public maritime naturel.
On est cependant à la limite du domaine public maritime artificiel car si la réserve ne peut excéder 50 m.
à compter de la limite du domaine public maritime naturel côté terre, elle ne peut dépasser 20 m. pour les
terrains clos ou bâtis. Ces derniers ne sont donc plus seulement l’œuvre de la nature.

Jusque 2003, le domaine fluvial ne pouvait être, comme le domaine maritime, que la propriété de l’Etat.

Le domaine fluvial

Les lacs et cours d’eau navigables ou flottables ainsi que leurs dérivations classées lorsqu’ils
assurent l’alimentation en eau des voies navigables, les besoins en eau de l’agriculture et de l’industrie,
l’alimentation des populations ou la protection contre les incendies font partie du domaine public fluvial.

A l’origine basée sur des critères physiques, la navigabilité et la flottabilité sont désormais décidées par
inscription sur une liste.
Les cours d’eau rayés de la liste continuent d’appartenir au domaine public fluvial tant qu’ils n’ont pas été
déclassés.

A la Réunion, en Guadeloupe et à Mayotte, le domaine public étatique inclut toutes les eaux
courantes et stagnantes à l’exception des eaux pluviales.

Le domaine public hertzien

Le CGPPP prévoit que “ les fréquences radioélectriques disponibles sur le territoire de la


République relèvent du domaine public de l’Etat ” ce que des lois de 1989 et 1996 avaient déjà décidé.

Il reste une controverse doctrinale sur l’existence d’un domaine public aérien.
Certains auteurs affirment que les domaines publics hertzien et aérien sont indissociables. D’autres nient
son existence en l’absence de droit de propriété de l’Etat sur l’air.

Le domaine public naturel obéit à une procédure d’incorporation particulière.

- La procédure d’incorporation
Pour le domaine public naturel, l’incorporation au domaine public se produit, en principe, dès lors
que le bien présente les caractéristiques relatives à la composition du domaine.

Par exemple, lorsque le rivage de la mer est recouvert par la marée il est incorporé dans le domaine
maritime naturel.

Par exception, il faut parfois l’intervention d’un acte juridique pour incorporer un bien au domaine
public naturel.

C’est ainsi que l’incorporation au domaine public fluvial d’un cours d’eau résulte d’un acte de
classement.
Cette dérogation constitue la règle pour le domaine public artificiel.

b) Le domaine public artificiel

Le domaine public artificiel comprend plusieurs dépendances et est régi par une procédure
d’incorporation spécifique.

- La composition

Si l’existence d’un domaine immobilier de nature maritime, fluviale et terrestre n’a jamais fait de doute,
la reconnaissance d’un domaine public mobilier a été plus discutée.

Le domaine public maritime

Le CGPPP précise que les ports maritimes et les biens immobiliers situés en aval de la limite
transversale de la mer appartenant à une personne publique et concourant au fonctionnement d’un port
maritime font partie du domaine public (digues, jetées, quais, feux de signalisation…).

Le domaine public fluvial

Il comprend les canaux, plans d’eau artificiels et ports fluviaux ainsi que les ouvrages qui
concourent à leur alimentation en eau ou à leur fonctionnement ayant été classés dans le domaine public
fluvial.

Le Conseil d’Etat a cependant décidé récemment qu’à défaut de classement un port pouvait appartenir au
domaine public s’il satisfait aux conditions classiques de la domanialité publique (propriété publique,
affectation à l’usage direct du public ou à un service public avec aménagement spécial) : CE 2015
Communauté d’agglomération du lac du Bourget

Le domaine public terrestre

Il comprend le domaine routier (voirie nationale, départementale et communale), les places,


promenades publiques, cimetières, halles et marchés, églises et cathédrales, des bâtiments publics (palais
de justice, stades, casernes...) qui satisfont aux critères de la domanialité publique.

Depuis le CGPPP le domaine public ferroviaire comprend les biens non compris dans l’emprise
du domaine public routier et affectés exclusivement aux services de transports publics guidés le long de
leurs parcours en site propre.
Selon le même Code le domaine public aéronautique inclut les biens immobiliers d’une personne
publique affectés aux besoins de la circulation aérienne publique (emprises des aérodromes et
installations situées en dehors de ces emprises mais nécessaires à la circulation et la sécurité aérienne).
La transformation d’aéroport de Paris en société anonyme par une loi de 2005 a eu pour conséquence de
faire perdre à ses biens leur appartenance au domaine public. Toutefois, certains biens conservent ce
caractère. Il s’agit de ceux nécessaires à l’exercice par l’Etat de ses missions de service public
aéroportuaire (tours de contrôle, stations météo…).

Le domaine public mobilier

L’existence d’un domaine public mobilier a fait débat en doctrine.


Au XIXe siècle, la plupart des auteurs y étaient défavorables notamment parce que les biens mobiliers
étaient susceptibles de propriété privée.
Au XXe siècle, la majorité des auteurs avaient une position inverse.
La jurisprudence a conclu à l’existence d’un tel domaine :

Cass. civ. 1841 Jean Bonnin c. villes de Macon et de Lyon : à propos de miniatures détachées d’un
manuscrit de la cité de Dieu de Saint Augustin

CE 1996 Syndicat général des affaires culturelles CFDT : concernant des instruments de musique
anciens (solution implicite)

Les critères d’appartenance d’un tel bien au domaine public ont également donné lieu à incertitude.

Marcel Waline avait proposé que la domanialité publique d’un bien mobilier soit reconnue si ce bien est
l’objet même du service public ou s’il est difficilement remplaçable pour le service public.

La jurisprudence s’est inspirée de cette définition :

Cass. civ. 1963 Montagne c. Réunion des Musées de France : concernant un tableau de Seurat dont la
conservation est l’objet même du service public des musées.

CE 2004 Aéroport de Paris : des logiciels et du matériel informatique ne constituent pas des
dépendances du domaine public.
Dans ses conclusions sur l’arrêt du Conseil d'Etat, le commissaire du gouvernement estime que la cour
administrative d’appel qui avait motivé cette solution par le fait que ces biens ne présentaient aucune
spécificité par rapport aux biens utilisés par des personnes privées a fait application du second critère
proposé par Waline. Le Conseil d'Etat confirme la décision des juges d’appel en se contentant de
souligner que l’arrêt d’appel qui “ est suffisamment motivé, n’a pas commis d’erreur de droit ”.

Le CGPPP a consacré la reconnaissance du domaine public mobilier et distingué un critère


d’identification. Il s’agit des biens mobiliers des personnes publiques “ présentant un intérêt public du
point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique ”.
Le Code établit une liste (non limitative) de ces biens, tels les :
- archives publiques
- collections des musées (solution déjà affirmée par une loi de 2002)
- biens culturels maritimes (épaves)
- collections de documents anciens, rares ou précieux des bibliothèques
En application de ces dispositions, il a été jugé qu’une tête Maorie en tant qu’élément d’une collection de
musée fait partie du domaine public mobilier : CAA Douai 2008 Commune de Rouen c. Préfet de
Seine-Maritime

Une loi de 2010 a décidé de restituer les têtes maories détenues en France à la Nouvelle-Zélande.

L’incorporation au domaine public artificiel relève de règles différentes du domaine public naturel.

- La procédure d’incorporation

La portée de l’acte de classement fait débat en doctrine.

Certains auteurs (Jean-Marie et Jean-Bernard Auby, Pierre Bon et Philippe Terneyre) affirment que
l’incorporation d’un bien au domaine public artificiel résulte, en principe, d’un acte d’affectation
ou de classement.

On peut cependant penser avec d’autres auteurs (Odile de David Beauregard-Berthier ; Jacqueline
Morand-Deviller ; Philippe Godfrin et Michel Degoffe) que l’absence d’acte de classement n’empêche
pas l’incorporation au domaine public.
Ainsi que le décide le CG3P “ tout acte de classement ou d’incorporation d’un bien dans le domaine
public n’a d’autre effet que de constater l’appartenance de ce bien au domaine public ”.

L’acte de classement n’est ni nécessaire ni suffisant pour incorporer un bien au domaine public.
L’affectation doit être effective pour permettre l’inclusion dans le domaine public. Le seul classement ne
suffit donc pas à donner à un bien la qualité de dépendance du domaine public : CE 1956 SNCF c. époux
Giraud : un immeuble affecté au logement des agents de la SNCF par un arrêté ministériel qui précise
qu’il est ainsi incorporé au domaine public ne suffit pas à cette incorporation dès lors qu’en l’absence
d’aménagement spécial l’immeuble n’appartient pas au domaine public.

Il n’y a que pour un chemin rural que le défaut d’acte de classement entraîne l’inclusion au domaine privé
même s’il remplit les critères de la domanialité publique : Cass. civ. 2001 Commune de Cannes

Un texte peut préciser la procédure de classement comme pour l’incorporation dans les voiries
nationale, départementale et communale ou les cimetières situés en dehors des agglomérations
(classement par arrêté préfectoral).
En l’absence de règles prédéterminées, l’affectation résulte d’un acte (unilatéral ou bilatéral) de l’organe
de la collectivité propriétaire de la dépendance.

L’acte de classement peut être tacite : CE 1958 Hild : une DUP relative à l’expropriation de terrains en
vue de la construction d’un aéroport a pour effet d’opérer le classement de ces terrains dans le domaine
public.

Reprenant une jurisprudence antérieure, le CG3P permet à une collectivité publique de modifier
librement l’affectation d’un bien hormis pour les communes en ce qui concerne les édifices du culte
dont l’affectation aux fidèles ne peut être changée que par une loi ou un décret en Conseil d'Etat.
Elle peut même décider de changer l’affectation d’un bien de son domaine public en faveur d’une autre
personne publique, voire, pour certains immeubles, à des SAFER (société d’aménagement foncier et
d’établissement rural) et organismes reconnus d’utilité publique.

Le CGPPP valide également la superposition d’affectations qui consiste à affecter un bien immobilier à
une ou plusieurs autres destinations qui ne doivent pas être incompatibles avec son affectation principale
(passage à niveau affecté à la circulation ferroviaire et routière, par exemple).

La théorie des mutations domaniales permet à l’Etat de modifier l’affectation d’un bien d’une autre
personne publique sans son accord tout en lui en laissant la propriété et ce sans aucune indemnité : CE
1909 Ville de Paris c. compagnie du chemin de fer d ’Orléans : l’Etat peut affecter des terrains de la
ville de Paris à l’extension d’une ligne de chemin de fer pour la ville qui reste propriétaire des terrains.

Le CG3P confirme cette théorie mais prévoit une indemnisation lorsque le transfert de gestion entraîne
des dépenses ou une privation de revenus pour la personne publique dessaisie (ce qui semblait déjà être le
cas selon l’arrêt de 1909).

Le contour des dépendances du domaine public peut être délicat à établir.

2) La délimitation du domaine public

La délimitation du domaine public présente des caractéristiques communes quelle que soit la dépendance
concernée.

La délimitation doit nécessairement se faire de façon unilatérale : CE 1975 Leverrier : la délimitation


résultant d’un accord amiable avec un riverain est irrégulière.

Elle est de droit si elle est demandée par un riverain : CE 1976 Secrétaire d’Etat aux transports c. SCI
villa Miramar : l’administration ne peut pas refuser de préciser les limites du domaine public maritime
demandées par le propriétaire d’un terrain situé en bord de mer.

Les règles de délimitation sont différentes selon que le bien appartient au domaine public naturel (a) ou
artificiel (b).

a) Le domaine public naturel

La délimitation du domaine public naturel a un simple caractère déclaratif, c’est-à-dire, qu’elle se


contente de constater le résultat d’un phénomène naturel : CE 1976 Secrétaire d’Etat aux transports c.
SCI villa Miramar précité

S’agissant du domaine public maritime, la délimitation des rivages de la mer et des lais et relais de la
mer se fait, depuis 2004, par arrêté préfectoral ou décret en Conseil d'Etat si le commissaire-enquêteur a
émis un avis défavorable.

En ce qui concerne le domaine fluvial, la délimitation des parties navigables ou flottables des cours d’eau
(limite transversale) est faite par décret tandis que la délimitation des berges (limite longitudinale) qui est
fonction des eaux coulant à plein bord avant de déborder (règle du plenissimum flumen) est réalisée par
arrêté préfectoral après enquête publique.
Il s’agit d’un arrêté de l’autorité compétente de la collectivité propriétaire pour le domaine des
collectivités territoriales. C’est ainsi le président du conseil général qui est compétent pour délimiter le
domaine public fluvial du département : CAA Nantes 2018 SCI les Enfas.

Elle doit être faite “ sous réserve du droit des tiers ”. Les droits des tiers varient selon que la
délimitation a été régulière ou non.

En cas de délimitation irrégulière (le bien n’appartient pas objectivement au domaine public), le tiers
peut former un REP contre l’acte de délimitation afin d’en obtenir l’annulation et si celle-ci est prononcée
retrouver la propriété de son bien et obtenir une indemnisation en cas de préjudice : CE 1861 Coquart

Si la délimitation est régulière, l’intéressé n’a droit à aucune indemnité sauf


- s’il tient ses droits de propriété de l’administration (vente domaniale ou concession d’endigage)
- si l’incorporation au domaine public découle de travaux réalisés par l’administration
- s’il s’agit d’une classification dans le domaine fluvial (dont la délimitation résulte moins de
considérations physiques que de la volonté de l’administration pour ce qui concerne la navigabilité ou la
flottabilité)

Les règles sont différentes pour le domaine public artificiel.

b) Le domaine public artificiel

Pour le domaine public routier, la délimitation se fait par la procédure de l’alignement qui peut
comprendre deux phases.

La première consiste pour l’administration à établir un plan d’alignement (obligatoire pour les voies
communales situées dans les agglomérations) selon des modalités qui varient en fonction de la nature de
la voirie.
Par exemple, pour la voirie nationale le plan préparé après enquête des services de l’Equipement est
approuvé par arrêté préfectoral ou décret en Conseil d'Etat (si l’enquête des services de l’Equipement est
défavorable).

Cette procédure unilatérale présente la particularité d’être attributive, c’est-à-dire, que l’administration
ne se contente pas de constater les limites de la voie mais peut empiéter sur les propriétés privées
riveraines.

L’adoption d’un plan d’alignement a pour effet d’inclure immédiatement dans la voie publique les
terrains nus moyennant une indemnisation du propriétaire.
Les terrains bâtis sont frappés d’une servitude de reculement qui interdit toute nouvelle construction ou
travaux confortatifs sur le bien. Celui-ci qui aura ainsi vocation à dépérir fera l’objet d’une indemnisation
dont le montant est évalué au moment de son versement, ce qui conduisait à une indemnisation du seul
terrain nu. Le Conseil Constitutionnel a jugé cette interprétation inconstitutionnelle et l’indemnisation
doit prendre en compte le préjudice causé par la servitude de reculement (CC 2011 QPC Consorts D).
L’inclusion dans la voie publique est ainsi ultérieure à la publication du plan d’alignement.

Cette procédure ne concerne que les voies existantes (pour les élargir ou pour redresser une voie
tortueuse) et en aucun cas les voies nouvelles.
Pour ces dernières, l’administration doit recourir à l’expropriation pour acquérir les terrains privés.
Toutefois, un PLU (plan local d’urbanisme se substituant au POS) peut prévoir un “ emplacement
réservé ” pour les futures voies publiques. Dans ce cas, les riverains disposent d’un “ droit de
délaissement ” leur permettant de mettre en demeure la collectivité publique de se porter acquéreur du
terrain dans le délai d’un an moyennant indemnisation. Trois mois après l’expiration de ce délai, les
riverains peuvent mettre en demeure l’administration de lever la réserve ce qui devient effectif un mois
plus tard.

Dans l’hypothèse où un plan d’alignement décide qu’une voie n’est plus affectée à la circulation
publique, elle sort du domaine public. Ce “ délaissé ” peut alors être préempté par les riverains.

Le propriétaire d’un immeuble riverain de la voie peut demander un alignement individuel s’il désire
effectuer des travaux sur cet immeuble.

L’alignement individuel est purement déclaratif : il doit reprendre les limites définies par le plan
d’alignement ou, en l’absence de celui-ci, se baser sur les limites de fait de la voie.

Pour les autres dépendances, la délimitation revêt des modalités différentes.


Par exemple, pour le domaine ferroviaire, elle se fait par arrêté préfectoral.
S’agissant des ouvrages de défense, un décret doit intervenir.

L’appartenance au domaine public peut ne pas être définitive.

B - La sortie du domaine public

Selon le CGPPP qui confirme une jurisprudence bien établie un bien d’une personne publique qui
n’est plus affecté à l’usage du public ou à un service public ne fait plus partie du domaine public à
compter de son déclassement par un acte administratif.

Le seul fait pour un bien de ne plus remplir les critères de la domanialité publique n’entraîne donc pas à
lui seul la sortie du domaine public : CE 1956 Soc. Forges d’Hennebont : une portion de voie ferrée
désaffectée mais non déclassée reste dans le domaine public ferroviaire.

Inversement le déclassement ne suffit pas s’il n’est pas accompagné d’une désaffectation réelle.
Toutefois, le CGPPP prévoit que le déclassement d’un immeuble de l’Etat ou de ses établissements
publics affecté à un service public peut être prononcé alors même que la désaffectation n’interviendra que
dans un certain délai fixé par l’acte de déclassement (trois ans au plus).

Le déclassement peut se faire selon différentes modalités.

La procédure de déclassement peut être prévue par un texte comme pour le domaine public fluvial avec le
CGPPP.

Dans le silence des textes, s’applique la règle du parallélisme des compétences et des formes.

Enfin, le Conseil d’Etat a précisé que la nouvelle définition du domaine public posée par le
CGPP n’a pas de caractère rétroactif : CE 2009 Brasserie du Théâtre.
Par conséquent, l’entrée en vigueur de ce Code n’a pas eu pour effet d’entraîner le déclassement de
dépendances qui appartenaient antérieurement au domaine public et qui depuis, juillet 2006, ne
rempliraient plus les conditions qu’il fixe : CE 2012 Commune de Port-Vendres.

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