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MEC129

Développement de produits assisté par ordinateur

Notes de cours
Partie : Méthodologie

Préparé par les professeurs :

Sylvie Doré, ing.


Youssef A. Youssef, ing.
Patrick Terriault, ing.

Rédigé : Décembre 1999


Révisé : Juillet 2014
TABLE DES MATIÈRES
Chapitre 1 Introduction à la méthodologie de développement
1.1 Introduction ............................................................................................................................. 1.1
1.2 Cycle de vie et processus d’ingénierie d’un produit ............................................................... 1.1
1.3 Modèles de processus de conception ...................................................................................... 1.2
1.4 Ingénierie séquentielle et simultanée ...................................................................................... 1.5
1.5 Le rôle de l’ordinateur ............................................................................................................. 1.8
1.6 Méthodologie et méthodes de conception ............................................................................. 1.10
1.7 Conclusion ............................................................................................................................. 1.10
1.8 Références ............................................................................................................................. 1.11

Chapitre 2 Analyse du problème


2.1 Introduction ............................................................................................................................. 2.1
2.2 Le cahier des charges .............................................................................................................. 2.1
2.3 Déploiement de la fonction qualité ......................................................................................... 2.2
2.4 Procédure ................................................................................................................................. 2.4
2.5 Conclusion ............................................................................................................................. 2.10
2.6 Références ............................................................................................................................. 2.11
Exemple d’application de la méthodologie – Analyse du problème ........................................... 2.12

Chapitre 3 Recherche de solutions (créativité)


3.1 Introduction ............................................................................................................................. 3.1
3.2 Pourquoi la créativité? ............................................................................................................. 3.1
3.3 La démarche de créativité et ses outils .................................................................................... 3.2
3.4 Les outils de recherche de solutions ........................................................................................ 3.3
3.5 Les caractéristiques d’une personne créative .......................................................................... 3.4
3.6 Pour créer un environnement favorable à la créativité ............................................................ 3.5
3.7 Les règles à suivre en atelier de créativité............................................................................... 3.6
3.8 Le remue-méninges (dit classique ou verbal) ........................................................................ 3.6
3.9 Le déroulement du remue-méninges ....................................................................................... 3.7
3.10 Autres techniques de créativité ............................................................................................. 3.9
3.11 Conclusion ........................................................................................................................... 3.10
3.12 Références ........................................................................................................................... 3.10
Exemple d’application de la méthodologie – Créativité ............................................................. 3.11

Chapitre 4 Choix d’une solution


4.1 Introduction ............................................................................................................................. 4.1
4.2 Concept de matrice de décision ............................................................................................... 4.1
4.3 Critères de sélection et pondération ........................................................................................ 4.2
4.4 Filtrage des concepts ............................................................................................................... 4.4
4.5 Sélection finale ........................................................................................................................ 4.5
4.6 Conclusion ............................................................................................................................... 4.5
4.7 Références ............................................................................................................................... 4.6
Exemple d’application de la méthodologie – Choix d’une solution ............................................. 4.7
Introduction à la méthodologie de développement

Chapitre 1
Introduction à la méthodologie de développement

1.1 Introduction
Dans un contexte de mondialisation des marchés, la compétitivité et même la survie d’une entreprise
dépendent de sa capacité à faire mieux, à moindre coût et de plus en plus rapidement. En plus de ces
pressions, viennent s’ajouter, entres autres, l’intérêt accru de la société concernant les questions
environnementales ainsi qu’une complexité croissante des produits mis sur le marché.
L’accroissement de la qualité et de la rapidité avec laquelle un produit est mis sur le marché a été
rendue possible grâce à de nouvelles méthodologies – ou façons de faire – et à de nouveaux outils,
dont l’ordinateur.

1.2 Cycle de vie et processus d’ingénierie d’un produit


Un produit, pris au sens large, peut désigner un objet matériel (chaise, fer à repasser, calculatrice
électronique, avion, vêtement, crème glacée), un logiciel (traitement de texte, gestion des stocks,
dessin assisté par ordinateur), un service (assurance collective, service bancaire, restauration), un
procédé (pasteurisation du lait, pliage de la tôle). L’ingénierie est un processus, ou série d’étapes, qui
couvre tout le cycle de vie d’un produit, depuis l’analyse des besoins que le produit doit satisfaire
jusqu’au moment de son retrait du marché, en passant par sa conception, sa mise en œuvre, sa mise
en place, son entretien et même son recyclage.
Le processus d’ingénierie est donc une méthode générique qui s’applique à différents domaines :
éducation, finances, industrie. Lorsqu’il se rapporte à un problème de nature industrielle, on parle
alors de génie ou du domaine de l’ingénierie. Une mise en garde s’impose : ce n’est pas parce qu’on
pratique le processus d’ingénierie que l’on est ingénieur pour autant. En effet, au Québec, le terme
« ingénieur » est réservé, par force de loi, aux membres en règle de l’Ordre des ingénieurs du
Québec. Même un finissant d’une école ou d’une faculté de génie n’a pas le droit d’utiliser le titre
« ingénieur » s’il n’est pas dûment inscrit à l’Ordre. Dans ce cas, peut-être vous demandez-vous
pourquoi des expressions comme « ingénieur de son », « ingénieur de train » sont employées? Au
Québec, ces termes sont illégaux. Ce sont des traductions des expressions anglaises « sound
engineer » et « train engineer » qui sont permises en anglais car, presque partout dans le monde
anglophone, les ingénieurs y sont désignés comme des « professional engineers », ce qui permet de
les distinguer.
Maintenant que nous nous sommes entendus sur les termes ingénierie, génie et ingénieur, revenons
au terme « produit ». Il est bien évident que dans le cours MEC129 Développement de produits
assisté par ordinateur, nous ne nous pencherons pas sur le développement d’un logiciel. Nous nous
intéresserons plutôt aux pièces et systèmes mécaniques. Nous entendons par système mécanique un
ensemble de composantes de nature mécanique (membrures, courroies de transmission,
engrenages, roulements, vérins,…) et électromécanique (moteurs, capteurs, etc.) formant un tout
cohérent et fonctionnel.
La

Figure 1.1 illustre le cycle de vie d’un tel système. Notez que l’étape de mise en œuvre correspond à
la fabrication, par opposition, par exemple, à un produit logiciel qui serait programmé.
Introduction à la méthodologie de développement 1.2

Les trois premières étapes du cycle de vie d’un produit forment un sous-ensemble appelé cycle de
conception. Elles sont réalisées grâce au processus de conception. Ce processus commence donc
par l’expression des besoins sous la forme de spécifications et de contraintes décrites dans le cahier
des charges et se termine par la production de tous les documents menant à la réalisation du produit.
Ces documents sont souvent rassemblés dans un seul document appelé devis, lequel contient des
informations sur la forme et la dimension de l’objet, les matériaux dont il sera fabriqué, sur le procédé
de fabrication qui sera employé pour le produire, sur la façon dont il sera assemblé, etc. (Roozenburg
et Eekels, 1995). Certains auteurs, comme Hoover et Jones (1991), considèrent cependant que les
activités d’identification des besoins et de définition des spécifications et contraintes sont des activités
en amont de la conception proprement dite et n’en font pas partie. Nous adoptons la position de
Roozenburg et Eekels car la conception est une activité de recherche de solution, et pour pouvoir
proposer de bonnes solutions, il faut avant tout bien
comprendre le problème. Processus de conception
En anglais, le terme design process est utilisé
Nous avons écrit plus haut que le devis contient tous
pour désigner ce sous-ensemble. L’usage courant
les documents menant à la réalisation du produit.
du mot design en français invoque une recherche
C’est donc que le processus de conception porte
esthétique. On parle ainsi de design d’intérieur, de
autant sur la définition du produit (« product
meubles design. Dans le domaine de l’ingénierie,
definition ») que sur celle du procédé de fabrication
les termes conception et design sont
(« process definition »).
interchangeables.
Le cycle de développement pour sa part, contient
toutes les étapes avant la production du produit. Outre la définition des besoins, du produit et du
procédé, il comprend la conception et la fabrication des outils (matrices, moules, gabarits, etc.) et
montages nécessaires à la fabrication. On considèrera également tous les aspects nécessaires à la
production (aménagement d’usine, approvisionnement, etc.).

1.3 Modèles de processus de conception


La

Figure 1.1 ne nous donne pas beaucoup de détails sur la façon de procéder. Au cours des dernières
années, plusieurs chercheurs ont tenté de formaliser la description des étapes du processus de
conception. Les détails et la terminologie de ces descriptions, ou modèles du processus de
conception, varient d’un auteur à l’autre. Ils s’accordent en général pour dire que ce processus
progresse d’étape en étape de la définition des besoins, à la recherche de solutions et au raffinement
de la solution retenue.
On pourrait qualifier le modèle de Pahl et Beitz (1994), illustré à la Figure 1.2, de méthode classique
ou analytique. En effet, une phase d’analyse du problème poussée précède l’élaboration de solutions.
Il s’agit donc de bien comprendre le problème avant d’amorcer la recherche de solution.
Le modèle de Ohsuga (1989), présenté à la Figure 1.3, correspond à une méthode de conception par
prototypage. À chaque itération, un prototype est construit. Le but de cette opération est de solliciter,
d’élucider, de définir les besoins et exigences des clients, d’où l’importance de la participation de ces
derniers tout au long du processus de développement. Smith (1991) suggère d’utiliser une approche
par prototypage lorsque les conditions suivantes sont présentes :
Introduction à la méthodologie de développement 1.3

Contraintes

Cahier
des Plusieurs
charges concepts
Besoins, Analyse du Recherche
attentes problème de solutions Sélection

Matières Un
premières concept
Distribution,
Raffinement de
utilisation, Production
Devis
la solution
entretien Produit

Produit
usé
Matières
Recyclage premières,
rebuts

Figure 1.1 Cycle de vie d’un produit


Introduction à la méthodologie de développement 1.4

Figure 1.2 Modèle de développement analytique (Pahl et Beitz, 1994)


Introduction à la méthodologie de développement 1.5

Figure 1.3 Modèle de développement par prototypage (Ohsuga, 1989)

 les spécifications du produit ne sont pas bien définies ni bien comprises,


 le mécanisme nécessaire pour satisfaire une spécification n’est pas bien compris ni certain de
garantir le résultat désiré,
 les clients veulent s’engager activement dans le processus.
Par contre, il déconseille son utilisation lorsque :
 la culture analytique imprègne l’organisation,
 les attributs clients sont bien connus, bien documentés et bien compris,
 les habiletés techniques des membres de l’équipe de développement sont faibles ou que leur
personnalité ne convient pas à un contact direct avec les clients.
La méthode analytique n’exclut pas l’utilisation de prototypes, bien au contraire, mais leur usage sera
différent. Ils seront produits pendant la phase de conception plus fine afin de vérifier si les solutions
retenues sont viables, un peu à la façon où un modèle réduit de la carlingue d’un avion sert à en
vérifier les propriétés aérodynamiques. Dans ce cours, nous adoptons une approche analytique.

1.4 Ingénierie séquentielle et simultanée


Malgré leurs différences, les deux modèles présentés ci-haut affichent une similarité importante : la
définition du produit précède la définition du procédé de fabrication. Cette approche séquentielle est
illustrée dans le haut de la Figure 1.4.
Introduction à la méthodologie de développement 1.6

Figure 1.4 Comparaison des approches séquentielle et simultanée (McMahon et Browne, 1998)

Imaginons un scénario idéal de développement de produit avec l’approche séquentielle. Une équipe
du marketing définit les caractéristiques qu’un nouveau produit doit posséder. La commande est
passée à une équipe d’ingénieurs concepteurs qui imaginent différentes solutions, choisissent celle
qui leur semble la meilleure, réalisent les plans, choisissent les matériaux, etc. Ces documents sont
ensuite transmis à une autre équipe d’ingénieurs chargés de développer les procédés qui permettront
de fabriquer le produit. Une fois les procédés mis au point, une nouvelle équipe aura la responsabilité
de l’aménagement de l’usine. Lorsque l’usine et les outils de fabrication sont fonctionnels, la
production est lancée et le produit est distribué et mis en vente.
Ce scénario fonctionne dans la mesure où les équipes en amont du processus ont les connaissances
requises pour bien informer les équipes en aval. Malheureusement, ceci est rarement le cas. Les
ingénieurs concepteurs, qui n’ont pas participé à la définition des caractéristiques du produit, sont
placés devant des compromis et n’ont pas toute l’information nécessaire pour faire les bons choix. La
solution proposée ne plaît pas à l’équipe de marketing qui doit alors mieux préciser les besoins et
l’étape de conception recommence. À leur tour, les concepteurs soumettent des plans d’objets qui ne
sont pas réalisables avec la technologie actuelle ou qui sont beaucoup trop dispendieux à fabriquer.
Une partie de la conception du produit doit être reprise. Entre-temps, la conception de l’outillage a
commencé et doit être reprise à son tour. On voit aisément comment une telle série d’erreurs, nées
d’un manque d’information et de communication, peut contribuer à étirer le temps entre le début et la
fin du projet. La conception, qui se veut séquentielle, ressemble plutôt à une spirale.
Dès 1982, une agence gouvernementale américaine, la Defense Advanced Research Projects
Agency (DARPA), lance une étude sur la façon d’augmenter la concomitance dans le processus de
développement de produit. L’expression « Concurrent engineering », souvent traduite par ingénierie
simultanée, apparaît en 1986 dans un rapport de l’Institute for Defense Analysis (Carter et Baker,
1992). La solution proposée est simple en principe : il s’agit de créer des équipes multidisciplinaires
qui travaillent de façon concourante ou simultanée sur différents aspects du produit. Le processus est
Introduction à la méthodologie de développement 1.7

illustré dans le bas de la Figure 1.4. Ainsi, des membres du marketing, des ingénieurs concepteurs et
de fabrication, du personnel provenant du département des ventes, des finances, des fournisseurs
sont invités à participer à la définition des besoins; la conception du produit est réalisée conjointement
avec celle des procédés en étroite collaboration avec le marketing et le service des achats et des
finances. Il en est ainsi pour toutes les phases de développement. La composition typique d’une
équipe de développement est illustrée à la Figure 1.5.

gestionnaire de production
planificateur d'usine
avocat contrôle de la qualité

ingénieur -
ventes procédés de fabrication
...

professionnel de la spécialiste
mise en marché de
l'approvisionnement
(«marketing») Équipe de développement
de produits

fournisseurs designer NOYAU ÉQUIPE


industriel
ÉTENDUE

ingénieur - concepteur

... spécialiste des finances


...
...

Figure 1.5 Composition d’une équipe d’ingénierie simultanée (adapté de Ulrich et Eppinger
(1995))

La composition de l’équipe varie en fonction du type de produit développé tandis que la taille de
l’équipe dépend de la complexité du produit et fluctue au cours du processus. À titre indicatif, le
Tableau 1.1 regroupe certaines tâches accomplies par les membres de l’équipe.
Un certain nombre de techniques, rassemblées sous l’appellation « concevoir en vue de x » dont la
conception en vue de la fabrication, de l’assemblage, etc. (« Design for x », « Design for
manufacture », « Design for assembly ») font maintenant partie prenante de l’ingénierie simultanée. Il
s’agit d’un ensemble de règles permettant de tenir compte des différents aspects du cycle de vie d’un
produit, dont sa capacité à être fabriqué, assemblé, recyclé, etc. au moment de la définition du
produit.
Certaines compagnies ayant adopté l’ingénierie simultanée ont observé une réduction du temps
nécessaire à la mise en marché du produit allant jusqu’à 50 % (Floyd et al, 1993). Devant des
résultats aussi concluants, il n’est pas étonnant que de plus en plus de compagnies aient également
adopté cette méthodologie au cours des dernières années. C’est également celle que nous
préconisons dans ce cours.
Introduction à la méthodologie de développement 1.8

Analyse des besoins Recherche de Raffinement de Production


solutions solution

Spécialistes marketing
 Définir marchés  Définir options  Développer matériel de  Vérifier satisfaction des
 Identifier compétiteurs  Développer plan mise en promotion clients
marché  Organiser tests de
marché

Ingénieurs - conception
 Définir spécifications  Produire des solutions  Définir géométrie
alternatives  Tester solutions
 Évaluer faisabilité

Ingénieurs - fabrication
 Définir spécifications  Estimer coûts de  Fabriquer prototypes du  Opérer système de
fabrication produit et de l’outillage production
 Évaluer faisabilité  Définir procédés de
fabrication et
d’assemblage

Autres
 Avocat : étudier brevets  Approvisionnement :  Finance : faire analyse
 Finance : faire analyse identifier fournisseurs économique
économique  Approvisionnement :
placer commandes

Tableau 1.1 Tâches accomplies par certains membres d’une équipe d’ingénierie simultanée

1.5 Le rôle de l’ordinateur


L’introduction de la méthodologie d’ingénierie simultanée contribue certes à la mise en marché
accélérée d’un produit, à en améliorer la qualité et à diminuer les coûts impliqués. Mais son impact ne
serait pas aussi grand, et certains diront même que son implantation serait impensable sans
l’ordinateur.
Les croquis et dessins techniques produits « à la main » ont longtemps été la seule façon de
représenter la forme et les dimensions d’un produit. Ces dessins en constituaient le modèle. Une
modification de la définition du produit impliquait de devoir recommencer une partie ou même la
totalité des dessins.
En accélérant la réalisation de tâches fastidieuses, répétitives, délicates ou longues à effectuer,
l’ordinateur a grandement contribué à augmenter la productivité de l’ingénieur. Depuis le début des
années 1980, nous avons assisté à la naissance de logiciels de dessin assisté par ordinateur (DAO;
« computer assisted drawing »), qui ont progressé vers les progiciels (ensemble de logiciels) ou
systèmes de conception assisté par ordinateur (CAO;« computer assisted design-CAD »). Le produit
est maintenant représenté à l’aide d’un modèle mathématique et emmagasiné sous forme
électronique.

L’acronyme anglais CAD désignait originalement les logiciels de dessins assistés par ordinateur (D pour
drawing). Les premiers progiciels de conception assistée par ordinateurs étaient souvent désignés en
anglais par l’acronyme CADD (« computer assisted drawing and design »). Puisque les systèmes CAO
incluent tous implicitement une composante de dessin assisté par ordinateur, le deuxième D de l’acronyme
anglais a été éliminé pour désigner les systèmes CAO.
Introduction à la méthodologie de développement 1.9

Outre la présence de fonctions qui permettront de générer, de visualiser, de manipuler et de modifier


ce modèle, les systèmes CAO possèdent des modules permettant :
 d’analyser l’assemblage des pièces composant le produit,
 d’analyser le mouvement (ou cinématique) d’un mécanisme,
 d’étudier l’effet de charges (forces, couples, écart thermique, etc.) dans une pièce ou un
assemblage de pièces en générant un maillage pour analyse par éléments finis et en procédant
à cette analyse,
 etc.
On voit de nos jours les systèmes CAO évoluer vers des systèmes intégrant toutes les activités de
définition de produit, du procédé de fabrication correspondant et même de la production. Ce type de
système a reçu en anglais l’appellation de computer integrated manufacturing (CIM) dont les
composantes sont illustrées à la Figure 1.6. Outre la composante CAO, on y trouve des fonctions de :
 fabrication assistée par ordinateur (FAO; « computer-assisted manufacturing » CAM) à l’aide de
laquelle sont générées les instructions pour les procédés de fabrication contrôlés
numériquement,
 production de gammes de fabrication (« computer assisted process planning » CAPP),
 gestion de la production (« computer assisted production management » CAPM).

Figure 1.6 Système manufacturier intégré (McMahon et Browne, 1998)

L’ordinateur est également utilisé de nombreuses autres façons. On peut penser à la production de
rapports et de présentations électroniques, à l’acquisition de données lors de tests expérimentaux et
de l’analyse de ces données, à la gestion du projet, etc. Dans un contexte où les membres d’une
équipe multidisciplinaire, parfois distribués géographiquement, doivent échanger et partager de
l’information, les technologies de l’information et de communication (TIC) s’avèrent indispensables.
On pense alors au transfert et au partage de fichiers à travers un réseau, à des babillards
électroniques, à tout moyen susceptible de faciliter le travail collaboratif à distance.
Introduction à la méthodologie de développement 1.10

1.6 Méthodologie et méthodes de conception


Dans les sections précédentes, nous avons appris que plusieurs modèles pouvaient s’appliquer au
processus d’ingénierie, et plus particulièrement au processus de conception. Nous avons entre autres
introduit les notions d’ingénierie simultanée ou séquentielle, l’approche analytique ou par prototypage.
De la même façon qu’un modèle du processus de
Nous pouvons considérer les termes conception représente avec plus de détails le processus
processus, méthodologie et méthode comme lui-même, la méthodologie détaille encore plus finement
des synonymes qui véhiculent des niveaux le modèle. L’ensemble des méthodes employées ainsi
de détail différents, processus décrivant le que le modèle du processus de conception et comment
niveau le plus général alors qu’une méthode ce modèle est implanté forment la méthodologie. Nous
fait appel à un niveau de détail plus fin. entendons par méthodes de conception toute procédure,
technique ou outil utilisé en cours de conception.
Pour certains, ces méthodes et la méthodologie elle-même peuvent paraître trop formelles. Par
contre, beaucoup de projets industriels sont trop complexes, font intervenir trop de personnes, ne
laissent pas place au cycle d’essai et erreur d’où la nécessité d’une méthodologie systématique. De
plus, les méthodes présentent trois avantages importants : elles permettent de formaliser et
d’extérioriser les idées et de documenter le processus.
La formalisation permet :
 d’éviter les oublis,
 de considérer le plus grand nombre de facteurs possibles pouvant influencer le développement
du produit,
 d’élargir les horizons de recherche de solution (et de ne pas s’en tenir à la première idée à
surgir).
Le fait d’extérioriser nos idées, c’est-à-dire de les coucher sur papier - sous forme de croquis, de
tableaux, de diagrammes, de texte, etc. :
 est utile en soi lorsque le problème est complexe afin de « remettre ses idées en place »,
 est essentiel dans un contexte de travail d’équipe,
 libère l’esprit pour les tâches où l’intuition et la créativité sont importantes.
La présence de documentation :
 accélère la rédaction de rapports,
 permet de garder une trace des décisions prises tout au long du processus,
 facilite l’introduction de nouveaux membres dans l’équipe de développement.

1.7 Conclusion
L’utilisation de l’ordinateur et l’adoption de nouvelles méthodologies de développement contribuent à
améliorer la qualité des produits, à en diminuer le coût et à accélérer leur mise en marché.
Dans ce cours, nous serons appelés à mettre en pratique une méthodologie de développement du
produit s’inspirant de l’ingénierie simultanée. Après avoir procédé à une phase d’analyse du problème
de conception, nous mettrons l’emphase sur la définition du produit. À cette fin, nous exploiterons les
capacités de modélisation d’un logiciel de CAO. Nous devons cependant constamment avoir à l’esprit
que les phases ultérieures de la vie d’un produit (fabrication, entretien, recyclage, etc.) ont une
influence sur sa définition; cette préoccupation est au cœur même de l’ingénierie simultanée. C’est la
raison principale pour laquelle le cours a été intitulé « Développement de produits assisté par
ordinateur» et non « Conception de produits assistée par ordinateur ». De plus, la mise en pratique de
l’ingénierie simultanée exige le développement d’habiletés de travail d’équipe multidisciplinaire, de
Introduction à la méthodologie de développement 1.11

communication et de saine gestion de projet, autant d’aspects qui seront abordés dans ce cours, en
plus de l’application du processus de conception lui-même.
Tout au long de vos études en génie mécanique, vous développerez de nouvelles connaissances et
de nouvelles habiletés qui vous permettront de toujours mieux appliquer le principe d’ingénierie
simultanée.

1.8 Références
Carter, D. E. et Baker, B. S. (1992). Concurrent Engineering: The product development environment
for the 1990s. Reading, Massachusetts: Addison-Wesley Publishing Company.
Cross, N. (1994). Engineering design methods – strategies for product design. Chichester: John Wiley
and Sons, 2e édition.
Doré, S. et Basque, J. (1998). Influence de l’ingénierie sur le design pédagogique. Télé-université et
École de technologie supérieure.
Doré, S. et Basque, J. (1998). Les outils de prototypage/développement d’environnements
d’apprentissage informatisés. Télé-université et École de technologie supérieure.
Floyd, T.D., Levy, S. et Wolfman, A.B. (1993). Winning the product development battle. IEEE
Engineers Guide to Business series, B. Coburn, ed. New York: The Institute of Electrical and
Electronics Engineers Inc.
Hoover, W. et Jones, J.B. (1991). Improving engineering design – designing for competitive
advantage. Washington, DC: National Academy Press.
McMahon, C. et Browne, J. (1998). CAD/CAM – From principles to practice. Wokingham, Angleterre:
Addison-Wesley Publishing Company, 2e édition.
Ohsuga, S. (1989). Towards intelligent CAD systems. Computer-aided Design, 21(5), 315-337.
Pahl, G. et Beitz, W. (1994). Engineering Design. London: The Design Council/Springer.
Roozenburg, N.F.M. et Eekels, J. (1995). Product design: Fundamentals and methods. Chichester:
John Wiley and Sons.
Ulrich, K.T. et Eppinger, S. D. (1995). Product design and development. New York: McGraw-Hill Inc.
Chapitre 2
Analyse du problème

2.1 Introduction
La phase d’analyse du problème constitue la première étape du processus d’ingénierie d’un produit.
Si nous considérons ce processus, et plus particulièrement les étapes correspondant à la conception,
comme un processus de solution de problème, l’étape d’analyse correspond à bien poser le
problème. En effet, les besoins exprimés par les clients sont souvent très vagues et peu
opérationnels. À ces besoins s’ajoutent des contraintes ou restrictions qui imposent des limites aux
solutions possibles. Par exemple, lors de la conception d’un tournevis, le client peut imposer à
l’équipe de développement qu’il soit mû par un moteur électrique dont l’énergie provient de batteries
rechargeables. Les organismes de normalisation et diverses associations professionnelles imposent
des normes destinées à protéger le public, autre source de contraintes. Les membres de l’équipe de
développement devront préciser ces besoins et contraintes, leur assigner une priorité, identifier les
compromis, les quantifier, élaborer des barèmes d’évaluation afin de vérifier s’ils ont été rencontrés,
etc.
À la section suivante, nous définissons le concept de cahier des charges. À la section 2.3, nous
présentons une courte explication des principes du DFQ suivie d’une description sommaire de la
maison de la qualité. Nous enchaînons, à la section 2.4, avec la présentation d’une procédure
détaillée permettant de compléter la première maison de la qualité.

2.2 Le cahier des charges


L’issue de la phase d’analyse du problème est le cahier des charges. Il s’agit d’un document où sont
consignées toutes les données identifiant le problème à résoudre. Ce document se résume souvent à
une courte description du produit à développer, quelques objectifs corporatifs, une identification du
marché, une liste de besoins exprimés par les clients et les contraintes. La Figure 2.1 illustre un
cahier des charges.
Nous avons déjà abordé le concept de besoin et de contrainte dans l’introduction. La définition du
marché est extrêmement importante car elle a une incidence directe sur le produit développé. En
effet, des classes différentes de clients n’auront pas les mêmes besoins. Monsieur ou Madame-tout-
le-monde ne soumettra pas son tournevis aux mêmes épreuves qu’un menuisier de métier. Un crayon
mécanique pour jeune écolier n’aura pas les mêmes caractéristiques qu’un crayon mécanique pour
dessinateur professionnel.
Le cahier des charges de la Figure 2.1 laisse beaucoup de place à interprétation. Par exemple,
qu’est-ce au juste qu’un endroit difficile d’accès? Le fonctionnement rapide est-il plus important que le
maintient de la vis? Dans le présent document, nous proposons un ensemble de méthodes
permettant de suffisamment bien cerner le problème afin que le produit réponde réellement aux
besoins du client. La démarche proposée est fondée sur la première maison de la qualité (MQ),
résultat de l’étape initiale du déploiement de la fonction qualité (DFQ).
Analyse du problème 2.2

Cahier des charges d’un tournevis sans fil


Description du produit : appareil se tenant dans la main, servant à installer des
éléments d’assemblages filetés

Marché :  primaire : personne s’adonnant à la construction et à la


rénovation dans ses moments de loisirs
 secondaire : professionnel de la construction
d’ouvrages légers

Besoins :  permet de visser des vis à bois dans le bois franc


 permet de visser des vis de métal dans des conduites
 fonctionne plus rapidement qu’un tournevis manuel
 maintient la vis en place
 permet d’atteindre des endroits difficiles d’accès
 etc.

Contraintes :  normes portant sur les appareils électriques


 appareil se tenant dans la main
 appareil assisté
 batteries rechargeables

Figure 2.1 Exemple de cahier des charges


(adapté de Ulrich et Eppinger (1995))

2.3 Déploiement de la fonction qualité


La qualité a longtemps porté la connotation de fiabilité, c’est-à-dire « qui ne se brise pas » en parlant
d’un produit physique, un produit qui fonctionne adéquatement sans problèmes d’entretien ou de
réparation fréquents et exigeants, un produit conforme aux spécifications.
Mais à quoi bon développer un produit fiable s’il n’est pas utilisé? Aujourd’hui, un produit de qualité
n’est pas seulement fiable, il répond également aux besoins et aux attentes des clients (Floyd et al,
1993). Examinons ces trois termes.
Les clients sont conscients de leurs besoins et peuvent les énoncer assez clairement. Par exemple,
un client désire acheter une voiture sport décapotable et non un véhicule tout terrain. Un produit doit
nécessairement répondre aux besoins par un ensemble de fonctions et de caractéristiques pour que
les clients en fassent l’acquisition ou l’adopte. Une solution originale à un besoin possède souvent
des caractéristiques qui permettent de distinguer un produit d’un autre et, toutes autres choses étant
égales, qui permettent au client de faire un choix.
Les attentes, par contre, sont plus confuses. Il s’agit de choses que les clients prennent pour acquis,
ce sont des caractéristiques inhérentes au produit sans pour autant que les clients pensent à, ou
puissent, les exprimer clairement. Pour reprendre l’exemple ci haut, l’acheteur d’une voiture sport
s’attend à ce que la voiture soit munie de roues en magnésium et d’un volant de cuir. Il est donc
important de prévoir ces attentes avant même de concevoir le produit.
Nous distinguons deux classes de clients : les clients externes et les clients internes. Les clients
externes sont ceux qui feront l’acquisition du produit, ou encore ceux qui l’utiliseront. Les clients
internes sont ceux qui investissent dans le développement. Il peut s’agir de l’organisme qui emploie
directement l’équipe de développement ou encore une autre entreprise qui commande le
développement du produit. L’équipe de développement doit s’assurer que les solutions proposées
cadrent avec la philosophie et les intérêts des clients internes.
Analyse du problème 2.3

De plus en plus d’organismes appelés à développer de nouveaux produits font appel au déploiement
de la fonction qualité, une méthode créée par les japonais dans les années 1970 spécifiquement dans
le but de clairement identifier les besoins et attentes des clients (Youssef et Beauchamp, 1992). La
méthode repose sur une représentation graphique, nommée maison de la qualité.
LaFigure 2.2 illustre les « pièces » minimales que doit comporter une maison de la qualité. La pièce
numérotée «1» énumère les besoins et attentes des clients, exprimés en langage courant. Les clients
accordent une importance à ces attributs dans la pièce 2. Ces attributs sont traduits en
caractéristiques techniques dans la pièce 3, auxquelles nous fixerons un objectif quantifié ou cible
dans la pièce 4. L’ensemble d’une caractéristique et d’un objectif correspondant forme une
spécification technique. Les besoins sont souvent qualifiés de « quoi », alors que les spécifications
sont considérées comme des « comment ».

Les spécifications permettront à Attention :


l’équipe de développement de vérifier
si les besoins et attentes des clients ont «comment» ne veut pas dire comment
été rencontrés d’où la nécessité de les répondre à un attribut, ce qui est
exprimer en termes quantifiables. Par équivalent à résoudre le problème, à
exemple, supposons qu’ « accélération offrir une solution;
raisonnable » soit un des besoins
exprimés lors du développement d’une «comment» doit être interprété par
automobile familiale. Le libellé « entre comment pourra-t-on évaluer si les
8.0 et 8.5 secondes pour passer de 0 à solutions développées ultérieurement
100 km/heure » spécifie adéquatement satisfont les attributs.
ce besoin en termes techniques.

La pièce 5 sert à établir les relations entre les attributs clients et les spécifications techniques. À
chaque besoin doit correspondre au moins une spécification et vice versa. Dans la pièce 6, nous
calculerons le poids de chaque spécification technique. Le toit, ou pièce 7, permet d’établir comment
une spécification technique en affecte une autre, elle sert à définir les corrélations, positives ou
négatives, entre les spécifications. Cette pièce permet, entre autres, de détecter les sources de
compromis qui prennent la forme de corrélations négatives.
À ce « modèle de base », viennent souvent se greffer des options, par exemple une pièce servant à
comparer des produits concurrents (« benchmarking »), le coût anticipé pour atteindre les objectifs,
l’importance relative que l’équipe de développement accorde à chaque spécification technique, etc.
Analyse du problème 2.4

2
3

1 5 + = spécifications techniques

4
6

1: attributs clients
2: importance des attributs
3: caractéristiques techniques
4: objectif quantifié ou cible
5: matrice relationnelle (attribut/caractéristique)
6: importance des caractéristiques techniques
7: matrice de corrélation (caractéristique/caractéristique)
Figure 2.2 Maison de la qualité

Mentionnons également que le déploiement de la fonction qualité ne se limite pas à la réalisation


d’une seule maison de la qualité. King (1989) suggère le développement de quatre maisons afin
d’atteindre une planification détaillée de la production à partir des attributs clients. Nous remarquons
que les « comment » deviennent les « quoi » de la maison suivante, permettant ainsi de conserver la
« voix du client » tout au long du développement.

2.4 Procédure
Dans cette section, nous définissons une procédure en 6 étapes à l’aide de laquelle vous cernerez le
problème de conception au mieux de votre connaissance. Les informations que vous générez en
cours d’exécution seront consignées dans le cahier des charges.

Étape a) Définir les attributs clients


a.1) Déterminer qui sont les clients (internes et externes).
a.2) Faire une liste des attributs (besoins, attentes et contraintes) pour chaque groupe de client
en analysant le résultat d’entrevues individuelles et de groupe, d’observation sur le terrain,
de questionnaires ou toute autre technique susceptible de révéler de l’information.
Analyse du problème 2.5

a.3) Reformuler les attributs en respectant les règles suivantes :


 Exprimer le besoin avec le même niveau de détail que le client.
 Dans la mesure du possible, utiliser une formulation positive plutôt que négative.
 Éviter les mots « devrait » et « doit » car ils impliquent un niveau d’importance qui ne
sera fixé qu’à l’étape suivante.
Si le niveau de détail d’un attribut semble trop vague, le subdiviser en objectifs plus précis.
La Figure 2.3 illustre ce concept.

Machine-outil
sécuritaire

Faible risque Faible risque de Faible risque


de blessure commettre des d’endommager la pièce
erreurs

Figure 2.3 Précision d’un objectif

a.4) Créer des regroupements de manière à faire ressortir des liens qui unissent certains
attributs. Par exemple, dans la conception d’une nouvelle voiture, certains attributs pourrait
être identifiés sous le groupe « Marketing » afin de rendre la voiture attrayante pour les
futurs acheteurs (la voiture est puissante, la voiture est spacieuse, etc.) tandis qu’un autre
groupe « Entretien » pourrait concerner certaines préoccupations des éventuels
propriétaires (la voiture est fiable, les principaux éléments à entretenir sont faciles d’accès,
etc.).

Étape b) Accorder une cote à chaque attribut


Tous les attributs ne revêtent pas la même importance. D’autre part, l’équipe de développement,
ne bénéficiant que d’une main d’œuvre, d’un budget et d’une période de temps limités, devra
faire des compromis. L’importance relative accordée aux attributs permettra d’allouer
stratégiquement les ressources quand viendra le temps de raffiner la solution.
Il est important de mentionner qu’il s’agit d’une appréciation de l’importance relative des attributs
et non d’un rang. Il ne s’agit donc pas de reprendre tous les attributs et de les classer du plus
important au moins important. Nous suggérons plutôt d’utiliser une échelle de 1 à 5 (ou toute
autre échelle) accordant un 5 aux attributs jugés essentiels et un 1 à ceux jugés non importants.
Cette étape peut être réalisée par les membres de l’équipe de développement ou par des clients
à l’aide d’un questionnaire, la première approche étant plus rapide et moins coûteuse alors que la
seconde est plus précise. Si l’attribution des cotes a été exécutée par les membres de l’équipe de
développement, il serait avantageux de faire valider par les clients les cotes octroyées.
Analyse du problème 2.6

Étape c) Préciser au moins une spécification technique pour chaque attribut


Afin de vérifier jusqu’à quel point les solutions qui seront éventuellement produites répondront
aux besoins des clients, vous devez définir des objectifs sous la forme de spécifications
techniques. Généralement, les spécifications techniques sont quantifiables, mais il arrive
occasionnellement que certaines spécifications techniques soient exprimées de manière
qualitative.
Spécifications techniques quantitatives
Une spécification quantitative est une caractéristique (c’est-à-dire une quantité mesurable comme
le coût, le temps ou la vitesse) qu’on cherche soit à maximiser () ou à minimiser () pour
atteindre une cible (valeur numérique et unités) jugée satisfaisante pour les clients. Voici
quelques exemples de spécifications techniques correctement définies :
 Temps (), 8 secondes
 Vitesse (), 275 km/h
 Masse (), 35 kg
Spécifications techniques qualitatives
Une spécification qualitative est également une caractéristique du produit développé, mais qui ne
peut tout simplement pas être quantifiée lors de l’étape de l’analyse du problème. De telles
spécifications ne sont généralement pas décrites par une cible car l’évaluation de la spécification
est arbitraire. Cependant, il est possible de préciser si on cherche à maximiser () ou à
minimiser () la spécification. Par exemple, on peut chercher à développer un outil pour couper
des branches d’arbre qui soit « sécuritaire », mais comment évaluer la sécurité d’un produit qui
n’est même pas encore développé? Dans un tel cas, la spécification technique « Risque de
blessure » à minimiser () pourrait être employée. Il devient alors possible de comparer
différentes solutions de manière qualitative ou comparative sur des aspects importants, mais
inquantifiables. Par exemple, il est évident que les risques de blessure sont plus élevés en
utilisant une scie mécanique plutôt qu’une scie manuelle. Voici deux autres exemples de
spécifications techniques qualitatives :
 Risque de bris ()
 Esthétique ()
Si vous n’arrivez pas à déterminer de spécification technique pour un attribut, il est fort possible
que celui-ci soit trop vague. Ainsi, il serait malaisé de définir une spécification pour l’attribut
« Machine-outil sécuritaire » de la figure 2.3. L’impossibilité de définir une spécification technique
associée à un attribut client est un signe que l’attribut est tout simplement mal défini, ce qui
requiert un retour en arrière pour retravailler les attributs clients.
Enfin, la conception d’un produit reposant en grande partie sur des spécifications techniques
qualitatives est généralement moins crédible qu’une autre analyse qui exploite des spécifications
quantitatives. Il vous est donc suggéré d’employer des spécifications qualitatives qu’en de rares
occasions.

Étape d) Meubler la maison de la qualité


d.1) Consigner les attributs dans la pièce 1.
d.2) Transcrire l’importance accordée à chaque attribut dans la pièce 2.
d.3) Reporter les caractéristiques techniques dans la pièce 3 et les cibles dans la pièce 4 pour
les spécifications quantifiables. Devant chaque caractéristique technique, nous indiquons si
la spécification doit être maximisée () ou minimisée ().
Analyse du problème 2.7

d.4) Établir les relations entre les attributs clients et les spécifications techniques.
Pour chaque case de la pièce 5, on estime le degré de concordance entre une
caractéristique technique et un attribut. Il y a concordance lorsqu’un attribut peut être
évalué à l’aide d’une spécification. L’échelle à utiliser pour établir le degré de concordance
varie d’un praticien à l’autre. Nous vous suggérons d’utiliser la valeur 1 lorsque la
concordance est faible, 3 lorsqu’elle est moyenne et 5 lorsque forte. S’il n’y a aucune
concordance, ne rien inscrire. Notez que la concordance peut être négative si une
spécification va à l’encontre d’un attribut.
Une fois toutes les combinaisons attribut-spécification étudiées, on vous suggère de vérifier
les deux règles suivantes :
 Une ou plusieurs concordances doivent obligatoirement se retrouver sur chaque
ligne et sur chaque colonne de la pièce 5. En d’autres mots, aucune ligne ni aucune
colonne de la pièce 5 ne doit être vide.
 Chaque ligne et chaque colonne de la pièce 5 doit avoir au moins une valeur
positive de concordance.
d.5) Calculer l’importance relative de chaque spécification technique. Vous calculerez deux
facteurs d’importance, le premier en tenant compte du signe de la concordance (valeur
algébrique), et le second en en faisant abstraction (valeur absolue). Pour établir les facteurs
d’importance de chaque spécification, il suffit d’additionner tous les produits de la
concordance (valeur algébrique ou absolue) et de la cote de chaque attribut. La Figure 2.4
illustre un exemple de calcul pour les facteurs d’importance de la caractéristique 2.
Caractéristique 1

Caractéristique 2

Caractéristique 3

Caractéristique 4

Importance    
Attribut 1 2 1 -1
Groupe 1 Attribut 2 1 5 3 1
Attribut 3 5 5
Attribut 4 2 3 -5
Groupe 2 Attribut 5 3 Concordance entre l’attribut 3
et la spécification 4

Valeur cible1 cible 2 cible 3 cible 4
Cible
Unités unités 1 unités 2 unités 3 unités 4
Facteur d’importance (valeur algébrique) 8 -5 1 26
Facteur d’importance (valeur absolue) 8 15 5 26

-5 = 1 x 5 + 2 x -5

15 = 1 x 5 + 2 x-5
Figure 2.4 Exemple de calcul du facteur d’importance
Analyse du problème 2.8

d.6) Établir les corrélations entre les caractéristiques techniques.


En commençant par la première caractéristique, demandez-vous s’il existe une relation de
cause à effet avec la deuxième caractéristique, puis la troisième et ainsi de suite jusqu’à la
dernière. Vous recommencerez le processus en comparant la deuxième caractéristique
avec la troisième, puis la quatrième etc. Vous passerez ainsi en revue chaque paire de
caractéristiques.
Lorsque vous rencontrez une relation entre deux caractéristiques, vous devez alors vous
demander si la corrélation est positive, vous utiliserez alors le symbole « + », ou négative,
représentée par le symbole « - ». S’il n’y a pas de corrélation, vous n’inscrirez rien dans les
intersections. Il n’est pas nécessaire d’inscrire un symbole à toutes les intersections.
En règle générale il existe une corrélation positive (appelée synergie) entre deux
spécifications si le respect de l’une entraîne un impact positif sur l’autre et une corrélation
négative entre les deux lorsque le respect de l’un entraîne un impact négatif sur l’autre.
L’impact est dit positif si l’effet observé va dans le même sens que l’effet désiré.
Une corrélation négative indique la présence d’un compromis. Lors de la phase de
raffinement de solution, l’équipe devra alors prendre une décision sur quel attribut satisfaire.
Les membres de l’équipe favoriseront les options qui satisfont les attributs dont le facteur
d’importance est le plus élevé et les spécifications techniques dont le poids est le plus
grand.

Exemples de synergies et de compromis

Lors de la conception d’une porte de voiture, nous cherchons (effet désiré)


entre autre à :
 maximiser la réduction de bruit dans l’habitacle,
 maximiser la résistance à la pénétration d’eau,
 minimiser la force nécessaire pour fermer la porte,
 minimiser la force nécessaire pour ouvrir la porte.

Exemple 1
Si nous augmentons la réduction de bruit dans l’habitacle, la résistance à la
pénétration d’eau se trouvera également augmentée (effet observé va dans le
même sens que l’effet désiré) donc la corrélation est positive (synergie).

Exemple 2
Si nous augmentons la réduction de bruit dans l’habitacle, nous augmenterons
la force nécessaire pour fermer la porte (effet observé va dans le sens contraire
à l’effet désiré) donc la corrélation est négative (compromis).

Exemple 3
Une augmentation de la réduction de bruit dans l’habitacle n’a aucun effet sur
la force nécessaire pour ouvrir la porte. Il n’y a donc pas de corrélation.
Analyse du problème 2.9

Étape e) Analyser la maison


Félicitations, après de longues discussions, votre équipe a développé une vision commune du
problème, vision capturée par la première maison de la qualité. Qu’allez-vous faire de cette
information? Nous vous suggérons premièrement d’en vérifier la cohérence, de réviser les cibles
que vous vous êtes fixées puis d’identifier les compromis.
e.1) Vérifier la cohérence de l’information contenue dans la maison de la qualité. Posez-vous les
questions suivantes :
L’importance calculée pour les spécifications reflète-t-elle l’importance accordée par le
client aux attributs? Si ce n’est pas le cas, pourquoi? Y a-t-il lieu d’apporter des corrections
aux concordances?
Les corrélations établies dans le toit se reflètent-elles au niveau du signe des
concordances? Si ce n’est pas le cas, pourquoi? Y a-t-il lieu d’apporter des corrections?
e.2) Réviser les cibles. Rappelons que les caractéristiques techniques constituent des objectifs
que la solution devrait atteindre. Ces objectifs sont-ils trop ambitieux? Portez une attention
particulière aux spécifications pour lesquelles la différence est grande entre le facteur
d’importance calculé avec la valeur algébrique de la concordance et celui calculé avec la
valeur absolue. C’est le cas de la spécification 2 dans la Figure 2.4. À trop vouloir
augmenter la valeur de la spécification 2 afin de satisfaire l’attribut 2, on nuit à l’atteinte de
l’attribut 4. Il y aurait peut-être lieu de revoir la cible pour la spécification 2.
e.3) Identifier les compromis. Examinez le toit de la maison et repérez les compromis que vous
devrez réaliser. Ils sont identifiés par une corrélation négative. En général, vous devriez
privilégier la spécification ayant le facteur d’importance plus élevé. Repérez également les
synergies entre spécifications, elles sont identifiables grâce aux corrélations positives.

Étape f) Établir un barème d’évaluation pour chaque spécification technique


Lorsque vous aurez terminé l’analyse du problème et consigné toutes les données dans le cahier
des charges, vous entamerez la phase de recherche de solutions. À l’issu de cet exercice, vous
devrez choisir parmi 5, 10, 20 alternatives ou même plus. Afin de rendre le processus de décision
le plus objectif possible, vous devez établir des critères de sélection. L’atteinte des objectifs de
conception concrétisés par les spécifications techniques forme la base de ces critères.
Le barème retenu reflète le degré d’atteinte d’un objectif. Nous suggérons d’utiliser un barème
avec un nombre pair de niveaux, de 0 à 3 par exemple, la cote 0 indiquant que la solution ne
satisfait pas du tout le critère, tandis qu’un 3 est accordé lorsque l’objectif est atteint ou même
dépassé. Un nombre pair de niveaux ne permet pas à l’évaluateur d’adopter une position neutre
(objectif moyennement atteint) mais l’oblige à prendre position.
Les figures 2.5 et 2.6 présentent respectivement quelques exemples de barèmes pour des
spécifications techniques quantitatives et qualitatives.
Analyse du problème 2.10

Caractéristique Cible Cote Barème

Temps () 8s 3 t8s


2 6st<8s
1 4 st<6s
0 t<4s

Vitesse () 275 km/h 3 V  275 km/h


2 200 km/h  V < 275 km/h
1 125 km/h  V < 200 km/h
0 V < 125 km/h

Masse () 35 kg 3 M  35 kg
2 35 kg < M  50 kg
1 50 kg < M  65 kg
0 M > 65 kg

Figure 2.5 Exemples de barèmes pour des spécifications quantitatives

Caractéristique Cote Barème

Risque de blessure () 3 Pratiquement nul


2 Faible
1 Moyen
0 Élevé

Esthétique () 3 Très beau


2 Beau
1 Laid
0 Très laid

Figure 2.6 Exemples de barèmes pour des spécifications qualitatives

2.5 Conclusion
La phase d’analyse du problème résulte en la rédaction d’un cahier des charges, document où sont
consignées toutes les données nécessaires à l’élaboration d’une solution adéquate aux besoins et
attentes exprimés par les clients, externes et internes, et aux contraintes imposées par les
organismes de normalisation. Malheureusement, le cahier des charges est souvent trop vague et les
données sujettes à interprétation, résultant en un produit qui ne satisfait pas le client.
Nous avons présenté ici une procédure en six étapes qui a pour but de cerner aussi complètement
que possible le problème. Elle permet également de préparer le terrain en vue de la sélection de la
solution jugée la meilleure parmi toutes les solutions qui seront élaborées ultérieurement. En
établissant les critères de sélection avant que les solutions ne soient produites, nous diminuons la
possibilité de privilégier inconsciemment une solution plutôt qu’une autre. En effet, la tentation est
grande de biaiser les critères de sélection lorsque les solutions sont connues et que nous désirons en
privilégier une au détriment des autres.
Analyse du problème 2.11

La procédure est fondée sur l’élaboration de la première maison de la qualité, étape initiale du
déploiement de la fonction qualité. Cette méthode aspire à conserver la « voix du client » depuis la
définition des besoins jusqu’à la planification de la production.

2.6 Références
Cohen, L. (1995). Quality function Deployment. How to make QFD work for you. Reading,
Massachusetts: Addison-Wesley Publishing Co., Engineering process improvement series.
Cross, N. (1994). Engineering design methods – strategies for product design. Chichester: John Wiley
and Sons, 2e édition.
Doré, S. et Basque, J. (1998). Influence de l’ingénierie sur le design pédagogique. Télé-université et
École de technologie supérieure.
Floyd, T.D., Levy, S. et Wolfman, A.B. (1993) Winning the Product Development Battle, IEEE
Engineers Guide to Business series, B. Coburn, ed. New York: The Institute of Electrical and
Electronics Engineers Inc.
King, B. (1989). Better Designs in Half the Time. Implementing QFD (Quality Function Deployment) in
America. 3e édition, Methuen, Ma : GOAL/QPC.
Ulrich, K.T. et Eppinger, S. D. (1995). Product design and development. New York : McGraw-Hill Inc.
Youssef, A.Y. et Beauchamp, Y. (1992) Le déploiement de la fonction qualité : l’ingénierie à l’écoute
du client. Qualité totale, 13(3), pp 19-22.
Analyse du problème 2.12

Exemple d’application de la méthodologie1 – Cahier des charges


Description du produit
Le produit à concevoir est un véhicule qui traverse un couloir dont les dimensions sont illustrées à la
figure suivante. Le véhicule doit circuler sous trois haies tout en faisant passer obligatoirement une
seule et unique balle de squash par-dessus chacune des haies sans jamais toucher au sol. La balle
doit se retrouver dans le véhicule sous le niveau des haies avant et après chaque haie. Le véhicule
gagnant est celui qui franchit la ligne d’arrivée le plus rapidement possible.

Besoins2 (attributs client)


 Le véhicule est rapide.
 Remarque : La vitesse maximale instantanée n’est pas nécessairement importante, mais c’est
plutôt la vitesse moyenne du véhicule entre les lignes de départ et d’arrivée qu’on
cherche à maximiser. Puisque la distance entre ces lignes est constante, c’est
alors le temps écoulé entre les moments où le véhicule franchit les lignes de
départ et d’arrivée qui servira de spécification technique à minimiser.
 Spécification technique quantitative : Temps de parcours (), 3 secondes

1
À la fin de chaque chapitre, un exemple d’application de la méthodologie est traité. Il s’agit d’une adaptation du « Défi
génie inventif 2006 », une compétition destinée aux étudiants québécois de niveau secondaire. Généralement, ces jeunes
utilisent une approche par prototypage (ou encore dite par essais et erreurs) pour fabriquer et modifier séquentiellement
leur produit jusqu’à ce que ce dernier offre les performances souhaitées. Même si le défi a été proposé à des jeunes du
niveau secondaire, nous l’utiliserons ici pour illustrer, de façon relativement simple, comment une approche analytique de
méthodologie de développement de produits peut être exploitée pour la conception d’un nouveau produit.
2
Il est à noter que certains besoins tels la facilité de fabrication et l’ajustabilité n’ont jamais été explicitement définis dans
la description du problème. Ils ont été apportés par l’équipe de conception. De plus, certains autres besoins comme
l’esthétique auraient été considérés si le produit avait été ultimement destiné à la vente.
Analyse du problème 2.13

 Le véhicule est prévisible.


 Remarque : On cherche ici à avoir un véhicule ayant la capacité de lancer la balle par dessus
une haie et à la rattraper pratiquement à tout coup. Si un véhicule n’est pas en
mesure de réaliser ces deux actions, on dira qu’une défaillance est survenue et le
véhicule est alors disqualifié.
 Spécification technique qualitative : Risque de défaillance ()

 Le véhicule est facile à fabriquer.


 Remarque : Même si le nombre de pièces ne reflète pas nécessairement la facilité de
fabrication et d’assemblage d’un produit, cette spécification technique est
néanmoins employée. En effet, de façon générale, plus il y a de pièces, plus un
produit est complexe à fabriquer. Le nombre de pièces comptabilisées n’inclut pas
les éléments de fixation (vis, écrou, joints collés, etc.) et les fils électriques.
 Spécification technique quantitative : Nombre de pièces (), 15 pièces

 Le véhicule est ajustable.


 Remarque : Il est avantageux de pouvoir faire des ajustements une fois le véhicule fabriqué
afin de maximiser les chances de trouver une configuration fonctionnelle, et cela
sans qu’on ait à perdre du temps dans la fabrication d’autres véhicules. Cela est
souhaitable car il est fort probable que le prototype fabriqué ne réussisse pas le
mandat au premier essai. Un ajustement peut être la masse du véhicule, la
position ou l’angle d’une composante, etc.
 Spécification technique quantitative : Nombre d’ajustements (), 3 ajustements

Restrictions
 Le véhicule assemblé doit entrer dans une boîte de 50 cm x 50 cm x 50 cm.
 Une seule pile 9 V est permise si l’électricité est employée pour alimenter certaines composantes
du véhicule.
 Personne ne peut intervenir dans le fonctionnement du véhicule une fois la ligne de départ
franchie.
 Aucune pièce de jeu de construction commerciaux (Lego, K’nex, etc.) n’est autorisée.
 Seulement des outils manuels (scie, perceuse, etc.) peuvent être employés pour fabriquer le
véhicule.
 La balle ne peut toucher au sol en aucun temps.
 Le coût total du véhicule ne doit pas excéder 50 $.
Analyse du problème 2.14

Maison de la qualité

_ +_

Nombre d'ajustements
Risque de défaillance
Temps de parcours

Nombre de pièces
Le véhicule est ...
Fonctionnement rapide 5 5
prévisible 5 -3 5 1
facile à fabriquer 2 5 -3
Fabrication ajustable 3 5

3 ajust.
20 pcs
5s
Importance algébrique 10 25 10 14
Importance absolue 40 25 10 26

Barèmes d’évaluation
Caractéristique Cible Cote Barème
3 tp ≤ 5
Temps de parcours () 5s 2 5 < tp ≤ 15
1 15 < tp ≤ 25
0 tp > 25
3 Très faible
Risque de défaillance () 2 Faible
1 Moyen
0 Élevé
3 np ≤ 20
Nombre de pièces () 20 pièces 2 20 < np ≤ 35
1 35 < np ≤ 50
0 np > 50
3 na ≥ 3
Nombre d’ajustements () 3 ajustements 2 na = 2
1 na = 1
0 na = 0
Chapitre 3

Recherche de solutions (créativité)

3.1 Introduction
Tout au long de sa carrière, l’ingénieur doit trouver des solutions innovatrices à des nouveaux
problèmes de type ouvert et souvent vaguement définis. De plus, une des caractéristiques
importantes de la profession d’ingénieur est l’innovation technologique et la recherche constante des
idées nouvelles pour développer de nouveaux produits ou améliorer les produits existants.
La recherche de solutions devient donc l’étape la plus intéressante dans la méthodologie du design
présentée plus tôt durant le cours.
Ce chapitre a comme objectifs de :
 faire un rappel au processus de résolution de problème,
 présenter les particularités du modèle créatif,
 faire l’inventaire des approches fondamentales utilisées pour la production d’idées, et
 présenter en détail le remue-méninges comme outil principal de créativité.
Après avoir décrit brièvement les approches et les techniques développées et raffinées par plusieurs
auteurs au sujet de la créativité, un inventaire de divers outils sera dressé. Nous décrirons avec plus
de détails et à travers plusieurs exercices pratiques le remue-méninges comme outil utilisé
fréquemment pour la recherche de solutions ou la production d’idées.

3.2 Pourquoi la créativité?


L’amélioration continue des produits et services est devenue un des principaux objectifs des
entreprises dites de classe mondiale. Mais pour prendre les devants et dépasser les concurrents
dans un marché sans frontière et de plus en plus compétitif, les organisations innovatrices doivent
constamment produire et mettre en application des idées nouvelles et souvent « révolutionnaires ».
Ces idées nouvelles sont l’œuvre des gens créatifs que les entreprises comptent souvent dans leurs
rangs.
Les spécialistes de comportement organisationnel ont observé que lorsque le personnel de recherche
et de développement ainsi que la plupart des ingénieurs s’emploient à produire des idées, ils ont
tendance à utiliser davantage leur capacité de raisonnement logique et rationnel que leur imagination
et leur créativité. On blâme souvent notre approche traditionnelle à l’éducation qui nous amène à
réagir de cette façon.
Par ailleurs, ceux qui ont tendance à la créativité le font de façon spontanée ou naturelle. Il y a donc
une grande place à exploiter le potentiel créatif du personnel en utilisant des outils et une approche
structurée pour favoriser le développement des idées en vue de :
 développer de nouveaux produits ou service,
 réduire les coûts et le gaspillage,
 résoudre les plaintes chroniques des clients,
Recherche de solutions (créativité) 3.2

 développer de nouveaux procédés ou améliorer ceux qui existent,


 réduire le temps de cycle et améliorer la productivité,
 porter des solutions durables aux problèmes de santé et sécurité au travail,
 etc.

3.2.1 Les « paradigmes » de la créativité


Les anciens mythes enracinés dans la pensée des gens nous ont souvent laissés sous
l’impression que :
 très peu de gens sont créatifs,
 les idées innovatrices sont nécessaires seulement dans l’élaboration des
stratégies de l’entreprise,
 les ingénieurs sont les seuls responsables à être appelés pour régler les
problèmes majeurs de la production ou le service à la clientèle,
 nous devons engager des consultants ou des spécialistes pour amener à
l’organisation les nouveautés du marché et des idées nouvelles pour les produits.
Cette approche ne fonctionne plus aujourd’hui car les changements majeurs sont vécus à
un rythme très accéléré. L’ancienne approche à la créativité ne suffit plus pour garder les
entreprises à l’affût des besoins constamment changeants du marché.

3.2.2 La nouvelle approche à la créativité


 Les percées inédites (breakthroughs) sont essentielles dans chaque fonction d’une
entreprise compétitive.
 Il est vrai qu’on aura toujours besoin de spécialistes, ingénieurs ou consultants, mais
l’organisation doit utiliser le potentiel créatif des ressources humaines qu’elle possède
déjà pour multiplier le développement des nouvelles idées face aux défis quotidiens.
 On doit former et impliquer tout le personnel de l’organisation à la démarche de résolution
de problème et aux outils de la créativité.

3.3 La démarche de créativité et ses outils


Afin de maximiser le rendement de l’équipe lors de la phase critique de recherche de solutions (ou
d’idées), nous vous proposons une démarche structurée en 5 étapes avec les outils appropriés à
utiliser.
a. Stimuler les participants
Cette étape vise à créer un environnement propice à la production des idées. Il s’agit de
réchauffer les participants afin de les sortir de leur contexte habituel. Tout d’abord on doit
dépayser les participants (casser la glace), se donner les règles de jeu et partir en action.
b. Formuler le besoin
On vise à énoncer le besoin de façon claire et précise. Les participants doivent connaître et
analyser les besoins et les fonctions de l’objet à développer.
Recherche de solutions (créativité) 3.3

c. Produire des solutions / des idées


C’est l’étape où le groupe doit faire preuve d’esprit créatif et innovateur. L’objectif est de produire
le plus d’idées ou de solutions possibles, et ce en gardant le cap sur les besoins formulés
précédemment. Les approches et les outils mis en application sont présentés à la section 3.4.
d. Faire un tri, catégoriser et enrichir les idées
Lors de cette étape on met de l’ordre dans le fouillis des idées produites, en éliminant celles qui
n’ont rien à voir avec le problème identique et en travaillant à les rendre plus pratiques et
applicables.
e. Évaluer les solutions
On vise à choisir LA solution gagnante qui répond le mieux à vos objectifs et à vos critères
d’évaluation établis précédemment. À l’aide d’une grille d’évaluation (voir chapitre suivant), on
sélectionne les solutions les plus pertinentes et les plus prometteuses. On fait aussi un choix de 2
ou 3 solutions à élaborer en vue de faire l’étude de praticabilité.

3.4 Les outils de recherche de solutions


Les outils créatifs de production de solutions ou d’idées peuvent être classés dans trois grandes
approches fondamentales. Chacune de ces approches est basée sur un mode de pensée différent.
Voici les trois approches et les outils associés :
a. L’approche associative
Fondée sur l’association d’idées pour faciliter la production d’un grand nombre d’idées. Cette
approche comporte les outils suivants :
 le remue-méninges verbal* sous différentes formes
 le remue-méninges écrit*
 l’analyse défectuologique*
 le concassage*

b. L’approche combinatoire
Cette approche est comparable à la personne qui est absorbée par son problème sans pouvoir
s’en dégager, au point où elle lui associe chacun des éléments qui entre, au hasard, dans le
champ de son attention. Les participants à la réunion examinent les problèmes et leurs solutions,
sous un même angle et en même temps.
Les outils utilisés sont :
 les relations forcées
 les matrices de découverte
 le remue-méninges imaginaire
 les 6 chapeaux de « de Bono »
Recherche de solutions (créativité) 3.4

c. L’approche analogique
Cette dernière approche est basée sur la ressemblance ou l’analogie qui existe entre des
situations existantes dans les univers différents. Voici quelques exemples :
 Un objectif photo ressemble à un œil, son diaphragme se compare à la pupille de l’œil
 Le bouton poussoir d’une perceuse sans fil ressemble à la gâchette d’un pistolet
 Le roulement à rotule ressemble à l’articulation du poignet ou du genou, etc.
Les personnes créatives faisant appel à cette approche sont reconnues pour leur grande capacité
visuelle de mémoriser des objets et des événements et de les mettre à profit ultérieurement.
Ici les techniques sont :
 L’analogie directe
 L’analogie symbolique
 La stimulation pour l’image
 La négation systématique

3.5 Les caractéristiques d’une personne créative


Les recherches du psychologue américain J.-P. Guilford (1950) l’ont amené à identifier les cinq
caractéristiques d’une personne possédant « une grande dose de créativité », ce sont :
a. Une sensibilité générale aux problèmes
Certaines personnes ont un sens des problèmes; elles savent reconnaître les choses qui ne vont
pas, les éléments qui clochent, les besoins humains qui peuvent être mieux satisfaits. Elles
croient aussi que tout peut être amélioré si on s’en donne la peine.
b. La fluidité de pensée
C’est la fertilité mentale ou l’aptitude à produire rapidement beaucoup d’idées sur le même sujet.
On peut distinguer 4 sous-catégories :
 la fluidité verbale (produire beaucoup de mots à partir d’une lettre ou d’une syllabe);
 la fluidité d’association (trouver, en un laps de temps donné, le plus de synonymes
possibles à un mot donné);
 la fluidité d’expression (combiner des mots pour former une phrase correcte);
 la fluidité d’idées (produire un maximum d’idées de solutions à un problème donné, dans
un temps donné).
Ce qui importe dans tous les cas, c’est la quantité des idées produites.
c. La flexibilité de pensée
C’est l’aptitude à sortir des sentiers battus, à prendre successivement plusieurs directions
différentes. Par exemple, à quoi ressemble une tranche de citron?… Dans le domaine
théâtral?… musical?… automobile?… biologique?… informatique?… C’est rompre avec les
points de vue habituels pour en explorer de nouveaux. Les enfants sont souvent capables de
nous étonner avec ce mode de pensée.
d. L’originalité de pensée
C’est la capacité de produire des idées uniques, inédites par rapport à un groupe de référence.
On peut l’associer à la capacité à redéfinir un ensemble de relations entre des éléments donnés.
« On n’a jamais vu ça », est une réaction typique face à l’originalité.
Recherche de solutions (créativité) 3.5

e. L’élaboration des solutions


C’est la capacité de combiner deux ou plusieurs solutions pour élaborer un objet complexe et
utile. C’est aussi la capacité à enjoliver une solution donnée, à lui apporter des éléments
complémentaires, « une belle finition ».

3.6 Pour créer un environnement favorable à la créativité


Certaines attitudes peuvent favoriser ou inhiber l’expression du potentiel créateur résidant dans
chacun de nous. Voici quelques attitudes positives à adopter par les membres de l’équipe pour
développer le maximum d’idées novatrices :
a. L’ouverture d’esprit
S’exprime par une disponibilité envers les idées des autres, le goût d’en savoir plus, le besoin
d’écouter sans juger pour mieux comprendre, les questions de clarification sans condamnation
implicite. A priori, on pense qu’il y a quelque chose de bon dans ce qui est exprimé; c’est le
contentement par opposition au mécontentement; l’exploration par opposition à la condamnation.
b. La spontanéité
L’expression spontanée est une condition essentielle pour se surprendre soi-même et exprimer
notre nature véritable; elle fait appel à notre confiance en nous-même.
c. Le goût de jouer
Le goût de jouer est fondamental dans la production d’idées créatives; il inhibe la crainte du
ridicule et favorise l’exploration de l’inconnu; quand avez-vous fait votre dernier château de
sable ?…
d. La tolérance à l’ambiguïté
Cette attitude se manifeste par de la souplesse vis-à-vis les contradictions apparentes ou réelles.
Elle se caractérise aussi par la suspension du jugement critique et l’expression d’un jugement
hâtif.
e. Le sens de l’humour
Cette capacité de rire et de ne pas se prendre trop au sérieux est fondamentale pour garder une
certaine souplesse d’esprit et la jeunesse du cœur…

Par contre voici quelques attitudes qui peuvent empêcher l’expression du potentiel créateur de
l’individu :
a. Le conformisme
Éviter de se distinguer du groupe pour ne pas irriter les susceptibilités et garder son jugement
personnel pour soi-même. Cette attitude ne favorise pas la recherche et l’expression de
l’originalité.
b. La rigidité de la pensée
C’est notre mode de pensée rationnel qui nous conduit à croire, faussement, qu’il n’existe qu’une
et une seule bonne réponse à un problème; rigidité dans la pensée, dans les normes et dans le
comportement. C’est l’exemple de l’organisation qui encadre son personnel de façon stricte et
qui, en même temps, lui demande d’innover …
c. La crainte du ridicule
Recherche de solutions (créativité) 3.6

Le fameux « Qu’en dira-t-on ? »; la peur de faire rire de soi-même et de perdre sa notoriété, son
prestige personnel qui nous conduit à ne plus prendre de risque non calculé.
d. Le jugement hâtif
« Es-tu fou ? », « Ça n’a pas de sens ! », « On l’a déjà essayé … », « Ça ne marchera pas »,
etc…

3.7 Les règles à suivre en atelier de créativité


Pour assurer le fonctionnement harmonieux et productif de l’équipe lors des réunions de recherche de
solutions, les membres doivent saisir et appliquer les règles suivantes :
a. Produire le plus grand nombre possible d’idées
C’est un principe de base de la créativité : la quantité amène inévitablement la qualité.
Encourager la profusion de solutions et maintenir un rythme rapide car la vitesse stimule la
spontanéité, donc la production d’idées.
b. Suspendre le jugement critique
La critique de l’idée du voisin a souvent pour effet de l’inhiber et peut-être de le freiner jusqu’à la
fin de l’exercice. Les idées les plus folles, étranges, farfelues, drôles, « pas possibles », bizarres,
très ordinaires, complètement sautées sont les bienvenues. Dans la nouveauté, l’originalité, il y a
toujours quelque chose d’intéressant à explorer : l’inconnu, l’inédit et le jamais vu. Ces idées
méritent donc non seulement qu’on s’y arrête pour les creuser, mais surtout, qu’on encourage
leur expression.
c. Faire du pouce sur les idées des autres
C’est la règle la plus importante à respecter. L’application de cette règle permet aux membres de
cesser d’être en compétition les uns avec les autres et développe une complémentarité
interpersonnelle qui favorise la multiplication des idées. On doit se rappeler que les grandes
découvertes sont le fruit d’association ou de transposition d’idées complètement étrangères au
sujet premier. De plus, les membres doivent se rappeler que toute idée émise appartient
dorénavant à l’équipe et non à la personne qui l’a émise.
Il est à noter que les règles mentionnées ci-dessus permettent d’augmenter, d’une façon très
significative, la productivité de l’équipe lors de la séance de recherche de solutions. Leur application
permet aussi de faire une distinction claire entre la phase de production d’idées et celle d’évaluation
et du raffinement des solutions produites.

3.8 Le remue-méninges (« brainstorming ») dit classique ou verbal


Cette technique de créativité a été développée par l’américain Alex Osborn dans les années 1940.
L’application des règles énumérées ci-haut permet aux membres de l’équipe d’établir un climat de
groupe favorisant l’expression du potentiel créateur de chacun d’entre eux. Cette méthode facilite la
production de plus d’idées possible autour d’un sujet défini et ce, dans un laps de temps relativement
court, d’où son côté un peu spectaculaire pour les individus qui l’appliquent pour la première fois.

Rappelons que le remue-méninges est une technique utilisée dans une des phases de la
méthodologie de design. Il ne permet pas à lui seul la résolution de problèmes. Une fois la séance de
remue-méninges terminée, les membres de l’équipe se trouvent devant une grande quantité d’idées
écrites qu’ils doivent classer, raffiner, combiner ou modifier pour trouver des solutions pratiques et
applicables à leur projet.
Recherche de solutions (créativité) 3.7

3.9 Le déroulement du remue-méninges

3.9.1 La préparation au remue-méninges


Pour maximiser le rendement de l’équipe lors de cette étape importante de votre projet,
chaque membre doit avoir investi du temps afin d’arriver à la séance du remue-méninges
avec une liste d’idées ou de solutions concernant le sujet traité. À cette étape, vous avez
déjà une définition claire du problème. Il est souvent très utile de décomposer le problème
en plusieurs éléments et de rechercher des solutions pour chacun de ces éléments.
Ce remue-méninges individuel vous permet d’arriver à la réunion de l’équipe avec une
liste d’idées qui constitue souvent le coup d’envoie du travail collectif de recherche de
solutions.

3.9.2 La conduite du remue-méninges


Une séance de remue-méninges efficace et fertile en rebondissements doit se dérouler de
la façon suivante.
a. Nomination d’un animateur et d’un secrétaire.
Ce dernier a un rôle important à jouer car c’est lui qui doit prendre note et consigner
toutes les idées émises au fur et à mesure qu’elles émergent. Une personne ayant « la
plume facile », elle doit être en mesure de reproduire les idées de solution telles que
proposées par les membres de l’équipe et ce sous forme écrite ou schématique.
b. Rappel des objectifs et des règles de la réunion.
Avant de lancer le groupe du remue-méninges collectif, l’animateur doit, dans l’ordre :
 Rappeler le problème et le situer dans son contexte. Une définition succincte du
problème doit être écrite et mise clairement à la vue de tout le monde.
 S’assurer que tous les membres comprennent le sujet quitte à changer des mots ou à
modifier la définition du problème.
 Rappeler les règles du jeu à suivre rigoureusement durant la séance (section 3.7).
c. Faire un réchauffement
Comme tout exercice suppose une activité de mise en forme, il est fortement
recommandé que l’animateur procède à un réchauffement afin de stimuler l’imagination
des membres et briser la glace. Afin d’inspirer rapidement des idées aux participants,
l’animateur peut proposer des sujets simples mais n’ayant aucun lien avec le problème
traité. À titre d’exemple :
 comment faire pour réduire la congestion des ponts et des autoroutes de Montréal ?
 ce qu’on doit inclure dans votre boîte à lunch.
 des idées pour améliorer une brosse à dents.
 dessiner une image qui vous vient à l’esprit pour des vacances idéales.

d. Production des idées


Deux méthodes peuvent être employées ici :
 La méthode structurée :
L’animateur procède à un tour de table où chaque membre doit présenter en quelques
secondes une idée à la fois. Dans les premiers tours de table l’animateur peut inciter
les membres qui n’ont pas d’idées à se forcer un peu et les encourager à « se creuser
Recherche de solutions (créativité) 3.8

les méninges ». On ne doit cependant pas incommoder les membres n’ayant pas
d’idées en leur permettant de passer leur tour.
 La méthode non structurée :
Le participant ayant une idée à l’esprit peut demander la parole. L’animateur lui laissera
la parole aussitôt. Cette méthode permet aux membres « plus créatifs » de présenter le
plus de solutions possibles sans être obligés d’attendre leur tour. De plus, on peut faire
du pouce sur les idées qu’on vient de pondre, ce qui permet de multiplier le nombre
des idées produites.

Il est recommandé de faire l’étape de recherche d’idées en plusieurs cycles de 10 à 15


minutes chacun. Au début, les idées viennent en rafale. Tel qu’illustré à la figure 4.1,
avec le temps, les membres commencent à manquer d’inspiration et on arrive à des
moments de silence (ou des points morts) de la séance. C’est à ces moments que
l’animateur doit intervenir en accordant une période de réflexion pour pouvoir entamer
un nouveau cycle.

Il y a-t-il d'autres
moyens.

Peut-on exploiter
telle solution
Hé ! Les Einstein

Merci

Temps

Figure 4.1 Les cycles du remue-méninges classique.

La technique du « concassage » est souvent utilisée pour relancer le processus de


recherche d’idées après un temps mort. Le tableau 4.1 dresse une liste de questions à
poser pour stimuler la créativité du groupe.

e. Faire un tri et catégoriser les idées.


Le rôle du secrétaire devient important à cette étape car on doit :
 réviser les idées exprimées par écrit ou dessinées, et les clarifier,
 éliminer la redondance mais en faisant attention aux différences subtiles dans les
idées,
 éliminer les idées qui n’ont rien à voir avec les problèmes traités,
 classer ensemble les idées qui ont un lien de parenté (diagramme d’affinité),
 faire un consensus sur les idées qui méritent d’être retenues et examinées en détails
plus tard,
 associer un nom qui décrit chaque solution de façon succincte.
Recherche de solutions (créativité) 3.9

Quels autres usages? De nouveaux usages pour s’en servi tel quel? D’autres usages par
modification?

Adapter? Qu’est-ce qui ressemble à ceci? Quelles autres idées cela suggère-t-il? Le
passé nous offre-t-il des analogies? Que pourrais-je copier? Que pourrais-je utiliser comme
source d’émulation?

Modifier? Lui donner une nouvelle forme? En changer la destination, la couleur, le


mouvement, le son, l’odeur, la forme, l’aspect? Faire d’autres changements?

Agrandir? Que peut-on y ajouter? Doit-on y consacrer plus de temps? Doit-on en


augmenter la fréquence? Le rendre plus résistant? Plus haut? Plus long? Plus épais? Y
ajouter une valeur supplémentaire? Augmenter le nombre d’ingrédients? Le dédoubler? Le
multiplier? L’exagérer?

Diminuer? Que peut-on soustraire? Doit-on le rendre plus petit? Plus compact? Miniature?
Plus bas? Plus court? Plus léger? Que peut-on en supprimer? Comment le rendre plus
aérodynamique? Comment le diviser en pièces? Comment le déclasser?

Substituer? Qui mettre à la place? Que mettre à la place? Quels autres ingrédients de
remplacement? Quels autres matériaux, autres procédés, autre source d’énergie, autre
endroit? Autre façon de le résoudre? Autre ton de voix?

Réarranger? En interchanger les composants? En établir d’autres modèles? En disposer


les éléments dans un ordre différent? En changer la séquence? Intervertir la cause et
l’effet? En changer l’allure? En changer l’horaire?

Renverser? Transposer le positif et le négatif? En considérer l’opposé? Le retourner? Le


mettre la tête en bas? Renverser les rôles? Changer les positions des personnages? Et si
nous en changions l’ordre de déroulement? Et si nous en présentions une autre face?

Combiner? Pourquoi ne pas essayer un mélange, un alliage, un assortiment, un ensemble?


Ou combiner des unités? Des buts? Des attraits? Des idées?

Tableau 4.1 Questions utiles pour le concassage

3.10 D’autres techniques de créativité

3.10.1 Le brainwriting
Le « brainwriting » ou remue-méninges écrit est une des variables du remue-méninges. Il
a l’avantage de favoriser la production et la consignation des idées par écrit, dans le
silence. Cet outil peut donc être utilisé lors des travaux préparatifs à la séance du remue-
méninges
Le remue-méninges écrit permet une bonne concentration sur le sujet traité et se pratique
seul ou en groupe.
Recherche de solutions (créativité) 3.10

3.10.2 Le remue-méninges visuel


Une autre variante du remue-méninges est le remue-méninges visuel. Comme futurs
ingénieurs, vous devez maîtriser l’art d’exprimer facilement et efficacement vos idées en
utilisant des schémas simples, claires et faciles à interpréter. Il serait donc préférable pour
vous de développer vos solutions sous forme de dessins ou de croquis simples qui
permettent aux autres membres de visualiser et mieux comprendre la solution proposée.

3.10.3 L’analyse défectuologique


Le sujet de votre projet de session consiste essentiellement à développer un produit pour
répondre à un besoin spécifique et bien exprimé. Votre analyse des besoins vous a
sûrement permis d’identifier les défauts ou les difficultés d’utilisation des produits
actuellement sur le marché. Vous avez vu les situations frustrantes où on se dit que telle
ou telle amélioration serait souhaitée par les utilisateurs.
C’est dans ce genre de situation que l’analyse défectuologique s’avère utile. Cette analyse
se fait dans deux phases :
a. En premier lieu, il s’agit d’identifier tous les défauts possibles et toutes les insatisfactions
suscitées par l’utilisation du produit. Les commentaires des utilisateurs ainsi que vos
observations personnelles peuvent être utiles à cette phase.
b. Par la suite, on dresse une liste de toutes les améliorations (utiliser le brainstroming ici!)
qu’on peut apporter à chacun des défauts identifiés.

3.11 Conclusion
Il est souvent dit que créer, s’est souvent 10% d’inspiration et 90% de transpiration! On ne doit pas
donc être seulement très créatif. Il faut créer un environnement propice pour que tous les membres de
l’équipe participent pleinement à cet exercice. C’est un départ d’avoir le don de proposer de multiples
solutions pour résoudre un problème bien identifié. Mais on ne doit pas s’arrêter là. Par la suite un
travail d’analyse, de classement et de tri doit s’effectuer pour finalement se retrouver avec deux ou
trois solutions pratiques et réalisables. L’étape suivante sera de choisir la meilleure solution à votre
problème. À vous de jouer !

3.12 Références

1. Ritter, D. et Brassard, M., « The Creative Tools Memory Jogger © », GOAL/QPC, 1998
2. Hydro Québec, « Créativité et innovations », Hydro Québec, Montréal, 1998.
3. Guillot, Y. « L’esprit créatif au service de la qualité total », Congrès annuel de l’Association
Québécoise de la Qualité », Québec, 1991.
4. Notes de cours 2.190 et MEC 100 de l’École Polytechnique de Montréal.
5. Cossette, C., « La créativité : une nouvelle façon d’entreprendre », Publications
Transcontinentales, Montréal, 1990.
6. deBono, E., « Six chapeaux pour penser », Inter Éditions, Paris, 1987.
7. Osborn, A., « L’imagination constructive », Dunod, Paris, 1971.
8. Plser, P.E., « Creativity, Innovation, and Quality » ASQ Press, Milwakee, 1997.
Recherche de solutions (créativité) 3.11

Exemple d’application de la méthodologie – Créativité


Les activités de créativité ont permit de produire une multitude de concepts dont les trois ayant le plus
de potentiel sont :

Concept 1 : Les membrures


Le véhicule est muni de quatre roues et d’un moteur électrique alimenté par une pile 9 V. Le moteur
transmet la puissance aux roues antérieures par des engrenages. Lorsqu’une haie entre en contact
avec le levier, ce dernier provoque la rotation de la catapulte par l’entremise de la membrure.
L’extrémité de la membrure C propulse alors la balle hors du véhicule dans un mouvement relatif
vertical. La balle passe alors par dessus la haie et retombe dans l’entonnoir pour attendre la
prochaine envolée.

Balle
Haie
Moteur

Engrenages Roue (4)

Entonnoir

Membrure
Levier Catapulte
Recherche de solutions (créativité) 3.12

Concept 2 : La came
Le véhicule est muni de quatre roues, d’un moteur électrique et d’une courroie de transmission qui
transmet la puissance du moteur aux roues postérieures pour faire avancer le véhicule à vitesse
constante. Quand le véhicule avance, les roues antérieures entraînent une came par l’entremise
d’une courroie de synchronisation. Le diamètre des roues antérieures et le rapport de vitesse de la
transmission de synchronisation permettent d’avoir exactement une rotation de la came pour chaque
mètre d’avancement du véhicule. Ainsi, à chaque mètre parcouru, la came tourne et fait pivoter le
levier autour du pivot jusqu’à ce que la « marche » dans le profil de la came oblige le ressort à
ramener abruptement le levier en position horizontale, ce qui projette verticalement la balle dans les
airs. Après avoir survolé la haie, la balle retombe dans l’entonnoir.

Ressort Balle
Haie
Came

Moteur
Courroie de
synchronisation

Levier Pivot Courroie de


transmission

Entonnoir
Recherche de solutions (créativité) 3.13

Concept 3 : Le solénoïde
Le véhicule à quatre roues est poussé à la main car la source d’alimentation électrique, une pile 9 V,
sert à alimenter un solénoïde. Quand le véhicule passe sous une haie, l’antenne métallique flexible se
déforme sous l’action de la haie jusqu’à ce qu’elle touche au contact. Le circuit électrique est alors
fermé et la pile fait circuler un courant électrique dans la bobine (enroulement de fil électrique). Un
champ magnétique est ainsi généré et le noyau d’acier qui constitue la tige du plateau est alors
propulsé vers le haut. Pendant que la balle est projetée dans les airs, le véhicule passe sous la haie,
l’antenne reprend sa forme initiale et le courant est coupé. La balle retombe finalement dans
l’entonnoir jusqu’à ce que la prochaine haie referme le circuit.
.
Contact
Pile Balle

Antenne

Haie Plateau
Noyau

Bobine

Entonnoir
Chapitre 4
Choix d’une solution

4.1 Introduction
Nous sommes maintenant rendus à la troisième phase du processus de développement de produit,
celle qui porte sur le choix d’une solution. En effet, nous avons déjà procédé aux phases d’analyse du
problème et de recherche de solutions. La phase de raffinement de solution est la plus onéreuse en
termes de ressources humaines et matérielles. Il serait beaucoup trop coûteux de déterminer la
meilleure solution en fabriquant des prototypes physiques puis en les testant. C’est pourquoi nous
devons prendre cette décision importante dès maintenant. Cependant, nous profiterons de la
puissance de la CAO pour développer des prototypes virtuels de chaque concept prometteur afin de
pouvoir estimer le plus précisément possible les performances de chacun d’eux.
Comment procéderons-nous pour faire ce choix ? Nous pourrions :
 choisir la première solution produite;
 nous fier à notre intuition et sélectionner la solution qui nous semble la meilleure;
 nous rallier à la décision d’un membre influent, celui-ci promouvant sa solution préférée;
 confier la décision à un groupe externe, des clients par exemple;
 dresser une liste des avantages et inconvénients de chaque solution et choisir par consensus;
 évaluer chaque solution à l’aide de critères pondérés et prédéfinis.
Pour des considérations d’objectivité et de coût, c’est la dernière solution que nous privilégions. À la
section 4.2, nous nous penchons sur le concept de la matrice de décision qui forme le cœur de la
méthode de décision que nous avons retenue. À la section 4.3, nous examinons les critères de
sélection et leur pondération. Les sections 4.4 et 4.5 sont consacrées respectivement au filtrage des
solutions puis à la sélection de la solution finale.

4.2 Concept de matrice de décision


Le concept de la méthode proposée, illustré à la Figure 4.1, est simple. Nous formons une matrice de
décision où les critères de sélection sont disposés dans la première colonne de la matrice, chaque
critère étant inscrit sur une nouvelle ligne. Chaque concept à être évalué forme une colonne.
Pour un concept donné, le barème d’évaluation élaboré lors de la phase d’analyse est appliqué à
chaque critère et le résultat inscrit vis-à-vis de la colonne et la ligne appropriées. Ainsi, la cellule (i,j)
contient le résultat du critère i appliqué au concept j.
Le pointage d’une solution est la somme des résultats pondérés. Il est calculé comme suit. Le résultat
obtenu est multiplié par le facteur de pondération de la ligne correspondante. Le pointage d’une
solution est tout simplement la somme de tous ces produits pour une colonne donnée.
Le rang est assigné une fois que le pointage pour chaque solution a été calculé. Le rang 1 est assigné
au concept ayant le pointage le plus élevé, le rang 2 à la solution ayant accumulé le deuxième plus
grand nombre de points, etc. Nous l’aurons deviné, le concept gagnant est celui qui obtient le rang 1.
La phase de choix d’un concept se déroule en deux étapes.
a) Si le nombre de solutions produites à la phase précédente est suffisamment grand, disons 8
concepts ou plus, nous commençons par un filtrage des solutions afin de ramener rapidement
leur nombre à 5 ou moins. Il s’agit d’une opération de débroussaillage.
Choix d’une solution 4.2

b) Une fois le nombre de solutions ramené à un niveau facilement manipulable, ou encore si le


nombre de solutions au départ est plus petit que 8, nous pouvons procéder à la sélection
finale.
La différence entre les deux étapes se situe principalement dans le type de matrice de décision et
dans le niveau de détail des critères d’évaluation.

Solutions
Critères Pondération Concept A Concept B Concept C Concept D Concept E …
Critère 1 P1 2 0 3
Critère 2 P2 1 2 1
Critère 3 P3 0 1
Critère 4 P4 3 3
Critère 5 P5 1 2
… … …
Pointage
Rang

Pointage : Somme des résultats pondérés pour un concept donné


Somme = (P12 + P21 + P30 + P43 + P51 + …)

Figure 4.1 Principe de la matrice de décision

4.3 Critères de sélection et pondération


Nous avons déployé un effort considérable lors de la phase d’analyse à traduire les attributs clients en
spécifications techniques. Grâce à l’établissement de concordances entre les attributs clients et les
spécifications techniques, nous avons été en mesure de calculer l’importance de chaque spécification
technique. Cette importance, combinée aux corrélations entre spécifications techniques qui forment le
toit de la maison de la qualité, nous ont guidés pour fixer des cibles ou objectifs quantifiés pour
chaque spécification. À leur tour, les cibles ont servi à établir un barème pour chaque spécification.
Notre effort sera récompensé en exploitant toutes ces données.
Nous utiliserons les spécifications techniques comme critères de sélection qui seront transcrites dans
la première colonne de la matrice de décision. Illustrons par un exemple. Supposons, tel qu’illustré à
la Figure 4.2, qu’un des critères pour la conception d’une porte d’automobile soit la facilité de
fermeture pour une personne située à l’extérieur de la voiture. Lors de la création de la maison de la
qualité, il fut établi que la concordance entre cet attribut et les caractéristiques techniques « Minimiser
l’énergie nécessaire pour fermer la porte » et « Minimiser la force nécessaire pour fermer la porte »
valaient respectivement 3 et 5.
Supposons également que plusieurs concepts de porte aient été élaborés et que l’équipe de
développement s’apprête à déterminer laquelle est la meilleure solution. Tel que le montre la Figure
4.3, une des cases de la première colonne de la matrice de décision contiendrait alors
l’énoncé « Force pour fermer».
Choix d’une solution 4.3

Énergie pour fermer

Force pour fermer


 
La porte … Imp.

est facile à fermer de l'extérieur 2 3 5


Facilité est facile à ouvrir de l'extérieur 3 1 1
reste ouverte dans une pente 4 -1 -3
est étanche à l'eau 5
Étanchéité
atténue les bruits de la route 2

Valeur 18 50
Unités J N
Facteur d'importance (valeur algébrique) 5 1
Facteur d'importance (valeur absolue) 13 25

Figure 4.2 Extrait de maison de la qualité pour une portière de voiture

Solutions
Critères Pondération Concept A Concept B Concept C Concept D
Critère 1 P1
Critère 2 P2
Force pour fermer 25
Critère 4 P4
Critère 5 P5
… … …
Pointage
Rang

Figure 4.3 Formulation des critères de sélection

Le facteur d’importance (en valeur absolue) calculé dans la maison de la qualité pour la
caractéristique technique constitue le facteur de pondération du critère de décision, également appelé
poids. Ainsi l’importance accordée à la spécification technique « Force pour fermer » qui prend la
valeur « 25 » dans la Figure 4.2, a été reportée dans la colonne intitulée « Pondération » de la Figure
4.3.
La capacité d’une solution à rencontrer un critère, c’est-à-dire son résultat, est établi grâce au barème
élaboré antérieurement.
Choix d’une solution 4.4

4.4 Filtrage des concepts


Les sous-étapes suivantes représentent l’étape de filtrage des concepts. La matrice de filtrage est
illustrée à la Figure 4.4.
a) Sélectionner les critères d’évaluation. Lors de l’étape de filtrage, nous n’utiliserons que les
critères les plus importants, soit entre 3 et 12 critères dépendant du nombre total de critères.
b) Choisir un concept de référence. Il peut s’agir d’une version précédente d’un produit, du produit
d’un compétiteur, de n’importe quel concept sous considération, etc. À chaque critère, le concept
de référence reçoit un résultat de 0.
c) Pour un concept donné, établir le résultat à chaque critère en comparant la performance du
concept à celle du concept de référence selon la règle suivante :
 si le concept sous étude obtient une meilleure performance que le concept de référence, lui
accorder « +1 »,
 si la performance est semblable, lui assigner « 0 »,
 si la performance est pire, lui donner « -1 ».
d) Recommencer l’étape c) pour chaque concept.
e) Calculer le pointage de chaque concept en additionnant les résultats pondérés contenus dans
chaque colonne.
f) Établir le rang de chaque concept.
g) Sélectionner les meilleurs concepts.

Solutions
Critères Pondération Concept A Concept B Concept C Concept D Concept E …
Critère 1 12 0 0 +1
Résultat:reflète la performance de ce
Critère 2 11 0 +1 +1 concept (Concept B) comparativement
Critère 3 9 0 +1 au concept de référence (Concept A) à
satisfaire un critère donné (Critère 2)
Critère 4 9 0 0
Critère 5 8 0 -1
… … …
Pointage 0 17
Rang

Pointage : Somme des résultats pondérés pour


un concept donné
17 = (120 + 111 + 91 + 90 + 8-1 + …)

Figure 4.4 Matrice de décision pour le filtrage des concepts

Il est fort possible qu’à ce stade-ci vous décidiez de développer de nouveaux concepts en combinant
les caractéristiques de différentes solutions ayant obtenu le résultat de +1. Après cette nouvelle
séance de production de solutions, reprenez le filtrage si cela s’avère nécessaire.
Choix d’une solution 4.5

4.5 Sélection finale


L’étape de sélection finale de la solution comporte également six sous-étapes. La matrice de décision
correspondante est illustrée à la Figure 4.5.
a) Reporter les critères d’évaluation dans la première colonne de matrice de décision finale.
b) Inscrire le poids des critères dans la colonne 2 de la matrice de décision.
c) Pour un concept donné, établir le résultat pour chaque critère en utilisant le barème adéquat.
Placer le résultat dans la cellule appropriée et recommencer pour chaque concept.
d) Calculer le pointage de chaque concept.
e) Établir le rang de chaque concept.
f) Choisir la meilleure solution.

Solutions
Critères Poids Concept A Concept B Concept C Concept D Concept E …
Critère 1 10 2 0 3 Résultat
Critère 2 15 1 2 1 Le résultat reflète la capacité
d’un concept à satisfaire un
Critère 3 3 0 1 critère selon le barème établi
Critère 4 7 3 3 pour ce critère. Le Concept C a
Critère 5 12 1 2 obtenu un résultat de « 1 » pour
le Critère 2.
… … …
Pointage 210 363
Rang

Pointage
Pour un concept donné, le pointage
correspond à la somme des produits entre
le poids d’un critère et le résultat
correspondant

Pointage( j )   i 1 Poids (i ) Résultat (i, j )


n

Figure 4.5 Matrice de décision pour la sélection finale d’une solution

4.6 Conclusion
Le choix d’une solution parmi toutes les solutions produites ne devrait pas être laissé au hasard ni
être fondé exclusivement sur notre intuition. Nous avons développé une procédure en deux étapes,
dont les pierres d’assise sont des matrices de décision faisant usage de critères de sélection objectifs.
La première étape consiste à filtrer les solutions afin de réduire leur nombre. La deuxième étape
consiste à sélectionner une solution finale. Les étapes diffèrent par le niveau de détail et le type de
matrice de décision.
Choix d’une solution 4.6

Les critères de sélection correspondent aux attributs clients traduits en termes quantifiables à l’aide
de la spécification technique la plus pertinente. Nous faisons usage de l’importance accordée à
chaque attribut client pour pondérer le poids du critère. De plus, les solutions sont évaluées par
rapport à chaque critère en utilisant un barème pré-établi. En effet, les attributs, les spécifications, leur
poids et les barèmes ont tous été définis à la phase d’analyse du problème permettant ainsi d’éviter
de biaiser les critères en fonction d’une solution particulière.
Il convient de terminer en mentionnant que la technique présentée ici n’est qu’un outil d’aide à la
décision. Il revient à l’équipe de développement de faire le choix définitif, particulièrement lorsque
deux ou même plusieurs solutions obtiennent des pointages semblables. Une légère modification de
l’importance attribuée aux attributs clients affecte le poids d’un critère d’évaluation ce qui peut
changer le choix de la solution finale. Cette technique aura tout au moins l’avantage d’éliminer les
solutions qui ont le moins de potentiel et de le faire relativement objectivement.

4.7 Références
Cohen, L. (1995) Quality function deployment. How to make QFD work for you. Reading,
Massachusetts : Addison-Wesley Publishing Co, Engineering process improvement series. XX-348 p.
Ulrich, K.T. et Eppinger, S. D. (1995). Product design and development. New York : McGraw-Hill Inc.
Choix d’une solution 4.7

Exemple d’application de la méthodologie – Choix d’une solution


Étape 1 : Conception préliminaire

Concept 1 : Les membrures

 Principales caractéristiques
 La propulsion est assurée par un moteur électrique couplé aux roues antérieures par
l’entremise d’un train d’engrenages.
 La lancer vertical de la balle est initié par un contact mécanique entre les haies et le levier qui
fait pivoter la catapulte par l’entremise de la membrure.
 Un entonnoir est prévu pour récupérer la balle même si elle dévie légèrement de sa trajectoire.
 La structure principale du véhicule est en acrylique (plexiglas transparent) pour bien voir le
fonctionnement du mécanisme.
 L’assemblage de la structure est réalisé par des boulons et des écrous.
 Le repositionnement de la balle sur la catapulte pour le prochain lancer est assuré
latéralement par les deux côtés, à l’avant par la catapulte et à l’arrière par le guide courbé.
 Le point d’attache entre le levier et la membrure est modifiable grâce aux trous d’ajustement
percés dans le levier. La vitesse de projection de la balle peut ainsi être ajustée.

 Prototype virtuel

Trous d’ajustement Entonnoir

Levier

Côté (2)

Palier (4) Base


Roue postérieure (2)
Essieu (2)
Engrenage (2)
Roue antérieure (2)
Choix d’une solution 4.8

Membrure

Cale (7) Balle

Guide
Catapulte

Équerre (4)

Moteur Travers (5)

 Évaluation des performances

 Temps de parcours
Diverses composantes affectent le temps requis par le véhicule pour franchir les 4 mètres. Il y
a le moteur, les engrenages de la transmission et le diamètre des roues. Pour débuter la
conception, on pose l’hypothèse suivante : lorsqu’une haie est franchie, la balle passe la
moitié du temps dans les airs et l’autre moitié du temps est nécessaire pour bien repositionner
la balle sur la catapulte en vue de la prochaine haie. Puisque la vitesse du véhicule est
constante et que les haies sont distancées de 1 m, la balle doit donc quitter le véhicule et y
revenir sur une distance de 0.5 m. Le schéma suivant montre en traits pointillés la trajectoire
de la balle qui, au voisinage d’une haie, prend 0.5 m pour monter et descendre alors que
l’autre 0.5 m est utilisé pour le repositionnement de la balle. De plus, connaissant les
dimensions géométriques du véhicule, de la balle et des haies, on sait que la balle doit monter
et descendre de 0.12 m pour franchir une haie. Cette valeur comprend une marge de sécurité
de 0.03 m entre le dessous de la balle et le dessus d’une haie.

Montée +
Descente
Haies (3) 0.5 0.5

0.12 Balle

1 1 1 1
Ligne Ligne de
d'arrivée départ
Choix d’une solution 4.9

L’équation d’un corps en chute libre avec une vitesse initiale nulle (h = ½ g t2, où h, g et t
sont respectivement la hauteur, la gravité de 9.8 m/s2 et le temps) permet de calculer le temps
de descente, soit t = 0.16 s pour franchir h = 0.12 m. Puisque le temps de montée est le
même, la balle reste donc dans les airs pendant environ 0.32 s. Pendant ce temps, le véhicule
parcourt 0.5 m à une vitesse d’avance de 0.5 m  0.32 s = 1.56 m/s. Le temps de parcours
pour traverser le corridor de 4 m est donc évalué à 2.5 s (4 m  1.56 m/s).

Pour être capable d’atteindre un tel temps de parcours, les roues de 25.4 mm, qui avance de
0.08 m à chaque tour, doivent donc tourner à une vitesse 19.5 RPM (1.56 m/s  0.08 m/tour).
Puisque les forces impliquées dans le fonctionnement de ce véhicule sont faibles, le moteur
retenu, le modèle T3470-3 de la compagnie ABC Inc., n’aura aucune difficulté à faire avancer
le véhicule à la vitesse prescrite. En effet, selon sa fiche technique, ce moteur tourne à
245 RPM lorsqu’il est alimenté par une tension de 9V. Le ratio du nombre de dents de
l’engrenage monté sur l’essieu des roues sur le nombre de dents de l’engrenage monté sur
l’arbre du moteur doit donc être d’environ 12.5 (245 RPM  19.5 RPM).

 Risque de défaillance
Le risque de défaillance de ce véhicule et faible car le comportement et très répétable d’un
essai à l’autre lorsqu’une configuration fonctionnelle est trouvée.

 Nombre de pièces
Le nombre de pièces de ce véhicule, excluant les fils électriques et les éléments de fixation
tels les vis et les joints collés, s’élève à 31 :

Nom Quantité Matériau


Côté 2 Acrylique (plaxiglas)
Base 1 Acrylique
Palier 4 Pièce standard
Roue 4 Pièces recyclées d’un jouet d’enfant
Essieu 2 Acier
Engrenage 2 Pièce standard
Levier 1 Bois
Membrure 1 Bois
Catapulte 1 Bois
Entonnoir 1 Carton
Guide 1 Bois
Équerre 4 Acier
Travers 5 Bois
Batterie 9V 1 Pièce standard
Moteur 1 Pièce standard

 Nombre d’ajustements
Ce véhicule est doté d’un seul ajustement. En effet, le levier est muni d’une série de trous qui
peuvent accueillir la membrure. En changeant la membrure de place, la vitesse de projection
de la balle est modifiée. L’ajustement final sera choisi lors des essais réalisés sur le prototype
physique.
Choix d’une solution 4.10

Concept 2 : La came

 Principales caractéristiques
 La propulsion est assurée par un moteur électrique couplé aux roues postérieures par
l’entremise de poulies et d’une courroie de transmission. Le diamètre des roues postérieures
est ajusté de façon à avoir la bonne vitesse d’avance du véhicule.
 Le diamètre des roues antérieures et le ratio de diamètre des poulies de la courroie de
synchronisation sont ajustés de façon à ce que la came tourne exactement d’un tour à chaque
mètre parcouru par le véhicule.
 Quand le véhicule avance, la came tourne et le levier s’arme jusqu’à ce que la marche dans le
profil de la came permette aux ressorts de ramener abruptement le levier en position
horizontale. Le levier entre alors en contact avec la balle qui est propulsée verticalement dans
les airs. De cette façon, aucun contact avec les haies n’est nécessaire.
 Un entonnoir est prévu pour récupérer la balle même si elle dévie légèrement de sa trajectoire.
 Les principaux éléments de la structure du véhicule sont en bois et ils sont collés entre eux.

Porte-entonnoir
 Prototype virtuel Ressort (2)

Balle
Entonnoir
Travers (4)
Levier

Came

Grosse poulie

Moteur
Courroie de
transmission
Courroie de
synchronisation
Roue postérieure (2)
Essieu (4)
Roue antérieure (2)
Panneau (2) Petite poulie (3)
Choix d’une solution 4.11

 Évaluation des performances

 Temps de parcours
Tous les développements élaborés précédemment qui ont mené au temps de 2.5 s
s’appliquent à nouveau ici. Cependant, puisqu’une transmission par courroie est préconisée et
que les poulies employées dans la transmission du véhicule ont le même diamètre, il faut donc
utiliser un moteur qui tourne nettement moins rapidement. Celui retenu est un moteur à
engrenage distribué par la compagnie ABC Inc. (modèle B1244-2). Si les roues postérieures
motrices tournent à 130 RPM, elles doivent donc avoir un diamètre d’environ 0.23 m pour
obtenir une vitesse d’avance de 1.56 m/s.

 Risque de défaillance
Le risque de défaillance de ce véhicule et faible car comme le concept 1, le comportement est
très répétable d’un essai à l’autre.

 Nombre de pièces
Le nombre de pièces de ce véhicule, excluant les fils électriques et les éléments de fixation
tels les vis et les joints collés, s’élève à 29 :

Nom Quantité Matériau


Panneau 2 Bois
Travers 5 Bois
Porte-entonnoir 1 Bois
Essieu 4 Bois
Roue antérieure 2 Bois
Roue postérieure 2 Bois
Entonnoir 1 Plastique
Petite poulie 3 Bois
Grosse poulie 1 Bois
Came 1 Bois
Courroie 2 Pièce standard (élastique standard)
Levier 1 Bois
Ressort 2 Acier
Moteur 1 Pièce standard
Batterie 9V 1 Pièce standard

 Nombre d’ajustements
Ce véhicule n’est doté d’aucun ajustement. Par conséquent, si la balle ne franchit pas les
haies, il faut fabriquer de nouvelles pièces pour avoir un véhicule fonctionnel.
Choix d’une solution 4.12

Concept 3 : Le solénoïde

 Principales caractéristiques
 Le véhicule est poussé manuellement car la seule pile 9V autorisée est utilisée pour alimenter
le solénoïde.
 Quand l’antenne entre en contact avec une haie, elle épouse la forme du déflecteur jusqu’à ce
quelle touche au contact. Le circuit électrique est alors fermé et la bobine est alimentée par un
courant électrique. Le noyau réagi au champ magnétique généré dans la bobine en se
déplaçant violemment vers le haut, ce qui expulse verticalement la balle du véhicule.
 Un entonnoir est prévu pour récupérer la balle si elle dévie légèrement de sa trajectoire.
 Les principaux éléments de la structure du véhicule sont en bois et ils sont collés entre eux.
 La position de l’entonnoir et du mécanisme d’expulsion de la balle est modifiable grâce aux
trous d’ajustement percés dans les panneaux.

 Prototype virtuel
Fil électrique (3)
Entonnoir Balle
Antenne Contact

Plateau
Déflecteur et noyau

Essieu (2)
Tube
guide

Porte
antenne
Support
Batterie 9V
Base Trous Bobine
Panneau (2)
Roue (4) d’ajustement
Choix d’une solution 4.13

 Évaluation des performances

 Temps de parcours
Le temps de parcours est contrôlé par la personne qui pousse le véhicule. Ainsi, il est tout à
fait possible d’atteindre les 2.5 s calculé précédemment avec une poussée manuelle.

 Risque de défaillance
Le risque de défaillance de ce véhicule est élevé car si la personne pousse le véhicule trop
rapidement, la balle n’aura pas le temps de revenir dans le véhicule entre deux haies. À
l’opposé, si le véhicule est poussé trop lentement, il est possible que la balle n’ait pas le
temps de franchir la haie et qu’elle entre en contact avec cette dernière.

 Nombre de pièces
Le nombre de pièces de ce véhicule, excluant les fils électriques et les éléments de fixation
tels les vis et les joints collés, s’élève à 20 :

Nom Quantité Matériau


Panneau 2 Bois
Base 1 Bois
Essieu 2 Bois
Roue 4 Bois
Porte-antenne 1 Bois
Déflecteur 1 Carton
Contact 1 Acier
Antenne 1 Acier
Bobine 1 Enroulement de fil électrique
Support 1 Bois
Entonnoir 1 Plastique
Tube guide 1 Carton
Noyau 1 Acier
Plateau 1 Bois
Batterie 9V 1 Pièce standard

 Nombre d’ajustements
Ce véhicule est muni de deux ajustements. Le premier est la vitesse d’avance du véhicule qui
est contrôlée par la personne qui le pousse. Le second ajustement est la distance entre
l’antenne et la balle. En effet, à cause de la série de trous prévus dans les panneaux, il suffit
de déplacer les points d’attache du support pour avoir une balle qui quitte le véhicule plus ou
moins près de la haie lorsque le solénoïde est actionné.
Choix d’une solution 4.14

Étape 2 : Matrice de décision

Membrures

Solénoïde
Came
Valeur

Valeur

Valeur
Cote

Cote

Cote
Temps de parcours 40 2.5 s 3 2.5 s 3 2.5 s 3
Risque de défaillance 25 Faible 2 Faible 2 Élevé 0
Nombre de pièces 10 31 pcs 2 29 pcs 2 20 pcs 3
Nombre d'ajustements 26 1 ajust. 1 0 ajust. 0 2 ajust. 2
Pointage 216 190 202
Rang 1 3 2

Étape 3 : Choix d’une solution et analyse

 Le concept démontrant le plus de potentiel est « Les membrures ». C’est ce dernier qui serait
retenu si un prototype physique devait être fabriqué puis testé.
 Le concept « Les membrures » pourrait être amélioré en vue de la fabrication du prototype
physique qui serait éventuellement mis à l’essai. En effet, puisque sa principale lacune est le
nombre d’ajustements (cote de 1), il serait avantageux de rendre d’autres paramètres
ajustables comme la vitesse d’avance du véhicule (en utilisant par exemple une résistance
électrique variable entre la batterie 9V et le moteur pour faire varier la vitesse de ce dernier).
 Les trois concepts ont obtenu des pointages relativement similaires, ce qui démontre qu’il
existe plus d’une façon efficace de réaliser le mandat.
 Le temps de parcours n’a finalement pas été un aspect décisif car les trois concepts ont
surpassé la cible établie et ont ainsi obtenu la cote maximale de 3.
 Le solénoïde est un concept intéressant car il n’a qu’une seule faiblesse, en l’occurrence le
risque de défaillance. Cependant, cette faiblesse engendrée par la poussée manuelle du
véhicule est à la fois une de ses forces, surtout au niveau du nombre d’ajustements.
 Seulement le nombre d’ajustements a permis de rejeter le concept « La Came » par rapport
au concept retenu. Si ce concept était doté d’ajustements (par exemple la possibilité de
déplacer horizontalement l’entonnoir qui positionne la balle par rapport au levier ou la
possibilité de faire varier la vitesse du véhicule), ce concept deviendrait très prometteur.

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