Vous êtes sur la page 1sur 230

La Maison-Dieu : cahiers de

pastorale liturgique

Source gallica.bnf.fr / Les éditions du Cerf


Service national de la pastorale liturgique et sacramentelle
(France). Auteur du texte. La Maison-Dieu : cahiers de pastorale
liturgique. 1963-04.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart


des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le
domaine public provenant des collections de la BnF. Leur
réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet
1978 :
- La réutilisation non commerciale de ces contenus ou dans le
cadre d’une publication académique ou scientifique est libre et
gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment
du maintien de la mention de source des contenus telle que
précisée ci-après : « Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale
de France » ou « Source gallica.bnf.fr / BnF ».
- La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait
l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la
revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de
fourniture de service ou toute autre réutilisation des contenus
générant directement des revenus : publication vendue (à
l’exception des ouvrages académiques ou scientifiques), une
exposition, une production audiovisuelle, un service ou un produit
payant, un support à vocation promotionnelle etc.

CLIQUER ICI POUR ACCÉDER AUX TARIFS ET À LA LICENCE

2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de


l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes
publiques.

3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation


particulier. Il s'agit :

- des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur


appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés,
sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable
du titulaire des droits.
- des reproductions de documents conservés dans les
bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont
signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque
municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à
s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de
réutilisation.

4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le


producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du
code de la propriété intellectuelle.

5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica


sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans
un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la
conformité de son projet avec le droit de ce pays.

6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions


d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en
matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces
dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par
la loi du 17 juillet 1978.

7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition,


contacter
utilisation.commerciale@bnf.fr.
LA MAISON-DIEU

LE RENOUVEAU
LITURGIQUE
DANS LE MONDE

J.-B. MONTINI
NOTRE PAQUE

REVUE DE PASTORALE LITURGIQUE


LES EDITIONS DU CERF

74
2* trimestre 1963
LA MAISON-DIEU
Revue trimestrielle
du Centre de Pastorale Liturgique 1

1
O

Directeurs
A.-G. MARTIMORT, A.-M. ROGUET

Secrétaire de rédaction
M.-D. BOUYER, o. p.

Principaux collaborateurs
B. BOTTE, o.s.b.; F. BOULARD; L BOUYER; A. CHAVASSE; Y. CONGAR,
o.p.; I.-H. DALMAIS, o.p.; J. DANIELOU, sj.; Dom J. GAILLARD, o.s.b.j
J. GELINEAU, s.j.; P.-M. GY, o.p.; J.
HILD, o.s.b.; J.-M. HUM, o.p.; P. JOUNEL;
J. LECLERCQ, o.s.b.; J. LECUYER, c.s.sp.; F. LOUVEL, o.p.; F. MORLOT;
O. ROUSSEAU, o.s.b., et un groupe de curés.

CONDITIONS D'ABONNEMENT

:: .«
L'abonnement est annuel pour 4 numéros et part de janvier
France un an
Etranger : un an
13,00F
14,00 F
Belgique La Pensée Catholique, 40, avenue de la
Renaissance, Bruxelles 4 155 fr. b.
Prix de vente au numéro 4,00 F

Nous recevrons avec reconnaissance les abonnements d'entraide


à 20,00 F.
Nous pourrons ainsi répondre aux demandes d'abonnements à
prix réduits qui nous seront faites.

9
LES EDITIONS DU CERF
29, boulevard Latour-Maubourg, Paris-7e
(C.C.P. Paris 1436.36)
1
CENTRE DE PASTORALE LITURGIQUE

LA MAISON-DIEU

LES ÉDITIONS DU CERF


29, boul.Latour-Maubourg, Paris-7e
L A discussion du schéma sur la litur-
gie a permis depréciser l'orienta-
tion du Concile. Elle a récompensé ceux
qui, depuis de longues années, ont tra-
vaillé dans le mouvement liturgique, non
par esthétisme spirituel, ou archaïsme
érudit, ou fantaisie de dévotion, mais
pour ramener la prière de l'Église à ses
valeurs essentielles, à une expression plus
pure et à une plus grande efficacité pas-
torale. »
J.-B. Cardinal MONTINI,
[Lettres du Concile, journal Italia
du 14 novembre 1962.]

Cum permissu superiorum.

D. L., 2e trimestre 1963. — Imprimeur, n° 2.946.


LA MAISON-DIEU
N° 74

LE RENOUVEAU LITURGIQUE
DANS LE MONDE

SOMMAIRE

L'élection du cardinal Montini comme Pasteur suprême de


l'Eglise réjouit particulièrement les ouvriers du renouveau

éclatantes de son intérêt pour la pastorale liturgique :


liturgique. L'archevêque de Milan avait donné des preuves
nous
publions en tête de ce cahier sa belle lettre sur le mystère
pascal.
*
Paul VI a décidé la reprise du Concile. Dès l'automne, celui-
ci achèvera de voter la Constitution concernant la liturgie.
L'unanimité presque totale des votes déjà acquis a montré com-
bien le renouveau de la pastorale liturgique était devenu uni-
versel. Dans tous les pays s'accomplissaient des efforts analo-
gues, réalisant dans les faits une doctrine commune.
De plus en plus, à la suite du Concile, les pasteurs disper-
sés de par le monde vont prendre conscience de leur unité. Il
n'est plus possible à quiconqueaujourd' hui, il n'est plus per-
mis, d'ignorer le reste du monde.

: ?
Où en est, à travers le monde, le renouveau liturgique On
lira les rapports que voici avec plus que de l'intérêt émouvan-
tes sont les descriptions de l'effort déjà accompli à peu près
partout; émouvant aussi,lebilan de ce qui reste à faire pour
que la liturgie soit pleinement rendue au peuple.
P. JOUNEL. De Jean XXIII à Paul VI 5

J.-B. Cardinal MONTINI. Notre Pâque 7

*
P.-M. Gy, Le renouveau liturgique
Institut supérieur dans le monde 39
de Liturgie, Paris.

FERDINAND KOLBE, Allemagne. 4fr


Directeur du Liturgisches Jahr-
buch, Haus Hall, Gescher.

JAIRO MEJIA GÓMEZ, Amérique latine. 63


Secrétariat du C.E.L.A.M.,
Bogota.

ALBANO KREUTZ, Brésil. 76


Professeur de liturgie
et théologie, Viamâo.
BERNARD FOY, LÉON AMAN, Cameroun. 84
Yaoundé.

Louis-M. GIGNAC, o. p., Canada français. 91


Secrétaire de rédaction de
Communauté chrétienne,
Montréal.

DARIO MARCOTTI, Chili. 100


Santiago du Chili.

CASIANO FLORISTIÁN, Espagne. 109


Professeur à l'Université Pontificale
de Salamanque.

j.,Extrême-Orient.
PAUL BRUNNER, s.

j.,Inde.
East Asian Pastoral Institute,
Manille.

E. R. HAMBYE, s.
St Mary's Theological College,
Kuresong.

RINALDO FALSINI, o. m., f. Italie.


128

140

155
Opera della Regalità di N.S.G.C.,
Milan.
XAVIER SEUMOIS, P. BI., Rwanda et Burundi. 170
Directeur du Centre International
de pastorale liturgique
et catéchétique d'Astrida.

JOSEPH GELINEAU, s.j. Le chant religieux populaire


dans le monde 184

BIBLIOGRAPHIE

Vocabulaire de Théologie biblique (L.-M. DEWAILLY), 200. — MANUEL


GARRIDO : Curso de Liturgia. — A. LAMOTT : Das Speyerer Dozesan.
rituale von 1512 bis 1932 (P.-M. GY), 202. — I. NABUCO : Pontificalis
romani expositio iuridico-practica. — A. PAREDI : Sacramentarium
bergonense, 203. — B. KLEINHEYER : Die Priesterweihe in romischen
ritus — C. A. BOUMAN : Sacring and crowning, 204. — C. HURLIMANN :
Das RheinauerRituale, 205. - L. GHERARDI : Il codice Angelica 123,
monumento della Chiesa bolognese nel sec. XI. — E. CATTANEO :
Introduzione alla storia della liturgia occidentale, 206. — V. RAFFA :
La Liturgia delle Ore. — C. BRINKTRINE : La santa Messa. — Dedi-
cazione e consecrazione della chiesa e santa Messa; La consecrazione
dell'Altare. — Lode alla Vergine. — La Domenica, aspetti storici,
liturgici e pastorali, 207 (P. JOUNEL)
DE JEAN XXIII A PAUL VI

Le dimanche de la Pentecôte, le monde entier entourait de son respect


et de son affection l'agonie du pape Jean XXIII. Le jour de la fête du
Sacré-Cœur, la première bénédiction de Paul VI descendait de la loggia
extérieure de la basilique vaticane; et voici que la solennité des saints
Apôtres Pierre et Paul devait servir de prélude aux rites de l'exaltation du
nouveau pape. Jamais encore, semble-t-il, l'Église n'avait célébré un
changement de pontificat dans un cadre liturgique aussi parfaitement
accordé à l'événement. Mais plus encore que cette incidence, c'est la
succession même des deux pontifes qui doit retenir notre attention et
susciter notre hommage.

JEAN XXIII
L'apport de Jean XXIII à la pastorale liturgique s'harmonise avec l'en-
semble de son pontificat. Il est à la fois l'apport d'un pasteur et celui
d'un législateur.
Ce dont nous sommes reconnaissants au pape Jean, c'est d'avoir été
d'abord un célébrant de la liturgie. Angelo Roncalli allait avoir vingt-
deux ans lorsque parut le Motu proprio Tra le sollecitudini (22 novembre
1903) et il se préparait au sacerdoce, qu'il reçut le 10 août 1904. Il
appartient donc à cette génération sacerdotale qui entra avec joie dans le
renouveau liturgique voulu par saint Pie X. Le pape qui se présenta,
lors de son intronisation au Latran, comme l'évêque soucieux de réunir
son peuple autour du Livre et du calice (23 novembre 1958) avait saisi
dès ses prémices sacerdotales que « le prêtre est fait pour la liturgie :
pour en vivre et en faire vivre les fidèles1 ». Aussi prit-il soin, après son
accession au Siège Apostolique, de restaurer la liturgie papale, entrée en
léthargie depuis 1870. Comment ne pas évoquer la joie de nos séjours
romains des années 1959-1960, où nous voyions le pape participer avec
simplicité aux stations de carême, présider les offices de la semaine sainte
à Saint-Pierre, à Saint-Paul, à Sainte-Croix, au Latran, célébrer les vêpres
de Pentecôte et celles des saints Apôtres au soir du 28 juin?
Mais Jean XXIII, curé du monde, se trouvait aux prises avec les diffi-
cultés que rencontrent beaucoup de curés pour restituer au peuple son
rôle dans la célébration de la liturgie solennelle. Comme eux il aima, en
attendant une réforme plus profonde, à célébrer la missa lecta, fût-ce au
milieu de vingt mille fidèles. Ces messes dominicales de Saint-Pierre, où
le pape faisait appliquer intégralement l'Instruction De Musica sacra,
promulguée à la veille de son avènement, furent une révélation pour le
peuple de Rome et pour beaucoup de pèlerins. Elles ont largement con-
tribué à l'application et à la diffusion de l'Instruction de Pie XII. Dans

i. Allocution aux élèves du Collège pio-americano, 18 février 1959.


ces messes, où la participation de l'assemblée se développait harmonieuse-
ment, sans qu'on ait encore osé pourtant y rétablir la communion des
fidèles, le pape ne manquait jamais de faire l'homélie. Cette exhortation
familière, nourrie de la parole de Dieu et de la prière liturgique, conve-
nait admirablement au pasteur qu'était Jean XXIII. Par-delà la célébra-
tion, c'était elle qu'il adoptait encore spontanément dans ses audiences
générales, dont le thème se référait d'ordinaire à la liturgie du jour.
Célébrant de la liturgie, Jean XXIII en a été aussi le législateur. L'an-
, cien patriarche de Venise, qui, dès 1954, avait exprimé
au pape Pie XII
le vœu de voir restaurer la liturgie de la semaine sainte, ne pouvait pas
ne pas continuer l'œuvre de son prédécesseur. C'est pourquoi il pro-
mulgua le Code des rubriques (1960), l'Instruction De Calendariis parti-
cularibus (1961), le livre II du Pontifical (1961), le nouvel Ordo du bap-
tême des adultes (1962), ainsi que les éditions typiques du Bréviaire
romain (1961) et du Missel (1962), qui représenteront pour les historiens
futurs la dernière étape de la carrière des livres liturgiques publiés sur
l'ordre du Saint Concile de Trente.
Mais, si les livres promulgués sous son pontificat marquent le point
final d'une époque de l'histoire, c'est que Jean XXIII a été le pape du
Concile du Vatican II. En confiant aux Pères du Concile œcuménique la
charge de définir les altiora principia d'une réforme liturgique générale,
il a pris en ce domaine la plus lourde responsabilité jamais assumée par
un pape. S'il plaît à Dieu que la Constitution De sacra Liturgia soit pro-
mulguée à l'automne de cette année par Paul VI, sacro approbante con-
cilio, et devienne la charte liturgique de l'Église romaine, un Magnificat
devra monter, ce jour-là, devant la tombe du pape Jean.

PAUL VI
Lorsque Mgr Montini fut élu au siège de saint Ambroise, la revue

Milan:
Ambrosius le salua d'une acclamation adressée jadis aux archevêques de
Dignus es, iustus es, Iohannes Baptista Montini, papa tu eris2.
Que de fois l'acclamation a chanté en notre mémoire comme une pro-
phétie, depuis 1954 jusqu'en cette matinée du 21 juin où, sur la place
Saint-Pierre, nous attendions la grande nouvelle !
Notre tâche n'est pas de prolonger ici la prophétie, en annonçant quel
sera l'apport de Paul VI au renouveau liturgique, mais seulement d'asso-
cier La Maison-Dieu à l'immense joie de l'Église. Du moins pouvons-
nous relever le souci que le pape a manifesté d'associer le peuple à la
messe de son couronnement, le soir du 30 juin, non seulement en lui per-
mettant de voir le déroulement des rites, mais en l'invitant à chanter le
Gloria, le Credo et le Sanctus.

notre Saint-Père Paul VI la vieille acclamation liturgique :


Au seuil de son épiscopat romain et universel nous faisons monter vers
Domino
nostro Paulo, a Dei decreto summo Pontifici et universali Papae, vita.
PIERRE JOUNEL.

2.Ambrosius XXX (1954), p. 325.


CARDINAL J.-B. MONTINI,
ARCHEVÊQUE DE MILAN
NOTRE PAQUE
Lettre Pastorale à l'archidiocèse ambrosien
pour le Saint Carême de 1959*

Vénérables confrères, mes enfants bien-aimés,


L 'ENTRETIEN que nous offre l'heureuse coutume de vous
adresser, à l'ouverture du carême, une lettre pastorale,
soulève dans notre eSDrit auantité de Droblèmes aux-
quels nous aimerions consacrer notre attention et la vôtre
tous les aspects de notre vie se présentent aujourd'hui
:
comme problématiques; toutes les formes de notre activité
ont besoin d'être repensées et, en un certain sens, régéné-
rées, si nous voulons, d'un côté, qu'elles demeurent cohé-
rentes avec la vitalité indestructible de leur caractère
chrétien, et de l'autre qu'elles s'harmonisent à l'évolution
du monde contemporain, dans lequel elles s'expriment.
L'entretien aurait ainsi abondance inépuisable de thèmes;
l'affection que nous portons à votre bien spirituel, et le zèle
pour lui qu'excite en nous notre charge pastorale, nous font
:
penser aux paroles de l'apôtre Jean, dans la troisième épître
qui nous reste de lui « J'aurais beaucoup de choses à

* Cette lettre pastorale fait suite à celle de 1958 sur l'éducation


liturgique dont nous avons publié la traduction dans La Maison-
Dieu, n° 55, pages 141-170.
t'écrire! » (3 Jn, 13); et en même temps ils nous obligent à
choisir le mot le plus facile et le plus important pour une

:
époque donnée; en cette année de joie, ce sera celui-ci,
usuel et populaire, mais toujours grand et riche la Pâque
chrétienne.

L'importance de la Pâque.
C'est un mot d'où part et où aboutit notre vie religieuse
et morale; c'est une source et une règle; c'est un principe et
une fin. Il n'est pas étranger à la multiplicité et à l'urgence
des questions qui, en des domaines divers, engagent notre
expérience et notre intérêt, parce que, si tout doit être réca-
pitulé dans le Christ (cf. Eph., i, 10), tout se réfère
à ce moment central et vital de nos relations avec lui.
Et ce n'est pas même, pensons-nous, sans l'attraction de
quelque nouveauté mystérieuse et inépuisable, si vraiment
la Pâque est célébration d'une réalité — la Rédemption ^—
qui transcende le temps et la forme sous laquelle annuelle-
ment, nous cherchons à l'approcher, à la comprendre et à
la faire nôtre. L'habitude ne la mesure pas, ne l'épuisé pas;
elle devrait plutôt nous offrir l'occasion, chaque année, de
découvrir à nouveau, d'expérimenter de façon originale, un
bienfait vital.

à
et méditer, une nouveauté à admirer joyeusement fai-
sons bien nos Pâques!
:
Écoutez donc, comme si c'était un Évangile à découvrir

La Pâque et la renaissance religieuse de notre temps.

Comme vous voyez, cette invitation suit logiquement


l'exhortation que l'an passé nous avions eu l'occasion de
vous adresser, quand nous vous parlions de la nécessité
d'approfondir et de raviver notre éducation liturgique.
Le sujet est d'une telle importance pour la renaissance
religieuse de notre temps, et il a été traité de façon si auto-
risée et si variée de nos jours, qu'il ne nous semble pas
superflu de le reprendre sous cette forme, c'est-à-dire en le
considérant dans sa genèse et son principe.
Alors, venez, la Pâque vous appelle.
PREMIÈRE PARTIE

INVITATION A LA PAQUE

Invitation aux prêtres.


Nous regardons vers vous, en tout premier lieu, confrères
dans le Sacerdoce; et nous vous recommandons la célébra-
tion du grand jour. C'est le jour de notre plus grande fati-
gue sacerdotale; tout doit converger vers lui, aucune autre
fête ne l'égale, aucun autre culte ne le surpasse.
Notre dessein pastoral doit avoir la Pâque à son centre,
notre art d'approcher les âmes doit se polariser sur celte
fête de la vie; notre capacité à solenniser le rite, à sacraliser
le temps, et à embellir la fête doit se tourner vers ce but
premier.
Notre prédication doit s'engager à rendre ce témoignage
primordial (cf. Actes I,22; 2,22 s.; 2, 32; 5,32; 10, 39-41,
etc.); notre sollicitude pour tout préparer, en soignant les
détails, en prévoyant les difficultés et la nécessité d'être au
service de tous, doit se prodiguer principalement à cette
occasion.
Si sans doute on peut consentir à simplifier certaines habi-
tudes religieuses du peuple pour d'autres manifestations
du calendrier chrétien, on ne peut le faire pour celle-ci.
Elle doit avoir la primauté, en conservant ce que la tradi-
tion lui assure, et en lui apportant ce que notre renouveau
doit lui attribuer.

Cette primauté, la Pâque doit l'avoir non seulement dans


l'exercice du ministère que nous consacrons aux fidèles,
mais elle doit l'avoir et l'assumer aussi, et avant tout, en
nous et pour nous.
La Pâque est la Tête sacerdotale par excellence. C'est nous
qui sommes les premiers invités au banquet mystique, les
disciples choisis, nous les prêtres. Jésus lui-même a dit :
« Je vais faire la Pâque avec mes
disciples» (Mt., 26, 18).
La Pâque doit creuser dans notre conscience le sens du
ministère sacerdotal et réveiller en nous l'appel intime à
notre destin personnel; c'est à nous, les premiers, de com-
prendre laPâque, d'en souffrir et de nous en réjouir, non
seulement comme de notre plus grande fatigue pastorale,
mais aussi comme de la volonté la plus intense et la plus
aimante de nous savoir et de nous sentir animés par la vie
du Christ.

Invitation à tous les fidèles.


Et puis nous regardons vers vous, fidèles qui gardez
l'observance du grand précepte annuel de « faire ses
».
Pâques
:
Faites-les bien.
Je voudrais ceci que dans la décadence religieuse par
laquelle tant et tant d'hommes, qui sont pourtant chrétiens,
sont privés de contact sacramentel avec le Christ, ceux qui
pourtant le maintiennent encore, le maintiennent avec un
cœur sincère.
Un acte religieux qui ne serait pas sincère n'est pas
concevable aujourd'hui. L'éducation de la liberté, du rai-
sonnement, de la personnalité, devrait exclure que l'accom-
plissement d'un acte religieux, aussi souverainement
important et personnel que l'observance du précepte pascal,
ne soit pas conscient, intérieur, sérieux et moralement
rénovateur.
Que ceux, donc, qui répondent à l'invitation pascale, y
répondent pleinement et volontairement.
Nous ne voulons pas des gens qu'on traîne ou qu'on
enrégimente; nous ne voulons pas des hypocrites; nous ne
voulons pas de ceux qui viennent parce que contrôlés; nous
ne voulons pas des chrétiens inconscients.
Nous voulons, en revanche, que la sainte habitude de
faire ses Pâques se remplisse de bonnes pensées et de bons
propos et procure un moment de plénitude spirituelle
celui où l'on s'approprie les mystères du Christ.
:
Qu'il ne vous déplaise, chers fidèles, d'être appelés à
quelque prédication préparatoire; que ne vous rebute pas
le soulagement d'une confession bien faite qui doit enlever,
avec un effort de vérité et de justice intime, les fardeaux de
l'âme.
Ne refusez pas de vous recueillir dans la cellule la plus
profonde de votre esprit pour un moment de rencontre,
d'entretien, d'amour — oui, d'amour neuf et vrai, et ému,
— avec Jésus le Sauveur.

Invitation particulière aux enfants.


Et vous, enfants, ne croyez pas que cette rencontre pas-
cale soit difficile. Oui, elle est sublime; oui, elle est mysté-
rieuse, mais Jésus la simplifie jusqu'à la mettre sous la
forme d'une invitation à son humble banquet.
Le Seigneur, l'ami des enfants, vous attend : vous trou-
Ce n'est pas vraiment du pain :
verez un petit pain pour chacun de vous.
c'est lui, comme revêtu
des apparences du pain, parce que vous avez à l'accueillir
au-dedans de vous; soyez envers lui bons et fidèles.

Auxjeunes gens : « Venez, c'est l'heure».

Vous, jeunes gens, nous vous appellerons spécialement.


Peu de moments de notre ministère sont pour nous aussi
émouvants, et à nous-mêmes aussi révélateurs de sa puis-
sance intérieure, comme celui qu'il nous est donné de vivre
avec vous, le soir du vendredi saint lorsque, après la jour-
née « très grande et amère » — dies magna et amara
valde —, chargée de rites et d'émotions incomparables,
nous recevons de vos mains une croix, et allons devant vous
en pérégrinant par les rues de la ville, qui s'ouvrent comme
un sillon devant la charrue, en chantant des chants d'une
infinie tristesse et d'une invincible espérance.
La procession de la croix, faite avec vous, nous dit com-
bien vous êtes capables decomprendre et d'actualiser le
mystère pascal et d'accueillir en vous l'écho de sa réalité
secrète.

La Pâque, jeunes gens, vous pouvez en comprendre


mieux que d'autres l'inépuisable actualité; vous pouvez
offrir au mystère rendu présent les résonances lyriques de
votre âme vibrante; vous pouvez découvrir la forme héroï-
que de son contenu moral; vous pouvez redonner à la cou-
tume pascale son expression de sérieux indiscutable, de
religiosité virile, de splendide vitalité.
Venez, car c'est l'heure.

Aux chers travailleurs chrétiens.

Et venez, vous aussi, chers travailleurs.


Beaucoup viennent par tradition locale et domestique. Il
faut, très chers, que nous donnions un nouveau sens, un
nouveau contenu, à cette coutume.
Nous ne voulons pas nous contenter d'un accomplisse-
ment purement routinier, et comme passif, de la sainte
Pâque; ni nous, prêtres; ni vous, travailleurs.
Nous voulons que vous soyez conscients, nous voulons
que vous soyez contents de ce que vous faites, en accomplis-
sant cet acte religieux par excellence. Nous devons donc
mettre du sérieux et du calme à faire nos Pâques.
Mais beaucoup ne viennent pas. Ils regardent de loin, en

:
relevant la tête au-dessus de leurs outils de labeur; et peut-
être se sentent-ils envahis par une sorte de vertige le pro-
blème religieux arrive jusqu'à eux.
Existe-t-il un problème religieux? Est-il compatible avec
toutes les choses de la vie moderne ? Avec cet effort,spécia-
lement, que la technique moderne est en train de faire pour
maîtriser les lois de la nature et pour les rendre dociles
dans les mains de l'homme?
Le programme humain n'est-il pas rempli par cette trans-
formation des matières premières et inertes en biens utiles,
en richesses économiques, en sources de bien-être et de
plaisir?
?
Que nous fait le problème religieux Le monde du travail
n'est-il pas un monde qui se suffit à soi-même? Est-ce que,
même, le travailleur n'est pas exclu des expériences spiri-
tuelles raffinées du monde religieux? Et si, en outre, la
religion se revêt de rites qu'il ne saisit pas, de langues qu'il
ne comprend pas, de chants qu'il ne connaît pas, de gestes
qu'il ne sait pas faire, comment la Pâque peut-elle exiger
du travailleur qu'il la célèbre lui-même et avec les autres?
Et derrière cette célébration annuelle, est-ce que ne se
cache pas l'immobilisme d'une tradition qui veut le main-
tenir dans l'esclavage et l'empêcher de jouir des formes
supérieures de la vie? N'est-ce pas là le fameux stupéfiant,
« l'opium du
peuple » qui détourne de revendiquer les
biens positifs et immédiats, et entraîne dans les songes d'un
mysticisme irréel et traître?

Nous savons que ces pensées, et d'autres encore plus tris-


tes traversent les esprits exacerbés de beaucoup de travail-
leurs en notre temps et dans notre pays, et nous en sommes
nous aussi très trisles, mais d'une tristesse différente.
Tristes, parce que nous ne savons pas parler comme il
faudrait à ce monde des travailleurs dans l'esprit de qui
une douleur si humaine, si honnête et si profonde se con-
fond souvent avec des passions inquiètes et des erreurs
vénéneuses.
Tristes parce que nous n'avons pas toujours eu, quand
c'était le bon moment, c'est-à-dire dans les années passées,
alors que l'Église et le monde du travail étaient amis, — la
parole juste et courageuse, comme les papes la voulaient et
la suggéraient.
Tristes, parce que aujourd'hui nous sommes combattus
et suspects comme des gens qui auraient d'autres buts et
d'autres intérêts que ceux de la religion et du salut
commun.
Nous devrons, sur ce sujet de la religion et du travail, et
sur d'autres problèmes qui concernent les graves malenten-
rieuses, reprendre le discours en d'autres occasions :
dus aujourd'hui régnant entre l'Église et les classes labo-

discussion, sans doute, ne sera ni facile ni rapide; mais


la

quelqu'un déjà la conduit, et quelqu'un, si Dieu le veut,


la conduira.
Mais pour nous limiter maintenant à l'invitation pas-
cale que nous adressons aussi à nos travailleurs, nous leur
disons qu'ils ne sont pas éloignés de ce que signifie la
grande fête chrétienne.
Elle se célèbre autour des signes du pain et du vin, de cet
aliment domestique destiné à l'homme, que leur travail a
tiré du sol et préparé pour la table de notre réconfort et de
notre amour familial, et qui, par conséquent est accompli
par leur bras, agent matériel du fait économique, ministre
de l'offertoire qui présente au sacrifice sa matière, notre
participation humaine.
Elle est, la Pâque, l'exaltation de la souffrance du Christ,
sœur sublime de la nôtre, assumée en rançon pour nous
racheter de la servitude la plus pernicieuse, celle du péché,
de l'abjection morale, source de toutes les autres misères
humaines; elle confère donc à tous les hommes souffrants
• et lassés la possibilité de valoriser leur condition infortu-
née pour en faire une source de richesses spirituelles et
morales, et d'y apporter le premier remède que tout le reste
dispose et réclame, celui de la dignité du besoin et de la
douleur.
Les invités à la Pâque du Christ lui-même sont justement
les classes les moins aisées de la société, pour autant que

la souffrance :
sur elles pèse et resplendit le mystère de la pauvreté et de
« Heureux, vous, les pauvres, parce que le
royaume des cieux est à vous » (Le 6, 20). « Venez à moi,
vous tous qui êtes las et accablés, et je vous consolerai »
(Mt 11, 28).

Aux hommes de pensée et d'autorité.

Et vous, hommes de pensée et d'autorité, nous vous invi-


tons à la Pâque.
Vous avez été les premiers à la déserter, quand l'unité
idéale de la chrétienté s'est brisée, et vous avez cherché
avec le mètre de votre esprit, à mesurer les choses de Dieu.
Aujourd'hui soyez les premiers à la redécouvrir, à refaire
le geste tremblant et à redire les paroles effrayées de Tho-

:
mas qui met la main dans le côté percé du Christ ressuscité
en s'écriant « Mon Seigneur et mon Dieu! » (Jn, 20, 28).
Parce qu'une étude positive et sans passion de l'inévita-
ble problème du Christ aura rendu au moins prudente et
incertaine toute négation à son égard, et parce qu'une expé-
rience du drame humain, de votre part, si elle est vue avec
une intelligence passionnée et droite, aura découvert quel-
que relation secrète et douloureuse entre ce qu'il y a de
plus authentique dans votre vie et Lui, le Christ, en arra-
chant pour Lui, de vos lèvres inquiètes, un soupir, un cri,
une exclamation, ou peut-être une imprécation; oui, pour
Lui.
Si un gémissement de prière est sorti du cœur et des
lèvres et qu'un rayon de la divine faveur vous a été gratui-
tement accordé, personne comme vous, hommes de pensée
et d'autorité, ne pourra mieux comprendre la vérité pro-
fonde de ce que saint Paul dit au sujet du Christ crucifié :
« C'est lui qui, de par Dieu, est devenu pour nous justice,
»
sanctification, et rédemption (i Cor., i, 30).

Nous devons encore lancer une invitation


à ceux qui sont loin.

Et nous devons encore lancer une invitation à la foule


humaine, à ceux qui tournent le dos à la Croix, à ceux qui
sont dans le péché et donc partagent la responsabilité de
la mise à mort de Dieu fait homme.
Nous le faisons avec une humilité fraternelle; nous som-
mes tous pécheurs (cf. i Jn i, 10) et nous avons besoin
d'être pardonnés et régénérés.
Nous le faisons avec une gravité paternelle : l'état de
péché est ce qu'il y a de pire dans notre condition et on
peut y voir, présente en puissance, la ruine totale et
éternelle.
Nous le faisons avec cette grande joie qui est une préro-
gative propre à notre ministère, parce que vraiment Dieu
« nous a donné un ministère de réconciliation »
18), celui d'annoncer cette étonnante merveille :(2 Cor., 5,
que nos
péchés sont rémissibles; que c'est à cette fin précisément
que le Christ est mort et ressuscité, que c'est justement
pour cela que la célébration de la Pâque renouvelle le pro-
dige de la résurrection des âmes rendues aujourd'hui à la
grâce et à la paix, pour vivre demain de la vie éternelle.

Y en aura-t-il beaucoup — ce qu'à Dieu ne plaise — qui


laisseront passer la grande aubaine pascale? Refuseront-ils,
par lassitude et par dégoût, de prendre conscience de leur
véritable état moral — l'état de péché — en face de Dieu,
d'eux-mêmes, du monde? Seront-ils passifs et mous devant
la grande perspective d'une véritable nouveauté spirituelle?
DEUXIÈME PARTIE

LE MYSTÈRE PASCAL

Trois considérations fondamentales.

Cette invitation à la célébration de la Pâque doit être


comprise dans le cadre général de notre religion, en tenant
compte de quelques considérations qui aident à mieux en
comprendre l'importance.

a) La plénitude et la place centrale du mystère pascal


La première considération regarde la plénitude du mys-
tère pascal, c'est-à-dire sa place centrale, par laquelle on
peut non seulement résumer (comme on peut le faire avec
d'autres vérités de notre religion, à cause de sa merveil-
leuse cohérence interne), mais aussi ramener comme à son
centre de perspective le dessein de notre foi.
Quand nous cherchons à découvrir où se trouve le foyer
de la révélation chrétienne, nous devons fixer nos regards
sur le drame de la mort et de la résurrection du Christ.
Tout l'ancien Testament se concentre dans l'Évangile;
tout l'Evangile se concentre dans la Cène, dans la Croix,
dans le sépulcre vide du Christ. Même Noël, c'est-à-dire le
souverain mystère de l'Incarnation, dans l'histoire concrète

terme. C'était une pensée chère à saint Léon :


de l'humanité déchue, prépare la Pâque et y trouve son
« A cette
action sacrée ont servi tous les mystères des siècles anté-
»
rieurs (Serm. III sur la Passion, S i).
Et c'est à ce concept théologique si riche que nous nous
référons en parlant de la Pâque; ainsi nous voulons enten-
dre, sous ce terme liturgique, non seulement le dimanche
où l'on célèbre précisément la Résurrection du Seigneur,
mais aussi la préparation qui le précède, et spécialement
les trois derniers jours de la semaine sainte, comme le
faisait déjà saint Ambroise.
veilleusement liés et semblent s'opposer :
Les deux mystères, Incarnation et Rédemption, sont mer-
le premier est
tout entier vie et lumière, le second tout entier ténèbres et
mort. Le premier introduit Dieu dans le monde, le second
montre l'effort pour chasser Dieu hors du monde; le pre-
mier est tout entier harmonie, le second tout entier ruine.
« L'un brille de l'éclat des miracles, l'autre succombe
»,
aux opprobres
sés, mais complémentaires :
dit saint Léon (ibid., § 2).
Puis, si l'on médite, on perçoit qu'ils ne sont pas oppo-
Dieu s'est fait homme par l'In-
carnation afin que l'homme retourne à Dieu par la Ré-
demption. Même, le premier a pour fin le second, l'Incar-
nation a pour but la Rédemption.
On sait comment saint Anselme, dans son traité Cur Deus
homo (Pourquoi Dieu s'est fait homme) a éclairé par des
raisonnements, peut-être même excessifs, cette thèse qui a
toutefois un aspect fondamentalement vrai.

et s'est fait homme »


« Pour nous et pour notre salut, il est descendu
du ciel
chantons-nous dans le Credo de la
messe; Jésus vient au monde pour nous racheter; l'Incar-
nation est rédemptrice.
Il vit et agit dans l'attente de « son Heure» qui est celle
de la Pâque, celle où un dessein de Dieu s'accomplit et un
autre s'inaugure. Les deux testaments se rejoignent et
s'écartent dans la mort et la résurrection du Christ. La
Croix, instrument de la Passion du Seigneur, devient la
source de son triomphe et de sa grâce.
C'est pourquoi la Pâque, qui est le « mémorial » de cet
épilogue — principe de l'économie de Dieu dans l'histoire
de l'humanité — est le moment religieux par excellence;
elle est le christianisme dans son expression plénière et
authentique; elle est la synthèse de la foi et de la vie.
Saint Paul affirmait d'ailleurs ne rien connaître hors la
Croix du Christ :« Je n'ai rien voulu savoir parmi vous,
»
sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié (1 Cor., 2, 2).
b) Signification véritable et valeur profonde
de la passion du Christ

Une autre considération fondamentale concerne la signi-


fication véritable et la valeur profonde de la passion du
Christ.
Nous savons bien que sa mort et sa résurrection ont le
sens et la valeur d'un vrai et propre sacrifice; la tragédie et
le triomphe de Jésus ont une souveraine signification reli-
gieuse et renferment les clefs de nos rapports avec Dieu.
Le Christ est mort et est ressuscité pour rétablir les rela-
tions vitales et très bénéfiques de l'humanité avec la divi-
nité; Jésus a racheté le monde par son sacrifice.
« La Croix du Christ — explique encore saint Léon —
comporte donc le mystère de l'autel véritable et annoncé
d'avance, sur lequel, par le moyen d'une hostie salutaire,
serait célébrée l'oblation de la nature humaine. » (Sermon
IV sur la Passion, S 3).

Et par conséquent la scène extérieure des faits évangé-

cache et manifeste une scène intérieure :


liques relatifs à la fin de l'existence temporelle du Christ
l'immolation
sacrificielle, volontaire, de lui-même au Père, pour le salut
des hommes. A l'action visible correspond une action invi-
sible : en mourant et en ressuscitant, Jésus fut tout ensem-
ble victime et prêtre.
Il ne mourut pas seulement comme un juste, comme un
héros; il mourut comme une victime qui s'offrait libre-
Être :
ment à Dieu, pour accomplir l'œuvre à laquelle tout son
et sa mission étaient ordonnés notre Rédemption.

c)Le sacrifice de la Croix et le mystère pascal

Maintenant, nous devons rappeler une troisième considé-


ration, qui concerne la relation entre le drame personnel
du Christ et son universelle célébration liturgique.
C'est-à-dire qu'il faut considérer comment le sacrifice de
la Croix se reflète dans le sacrement pascal, que nous renou-
velons.
Et ici, nous sommes amenés à découvrir un rapport
d'identité entre la Cène et la Croix.
« Le Christ apparut à la Cène comme donnant à Dieu le

quelque chose :
pain et le vin; et par là il manifesta qu'il donnait à Dieu
non pas ce qui apparaissait, mais ce qui
était caché; non pas. le pain, mais ce que, à la place du
pain, il affirmait qu'il portait dans ses mains, à savoir son
propre corps; non le vin, mais ce qu'il affirmait avoir pré-
paré dans le calice à la place du vin, c'est-à-dire son sang;
séparément l'un de l'autre, quant au mode de signification
inclus dans les espèces et les paroles. Il se donnait en image
de mort; il se donnait pour nous à la mort, et par la mort
»
il se donnait à Dieu en hostie (M. DE LA TAILLE, Mysterium
fidei, 1931, p. 39).

volonté :
Il créait un rite, il manifestait pratiquement une double
celle de se sacrifier, et celle de vouloir sceller,
dans les signes du pain et du vin, rendus sacramentels, la
façon d'y représenter sa passion jusqu'à la fin du monde,
jusqu'à la « Parousie ».
« Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez
cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu'à ce
»
Il n'est pas une simple commémoration :
qu'il vienne nous enseigne l'Apôtre (i Cor., n, 26).
Là nous sommes au cœur du mystère pascal.
une relation
essentielle, et non purement commémorative, l'unit à la
Passion et à la Rédemption du Christ.
Il n'est pas seulement une représentation symbolique de
ce que le Christ a souffert et accompli sur la Croix; il actua-
lise la présence réelle et vivante du Christ, et reproduit par
voie d'identité son sacrifice, en le renouvelant par la répéti-
tion d'une offrande représentative, ou sacramentelle; selon,
précisément, la définition du Concile de Trente, parlant du
rapport entre le sacrifice de la Croix et celui de la messe
« Unique et identique est
:
l'hostie, le même (le Christ) offre
aujourd'hui, par le ministère des prêtres, qui s'offrit alors
lui-même sur la Croix; la manière d'offrir étant seule diffé-
»
rente (Denz. 940).
:
A présent et alors éloignement dans le temps, diversité
dans la manière dont s'accomplit l'oblation sacrificielle, le
Christ prêtre agissant par le ministère d'autres hommes
rendus participants de son sacerdoce; mais identité du
Christ premier prêtre; identité du sacrifice lui-même.

La Pâque, aiguillon de la piété chrétienne


et de la spéculation théologique.

Ce n'est pas pour rien que ce nœud admirable de réalités


divines actuelles et voilées, représentées et opérantes, éloi-
gnées et présentes, a toujours souverainement intéressé la
pensée et la piété des chrétiens, et aujourd'hui encore les
stimule et les alimente par les spéculations théologiques
les plus récentes et par les courants de spiritualité les plus
renouvelés. Le grand thème du « mystère liturgique »
attire l'étude et la prière, et il démontre comment le rite
sacramentel du catholicisme n'a pas seulement un but de
célébration, de rappel, de représentation et de pédagogie,
mais a principalement pour but de rendre présente et opé-
rante l'action salvifique du Christ.
Et même, dans l'Eucharistie, — le « mystère de la foi»
par excellence, — ce n'est pas seulement l'action, mais le
Christ lui-même, qui se rend présent dans la figure de ce
sacrifice d'où a jailli le salut des hommes (cf. S. Th., III,
- 73,1,ad3).
Ce que le Christ a accompli, à un moment historique
donné, — c'est le mystère de la Croix — est représenté et
renouvelé par le mystère sacramentel pour la sanctification
des croyants — c'est le mystère liturgique.
Et l'un et l'autre mystère découlent du dessein de Dieu
sur l'humanité, de cette pensée de Dieu tenue cachée pen-
dant les siècles, et qui, dans la plénitude des temps, fut
révélée et instaurée dans le Christ — mystère de Dieu -—

:
(cf. Eph. 1, 9; 3,9), ce que saint Paul, dans un merveilleux
élan spirituel, synthétise et chante ainsi « Il est grand, le
mystère de la piété (divine)! Il a été manifesté dans la
chair, justifié dans l'Esprit, vu des Anges; proclamé chez
les païens, cru dans le monde, enlevé dans la gloire»
(1 Tim 3, 16). Et c'est « l'Église du Dieu vivant, colonne et
»
fondement de la vérité (i Tim 3, 15) qui porte avec elle
et dispense un aussi grand trésor de lumière et de salut.
Le mystère pascal, synthèse de nos suprêmes raisons
devivre.
Nous aimerons donc écouter l'enseignement de l'Ency-

:
clique de Pie XII Mediator Dei, sur la liturgie, où il est
dit « L'année liturgique, qu'alimente et accompagne
la piété de l'Église, n'est pas une représentation froide et
sans vie d'événements appartenant à des temps écoulés; elle
n'est pas un simple et pur rappel de choses d'une époque
révolue. Elle est plutôt le Christ lui-même, qui persévère
dans son Église et qui continue à parcourir, la carrière de
son immense miséricorde; il la commença sans doute dans
sa vie mortelle, alors qu'il passait en faisant le bien, dans
le miséricordieux dessein de mettre les hommes en contact
avec ses mystères et par eux de leur assurer la vie. Or, ces
mystères restent constamment présents et opèrent. »
(A. A. S. 1947, p. 581; S 160).
Et si cela est vrai pour l'année liturgique, combien da-
vatage pour le moment suprême qui l'engendre, c'est-à-
dire la célébration pascale!
Notre religion s'exprime ainsi; c'est ici qu'elle a ses
racines, sa vérité, sa réalité.
Si notre vie trouve dans la religion ses raisons suprêmes,
c'est ici, dans le mystère pascal, qu'elle doit finalement les
découvrir et les réaliser.
Ainsi est rendue plus nécessaire, pour tous, une médita-
tion plus attentive de ce thème central de la foi et de la
vie, soit pour découvrir ce que Dieu, dans le Christ Rédemp-
teur, nous a révélé de Lui-même, soit pour mieux compren-
dre en quoi la vie chrétienne doit essentiellement consis-
ter, du fait qu'elle découle de cette révélation et de cette
action rédemptrice.
révélation et cette action divine :
Nous n'avons pas l'intention maintenant d'explorer cette
celui qui étudie, qui
pense, qui prie, sait bien qu'il se trouve devant un thème
d'une immense richesse; nous nous bornons ici à exhorter
tous les hommes à sa conquête.
La Pâque, force immense de rénovation morale.

Nous voulons plutôt, pour les buts pratiques qui dictent


une lettre pastorale, appeler l'attention sur l'aspect humain
qui résulte d'une célébration pascale bien conçue, c'est-à-
dire sur les applications morales que nous pouvons en
tirer au bénéfice de nos âmes individuelles, comme à celui
de nos communautés chrétiennes et, nous voudrions aussi
l'espérer, de notre société contemporaine.
La Pâque a, en effet, une immense force de rénovation
morale.
Ce n'est pas pour rien que l'Église oblige, par un de ses
préceptes universels les plus graves et les plus impérieux,
à « faire ses Pâques».

:
Il sera bon de se rappeler l'enchaînement des vérités que
nous sommes en train de considérer Dieu veut nous sau-
ver dans le Christ (cf. Eph. I); le Christ nous sauve par sa
Passion et sa résurrection (cf. Rom 4, 25); la Rédemption
du Christ est présente et opérante dans le mystère pascal
(cf. Jn. 6, 54); l'Église est chargée de célébrer le mystère
pascal (cf. i Cor., II, 24-25); celui qui célèbre bien la
Pâque doit mener une vie qui y corresponde, purifiée et
rénovée (cf. 1 Cor., 5, 7).

Le culte pascal, centre de la religion,


devient l'âme de la vie chrétienne.

Des sacrements jaillit l'obligation et la possibilité d'une


ascèse chrétienne. L'imitation du Christ, exigée par les
sacrements, s'opère non seulement par un effort de con-
formité extérieure à ses exemples, mais aussi par le fait
qu'ils infusent un principe de conformité intérieure; c'est-
à-dire par l'élévation de la vie naturelle à la vie surnatu-
relle, qui nous régénère dans le Christ.
Sur cet aspect de la vie chrétienne aussi, quelle abon-
dance d'enseignements nous viennent de la tradition et
du magistère de l'Eglise!
Citons-en seulement un grand témoin qui, justement,
unit l'autorité de la tradition et celle du magistère, saint
:
Léon; il ouvre la voie à la considération morale de la
Rédemption en enseignant que « la Croix du Christ. est
à la fois signe sacré et exemple et sacramentum est et
exemplum » (Sermon II sur la Résurrection, § I); et il nous
avertit que, participant au Corps et au Sang du Christ,

en ce que nous recevons


mus»
: '*
dans la communion pascale, nous devons nous transformer
« in id quod sumimus transea-
(Sermon XIV sur la Passion).

* *

Il nous semble donc utile, aux dépens peut-être d'une


interprétation plus rigoureuse du sens ascétique des rites

:
de la Pâque, de résumer pratiquement en trois mots usuels
la signification pastorale de ces célébrations liturgiques
profondes, complexes et dramatiques communion, contri-
tion, renaissance.
TROISIÈME PARTIE

LA SIGNIFICATION MORALE
DE LA LITURGIE PASCALE

:
Jeudi saint communion avec le Christ
et avec les frères.

Nous devons célébrer la Pâque en en comprenant et en en


vivant l'esprit de communion.

Communion avec le Christ, avant tout


Cet aspect de la Pâque est tellement clair que nous som-
mes habitués à établir une équation entre les Pâques et la
Communion sacramentelle.
La Pâque est notre rencontre annuelle avec le Christ.
Cette rencontre, cette communion, est tellement impor-
tante que, nous l'avons dit, l'Église nous en fait un com-
mandement.
Ce n'est pas un chrétien vivant, celui qui ne communie
pas au moins en ce retour annuel du jour suprême avec
Jésus-Christ, avec le Maître, avec la Vigne, avec le Sauveur,
avec notre Roi, avec celui qui est le chemin, la vérité et
la vie.
Tous et chacun nous sommes appelés.
Elle déserte, la brebis qui n'écoute pas, à Pâques, la
voix du Pasteur qui veut nourrir son troupeau de sa propre
substance. Il rompt le fil de l'union avec Lui, celui qui, à
Pâques, ne se rattache pas à lui.
Il ferme les yeux et il se rend lui-même aveugle à la
lumière divine, celui qui, à Pâques, ne comprend pas cette
:
suprême intention d'amour qui parcourt et résume tout le
christianisme
dans l'Emmanuel.
Dieu veut être avec nous, dans le Christ,

Lui qui, pour se rendre accessible, pour se faire désirer,


pour se montrer nécessaire, s'est revêtu des apparences du
pain. Pour réveiller notre faim de lui, c'est ainsi qu'il
s'est présenté. Pour aplanir devant nous la route jusqu'au
bout, c'est ainsi qu'il nous donne rendez-vous.
Et même si nous sommes, pour notre bonheur, habitués
à cette rencontre avec le Christ eucharistique
— qu'elle
soit fréquente ou même quotidienne — la Pâque ne serait-
elle pas la meilleure occasion pour saisir, ou au moins
pour tenter de saisir quelque chose de ce divin dessein de
communion, que l'Eucharistie nous présente toujours?
A Pâques, la communion doit prendre toute sa significa-
tion, toute sa plénitude, toute son intensité spirituelle.
Et il est beau déjà de savoir ces choses pour pouvoir une
fois, à Pâques, en vivre et les savourer solennellement.

Et aussi communion avec les frères


L'Eucharistie est le sacrement par excellence de la com-
munauté chrétienne. Si elle anime et rassasie l'intériorité
personnelle de chaque fidèle, comme en l'introduisant à
une expérience mystique qui lui est propre, pour autant
elle ne l'isole pas de la communauté.
Et c'est de la communauté que l'Eucharistie jaillit; la

:
communauté telle que le Christ la veut, hiérarchiquement,
sacerdotalement organisée l'Église.
On ne peut pas participer au Christ eucharistique, si ce
n'est à celui qui découle du ministère sacerdotal de l'Église.
Et il est connu que l'Eucharistie, qui est consacrée par le
Corps mystique du Christ et qui contient sacramentelle-
ment le Corps réel du Christ, est encore principalement
ordonnée au Corps mystique du Christ, comme sa nourri-

:
ture, son sacrifice, ayant pour terme de conduire ce Corps
à l'unité « res huius sacramenti est unitas corporis mys-
tici » (S. Th. III, 60, 3, ad 2) la res, la réalité, c'est-à-dire
:
l'efficacité sanctifiante de ce sacrement, est l'unité du Corps
mystique (S. Th. III, 73, 3). Saint Thomas nous enseigne
que « l'Eucharistie est le sacrement de l'unité ecclésiasti-
que» :
(S. Th. III, 73, 2), faisant écho à la célèbre exclama-
tion de saint Augustin «O sacramentum pietatis, o signum
unitatis, o vinculum caritatis » (In Jo. tract. 26).
Les relations entre le Corps mystique et le Corps réel
du Christ nous sont présentées par le sacrement pascal de
l'Eucharistie dans leur intention finale, qui est de conduire
les chrétiens d'une union profonde et consciente entre eux
à une communion plus profonde et voulue avec le Christ,
en vertu d'un suprême dessein divin d'unité, et pour y
obéir.
Le Jeudi saint nous parle principalement de cet aspect de
la célébration pascale.
Le rite du lavement des pieds, avec son impressionnant
symbolisme d'humilité et de service, et le souvenir de la
dernière Cène, avec son atmosphère de mystérieuse inti-
mité, comme pour lier la vie présente à la vie future par le
nœud tragique de la Passion figurée par l'Eucharistie, tout
cela n'est pas seulement enseignement, mais initiation à
la charité, à la communion avec les frères et avec le Christ,
prescrite par son « nouveau » commandement :« Aimez-
vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. Personne n'a
plus d'amour que celui qui donne sa vie pour ses amis »
(Jn, 15, 12-13).
Il n'est personne qui ne voie quelle importance pratique
peut avoir cette sublime pédagogie.
La charité se manifeste comme un puissant et doux
devoir; la concorde, la capacité de comprendre, d'aimer,
de secourir les autres, de compatir à eux, jaillissent avec
une logique contraignante de l'école du Jeudi saint.
Le pardon des offenses, la réconciliation des ennemis, la
victoire sur les antipathies, l'éclatement de tout égoïsme,
les principes d'altruisme, le sens de la communauté, le
goût de la bienfaisance, le culte de l'unité ne nous sont
pas seulement enseignés, mais secrètement infusés, et de-
viennent doux et forts dans l'âme, non plus seulement
comme des devoirs, mais comme des besoins de l'esprit, si
nous aussi nous nous asseyons, avec simplicité de cœur, à
l'humble et grandiose Cène du Christ.
Nous ne pouvons plus dire que ces rites nous détournent

:
d'une vision positive de la vie et nous transportent dans le
songe de spiritualités ésotériques et lointaines ils offrent
à la vie leurs jeunes et fécondes racines qui fructifient en
réfection intérieure, en intelligence vraie des phénomènes
humains, en sociabilité bonne et constructive.
Le vendredi saint : esprit de contrition.
Le vendredi saint, en revanche, en nous présentant la
tragédie du Calvaire, tend à susciter un esprit de contrition.
Si nous avons pieusement suivi le rite qui évoque le
drame de la Passion et de la Mort du Seigneur, il nous
advient ce qui est advenu en cette soirée lugubre :
confession de la divinité du Christ et un sentiment de dou-
une
leur qui naît de la conscience indéfinissable mais incoerci-
ble d'avoir été un complice dans la mise à mort de ce
Juste, un besoin spontané de se frapper la poitrine. « Le
centurion et les hommes qui avec lui gardaient Jésus, à la
:
vue du tremblement de terre et de ce qui arrivait, furent
saisis d'une grande frayeur et dirent « Vraiment, celui-ci
était fils de Dieu! » (Mt., 27, 54) et « s'en retournaient en
se frappant la poitrine» (Le, 23, 48).
Telle est la suprême leçon, qui projette sur cette scène des
lumières éblouissantes.
Pourquoi le sens du péché naît de la Croix, ce n'est pas
le moment de l'expliquer; mais c'est ainsi. Et celui qui
sait quelle est l'origine profonde des plus graves boulever-
sements humains, est obligé de reconnaître qu'ils sont dus
précisément à la disparition, dans le monde, du sens du
péché, c'est-à-dire de la responsabilité transcendante de nos
actions et de la certitude d'une justice absolue.
Et les conséquences sont énormes et agissent dans les
domaines les plus vastes et les plus complexes de la vie
humaine. « L'abolition de la notion de péché, en deman-
dant l'abolition de la notion d'un Dieu transcendant, se
paye. par la perte de la personnalité sur terre, et par la
perte du destin immortel au-delà de la terre » (MONTANARI,
Il Peccato, Rome 1946, p. 17).
Au sens du péché se relient la nécessité de l'expiation et
la logique du sacrifice.
Expérience qui porterait l'homme au désespoir si, dans
l'acte même qui en perçoit la fatale nécessité, il ne décou-
vrait en même temps qu'elle est très heureusement sur-
montée par la rédemption du Christ.
Le Christ expie pour nous. Le Christ meurt pour nous.
Alors une autre révélation fait irruption dans l'âme Il:
nous a aimés! « Dilexit me et tradidit semetipsum pro me :
»
:
il m'a aimé, il s'est livré lui-même pour moi (Gal. 2, 20).
Rappelez-vous Pascal « J'ai pensé à toi dans mon ago-
nie, j'ai versé telle goutte de sang pour toi» (Le mystère de
Jésus)
C'est gratuitement qu'il nous a aimés, éperdument.

:
Voici que resplendit l'attribut divin qui nous donnera
quelque connaissance de Dieu l'amour, la bonté, mieux
la miséricorde.
:
« 0 Dieu, —
dit l'oraison de la messe du 10e dimanche
après la Pentecôte au rite romain — ô Dieu qui manifestes
ta toute-puissance surtout par le pardon et la miséricorde! »

:
Tout cela est splendide. Mais nous tourmente, nous tor-
ture. La contrition pascale est ainsi une douleur naît dans
notre cœur, d'autant plus sincère qu'elle est moins déses-
pérée. Une douleur qui nous régénère, nous donne la vision
vraie de ce que nous sommes, met en nous le juste crité-
rium de notre conduite.
Vérité et justice envahissent la conscience, l'éclairent,
l'éprouvent, la travaillent et, enfin, l'encouragent à
:
l'expression extérieure et sincère de sa malheureuse condi-
tion morale « Père, j'ai péché contre le ciel et contre toi»
(Le, 10, 19); à cette expression qui libère de toute la misère
intérieure par l'humilité, la pénitence, la confession.
Une douleur qui n'aurait ni mesure ni consolation, parce
qu'elle a la gravité d'une offense faite au Dieu vivant, au
Dieu de la justice et de la bonté, — si justement, du seul
fait qu'elle se manifeste, elle ne provoquait immédiatement
le secours, le remède.
Dieu n'attendait que cette explosion d'amour pénitent,
ou de pénitence aimante, pour répondre aussitôt et pour
appliquer l'économie de la grâce, inespérée et boulever-
sante — « où le péché s'est multiplié, la grâce a sura-
bondé» (Rom. 5, 20); c'est ce qui accouple les deux termes,
la misère et la miséricorde, selon le raisonnement de saint
Augustin (De natura et gratia, 25), pour faire triompher
l'amour de Dieu pour nous;c'est ce qui suggère à l'Église,
l'Exsultet de la nuit pascale:
rendue audacieuse et enthousiaste, le chant fameux, dans
« 0 l'heureuse faute, qui
obtint d'avoir un si grand Sauveur! 0 felix culpa, quœ
talem ac tantum meruit habere Redemptorem! »
Et combien d'autres choses le vendredi saint, amer et
grandiose, peut nous apprendre à méditer par sa pédagogie
de la contrition.

de la Rédemption ?
Que dire de l'emploi de la douleur humaine dans l'œuvre
Que dire de la mort transfigurée en
source de vie? Que dire du sacrifice, qui porte au sommet
de la perfection et de l'efficacité l'héroïsme, immolé pour
les fins suprêmes de la gloire de Dieu et du salut de
l'humanité?
Ce sont aussi ces rayons lumineux et brûlants qui don-
nent à l'homme qui y expose son infirmité, un salut nou-
veau; et cette réalité extrêmement concrète que nous pour-
rions appeler esprit de pénitence; ce que nous, modernes,

:
avons presque entièrement perdu, et que même nous, les
fidèles, oublions davantage de jour en jour hous voulons
une vie sans douleur, sans effort, sans fatigue, sans expia-
tion; et nous allons à la recherche d'une religion commode,
sereine, consolatrice, privée souvent à l'intérieur de son
énergie ascétique, et dépouillée à l'extérieur de son habit
d'austérité et de pénitence.
Nous devons refaire le Chemin de la Croix : non seule-
ment avec la dévotion et l'émotion sentimentale, mais avec
la contrition qui assimilera notre vie à la Passion régéné-
ratrice de notre Sauveur.

La renaissance pascale.

Puis la renaissance. C'est la répercussion morale et sur-


naturelle du mystère de la résurrection du Christ dans
notre vie d'ici-bas.
Elle a son expression la plus claire dans le sacrement de
Baptême, que l'antique coutume réservait à la nuit pas-
cale. Par son symbolisme de mort et de vie, le Baptême in-
dique la cause de notre rédemption par la passion et la
résurrection du Seigneur, et en même temps son effet dans
nos âmes où le mal est vaincu, où meurt le péché, et où le
bien renaît, c'est-à-dire que la justification et la grâce y
instaurent une nouvelle vie surnaturelle, y promeuvent et
facilitent une nouvelle renaissance morale. « Nous avons
été ensevelis, écrit saint Paul, par le Baptême avec Lui (le
Christ) dans sa mort, et ainsi nous devons nous aussi mar-
»
cher en nouveauté de vie (Rom., 6, I; Col., 2, 12).
Saint Ambroise pourrait être encore notre maître sur ces
lois fondamentales de la vie chrétienne (cf. De sacramen-
tis, 6).

La renaissance pascale part d'une conversion, d'un chan-


gement de mentalité et de comportement, d'un retourne-
ment intérieur, qui inaugure dans l'âme le « règne de
Dieu».
C'est là, selon l'expression évangélique, la metanoia,
qu'on traduit par « pénitence », mais qui équivaut à
« repentance »
laquelle, outre la douleur du passé, inclut
un changement de pensée, une nouvelle orientation spiri-
tuelle.
Ce n'est pas pour rien que le divin Restaurateur fait de ce
retournement spirituel le premier thème de la prédication
apostolique, en même temps que le témoignage rendu à sa
résurrection. « La pénitence — c'est-à-dire la conversion —
»
devra être prêchée à toutes les nations (Le, 24, 47; Actes,
10, 18; 20, 20).
Elle a donc une :
double valeur négative relativement aux
péchés commis, et positive relativement à l'orientation déci-
sive de l'âme vers le « règne de Dieu », c'est-à-dire vers
cette forme spirituelle et morale de vie appelée par de nou-
veaux rapports avec Dieu et accomplie dans l'effort de
conformation au Christ.
De la Pâque découle donc en chaque âme fidèle une
impulsion rénovatrice, une initiative créatrice de bonté et
de sainteté.

Nous pourrions développer cette notion d'un élan rénova-


teur, imprimé par le mystère pascal à la vie vécue, par bien
En voici une:
des applications diverses.
la certitude que, dans le christianisme,
existent des principes inépuisables et des énergies capables
de rénover le monde.
Le mystère de la Résurrection contraint à cette certitude.
Il nous invite à réfléchir sur cette capacité, originale et de
soi suffisante, que le christianisme possède pour ressusciter
la mortalité humaine, pour réchauffer le zèle de l'homme
en vue du bien, pour lui rendre non seulement la notion
mais aussi la possibilité de sa propre renaissance et d'une
remise en ordre de la société.

Une réforme toujours en acte, un dynamisme toujours


tendu vers une meilleure perfection, une palingénésie spiri-
tuelle jaillissent de la source pascale.
La vision profonde des besoins humains, l'art inépuisable
d'y répondre effectivement, l'habileté à employer les
malheurs et les douleurs mêmes de l'homme pour son bien
supérieur, l'impulsion à un dépassement de l'ordre tempo-
rel — tellement incomplet toujours, tellement éphémère
et illusoire s'il est présenté comme fin en soi — vers un
ordre supérieur qui, préparé et goûté d'avance, est promis
au-delà du temps comme un but indicible et sûr; ce peuvent
être des dons de la Pâque adaptés à notre génération, aussi
satisfaite d'elle-même qu'elle est inquiète et incapable de
supporter sa condition présente.
QUATRIÈME PARTIE

SUGGESTIONS PRATIQUES

Nous voulons maintenant rassembler ces modestes pensées


éparses en quelques suggestions de caractère pratique. Nous
les croyons utiles pour une célébration fructueuse de la
Sainte Pâque.

I. Catéchèse liturgique.

La Pâque ne peut être pensée et vécue qu'après une caté-


chèse soignée et si possible intense, portant sur les thèmes
que la liturgie développe dans les trois dimanches qui pré-
cèdent le Carême, — thèmes d'une immense importance
doctrinale pour tout le système de théologie morale du
Christianisme —; et sur ceux du Carême lui-même.

2.Homélie dominicale.

homélie des messes dominicales :


Pour la masse des fidèles on ne peut utiliser que la brève
qu'on veille àlui donner
une présentation claire et solide de la part des prêtres; une
réflexion attentive de la part des fidèles.

3. Prédication pascale.

Mais là où est possible un développement plus ample,


comme dans les prédications destinées à préparer aux

:
Pâques, qu'on cherche à approfondir, au point de vue doc-
trinal et au point de vue ascétique, les thèmes qui introdui-
sent au foyer central de la Rédemption comme, par
exemple, Dieu créateur, la position de l'homme dans le
plan de la création et dans celui de son élévation surnatu-
relle; le péché et son châtiment dans le temps et dans l'éter-
nité; l'inéluctable nécessité d'une expiation; l'expiation du
Chef et le concept de Rédemption; l'obligation de participer
à la Rédemption; la conversion et la pénitence; la Résurrec-
tion du Christ; le Raptême, la Pénitence, l'Eucharistie, la
résurrection des corps, etc.
La prédication préparant aux Pâques ne devrait pas être
générale, et reliée d'une façon seulement extrinsèque au
mystère pascal; mais elle devrait regarder ce mystère direc-
tement comme son centre.

4. Catéchèse morale.

A lacatéchèse doctrinale se relie la catéchèse morale. La


logique et la force de la loi évangélique jaillissent naturelle-
ment de la vérité de la Rédemption. Il sera bon d'avoir un
programme concret pour une vie chrétienne plus engagée
pendant le Carême et spécialement pendant son épilogue, la
semaine sainte et la semaine in albis. Jadis un tel pro-
gramme était rigoureusement prescrit par l'ascèse quadra-
gésimale : jeûne, recueillement, bienfaisance, prière,
pénitence.
Aujourd'hui, la vie moderne a relâché cette discipline et
l'Église a fait preuve d'indulgence maternelle au sujet des
anciennes pratiques pénitentielles. Mais l'obligation d'une
discipline préparatoire à la Pâque demeure; comme demeure
l'obligation générale de l'exercice ascétique de l'oraison, de
la charité, de la pénitence pour tous, obligation qui encore
aujourd'hui met en jeu la prudence et la force.
Rappelons à ce propos que demeure l'obligation de l'abs-
tinence chaque vendredi, et qu'à cette obligation s'ajoute
celle du jeûne le premier vendredi de Carême et le vendredi
saint.
Là où c'est possible, par exemple dans les locaux de nos
associations, ou encore aux portes des églises, il serait bien
de publier des indications de programmes concrets de vie
chrétienne et de tempérance quadragésimale, exigeant peu,
mais suscitant la ferveur de qui veut faire davantage.
5. Les cérémonies de la semaine sainte.

Une semaine sainte improvisée serait inefficace. Elle doit


être annoncée à temps, préparée dans tous ses détails.
Déjà on sait tout ce qui est nécessaire pour bien préparer
les diverses catégories des fidèles aux sacrements de la
Pâque, par la prédication, par les confessions, par les com-
munions pascales.
L'initiative des curés de Milan de faire faire les premières
communions le même jour (bien que chacun la fasse dans
sa propre paroisse) a eu un bon résultat l'an passé; aussi
nous la verrions volontiers se renouveler et même, si possi-
ble, s'étendre aux autres centres urbains de l'archidiocèse,
sinon à toutes les paroisses, dans la confiance que la simul-
tanéité éveillera une bonne émulation et donnera à tous,
clergé, familles et enfants, le sens et le goût de notre unité
spirituelle.
Qu'on instruise très bien, et à temps, les petits clercs pour
les cérémonies de la semaine sainte; qu'on prépare le chant;
qu'on choisisse ou qu'on rédige les monitions qui ne peu-
vent pas être improvisées, mais qui doivent être énoncées
de façon à donner au peuple le sens du rite, sans aucune-
ment troubler le déroulement paisible et solennel des céré-
monies.
Les associations catholiques, dès le début du Carême,
pourront préparer leurs membres à participer aux rites les
plus importants et les plus expressifs comme la procession
du dimanche des Rameaux — qui devrait inaugurer avec sa
joyeuse solennité tous les autres rites de la grande
semaine — la communion pascale du jeudi saint, l'adora-
tion de la Croix du vendredi saint, et la rénovation des
engagements baptismaux dans la veillée pascale.
Qu'on observe aussi les prescriptions particulières de
notre rite ambrosien; qu'on suive fidèlement ce que les nou-
velles formes liturgiques prescrivent pour la semaine sainte.
Il ne manque pas désormais de bons livres qui expliquent
et commentent tout.
Si la catéchèse parle à l'esprit et au cœur du chrétien,
le langage liturgique parlera à l'homme tout entier, même
à ses sens, par des signes accessibles à l'œil et à l'oreille.
6. Le jour de Pâques.
On ne manquera pas de porter un intérêt spécial au grand
jour de Pâques, par la parole et par le rite; qu'on fasse au
contraire tout ce qui est possible pour que cette solennité
solemnitatum omnium honoranda solemnitas » — comme
«
le proclame notre préface ambrosienne —, ait dans les
coeurs sa pleine résonance et suscite en eux des élans et des
résolutions de vie chrétienne renouvelée.
CONCLUSION

La Pâque et les problèmes de notre temps.

Pendant que nous discourons ainsi, Vénérables Confrères


et Fils bien-aimés, nous sommes encore tentés par le doute
est-ce que nous n'éludons pas la réalité positive de la vie,
:
tant individuelle que sociale, chargée d'expériences, de pro-
blèmes, d'efforts, d'espérances, qui paraissent et qui sont si
différents et si éloignés du domaine de pensée auquel nous
voulons vous inciter en vous invitant à une célébration
pascale digne et plénière?
?
Sommes-nous vraiment en dehors de la réalité Ignorons-
nous, en écrivant et en pensant ainsi, l'homme, la société,
l'époque, nos obsédants problèmes?
Ici semble se taire, comme dans les retraites d'un cloître,
le bruit des chansons de notre monde frivole et jouisseur,
des machines haletantes et assourdissantes de notre travail,
des discours parlementaires, qu'ils soient subtils ou sincè-
res, des sourdes rumeurs des guerres lointaines et des révo-
lutions proches. Ici l'atmosphère, même si elle est traversée
par des lueurs dramatiques, est pure, transparente, et
semble seule donner à l'âme voix et respiration.
Et au corps, que donne-t-elle? Et aux vrais problèmes
du peuple, de la paix, du progrès, de la cité, qu'est-ce
qu'elle enseigne dans son évanescence éthérée et mystique?

Le salut, c'est le Christ.

Oh! comme le discours se prolongerait si nous voulions


répondre à ces questions harcelantes!
Elles supposent que les termes dans lesquels elles sont
formulées sont certains et définis.

:
Mais le sont-ils vraiment? Si nous demandions, à notre
tour, à cette fière sagesse « Et qu'est-ce que la réalité? et
qu'est-ce que l'homme est vraiment? et quel est le sens
profond de la vie en société? et la cité dernière et véritable,
?
en quoi consiste-t-elle et
d'expériences conformes à
ce monde, qui croit se nourrir
la natures des choses et de la vie,
est-il vraiment sûr que de telles expériences suffisent à
l'homme, et qu'elles ne se résolvent pas demain en atroces
déceptions? et à l'inquiétude qui règne dans les esprits et
fait présager les plus terribles choses, qui saura donner une
explication, qui trouvera le remède? et cette paix irréalisa-
ble, où se trouve le fil caché qui y conduit? et la corruption
qui germe si facilement sous le vernis de l'art, de l'ordre,
de la richesse, de l'administration, de la politique, qu'est-ce
qu'on doit en penser? et l'angoisse qui aujourd'hui pousse
au désespoir la littérature, la jeunesse, l'amour, la pensée,
qu'est-ce que vous en dites »?
Long discours que nous abrégeons brusquement par cette
conclusion, empruntée à l'expérience spirituelle des siècles,

mère et maîtresse, l'Église :


confirmée par la sagesse des saints, prêchée par la grande
comprendre la Pâque, c'est
comprendre le christianisme; ignorer la Pâque, c'est igno-
rer le christianisme.
Dans le Christ seul, principe et fin, est le salut; à lui la
gloire, dans les cœurs et pour les siècles.

Milan, le 10 février 1959.

J.-B. Cardinal MONTINI, archevêque de Milan


LE RENOUVEAU LITURGIQUE
DANS LE MONDE

T mouvement
l'historique, le bilan actuel et les orientations du
RACER
liturgique catholique travers le monde,
à
n'est-ce pas une entreprise impossible, condamnée
à des résultats fragmentaires et imprécis au point d'en être
fallacieux et dérisoires? Et maintenant que le problème
liturgique se pose dans tous les pays du monde, la tâche
n'est-elle pas bien plus difficile encore qu'il y a quelques
années, lorsque les revues liturgiques du Mont César ou de
Maria Laach pouvaient raisonnablement dresser le tableau
complet des efforts accomplis et des résultats obtenus
tentative nous a cependant paru nécessaire, à cause de la
? La

nature même du renouveau liturgique.


Régler la liturgie, en adapter les formes aux besoins de
l'Église d'aujourd'hui et de demain, comme le Concile l'a
entrepris, orienter et diriger la pastorale liturgique et la
vie liturgique de la Plebs sancta, tout cela fait partie des
responsabilités apostoliques du successeur de Pierre et du
collège apostolique dont il est le chef. Mais il est bien clair
que si la liturgie appelle la participation de tous les bapti-
sés, si elle est, et doit être, l'affaire de tous, aucune réforme
liturgique, même décidée de façon solennelle par l'autorité
d'un Concile, ne peut avoir de fruit que dans la mesure où
le renouveau liturgique a gagné ou gagnera les cœurs et
la piété vivante de chacun des pasteurs et de tout le peuple
chrétien. L'avenir de la liturgie se prépare dans le renou-
veau pastoral de tous les pays autant que dans la nef de la
Basilique vaticane.
Il ne pouvait être question de consacrer un article au
renouveau liturgique en chaque pays. Seuls quelques son-
dages pouvaient être envisagés, les plus variés possibles. On
ne s'étonnera donc pas que ce tour d'horizon soit très in-
complet et qu'il y manque tel ou tel pays dont l'effort actuel
ou le rôle historique dans le mouvement liturgique
seraient pourtant dignes d'être relevés. Qu'on n'y voie
aucune ingratitude envers les pionniers qui ont ouvert les
voies et semé, dans l'espérance et l'enthousiasme, les mois-
sons qui mûrissent aujourd'hui1.

Les collaborateurs du présent cahier, tous engagés dans


la pastorale liturgique de leurs pays respectifs, ont retracé,
avec une ferveur souvent visible, la naissance et le dévelop-
pement de l'apostolat liturgique qui, suivant les cas,
remonte au début du siècle ou est né d'hier et connaît
encore la première jeunesse de son élan. La sécheresse de
telle ou telle énumération, l'histoire des centres liturgiques,
qui ont parfois mis du temps à obtenir l'audience qu'ils
méritaient, les recommencements, les congrès succes-
sifs, les lents cheminements, tout cela dit assez le long
labeur et cette sorte de conversion en profondeur qui ont
été nécessaires depuis saint Pie X, Dom Lambert Beauduin,
Dom Guéranger, pour que les hommes de ce siècle soient
à nouveau naturalisés à la prière de l'Eglise et à sa Tradi-
tion. Tout cela montre quels combats ont dû être livrés, et
doivent l'être encore ici ou là, contre la routine et l'incom-
préhension, pour que la piété liturgique obtienne droit de
cité parmi les catholiques et devienne à nouveau populaire,
capable d'être la prière de tout le peuple de Dieu. La grande
voix de Pie X et de ses successeurs n'était pas de trop pour
donner l'assurance qu'on ne s'était pas trompé de chemin.
Selon le mot de Dom Lambert Beauduin que rappelle
F. Kolbe, il faut du temps pour que les foules réapprennent
ce qu'elles ont mis des siècles à désapprendre.
Finalement, chaque étape — celle des monastères, celle
du renouveau grégorien, celle de l'Action catholique —,
chaque difficulté surmontée, promettait des fruits plus

i. Il eût été nécessaire aussi de considérer le renouveau litur-


gique dans le cadre du mouvement œcuménique; mais le sujet est
si vaste que La Maison-Dieu devra le traiter pour lui-même.
abondants que ce qu'on pouvait en voir sur le moment.
Le principe de la participation active, affirmé par saint
Pie X à propos du chant grégorien, allait être la clef d'un
renouveau bien plus large et d'une ecclésiologie plus au-
thentique de l'assemblée célébrante. Ce qu'un Dom Casel
retrouvait quant au caractère central du mystère pascal ou
à la présence du Christ dans la fête etdans l'assemblée, nous
travaillons maintenant à le faire passer dans la catéchèse de
nos paroisses. La crise du mouvement liturgique allemand
elle-même conduisait à l'encyclique Mediator Dei et à l'am-
vre décisive de Pie XII.
La succession des étapes du mouvement liturgique n'a
pas été sans bien des heurts, sur lesquels il est sans doute
trop tôt pour porter un jugement. D'une part on constate
dans les formes de piété ou d'action liturgique des étapes
qui ont ensuite permis d'aller plus loin (ainsi l'usage
du missel considéré naguère comme la forme idéale de par-
ticipation). D'autre part, on voit se perpétuer dans l'his-
toire du mouvement liturgique la tension initiale entre

sacré et du mystère :
l'Aufklärung et le romantisme, la catéchèse et le sens du
les deux tendances l'emportent tour
à tour, ou s'opposent en une même époque, comme on a pu
le voir de nos jours entre certains spécialistes des arts sacrés
et d'autres plus uniquement soucieux de pastorale. A pren-
dre du recul, il est pourtant clair que les deux tendances
se complètent, malgré leurs exagérations possibles, et qu'on
a beaucoup progressé vers leur synthèse.
Assez différente, initialement, d'un pays à un autre, l'his-
toire du mouvement liturgique est devenue, au cours des
dix dernières années, beaucoup plus semblable partout. La
plupart des pays ont vu se créer des commissions liturgi-
ques épiscopales, des centres liturgiques; on a publié des
rituels bilingues, des directoires de la messe; la pastorale
liturgique a fait naître les divers moyens et instruments de
travail qui lui sont nécessaires. On peut faire à ce sujet
trois remarques d'ordre pastoral.
En premier lieu, l'intervention de la hiérarchie n'est dé-
cisive que si elle est effectivement une impulsion pastorale.
C'est ainsi qu'en bien des cas la création des commissions
liturgiques diocésaines réclamées par Mediator Dei a été une
chose inutile, et parfois un obstacle, faute d'une impulsion
réelle dans le sens de la pastorale liturgique. En second lieu,
le progrès de la pastorale liturgique a été favorisé, plus que
jamais auparavant, par les contacts internationaux de toute

:
sorte, au risque de donner ici ou là au mouvement liturgi-
que l'apparence d'une importation étrangère il y a lieu
de veiller à ce que les formes de piété et de sensibilité reli-
gieuse de chaque peuple donnent à sa vie liturgique sa
couleur propre. Enfin, et c'est le point le plus important,
seules des enquêtes étendues, qui jusqu'à maintenant n'ont
pas été faites, permettraient de savoir dans quelle mesure
les éléments fondamentaux de la participation active et de
la piété liturgique atteignent actuellement la vie chrétienne
des masses catholiques. Le caractère éclatant de certaines
réalisations localisées ne doit pas faire oublier que le but
réel de la pastorale liturgique est de servir la prière et la
vie dans le Christ du peuple de Dieu tout entier. Dans
chaque pays, dans chaque grande ville, on constate aujour-
d'hui une certaine diversité dans la réalisation du renou-
veau liturgique. Ici, ce renouveau est un printemps qui ne
laisse apparaître que quelques timides bourgeons; ailleurs,
la maturité approche et l'on voit venir le moment où l'unité
pourra être demandée sur un minimum de réalisations pas-
torales communes, comme le bien des fidèles et la nature
communautaire de la liturgie le réclament.
Non moins frappante est la diversité des conditions
pastorales dans lesquelles le renouveau liturgique doit se
réaliser aujourd'hui. Pays de pratique religieuse intense où
le clergé, déjà surchargé par le ministère des sacrements,

:
est tenté de considérer la pastorale liturgique comme un
luxe ad bene esse « Nous n'arrivons déjà pas à faire ce
que nous avons à faire ». Ou, à l'inverse, mais avec des
conséquences identiques, cri d'angoisse de l'Amérique
latine devant l'immensité des besoins immédiats et l'insuf-
fisance dérisoire des moyens disponibles. Est-il vraiment
possible que lesmêmes livres liturgiques, avec des rubriques
identiques, règlent une liturgie réelle et effectivement pasto-
rale dans des conditions si différentes? Et n'y a-t-il pas des
cas où les trésors vénérables du patrimoine liturgique de
l'Église sont d'un poids presque écrasant, empêchant d'ac-
céder à l'essentiel une masse de baptisés sous-évangélisée ?
Le chant du peuple pose partout un problème. Malgré
l'immense effort du mouvement grégorien et les générosi-
tés que la parole de Pie X a mobilisées, il semble qu'en gé-
néral les catholiques ne chantent pas à la messe; soit que
dans le passé le chant ait été confié exclusivement à une
schola, soit que les fidèles aient, jusqu'à ces derniers
temps, récité pendant la messe le Rosaire ou des prières
comme celles que le P. Brunner signale pour l'Extrême-
Orient. Ou bien le peuple chante quasi continuellement,
mais sans rapport avec la structure de l'action liturgique,
utilisant un répertoire antérieur au mouvement liturgique.
Dans la majorité des cas, tout, ou presque tout, est à faire
pour que le programme fixé au chant vernaculaire par l'en-
cyclique Musicae sacrae se réalise partout. Mais partout on
s'est mis à l'œuvre.
Si l'on se tourne vers l'avenir, tous ceux qui sont enga-
gés dans le renouveau liturgique attendent les résultats du
Concile, spécialement en ce qui concerne une part plus
grande faite dans la liturgie romaine aux langues vernacu-
laires; à juste titre, car l'avenir de la participation active en
dépend. Mais deux raisons invitent les pasteurs à ne pas se
laisser immobiliser par une telle attente; la première est
que, comme tous les articles de ce cahier le montrent, il
n'est point de pays où le programme de pastorale liturgi-
que de Pie XII ait été mis enœuvre totalement, et que c'est
précisément cette mise en œuvre qui va conditionner l'ap-
plication des décisions conciliaires. La seconde est que, loin
de résoudre tous les problèmes de la pastorale liturgique,

:
on peut s'attendre à ce que l'usage des langues vernaculai-
res manifeste les problèmes réels et leur gravité on verra
mieux alors l'insuffisance de la catéchèse et les besoins de
l'adaptation.
La découverte de la pastorale liturgique par des pasteurs
qui n'y étaient pas tous préparés rendait sans doute inévi-
table que certains voient dans la liturgie un instrument
nouveau et facile pour une catéchèse à peine renouvelée
dans son contenu. Le vrai problème est celui d'une catéchèse
authentiquement biblique et liturgique, qui nourrisse effec-
tivement la foi du peuple fidèle par la Parole de Dieu enten-
due dans la liturgie, et qui recentre la piété chrétienne sur
le mystère pascal, présent et agissant dans l'eucharistie et
les sacrements. Sans un effort généralisé à cet égard, la
réforme liturgique serait infructueuse parce que inadaptée,
tournée vers l'homme d'hier et non celui d'aujourd'hui.
Les vocables mêmes d'apostolat liturgique,mouvement
liturgique, pastorale liturgique, employés tour à tour dans
ce cahier, expriment bien la progression du renouveau
liturgique dans les différents pays. Il a fallu d'abord, dans
un premier stade d' « apostolat», amener des élites (ou des
paroisses privilégiées) à redécouvrir la valeur spirituelle
de la liturgie; puis, donner au mouvement ainsi lancé son
plein développement et sa force, ce qui comportait des ris-
ques de tension avec d'autres mouvements.dans l'Église,
d'exagération même, contre lesquels l'encyclique Mediator
Dei constituait une mise en garde en même temps qu'elle
secouait les négligents et stimulait les inactifs. Mais le
temps est venu, comme La Maison-Dieu le suggérait déjà
après le Congrès de Lugano, et comme Pie XII l'a inscrit
dans les règles liturgiques par l'Instruction de 1958, où le
mouvement liturgique a cessé d'être l'affaire de quelques
élites laissant les autres puiser ailleurs leur inspiration spi-
rituelle ou leur orientation pastorale. Désormais, la parti-
cipation à la liturgie est due à tous les baptisés, et la pas-
torale liturgique fait partie des responsabilités de tous les
pasteurs. Du fait même, les problèmes liturgiques se trou-
vent posés au niveau d'une pastorale d'ensemble.
Le premier de ces problèmes est évidemment celui d'un
effort liturgique vraiment généralisé. Actuellement, la
diversité de la vie liturgique d'une église à une autre tient
beaucoup moins à la diversité des besoins des fidèles qu'à
l'absence d'une pastorale liturgique d'ensemble, par
laquelle les pasteurs poursuivraient ensemble des objectifs
communs. C'est sans nul doute l'une des responsabilités de
ceux qui collaborent à la fonction pastorale de l'évêque que
d'assurer à la liturgie sa fonction de communion, y com-
pris dans les parties pour lesquelles le Concile adopterait
l'usage des langues vernaculaires.
Il faut également que soit assuré un juste équilibre entre
la prière liturgique et tout le reste de la vie chrétienne,
entre la pastorale liturgique et les autres tâches du minis-
tère sacerdotal. Les travaux des théologiens sur la Parole et
l'Eucharistie et sur le sacerdoce y ont déjà beaucoup contri-
bué. Au niveau directement pastoral, il apparaît d'ailleurs
clairement, notamment en Amérique latine et dans les pays
de mission, que les artisans du renouveau liturgique et de
toutes les autres formes de renouveau apostolique sont à
peu près les mêmes, tant dans le clergé que dans le laïcat.
Plus délicat, en un sens, mais non moins indispensable,
:
est le problème du dialogue entre la liturgie et les formes
religieuses et culturelles des différents peuples réanimation
liturgique des dévotions traditionnelles dans les pays de
tradition chrétienne, adaptation à la liturgie de certains
éléments culturels dans les pays nouvellement évangélisés.
L'une et l'autre tâche s'imposent; mais elles ne peuvent être
improvisées. Elles réclament des prêtres, et éventuellement
aussi des laïcs, ayant non seulement un sens aigu des possi-
bilités religieuses de leur peuple, mais une vraie compé-
tence spécialisée en matière de liturgie. C'est d'ailleurs
l'une des exigences du progrès de la pastorale liturgique
dans tous les domaines, que les pasteurs des paroisses
puissent à la fois être bien préparés à leur tâche et trouver
appui, dans tous les pays, sur des spécialistes vraiment
compétents. Il y a beaucoup à faire dans ce sens.

P.-M. GY, o. p.
ALLEMAGNE

D EPUIS plus de vingt ans, les évêques allemands ont pris la


tête du mouvement liturgique. Tôt en comparaison de
beaucoup d'autres pays, cela paraît tard si l'on songe aux
trois décades qui ont précédé et pendant lesquelles la vie litur-
gique allait se développant. Cependant, si l'on considère la rela-
tion entre les premières manifestations d'une vie nouvelle et les
directives des autorités, cela semble encore relativement tôt.
Depuis longtemps déjà, les intellectuels catholiques avaient
appris à apprécier la liturgie à Maria Laach, et cette abbaye avait
publié d'importants travaux scientifiques et des ouvrages popu-
laires sur la liturgie. Depuis un temps considérable déjà, le
mouvement de jeunesse catholique avait joint ses efforts au
mouvement liturgique, et l'influence profonde de Romano
Guardini débordait largement le cadre de la jeunesse étudiante.
Au même moment, Pius Parsch travaillait, d'Autriche, à
étendre le « mouvement liturgique populaire ». Puis ce furent
les études et les cours du P. J. A. Jungmann à Innsbruck, qui
donnaient une impulsion profondément liturgique à la pastorale.
Dans les années 3o, l'Oratoire de Leipzig et l'Association des jeu-
nes hommes catholiques de Düsseldorf-Altenberg furent des
foyers d'où le mouvement liturgique s'étendit de plus en plus
aux paroisses. Le régime national-socialiste, par les restrictions
qu'il imposait à l'Église, l'obligea à s'intérioriser et favorisa
donc indirectement le développement de l'activité liturgique1.
Mais dans la mesure même où ce mouvement se développait,
une résistance s'élevait contre lui à l'intérieur de l'Église. En
1939, celle-ci fut à son comble. Il est vrai que les erreurs et les
»
exagérations des « novateurs n'avaient pas manqué.
En 1940, la « Conférence épiscopale de Fulda », réunion
plénière de tous les évêques allemands, s'occupa de la question
liturgique et écouta deux rapports à ce sujet. Le procès-verbal

1. Ace sujet et pour ce qui suit, consulter J. WAGNER, Liturgisches


Referat. Liturgisches Jahrbuch (L.J.), 1 (1951), 8-14.
:
note « Considérant que seule l'autorité des évêques semble
susceptible de concilier les différents points de vue et pourrait
imprimer au mouvement liturgique une influence bienfaisante et
plus profitable aux âmes, un Comité liturgique est constitué. La
direction en sera assurée par S. Exc. Mgr l'évêque de Mayence,
responsable de la pastorale des jeunes, et par S. Exc. Mgr l'évê-
que de Passau. Les points fondamentaux indiqués dans les piè-
ces jointes devront servir de base de travail. »
Ces points avaient été élaborés par le cardinal Bertram, prési-
dent de la Conférence épiscopale. Ils exprimaient le souhait
d'une ouverture aux idées nouvelles en union avec le respect de
la saine Tradition; ils recommandaient, à la place du chant en
latin, des chants en allemand exécutés par le peuple pendant la
messe, et demandaient que les tendances liturgiques donnent la
préférence au point de vue pastoral sur les considérations esthé-
tiques.
Les deux évêques chargés du « Comité liturgique »
établi
par la Conférence épiscopale de Fulda appelaient à leur tour un
corps de savants et d'experts. Ainsi naquit la Commission litur-
gique qui, depuis lors, a tenu ses sessions deux fois par an.

Les premièresdirectives épiscopales.

C'estainsiqu'en1942 des Directives pour l'organisation du


service divin paroissial » «
purent être soumises à l'épiscopat, et
la plupart des évêques les appliquèrent. Elles étaient « le résultat
,

de presque dix ans de discussion sur la forme de la messe com-


munautaire2 ». Si, au début, on avait insisté pour que tous les
textes de la sainte messe soient récités par la communauté, ou
au moins par celui qui entonne les prières en allemand, on se
rendit compte, à l'usage, que l'action liturgique est « un tout
ordonné, composé de la prière du prêtre, des acclamations du
peuple, des lectures du lecteur, du chant de la schola et de celui
de la communauté », et qu'elle exigeait « l'alternance de la
prière à haute voix et du silence, de la prière en commun et de
la prière personnelle ». On en trouvait le principe dans les
« Règles à observer pour la grand-messe »
:
dans la messe com-
munautaire, le peuple récite les pièces qui lui reviendraient aussi
dans la grand-messe célébrée selon les règles, c'est-à-dire les
acclamations et l'Ordinaire. Cependant, en certains endroits de
la messe, des connaissances d'histoire liturgique ou des expérien-

2. Les citations sont tirées de la préface des Richtlinien, édition de


1953 (Trèves, Paulinus Verlag).
ces de pédagogie religieuse devraient pouvoir motiver une déro-
gation à ce principe.
Le document distinguait la messe communautaire, la messe-
communautaire-avec-chants, et la Missa recitata. Cette dernière,
« destinée à des communautés formées qui possèdent le latin »,
n'a pas été mise en pratique pour la célébration paroissiale.
Par contre, la messe communautaire et la messe-communautaire-
avec-chants ont prévalu dans la célébration paroissiale en beau-
coup de régions. Elles se distinguent seulement en ce que, dans
la messe communautaire, on ne chante un cantique en allemand
qu'au début et à la fin, tandis que, dans la messe-communau-
taire-avec-chants, on en chante également pendant les prières au
bas de l'autel, pendant l'offertoire, le Sanctus, avant et pendant
la Communion; ces cantiques doivent être u bien choisis, adaptés
aux différentes parties de la messe et leur durée doit être bien
calculée ». Ce qui caractérise ces formes de célébration, c'est
l'emploi presque exclusif de la langue vulgaire, c'est-à-dire que
même à l'Oraison, la Préface et la Postcommunion, c'est la voix
du lecteur récitant ces textes en allemand qui se fait entendre, et
non celle du célébrant.
Le dernier paragraphe de ces directives traite de la célébration
de la grand-messe dans la communauté paroissiale. La grand-
messe en latin, en plain-chant, avec participation active du peu-
ple, est présentée comme la forme modèle. La grand-messe poly-
phonique doit être réservée à un nombre restreint de célébra-
tions. L'autorisation de la grand-messe « allemande
mée « là où elle est célébrée en vertu d'un privilège
»
»;
est confir-
mais pour
les chants exécutés par le peuple, on demande de choisir des
cantiques appropriés et de les placer suivant leur sens. « Il est à
désirer que soient composées des mélodies dans le style du chant
grégorien et que leurs textes soient basés sur les textes mêmes de
l'Ordinaire et du Propre de la messe. »
Tout le document ne comprend que six pages imprimées. C'est
donc une sorte de code de rubriques sous une forme condensée.

La lutte pour le mouvement liturgique.

Nous avons dit que ces directives avaient été appliquées dès ce
moment-là par la plupart des évêques. C'est donc qu'elles ne le
furent pas par tous. Lorsque l'archevêque Grôber de Fribourg
::
lança son fameux cri d'alarme, en janvier 1943, il faisait suivre
son quinzième grief « L'importance exagérée donnée à la litur-
gie », d'un seizième « La tendance à rendre obligatoire la messe
communautaire sous ses différentes formes, au moyen de prescrip-
tions épiscopales valables partout. » La protestation véhémente
de l'archevêque qui, d'ailleurs, s'opposait à presque tout ce qui
nous est précieux aujourd'hui comme manifestation du renou-
veau ecclésial, ne fut pas seulement adressée aux évêques alle-
mands mais aussi à Rome, car peu de temps avant, le nonce
apostolique avait officiellement demandé à l'épiscopat allemand
un rapport sur l'état et les erreurs du mouvement liturgique, en
raison de fréquentes dénonciations contre ce mouvement. Mais
les évêques, en grande majorité, se déclarèrent non seulement
vigilants, mais aussi protecteurs du mouvement liturgique.
Après que l'archevêque de Vienne, le cardinal Innitzer, eut, le
premier, écrit à Rome pour réfuter les reprochés de l'archevêque
Gröber, le cardinal de Breslau envoya un mémorandum au Saint-
Père au nom de tous les autres évêques, en avril 1943. Ce mémo-
randum est une défense universelle et chaleureuse du mouvement
liturgique. Il appuie ce dernier sur les encouragements des papes
eux-mêmes, présente le désir du peuple, en particulier de la
jeunesse, de participer activement aux célébrations et juge la
liturgie exclusivement latine peu apte à favoriser cette partici-
pation. C'est pourquoi le mémorandum décrit et défend la messe
communautaire, la messe-communautaire-avec-chants et la
grand-messe en langue allemande. « Si quelques centaines de
fidèles, dit le cardinal à propos de cette dernière, savent chanter
le grégorien, il faut dire que des centaines de milliers et même
des millions ne le savent pas. » Finalement les reproches indivi-
duels contre le mouvement liturgique sont réfutés point par

:
point. Cependant le cardinal profite de l'occasion pour proposer
quelques réformes l'atténuation de la discipline du jeûne eucha-
ristique prolongée au-delà du temps de guerre, une nouvelle
traduction latine du psautier, un enrichissement du Rituel par
l'insertion de passages de la Sainte Écriture, le transfert des
cérémonies du jeudi saint et du vendredi saint au soir.
Le cardinal Maglione, secrétaire d'État, répondit le 24 décem-
bre 19433. Dans sa réponse, les observations critiques ne man-
quèrent pas, il est vrai; mais la décision sur la manière de
célébrer la messe communautaire et la messe-communautaire-
avec-chants est laissée à la discrétion des évêques, et la grand-
messe allemande est permise expressément. Cette lettre assurait
le développement ultérieur de la célébration de la messe dans la
ligne du mouvement liturgique, sous la protection des évêques.
Mais, d'autre part, la publication de l'encyclique Mystici corpo-

:
ris, précisément à ce moment (29 juin 1943), réaffirmait pour
toute l'Église une idée directrice du mouvement liturgique « la

3.L.J.,3(1953),108ss.
vie avec l'Église », et la vie tirée des forces profondes de l'Église
nouvellement découvertes et revivifiées.

La grand-messe en langue allemande.

Comme suite au document de 1942, on publia en ig5o des


« Directives pour la célébration liturgique de la grand-messe
allemande, élaborées par le comité liturgique de la conférence
épiscopale de Fulda4 ». La préface précisait que la lettre du
cardinal Maglione légitimant la grand-messe allemande était
valable pour tous les diocèses allemands (y compris les diocèses
autrichiens qui en faisaient partie à cette époque; des experts

:
en musique sacrée s'élevèrent vigoureusement contre cette opi-
nion). Relevons quelques-unes des prescriptions générales « Le
chant doit être soigneusement adapté au déroulement de la sainte
messe. La grand-messe allemande ne doit pas donner l'impres-
sion d'une célébration moins solennelle. » Les « prières d'usage
après le sermon » sont mentionnées en passant (en 1942 on n'en
parlait pas encore); « un lecteur (laïc) et un choeur (schola)
peuvent être employés ». Le rôle de l'orgue est réglé sévèrement.
:
Dans les prescriptions de détail, la cérémonie est décrite point
par point à la manière des rubriques. Voici un exemple
I. Prières au bas de l'autel et introït.
a) La communauté chante un cantique qui correspond soit au
texte de l'introït, soit au temps liturgique dans lequel on se
trouve, soit encore aux prières au bas de l'autel, ou b) Le chœur
exécute un chant d'introït en allemand auquel peuvent être joints
des versets de psaumes.

Comme cela avait été le cas précédemment pour la messe


communautaire, la grand-messe allemande souleva à son tour
une contestation en 1954. Ce fut à l'occasion de la messe ponti-
ficale célébrée à Klosterneuburg pour les participants du Congrès
International de Musique sacrée, à Vienne (le célébrant devait
être élu, huit ans plus tard, membre de la Commission litur-
gique de Vatican II, à la grande majorité des voix, « triomphale-
ment » comme l'écrit une revue française); il s'éleva une
discussion qui devait entraîner un décret du Saint-Office du
29 avril 1955. Dans ce décret il était précisé que le privilège de
la grand-messe allemande ne s'étendait pas aux messes pontifi-
cales, aux messes avec assistance de l'évêque, ni dans les

4. F. X. ARNOLD — B. FISCHER, Die Messe inder Glaubensverkündi-


gung, Freiburg, 1950, pp. 325-328, paru également dans la brochure
citée note 2.
séminaires, couvents et cathédrales. De plus, il était interdit de

nance donna naissance à une nouvelle controverse :


chanter le propre en langue allemande. Cette dernière ordon-
était-il
désormais obligatoire que le propre soit chanté en latin à chaque

liturgique pendant de longues années, répondit :


grand-messe? Mgr Stohr, qui fut président de la Commission
« Cela ne
signifie pas que le propre doive désormais être chanté en latin au
cours de chaque grand-messe allemande. Comme auparavant, il
reste donc place pour les chants traditionnels en langue vulgaire
au début de la messe, avant l'évangile, avant et après le sermon,
pendant l'offertoire, à la communion et à la fin de la messe. »
Le prélat assure que d'après le décret, la grand-messe allemande
reste permise sans aucun doute dans tous les diocèses allemands
et autrichiens; le décret représente « une nouvelle approbation
de la grand-messe allemande. L'encyclique Musicae sacrae dis-
ciplina du 15 décembre 1955 a encore confirmé cette approba-
tion ». Mgr Stohr invite les artistes à composer pour la
grand-messe allemande « de nouveaux chants imprégnés davan-
tage d'esprit liturgique5 ».
Peu de temps après cette déclaration, l'évêque avait l'occa-
sion de parler de la grand-messe allemande au Congrès Litur-
gique Mondial à Assise. Il la soutint avec fermeté et chaleur. « Il
faut avoir vécu une telle cérémonie au milieu d'une commu-
nauté et avoir éprouvé sa puissance entraînante pour pouvoir
estimer sa valeur pastorale et comprendre que nous autres, évê-
ques allemands, ne voulons y renoncer en aucun cas6. »

L'usage du psautier.
En 1950 parut une traduction du psautier faite par Romano
Guardini à la demande de la Commission liturgique; elle était
destinée à être l'unique traduction allemande officiellement
approuvée pour l'usage liturgique. Mais cela déclencha beau-
coup de discussions et de difficultés. Il faut reconnaître que le
Petit Office pour les congrégations de religieuses et de frères du
Père Hildebrand Fleischmann, utilisa la nouvelle traduction des
psaumes; que cette dernière fut également utilisée par certains
autres livres de prières et que les offices de Vêpres et Compiles à
l'usage des paroisses furent publiés dans ce texte. Néanmoins
cette traduction n'a pas remporté un plein succès. Il faut attri-
buer la cause principale de cet échec partiel aux objections des

5.L.J.,6(1956),ISS.
6. La Maison-Dieu, 47-48, p. 285.
musiciens. Car les psaumes doivent pouvoir être chantés, non
seulement pendant la célébration paroissiale de l'Office, mais
d'abord à la messe et à la grand-messe allemande. Le cantique
est loin de suffire aux exigences du culte. Pour les chants de
procession, on cherche la solution dans le chant de psaumes
exécuté par la schola ou les chantres tandis que le peuple chante
des antiennes ou des acclamations. On peut se réjouir de voir
les publications de tels essais se multiplier. Mais, à l'heure
actuelle, il n'y a ni unité de texte, ni unité de tons pour le chant
des psaumes (on emploie tantôt des tons grégoriens, tantôt des
tons basés sur ceux-ci, tantôt de nouvelles compositions). Un
essai prometteur en la matière fut publié simultanément par
deux maisons d'édition, parce que celle qui avait le droit sur
les mélodies refusait d'utiliser le psautier de Guardini.

Autres indults de Rome.


En 1958 parut l'Instruction de la Sacrée Congrégation des
Rites De musica sacra et sacra liturgia. Cette instruction, il est
vrai, essayait de répondre aux exigences du mouvement litur-
gique et d'étendre ces résultats à l'Église universelle; mais elle
ne laissait guère de place pour l'usage de la langue nationale.
Sans doute le n° 13 c garantissait-il les exceptions au principe
de la latinité déjà en vigueur, mais au début, ce passage ne fut
guère remarqué, d'autant plus qu'il était expressément demandé
d'utiliser le latin, par exemple pour le Pater noster dit en com-
mun (n° 32). A peine l'Instruction fut-elle publiée que les
évêques allemands obtinrent un décret du Saint Office leur
confirmant le droit d'agir selon les privilèges concédés antérieu-
rement, tant pour la Missa lecta que pour la grand-messe; ainsi
les Directives restèrent en vigueur sans changement7.
Le 11 février 1959, le Saint-Office accorda par indult à l'Alle-
magne la permission (déjà obtenue par d'autres pays) de lire
l'épître et l'évangile en allemand après la récitation latine, et
cela dans toutes les formes de célébration de la messe. En pra-
tique, cet indult n'avait pour ainsi dire pas de signification; il
ne semblait guère marquer un progrès par rapport aux usages
en vigueur jusque-là. Tout différent fut le rescrit de la Congré-
gation des Rites du 9 mars 1959. Il permit (ad experimentum,
ad annum) d'annoncer la Passion et les prophéties directement
et immédiatement en allemand, le dimanche des Rameaux, le
vendredi saint et pendant la nuit pascale8. Malheureusement

7.L.J.,9(1959),119et 120.
8. Ibid.,121.
on s'en tint à l'essai d'une année. Il ne fut pas continué, et les
évêques suisses qui, eux aussi, sollicitèrent la même permission
l'année suivante, ne l'obtinrent pas.

Les Directives de 1961.

Entre-temps, deux dizaines d'années s'étaient écoulées depuis


»
que les premières « Directives avaient été élaborées. Elles avaient
été dépassées sur certains points par les initiatives prises, entre-
temps, par l'un ou l'autre diocèse et par les ordonnances des
évêques qui, individuellement, faisaient progresser le mouve-
ment. Cependant, c'était surtout l'Instruction romaine de 1958
qui faisait sentir la nécessité d'une révision, bien que les privi-
lèges aient été à nouveau approuvés. La Commission liturgique
élabora donc, en plusieurs années, des « Nouvelles Directives des
Evêques allemands pour la célébration communautaire de la
Sainte Messe9 » (1961). Bien qu'elles soient loin d'atteindre le
»
volume du « Directoire pour la Pastorale de la messe en usage
en France, c'est un document beaucoup plus détaillé que l'édi-
tion antérieure. Une préface assez longue traite « du sens et de
»
l'esprit de la célébration de l'Eucharistie et les indications du
corps de l'ouvrage donnent également souvent des explications
et des descriptions. Les formes de la célébration se sont différen-
ciées davantage, sûrement d'après les expériences des diverses
possibilités. Pour la messe communautaire avec chant, par exem-

velle forme s'y est ajoutée


»
:
ple, on propose maintenant quatre formes différentes. Une nou-
« La messe communautaire sim-
ple (« une forme spécialement simple. surtout pour la célé-
bration en semaine »). Certaines notes indiquent d'autres varian-
tes. C'est dans la dernière partie, concernant les divers cas en
particulier, que le caractère pastoral du document se manifeste
le plus clairement. Cette dernière partie traite des prières d'usage
(prévues fréquemment, même en dehors des dimanches et
fêtes), de la préparation des offrandes (procession d'offertoire,
avec des hosties et des dons pour les pauvres, la quête), de la
communion des fidèles (consécration des hosties à distribuer
pendant la même messe), du silence, de l'attitude corporelle, des
messes pour les enfants, du lecteur et du « commentateur ».
Ici apparaît donc, encore tout récent dans le mouvement litur-
«
gique allemand, le commentateur » de l'Instruction de 1958.
Malgré une longue tradition contraire et le problème épineux de
la langue liturgique étrangère, les délibérations amenèrent la cer-

9.L.J.,11(1961),243-256.
titude que le remplacement du célébrant par le commentateur
à l'Oraison, la Préface et la Postcommunion, n'était pas un
moindre mal. C'est pourquoi le nouveau directoire ne mentionne
lieu; en premier lieu il indique :
la récitation de ces textes par un commentateur qu'en deuxième
« le prêtre dit à haute voix
les prières de la messe qu'il chante dans la Missa in cantu.
Celles-ci peuvent être introduites par un commentateur (« Invita-
tion à la prière») ».

La « Collectio Rituum » pour l'Allemagne.


Naturellement, le travail du Comité liturgique et de la Com-
mission qu'il s'était adjointe ne s'est pas limité à la réglementa-
tion de la célébration de la messe. Dès le début, il s'était mis à
la rédaction d'un rituel commun pour les diocèses d'Allemagne.
La lettre du cardinal Maglione de 1943 garantissait la bienveil-
lance du Saint-Siège à l'égard de ce projet. Mais c'est seulement
en 1'950 qu'en put paraître la première partie, qui était aussi la
plus importante (sans processionnal ni formulaire de bénédic-
tions) 10. Une place particulièrement large (par rapport à d'autres
pays) est accordée à la langue nationale; c'est que déjà Pie XI
avait fait des concessions importantes en cette matière à quelques
diocèses allemands. Il ne s'agit pas non plus d'un simple extrait
du Rituel romain, mais plutôt d'une collection où les traditions
particulières des diocèses allemands sont, autant que possible,
conservées et unifiées. Pour le baptême, on prévoit un Ritus
solemnior avec participation de la communauté et chants en
commun. Pour la première fois, nous y trouvons un Ritus
continuus pour les derniers sacrements, et les redoublements ont
été omis. Le saint Viatique suit de nouveau l'onction des mala-
des. Le rituel du mariage est celui qui déborde le plus le rituel
romain11. Pour les funérailles, il y a un rite major et un rite
minor.
Dès IQ55 avait été publié un rituel pour la procession de
la Fête-Dieu en Allemagne, extrait du processionnal en projet.
Il contenait des péricopes des quatre évangiles bien adaptées à la
cérémonie, et des invocations appropriées. Cet extrait du proces-
sionnal a déjà été adopté ici ou là, par exemple dans le diocèse
de Limbourg. Quand la Congrégation des Rites eut approuvé
officiellement cette procession comme pium exercitium en 1959,

10. Cf. cardinal P.-M. GERLIER, Les rituels bilingues, dans La Mai-
son-Dieu, 47-48, p. 90.
II. Cf. J. WAGNER, Zum neuen deutschen Trauungsritus, dans
II
L.J., (1961),164-171.
le rituel put être publié en 1960 avec l'approbation de dix-sept
évêques12. Cette unité des deux tiers des diocèses allemands
n'avait pu être obtenue, il est vrai, que parce que quatre varian-
tes de la cérémonie avaient été inscrites dans l'Ordo.

L'Institut liturgique et ses principales initiatives.


Les sessions régulières prévues ne pouvaient suffire aux tâches
de la Commission liturgique. C'est pourquoi les membres de
cette Commission, encouragés par l'encyclique Mediator Dei
toute récente, fondèrent, lors de leur session du 17 décembre
1947 à Augsbourg, « l'Institut liturgique », qui devait avoir son
siège à Trèves. Dépassant le travail plus officiel de la Commis-
sion, il devait animer la vie liturgique par des publications et des
assemblées de toutes sortes. Il devait en même temps jouer le
rôle de secrétariat de la Commission liturgique. Ses initiatives
les plus connues jusqu'à présent sont les deux grands Congrès li-
turgiques d'Allemagne, qui se sont tenus l'un à Francfort en
1950 et l'autre à Munich en 1955; les sept réunions internationa-
les d'études liturgiques (avec d'autres centres liturgiques, surtout
ceux de France) à Maria Laach en 1951, au Mont-Sainte-Odile
en Alsace en 1952, à Lugano en 1953, à Louvain en 1954, à Assise
en 1956, à Montserrat en Espagne en 1958 et à Munich en 1960;
le Congrès international liturgique d'Assise en septembre Ig56
avec également des centres liturgiques d'autres pays); et, depuis
1951, la publication du Liturgisches Jahrbuch.
Le thème choisi pour le Congrès liturgique de Francfort était
la célébration communautaire de la messe du dimanche. Cette
assemblée compta presque mille participants, principalement des
prêtres. Dans sa résolution finale, le Congrès souhaitait que les
dispenses du jeûne eucharistique soient maintenues ainsi que la
permission de célébrer des messes du soir, que la vigile pascale
soit reportée à la nuit du samedi saint et que les lectures de la
messe soient faites en langue vulgaire. Comme on le sait, trois de
ces demandes furent accordées.
Le deuxièmeCongrès de Munich avait pour thème : « Liturgie
et piété ». Parmi ses 2.500 participants, il comptait de nombreux
invités d'autres pays; la hiérarchie y était aussi plus largement
représentée. Avant de se séparer, l'assemblée exprima l'espoir
qu'un nouvel arrangement de la semaine sainte ferait suite à la
restauration de la nuit pascale. Le seul vœu qu'elle émit fut la
demande renouvelée de la faculté pour le célébrant de lire l'épî-

12.L.J.,11(1961), 58ss.
tre et l'évangile directement en allemand, dans les messes com-
munautaires, sans que la lecture du texte latin ait précédé.
Les travaux du Congrès d'Assise ont eu un retentissement mondial.
Parmi les réunions internationales d'études les plus impor-
tantes, citons celle de Maria Laach sur la réforme du Missel et
celle de Lugano (avec le concours de membres élevés de la hiérar-
chie) sur la participatio actuosa des fidèles; cette dernière assem-
blée envoya au Saint-Père quatre conclusions concernant la
participation des fidèles en général, l'annonce des lectures de la
messe en langue nationale, le chant en langue vulgaire à la
grand-messe, et la réforme de la semaine sainte. Mentionnons, à
propos de la septième réunion d'étude, qu'elle se termina par
une séance solennelle dans le cadre du Congrès eucharistique
international. Au cours de cette séance, le cardinal Bea fit un
discours sur le prêtre « serviteur du sacrement et serviteur de la
parole».
On peut bien mentionner également ici le Congrès eucharisti-
que de Munich en 1960. Le cardinal Wendel, pasteur de l'Église
de Munich, en avait fait délibérément un congrès liturgique
plutôt qu'un congrès eucharistique d'ancien style. Il avait à
:
cœur de montrer devant le monde catholique les résultats déjà
acquis par le mouvement liturgique la préférence donnée à la
messe sur le salut et la procession, une large participation active
du peuple, même aux messes solennelles, à l'audition de la
parole de Dieu, au chant, au banquet eucharistique, tout en
rendant possible une vraie participation intérieure. Nous devons
être tout particulièrement reconnaissants au cardinal d'avoir
placé le congrès sous la devise « pro mundi vita », manifestant
ainsi qu'il le voulait foyer d'une charité sincère réunissant tous
les hommes, leur désignant des voies vers l'unité et posant les
fondements de la paix13.

Les Commissions liturgiques diocèsaines.

Après la publication de l'encyclique « Mediator Dei », les


commissions liturgiques, souhaitées par elle, commencèrent à se
former dans les diocèses; elles devaient promouvoir la vie litur-
gique. En 1952, les directeurs du Comité liturgique de la Confé-
rence épiscopale de Fulda invitèrent ces commissions à une
première réunion. Dix-huit diocèses — les deux tiers — répon-
daient à cette invitation. On délibéra sur la coopération des

13. Cf.L.J.,10(1960),215.
diocèses, sur la nouvelle Collectio Rituum, la réforme du Missel,
etc. Une autre réunion, avec un plus grand nombre de partici-
pants, eut lieu en 1954. Cette fois, les professeurs de liturgie des
universités et séminaires furent aussi invités. On discuta le plan
d'un manuel pratique de liturgie et le programme du deuxième
Congrès liturgique. La troisième réunion14, en 1957, traita
uniquement du renouveau de la semaine sainte; la quatrième
réunion, en 1959, fut consacrée spécialement à la préparation du
Congrès eucharistique international de Munich. On fit coïncider
la cinquième réunion avec l'inauguration du nouvel Institut
liturgique en 1961; cette fois l'ordre du jour comportait les
nouvelles « Directives » et l'organisation des cérémonies litur-
giques du Katholikentag allemand de Hanovre, qui était
imminent15.
Il serait prématuré d'affirmer que les Commissions liturgiques
des diocèses sont déjà une institution importante et efficace. Si
elles étaient ce qu'elles pourraient être en raison de la place émi-
nente de la liturgie, elles joueraient un rôle de premier plan dans
lapastorale et dans la vie de l'Église. En pratique, elles ne peu-
vent même pas imposer leur autorité dans le domaine qui leur
revient de droit d'après la conception même la plus pauvre de la
liturgie; car les autorités déjà existantes se jugent compétentes
en matière liturgique. Les décisions du Concile remédieront peut-
être à cette situation.

Les recueils diocésains de prières et de chants.

Dans le service divin des communautés paroissiales, les


recueils diocésains de prières et de chants jouissent en Allemagne
d'une importance considérable. Rédigés dans la deuxième moitié
du dix-huitième siècle et introduits partout au dix-neuvième siè- •
cle, ces livres contiennent les cantiques utilisés à la messe
comme aux divers autres offices religieux, ainsi que le
texte des prières à dire en commun et en particulier. Depuis
1930 environ l'influence du mouvement liturgique y est per-
ceptible. A partir de la deuxième guerre, les fidèles ont ressenti
de plus en plus le besoin d'un livre qui soit le même pour tous
les diocèses allemands; la migration de grandes parties de la
population était une des raisons, et non la moindre, de ce désir.
Mais avant que la Commission liturgique ait eu la possibilité
de le satisfaire, les diocèses, l'un après l'autre, publiaient de

14.L.J.,7(1957),161SS.
15. L.J., 9 (1959),184SS. et 12 (1962), 62-64.
nouveau leur propre recueil de chants et de prières. Il est à re-
marquer que les derniers livres publiés depuis le milieu des
années 5o sont de mieux en mieux adaptés aux exigences de la
liturgie16. La plupart de ces ouvrages remplissent également le
rôle de missel populaire; ils favorisent la participation active
des fidèles aux cérémonies et offrent aussi une nourriture saine
à la prière privée. Les « pia exercitia », en particulier, on été re-
nouvelés : ils se rapprochent davantage de la liturgie, offrent des
lectures de la Sainte Écriture, utilisent les psaumes et tendent à
conduire à la méditation. Les sujets proposés s'inspirent davan-
tage des vérités centrales du salut. Tout récemment, la demande
d'un tel livre unique a été renouvelée; il y a donc là une tâche
importante pour un proche avenir.

Une traduction unifiée de la sainte Écriture.

Une autre tâche importante à envisager est la traduction


:
unifiée et adaptée à l'usage liturgique de toute l'Écriture il n'y
apas encore de lectionnaire officiel. Un mandat officiel de tra-
duction a été donné à l'Institut biblique de Stuttgart il y a deux
ans. Mais, jusqu'à maintenant, cette traduction n'a pas encore
été étudiée en fonction de son adaptation au service divin. De
l'avis unanime, les traductions existantes ne sont pas entièrement
satisfaisantes. Le besoin d'une bonne traduction des péricopes
utilisées pendant la messe, qui augmenteront après le Concile,
est surtout urgent. A en juger par les obstacles rencontrés pour
l'établissement d'un texte officiel du psautier, on peut pressentir

:
les difficultés que cette traduction soulèvera. Cependant une
autre tâche encore s'offre à nous si l'on considère la grande
importance de l'Écriture pour les chrétiens protestants, et le dé-
veloppement du mouvement liturgique chez eux aussi, on a la
certitude qu'un texte allemand de l'Écriture commun pour les
catholiques et les protestants serait un acte d'unité et un pas
vers la réconciliation; par contre, un nouveau texte différent
renforcerait la séparation.

Mouvement liturgique et catéchèse.

Des essais de réforme de la catéchèse se rattachèrent, dès le


début, au mouvement liturgique. On en trouve une preuve

16. Cf. Archiv für Liturgiewissenschaft, III, 1 (1953), 218-232;


L.J., 6 (1956), 179-182; L.J., 8 (1958), 189; L.J., 12 (1962), 250 SS
convaincante dans les Pia desideria liturgica que J. Gôttler, le
célèbre animateur de la catéchèse catholique moderne, présenta
à une réunion du clergé dès 1916, et publia ensuite17. Il fut
rédacteur en chef des Feuilles catéchétiques jusqu'en 1930 et, de
bonne heure, il imprima à cette revue mensuelle largement
répandue un esprit d'ouverture au renouveau liturgique qu'elle
a gardé jusqu'à nos jours. J. A. Jungmann, le grand représen-
tant du mouvement en matière de science liturgique, est en
même temps expert en catéchèse; l'œuvre qui, la première, le

:
fit connaître du grand public fait partie de cette branche de son
activité Die Frohbotschaft in unserer Glaubens-verkündigung
(L'évangile dans notre annonce de la foi) (1936). Ce furent sur-
tout ses disciples, par exemple Klemens Tilmann, qui publiè-
rent (en 1955) le nouveau catéchisme unifié, que l'on
peut compter parmi les meilleurs fruits du mouvement liturgi-
que en Allemagne. Dans ce catéchisme, le culte et les sacrements
ont la place qui leur revient, car ils ne sont pas seulement des
distributeurs de grâces et encore moins des moyens pour obtenir
la vertu; le Christ apparaît non seulement comme fondateur mais
aussi comme minister principalis des sacrements qui font entrer
en participation de sa vie. La communauté des fidèles, le peuple
de Dieu, qui participe au sacerdoce, apparaît comme « co-minis-
tre » du culte, et spécialement de la célébration de la sainte
messe; en même temps les sacrements sont présentés en tant que
relation personnelle avec le Christ; et finalement, l'acceptation
totale du monde matériel comme création de Dieu et l'union de
la doctrine et de la vie traversent tout le catéchisme comme une
trame18.
La Semaine d'études internationale de « Mission et caté-
chèse », à Eichstâtt, en 1960, organisée par J. Hofinger,
disciple du P. Jungmann, manifesta tout spécialement l'unité du
mouvement catéchétique moderne et du mouvement liturgique.
Ses conclusions insistèrent sur la vis catechetica de la liturgie
et proposèrent des réformes importantes19, suivant en cela
l'exemple de la Semaine d'études de « Mission et liturgie»
(Nimègue 1959), organisée également par le P. Hofinger. Ces
propositions ont trouvé un écho au Concile.

17. Réimprimé dans L.J., 7 (1957), 37-64.


in.
18. Cf. rilthaut, Der neue Katechismus una, die titurgische
Erneuerung, dans L.J., 6(1956), 142-153.
19.Cf.L.J.,11(1961),60.
Les publications les plus importantes.

Dans les ouvrages liturgiques, on sent encore aujourd'hui


l'influence des premiers écrits de Guardini, Casel, Parsch, Jung-
mann, mais aussi celle de Kramp, Pinsk, Löhr et Winterswyl.
Odo Casel avait publié pendant vingt ans le Jahrbuch für Litur-
giewissenschaft. Il mourut en 1948, avant d'avoir pu voir son

:
œuvre recommencer à paraître. Deux publications prirent ensuite
la relève Archiv für Liturgiewissenschaft, édité par les moines
de Maria Laach depuis 1950, et Liturgisches Jahrbuch, édité par
l'Institut liturgique à partir de 1951, devenu revue trimestrielle
depuis 1955. L'Archiv est surtout au service de la science litur-
gique; le Jahrbuch s'appuie sur les recherches scientifiques pour
servir davantage la pastorale. Les bénédictins de Maria Laach
continuent la publication des Liturgiegeschichtlichen Quellen
und Forschungen (Sources et recherches d'histoire liturgique)
et la série Liturgie und Mönchtum; leurs confrères de Beuron
éditent les Texte und Arbeiten sur l'histoire de la liturgie an-
cienne. L'œuvre la plus importante parue après la guerre est cer-
tainement le Missarum sollemnia de Jungmann, qui est mainte-
nant connu dans le monde entier; il fut suivi par d'autres ou-
vrages, en particulier par Gottesdienst der Kirche, du même
auteur. Il faut signaler aussi les deux ouvrages publiés en l'hon-
neur du P. Jungmann Die Messe in der Glaubensverkündigung
(La messe dans l'annonce de la foi) et Paschatis Sollemnia. Les
Directives pratiques de Borgmann, publiées pendant la guerre,
furent suivies de Unser Gottesdienst de A. Kirchgassner, en 1960.
J. Pascher écrivit sur l'Eucharistie, la théologie des sacrements

:
et le Bréviaire; Th. Klauser, sur l'histoire liturgique de l'Occi-
dent. Citons encore d'autres auteurs connus H. Kahlefeld,
Th. Schnitzler, Balth. Fischer, J. Gülden, Th. Filthaut, W. Dü-
rig et E. Lengeling.
La limite entre les ouvrages d'ordre scientifique et ceux
d'ordre pratique est mal définie car le mouvement liturgique en
Allemagne est entièrement dévoué à la pastorale comme il l'a
toujours été d'ailleurs dans le passé20. Beaucoup de maisons
d'édition catholiques publient des œuvres se rapportant à la
liturgie; presque tous les périodiques catholiques favorisent le
mouvement liturgique. Lorsque de nouvelles œuvres sur le sujet
sont publiées à l'étranger, surtout en France, elles sont, la
plupart du temps, aussitôt traduites. Nous ne pouvons pas ne
pas mentionner au moins, ici, le mouvement liturgique très

20.Cf.L.J.,8(1958),45.
vivant de l'Église protestante, qui fait paraître depuis 1954 le
Handbuch des evangelischen Gottesdienstes : Leiturgia, œuvre de
haute tenue, comprenant une série de volumes imposants. Parmi
les nombreux ouvrages publiés, citons encore Jahrbach für
Liturgik und Hymnologie (depuis 1955) et l'agenda Die eucharis-
tische Feier. Die Liturgie der evangelischen Messe und des
Predigtgottesdienstes par K. B. Ritter21.

Où en est le mouvement liturgique aujourd'hui, en Allemagne?


Il y a douze ans, on disait déjà dans cette revue «qu'il ne
subsiste plus de paroisse en Allemagne, si petite soit-elle, qui
n'ait été touchée de quelque manière par le mouvement de
renaissance liturgique22 ». Ceci est encore plus vrai aujourd'hui.
Non seulement les évêques, assistés des synodes diocésains, ont
encouragé et fait progresser presque partout le renouveau liturgi-
que, mais aussi et surtout, les actes réformateurs promulgués
pour l'Église universelle, en particulier la réforme de la semaine
sainte, ont fait comprendre même aux derniers réfractaires que
l'autorité de l'Église approuve aujourd'hui le mouvement litur-
gique. Le Concile a encore renforcé cette conviction. Par exem-
ple, la messe communautaire a pénétré partout. Les célébrations
de la semaine sainte sont suivies par une assistance nombreuse;
en particulier dans les séminaires et les internats, le service divin
est célébré exactement selon les résultats des nouveaux travaux.
Les nouvelles églises et chapelles — et elles sont innombrables
— sont construites et aménagées le plus souvent selon les nor-
mes liturgiques.
Cependant, il est bon de se rappeler la parole soucieuse de
Dom L. Beauduin : « Les foules ont mis des siècles à désappren-
dre les traditions liturgiques; puissent-elles être moins lentes à
les réapprendre23! » Il reste beaucoup à désirer. Les prêtres d'un
certain âge ne sont pas tous gagnés intérieurement à la cause du
renouveau liturgique, même si maintenant ils taisent leurs objec-
tions; et la plus grande partie du jeune clergé n'est pas intime-
ment pénétrée de l'importance primordiale de la liturgie. On
adopte les innovations liturgiques tant qu'elles peuvent être
introduites sans grand effort; mais les offices qui joignent le bon
ordreextérieur à la piété de l'assemblée sont rares. Une équipe

21. Sur le mouvement liturgique dans l'Église protestante d'Allema-


gne, cf. L.J., 13 (1963),70-83.
22. J. WAGNER, Le Mouvement liturgique en Allemagne, dans La
Maison-Dieu,25 (1951),75-82.
23.Q.L.P.,1959,p.219.
de fidèles bien formés au service liturgique fait défaut dans la
grande majorité des paroisses. La transformation de la commu-
nauté paroissiale en assemblée consciemment liturgique, dans les
campagnes notamment, n'a pas encore abouti. Pour ce qui
concerne la prière et le culte, bien des communautés religieuses
en sont encore au dix-neuvième siècle.
La raison en est dans un certain matérialisme du temps d'après
guerre, avec une tendance à retourner aux anciennes traditions.
Ont resurgi des formes de la pastorale et une conception du
monde que l'on avait cru mortes. Le mouvement liturgique
n'a pas endigué ce flot. C'est pourquoi il a pu lui arriver de
rester étranger et même suspect aux yeux de certains de ceux
qui combattaient passionnément pour le renouveau intérieur de
l'Église. Reinhold Schneider, le grand écrivain qui appela le
peuple à la pénitence, ne put se familiariser avec lui, et Heinrich
Böll, romancier catholique célèbre, accusa le mouvement litur-
gique de détourner les catholiques des préoccupations chrétien-
nes primordiales. Ne faut-il pas voir un signe de danger dans le
fait que l'appel saisissant à la pénitence que les évêques firent
entendre à la veille du Concile n'ait apparemment éveillé aucune
résonance?
Nous croyons toujours qu'une liturgie rénovée — la liturgie
»
étant « la source principale du véritable esprit chrétien — peut
renouveler l'Église, de sorte que celle-ci, sans se conformer au
monde, embrasse le monde avec amour; que, ne fuyant pas la
douleur, elle donne la joie au monde; qu'aimant la pauvreté
elle apporte au monde la vraie richesse. Voilà les fruits d'après
lesquels on jugera le mouvement liturgique.

FERDINAND KOLBE,

Directeur du Liturgisches Jahrbuch.


AMÉRIQUE LATINE

v ERS l'Amérique latine, aujourd'hui plus que jamais, conver-


gent les regards du monde entier, regards en partie chargés
d'espérance. L'Église, elle aussi, a le regard tourné vers
l'Amérique, puisqu'elle constitue à elle seule le tiers du monde
catholique. C'est pour l'Église une terre d'espérance, celle de
,
deux cent millions d' « hommes de foi ». Le capital d'avenir de
l'Église se trouve là; telle est l'opinion des pasteurs et des socio-
logues avertis.
Pourtant, celui qui ne la voit qu'à des quatre ou cinq mille
kilomètres de distance, ne peut se faire une idée juste des réali-
sations, des problèmes et des possibilités de l'Amérique latine.
Pour juger de la pastorale, il faut tenir compte de la situation
particulière qui est celle de l'Amérique latine en raison de son
immensité, du manque de prêtres, du sous-développement cul-
turel, dans les campagnes notamment, c'est-à-dire pour plus de
la moitié de la population. Si on ne tient pas compte de ces don-
nées, on est incapable d'expliquer de façon satisfaisante certains
phénomènes marquants de ce continent.
Dans presque tous les domaines, il n'y a guère d'affirmations
qui puissent valoir pour l'Amérique latine tout entière, ni
même pour un pays entier, tant y sont grandes les différences
d'une région à une autre. Il y a bien une unité géographique; il
y a bien aussi, en gros, une unité de langue et de religion.
Mais il y a également de nombreux facteurs de différenciation,
notamment les différences de culture et de civilisation, les di-
versités raciales, politiques, économiques et sociales, les climats
et les coutumes. Ces facteurs ont une incidence directe sur la
vie religieuse et donnent lieu à une immense variété, en qualité
comme en quantité, dans la façon dont elle s'exprime. Néan-
moins, les remarques qui vont suivre valent pour l'ensemble de
l'Amérique latine, car les faits sur lesquels elles s'appuient sont
à peu près universels.
Ces réserves étant faites, essayons d'analyser de près la situa-
tion de la pastorale liturgique à travers l'Amérique latine. Deux
articles compléteront celui-ci pour ce qui concerne le Brésil et
le Chili.

I. L'œuvre accomplie par l'ensemble de l'épiscopat d'Amérique


latine.
Jusqu'à l'an dernier, l'Amérique latine était l'unique conti-
nent dont l'épiscopat fût organisé de façon collégiale. En effet
les Conférences épiscopales des 21 pays d'Amérique latine sont
organiquement liées entre elles au sein d'un conseil, le
C.E.L.A.M. (Consego Episcopal Latino Americano) qui comporte
un délégué par nation. Le C.E.L.A.M. possède un organisme per-
manent, son Secrétariat Général, dont le siège est à Bogota et
qui répartit le travail entre cinq sous-secrétariats. Il n'est pas un
organisme de direction ou d'exécution, mais un centre d'infor-
mation et de coordination. A travers les divers organismes ou
institutions créés par lui ou incorporés à lui, le C.E.L.A.M. est
aussi un instrument au service des diocèses.
C'est le Premier sous-secrétariat (S. de la Fe) qui est chargé
des questions de pastorale liturgique; sur lui repose toute l'acti-
vité liturgico-pastorale du C.E.L.A.M. Jusqu'à présent, l'œuvre
la plus importante entreprise et réalisée par le C.E.L.A.M., en
matière de pastorale liturgique, a été la publication de l'Elen-
chus Rituum ou Rituel bilingue pour l'Amérique latine. Sa
réalisation a exigé la collaboration de liturgistes compétents
appartenant à tous les pays d'Amérique latine, sur la base d'un
projet élaboré par le C.E.L.A.M. Le fruit de ce travail fut ensuite
soumis au Saint-Siège, qui l'approuva le 27 juin 1962.
La parution du Rituel bilingue fut, objectivement, l'événement
le plus important du renouveau liturgique latino-américain. On
ne peut pas encore en apprécier tous les effets, car il vient seule-
ment d'être imposé dans les diocèses. Ce rituel bilingue est
devenu obligatoire pour tous les diocèses membres du
C.E.L.A.M. A cette promulgation firent suite des dispositions
particulières prises par chaque évêque pour son propre diocèse.
Là où le Rituel est déjà entré en application, les résultats en
sont remarquables. Le peuple a manifesté une grande satisfac-
tion de pouvoir entendre les prières liturgiques dans sa propre
langue, et de mieux comprendre les rites.
Il faut dire qu'à l'exception des formules sacramentelles et
des exorcismes du baptême, tous les textes y sont traduits. La
particularité la plus notable de ce Rituel est l'insertion, entre
les différents rites, d'instructions catéchétiques, qui répondent
au besoin pastoral de l'Amérique latine.
En dehors de ce Rituel, le C.E.L.A.M. ne compte, en matière
de pastorale liturgique, aucune autre réalisation au plan de
l'Amérique latine tout entière. Cependant on trouve en annexe,
dans ce Rituel bilingue, les induits autorisant l'utilisation de la
formule castillane du Manuel de Tolède pour la « confirmation »
du mariage, et l'emploi du pluriel pour toutes les interrogations
et les prières, même celles qui se rapportent à des rites que l'on
doit répéter sur chaque baptisé, à l'exception, toutefois, de la
formule baptismale, de l'onction du saint chrême et de la remise
du vêtement blanc et du cierge allumé.
:
Mais d'ici peu verra le jour une autre réalisation d'impor-
tance capitale pour la pastorale il s'agit de la création d'un
Institut Supérieur de Pastorale (I.S.P.L.A.). Cet institut sera iti-
nérant, afin de pouvoir être utile à tous les pays d'Amérique
latine et de mieux tenir compte des particularités propres à
chaque pays. Son but principal sera de former les professeurs
des futurs Instituts nationaux qui se fondent dans chaque pays.
L'équipe de professeurs sera formée par des spécialistes issus des
pays latino-américains, ainsi que d'Europe. L'Institut devrait
inaugurer ses cours dès cette année. Si, pour diverses raisons,
ils ne pouvaient commencer avant la seconde session du Concile,
au moins quelques-uns commenceraient en 196/4. Ainsi l'Amé-
rique latine disposera d'éléments dûment préparés, capables de
promouvoir une pastorale d'ensemble selon tous ses aspects.

2. L'œuvre des épiscopats nationaux.


Dans à peu près tous les pays du continent latino-américain,
les Conférences épiscopales ont une Commission nationale de
pastorale, à qui revient implicitement la charge du mouvement
liturgique. Au Mexique fonctionne une Commission épiscopale
d'Art sacré, qui est la dernière à avoir reçu en charge la pasto-
rale liturgique. Dans les pays qui possèdent un Secrétariat per-
manent de l'Episcopat divisé en sous-commissions, à la façon du
Secrétariat Général du C.E.L.A.M., on trouve une Commission
de la Liturgie; c'est le cas actuellement en Argentine. Cependant,
il reste à travers le continent plusieurs pays qui n'ont constitué
aucune commission ni pour la Liturgie ni pour la Pastorale; ce
sont alors les Conférences épiscopales elles-mêmes qui donnent
les directives pastorales, en matière liturgique, lorsque les cir-
constances le demandent.
Parmi les réalisations de ces organismes épiscopaux, il faut
signaler principalement les suivantes.
a) En février iq56 s'est créée en Argentine une Commission
de Théologie et de Pastorale liturgique divisée en trois sous-com-
missions: Liturgie, Musique, et Art Sacré. Son premier prési-
dent fut S. Exc. Mgr Enrique Rau (Mgr Rau est l'unique repré-
sentant de l'Amérique latine à la Commission de liturgie du
Concile). En 1959, cette Commission fut remplacée par la Sec-
tion liturgique du Secrétariat général de l'Épiscopat argentin.
A la Commission argentine de Théologie et de Pastorale
liturgique, sous la direction de Mgr Rau, ont collaboré
LL. Exc. Mgr Ernesto Segura, aujourd'hui Secrétaire de l'Épis-
copat argentin, Mgr R. Martin, Mgr J. Straubinger, les
PP. A. Trusso, J.-C. Ruta, Denardi, Catena, Born, A. Elizalde,
Grandval et d'autres, pour préparer le Directorio litúrgico del
Episcopado Argentino para la Pastoral de la Misa, promulgué en
1957. Un an plus tard, la S. Congrégation des Rites publiait
l'Instruction sur la Musique sacrée et la Liturgie (3 septembre
1958). Comme cette Instruction interdisait de dire en langue ver-
naculaire et en même temps que le célébrant les prières de la
messe, l'Episcopat argentin demanda la permission de réciter
en espagnol le Confiteor, le Kyrie, le Gloria, le Sanctus, le Pater
et l'Agnus Dei. Cela fut accordé par le Saint-Office en 1960.
En 1958, cette même Commission a établi des schémas de
prédication sur la messe, aujourd'hui publiés sous le titre Haced
esto en memoría Mía (Faites ceci en mémoire de moi). La même
année, elle publia une nouvelle édition officielle du recueil de
cantiques populaires Gloria al Senor, approuvé depuis 1955.
Toujours en 1958, fut publié Padre Santo, recibe nuestro sacrifi-
cio1, destiné à la participation des fidèles à la messe (quatre
publications de ce genre avaient déjà précédé, réalisées par une
équipe interparoissiale comprenant les PP. Devoto, Trusso,
Garcia et Ramondetti). Pour la formation des animateurs litur-
giques laïcs, la Commission créa des Escuelas de Guías2, à
l'organisation desquelles contribuèrent particulièrement les
PP. Trusso, Martin, Ruta et Fernandez. En 1959, parut le Tema-
rio para una Escuela de Guías3.
En février 1960, la Section liturgique de l'Épiscopat argentin
publia un manuel du commentateur intitulé Vayanos a Misa4,
qu'avait préparé déjà la Commission de Théologie et de Pasto-
rale liturgique avant 1959. En août 1961, l'Épiscopat approuva
les Actitudes de los acôlitos en la Santa Misa5, qui furent ajoutés
en appendice au Directoire pour la Messe. L'an dernier, parurent

I. Père saint, reçois notre sacrifice.


2. Ecoles d'animateurs.
3. Recueil de thèmes pour école d'animateurs liturgiques.
4. Allons à la messe.
5. Attitudes des acolytes à la sainte messe.
:
un livret sur le mariage intitulé Unidos para siempre6, et une
brochure de préparation au mariage Nos vamos a oasar7.
b) En ce qui concerne le Chili, on trouvera par ailleurs dans
ce cahier un article consacré à ce pays. Notons simplement ici
qu'en 1960 fut publié le « Directoire pastoral pour la sainte
messe», approuvé par l'Assemblée plénière de l'Épiscopat
Chilien. Ce directoire, comme celui d'Argentine, a servi de
guide pour la pastorale de la messe dans de nombreux autres
pays qui n'avaient pas de Directoire.
c) En outre, l'Épiscopat d'Uruguay a publié récemment un
Directorio Litúrgico Pastoral Uruguayo, auquel ont été incorpo-
rées les dispositions de l'Instruction de la S. Congrégation
des Rites, qui s'adaptent et s'uniformisent dans le pays.
d) Au Pérou, l'Assemblée Épiscopale demanda au Saint-Siège
la permission, accordée à l'Argentine, de dire en castillan certai-
nes prières de la messe; cette permission fut accordée.

3. La Pastorale liturgique dans les diocèses.


Un travail considérable s'est fait au plan diocésain. Mais, bien
entendu, toute vue d'ensemble doit tenir compte du fait que
l'Amérique latine compte 45o circonscriptions ecclésiastiques.
De nombreux diocèses possèdent une Commission de Liturgie.
D'autres ont une Commission de Pastorale, ou un délégué de
l'évêque pour la pastorale diocésaine. Certains diocèses ont, en
outre, des Commissions de Musique et d'Art sacré. Mais, au
total, la majeure partie des diocèses ne possèdent pas de Com-
mission de Liturgie.
Le Droit canonique charge les évêques de veiller à l'accomplis-
sement des dispositions en vigueur pour la célébration du culte
divin. Effectivement l'Épiscopat est intervenu en réglant la célé-
bration des messes du soir, le binage, la célébration de la se-
maine sainte, en veillant à l'assistance à la messe, à l'accomplis-
sement du précepte pascal, au jeûne eucharistique, etc.
En ce qui concerne la doctrine, on peut noter quelques lettres
pastorales, quelques instructions données sous forme de circulai-
res; mais elles furent peu nombreuses. Dans quelques diocèses
furent organisés des cours ou des semaines d'étude pour prêtres,
pour séminaristes et également pour laïcs. Les cours organisés
en Argentine pour la formation du clergé séculier et la prépa-

6. Unis pour toujours.


7. Nous allons nous marier.
ration des animateurs liturgiques méritent une mention spéciale.
De même ceux organisés, sous la direction du Ch. Boulard, au
Chili, au Pérou, en Colombie, au Venezuela et au Mexique. Au
Chili, avec la participation du P. Estepa, et en Colombie, ces
rencontres pastorales ont été relativement fréquentes. Ces cours
ont contribué efficacement à situer la pastorale liturgique à l'in-
térieur d'une pastorale d'ensemble, ce qui était essentiel mais
qui est encore loin d'être mûr. Heureusement, un bon nombre
de diocèses se préparent à cette insertion de la pastorale litur-
gique à l'intérieur d'une pastorale d'ensemble, ou y travaillent
déjà.
Il convient de noter qu'à leur retour du Concile, beaucoup
d'évêques ont donné à la participation liturgique une impor-
tance plus grande et ont incorporé la liturgie à leurs plans
pastoraux.
Le bilan liturgique au niveau diocésain pourrait, à travers
cette description, paraître un peu sombre. Cependant le dévelop-
pement de la vie liturgique obtenu dans certains diocèses est en
réalité très satisfaisant si l'on tient compte des conditions parti-
culières de l'Amérique latine. Qu'il suffise de nommer, parmi
tant d'autres que nous connaissons — sans compter celles que
nous ignorons — l'œuvre de renouveau liturgique des Commis-
sions diocésaines de Buenos Aires et de La Plata; le travail du
P. Martin dans le diocèse de Lomas de Zamora; les expériences
de S. Exc. Mgr Kemerer parmi des populations qui manquent de
prêtres, dans le diocèse de Posadas; les résultats obtenus dans
les diocèses de Goya et de San Isidro, en Argentine.
En Colombie, il faut signaler l'œuvre de l'Apostolado Litúr-
gico dans l'archidiocèse de Medellin, qui a eu des répercussions
sur toute la Colombie et même à l'extérieur; le travail accompli
par le P. Quevedo dans les diocèses de San Gil et Ibagué et les
surprenants résultats obtenus par S. Exc. Mgr Garavito dans le
diocèse de Villavicencio; les cours de pastorale et de liturgie de
Popayan et de Barranquilla; le travail infatigable du P. Romero
à Buga, pour ne citer que quelques exemples.
Il en fut de même au Mexique, où l'on peut citer comme
exemple l'œuvre de renouveau liturgique entreprise par
S. Exc. Mgr Sergio Mendez Arceo, avec la collaboration de tout le
clergé et du monastère bénédictin de Cuernavaca; les efforts de
S. Exc. Mgr Ignacio de Alba y Hernandez dans le diocèse de
Colima; les résultats obtenus par les Commissions de Liturgie,
de Musique et d'Art sacré dans le diocèse de Puebla; l'Aposto-
lado Litúrgico du diocèse de Léon, et celui du diocèse de Guada-
lajara; et, à la suite des cours duCh. Boulard, l'éveil du diocèse
de Querétaro, ainsi que l'œuvre réalisée par la commission cen-
trale de pastorale d'ensemble dans l'archidiocèse de Mexico. Et
ce ne sont là que quelques exemples.

4. Au niveau des paroisses.

C'est certainement au niveau des paroisses que l'on trouve les


réalisations les plus belles et les plus courageuses en matière de
pastorale liturgique. Déjà parmi les 12.274 paroisses de 1960,
on peut compter un bon nombre d'authentiques communautés
cultuelles. Nous nous en tiendrons ici à quelques remarques
générales.
Si des milliers de paroisses, tant dans les villes que dans les
campagnes, demeurent figées dans un immobilisme routinier et
traditionaliste, on peut cependant constater partout une large
participation active des fidèles. Cette participation active, notam-
ment sous la forme de messes dialoguées, s'est peu à peu répan-
due; mais les degrés de cette participation demeurent très
variés, selon la capacité des fidèles et selon l'intérêt que lui a
accordé le clergé. Presque partout également la proclamation de
la Parole se fait en langue vernaculaire, et les attitudes sont una-
nimes. Lechant en langue nationale s'est largement développé et
le répertoire s'améliore chaque jour davantage. Beaucoup de
fidèles, en ville comme dans les campagnes, possèdent un missel.
Dans un certain nombre de paroisses, en vérité pas très nom-
breuses, on chante la messe solennelle.
Quelques chiffres montreront l'éveil d'intérêt du peuple fidèle
pour la participation active, les messes dialoguées, le chant et
l'usage du missel. Du seul Missel quotidien des Bénédictins de
Buenos Aires, on a tiré quarante-trois éditions, avec un total de
presque un demi-million d'exemplaires; sans compter les autres
éditions et les importations. En deux ans, le P. Denardi, du
diocèse de Côrdoba (Argentine) a tiré à 270.000 exemplaires sa
brochure pour la participation à la messe. Le livret de chant
Gloria al Sefior a dépassé les cent mille exemplaires. L'Aposto-
lado liturgico de Medellín a tiré quatre éditions, à vingt mille
exemplaires chacune, du livret Communicantes pour la partici-
pation des fidèles à la messe, ainsi que cinq éditions de l'ou-
vrage liturgique Sacrificial, totalisant 140.000 exemplaires. On
pourrait citer bien d'autres faits de ce genre.
Dans de nombreuses paroisses, une équipe liturgique composée
de laïcs accueille les fidèles, organise les processions d'offertoire
et de communion, se charge des lectures, et même, en certaines
paroisses, assiste les malades, prépare les fiancés au mariage
et les enfants à leur première communion.
Le nouveau Rituel du mariage a accru la participation de l'as-
sistance en faisant prier pour les époux, en langue vernaculaire,
toute l'assemblée. De même, le peuple participe activement, par
la prière et le chant, à la célébration des funérailles, car une
paraliturgie en castillan a été incorporée au Rituel. En ce qui
concerne le baptême, et les autres sacrements et sacramentaux,
il en va de même, car les prières se disent en castillan, et le
peuple répond Asi sea8. La plupart des Commissions qui ont
examiné le projet de Rituel ont estimé qu'il était préférable, pour
commencer, de dire Asi sea plutôt que Amen, afin de rendre
cette réponse plus consciente et de laisser le temps à une caté-
chèse de Amen.
A côté de la participation liturgique dans les paroisses, il y a
celle des collèges catholiques. Dans la majorité d'entre eux,
quoique de manières diverses, on participe à la liturgie eucharis-
tique par le dialogue, le chant, l'offrande et la communion. Il
faut mentionner aussi la participation massive des fidèles en
certaines circonstances extraordinaires comme les missions, les
congrès eucharistiques, les fêtes religieuses et les manifestations
profanes liées à une fête religieuse, les processions de la Fête-
Dieu, et surtout la semaine sainte. Rappelons, à titre d'exemple,
les célébrations solennelles qui eurent lieu lors du Congrès
Eucharistique International de Buenos Aires en 1934. Dès cette
date, les foules savaient chanter la messe de Angelis, et le rite
d'offrande, réalisé par cent mille enfants, a popularisé cette
forme de participation à la messe.

5. Les Centres de formation et de diffusion.


Nous ne pouvons pas, dans cet article, énumérer toutes les
formes sous lesquelles s'est déployé l'esprit liturgique en Amé-
rique latine, ni toutes les réalisations auxquelles il a donné jour.
Il nous faut passer sous silence bien des choses. Mais on ne peut
pas ne pas mentionner certains grands centres d'influence en
matière liturgique, ni les diverses activités par lesquelles ils ont
contribué au progrès du mouvement liturgique en Amérique
latine.
a) Si nous parlons en premier lieu de l'Argentine, c'est à titre
de reconnaissance; car elle est à l'avant-garde du mouvement li-
turgique latino-américain. La première graine en fut semée,
en effet, dès 1916, par les Bénédictins, dès leur arrivée à
Buenos Aires. Le modeste oratoire des premiers jours est devenu
aujourd'hui une grande abbaye, au rayonnement immense, cen-
tre liturgique de première importance, qui édite la principale —

8.Ainsisoit-il.
et la plus ancienne — de toutes les revues liturgiques d'Améri-
que latine, la Revista litúrgica Argentina, sans compter bien
d'autres ouvrages et publications de toutes sortes.
Il faut aussi faire mention de l'œuvre réalisée par l'Action
catholique d'Argentine, depuis sa fondation par l'Eme car-
dinal Antonio Caggiano. Ses campagnes en faveur du précepte
dominical, de la communion pascale, de la célébration chré-
tienne de Noël, de la participation active à la messe, de la sain-
teté du baptême, des exigences de la confirmation, de la gran-
deur du mariage et de l'excellence de la dignité sacerdotale, ont
donné au laïcat une conscience paroissiale, diocésaine et catho-
lique, et l'ont introduit à la participation active à la vie sacra-
mentelle de l'Église. De ce vaste effort, le cardinal Caggiano,
Mgr Rau et Mgr Segura furent les principaux promoteurs.
Rappelons pour finir l'influence considérable exercée sur le
renouveau liturgique d'Argentine par les Congrès Eucharisti-
ques, le Congrès international de Buenos Aires en 1934, puis les
congrès nationaux de Lujan, Buenos Aires, Rosario et Côrdoba,
tous nettement marqués, dans leur préparation et leur réalisa-
tion, par une orientation explicitement liturgique.
Non moins décisive, bien que limitée au clergé, fut l'influence
des cours de liturgie donnés dans les séminaires argentins, cer-
tains depuis plus de vingt ans, comme à La Plata. Il en fut de
même pour les sessions nationales de pastorale liturgique, grou-
pant des délégués de quasiment tous les diocèses d'Argentine, et
dont la première eut lieu en avril 1959. Enfin, on peut mainte-
nant considérer comme très prochaine la fondation d'un Centre
de pastorale liturgique qui se prépare depuis plusieurs années
et qui contribuera efficacement à la formation liturgique du
clergé. On trouverait de semblables réalisations au Chili, au
Mexique, en Colombie, etc. Mais nous sommes limités ici par la
place et le manque de documents. Mentionnons simplement, en
passant, le travail de formation accompli par l'Université catho-
lique de Santiago (Chili), par l'Institut de Pastorale et par l'Ins-
titut catéchétique latino-américain (I.C.L.A.) fondé par le
C.E.L.A.M., il y a trois ans, pour toute l'Amérique latine.
b) En ce qui concerne le Mexique, deux grands centres caté-
chétiques, dotés d'un matériel approprié, travaillent remarqua-
blement, de façon indirecte mais réelle, à éveiller les enfants, la
jeunesse et les adultes au véritable esprit liturgique. Au Mexique,
plus que dans n'importe quel autre pays sud-américain, le chant
et la musique sacrée, dans leurs formes les plus variées, tiennent

:
une grande place, et les écoles et instituts de formation artistique
abondent. L'intérêt pour l'art sacré, dans ses diverses expres-
sions, n'y est pas moindre architecture, vêtements liturgiques,
orfèvrerie, etc. A propos de lamusique et du chant, l'expérience
réalisée par le P. Fereira dans la paroisse de Claveria (Mexique)
est intéressante. Après avoir essayé d'implanter le chant grégo-
rien, il dut abandonner ce projet pour adopter la psalmodie dans
le style des psaumes du P. Gelineau. Au contraire, au monastère
bénédictin de Cuernavaca, on a commencé dans le style Geli-
neau, mais on a dû bientôt y renoncer, lassé qu'on était par la
pratique quotidienne et les nombreuses répétitions; on y a adopté
le chant grégorien.
Depuis 1950, ce monastère bénédictin est devenu un foyer de
rayonnement liturgique nettement orienté vers la pastorale. Dans
la messe conventuelle comme dans l'office divin, une place y est
faite à la langue vernaculaire; ce qui est bien normal, puisque ce
monastère a été fondé pour recevoir des moines laïcs, ignorant
évidemment le latin. Seuls les prêtres prient au chœur en latin.
Ce rayonnement liturgique est dû en premier lieu à l'impulsion
donnée par le Prieur, le P. Lemercier; mais tous les moines sont

:
aujourd'hui assez formés en la matière pour que le couvent tout
entier soit au service de la pastorale liturgique conférences,
publications, cours, etc.
c) En Colombie, le cas est typique. Le mouvement liturgique
a pris corps, il y a dix ans (1953) dans une paroise urbaine de
Medellin, sous le nom de Apostolado Litúrgico. L'œuvre de diffu-
sion a commencé par un petit hebdomadaire intitulé « Directorio
Liturgico »; et l'œuvre de formation, par des cours populaires de
liturgie donnés dans la paroisse. Ces cours s'étendirent ensuite
à l'Action catholique; et finalement il devint nécessaire de les
donner par correspondance. De là est sorti le Curso de Litúrgica
por correspondencia9 qui compte actuellement 720 élèves, et a
déjà accordé plus de 45 diplômes. Une équipe de professeurs
collabore avec le directeur pour la correction des examens et
l'octroi des diplômes.
Puis vinrent une série d'expériences et de réalisations dans les
paroisses et les collèges, diverses campagnes semblables à celles
énumérées plus haut, et la production d'un matériel liturgique
pour là formation et pour la pastorale. Parmi beaucoup d'autres,
il faut mentionner le Cantoral10 et le Cantate Dominum, des
veillées bibliques pour les divers temps liturgiques, Communi-
cantes, Comunidad orante11, la publication des encycliques
Mediator Dei et Mystici Corporis, ainsi que celle de l'Instruction
du 3 septembre 1958, divers fascicules contenant les messes

9. Cours de liturgie par correspondance.


10. Manuel de chant.
11. Communauté en prière.
grégoriennes, un Missel populaire pour la semaine sainte, le
nouvel Ordo de la semaine sainte, le nouveau Code des rubri-
ques, avec commentaire, Cómo vivir la Santa Misa12, Iglesia
comunidad cristiana y litúrgica13, El sacerdocio de los fieles y el
carácter sacramental14, etc.
Récemment l'Apostolado Litúrgico a été chargé de la diffusion
du Rituel bilingue pour l'Amérique latine. Plus de 25.000 exem-
plaires sont déjà en circulation, et l'on prépare une troisième

:
édition. Une série d'extraits en a été tirée à l'usage des prêtres
et des fidèles les rites du baptême, du mariage, des funérailles,
un manuel des fidèles, les prières pour les malades, etc. Toutes
ces publications, de même que celles mentionnées plus haut et
que les cours par correspondance, sont diffusées à travers toute
l'Amérique latine; elles ont fait de ce Centre l'un des premiers
foyers de rayonnement liturgique en Amérique du Sud.
Depuis le carême de cette année, l'Apostolado Litúrgico publie
la revue Amen, traduction et adaptation de la revue du même
nom dirigée par le Centre de pastorale liturgique de Paris et
éditée aux Éditions du Cerf, avec lesquelles a été signé un
contrat. Vingt mille exemplaires du numéro i et dix mille du
numéro 2 ont été distribués par avion à travers tout le continent.

6. Évaluation,statistiques, conclusion.
Nous nous rendons bien compte que cet exposé ne donne de
l'état actuel de la pastorale liturgique en Amérique du Sud
qu'une idée approximative. En cette matière, il n'est pas facile
de donner davantage de précisions ni d'avancer des chiffres.
Nous en indiquerons cependant quelques-uns, qui nous aideront
à préciser un peu ce bilan.
La communauté catholique latino-américaine, considérée sur
son territoire et dans les conditions qui lui sont propres, est une
Église sui generis. La population sud-américaine était, en 1960,
de deux cent six millions d'habitants. go d'entre eux ont été
baptisés à l'Église catholique et se considèrent comme catholi-
ques, bien que la pratique religieuse descende parfois jusqu'à
4 %, dans les campagnes en raison du manque de prêtres, et
dans les villes à cause de l'indifférence religieuse. Dans certaines
populations, cependant, elle remonte à 60 et même 80 J'ai là
quelques chiffres pour Villa-Pinzôn, en Colombie, une paroisse
rurale de dix mille habitants. Il y a deux mille communions
quotidiennes. Les offices doivent commencer à 2 et 3 heures du

12. Comment vivre la sainte messe.


13. L'Eglise, communauté chrétienne et liturgique.
14. Le sacerdoce des fidèles et le caractère sacramentel.
matin pour que les campagnards puissent retourner à leurs
champs. A Granada, il y a cinq mille communions chaque
dimanche, et on a dû demander aux enfants de la Croisade
Eucharistique de ne pas communier le dimanche, car les prêtres
n'arrivent pas à distribuer la communion à tous. Dans les semai-
nes du premier vendredi du mois, nombreux sont les prêtres qui
se voient obligés de passer 40 heures au confessionnal, et encore il
reste des gens qui n'ont pas été confessés. Il faut préciser que la
Colombie est l'un des pays les plus religieux du continent.
Quand on compare l'étendue territoriale de certaines paroisses
et leur population, avec le nombre réduit de leurs prêtres, la
réalité se révèle angoissante. Bien que la moyenne absolue soit,
pour 1960, de 5 400 fidèles pour 1 prêtre, la moyenne réelle est
de 15 200 fidèles. Toujours en 1960, la superficie moyenne d'une
paroisse était de 992 km2; mais 21 paroisses couvraient plus de
5 000 km2 chacune, et 38 en avaient entre 2 000 et 5 000. Et ceci,
uniquement dans les diocèses. Car dans les missions, il y a des
territoires paroissiaux de 5o 000 km2. De cet état de choses, il
résulte des situations comme celle que voici, qui concerne une
région du littoral atlantique. Il y avait environ deux mille
enfants qui n'avaient pas reçu le baptême, plus de quatre mille
qui n'avaient pas été confirmés, et presque toute la population
(3o 000 h.) n'avait pas communié depuis la Première commu-
nion! Lorsque arrive le prêtre ou l'évêque, il vient tant de monde
que, dans une église, tandis que l'évêque confirmait, deux
enfants sont morts étouffés; ailleurs un prêtre a dû célébrer

Des questions s'imposent :


640 baptêmes et 42 mariages le même jour!.
quelle pastorale liturgique peut-on
faire dans de telles conditions? Le rétablissement du diaconat
?
apportera-t-il un remède Quelques religieuses du Brésil ont reçu
le pouvoir de distribuer la communion; conviendra-t-il de donner
à d'autres religieuses ces pouvoirs et de chercher comment les
étendre?
Si, à l'étendue géographique et au nombre croissant de la
population on ajoute le fait que 5o de la population du conti-
nent est encore campagnarde, et comporte un très fort pourcen-
tages d'analphabètes, les perspectives de la pastorale liturgique
deviennent encore plus sombres. Et de plus, soyons réalistes. Si
ce phénomène de conservation d'une foi vivante dans un peuple
sans prêtres tient en partie à des causes d'ordre sociologique,
alors il faut préparer l'avenir. Il y a peu de temps encore,
d'énormes masses humaines vivaient dans l'isolement, coupées
de tout contact avec l'extérieur, la culture et le progrès moderne.
Elles vivaient dans l'immobilité, faute de moyens de communica-
tion. Ces facteurs ont permis la conservation de la foi et de
l'esprit religieux, qui se transmettait surtout à travers un certain
patriarcat familial. Aussi une pastorale de conservation fut-elle
suffisante pour garder intact le patrimoine de foi et de religion
dans des régions immenses et des masses considérables, à travers
plusieurs générations. Subitement, aujourd'hui, toute la civilisa-
tion et le progrès se déversent sur ces peuples, que les moyens de
communication et de diffusion jettent en plein monde moderne.
Les campagnes se vident peu à peu, la famille se disperse, la
puissance du patriarcat s'estompe. Les gens s'entassent dans les
villes, avec un seul prêtre pour 40000 et jusqu'à 60000 habi-
tants15, la plupart pauvres et ignorants. Dès lors une pastorale de
conservation n'est plus possible, car le milieu sociologique a
changé. Il faut une pastorale dynamique. Mais. il n'y a pas
assez de prêtres; et on peut se demander si ceux qui existent sont
suffisamment formés pour affronter cette situation nouvelle et
mettre en œuvre les méthodes pastorales désormais indispen-
sables.
Ce n'est pas tout. Les chiffres de l'accroissement démographi-
que appellent l'attention. D'après le rythme d'accroissement de
la population, on calcule qu'en l'an 2000 l'Amérique latine aura
400 millions d'habitants (d'autres statistiques plus récentes font
monter ce chiffre jusqu'à 592 millions d'habitants). Voilà devant
quelles perspectives l'Église d'aujourd'hui, les évêques, les prê-
tres et les fidèles doivent envisager le sauvetage et la conservation
de l'Église en Amérique latine.

Bogota, Colombie.
JAIRO MEJÍA GÓMEZ,
Secrétariat du C.E.L.A.M.

15. Et même 150.000 (Amérique Centrale).


BRÉSIL

F AIRE le point du renouveau liturgique au Brésil n'est pas


une tâche facile. Dans un pays où les distances sont con-
sidérables et où n'existe aucun organisme central pour
susciter cet effort et le guider, on ne peut avoir de la situation
actuelle qu'une vue incomplète. C'est pourquoi je m'excuse
d'avance auprès des lecteurs de cet article, en particulier les
Brésiliens, s'ils ne trouvent pas ici l'écho de tout ce qui se fait
dans le Brésil entier et dans chaque paroisse en matière de
renouveau liturgique.
Difficultés.
Parmi les difficultés que mentionnait en 1950 le P. Paulus
Gordan1 comme des obstacles qui paralysent ou retardent le
renouveau liturgique, beaucoup subsistent encore aujourd'hui.
A mon avis, le plus grave obstacle à un authentique renouveau
de la liturgie, et même de la pastorale tout entière, réside dans
la manière simpliste, pour ne pas dire erronée, de concevoir
aujourd'hui la pastorale. Comme le manque de prêtres se fait
cruellement sentir et que chaque prêtre se trouve en face d'im-
menses problèmes, qu'il se croit obligé de résoudre sur-le-
champ, on se contente d'une politique de l'immédiat, sans com-
prendre que la véritable solution est ailleurs. Comme on croit
devoir tout sauver de ce qui paraît en péril, peut-être perd-on
même ce qu'il faudrait sauver. La surcharge des pasteurs et la
demande sans limites qui leur est faite les privent du temps
à
nécessaire pour réfléchir fond, une bonne fois, sur la situation
pastorale, en dégager des conclusions justes et les mettre à exé-
cution. Et quand on le ferait, trouverait-on auprès de ses con-
frères et de son évêque la compréhension nécessaire?
Je ne veux pas dire que ce qui est fait n'est pas bien; mais l'es-

i. Paulus o.s.b., Liturgische Erneuerung in aller Welt,


GORDAN,
Maria Laach, 1950, pp. 118-122.
sentiel demeure à faire. En pastorale, il y a des choses qui sont
très importantes et d'autres qui le sont moins. Il faudrait que,
même chez nous, l'on prenne le temps de déterminer ce qui à
notre époque, est véritablement fondamental. Au Brésil, préci-
sément, il est nécessaire, en raison même de la pénurie de
moyens, de concentrer toutes les forces disponibles sur les
points les plus importants. Si on abandonnait provisoirement
certaines activités, il se pourrait que la cause du Royaume de
Dieu n'en soit que mieux servie. Là même où on en a l'idée, il
est bien évident qu'un renouveau liturgique inspiré par une
telle conception de la pastorale ne peut être que superficiel et ne
peut pas atteindre le résultat qu'on en attend. Le principe fonda-
mental « qu'il n'y a pas d'évolution vivante de l'Église et de la
»
vie chrétienne sans renouveau liturgique n'a pas encore été uni-
versellement compris ni admis.

:Mais le renouveau liturgique est en butte à d'autres difficul-


tés l'analphabétisme d'une grande partie du peuple brésilien,
la formation liturgique insuffisante des prêtres, religieux et reli-
gieuses, instituteurs et institutrices, le manque de spécialistes
en la matière, l'absence de commissions liturgiques dio-
césaines, etc.

Premiers espoirs.
Il faut reconnaître néanmoins que le renouveau liturgique,
commencé en 1933, a déjà suscité un changement considérable
et produit d'heureux effets. A l'heure actuelle, l'idée en est
accueillie favorablement par tous. La grande majorité des évê-
ques et des prêtres est convaincue de sa nécessité. Le désir des
évêques de promouvoir le renouveau liturgique apparaît claire-
ment dans les directives promulguées à la suite des Conférences
épiscopales nationales2. Cette tendance s'est manifestée en parti-
culier à la dernière Conférence épiscopale, en avril 1962, où les
- évêques établirent un plan général pour la pastorale dans lequel
la liturgie tient une place importante. Cependant les recomman-
dations des évêques furent souvent inopérantes, faute d'avoir
abouti aux applications concrètes. Dans notre pays, il ne suffit
pas d'exhorter les prêtres à promouvoir la participation active
des fidèles aux cérémonies liturgiques, il faut d'abord familiari-
ser les prêtres eux-mêmes avec la liturgie, puis leur mettre entre
les mains des directives précises et pratiques. Dans la plupart

:
des cas, le prêtre exerçant un ministère n'est pas à même de
produire le matériel liturgique dont il a besoin temps, livres et
revues lui font défaut pour cette tâche.

2. C.N.B.B. (Conferêncià Nacional dos Bispos Brasileiros).


On peut espérer que la dernière Conférence épiscopale appor-
tera un progrès à cet égard, puisque les évêques viennent d'élire
une commission liturgique. Cette commission est présidée par
NN. SS. Ilenrique G. Trindade, archevêque de Botucatú, Wilson
L. Shmitt, évêque de Chapecó et Clemente Isnard, O.S.B., évêque
de Nova Friburgo. De plus, dans le plan de la pastorale d'en-
semble, sept secrétariats ont été prévus dans sept régions diffé-
rentes; ceci renforce encore notre espoir car ces secrétariats sont
chargés de promouvoir et de diriger l'exécution du plan géné-
ral de la pastorale. Dans ce plan le renouveau liturgique est
inclus..
On dit que les évêques projettent la publication d'un directoire
national concernant la célébration de la sainte messe. Actuelle-
ment il n'y a aucun directoire pour la célébration de la messe
ni pour l'administration des sacrements valable pour tout le ter-
ritoire. Il n'y a que la province ecclésiastique de Pôrto Alegre,
dans l'État de Rio Grande do Sul, qui publia il y a trois ans son
directoire propre pour la célébration de la messe. Notre pays
possède un rituel bilingue depuis 1958.

Un Centre de pastorale liturgique.


Tout à l'heure nous disions qu'on n'avait rien mis de concret
entre les mains du clergé et que c'était pourquoi les avertisse-
ments des évêques étaient restés sans effet. Cet état de choses
se prolongera sans doute aussi longtemps que notre pays ne
sera pas pourvu d'un centre de pastorale liturgique et de Com-
missions diocésaines vraiment actives. Certes on travaille en
bien des endroits, mai's nous manquons d'un centre. A Rio de
Janeiro, São Paulo, Recife, Pôrto Alegre, etc., on fait beaucoup;
mais il s'agit plutôt d'initiatives privées, et c'est justement parce
qu'elles sont privées qu'elles ont peine à se frayer un chemin.
De plus, cette dispersion des efforts entraîne une déperdition de
forces. Ainsi chacun doit refaire individuellement ce qui aurait
pu être fait collectivement. A mon avis, ce qui, chez nous, donne
tant d'importance à l'existence d'un centre et de Commissions
diocésaines, c'est non seulement la possibilité de promouvoir et
de diriger le renouveau liturgique, mais aussi celle d'offrir aux
prêtres responsables des moyens très concrets. Le renouveau li-
turgique serait beaucoup plus avancé, en bien des paroisses,
si quelqu'un avait soutenu les efforts des curés. Évidemment il
faudrait libérer à cet effet quelques ecclésiastiques d'autres tâches,
et il ne semble pas qu'en général cette nécessité soit assez com-
prise. Ici encore il conviendrait de discerner l'essentiel de l'ac-
cessoire.
Livres et revues.
Quant à la littérature liturgique en langue portugaise, il faut
avouer qu'elle est encore très pauvre. Les livres les plus lus par
les ecclésiastiques et les laïcs sont ceux de Pius Parsch, Guardini,
Chevrot, et Amiot. Ces ouvrages mis à part, on ne trouve pas

:
grand-chose dans les librairies. Dans les grands séminaires on
emploie beaucoup les livres suivants J. A. JUNGMANN, Missarum
Sollemnia et C. VAGAGGINI, Il senso teologico della liturgia. Mais
ces oeuvres ne sont pas encore traduites dans notre langue na-
tionale. Il n'existe pas encore de littérature liturgique autoch-
tone. Si nous passons aux livres proprement liturgiques, il y a
déjà un plus grand choix; par exemple Missœ dialogatœ, Missœ
recitatœ (Messes pendant lesquelles le peuple paraphrase les
prières du prêtre), bien que tout ne soit pas de la meilleure qua-
lité. Pour la semaine sainte, il existe également une brochure
contenant toute la liturgie de cette semaine. Elle a été publiée
par les Bénédictins de Rio de Janeiro (A SemenaSanta). Je
publie moi-même une série de cahiers de pastorale liturgique
qui offrent du matériel concret aux prêtres qui sont dans le mi-
nistère actif. Jusqu'à maintenant, quatre cahiers ont été publiés
Como iniciar a renovação litúrgica (Comment commencer le re-
:
nouveau liturgique), Missas comunitárias (« Messes communau-
taires » — matériel pour le commentateur), Diálogo com Deus
(Dialogue avec Dieu), 0 mistério pascal (Le mystère pascal).
Pour le chant, également, des efforts ont été entrepris; mais
c'est certainement dans ce domaine qu'il ya le plus de déficien-
ces. Comme j'ai pu l'observer moi-même dans plusieurs parois-
ses, il arrive qu'on chante des mélodies qui ne conviennent pas
dans une église. De même, on chante encore souvent pendant la
sainte messe des chants qui n'ont rien à voir avec les différentes
parties de la messe. La maison d'édition Agir a publié le livret
Salmos e Cânticos (Psaumes et Hymnes) avec les mélodies du
P. Gelineau. Il est surprenant de voir avec quelle rapidité ces
psaumes se sont propagés parmi le peuple, spécialement parmi
la jeunesse. Les Franciscains de Petrôpolis, eux aussi, ont publié
une nouvelle édition d'un vieux livre de cantiques en les adap-
tant à la liturgie. Au cours de ces dernières années, le séminaire
de Viamão a répandu des milliers de feuilles avec des chants
dans des écoles et des paroisses. Récemment, à Rio de Janeiro,
on a commencé à publier des chants et des psaumes sur fiches.
Des sessions et des cours destinés à promouvoir le chant grégo-
rien ont été organisés par le Centro S. Pio X, spécialement à
Rio de Janeiro, São Paulo et Pôrto Alegre.
Une revue liturgique serait extrêmement nécessaire. Il y a
bien une Revista Gregoriana, publiée par le Centra S. Pio X, à
Rio de Janeiro; mais d'une part elle est insuffisamment connue,
et d'autre part elle a pour but premier le chant grégorien. Le
matériel qu'elle offre est excellent, mais les prêtres du ministère
auraient besoin de directives plus directement applicables. Quel-
ques revues étrangères, surtout La Maison-Dieu et Paroisse et
Liturgie ont une influence très marquée, mais la plupart du
temps seulement dans les séminaires.

Les sessions.

:
Au Brésil du Sud, les évêques et supérieurs d'ordres ont pris
une initiative particulièrement féconde l'évêque invite ses prê-
tres à une session de pastorale liturgique qui a lieu habituelle-
ment à l'issue de la retraite. Un spécialiste dirige les discussions.
Voici comment elles se déroulent :
Le plus souvent, ces sessions durent de deux à quatre jours.
le spécialiste initie les parti-
cipants à la liturgie par des conférences; ensuite tous discutent
l'application pratique des principes exposés. Au cours de la ses-
sion ont lieu aussi des démonstrations pratiques sur les différen-
tes manières de faire participer la communauté paroissiale à la
sainte messe, etc. Et à la fin de la session, l'évêque propose des
directives très générales. Pendant ces sessions, on peut cons-
tater très souvent la bonne volonté des prêtres et on peut discuter
avec eux des réalisations pratiques pour leurs paroisses.
Les différences entre les paroisses, ou entre le centre paroissial
et ses annexes, sont si grandes qu'il est souvent impossible de
donner des directives uniformément applicables. C'est d'ailleurs
la raison pour laquelle l'évêque ne peut donner que des directi-
ves très générales. Il y a par exemple des annexes où presque
personne ne sait lire. Comment célébrer la sainte messe dans ce
cas? Où trouver un commentateur? Quelqu'un capable d'en-
tonner un chant? Quelquefois des sessions similaires sont réser-
vées à un groupe de prêtres d'une même zone dont les paroisses
sont à peu près dans la même situation. Ce genre de travail a
rencontré un succès encore plus grand.

La messe.
Sil'on compare la situation actuelle avec celle d'il y a dix ans,
on constate un changement très net dans la célébration de la
sainte messe. Dans beaucoup de diocèses ou même de provinces,
on ne trouvera plus guère de paroisse qui n'ait pas évolué au
point de vue liturgique ces dernières années. La missa recitada
(messes pendant lesquelles un lecteur dit la première partie des
prières et la Communauté répond et où l'on récite des prières
qui paraphrasent celles du prêtre) célébrée avec des enfants et
même des adultes, est spécialement fréquente encore aujour-
d'hui. Elle peut être bonne pour le début; seulement, il me sem-
ble qu'on ne fait pas suffisamment d'efforts pour en venir à des
formes de participation plus satisfaisantes, telles que la missa dia-
logada. Pendant la missa recitada, on chante aussi quelques
cantiques populaires. Une autre formule qui, heureusement, se
:
propage de plus en plus, est celle de la missa comcntada (messe
commentée). On l'utilise souvent sous une forme mixte le peu-
ple répond au prêtre, le commentateur ajoute ses monitions,
les fidèles chantent ensemble et l'on dit l'une ou l'autre prière
dans la langue nationale. Le commentateur, quand il y en a
un, a un rôle à remplir dans la missa recitada, la missa dialo-
gada et la missa solene. L'usage de la missa dialogada est ré- y
pandu un peu partout, ou du moins on en fait des essais.
Il faut dire cependant qu'il y a encore des messes — surtout
dans les paroisses où plusieurs messes sont célébrées le diman-
che — auxquelles les fidèles ne participent pas en commun.
C'est surtout le dialogue entre le prêtre et les fidèles (les « accla-
mations ») qui n'est pas encore assez pratiqué. L'importance
du commentateur et du lecteur n'a pas encore été suffisamment
comprise. Dans beaucoup de paroisses où plusieurs prêtres sont
à l'œuvre le dimanche, il est d'usage que les prêtres qui ne
disent pas la messe entendent les confessions pendant toutes les
messes; et puisque les laïcs ne sont pas encore à même de bien
remplir le rôle de commentateurs, ceux-ci sont purement sup-
primés. Il ne faut pas se contenter de critiquer cette situation, il
faut s'efforcer aussi de la comprendre. Dans certains cas il est
pourtant frappant qu'aucun effort ne soit apparemment tenté
pour y remédier. On n'a pas non plus suffisamment compris à
quel point il est important de former des commentateurs et des
lecteurs qui pour la plupart soient des laïcs. Là encore il faudrait
discerner ce qui est primordial et ce qui est de moindre impor-
tance. On a cependant essayé de faire des cours pour des com-
mentateurs et des lecteurs, et plusieurs paroisses se sont réunies
à cet effet, par exemple à Rio de Janeiro et à Pôrto Alegre.
Dans les paroisses où il y a un commentateur, les leçons sont
lues dans la langue nationale au moins aux messes du dimanche.
Le plus souvent, le commentateur lit aussi l'épître et l'évangile,
à moins que le prêtre officiant ne désire lire celui-ci lui-même,
avant le sermon. Seulement, nous manquons d'un livre qui
donne un texte unique pour tout le territoire. Dans presque
toutes les paroisses que je connais, les fidèles se conforment aux
attitudes qui ont été prescrites par les évêques, ou simplement
dictées par le curé au cours de répétitions. En cela il n'y a pas
de règle uniforme. Parfois, on a contraint le peuple à adopter
certaines attitudes uniquement parce que l'évêque les avait pres-
crites, sans expliquer leur signification.

Les catéchismes.
Il faut reconnaître, cependant, que l'influence de la liturgie
s'est fait plus profondément sentir dans les catéchismes der-
nièrement publiés. Mais dans ce domaine un grand travail reste
à faire. Il faudrait que les catéchismes fassent une plus grande
place à l'histoire du salut et à la liturgie. La formation litur-
gique des catéchistes est particulièrement importante. Il faut
leur inculquer que la célébration de la liturgie fait aussi partie

les diocèses d'Allemagne :


de l'enseignement religieux. Le « Catéchisme catholique pour
» (qui a été traduit Catecismo caM.
lico), le « Centre Catéchétique » de Paris et l'institut Lumen
Vitœ exercent une influence grandissante sur les nouveaux
catéchismes.

Les séminaires.
Dans tous les séminaires, on a le souci de la formation litur-
gique des séminaristes et de la célébration convenable de la
liturgie. Dans les réunions et les congrès de supérieurs et de
directeurs de séminaires, ce problème est continuellement re-
pensé et discuté. Dans les petits séminaires (secondaire classi-
que), on cherche non seulement à instruire les garçons mais
aussi à adapter les cérémonies religieuses à leur stade de déve-
loppement psychologique. De temps en temps ont lieu égale-
ment dans quelques-uns de ces séminaires des veillées et des
paraliturgies. Voici comment on organise le travail liturgique
dans notre Grand séminaire de Viamao (philosophie et théolo-
gie). Pendant toute la troisième année de théologie, les sémina-
ristes suivent deux cours par semaine sur ce sujet. Le pro-
gramme officiel des séminaires ne prévoit pas davantage, et
aurait certainement besoin d'être revisé sur ce point. Presque
chaque semaine, le professeur de liturgie donne une conférence
aux séminaristes. Cette conférence a lieu habituellement le
samedi soir et sert de point de préparation pour la méditation.
On y étudie normalement les textes de la messe du dimanche.
De plus, les professeurs donnent des conférences sur la liturgie,
suivant leur programme.
La semaine sainte est aussi préparée avec un soin particulier.
L'année dernière, une conférence sur le mystère pascal a été
faite chaque semaine au cours du Carême, et, pendant la
semaine sainte, il y eut une journée de récollection sur la célé-
bration liturgique du Triduum Sacrum. En plus de tout cela, on
s'applique à bien célébrer les cérémonies liturgiques telles que
la messe quotidienne, la grand-messe du dimanche, les vêpres.
Tous les jours, Prime et Complies sont dites comme prières du
matin et du soir.
Le dimanche, plusieurs séminaristes, surtout ceux des derniè-
res années, vont dans les paroisses pour remplir le rôle de com-
mentateurs ou de lecteurs soit à la messe soit aux baptêmes.
Plusieurs paroisses ont demandé un autre groupe pour présider
à la formation des enfants de choeur. De temps en temps, les
professeurs de pastorale et de liturgie revisent avec les commen-
tateurs leur activité dans les paroisses. De même pour les dia-
cres et sous-diacres qui aident dans les paroisses pendant la
semaine sainte. Avant les grandes fêtes surtout, on célèbre quel-
quefois des paraliturgies et des veillées.

La semaine sainte.
Après la réforme de la semaine sainte, on a pu observer un
grand progrès sous le double rapport du nombre d'assistants et
de la participation des fidèles aux cérémonies liturgiques. Le
dimanche des Rameaux, le jeudi saint et le vendredi saint, les
églises sont la plupart du temps bondées. Le samedi saint, les
églises ne se remplissent que vers le début de la messe. Mais
nous sommes loin encore d'avoir tout fait. L'initiation des fidè-
les à la liturgie de la semaine sainte est loin d'être parfaite et la
cérémonie liturgique elle-même n'est pas encore suffisamment
préparée, ni célébrée d'une façon assez pastorale.
Viamâo, Brésil.
ALBANO KREUTZ,

Professeur de théologie et liturgie.


CAMEROUN

L A situation géographique, la multiplicité des races (86 popu-


lations dans la forêt du Sud) et la diversité du relief font
du Cameroun un pays de' transition entre l'Afrique occi-
dentale et l'Afrique équatoriale. Ce pays, de quatre millions
d'habitants, d'une superficiel égale aux quatre cinquièmes de
celle de la France, a étonné le monde par son évolution specta-
culaire; il a étonné la chrétienté par sa conversion non moins
spectaculaire.

Un Baptiste anglais débarque à Douala en I8M.. Entre les


années 1883 et 1890, Spiritains et Jésuites essaient en vain de
s'établir. Arrivent alors les Pallotins allemands. Ils sont qua-
rante-cinq quand éclate la première guerre mondiale. Après
la défaite de leur pays, ils doivent quitter le Cameroun, laissant
derrière eux un petit peuple de 66.000 chrétiens. Leur cœur est
inquiet car la guerre vient de malmener presque toutes leurs
missions; il est cependant plein d'espoir en l'avenir, puisque
rien n'a réussi à disperser la petite chrétienté, grâce, en grande
partie, aux excellents catéchistes.
Quelques Spiritains prennent la relève. Le mouvement de con-
version se ralentit à peine. Après l'arrivée de Mgr Vogt, en 1022,
on est témoin d'une véritable ruée vers le christianisme. La poi-
gnée de chrétiens de 1900 avait fructifié. en 1916 on en comptait
66.000; en 1935, 365.000; aujourd'hui ils sont 800.000. Voici
ce qu'écrit un missionnaire arrivé au Cameroun en 1920 : « Il
est difficile d'imaginer, quand on ne les a pas connues, ces lon-
gues cérémonies de baptêmes, dont nous revenions, comme
saint François Xavier, avec le bras ankylosé, ou ces séances de
confessionnal plus longues encore, qui faisaient de nous des
émules du Curé d'Ars! Fallait-il donc repousser toutes ces âmes,
sous prétexte que leur formation chrétienne laissait sans doute
à désirer et que ces conversions en masses n'étaient pas toutes
?
de bon aloi »
Par la force des choses, une pastorale d'extension s'imposait.
clergé les consignes suivantes
la jeunesse
:
A peine installé à la mission de Mvolyé, Mgr Vogt donnait à son

: 1° Vous devez vous occuper de


école et catéchisme; 2° Vous devez apporter le plus
grand soin à former des foyers chrétiens, surtout en donnant
aux futures épouses une éducation religieuse aussi complète que
possible; 3° Il nous faut, sans tarder, préparer un clergé
indigène.
Le ministère sacerdotal consistait à fonder des stations et
des missions capables de regrouper cette foule de convertis, à
prêcher la doctrine, à célébrer le culte, à donner les sacrements,
à effectuer les tournées de brousse, à construire églises, maisons
d'habitation, écoles, Sixa1, puis faire marcher ces écoles et tout
le reste! Bien sûr il fallait multiplier les catéchistes, en trouver
un pour chaque village un peu important. On le fit : les
220 catéchistes des Pères Pallotins devenaient 3.000 en 1930;
actuellement ils sont 5.000. Là aussi, le recrutement et la
formation de ces collaborateurs étaient et restent à la charge
du missionnaire lui-même, l'école de catéchistes des Allemands
n'ayant pas continué. Admirable est le désintéressement de ces
:
missionnaires laïcs; ils ont de faibles avantages matériels, mais
ne sont pas payés. Leur responsabilité est grande au village ils
représentent le prêtre, dirigeant la prière, assurant la formation
chrétienne deux ou trois fois par semaine, s'occupant des caté-
chumènes, servant d'intermédiaires entre les fidèles et le prêtre.
Le catéchiste vit avec les chrétiens; ses rapports avec eux sont
donc très directs. Au contraire le prêtre travaille presque cons-
tamment au niveau collectif. Il visite ses gens régulièrement,
mais ne trouve que peu de temps pour suivre les individus.
Actuellement encore, certaines missions ont 500 baptêmes par
an! Il est clair que le prêtre ne peut faire pour chaque catéchu-
mène ce qui est possible à un catéchiste pour ses dix ou quinze
catéchumènes. Le prêtre s'assure des dispositions des candidats
par un examen sur la doctrine, et complète son jugement grâce
à l'avis du catéchiste.

*
Il est évident que dans ces conditions, il a été difficile de
faire une constante recherche d'adaptation catéchétique et li-
turgique. Les études sur la prière traditionnelle de l'Église, sur
les sacrements, étaient encore bien réduites en 1920, et les expé-
riences en ce domaine, mal connues. les missionnaires ont fait
comme on leur avait appris et comme ils avaient vu faire.
1. Centre local de préparation des jeunes filles au mariage.
Mgr Graffin continuait la ligne tracée par Mgr Vogt et, au plan

:
liturgique, créa, sur la base de la pratique européenne, une réelle
participation collective à la liturgie eucharistique tous les fidè-
les chantent le grégorien; ils connaissent par cœur le propre des
fêtes et des dimanches; tous récitent, aux messes basses, la plu-
part des prières de la messe en traduction; tous chantent des
cantiques allemands et français traduits en ewondo ou en bassa.
Les visiteurs occasionnels témoins de nos assemblées liturgiques
si nombreuses et si actives, ne taisent pas leur admiration, leur
ébahissement.
Les autres sacrements étaient et sont encore administrés sui-
vant le rituel latin. La participation du peuple fidèle est infime.
Au village, la prière, dirigée par les catéchistes, se fait sur le
schéma de nos anciennes prières du matin et du soir. Le diman-
che, on récite quelques prières de la messe; le catéchiste fait les
lectures du missel; on chante certaines pièces grégoriennes du
jour. Il n'y a guère que deux ans qu'on parle de liturgie de la
Parole ou de célébration dominicale sans prêtre.

La situation générale permettait de croire à une vie chrétienne


réelle et assez profonde. Les signes étaient là. Les assemblées
liturgiques étaient nombreuses et régulières; la pratique sacra-
:
mentelle, intense. Les vocations sacerdotales et religieuses
s'étaient multipliées 120 prêtres camerounais, 56 grands sémi-
naristes, 320 petits séminaristes, 21 religieux non prêtres et
166 religieuses en 1960.

enfants reçoivent encore une éducation dans nos écoles :


Les œuvres pieuses se sont maintenues. La grande majorité des

missions avaient 80.000 élèves en 1950, 185.000 maintenant dont


les

5.000 dans les 13 collèges, 4 écoles normales, centres d'appren-


tissage et collèges techniques.
Aucune circulaire de Mgr Graffin ne traite de la « question li-
turgique » en elle-même, dans son ensemble ou en liaison avec
d'autres aspects de la pastorale. Mais dans chaque lettre, des
remarques sont faites à propos d'abus constatés, à la suite d'in-
dults reçus, pour prescrire des cérémonies spéciales à l'occasion
d'un événement particulier, etc. Il s'agit presque exclusivement
de précisions d'ordre canonique ou rubrical. Quand on est cons-

:
tamment en face de la grande masse, il faut veiller à une bonne
marche générale. Et lorsqu'en 1959 l'archevêque écrivait « Par
ailleurs je crois que nous sommes ici en bonne position quant à
la participation des fidèles, tant à la messe basse qu'à la messe
»,
chantée il ne voulait assurément pas principalement s'opposer
au mouvement liturgique!
Cependant les chiffres peuvent tromper; les habitudes peuvent
laisser échapper l'âme qui leur avait donné vie; la quantité peut
donner le change sur la qualité. En pastorale et en liturgie, ce
qui compte aussi c'est la manière, la hiérarchie des valeurs,
l'orientation de base, l'intérieur, la réalité de foi.
On a pu écrire que les catéchistes sont d'admirables mission-
naires laïcs; chacun reconnaît cependant que leur formation est
maintenant insuffisante; et s'ils ne jouissent plus de la considéra-
tion de jadis, ce n'est pas seulement par suite d'un manque de
foi du peuple chrétien. Leur formation, la pauvreté de leurs
moyens d'action en sont la cause également. Quel catéchiste
d'Europe pourrait remplir sa tâche avec les quatre évangiles,
quelques extraits de l'A. T., un catéchisme qui date déjà, un
petit livre de prière de 1937, un journal et quelques conseils?
C'est notre seul matériel, et personne ne soutient qu'il est
parfait. 3
La Sœur ou le catéchiste de confiance chargé du Sixa peut-il

:
vraiment, même avec toute sa meilleure volonté, faire atteindre
à cette école de fiancées son objectif constituer des foyers chré-
tiens? Le temps de cette préparation au mariage est déjà très
court, et les garçons ne reçoivent pas une formation équivalente.
Depuis longtemps on déplore le manque de personnalité hu-
maine des fidèles, le peu de profondeur de leur vie spirituelle et
la carence de convictions chrétiennes solides. Peu de chrétiens
osent mettre leur vie concrète en rapport avec leur foi, surtout
dans les occasions qui exigent une franche rupture avec les
traditions païennes encore vivaces. Les réactions individuelles
devant les problèmes de la vie restent païennes; la conception
qu'on a du mariage, de la famille, de la vie professionnelle et
sociale, de la mort restent païennes.
On impute peut-être trop volontiers ces déficiences aux jeunes,
qui se sont émancipés des usages traditionnels et qui, nés de
parents chrétiens, n'ont pas connu, pour leur formation reli-
gieuse, l'épreuve bienfaisante du long catéchuménat des adultes
de jadis. Il est vrai, par ailleurs, qu'il y a beaucoup de déracinés
qui désertent la brousse pour affluer dans les quartiers indigènes
des grands centres, principalement de Douala et de Yaoundé, où
ils vivent dans des conditions matérielles et morales lamentables.
Mais alors pourquoi, au niveau du village, ou du clan familial,
les questions vitales (mariage des jeunes, famille, polygamie,
dot, palabres de terrain ou de travail) sont-elles si souvent très
mal tranchées? Ceux qui tiennent les commandes et qui déci-
dent ne sont-ils pas les anciens qui ont vécu l'épreuve du caté-
chuménat, qui ont participé à l'activité de la mission, qui fré-
quentent les sacrements depuis longtemps, et souvent aussi régu-
lièrement que les autres chrétiens?
Voilà des questions qu'il faut se poser; et il y en a d'autres.
Dans la pratique il est difficile de chercher une solution sans
donner à croire que l'on condamne la pastorale traditionelle.
Chacun prend conscience que le point délicat est la manière,
l'orientation, l'objectif poursuivi; c'est à ce niveau que commen-
:
cent la purification et le renouveau. Surgit alors au cœur du
missionnaire un problème délicat quels sont les critères qui
lui permettront de juger de façon valable sa pastorale et de
l'adapter aux circonstances nouvelles sans commettre de graves
erreurs? La loyauté, la sincérité, le zèle ne suffisent pas tou-
jours pour voir clair, trouver l'action à suivre ou la manière.
Les premiers missionnaires ont créé un style missionnaire;
ils ont fait preuve d'imagination et d'audace; on comprend
qu'on puisse hésiter à abandonner leur façon de faire avant
de savoir ce que l'on pourra faire de mieux. Les plus jeu-
nes, témoins de la prudence et du sérieux que les spécialistes
exigent dans ce renouveau du mouvement liturgique et pastoral
dans la chrétienté d'Europe, n'osent pas se fier à leur seule ima-
ginationl Tous veulent implanter l'Église, la désoccidentaliser,
l'adapter à l'humus africain; mais ils savent un peu que le Con-
cile a senti la complexité de ces problèmes. C'est pourquoi les
missionnaires, les prêtres africains également, plus ou moins
gagnés de vitesse par l'évolution, presque toujours surchargés
de besogne et de responsabilités, attendent les principes direc-
teurs et espèrent le secours de ceux qui ont le courage, le cha-
risme, le temps et les moyens pour réfléchir longuement sur la
mission de l'Église et les moyens d'évangélisation adaptés au
temps qui est le nôtre. Tout comme jadis, les missions restent
tributaires de la chrétienté d'Europe.
Ainsi, avec l'approfondissement théologique de certaines ques-
tions fondamentales, comme celles de l'Église, du laïcat, de la
vie sacramentelle, de la Parole de Dieu, de la Communauté
chrétienne, de la Foi, de la réalité humaine, nous avons été
amenés, peut-être avec un certain nombre d'années de retard, à
repenser nos missions et leur organisation. Lentement surgissent
il y a quelques années:
une organisation du laïcat et des services diocésains, inexistants
mouvement d'Action catholique, Infor-
mation catholique, Unitas (mouvement regroupant toutes les
congrégations de religieuses), secteurs apostoliques avec des
équipes sacerdotales, commissions liturgiques, bibliques, caté-
chétiques.

Notre attention a été éveillée sur ces problèmes par l'arrivée


providentielle à Douala, en 1953, du chanoine Noddings. Avec
lui le problème de l'Action catholique, et donc du laïcat, était
posé.
Certains prêtres se sont préoccupés rapidement de l'insertion
de cette A. C. dans leur pastorale missionnaire, ce qui, petit à
petit, les a amenés à réfléchir à bien des choses, parmi lesquelles
la plus importante fut sans doute la vie liturgique dans leur mis-
sion. D'autres, moins orientés vers l'A.C., mais inquiets de
l'évolution de leur chrétienté, voyaient, peut-être un peu con-
fusément, dans la vie liturgique un élément de réponse à cette
situation nouvelle.
Ainsi, bien que les orientations fussent au départ différentes,
bien que l'intuition première fût partielle (car la liturgie est une
vie, et non un moyen), il fut possible d'entreprendre un travail
de pastorale liturgique.
En 1958, au bureau de l'Effort Camerounais, journal heb-
domadaire catholique, ont été rédigés les premiers numéros
de Mission d'aujourd'hui, bulletin pastoral du Cameroun. Plu-
sieurs articles sur la liturgie et la catéchèse ont été écrits. Et
dans sa lettre de janvier 1959, Mgr Graffin lança à son clergé la
consigne d'« entrer résolument dans une phase nouvelle d'évan-
gélisation pour implanter solidement l'Église au Cameroun ».

:
Un premier travail a été fait sur le Carême en 1960. Notre désir
était double permettre aux baptisés de mieux vivre ce temps
privilégié que l'Église avait institué et nous offre encore pour
replonger le peuple chrétien dans les eaux du baptême et les faire
passer, à la suite du Sauveur, à la Vie Nouvelle; faire de cette
période une véritable initiation baptismale des catéchumènes; et
tout cela, en commençant, grâce à des traductions de textes
(mercredi, vendredi et triduum) à mieux écouter la Parole de
Dieu. S'appuyant sur cette Parole et sur la catéchèse l'accompa-

:
gnant (tout un dossier doctrinal avait été fourni) nous avons
cherché une meilleure réalisation de la vie chrétienne réconci-
liation de familles, charité envers les malades transportés à la
messe, dons en nature, prières communes au village, tam-tam
battu dans tous les villages à une heure précise du samedi pour
éveiller le sens de l'unité de la Communauté chrétienne et les
convoquer à l'Assemblée du dimanche.
Depuis, nous avons chaque année cherché une adaptation nou-
velle du Carême, proposant la catéchèse à faire et quelques
suggestions de réalisations pratiques.
Un deuxième effort porta sur la messe. Dans trois centres,
comprenant une quinzaine de missions, les prêtres se sont frater-
nellement réunis pour réfléchir sur le mystère, la doctrine et le
prévues, à six ou sept semaines d'intervalle :
déroulement de la liturgie eucharistique. Cinq rencontres étaient
1) l'Assemblée,
2) le rite d'entrée et la Liturgie de la Parole, 3) l'Offertoire, 4) le
Canon, 5) la Communion. Chaque réunion commençait par un
exposé doctrinal; un texte assez détaillé était remis à chaque
prêtre présent. Ce texte devait servir de base pour la réalisation
du plan de sermons (4 ou 5 par étape); ces sermons, ébauchés
d'avance, étaient réexaminés par toute l'équipe sacerdotale du
centre. Ensuite nous cherchions les transformations à introduire
dans la célébration de la messe. A tout cela s'ajoutaient quelques
références bibliques qui pouvaient servir, dans les villages, aux
catéchistes pour reprendre la catéchèse du dimanche. Aux
réunions suivantes la discussion portait, en outre, sur la réalisa-
tion du travail accompli pendant la période précédente (difficul-
tés, adaptations, initiatives). Pour faciliter la mise en route des
commentaires de messe et des litanies d'intentions, des exemples
ont été donnés à certaines occasions (dimanche de l'Avent et du
Carême, célébrations de la semaine sainte).
Pour éviter trop de divergences dans les célébrations, un texte
fut élaboré, récapitulant les différents déroulements de la messe
lue et de la messe solennelle. En tout cela nous n'avons pas fait
une œuvre originale d'adaptation africaine; nous avons suivi les
indications du renouveau liturgique tel qu'il est vécu en Europe.
Dans plusieurs de ces missions apparaît une communauté plus
proche des communautés apostoliques. Elle s'exprime et s'édifie
par une prière plus vraie (respect de la structure de la prière
chrétienne; respect de la place et du rôle des fidèles et du prêtre;
utilisation du chant des psaumes sur mélodies africaines), plus
vivante (contact plus direct avec la Parole de Dieu, lectures et
homélies; litanies d'intentions et processions de dons; dialogue
avec le prêtre) et plus variée (commentaire proche de la liturgie
et de la vie de la communauté; équipe liturgique).

Ce premier résultat atteint, chaque prêtre a bien conscience


que le même effort est à faire sur les autres plans de la pastorale
missionnaire. Mgr Jean Zoa ne cache pas son impatience de voir
son diocèse s'engager résolument dans une phase nouvelle. Les
espoirs, comme en 1916, sont permis car la communauté des
chrétiens commence à porter maintenant en elle des exigences
nouvelles sur l'ensemble de la vie chrétienne.

Yaoundé.
BERNARD FOY, LÉON AMAN.
CANADA FRANÇAIS

B IEN que relativement récent, le mouvement liturgique au


Canada de langue française est déjà bien engagé, et il est
sans doute appelé à jouer un rôle décisif dans la vie reli-
gieuse d'un peuple soumis actuellement à de profondes muta-
tions. Avant d'évoquer la longue préhistoire de ce mouvement et
son établissement définitif, il convient de décrire rapidement la
situation religieuse et pastorale où il s'inscrit.

Situation religieuse et pastorale du Canada français1.


Un phénomène sociologique majeur constitue l'arrière-fond

français :
de toutes les transformations actuellement en cours au Canada
l'urbanisation. Depuis les cinquante dernières années,
le rapport entre la population rurale et la population urbaine
s'est inversé; les trois quarts des Canadiens français habitent
maintenant la ville. Les répercussions de ce phénomène dans la
vie religieuse du peuple sont déjà perceptibles. Le mouvement
liturgique, maintenant plus qu'amorcé, n'aura donc pas pour
tâche unique de renouveler une pratique ancienne; il devra
surtout amener les fidèles, devenus en majorité citadins, à redé-
couvrir lucidement les valeurs fondamentales de leur foi, et à
passer ainsi d'un christianisme traditionnel à un christianisme
plus conscient et plus adulte.
A la faveur de cette évolution sociologique, la mentalité des
fidèles et des pasteurs n'est pas sans évoluer elle aussi. Malgré
des habitudes religieuses héritées d'une tradition rurale et encore
fortement enracinées, les uns et les autres se font assez accueil-
lants à toute forme d'innovation. En ce sens, la conjoncture
pourrait paraître favorable à l'essor du renouveau liturgique. Il
est toutefois à craindre que l'accueil réservé aux éléments nou-

i. Voir J.-C. FALARDEAU, Les recherches religieuses au Canada fran-


çais, dans Recherches sociographiques, 3 (1962, 1 et 2) 209-228. Cet
article fournit une bibliographie très abondante.
:
veaux de la pastorale liturgique demeure superficiel à l'instar
des innovations techniques, on les acceptera peut-être comme
des étapes d'une évolution, susceptibles elles-mêmes d'être
dépassées, et non comme le retour à des éléments majeurs d'une
vie chrétienne authentique.
L'un des traits les plus souvent relevés de la vie religieuse
canadienne-française est le degré élevé de la pratique. Le temps
n'est pas si loin où il fallait parler de la quasi-unanimité des
fidèles à « remplir », comme on disait, leurs devoirs religieux.
L'urbanisation rapide a provoqué, ainsi qu'il fallait s'y attendre,
une baisse notable de la pratique religieuse dans les grands
centres; la pratique dominicale serait actuellement de 65 à
Montréal et de 75 à Québec. Quoi qu'il en soit de la situation
pastorale nouvelle créée par l'urbanisation, il n'en reste pas
moins que la pratique religieuse demeure encore massive et
qu'elle pose des problèmes particuliers, originaux et complexes,
à la pastorale liturgique.
Ainsi l'application, en plus d'un point, de la réforme liturgi-
que soulève-t-elle, du moins au premier abord, plus de difficultés
qu'elle n'en résout. Le nombre très élevé des communiants aux
messes dominicales — et même aux messes fériales du carême —
rend complexe la distribution au moment rituel, c'est-à-dire
après la communion du célébrant. La fréquentation massive aux
célébrations liturgiques des jeudi et vendredi saints nécessiterait
qu'on les multiplie presque autant de fois que les messes du
dimanche. Quant à la vigile pascale, même si les églises n'y sont
pas encore encombrées, on voit mal, étant donné la discipline
pratiquants :
actuelle, qu'on puisse un jour y amener la majorité des fidèles
ce serait physiquement impossible.
La pratique religieuse massive entraîne d'autres inconvénients,
qui paraissent plus graves. L'affluence incite les pasteurs à « faire
»,
vite et, en conséquence, le risque est grand que les rites
sacramentels, restaurés mais privés de leur nécessaire catéchèse,
demeurent sans signification aux yeux des fidèles et sans efficacité
pour leur vie chrétienne. Or ces derniers seront bien vite tentés
de rejeter pareil ritualisme, s'ils s'y voient peu à peu enfermés.
D'autant que la foi du grand nombre, jusqu'à maintenant tradi-
tionnelle et dans une certaine mesure sociologique, apparaît
plutôt démunie face aux sollicitations du matérialisme ambiant
et aux multiples questions que lui posent la vie et la pensée
modernes.
Une longue préhistoire.
Malgré le caractère très diversifié des efforts tentés depuis le
début du siècle, et aussi malgré l'éparpillement et l'isolement
des centres d'action, la vie liturgique s'est développée, à partir
des années 1900, suivant certaines phases qu'il ne faut sans doute
pas définir trop rigidement, mais qui, on le verra, correspondent,
dans une certaine mesure, aux étapes traversées par le mouve-
ment liturgique en plusieurs pays d'Europe.
L'élan donné à la vie liturgique par les déclarations et les
décisions de saint Pie X fut à l'origine des premières initiatives
canadiennes pour amener les fidèles à vivre davantage de la
liturgie. Ces premières initiatives furent fortement marquées par
ce qu'on pourrait appeler la piété eucharistique. Une longue
tradition teintée de jansénisme avait lié, dans la pratique, la
réception de l'eucharistie à une nécessaire confession préalable.
L'invitation de saint Pie X à la communion fréquente provoqua
une véritable révolution — qui fut lente cependant à porter tous
ses fruits — dans les moeurs religieuses. Dès le XXIe Congrès
Eucharistique International, tenu à Montréal en septembre 1911,
un grand nombre de rapports étudièrent la question de la com-
munion fréquente sous ses aspects à la fois théoriques et prati-
ques. Le congrès, sur ce point, ne fut certes pas sans lendemain.
Il fut également discuté, à ce congrès eucharistique de 1911,
de la participation active des fidèles au chant liturgique. Dans
les vingt années qui suivirent, une attention toute particulière
fut accordée à ce problème. On tint d'abord à assurer aux prêtres
une bonne formation en chant grégorien. Quant au peuple, on
s'aperçut vite qu'il serait difficile de l'entraîner à chanter seul
les mélodies grégoriennes; on s'efforça alors — et avec le temps,
non sans succès — de doter chaque paroisse d'une chorale et
parfois de deux (l'une d'hommes, l'autre d'enfants).
Dans cette tentative de popularisation du chant grégorien, les
Bénédictins, établis à Saint-Benoît-du-Lac, jouèrent un rôle sinon
de premier plan, du moins fondamental. Des générations de
chantres et de maîtres de chapelle leur doivent, de près ou de
loin, leur formation2. Ajoutons qu'encore aujourd'hui, même si
le chant sacré en langue vivante gagne peu à peu la faveur des
fidèles, le rayonnement de l'abbaye Saint-Benoît-du-Lac est con-
sidérable.
Le séjour au Canada, en 1931, de deux bénédictins belges,
Dom G. Lefebvre et Dom Veys, marqua un regain de vie litur-
gique dans plus d'un diocèse. Les deux moines belges, en plus
de la part très active qu'ils prirent au premier congrès liturgique
canadien (Ottawa, 1901), furent invités à parler, en plusieurs

2. En 1937, l'abbaye Saint-Benoît-du-Lac publiait une série de


disques et une méthode (G. MERCURE, Rythmique grégorienne) qui
furent très utilisés.
diocèses, du sacerdoce des fidèles, de la messe dialoguée et de
l'usage du missel pour les laïcs.
Beaucoup de diocèses connurent, dans les années suivantes,
une activité liturgique assez intense. Cercles d'étude dans les
grands séminaires et les collèges, semaines et journées liturgiques
se multiplient. L'enseignement du chant grégorien est encore au
premier plan des préoccupations. L'usage du missel se répand
rapidement, surtout chez les jeunes. Pour plusieurs d'entre eux,
l'accès au missel quotidien complet devient un peu comme un
rite de passage à un âge religieux adulte.
La fondation et le développement des divers mouvements
d'Action catholique favorisent, en particulier auprès des jeunes,
l'intelligence et le désir d'une vie liturgique authentique. La
diffusion qu'on y entreprend de la doctrine du Corps Mystique
prépare les esprits à accepter l'idée de la participation active aux
mystères liturgiques. Il faut d'ailleurs reconnaître ici que la
plupart des collèges offrent alors aux étudiants des célébrations
assez soignées, auxquelles il leur est donné de participer active-
ment par le chant;,les collèges sont ainsi presque les seuls à
réaliser le chant du commun de la messe par l'assemblée. Notons
enfin que le scoutisme et le guidisme ont contribué à éveiller chez
plusieurs le sens de la communauté liturgique et celui d'un
symbolisme plus dépouillé et plus vrai.
Jusqu'à l'après-guerre, la vie liturgique se développe au
les paroisses, une certaine tradition s'établit :
Canada français suivant les lignes qu'on vient de dessiner. Dans
le missel des
fidèles est largement en usage, les communions sont de plus en
plus fréquentes, le chant des chorales gagne en qualité et le
grégorien est en honneur. Les pierres d'attente, on le voit, pour
le renouveau liturgique d'après 1945, se font plutôt rares. A un
modèle établi succède un autre modèle, en voie lui aussi de se
fixer. C'est du côté des jeunes et des mouvements d'Action catho-
lique pour la jeunesse que les esprits apparaissent les plus
ouverts à l'évolution qui suivra bientôt, provoquée par les ini-
tiatives même de l'autorité romaine. Il faut toutefois signaler, en
ce point, l'apport du Prie avec l'Église publié dès 1937 par le
Centre catholique de l'Université d'Ottawa. Ce livret hebdoma-
daire, qui met à la portée de tous le texte de la messe du
dimanche, s'inscrit dans le courant de diffusion du missel des
fidèles; mais à cause de sa souplesse et de la transformation
constante qu'on lui fait subir — on lui joindra en 1958, à l'in-
tention des pasteurs, le Guide de la inesse communautaire — il
s'avérera être l'un des instruments qui favoriseront le renouveau
des années 1950-1960.
Le renouveau liturgique que connaît la France après la guerre
nous touche presque aussitôt par l'abondante littérature qui nous
en parvient, on sait combien nous avons été jusqu'à maintenant
dépendants du livre français pour notre formation intellectuelle
et théologique. Un lent travail de mûrissement s'opère alors,
principalement dans les milieux de formation du clergé. En plus
d'une maison de formation, la restauration de l'antique vigile
pascale est ainsi accueillie avec joie.

Le vrai départ.

Ce n'est qu'en 1954 que le renouveau liturgique prend son


vrai départ au Canada français. Cette année-là, l'Action catholi-

ont pour thème :


que canadienne tient, à Montréal, des journées nationales qui
Vers la communauté par la liturgie. La même
année, un groupe de prêtres, religieux et laïcs, constitue à Québec
un Service de Pastorale liturgique, dont les activités sont étroi-
tement coordonnées avec celles du Centre de Culture populaire
de l'Université Laval, autour duquel le groupe s'était d'ailleurs

liturgique dans les paroisses de la ville de Québec :


rassemblé. Deux ans auparavant, une enquête avait été menée
par les soins du Centre de Culture populaire sur l'état de la vie
l'évangile
était lu en français presque partout, mais non l'épître; les prônes
duraient outre mesure; dans la plupart des cas, la messe était
pour le reste « silencieuse». Le Service de Pastorale liturgique
disparaîtra pratiquement lors de la fondation en 1955 de la
Commission sacerdotale de Pastorale liturgique. Il en subsiste
toutefois un organisme d'enseignement du chant sacré (L'Action
musicale liturgique) dont M. Claude Tessier, ancien membre du
Service de Pastorale liturgique, est toujours l'animateur dyna-
mique.
Au printemps 1955, les Chanoines Réguliers de l'Immaculée
Conception, qui s'étaient établis à Brigham en 1949, ouvrent
leur maison à la première session d'études liturgiques organisée
à la faveur du séjour au Canada du P. Roguet, directeur du
C.P.L. français. Mgr Cabana, archevêque de Sherbrooke et deux
évêques, NN. SS. Douville (Saint-Hyacinthe) et Coderre (Saint-
Jean-de-Québec) prennent part à la session.
Dès l'année suivante (1956), l'Assemblée épiscopale de la
Province de Québec crée une Commission Épiscopale de pasto-
rale, de liturgie et d'art sacré formée de quatre membres
Mgr Cabana (président), Mgr Martin, évêque de Nicolet (secré-
:
taire) et NN. SS. Langlois, évêque de Valleyfield, et Desrochers,
évêque de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. Cette commission épisco-
pale s'adjoint en 1957 deux commissions, l'une d'art sacré,
l'autre de pastorale liturgique,
La Commission sacerdotale de Pastorale liturgique, dont le
P. G. Fontaine, C.R.I.C., qui eh est le secrétaire, anime pour une

sur le thème :
large part l'activité, tient régulièrement, depuis sa fondation,
des sessions d'études. La première, à Sherbrooke (août 1957),
Messe dominicale et communauté paroissiale,
rassemble plus de 150 participants3. La deuxième, réservée aux
supérieurs des maisons d'études théologiques et aux professeurs
de liturgie, se tient à Drummondville (février 1958) et est consa-
crée à la vie et l'enseignement liturgiques dans les maisons de
formation du clergé4. En mai de la même année, une session
plus large étudie, à Sainte-Anne-de-Beaupré, la célébration du
baptême5. Les dernières sessions sont organisées pour des
groupes plutôt restreints (40 à 60) : à Sainte-Marguerite en 1959
(le bréviaire) 6, à Sherbrooke en 1960 (la messe) 7, à Montréal en
1961 (l'assemblée) 8, et à Ottawa en 1962 (la pénitence) 9. La
session de 1963 se tiendra à Québec et portera sur le Jour du
Seigneur.
Entre-temps, au début de 1961, la Conférence catholique cana-
dienne, sur les instances de sa Commission épiscopale de liturgie
et de pastorale, nomme une Commission sacerdotale nationale
de Pastorale liturgique (secteur français) qui prend la relève
de la commission créée par les archevêques et évêques de
la Province de Québec. Un secrétariat national (secteur français)
est établi à Montréal, dont le directeur est le P. Fontaine. Ce
secrétariat a pour fonction d'assurer la coordination du travail
et la mise en œuvre des décisions de la Commission sacerdotale;
il veillera en particulier à la publication de collections d'ouvra-
ges liturgiques et mettra à la disposition des pasteurs et des
chercheurs une bibliothèque de consultation.
Depuis la promulgation de l'Instruction De musica sacra et
sacra liturgia du 3 septembre 1958, plusieurs évêques en ont
précisé l'application pour leurs diocèses respectifs. Le même souci
pastoral devait conduire à la publication, en février 1960, par

3. Publication intégrale des travaux dans Liturgie et Vie chrétienne,


7-8 (1957),6-101,116-117, et 9 (1958),3-33.
4. travaux publiés par la commission sacerdotale de , PastoraeL
liturgique (texte ronéotypé).
5. Travaux publiés intégralement
- dans Liturgie et u"
Vie chrétienne,
9 (1958), 62-64,et 10-11 (1958), 6-128.
6. - Travaux partiellement publiés dans Liturgie et Vie chrétienne,
16 (IQ5Q), 35-63.
7. Conclusions dans Liturgie et Vie chrétienne, 22 (1960), 44-47 et
publication partielle des travaux ibid., 25 (1961), 102-140.
- 8. Conclusions publiées dans Liturgie et Vie chrétienne, 28 (1961),
315-318.
9.Conclusions publiées dans Liturgie et Vie chrétienne, 34 (1962),
316-318..
l'archevêque de Montréal et ses quatre suffragants, du premier
directoire canadien de la messe. Ce directoire, dont on a souligné
maintes fois les solides qualités, fut peu à peu adopté par une
dizaine d'autres diocèses. Il est encore trop tôt pour juger de
l'application de ce directoire dans la vie liturgique de chaque
paroisse. Quelques enquêtes partielles récemment entreprises
dans les paroisses de Montréal tendent à démontrer que la bonne

a porté sur 141 paroisses (nombre total du diocèse :


volonté n'a généralement pas fait défaut. Une de ces enquêtes
198 paroisses
de langue française). Les lectures sont proclamées en langue
vivante dans environ 75 de ces paroisses (exactement 68
pour l'épître et 83,7 pour l'évangile); un commentateur, le
plus souvent laïc, était présent dans 87 paroisses (soit 61 %);
enfin, la communion est distribuée uniquement au moment
rituel dans 76 paroisses (soit 53,9 %). Un secteur apparaît
cependant très nettement déficient, celui du chant des fidèles
il n'est pratiqué que dans un nombre infime de paroisses10.
:
:
Depuis 1956, une revue s'est faite le porte-parole du mouve-
ment liturgique au Canada d'expression française Liturgie et
Vie chrétienne11. Dirigée par le P. Fontaine, elle a assuré pour
une large part la liaison entre les artisans du renouveau liturgi-
que disséminés par tout le Canada français; elle a permis aux
sessions d'études, dont elle publiait le plus souvent les travaux,
d'étendre leur efficacité; elle fait beaucoup actuellement pour
répandre l'usage de la messe lue avec chants en langue vivante12.
En 1962, une revue lancée par l'Institut Dominicain de Pasto-
rale, Communauté chrétienne, est venue prêter main-forte à son
aînée; revue de pastorale générale, elle s'efforce surtout de situer
l'effort de renouveau liturgique à l'intérieur d'un souci de réno-
vation de toute la pastorale.

Orientations.
A l'heure où le Concile s'apprête à imprimer un nouvel élan à
la vie liturgique de l'Église, quelles semblent être les grandes
orientations et les urgences du renouveau liturgique canadien ?
10. Liturgie et Vie chrétienne a consacré un numéro double (32/33)
à l'étude du directoire et de son application.
11. Un bulletin, également publié par les Chanoines Réguliers de
l'Immaculée Conception, avait précédé dès 1953 Liturgie et Vie chré-
tienne. Notons ici que la Revue dominicaine avait publié en 1955
deux numéros sur Pâques et sur Noël; l'effort demeura sans lende-
main.
ia. En collaboration avec le Studio R.M.(Cap-de-la-Madeleine), les
Chanoines Réguliers de l'Immaculée Conception viennent de lancer
une nouvelle collection de disques; le premier présente la messe lue
avec chants français.
Un trait du renouveau liturgique actuellement en cours au
Canada français se détache au-dessus de tous les autres
renouveau apparaît lié de plus en plus à l'ensemble de la pasto-
:
ce
rale. Ainsi en plusieurs diocèses (Saint-Jean-de-Québec, Montréal,
Saint-Jérôme, Chicoutimi, Sainte-Anne-de-la-Pocatière), la prati-
que de la messe communautaire a-t-elle été instaurée à la .faveur
d'un effort de planification de la pastorale. Dans quatre de ces
diocèses, la mise en place de la messe communautaire a été
opérée au moment d'une mission générale ou régionale qu'une
enquête sociologique avait préparée13.
La préoccupation de lier la pastorale liturgique à l'ensemble
de la pastorale anime l'enseignement donné dans les divers
instituts de pastorale (Ottawa, Montréal, Québec). Le même souci
apparaît évident dans les deux revues Liturgie et Vie chrétienne
et Communauté chrétienne, bien que la première soit plus spéci-
fiquement liturgique alors que la seconde est justement préoccu-
pée de pastorale d'ensemble. D'autre part, il est remarquable
que les sessions de prédication tenues depuis huit ans à la
maison Montmorency (près de Québec) accordent toujours une
large place à la liturgie. La même volonté de ramener la prédi-
cation dominicale à ses sources et à sa fonction liturgiques
inspire présentement le Service homilétique publié par le Centre
catholique de l'Université d'Ottawa. Enfin, un phénomène dû

la solidarité de divers éléments de la pastorale :


au nombre limité d'hommes compétents favorise en contrepartie
ce sont souvent
les mêmes hommes que mobilisent les mouvements biblique,
catéchétique, liturgique et œcuménique.
Il n'est évidemment pas question, au Canada français,
»
d' « écoles liturgiques; les liturgistes ne sont pas assez nom-
breux pour que les uns ou les autres forment école! La pensée
du mouvement liturgique, dans la mesure où elle prend corps,
est très voisine ici de celle qui oriente les mouvements liturgi-
ques français et belge, puisque nous utilisons très largement la
littérature liturgique que nous envoient ces deux pays. On peut
toutefois souligner l'influence non négligeable exercée auprès de
plusieurs par les travaux du P. Jean-Paul Audet, o. p., en parti-
culier quant à l'intelligence de l'eucharistie et aux orientations
théologiques que commande par ailleurs cette intelligence14.
13. Le
:
rapport de l'enquête poursuivie dans Saint-Jérôme vient
de paraître F. DUMONT et Y. MARTIN, L'analyse des structures régio-
nales. Étude sociologique de la région de Saint-Jérôme, Québec, Les
Presses de l'Université Laval, 1963.
14. La contribution du P. Audet aux deux
, , .,
dernières sessions aetu-
des liturgiques a été fort remarquée; plusieurs tirent aussi grand
profit de l'analyse qu'il a donnée du genre littéraire de l'eucharistie.
Voir J.-P. AUDET, La Didachè. Instructions des apôtres, Paris, Ga-
Pour assurer sa viabilité au mouvement liturgique, il faudra
de toute évidence que, dans les quelques années qui viennent, on
veille de très près à la formation des cadres. Le renouveau de la
vie liturgique dans les paroisses s'est vu plus d'une fois enrayé
sinon par l'hostilité, du moins par l'indifférence du clergé local;
il importe donc que les futurs vicaires et les futurs curés soient
formés dès maintenant à une pastorale liturgique authentique.
Par ailleurs, il y a pénurie criante de spécialistes des études
liturgiques. Le mouvement liturgique ne pourra pas s'estimer
fermement établi chez nous tant qu'en son sein ne sera pas
mieux assurée la connaissance non seulement de la tradition
mais encore des conditions psycho-sociologiques d'enracinement
de la vie liturgique.
Nous rejoignons ainsi l'une des remarques suggérées au début
de cet article. La vie liturgique, dans les paroisses du Canada
français, ne pourra s'épanouir qu'au prix d'une attention soute-
nue et concertée donnée à la catéchèse. C'est sur ce point,
semble-t-il, que se jouera ici le sort du mouvement liturgique.
Le but ne paraît pas hors d'atteinte, mais il faudra y consacrer
toutes nos énergies dès maintenant et davantage encore, s'il se
peut, au lendemain du Concile.
Beaucoup d'artisans du mouvement liturgique canadien-fran-
geais souhaitent — et pourquoi en terminant ne pas faire écho à
leur vœu? — que s'établisse une collaboration plus étroite entre
les communautés de langue française du monde, afin qu'à la
faveur de pareils échanges la vie liturgique trouve, en chacun de
ces pays de même langue et de même génie, une expression
commune et adaptée à tous.
Montréal.
Louis-M. GIGNAC, o. p. *

balda, 1958, pp. 377-398 et Esquisse du genre littéraire de la « béné-


»
diction juive et de l' « eucharistie
que, 65 (1958), 371-399.
» chrétienne dans Revue bibli-
* Cet article a été rédigé en collaboration avec les RR. PP. G. Fon-
taine, c.r.i.c., C. Matura, o.f.m., et C.-A. Poirier, o.p.
CHILI

D ANS son numéro d'avril-juin 1960, entièrement consacré à la


liturgie, la revue « Teologia Vida », publiée par la faculté
de théologie de Santiago, donne une courte bibliographie
de 34 ouvrages de théologie et de pastorale1. On s'attendait tout
naturellement à trouver dans cette liste des ouvrages chiliens;
mais, en fait, le seul qu'on y trouve est le « Directorio Pastoral
para la Santa Misa»2. Cette simple constatation est révélatrice
de notre pauvreté par rapport au renouveau liturgique occi-
dental 3.
Dans ces conditions, est-il seulement possible de parler d'un
mouvement liturgique au Chili? Pour répondre, essayons d'ap-
procher de plus près l'Église chilienne, et de la regarder vivre.
Le fait de ne pas trouver de publication sur un sujet aussi
important que la liturgie, pourrait apparaître, au premier abord,
le signe d'un manque de vitalité de cette Église; mais peut-être
un signe trompeur, car cela signifie tout d'abord, non un
manque de vie, mais un manque de moyens.
Si l'on écrit peu — trop peu — cela veut dire que les forces
vives de notre Église ne sont pas employées à l'étude, mais
ailleurs. Manque de moyens, qui évidemment peut conduire à
un déséquilibre entre l'action et la réflexion.
Avant d'aborder le cœur du sujet, il me semble utile de signaler
brièvement quelques données qui permettront de comprendre
quel risque nous fait encourir ce manque de moyens
des valeurs traditionnelles existantes.
:négliger

L'Église latino-américaine est née et s'est développée à une


époque peu lucide en ce qui concerne la liturgie. Si déjà en

1. Téologia Vida, vol. II, n° 2, pp. 109, 110.


2. Promulgué par la conférence épiscopale le 17 avril 1960.
-. d-
3. Cette pauvreté rend difficile la tâche de dresser un bilan objectil
sur la participation du Chili au mouvement liturgique. Le présent
rapport n'a été possible que grâce à la collaboration d'un groupe
de prêtres qui se sont dévoués pour rassembler la documentation.
Europe on avait du mal à faire vivre une liturgie européenne, il
faut se souvenir qu'elle est entrée en Amérique comme une
étrangère, et elle y est restée étrangère. Sans vouloir juger du
passé, on peut et doit se demander si un mouvement liturgique,
tel qu'on le conçoit en Europe, suffirait à donner une carte de
nationalité à cette liturgie jusqu'ici étrangère, ou bien s'il fau-
drait en venir à une analyse profonde des expressions populaires
de la foi et tout simplement respecter et vitaliser les formes cul-
tuelles indigènes lorsqu'elles sont valables. Il est vrai que, histo-
riquement, nous sommes à une époque particulièrement difficile
celle de l'exode massif vers les villes, où risque de se diluer ce
:
langage traditionnel. D'autre part, il existe des habitudes peu
favorables à la recherche d'une authentique expression cultuelle.
De longues années de rubricisme et de passivité n'ont guère
préparé à des solutions valables. L'Église du Chili n'a jamais été
créatrice au plan liturgique lui-même. Poussée par les besoins
d'une pastorale missionnaire, aujourd'hui seulement elle com-
mence à y penser; mais le temps et la carence des instruments
de travail jouent contre elle.
Si l'Église ne se laisse pas photographier, moins encore celle
du Chili, qui subit une évolution intense et rapide. Le renouveau
atteint tous les aspects de sa vie, et la liturgie est entrée non
seulement dans le plan pastoral tout récemment établi par l'Épis-
copat, mais aussi dans les efforts missionnaires d'un certain
nombre de communautés paroissiales, de séminaires et de
groupes d'Action catholique.
LeChili a gardé jusqu'à ces dernières années une physionomie
rurale. Mais il est en train de devenir un pays à grands ensem-
bles industriels, et il perd de jour en jour ses traditions paysan-
nes. Pourtant, au terme du bouleversement provoqué par cette
transformation sociologique, on retrouvera peut-être, par-delà les
formes concrètes qui auront changé, certaines constantes qui
résultent plus du tempérament d'un peuple que des situations
sociologiques4. C'est pourquoi les réflexions qui suivent valent
d'abord pour les milieux ruraux; mais je crois qu'elles concer-
nent aussi la pastorale urbaine. Le folklore, les habitudes de
famille, et aussi l'expression cultuelle de la foi, viennent d'un
monde rural. Il faudrait une étude assez complexe pour discerner
d'une part, les différents apports culturels indigènes et euro-

4. Le R. P. VECKMANS, s.j., a fait une étude très intéressante sur


la réalité chilienne, du point de vue sociologique. Il montre les
valeurs et faiblesses du comportement religieux au Chili, qui aident
à comprendre son comportement liturgique. Cf. « Vision de la Realidad
Chilena », conférence donnée pendant la Semaine pastorale de 1960
à Santiago. Éd. Paulinas, Santiago, 1961.
péens, et d'autre part, les facteurs de type géographique qui ont
donné naissance à la culture paysanne chilienne. En ce qui
concerne l'expression cultuelle, on doit distinguer entre les
formes populaires concrètes, qui sont souvent le résultat de la
pastorale durant la colonisation, et le mode d'expression propre
au Chili, qui apparaît comme une constante, à travers les diver-
ses formes.
Je parle de formes cultuelles et non pas de liturgie, puisque
toutes les expressions religieuses autochtones ne se sont dévelop-
pées qu'en dehors de la liturgie, étant donné l'impossibilité dans
laquelle se trouve le peuple de s'y intégrer. Le résultat est une
liturgie officielle sans vie, à côté une vie de prière ayant ses for-
mes. Le culte dévotionnel risque toujours des déformations plus
ou moins regrettables. Ces déformations sont venues, et on les
trouve aujourd'hui mêlées à des valeurs très positives. Ce serait
une erreur de rejeter le tout à cause de ces déviations.

ANNÉE LITURGIQUE ET SACREMENTS.

Les événements du mystère de salut sont vécus à travers l'an-


née liturgique comme une recherche d'un certain réalisme his-
torique à travers les célébrations. La Via Crucis du vendredi
saint et un long sermon sur les derniers moments de la vie du
Seigneur, la procession du Christ ressuscité et la Misa de Gloria
-'
à Pâques, la Misa del Gallo5 à Noël, avec une crèche très réaliste,
rassemblent beaucoup de monde, parce qu'à travers un décor
souvent excessif et théâtral, ces célébrations constituent quand
même un signe très simple parlant de la réalité historique.
L'année liturgique est décentrée, principalement parce que
Pâques arrive juste après les vacances d'été. Par contre, à Noël,
c'est la fin de l'année scolaire et le début des grandes vacances.
Naturellement, tout contribue à faire de Noël une grande fête
religieuse populaire, qui devient le centre du cycle annuel. Le
vendredi saint domine tellement l'ensemble des célébrations pas-
cales qu'il enlève au Triduum son dynamisme. Ce vendredi saint
est vu surtout comme une commémoration historique, et il
coïncide avec le début du temps froid.
Une fête, c'est un événement populaire qui s'exprime par des

5. « Messe du Coq », appelée ainsi à cause de l'heure de la célé-


bration, proche de celle du chant du coq, entendu partout à la cam-
pagne.
signes sensibles. Cela n'arrive pas seulement à Noël, mais aussi
à l'occasion du baptême, de la communion, du mariage et même
de la mort des enfants. Une communauté de frères se réunit
dans la joie pour fêter un événement de la vie de l'un d'entre
eux. Ce fait touche tous les membres d'une famille, ou d'une
communauté, qui éprouvent le besoin d'exprimer dans une
réunion plus intime ce qui n'a pu s'exprimer dans la liturgie
elle-même. Par exemple, à l'occasion de la mort d'un enfant6
la famille, les amis et les voisins se réunissent pour chanter à la
guitare des chansons pleines de sens chrétien et d'allu-
sions bibliques. Pour animer ces réunions, on fait appel à des
spécialistes qui improvisent des morceaux parfois remarquables.

:
Le chant étant l'un des modes d'expression les plus impor-
tants, il y en a pour toutes les grandes circonstances la semaine
sainte, les différents sacrements, la messe, la prière du matin.
Ce ne sont pas des chants pour la célébration liturgique; mais
ils constituent une sorte de commentaire catéchétique de la
liturgie.

Au nord du pays, pour les grandes fêtes, on danse en jouant


de la flûte. Ce sont les Chinos7 qui vont danser devant le Saint-
Sacrement ou la statue de la Vierge Marie.
A ce que j'ai dit sur l'année liturgique, il faut ajouter la dévo-
tion à la Sainte Vierge. Elle occupe une place démesurée dans la
piété du peuple. Le 8 décembre, précédé par le « mois de
Marie», remplace pratiquement l'Avent et constitue la date pré-
férée pour la communion pascale. Les évêques ont, en fait, donné
à cette communion la valeur d'une communion pascale. Là où
il y a un sanctuaire de la Vierge, on assiste à des rassemblements
immenses de pèlerins qui, d'habitude, y font leur confession et
communion annuelle, et souvent vont accomplir des mandas,
promesses qu'ils avaient faites à la Vierge pour une faveur accor-
dée, ou bien une offrande en remerciement pour avoir bien tra-
vaillé la terre pendant l'année.
Souvent liées à la piété mariale, les processions sont également
une manière très répandue de rendre un culte au Christ et aux
saints.
Ces traditions ont du bon et du mauvais. Si l'on fait la dis-

saisit sans peine les valeurs positives :


tinction entre forme concrète du culte et mode d'expression, on
sens de la fête forte-
ment incorporée à la vie; liturgie familiale célébrant les évé-

6. Les enfants morts sont considérés comme heureux parce qu'ils


sont innocents, par conséquent, on n'a pas à faire deuil, mais on
chante dans la joie. On les appelle « Petits Anges ».
»
7. Les « Chinois qui exécutent les danses appelées chinoises.
nements de la vie; volonté d'une participation active et simple
par le chant et la procession, recherche de la communauté, etc.
Mais si l'on prête attention à certaines déformations, comme la
recherche d'un certain réalisme historique, ou la place exagérée
de la Vierge par rapport au Christ, ou encore l'accent mis sur
le vendredi saint, on doit se demander si, à la base de tout cela,
il n'y a pas qu'une catéchèse défectueuse et une liturgie incom-
prise. Peut être les efforts actuels pour bien comprendre le
Hodie de la célébration, la catéchèse christocentrique et celle du
mystère pascal, aideront-ils tout cela à devenir positif.
Il faudrait d'abord une étude très sérieuse; mais la pauvreté
des moyens la rend bien aléatoire. Le bref tableau que je viens
d'esquisser en donnant quelques exemples de la piété populaire
n'en dit pas encore assez sur la tendance à développer une vie de
prière en dehors de la liturgie, éclipsant celle-ci. Tous les efforts
actuels n'ont pas encore pu triompher de cette difficulté.

LES « FISCALES »
Les missionnaires espagnols, aux 17e et 18e siècles, établirent
le culte dans toutes les petites communautés chrétiennes. L'ex-
tension du territoire et le petit nombre de prêtres les obligea à

:
créer une institution originale pour faire vivre ces communau-
tés ce sont les Fiscales, des laïcs chargés de présider l'assem-
blée dominicale, faire la catéchèse, baptiser, présider les maria-
ges, organiser des processions, etc. Aujourd'hui, dans les îles
des régions de Llanquihue et Chiloé, les Fiscales fonctionnent
à plein pour organiser le culte dominical. Dans les villages de
la pré-Cordillère et de la côte, il y a des laïcs chargés du
baptême.

HISTORIQUE DU RENOUVEAU LITURGIQUE ACTUEL.

En 1929, Mgr Juan Subercaseaux, directeur du Grand Sémi-


naire de Santiago, inaugura, avec la collaboration de laïcs de
l'Université catholique, une activité qui marque le début d'un
renouveau devenu aujourd'hui général. Il institue d'abord, au
séminaire, des cours de liturgie, l'usage du missel, le chant des
Vêpres et la messe solennelle. A l'Université se tiennent des
semaines liturgiques annuelles sur l'année liturgique, les lec-
tures bibliques, l'usage du missel et la théologie de l'Église. A
la même époque, les premières publications voient le jour. Ce
mouvement initial n'atteint qu'une élite assez réduite de chré-
tiens. L'Action Catholique, fondée en ig3i, marque, peu de
temps après, l'entrée définitive du laïcat dans le mouvement.
Le premier Devocionario populaire, Oremus, connaît le jour en
1939. Il a fait prier toute une génération.
Une stagnation se produit dans les années qui suivent. Mais
le mouvement reprend avec les interventions du Saint-Siège et
de l'Épiscopat, l'influence bienfaisante du monastère bénédictin,
fondé en 1938, le séminaire de Santiago, la Faculté de théologie
et les maisons de formation des Pères du Sacré-Cœur et des Salé-
siens, le renouveau biblique et théologique européen, le dévelop-
pement de l'Action Catholique et de la pastorale missionnaire.
Avec l'action de l'Épiscopat, claire et efficace, le renouveau
acquiert une vie solide et une grande unité.
Le Directoire pour la messe de 1g60 a force de loi pour tout

en quatre sections :
le pays et reflète une bonne théologie liturgique. Il est divisé
a) fondements théologico-pastoraux du Di-
rectoire; b) normes générales pour la célébration; c) normes
pour la célébration de la messe communautaire; d) les cas spé-
ciaux; recueil des textes patristiques et du magistère en vue de
l'étude personnelle et de la catéchèse liturgique.
Ce n'est malheureusement, qu'après la parution de ce Direc-
toire, que la S. Congrégation des Rites autorisa la récitation
du Confiteor, du Gloria, du Credo, du Sanctus, du Pater, de
l'Agnus Dei et du Domine non sum dignus en langue vivante8.
Le Directoire, conformément à une réponse négative antérieure
de Rome, avait prescrit de s'en tenir à des paraphrases, en
excluant les traductions, qui sont bien connues des fidèles.
Outre la Commission Nationale de Liturgie, il existe six Com-
missions Diocésaines9, qui se chargent spécialement de la forma-
tion d'équipes liturgiques paroissiales, de la préparation des lec-
teurs et animateurs laïcs, de l'organisation des journées d'étude,
et qui fournissent aux paroisses des éléments de catéchèse et de
prédication.
Le Plan pastoral national, qui vient d'être approuvé, fait une
grande place à l'application du Directoire pour la messe, y com-
pris à la formation d'équipes paroissiales, à la pastorale des sacre-
ments, et à la catéchèse liturgique. Dans la même ligne se si-
tuent les conclusions du 4e Congrès Catéchétique National10.

8. Rescrit de la Congrégation des Rites du 11 décembre 1961.


9. Le Chili compte dix-neuf diocèses et quatre vicariats apostoli-
ques.
10. Tenu à Santiago en juillet 1962 avec la participation de tout
Récemment, l'Épiscopat a approuvé un Manuel pour la messe
communautaire avec des chants pour l'année liturgique. Une
traduction des psaumes, avec les mélodies du P. Gelineau, est
devenue officielle pour le Chili. Cantando con Cristo rassemble
des chants pour toute l'année.
Un Directoire pastoral pour les sacrements, en cours d'élabo-
ration, ne verra le jour qu'après les décisions conciliaires.
L'Elenchus Rituum fait sous la direction du C.E.L.A.M., bien
que contestable sur certains points, constitue un pas
important11.

Le développement du renouveau liturgique a dépendu, en


grande partie, de l'Épiscopat. Ainsi aucun groupe particulier
ne peut s'en attribuer l'exclusivité. Mais, en collaboration étroite
avec l'Épiscopat, différentes communautés y ont travaillé, dont il
faut parler. On voudra bien me pardonner si, faute de place, je
ne puis faire mention de tous ceux qui y ont contribué.
Le monastère bénédictin, fondé par Solesmes en 1938 et res-
tauré par Beuron en 1949, a exercé surtout son influence par sa
participation à la Commission Liturgique Nationale, refonte du
Centre de Pastorale Liturgique créé en 1956 sous l'impulsion de
ce monastère.
En 1952, avec l'aide des Oblats Séculiers, les Bénédictins orga-
nisèrent, à Santiago, la première Semaine nationale de liturgie.
Les moines travaillent actuellement à la préparation d'un recueil
de chants en espagnol, qui fait défaut en Amérique latine.
Le grand séminaire, ainsi que d'autres communautés religieu-
ses, s'est mis à la tâche pour former des célébrants grâce à
des cours de liturgie et un plus grand souci de la vie paroissiale.
L'Action catholique a fait découvrir aux fidèles la participa-
tion active à la liturgie. Peut-être dans les milieux ouvriers, de
petites communautés chrétiennes rassemblées dans des temples
pauvres, comme leurs maisons, ont-elles atteint la meilleure qua- -
lité de prière communautaire. Elles sont comme des îles en
pleins milieux déchristianisés, où se pose l'alternative d'être
chrétien militant ou de ne pas l'être du tout.

l'Épiscopat, d'un évêque du Brésil représentant le C.E.L.A.M. et de


différentes organisations catéchétiques du Chili. On y a étudié notam-
ment la catéchèse liturgique comme préparation aux sacrements, et
le contenu biblique et liturgique de toute catéchèse.
11. Publié en Colombie en 1902. Ce n'est pas uniquement un -. Ri-
tuel. Plus développé que ses devanciers français, italien et allemand,
il contient des nouveautés comme des monitions et quelques rites
qui n'appartiennent pas au Rituel romain. Cf. J. MEDINA, « El ritual
en Castelldno », dans Pastoral Popular, nos 70, 71, pp. 3-5, Santiago,
1962.
Une paroisse universitaire de Santiago, qui réunit environ
500 jeunes le dimanche, a également atteint un bon niveau de
participation, grâce au travail d'une équipe de militants et de
son aumônier.
L'Institut salésien de Théologie publie, depuis 1958, un « Sup-
plément liturgique » pour les paroisses, et, tout dernièrement,
il a édité un missel très soigné, ainsi que des manuels pour l'en-
seignement religieux, conformément aux vœux de l'Épiscopat en
matière liturgique.
L'Institut latino-américain de Catéchèse, qui fonctionne à San-
tiago, et qui est destiné à former les dirigeants des écoles natio-
nales catéchistiques, fait une place importante à la liturgie.
Dans la même ligne, on pense à la création par le C.E.L.A.M.
d'un Centre de Pastorale Liturgique.

DEUX EXPÉRIENCES.

Deux expériences, parmi beaucoup d'autres, méritent une


attention spéciale, car elles se soucient d'utiliser les ressources
de la tradition chilienne.

1) Là où il n'y a pas de prêtres.


Depuis 1959, se tiennent des missions d'été dans la banlieue de
Santiago, avec la participation du Séminaire. D'année en année,
on a ajusté les méthodes d'évangélisation, et l'on pense avoir
abouti à des formes plus conformes aux véritables besoins pas-
toraux. Pour éviter l'anonymat qui est le fait de paroisses trop
étendues, et dans le but d'obtenir des communautés à dimen-
sions humaines, on a invité les chrétiens à se réunir dans leur
quartier, et à s'y rassembler une fois par semaine pour une
prière commune. La célébration se fait plus proche de leur vie,
puisqu'ils se connaissent tous, et de ce fait, peuvent mieux por-
ter ensemble les soucis du quartier. Le prêtre ne pouvant les
rejoindre que de temps à autre, un laïc est chargé de présider
la réunion, et une équipe de responsables se répartit les rôles
pour la célébration.
Avant que la mission ne commence, laïcs et prêtres préparent
ensemble les réunions de prière, qui se tiendront tous les jours
de la mission. Lorsqu'elle est terminée, les chrétiens continuent
à se réunir une fois par semaine.
Voici un schéma de célébration:
I. — Chant d'entrée.
Prière du président, pour indiquer le but de la célébra-
tion, en le mettant en liaison avec la vie de la com-
munauté.
Chant, et prière silencieuse.
II. - Lectures bibliques.
Prière litanique qui reprend l'évangile qu'on vient de
lire.
Explication des lectures, faite par le président.
Chant, ou profession de foi.
III.
IV.
-- Lecture des intentions de la communauté.
Prière du président, qui s'achève par le Notre Père de
l'assemblée.
Chant final à la Sainte Vierge.
Même si pendant les quinze jours de mission, on a disposé de
prêtres ou de séminaristes, on a préféré cependant confier les
différents rôles aux laïcs eux-mêmes, excepté la prédication. Ils
ont découvert ainsi que la célébration les concernait, qu'ils de-
vaient y être actifs, puisque c'était leur prière, dont la structure
cadre bien avec leur vie. C'était en outre une excellente initiation
à la messe communautaire.

2) Les voix et guitares du Seigneur.


Depuis cinq ans, le groupe folklorique Los Perales, du sco-
lasticat des Pères du Sacré-Cœur, puise dans les mélodies et ryth-
mes traditionnels pour offrir un choix très riche de chants reli-
gieux. Ses compositions et enregistrements ont montré que nous
pouvions chanter au Seigneur sur nos vieilles tonadas, c'est-à-
dire lui parler comme nous parlons entre nous.
Ces chants ne sont pas directement liturgiques; ils sont faits
pour être chantés en plein air. Ce sont des louanges ou des caté-
chèses. Certains, cependant, concernent directement l'année li- -
turgique.
En terminant, je me pose à nouveau cette question :un mou-
vement liturgique soucieux de la participation active à la célé-
|I
bration suffira-t-il pour que la liturgie devienne l'expression
vivante de notre foi? La tendance à trop utiliser les paraliturgies
me semble dangereuse; elle risque toujours d'axer la piété en
dehors du Mystère sacramentel de l'Église. Pour l'instant ces *
paraliturgies sont nécessaires, et cela signifie peut-être que la :,
liturgie reste encore étrangère. Bien sûr, il faut espérer beaucoup -;

du Concile, mais tout en cherchant les voies d'une expression au-


thentique à l'intérieur de la Prière de l'Église. Souhaitons que les
expériences paraliturgiques nous en montrent le chemin.
DARIO MARCOTTI.
.:,
ESPAGNE

Q UAND on lit les livres et les articles écrits en ces dernières


années sur le mouvement liturgique, on a d'abord l'im-
pression que dans le concert européen, aucun auteur espa-
gnol n'est intervenu sur ce grand thème pastoral. Et en ce qui
concerne l'Espagne elle-même, on ne relève que peu de rensei-
gnements. N'y a-t-il pas, n'y a-t-il jamais eu de mouvement li-
turgique en Espagne? Pour répondre à cette question en toute
objectivité, nous devrons procéder selon des étapes qui ne sont
pas tout à fait celles dont on a l'habitude lorsqu'on traite du
mouvement liturgique en général..

i. Origines monastiques du renouveau, et premiers dévelop-


pements (1905-1936).
En Espagne, comme dans presque tous les autres pays, le re-
nouveau liturgique a pris son origine dans les monastères béné-
dictins. L'influence des abbayes espagnoles de Silos (Castille)
et de Montserrat (Catalogne) est incontestable.
Le 5 octobre 1896, cinq moines espagnols faisaient profession
en l'abbaye bénédictine de Silos, sous la conduite des premiers
rénovateurs français, venus en Espagne en 1880 et qui apparte-
naient à la Congrégation de Solesmes. Dès 1882, Dom Guépin,
abbé de Silos, commençait à donner des conférences au Cercle
Catholique de l'Union, à Madrid. Comme manuel de piété, il
proposait l'Année liturgique de Dom Guéranger. Autour du mo-
nastère de Silos se forma un petit groupe de séculiers, qui com-
mença à utiliser les classiques Euchologes des Pères de Saint-
Joseph de Calasanz ou de Frère Pedro de Torrecilla pour suivre
les offices; ils étaient aidés par les PP. Buchot, Palacios et
Villanueva. Un autre moine de Silos, Dom Pierdet, donna aux
bénédictins espagnols une formation liturgique telle que le
P. Alameda institua des Exercices Spirituels à orientation litur-
gique dans les abbayes de Silos, Montserrat, Valbanera et Samos.
A partir de 1903, les PP. C. Rojo, N. Rubin et C. Azcárate
commencèrent des cours de psalmodie et de chant; et l'infatiga-
ble P. G. Prado se joignit à eux. En 1906, vinrent à Silos des
Augustins, des Dominicains, des Franciscains et des Clarétins
pour s'instruire en matière de chant religieux. A partir de
cette époque, les évêques de Madrid (1904) et de Palencia (1906)
commencèrent à demander aux moines d'instruire leurs prêtres
et leurs séminaristes. N'oublions pas que le Motu Proprio de
saint Pie X parut le 22 novembre1903. Dans les premières
années de notre siècle, l'évêque de Majorque, Mgr Pedro Cam-
pins, inaugura avec succès la participation du peuple aux messes
pontificales; depuis, elles sont célébrées avec une grande assis-
tance de fidèles; chaque fois, on y chante la messe « de angelis ».
De Silos, des moines partirent vers l'Amérique du Sud, où,
dès 1905, ils s'occupèrent de deux églises au Mexique. Un peu
plus tard ils fondaient un prieuré à Buenos Aires, où le P. Azcá-
rate, l'un des cinq premiers profès de 1896, déploya une intense
activité liturgique1.
Les publications liturgiques de Silos ont commencé avec les
Français. Dom M. Férotin, archiviste et bibliothécaire de Silos
de 1882 à 1891, publia en 1887 une grande histoire de l'abbaye
castillane. En 1904, il publiait à Paris le Liber ordinum, et en
1912, le Liber Mozarabicus Sacramentorum et les manuscrits
mozarabes. En même temps on commençait la transcription de
l'Antiphonaire Mozarabe de Léon, qui fut publié par le P. Ser-
rano, en 1928, en la Province même de Léon2. Ces textes de
:
l'ancienne liturgie espagnole donnèrent lieu aux ouvrages de
divulgation du P. G. Prado Textos inéditos de la liturgia
mozárabe (Madrid 1926), Manual de la liturgia hispano-visigótica
o mozarabe (Madrid 1927), Historia del rito toledano (Madrid
1928 et Valoraciôn y plan de reforma del rito mozarabe (Madrid
1943); du P. Pérez de Urbel : Origen de los himnos mozarabes
(Bordeaux 1926), la Misa mozarabe (Santander, 1981); et des
PP. Serrano et Alamo.
La musique religieuse, et surtout le chant grégorien, furent
étudiés de façon spéciale par les bénédictins de Silos, notam-
ment C. Rojo et son successeur G. Prado. Toute une série

1. M. DEL ALAMO, Evocando cincuenta anos de apostolado litúrgico,


dans Liturgia, 1 (1946), 269-275 et 3o6-3i3; J. ALAMEDA, Le Mouvement
liturgique en Espagne, dans La Vie et les Arts liturgiques, 2 (1924-
1925), 452-458; A. PASCUAL, El movimiento litúrgico en España, dans
Liturgia, 6 (1951), 18-25 et 102-106. Le Mexique a publié, de 1905 à
1914, la revue La Sancta Cruz de San Benito de Méjico. La revue Pax,
de Buenos Aires (1921-1935) a été transformée par le P. Azcarate en
l'actuelle Revista Litúrgica Arqentina.
2. Réédité en 1953 (fac-similé) et en 1959 (transcription).
d'études préparèrent l'édition d'un Gradual romano ou Manual
de cantores y sacristanes (Valladolid, 1906), pour l'interpréta-
tion duquel C. Rojo publia une Méthode de Chant grégorien
(Valladolid, 1906), qui fut imposée dans de nombreux séminai-

:
res. Le P. Rojo eut pour étroit collaborateur le P. L. Serrano,
dont l'ouvrage iqué es el canto gregoriano? (Barcelona, 1905)
suscita une intéressante controverse. Ce travail fut prolongé par
les nombreuses conférences qu'ils donnèrent l'un et l'autre à
diverses associations musicales3. En 1928, les PP. Rojo et
Prado éditaient leur El canto mozarabe.
Les ouvrages et les conférences proprement liturgiques à l'in-
tention des divers groupements et à l'intention de tout le peuple,
ne vinrent que plus tard. Cependant on avait à Silos le souci
d'expliquer la messe au peuple, comme en témoignent les livres
de Villanueva : La santa Misa o su liturgia (Barcelone, 1908)
et V. Gonzáles : La santa Misa y sus ceremonias (Fribourg en B.,
1912). A cette tâche de divulgation contribuèrent le bulletin
mensuel de la Cofradía de Animas, à partir de 1898, transformé
en Boletin de Silos à dater de 1922, et la Revista Eclesiástica de
Valladolid (1907-1928).
Pendant les années qu'il passa à Silos (1881-1900), Dom Beda
Plaine commença ses études sur l'office divin, qui furent conti-
nuées par Alamo, Alameda, Prado et Rojo del Pozo. Dès 1892,
Dom J.-M. Parissot achevait de préparer un Oficio Parvo pour
les oblats, en grec et en latin; et Dom Pierdet, un bref traité
intitulé El rezo eclesiástico (Valladolid, 1910), continué par le
P. Alamo dans son livre Oficio Parvo de la santisima Virgen,
Rito de las exequias y Salmos penitenciales (Fribourg-en-B.,
1904).
Aux offices du monastère de Silos, viennent, dès le début du
siècle, des groupes de fervents, spécialement les dimanches et
jours de fête. A partir de 1908, des groupes d'étudiants français
accompagnés de leurs professeurs, viennent en été passer quel-

--
ques jours dans le grand monastère castillan4.
L'autre grand centre monastique qui a eu une profonde in-
fluence sur le mouvement liturgique espagnol est Montserrat.
Restauré en 1835, il appartenait depuis 1862 à la Congrégation de
Subiaco. Cette congrégation, comme celle de Valladolid, avait

3. Dom GUÉPIN, au Congrès des Sables-d'Olonne, donna une confé-


rence sur Le Mouvement grégorien en Espagne, dont le texte fut édité
à Nantes en 1909.
- le Premier ministre, Antonio Maura, déclarait
4. En 1918, -- - en public
que l'abbaye de Silos constituait, pour la semaine sainte, un lieu
idéal de recueillement spirituel. Son exemple fut suivi par d'autres
personnalités qui vinrent à Silos pour ces célébrations, notamment
Miguel de Unamuno.
un idéal plus ascétique que liturgique. De plus, comme Montser-
rat était un grand sanctuaire mariai, les moines devaient se
consacrer à des dévotions populaires qui, au siècle dernier,
n'étaient guère liturgiques.
Le renouveau liturgique commença à l'époque où le P. Deas
devint Abbé. Il avait parmi ses moines le P. A.-M. Marcet (1878-
1946), qui, par la suite, lorsqu'il en fut l'Abbé, donna au monas-
tère catalan, par l'intermédiaire du chant grégorien, une orienta-
tion définitivement liturgique. De 1907 date le début de la
Revista Montserratina; dans son premier numéro, le P. Sunol
exposait un grand programme liturgico-grégorien fondé sur les
acquisitions faites par les moines de Solesmes. Une importante
rubrique de cette revue fut intitulée « Courrier grégorien ». L'en-
seignement de Sunol porta ses fruits en Marcet, Maur Sablayrolles
de Besalú et un petit groupe de prêtres catalans. A partir de
1901, on commença à chanter, à Montserrat, le grégorien au
lieu du plain-chant.
Fortement influencé par le Motu Proprio de saint Pie X, le
P. Sunol composa, en 1905, son grand ouvrage Método completo
de canto gregoriano, qui connut un tirage exceptionnel En 5.
1905, le grégorien fut introduit à la cathédrale de Barcelone.
Dom Suñol, que Dom Mocquereau considère comme l'un des
meilleurs interprètes des théories musicales de Solesmes, déploya
une intense activité littéraire dans la nouvelle revue Vida Cris-
tiana (1914-1929). Son oeuvre majeure est l'Introducción a la
Paleografia Musical Gregoriana, publiée en 1925 en catalan et en
1935 en français.
Sa collaboration fut assidue, en liaison avec les bénédictins
de Silos, aux Congrès nationaux de Musique Sacrée Valladolid
(1907), Séville (1908), Barcelone (1912), Vitoria (1928), Madrid
:
(1954). L'influence de ces Congrès sur les séminaires fut considé-
rable.
Cependant, le mouvement liturgique catalan se manifestait
davantage encore par le Premier Congrès liturgique espagnol de
Montserrat (5-io juillet 1915). Outre l'apport bénédictin, ce Con-
grès avait pour secrétaire le jeune prêtre Luis Carreras (1885-
1955), qualifié par le P. Franquesa de « rénovateur de la piété en
Tarragone ». En 1931, le P. Sunol fut appelé à Milan par le
cardinal Schuster pour diriger l'Academia Ambrosiana de
Música. Un peu plus tard, en 1938, à la mort de l'Abbé Dom
Ferreti, Pie XI lui confia la direction de l'Institut Pontifical de
Musique Sacrée de Rome, où il déploya une grande activité jus-

5. Il en a paru 9éditions en espagnol, 7 en français, 2 en allemand,


2 en italien, 1 en anglais et 1 en portugais.
qu'à sa mort, en 6.
1946 Un autre Espagnol lui succéda, Higino
Anglés, spécialiste réputé en matière de paléographie musicale.
Un groupe de prêtres catalans, animé par l'Abbé Dom Marcet,
amorça vers 1914 un mouvement liturgique populaire. Ils colla-
borèrent activement à la revue Vida Cristiana, dont, pendant
douze ans, Luis Carreras fut secrétaire. Alors naquit l'idée d'un
Congrès liturgique, patronné par la Junta Permanente de los
Congresos de Arte Cristiano de Catalogne, et chaleureusement
approuvé par l'évêque de Barcelone, Mgr Torras i Bages. Le car-
dinal Gasparri, le 15 mai 1915, donna au Congrès des lignes
directives qui prévoyaient des célébrations liturgiques, des con-
férences générales et des groupes de travail. Le Congrès avait
pour thèmes majeurs « la vie paroissiale et la liturgie », « la
»
catéchèse chrétienne par la liturgie et « la formation spirituelle
et ascétique dans la liturgie »; avec des sujets secondaires con-
cernant la messe. La conclusion, prononcée par l'évêque de Seo
de Urgel, était consacrée à « la participation des fidèles à la
liturgie ». Trois groupes de travail étudièrent l'histoire de la
liturgie, le chant grégorien et le ministère pastoral. A ce Congrès
participèrent 2 000 personnes, dont 480 prêtres.
Les idées exposées dans ce Congrès, admirablement résumées
par le Nonce Ragonesi, ont inspiré au Chanoine Isidro Gomá,
plus tard Cardinal Primat d'Espagne, son ouvrage El valor edu-
cativo de la Liturgia Catôlica, qui parut à Barcelone en 19187.
Luis Carreras présenta au Congrès un missel pour fidèles
intitulé Eucologe, véritable joyau de liturgie populaire. Précisé-
ment les conclusions avaient insisté sur le fait que « la partici-
pation active des fidèles aux mystères sacrés et à la prière
publique de l'Église est la source première et indispensable du
véritable esprit chrétien ».Ces conclusions n'ont rien perdu de
leur actualité, tant pour une conception authentique de la pasto-
rale que pour la célébration liturgique paroissiale.
Sans aucun doute ce Congrès a marqué la date de naissance

6. Ses ouvrages principaux sont l'Antiphonale Missarum, juxta


ritum Sanctae Ecclesiac Mediolanensis (1935), le Cantus Missae Ambro-
sianae, le Praeconium Paschale Ambrosianum et le Liber Vesperalis
(1939).
7. C'est la première œuvre liturgique de grande envergure en espa-
gnol, qui parut l'année même où R. Guardini publiait son Esprit de
la liturgie. Le livre de Goma, en deux gros volumes, annonce les
grandes lignes de la pensée théologique contemporaine. Une seconde
édition vit le jour en 1940; une troisième, en 1945; une quatrième,
avec un prologue de Sanchez Aliseda sur le mouvement liturgique,
en 1953. Ce livre a exercé notamment son influence sur la formation
des séminaristes espagnols. L'intention de Isidro Gomá était de con-
tribuer à l'œuvre d'apostolat chrétien par la liturgie et de susciter
chez le peuple fidèle une plus grande estime pour le culte catholique.
du mouvement liturgique de Catalogne et d'Espagne, préparé,
comme nous l'avons vu, par les travaux des Bénédictins. A Barce-
lone se constitua, à partir de 1916, une Asociación Gregorianista,
qui a compté parmi ses membres l'actuel cardinal Pla y Deniel,
alors chanoine de Barcelone. Dans le prolongement du Congrès
eurent lieu plusieurs semaines liturgiques locales.
De 1926 à 1929, la revue Vida Cristiana fut rédigée par l'Aso-
ciaciôn de Eclesiásticos et les Amigos del Arte Litúrgico.
L'année même du Congrès (1915), le P. Gubianas commença
la publication du Missel des fidèles, le premier missel moderne
en espagnol8. En 1917 parut le Misal de Cuaresma y Semana
Santa, et en 1922, la première édition complète du Missel des
fidèles. Outre ces missels, le P. Gubianas rédigea divers ouvrages
de vulgarisation liturgique entre les années 1917 et 1930. Gubia-
nas est le seul qui ait donné une traduction complète en espagnol
du Bréviaire romain (Barcelone, 1936, 2 vol.). Sous forme de
collection de textes liturgiques populaires parut, sur l'initiative
de l'Abbé Dom Marcet, la Biblioteca Popular Litúrgica. Le
monastère de Montserrat exerça en ces années une influence
remarquable sur le peuple catalan, attiré par sa grande dévotion
envers Notre-Dame. Cette influence fut particulièrement mani-
feste sur les chorales et scholae de Catalogne et sur les mouve-
ments catholiques de jeunesse9.
Les publications liturgiques des Bénédictins continuèrent au
même rythme jusqu'en 1936, tant à Silos qu'à Montserrat. Il faut
citer notamment La Sagrada Liturgia (Madrid, 1927) et Contem-
platión yLiturgia (Salamanca, 1935) de A. Rojo; Pascuay tiempo
pascual (Madrid, 1928) et El Espíritu Santo y su obra de C. Rojo;
La flor de la Liturgia du P. Azcarate (Buenos Aires, 1932); Los
Ornamentos sagrados en España du P. Villanueva (Barcelone,
1934); Año cristiano de Pérez de Urbel (Madrid, 1934) et Curso
popular de Liturgia de G. Prado (Madrid, 1935).
Les PP. Prado et Azcarate travaillèrent ensemble à promouvoir
la messe dialoguée dès 1926, année qui vit paraître pour la pre-
mière fois en espagnol le Misal diario y vesperal de Dom G. Lefeb-
vre, adapté par le P. Prado. Les PP. Rojo et Azcarate, par

8. En réalité, le premier missel en langue espagnole fut celui de


J. Faria et Camargo, intitulé Misal Romano completo, con un suple-
mento de los sanlos de Espana y otros reinos (Paris, Impr. américaine
de Vallés et Cie, 15, rue Breda, 1862). Cf. Liturgia,14 (1959), 229.
9. L. CARRERAS, Le Mouvement liturgique en Espagne, dans Cours
et conférences des Semaines liturgiques, t. IX, Louvain; A. FRANQUESA,
El moviment liturgie a Montserrat, ch. 6 de 75 anys de patronage de
la Mare de Déu de Montserrat (1881-1956), Abbaye de Montserrat, 1958,
pp. 157-185.
ailleurs, publiaient divers ouvrages populaires sur la liturgie des
sacrements.
A ces noms bénédictins, il faut joindre celui du Jésuite Otano,
compositeur renommé, adepte du renouveau grégorien issu de
Solesmes, et fondateur de la Schola cantorum de Comillas. Il
faut mentionner aussi G. Martínez de Antonana, auteur d'un
excellent Manual de Liturgia (Madrid, IgÚ2), manuel de rubri-
ques avec lequel tous les prêtres espagnols apprirent les céré-
monies 10.
Malgré le travail liturgique entrepris avec tant d'enthousiasme
dans les monastères bénédictins, on pouvait, en 1936, dire de la

1915:
quasi-totalité de l'Espagne ces paroles du nonce Ragonesi en
« J'ai parcouru une grande partie de l'Espagne, j'ai assisté
aux fêtes religieuses des grandes villes et des petits villages et,
sauf d'heureuses exceptions, j'ai constaté avec peine que les
fidèles ne prenaient aucune part au chant de la messe, comme l'a
toujours voulu l'Église, comme le demande avec insistance le
pape et comme s'efforce de l'obtenir par tous les moyens chaque
11.
évêque »
Parmi tous les évêques espagnols, celui peut-être qui s'est le
plus distingué, dans les années qui ont précédé la guerre d'Espa-
gne, dans le domaine liturgique, quoique sans préparation parti-
culière, fut D. Manuel Gonzalez, évêque de Málaga et de Palencia.
En 1927, alors qu'il construisait le séminaire de Málaga, il
affirmait résolument sa préoccupation pastorale en ces termes
« Donner à la Mère Église des prêtres-hosties qui consolent le
:
cœur eucharistique de Jésus, pour sauver les âmes et donner aux
hommes le bonheur. » N'oublions pas que se développait alors en
Espagne une piété eucharistique animée par une dévotion intense
et profonde pour la « réparation »et la « présence réelle».

2. Une parenthèse douloureuse et un nouveau début de renou-


veau liturgique (1936-1954).
La guerre civile espagnole provoqua une véritable convulsion
à la fois sociale, politique et religieuse. Au bout de trois ans
d'une lutte amère, vint une paix qui laissait de profondes bles-

10. Cf. T. URQUIRI, El movimiento litúrgico entre los Religiosos espa-


ñoles en nuestros días, dans Vida Religiosa, 17 (1960), 250-257.
11. Ce passage est cité par Sanchez ALISEDA en son article El espiritu
litúrgico del obispo D. Manuel González, dans Liturgia, 1 (1944), 193.
Cf. également l'œuvre d'un autre précurseur espagnol dans
P. FUENTES, B. Antonius M. Claret liturgiae Apostolus, dans Eph.
Liturg., 64 (1950), 87-96.
sures cachées, obtenue par un gouvernement qui, dès ses
premiers actes, se déclara ouvertement catholique. De nombreux
diocèses avaient perdu une grande partie de leurs prêtres (près
de 7ooo furent fusillés) ou de leurs évêques (plus de 15). Il y eut
aussi des destructions d'églises et de séminaires. Un travail de
restauration s'imposait.
Tandis que le monastère de Silos poursuivait ses publications
— davantage sur le plan de la divulgation que sur celui de la
recherche -, le monastère de Montserrat était vide de moines.
La dispersion des Bénédictins catalans fut d'un grand profit pour
les diocèses espagnols, car elle provoqua des contacts entre eux et
les séminaristes et les prêtres diocésains. Le diocèse de Vitoria
avait déjà amorcé un certain mouvement liturgique dès avant
1936; mais c'est durant la guerre qu'il reçut sa véritable impul-
sion, lorsque Dom Pujol et Dom Franquesa, moines de Montser-
rat, firent partie du corps professoral du séminaire, en tant que
professeurs de chant grégorien et de liturgie. A partir de ce
moment, le mouvement liturgique de Vitoria prit son essor et,
aujourd'hui, il arrive avec Barcelone en tête des diocèses espa-
gnols.
Dès l'été de 19/40, les Bénédictins de Montserrat commencèrent
à recevoir un groupe de séminaristes et de prêtres pour les initier
au chant grégorien et aux richesses spirituelles de la liturgie. Cet
enseignement a continué sans cesse jusqu'à ce jour. Le livre du
cardinal Goma fut réédité en 1940 pour la seconde fois, avec une
admirable préface de Dom Marcet. En 1941 commençait la publi-
cation d'une Biblioteca Liturgica, dans laquelle parurent les
éditions liturgiques du Pontifical et du Rituel. De 1943 à 1945
parut la revue Musica Sacra Espanola dirigée par le P. Pujol. En
même temps naissait une collection intitulée Biblioteca de Vida
Cristiana, dont le premier ouvrage — en catalan et en espa-
gnol — fut la Liturgia y Espiritualidad de G. M. Brasô, l'actuel
abbé de Montserrat (Montserrat, 1956). D'une belle qualité scien-
tifique, la section liturgique des Scripta et documenta dédia son
premier volume à la mémoire du cardinal Schuster; y collabo-
rèrent notamment les principaux liturgistes actuels de Monserrat.
Le rayonnement pastoral du monastère catalan se fit également
à travers ses célébrations liturgiques, et spécialement celles de la
semaine sainte. La restauration du chœur eut lieu en 1934, et
celle de l'autel, plus récente, donna aux célébrations une grande
beauté12.
Après la guerre, l'influence liturgique des Bénédictins de Mont-

12. Cf. La liturgia en Montserrat, Abbaye de Montserrat, 1957, où


sont exposés les principes pastoraux de l'usage des monitions au
cours de la messe, accompagnés d'exemples pratiques.
serrat et de Silos se fit sentir sur divers séminaires espagnols,
notamment ceux d'Avila, de Malaga, de Minorque, de Vitoria, de
Barcelone, de Pampelune, etc. Cette influence était orientée sur
la dignité des célébrations et de l'exécution du chant grégorien.
Il est triste de penser que, durant ces années, il n'y a pas eu
assez de professeurs de liturgie dans les diocèses espagnols pour
continuer les enseignements que les Bénédictins et quelques
autres religieux ou prêtres donnaient en de brefs cours. Ceci fut
cause de la lenteur avec laquelle le mouvement liturgique pénétra
dans les paroisses.
Entre les années ig4o et 1'050, l'esprit liturgique gagna les
membres de l'Action catholique; ils commencèrent à répandre
l'usage du missel et à organiser des messes dialoguées. Puis les
collèges y vinrent à leur tour. Grâce à l'influence de Pérez de
Urbel, Abbé actuel du monastère de Valle de Los Caidos, un
mouvement de jeunes dépendant du Gouvernement, la Section
féminine de la Phalange, adopta les principes liturgiques dans
leur formation religieuse13, mais cela n'eut aucune influence
dans le reste du peuple. Quelques Instituts Séculiers, fondés
avant et après la guerre, firent place dans leur formation à
l'esprit liturgique. Parmi eux, il faut mentionner l'Institut des
Missionnaires séculiers, fondé à Vitoria par D. Rufino Aldabalde,
ce prêtre de Vitoria qui exerça tant d'influence sur le clergé de
son diocèse. Don Rufino connut le mouvement liturgique à Maria
Laach, en Belgique et en France, notamment grâce à Dom Fran-
quesa.
La seconde étape du renouveau liturgique, préparée par les
ouvrages de vulgarisation, dont la plupart étaient l'œuvre des
Bénédictins,commençavers1945, lorsque le clergé diocésain fit
son apparition en ce domaine. « En ces dernières années, écrit
Dom Franquesa en 1947, le niveau intellectuel et spirituel s'est
élevé considérablement dans beaucoup de séminaires d'Espagne,
en même temps qu'une vive conscience surgissait partout en
Espagne de la dignité du clergé séculier. Cela a entraîné un très
notable réveil de l'esprit liturgique14. »
L'art sacré fit son- apparition en Espagne à la fin de la guerre
civile. En 1040 eut lieu à Vitoria une exposition internationale
d'Art Sacré, qui n'apportait rien de nouveau mais qui marquait
une orientation. En ce domaine de l'art à orientation religieuse,
la Catalogne venait en tête, avec comme principal promoteur
Juan Ferrando Roig, conseiller du Fomentos de Arles Decorati-

13. J. ALAMEDA, La liturgia en la Secciôn Femenina, dans Litargia,


4 (1949),172-175.
14.Ephem.Liturg.,61(1947),138.
vas. Divers organismes officiels aidèrent à la reconstruction des
églises détruites pendant la guerre. Cependant les architectes de
valeur s'intéressant sérieusement aux problèmes liturgiques
n'apparurent que plus tard, en ces toutes dernières années. En
1952, sur l'initiative de Mgr Almarcha, fut fondée en Léon une
École d'art sacré.
La Commission épiscopale des séminaires publia en 1942 un
règlement des études, dans lequel un chapitre était consacré à la
liturgie, recommandant une formation solide en liturgie et en
chant grégorien. Cependant les séminaires espagnols, faute de
professeurs compétents, de supérieurs formés à la liturgie, et de
bons manuels, n'entrèrent que lentement dans le mouvement
liturgique.
En 1944, deux prêtres de Tolède, Casimiro Sanchez Aliseda et
Juan Francisco Rivera, commencèrent à publier les Hojas de
Liturgia. Devant les difficultés qu'ils rencontrèrent, ils firent
appel aux Bénédictins de Silos, qui acceptèrent de publier, à
partir de janvier 1946, la revue Liturgia, devenue aujourd'hui la
principale revue espagnole en cette matière. En 1960, commença
de paraître à Barcelone la Revista Liturgica, qui n'eut hélas
qu'une vie éphémère. Il en fut de même de la revue Apostolado
litûrgico Popular, qui vit le jour, durant peu de temps, à Vitoria.
Les messes dialoguées, déjà pratiquées par quelques groupes de
fidèles, commencèrent à se multiplier de façon uniforme et géné-
rale à partir de 1945. Dans beaucoup de séminaires, on n'avait
pas encore pu donner un enseignement large et profond dans
toutes les disciplines pastorales15. Bien que durant ces années le
catholicisme espagnol soit resté assez traditionaliste, et en
certaines régions, étranger au renouveau musical et esthétique du
mouvement liturgique, il n'en était pas pour autant dépourvu de
vigueur. Tout prêtre étranger visitant l'Espagne a pu remarquer
une certaine négligence dans la qualité extérieure des célébra-
tions, mais il a pu voir aussi les files de pénitents devant les
confessionnaux, aux veilles des grandes fêtes, pour recevoir le
sacrement de pénitence, qui appartient aussi à la liturgie, ainsi
que le grand nombre des communions, au moins dans certaines
régions d'Espagne16.

15. Cf. C. FLORlSTÁN, La ensenanza de la Teologia Pastoral en


Espana, dans Seminarios, 15 (1961), 119-130.
16. C. Sânchez ALISEDA, El movimiento litûrgico en nuestros dias
(1940-1953); Introduction à la 4E éd. de l'ouvrage de I. GOMÁ, El
valor educdtivo de la Liturgia, cat6lica, Barcelone, 1953; A.-M. OLIVAR,
Spanien, dans Liturgisches Erneuerung in aller Welt. Ein Sammel-
bericht, Maria Laach, 1950, pp. 82-90; J. A. AGUILAR, Espafia y el
movimiento litúrgico, dans Arbor, 33 (1956), 489-511,
3. Le mouvement liturgique en marche (1954-1963).

Le 35e Congrès Eucharistique International eut lieu à Barce-


lone en fin mai 1952, après une longue interruption de quatorze
ans depuis le Congrès de Budapest. Il avait pour thème « L'Eu-
charistie et la Paix ». Les meilleurs liturgistes d'Europe s'y
réunirent pour l'une des sept sessions du Congrès, consacrée à la
liturgie. Quatre exposés importants furent prononcés par les
PP. Garrigou-Lagrange, Bea, L. Riber et Pius Parsch. Ce congrès
aida puissamment le mouvement liturgique espagnol, bien que
le niveau liturgique du clergé fût, en moyenne, encore assez bas.

deux belles réalisations liturgiques :


A cette occasion eurent lieu au stade olympique de Montjuich
une messe nocturne des
hommes, et une ordination de huit cent vingt prêtres par vingt
et un évêques.
Cette même année s'ouvrit à Madrid l'École supérieure de
musique sacrée, comportant des cours d'été et des cours d'hiver.
Placée sous la direction de Manzàrraga, elle donna une vigou-
reuse impulsion au chant grégorien en Espagne.
L'année 1954 fut décisive pour le mouvement liturgique espa-
gnol : ce fut le début des Coloquios de Pastoral Liturgica, à
l'organisation desquels contribuèrent F. Miranda, alors évêque
auxiliaire de Tolède, l'Abbé Dom Toribios et Dom Alameda, de
Silos, L. de Echeverria et C. Sanchez Aliseda, de l'Université
pontificale de Salamanque, J. F. Rivera, de Tolède, et J. Fer-
rando Roig, de Barcelone. Le groupe le plus dynamique était
constitué par les principaux collaborateurs du journal ecclésias-
tique « Incunable », ouvert, depuis sa fondation en 1948, à toutes
les grandes initiatives pastorales.
Ces différents colloques ont été les suivants :
Le résultat des deux premiers colloques fut d'opérer le rassem-
blement de toutes les énergies du mouvement liturgique en
Espagne, et de montrer la nécessité d'une direction officielle et
sûre instituée par la Hiérarchie. En 1953, dans des revues à
diffusion importante telles que La Illustracion del Clero et Incu-
nable, on en vint à estimer que le décret sur la restauration de la
Vigile pascale allait « rejeter dans l'ombre la liturgie du
dimanche de la Résurrection ». Un tel jugement, partagé par la
grande majorité du clergé, montre combien peu profonde était
la formation liturgique17. Il n'est pas étonnant qu'établissant

17. Ces deux revues apportaient comme arguments que la Vigile


retirait au matin du dimanche sa solennité et qu'on ne venait plus
recevoir à midi la bénédiction papale. Elles proposaient comme solu-
tion de célébrer la Vigile de telle manière qu'elle puisse se terminer
un bilan très objectif des cinquante années de mouvement litur-
gique, la revue Liturgia ait demandé, dans un éditorial daté de
1951., « une solide formation liturgique du clergé; tout est là; de
cela nous attendons tout. Par là seulement nous pourrons sortir
de la situation présente et atteindre l'idéal18 ».
La requête adressée à la Hiérarchie en 1954 par les promoteurs
de ces colloques en vue de la création d'une Junta Nacional de
Apostolado Litúrgico fut exaucée par la décision que prirent en
novembre 1955 les archevêques d'Espagne. Le 15 avril 1956 fut
fondée cette Junta, dont le président fut F. Miranda, évêque
auxiliaire de Tolède, très actif collaborateur du mouvement litur-
gique. Le secrétaire en fut C. Sanchez Aliseda, professeur de
pastorale et de liturgie à l'Université pontificale de Salamanque,
l'un des premiers pionniers du mouvement liturgique espagnol.
Furent nommés membres du Conseil les PP. Antonana, pour
représenter les religieux, Franquesa, de Montserrat, Prado, de
Silos, Rodriguez Prieto, de l'Université pontificale de Comillas,
Ferrando Roig, pour l'art sacré, et Gonzalez Barron, pour la
musique.
La Junta Nacional déploya, dès sa fondation, une intense
activité. Du 18 au 22 septembre 1956, elle participa, avec 8 évê-
ques, 2 abbés bénédictins, 71 prêtres et religieux et i4 laïcs, au
Congrès International d'Assise-Rome, dont il publia les Actes
(Tolède, 1957). Elle encouragea la création de Commissions diocé-
saines de liturgie là où il n'en existait pas; et en fait il n'en
existait que très peu. A partir du 3e Colloque de Albacete, c'est
elle qui fut chargée de la bonne marche de ces journées liturgi-
ques, réalisations modestes si l'on considère l'Espagne entière,
mais efficaces en cette heure où il s'agissait de développer une
conception des problèmes religieux qui tienne compte du culte.
En 1957, la Junta organisa à Montserrat, du 10 au 15 septem-
bre, la « Première Semaine nationale d'études liturgiques »,
consacrée à l'examen du Rituel du point de vue pastoral. Les
conférences les plus notables furent celles de Mgr Tarancôn,
Garrido, Casanas, I. Garcia, Franquesa, Sustaeta, Bustamante,
Aliseda, Ferando, Rodriguez Prieto et Onatibia, tous plus ou

avant minuit, en sorte qu'on puisse communier à nouveau le diman-


l'horaire légitime de la Vigile, avec cet argument clair et décisif:
che. La revue de Silos Liturgia (8, 1953, 257-259) prit la défense de
préparation à la
« La restauration de la Vigile pascale n'est pas une
fête de Pâques, mais la célébration même de la Pâque.»
18. N'oublions pas qu'en 1951 on écrivait des articles tels que
« Quelle partie du bras doit-on poser sur l'autel pendant
:
laconsé-
cration? » (Sal Terrae, 39, 1951, 293-294); « De quelle manière le
communion »
ministre doit tenir le plateau pendant la distribution de la sainte
(Sal Terrae, 39, 1951, 533-534).
suivants furent examinés
— 2. Publication d'un
:
moins pionniers du mouvement liturgique espagnol. Les projets
i. Création d'un secrétariat à Tolède.
Directoire pastoral de la messe. — 3. Éta-
blissement d'un ensemble de thèmes liturgiques pour la
prédication. — 4; Développement des Colloques de Pastorale
liturgique. — 5. Constitution d'une Assemblée des délégués
diocésains19.
En la semaine de Pâques de 1958, se tint à Tolède la première
assemblée nationale des présidents des Commissions diocésaines,
qui constitua, par le nombre des participants (près de 82) et par
les conclusions auxquelles elle aboutit, un éclatant succès. Le
thème était « la participation des fidèles à la messe ».
On en tira
notamment ces conclusions qu'il fallait lancer sur deux ans une
vaste campagne sur la messe, publier un Directoire de la messe,
et supprimer officiellement de la messe les prières de dévotion
manifestement contraires au déroulement normal du sacrifice
eucharistique.
L'assemblée des Métropolitains déclara « opportune cette cam-
pagne de deux ans pour promouvoir la participation des fidèles
à la messe », et pria la Junta Nacional de « proposer les moda-
lités de cette campagne aux Commissions diocésaines, qui les
soumettraient à leurs évêques respectifs ». Tout partirait donc
des Commissions diocésaines, et à travers les maisons de forma-
tion, les paroisses, les monastères de religieux, les centres d'en-
seignement, atteindrait finalement les enfants et la masse du
peuple20.
Le mouvement liturgique catalan, tombé en léthargie pendant
plusieurs années — à la suite des ravages causés par la guerre,
-
probablement connut un réveil d'une extraordinaire vigueur,
lors du Ier Congrès liturgique diocésain de Barcelone, en iq56,
sur la messe. Ce Congrès décida la publication d'un Directoire

19. Cf. Liturgia, n° 149-150, qui en publie les conférences.


13 (1958),
20. La Misa brevis fut éditée en disque, et on recommanda les
chants populaires de trois messes (Arrondo, Arabaolaza et Fr. Jimé-
nez). De là date le renouveau du chant religieux contemporain, avec
des mélodies simples et un texte d'inspiration biblique. Jusqu'en
1960, d'après une étude faite à Salamanque sur 745 chants religieux

38 anthologies, on trouve :
du répertoire populaire espagnol, tous traditionnels, provenant de
13 chants d'entrée pour la messe, 9 chants
d'offertoire, 37 chants de communion, 9 chants d'action de grâces,
aucun psaume, 6 textes bibliques, 126 chants consacrés à la présence
réelle (eucharistie), aucun chant pour les autres sacrements, 3 chants
pour l'Avent, 60 pour Noël, 29 pour le Carême et la Passion, aucun
pour Pâques ni l'Ascension, 3 pour la Pentecôte et l'Église, 72 pour le
Christ-Roi, 282 pour les fêtes de la Vierge, 44 pour les fêtes des anges
et des saints, aucun sur le dimanche, 5 sur le pape et l'évêque,
37 sans thème particulier.
diocésain pour la messe, qui fut édité ad experimentum au début
de 1957. Au cours du Congrès, cinq groupes d'étude travaillè-
rent sur la messe. On projeta de publier un livre de chant, d'en-
courager la création de chorales (petits chanteurs), de favoriser
de toutes les manières la participation des fidèles à la messe, de
former des lecteurs laïcs et de mettre la messe paroissiale au
centre de toute la pastorale liturgique.
A la fin de 1958, le Centre de Pastorale liturgique de Barce-
lone, récemment fondé sous la direction de Pedro Tena, fit
paraître Monitions et Prières, le premier ouvrage espagnol visant
à offrir aux prêtres un bon répertoire de monitions21. En janvier
1961, le C. P. L. de Barcelone commença de publier le Boletin
de Pastoral liturgica, qui devint, deux ans plus tard, la promet-
teuse revue de pastorale liturgique Phase.
A l'instigation du C. P. L. de Paris, du Liturgisches Institut
de Trèves et de la Junta espagnole, eut lieu à Montserrat, en
octobre 1958, le 4e Congrès International des Études liturgiques,
consacré à l'initiation chrétienne, dans ses aspects théologique,
historique et cultuel. Ce Congrès contribua à développer en
Espagne le souci d'un travail liturgique fondé sur une recherche
scientifique sérieuse.
Par ailleurs, outre les cours de grégorien, qui commencèrent à
Montserrat en 1940, et les activités de l'École Supérieure de
musique sacrée depuis 1952, le Conservatoire de musique de
Pampelune inaugura, en septembre 1952, une Semaine Grégo-
rienne annuelle, avec la collaboration de grégorianistes éminents
tels que Dom Gajard et Potiron. Le monastère de Valle de los
Caidos, cédé aux moines de Silos, et placé sous la direction de
l'Abbé Pérez de Urbel, organisa également, à partir de 1961, un
Cours de liturgie et de chant grégorien qui se donne chaque
année avec plein succès.
On peut considérer comme un véritable Congrès national de
Pastorale les trois Semaines nationales de la paroisse tenues à
Saragosse (1958), Séville (1960) et Barcelone (1962), au cours
desquelles la liturgie fut au premier plan.
L'Université pontificale de Salamanque contribua à ce travail
liturgique en créant, en 1955, l'Institut de Pastorale, qui fut
dirigé par C. Sanchez Aliseda durant les cinq premières années,

21. Récemment, en 1962, est parue la seconde édition, notablement


améliorée. Dans le même temps, des recueils de monitions étaient
publiés par les diocèses de Malaga, San Sébastian, etc., et par quel-
ques éditeurs privés. Cependant, à l'exception du Libro del Comen-
tador (Vitoria, 1962), peu de recueils de monitions eurent plus de
succès que celui de Barcelone. J. A. Gracia, F. Torra et A. Berna
publièrent La oracion del pueblo de Dios (Saragosse, 1958) pour aider
la prière communautaire des fidèles.
puis par L. de Echeverria à partir d'octobre 1960. Depuis sa
fondation jusqu'en mars 1963, y furent donnés six cours de
formation pastorale, qui duraient cinq mois et qui furent suivis
par plus de cinquante prêtres; la pastorale liturgique y avait
bonne part. En outre furent organisés des cours intensifs d'une
ou deux semaines, auxquels prirent part les étudiants de l'Uni-
versité pontificale et des prêtres venus de toute l'Espagne22.
L'Institut de Pastorale, outre sa tâche d'enseignement, dirige
cinq collections d'ouvrages de pastorale, chez divers éditeurs. Il
a patronné l'édition du livre de chant populaire Cantemos al
Senor, et a obtenu la coopération de onze éditeurs espagnols pour
la publication de fiches de chant, comme cela s'est fait en
France23. A ce travail de vulgarisation a efficacement collaboré
la Propaganda Popular Catôlica, dont les services sont à Madrid,
bien que la rédaction soit sous le contrôle de l'Institut de Pasto-
rale de Salamanque24.
Alors que la Junta Nacional de Apostolado Litúrgico travaillait
activement, au début de 1960, à la préparation d'un Directoire
pastoral de la messe, un Rituel bilingue et un grand Congrès
national de Pastorale, un tragique accident coûtait la vie à son
président Mgr F. Miranda et à son secrétaire P. Sânchez Aliseda,
le 12 mars 1960, sur la route qui les conduisait à Valle de los
Caidos pour y prendre part à une célébration25.
Cela signifiait une navrante éclipse de la présence de la hiérar-
chie au mouvement liturgique espagnol, qui n'était devenu
général et officiel que depuis quatre ans à peine. Le 7 février
1961, l'Assemblée des Métropolitains approuva la constitution

22. Les thèmes les plus récents ont été la paroisse (1961), la semaine
sainte (1962) et liturgie et spiritualité (1963), avec une assistance
d'une centaine de prêtres et religieux. A Madrid, à partir de 1958,
la Confederacion de Religiosos organisa un cours de pastorale d'une
durée de quatre mois.
23. Le recueil Cantemos al Senor, édité par les Frères des Ecoles
Chrétiennes de Salamanque, a paru en 1961. Il a été tiré à
22.000 exemplaires en espagnol et 8.000 en catalan, et cette édition
fut épuisée en à peine plus d'un an. Une seconde édition a vu le
jour récemment. Depuis 1961, on a édité 150 fiches en espagnol et
3o en catalan. 22 psaumes du P. Gelineau ont ainsi paru, et 60 autres
sont sur le point de paraître.
24. La Propaganda Popular Catôlica édite trois collections de livres,
trois très importantes séries de brochures, cinq revues, des pro-
grammes radiophoniques, et une multitude de disques et de films
religieux. Elle a été fondée en 1955.
25. Cf. Pastorale liturgique en Espagne, dans La Maison-Dieu, 62
(1960), 142-150; cf. également le numéro de décembre 1961 de Incu-
nable consacré au mouvement liturgique espagnol, et le numéro
d'avril 1962 dédié à la mémoire de Mgr Miranda et de Sânchez Aliseda,
lequel était sous-directeur de cette revue.
d'une «Commission épiscopale de liturgie, de pastorale, et d'art
sacré », présidée par Mgr S. Garcia de la Sierra, archevêque
d'Oviedo qu'assistaient cinq évêques. L'un d'eux, Mgr Jesús
Enciso, évêque de Majorque, fut nommé président de la Junta
Nacional de Apostolado Litúrgico. On organisa aussitôt un nou-
veau secrétariat, dont le siège fut à Madrid (Alfonso XI, 4), avec
comme directeur J. M. Sustaeta, et comme membres P. Tena,
I. Onatibia, J. A. Gracia, J. M. Eguaras. I. Garcia, A.Franquesa
et C. Floristan. En raison de l'approche du Concile, il parut
nécessaire de reporter à plus tard le Congrès national de liturgie.
Mais on acheva la rédaction du Rituel bilingue
— son approba-
tion officielle est attendue incessamment — et l'établissement
des grandes lignes du Directoire national pour la Pastorale de la
messe, qui n'est pas encore promulgué.
Les 3 et 4 janvier 1962 se tint à Madrid la 2e Assemblée natio-
nale des représentants des Commissions diocésaines et des délé-
gués des religieux pour l'Apostolat liturgique. Mgr Enciso en
était le président. Il exposa les lignes directrices de l'action
liturgique de l'avenir, qui ont été résumées dans un récent
numéro du Boletin del Secretariado, dont le premier cahier a
paru en 1962. La campagne de 1962 et 1963 fut consacrée à la
célébration de la semaine sainte. En ce domaine, comme pour
tout ce qui concerne la liturgie, les diocèses les plus actifs furent
ceux d'Astorga, Barcelone, Bilbao, Vitoria, Vich et Valence,
précisément ceux dans lesquels il existe un Secrétariat diocésain
efficace, dirigé par un prêtre compétent. Les participants de la
2e Assemblée des Commissions diocésaines exprimèrent le vœu
que le mouvement liturgique suive la voie tracée par la première
Junta.
En mai 1961 eut lieu à Barcelone une Journée sacerdotale sur
le thème « Cinq ans de pastorale liturgique ». On y fit un bilan
loyal du mouvement liturgique catalan. Une enquête fut menée
auprès du clergé, et elle révéla un niveau liturgique comparable
à celui de la France ou de l'Allemagne26. Les efforts des Béné-
dictins de Montserrat, bien que limités à la Catalogne, portent
des fruits abondants en l'ancienne province ecclésiastique de
Tarragone. Depuis 1952, l'Asociaciôn San Gregorio, sous la
direction du P. Altisent, de l'Ordre de saint Joseph Calasanz,
travaille au développement du chant grégorien et des scholae
cantorum, très nombreuses en Catalogne. D'autre part, à Barce-
lone, il existe pour les laïcs des cours de formation qui sont
soigneusement organisés et très efficaces27.
36. Cf. Boletin de Pastoral Litûrgica, 4 (1961), 21-27.
,.. -' ,--
27. Le diocèse de Barcelone a publié des notas para ta participacion
litúrgica de las exequias (1959); celui de Vich, des Normas para la
La très riche enquête menée par A. Beltran en 195628 permit
un examen objectif de la situation liturgique dans les séminaires
espagnols. Un grand chemin avait été déjà parcouru, mais il
restait encore des étapes à franchir.
A la fin de la dernière guerre mondiale, la production liturgi-
que espagnole connut un renouveau avec des ouvrages de pre-
mier plan tels que la section liturgique des MonumentaHispaniae
Sacrae du C.S.I.C. Son premier volume est l'Oracional Visigô-
tico (Barcelone, 1946), édité par J. Vives, bien connu pour la
qualité de ses recherches et directeur de l'Institut d'Histoire
ecclésiastique Enrique Flôrez. Les volumes II et III forment les >
deux tomes duLiber Comicus (Madrid, 1950) édité par J. Pérezde
Urbel et Ruiz Zorrilla. Le volume IV contient le Sacramentario
de Vich, édité par A. Olivar (Madrid-Barcelone, 1953). Le volume
V est consacré à l'Antifonario visigotico-mozarabe de la catedral
de Léon (Ediciôn facsimil, Madrid, 1953; texte de l'édition de
L. Prou et J. Vives, Madrid-Barcelone, 1959). Enfin, dans les
volumes VI et VII, A. Fabregas Grau a publié le Pasionario
Hispanico29.
D'une manière générale, depuis 1940 les études liturgiques de
divulgation sont, sauf de rares exceptions, de qualité médiocre.
Mais à partir de 1945, on commence à traduire des ouvrages
étrangers de valeur; ces traductions se multiplient à partir de
1956-1958. Les principaux auteurs traduits sont J. A. Jungmann,
L. Eisenhofer, L. Fischer, A.-G. Martimort, M. Righetti,G. Vagag-
gini, M. Zundel, L. Bouyer, 0. Casel, J. Daniélou, R. Guardini,
I. Herwegen, B. Baur, E. Lôhr, P. Parsch, J. Gaillard, J. de Ba-
ciocchi, M. Philipon, A.-M. Roguet, E. Walter, Th. Maertens,
etc. 30.

liturgia juneraria (1959); et celui de Calahorra, un Ceremonial de las


exequias de adultos (1960) et un Preparaciôn y recepcion de los Santos
Oleos (1961).
28. A. BELTRÁN, Nuestros seminarios y la Liturgia. Datos de une
encuesta en los Seminarios Mayores de Espana (1955-1956), dans
Seminarios, 3 (1956), 95-111.
29. La bibliographie concernant la liturgie mozarabe jusqu'en 1936
est donnée par F. CABROL, dans le D.A.C.L., 12, 489-491. Pour la
période de 1936 à 1948, cf. L. BROU, Bulletin de Liturgie mozarabe,
dans Hispania Sacra, 2 (1949), 459-484; de 1949 à 1956, cf. J. M. PINELL,
Boletin de Liturgia hispano-visigôtica, dans Hispania Sacra, 9 (1956),
4o5-428. La revue Hispania sacra de Madrid (C.S.I.C.) et les Analecta
Sacra Tarràconensia de Barcelone (Balmesiana) ont publié les meil-
leures études sur la liturgie mozarabe.
3o. De 1957 à 1962, donc en cinq ans, on a publié en Espagne davan-
tage de traductions d'ouvrages touchant la pastorale que durant les
cinquante années précédentes. Actuellement on traduit plus en cette
matière du français à l'espagnol que du français à l'allemand; et plus
de l'allemand à l'espagnol que de l'allemand au français. Pour cette
A côté de ces traductions, il faut citer quelques ouvrages
espagnols importants; C. Sanchez Aliseda, El Breviaro Romano
(Madrid, rgSi); M. J. Pinto, El valor teologico de la liturgia
(Thèse de doctorat, Grenade, 1951); J. Solano, Textos eucaristicos
primitivos (2 vol., Madrid, 1952); I. Onatibia, La presencia de la
obra redentora en el Misterio del Culto. Un estudio sobre la doc-
trina del Misterio de Odo Casel (Vitoria, 1954); G. M. Brasô,
Liturgiay espiritualidad (Montserrat, 1956); A. Suquia, La Santa
Misa enla espiritualidadde San Ignacio (Madrid, 1956); J.
Janini,
San Siricio y las Cuatro Témporas (Valence, 1959); J. M. Lecea,
Pastoral Liturgica en los documentos pontificios de PioXaPioXII
(Barcelone, 1959); J. Rodriguez Medina, Introducciôn a la Teolo-
gia Pastoral de la Misa (Salamanque, 1960); C. Castro, Lo reli-
gioso y el hombre actual (Madrid, 1960); M. Garrido et A. Pas-
cual, Curso de Liturgia Romana (Madrid, 1961); J. A. Cracia,
Las Secretas del Sacramentario Leoniano (Thèse de doctorat,
Salamanque, 1961); R. Pou, Nuestro Misterio. Dimensiones bibli-
cas del culto cristiano (Barcelone, 1962); C. Floristan, El Ano
Liturgico (Barcelone, 1962); J. A. Pascual Aguilar, Liturgia y
Vida cristiana (Madrid, 1962); Luis Maldonado, Biblia y Aiio
Liturgico (Madrid, 1963).
Actuellement, les principales revues liturgiques espagnoles
sont Liturgia (Abbaye de Silos), le Boletin del Secretariado
(Madrid, Alfonso XI, 4) et Phase (C. P. L. de Barcelone, 45-47
Canuda) 31.

4. Conclusion.

En 1954, un éditorial de la revue Liturgia faisait état de « l'ab-


sence en Espagne d'un mouvement liturgique dépendant de la
Hiérarchie — consigne de Rome —; du fait significatif que le
Congrès liturgique de 1915 fut à la fois le premier et le dernier;
de l'inutilité de fait des commissions liturgiques de bien des
Congrès, puisque tous leurs vœux, toutes leurs conclusions
étaient restés lettre morte; de l'inefficacité des Commissions
raison même — et c'est là finalement un bienfait — il est difficile à
un Espagnol de publier un ouvrage sérieux sur la liturgie sans savoir
le français et l'allemand. Cf. FLORISTIÁN, Seleccion de libros de Pas-
toral, Salamanca-Tejares, 2e éd., 1962, Éd. La Salle.
31. L,n mars 1963 vient de paraître Amen (Madrid, éditions U
lVlarOVa),
version espagnole de la revue française du même nom, adaptée par
l'équipe liturgique de Berit, Hogar al servicio del movimiento biblico
liturgico, qui a fondé les Misioneras Seculares à Madrid (Orfila, 1).
Tout ce qui concerne le mouvement liturgique espagnol est suivi de
façon juste et complète par les revues Liturgia et Ephemerides
Liturgicae.
diocésaines de liturgie puisque là où il en existe, elles ne se
réunissent jamais; de la suppression des publications liturgiques;
de l'interdiction de certaines pratiques, pourtant conformes aux
idées du mouvement liturgique, sous prétexte de ne pas se singu-
lariser; en un mot, de la non-application des consignes données
par saint Pie X32 ». La même année, la revue Incunable affir-
mait : « La situation est grave. Que dans un pays comme l'Espa-
gne, où le peuple fidèle est très éloigné d'une participation active
aux mystères liturgiques, le clergé se désintéresse du problème,
cela constitue un sujet d'alarme, et nous invite tous à un loyal
examen de conscience. »
De 1954 à 1963, le mouvement liturgique espagnol s'est
affermi. Les ouvrages liturgiques y sont nombreux, notamment
les traductions. Dans le silence, en petit nombre certes, mais
pleins d'ardeur, des chercheurs travaillent sur les sources moza-
rabes. Une ouverture extraordinaire pour ce qui touche la litur-
gie se manifeste chez les étudiants en théologie, tant les sécu-
liers que les religieux. Dès qu'on l'initie de façon un peu sé-
rieuse aux mystères liturgiques, le peuple entre bien dans la
participation active. Enfin les évêques d'Espagne, qui dès le
début de ce siècle se sont constamment préoccupés de la partici-
pation du peuple à la liturgie, ont aujourd'hui la conscience
la plus vive de l'importance qui revient à l'apostolat liturgique
dans l'ensemble de l'apostolat.
Cependant un doute subsiste :
l'Espagne possède-t-elle assez
de prêtres formés pour cette tâche? A-t-elle des bibliothèques
?
bien montées en ouvrages de valeur sur ces questions Existe-t-il
un centre, de niveau universitaire, capable de former des prê-
tres compétents en matière de liturgie? Honnêtement, il faut
répondre à ces trois questions par la négative. Pour le moment
présent, l'aide de nos frères étrangers nous est indispensable.
Il faut avoir le courage de l'affirmer. Le danger n'est pas tant de
nous franciser ou de nous germaniser — encore que nul ne con-
teste l'existence de ce risque — que plutôt, en prétendant à une
indépendance radicale et orgueilleuse, d'oublier que celui qui
imite l'imitateur du Christ imite lui-même le Seigneur; et que
c'est à travers nos communautés eucharistiques, et non à travers
nos langues nationales ou nos frontières géographiques, que
nous appartenons tous, dans le Corps mystique, à une même
Eglise, cité du Dieu vivant, Jérusalem céleste (Héb., 12, 22).

CASIANO FLORISTAN,
Professeur à l'Université Pontificale
de Salamanque.
32. Editorial de Liturgia, n° 9 (1954), 257.
EXTRÊME-ORIENT

c ET article essaie d'esquisser un tableau de la situation litur-


gique au Japon, en Malaisie et à Singapour, aux Philippi-
nes, en Thaïlande, à Taiwan et au Vietnam. La Corée est
omise, car il ne fut possible d'en obtenir aucune information.
De la Chine continentale, où l'Église vit dans les catacombes, il
n'y a rien à dire. La situation de Hong-Kong, du point de vue
qui nous intéresse, est similaire à celle de Taiwan. L'Inde et
l'Indonésie seront mentionnées en passant, mais vu leur impor-
tance et leurs dimensions, elles réclament un article à partl.
Nous ne nous cachons pas que l'entreprise est une gageure.
Comment réunir sous la même rubrique des pays à la culture,
à l'histoire et aux problèmes missionnaires si différents? A cela
s'ajoute la difficulté d'obtenir des renseignements précis. De plus,
nous sommes à une époque où tout s'est mis en mouvement.
Comme les gratte-ciel et les tracteurs voisinent chez nous avec
les huttes et la charrue au soc en bois, ainsi trouve-t-on, à côté
de communautés liturgiques modèles, des paroisses où rien ne
semble avoir changé depuis le 17e ou le 18e siècle. Ce qui est
sûr, c'est que le Concile Œcuménique va accélérer prodigieuse-
ment le mouvement d' « aggiornamento », ici comme ailleurs.
Ce qui est vrai aujourd'hui ne le sera plus demain. Sous peu, il
faudra écrire un autre article qui sera complètement différent de
celui-ci. On voudra bien pardonner à l'auteur s'il s'étend plus
longuement sur les Philippines qui, par leur situation de nation
catholique, semblent appelées à jouer un rôle prépondérant
dans le renouveau liturgique en Extrême-Orient.

DIRECTIVES PASTORALES AUX PHILIPPINES

Le 6 août 1961, parurent à Manille les Directives pastorales de


la Hiérarchie des Philippines sur la célébration de la messe. C'est

I.Voirp.108-122.
là une date importante dans l'histoire du mouvement liturgique
en Extrême-Orient. Le Directoire de l'Épiscopat philippin2 est
un fruit du Congrès Eucharistique de Munich en 1960. Au
retour du Congrès, le cardinal de Manille parla plusieurs fois
avec enthousiasme du spectacle donné par la participation des
foules au cours de la messe, dont il avait été témoin. Il demanda
au P. Camilo Marivoet, C.I.C.M., Recteur du petit Séminaire
de l'Archidiocèse et ancien élève de Lumen Vitœ, de rédiger un
Directoire en vue de promouvoir cette participation chez nos
fidèles. Le travail fut approuvé par tous les évêques et publié le
6 août 1961. Les catholiques des Philippines se trouvaient ainsi
dotées d'un des directoires les plus adaptés à notre époque. En
effet, il incorpore tout ce que les autres directoires publiés avant
1960 contiennent de meilleur. Il se distingue en particulier par
le souci d'épuiser toutes les possibilités d'employer la langue
vivante laissées ouvertes par l'Instruction de la Congrégation des
Rites de 1958. La forme de célébration idéale, au point de vue
pastoral, proposée par le Directoire est celle où les acclamations
des fidèles données en latin alternent avec des prières et des
hymnes en langue du pays.
Ce furent surtout les religieuses qui répondirent avec enthou-
siasme à l'appel de la Hiérarchie. Dans les nombreuses écoles
qui leur sont confiées, elles se mirent immédiatement à appli-
quer les directives dans toute la mesure que leur permettaient
leurs aumôniers. En peu de temps, les messes scolaires devin-
rent un peu partout de belles célébrations communautaires. Là
où elles trouvent une aide compréhensive de la part du curé,
les soeurs forment leurs élèves à agir comme un ferment dans la
communauté paroissiale. Dans plus d'un endroit, la messe
dominicale est devenue ainsi une célébration vivante pendant
laquelle le peuple ne s'ennuie plus. Après les religieuses, ce sont
les membres du Christian Family Movement, les jeunes ménages
et leurs nombreux enfants, qui ont fait le plus pour appliquer les
directives épiscopales dans les paroisses. Pendant l'été de 1962,
l'Action Catholique de l'Archidiocèse de Manille, et les Knights
of Columbus ont demandé à l'East Asian Pastoral Instituts de
donner des cours de formation à des commentateurs. Parmi les
deux cent laïcs qui bénéficièrent de ces cours, malheureusement
trop brefs, un bon nombre exercent fidèlement, depuis, leur
fonction à l'église paroissiale.

2. We go up to the House of the Lord, Pastoral Directives of the


Hierarchy of the Philippines for the Celebration of the Holy Mass and
for the Participation of the Faithful, Manille, 6 août 1961. Sur ce
Le livret utilisé dans la plupart des paroisses et des écoles
pour participer à la messe est Our Community Mass3. Ce livret
de 80 pages, qui contient, avec des explications et des prières,
32 hymnes adaptées aux différentes parties de la messe, fut
composé, pour mettre en pratique les directives épiscopales, par
l'East Asian Pastoral Institute en collaboration avec l'Institut
archidiocésain grégorien. Il sert aussi dans des communautés
d'expression anglaise aux Indes, à Hong-Kong, à Singapour,
en Malaisie et même en Afrique. Il est traduit et adapté en chi-
nois et en filipino (langue officielle) et en ilocano (un des dia-
lectes importants des Philippines4).
Le Commentator's Handbook fournit au commentateur des
monitions pour les dimanches et jours de fêtes. Il existe aussi
en filipino et en chinois 5. Les hymnes du livret sont enregis-
trées sur bande magnétique qu'on peut se procurer si l'on veut
les enseigner à une communauté 6.
Toutefois le Directoire n'a pas été reçu par l'ensemble du
clergé comme les évêques l'espéraient. Presque deux ans après
sa publication, ôn trouve encore des prêtres qui en ignorent
jusqu'à l'existence, tandis que d'autres déclarent les dispositions
qu'il contient utopiques et impraticables.
A vrai dire, le document qui fut publié et distribué ne fut
:
:
jamais promulgué dans l'organe officiel de la Hiérarchie
Boletin Eclesiastico de Filipinas. On se trouve même devant cette
situation paradoxale l'organe officiel de la Hiérarchie atta-
quant sept points du document de la même Hiérarchie7. Cet
le

incident met le doigt sur le problème clef du renouveau litur-


gique : les évêques ne peuvent pas compter sur la collaboration
inconditionnée de leur clergé dans l'application des consignes
de l'Église.

Directoire, cf. P. BRUNNER, S.J., The Bishops' Directives on Participa-


tion in the Mass dans Philippine Studies (IX, 4), octobre 1961.
3. Our Community Mass, East Asian Pastoral Institute, Manille,
1960.
4. Edition
- :
chinoise A. CHAO,
- -
Tuan-ti Misa,
-. -
iaichung,
- - - Edi-
1902. -
-.
tion en filipino : S. RAMIREZ, Misa ng Bayan, Manille, 1961. Édition
en ilocano : M. HEGHMANS, Sangkagimongan A Pannakimisa., Manille,
1962.

:
5. P. BRUNNER, S.J. : These are the Holy Words, Manille, 1962.
Édition chinoise A. CHAO, Ch'ing chon t'ong-tao, Taichung, 1962.
Édition Filipino S. RAMIREZ, Paliwanag sa Misa, parait chaque se-
maine dans l'hebdomadaire Filininas. Manille.
6.Uneéditionsurdisques est en préparation. ,..
7. Voir cet article dans Boletin Eclesiastico, décembre 1962,
pp. 778-780 et la réponse — tronquée — de l'auteur du Directoire
dans la même revue, janvier 1963, pp. 48-52.
CÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE TRADITIONNELLE.

A part l'Indonésie 8,les Philippines sont le seul pays d'Ex-


trême-Orient à posséder un Directoire de la Pastorale de la
Messe. Il n'existe pas non plus, à notre connaissance, de direc-
toires diocésains. En fait, bien des missionnaires, surtout ceux
qui ont quitté l'Europe depuis le début du mouvement litur-
gique, mettent en pratique l'Instruction de la Congrégation des
Rites de septembre 1958 sur la participation des fidèles. Cepen-
dant, l'ensemble des communautés chrétiennes vit encore de la
tradition liturgique héritée des siècles précédents.
Au Vietnam, à Taiwan, dans les communautés chinoises de
Singapour et de Malaisie, dans les paroisses vietnamiennes de
Thaïlande, les chrétiens sont fidèles à leur vieille tradition de
moduler les prières pendant la messe sur un certain ton de psal-
modie, dont l'origine est à chercher soit dans les prières des
bonzes, soit dans l'usage scolaire de chantonner les poésies.
Quand le chant est exécuté avec ensemble, il est très impression-
nant. Il favorise l'esprit de communauté et une certaine atmo-
sphère méditative. Malheureusement, les vieux textes utilisés ne
s'accordent que de loin avec les parties de la messe. La psalmo-
die déroule ses vagues sans tenir compte des acclamations, des
prières présidentielles et même des lectures. Ce sont plutôt des
prières pendant la messe que des prières de la messe9.
La forme normale de la célébration est la missa lecta. Rares
sont les grand-messes, surtout en plain-chant; et s'il y en a,
elles restent l'apanage d'une chorale ou d'un petit groupe de
chanteurs ou de chanteuses. Le peuple se contente d'écouter. Il
faut pourtant signaler les efforts, parmi d'autres, des Pères
Scheutistes belges dans la Mountain Province aux Philippines,
des Pères Bethléémites suisses parmi les aborigènes du Sud-Est
de Taiwan, des Pères des Missions Étrangères de Paris parmi les
aborigènes des montagnes vietnamiennes. A force de patientes
répétitions, ils réussissent à faire chanter la messe « des Anges »
à des foules entières.
Aux Philippines, au Japon et en Thaïlande, la messe silen-
cieuse, sans participation des fidèles, semble encore être la forme
de célébration la plus répandue. Je n'oublierai jamais une messe
célébrée le matin de Pâques dans une cathédrale aux Philippines.

:
8. Le Directoire publié par la Conférence épiscopale le Ier septem-
bre 1960 s'appelle Misteri Ibadat.
9. Sur les prières chinoises, cf. P. BRUNNER, The Prayerbook of
China dans Mission Bulletin (Asia), Hong-Kong, juin 1960, pp. 588-
597.
Pas un chant, pas un morceau d'orgue, pas une réponse de la
part des fidèles. D'un bout à l'autre, la foule qui se pressait et
débordait par toutes les portes, se tint dans un silence morne,
fidèle jusqu'au bout à remplir le précepte dominical. Une heure
auparavant, la même foule avait célébré avec exubérance le
mère. Deux statues sont portées en procession :
traditionnel Salubong, rencontre du Christ ressuscité avec sa
celle du Christ
glorieux, escortée par les hommes, celle de la Mère des Douleurs,
recouverte d'un voile violet, accompagnée par les femmes.
Quand les deux cortèges, qui prennent des rues différentes, se
rejoignent, les deux statues sont placées face à face, au pied
d'une tour ou d'un portique. Au haut de la tour, une petite fille
habillée en angelot chante le Regina Cœli. Puis on la laisse glis-
ser à l'aide d'une corde jusqu'à la hauteur de la statue de la
Vierge dont elle enlève le voile. Le tout est accompagné de chants
de la foule, de morceaux d'orchestre, de lâchers de pigeons et
de pétards. Que la liturgie romaine parait morne à nos braves
gens à côté de ces manifestations de la dévotion populairel
La messe dialoguée, où la participation des fidèles se réduit
aux réponses du servant, a fait quelques timides essais ici et là.
Le nombre de ceux qui y prennent part active se limite en géné-
ral aux trois ou quatre premiers bancs occupés par les membres
de quelque pieuse association. Cette forme n'a jamais été popu-
laire et ne peut pas le devenir.

RITUELS BILINGUES

Si les Philippines ont devancé les pays voisins en matière de


Directoire de la messe, elles viennent par contre en queue, avec
Taiwan, en ce qui concerne le rituel en langue vernaculaire. Les
autres pays ont suivi l'injonction de la Congrégation de la Pro-
pagande de traduire au moins l'essentiel du rituel dans la lan-
gue ou les langues principales du pays10. Le Vietnam pourtant

10.~ :
Japon CollectioRituum ad instarAppendicisRitualis Romani
ad usum Ecclesiae in Japonia, 1958, latin et japonais. Voir une des-
cription du Rituel dans Liturgisches Jahrbuch (Trier), 1960, pp. 110-
deutung).
::
112 (Franz X. TSUCHIYA, S.J., Das Japanische Rituale und seine Be-

e Indonésie Collectio Rituum., latin-indonésien, latin-javanais,


publié le Ier janvier 1963.
w Thaïlande
:
Rituale Romanum, latin-siamois, 1960.
? A Singapour et en Malaisie, on utilise I. Collectio Rituum ad
instar appendicis Ritualis Romani pro Dioecesibus Statuum Foedera-
torum Americae Septentrionalis, latin-anglais, 1954. 2. Rituale Par-
ne semble posséder qu'un rituel bilingue du baptême11. Une
traduction chinoise du rituel est en préparation à Taiwan. Il y a
deux ans, la presse parlait même d'une décision des évêques d'y
insérer des coutumes locales. Il semble pourtant que celui qui
fut chargé du travail se soit contenté d'une simple traduction
du rituel romain. Aux Philippines, le Manuale Parochorum,
censé être utilisé par les prêtres, ne donne même pas une traduc-
tion des trois dialogues entre le ministre et le candidat au bap-
tême. Aussi la plupart des prêtres font eux-mêmes les questions
et les réponses tout en latin.
Les baptêmes en masse, les jours de fiesta, constituent une
vraiecalamité liturgique. Les Philippins ont l'habitude invétérée
de retarder le baptême de leurs enfants jusqu'à la fête du village
ou de la paroisse. On comprend que ces jours-là, les prêtres,
»
submergés, soient avant tout préoccupés de « liquider le plus
de baptêmes en un minimum de temps. Un curé disait avoir
baptisé 112 enfants dans la soirée, par groupes d'une trentaine,
au banc de communion. Dans ces conditions, il est impossible
que les chrétiens puissent se faire une idée du sens et de la gran-
deur du sacrement.

MISSELS ET LIVRETS DE MESSE

En plus des missels dominicaux que l'on rencontre dans tous


les pays cités, un missel quotidien a également été traduit aux
Philippines, au Japon, à Taiwan (Hongkong) et en Malaisie12.
Toutefois, vu la pauvreté de nos gens et leur manque d'éduca-
tion, le missel rend assez peu de service à la cause liturgique.
Plus pratiques sont les livrets prévus pour la participation com-
munautaire. On en signale deux à Ceylan, sans indiquer de
titre. Un autre est indiqué pour le Japon13. Quant aux brochures

vum ad usum Dioecesum Tamulicae Linguae, Latin-tamil, publié à


Tuticorin en 1957.
Il n'y a pas encore de Rituel en malais, le langage de la commu-
nauté musulmane, qui n'a pas encore été adopté par l'Église.
e Pour les Chinois on utilise une traduction des différents sacre-
ments publiée sur cartes sans texte latin. Ce texte chinois n'est pas
officiel.
II. Édité à Hanoï en 1951. Cf. NGUYEN KHAC XUYEN, Liturgie et

12. On signale au Japon:


Musique au Vietnam, dans Jeunes Eglises (Elisabethville), octobre
1962, p. 9.
le missel quotidien (Ed. Don Bosco) en
style parlé; un missel dominical en style littéraire (Komyosha); un
missel dominical en style parlé par Mgr Nagae.
13. Warera no Misa, 42 pp.
polycopiées utilisées ici et là, il est impossible d'en faire le
compte.

CHANT POPULAIRE

Toutes les missions possèdent en abondance des cantiques


traduits de manuels étrangers. Mais partout on se plaint de leur
piètre qualité. Souvent le texte ne correspond pas au rythme de
la musique, la traduction est rude, la mélodie ne plaît plus aux
jeunes générations qui prennent conscience de leur patrimoine
culturel propre. Partout on essaye des compositions autochtones;
assez rares sont les réalisations qu'on puisse considérer comme
définitives. Au Vietnam, en 1945, un groupe de jeunes musiciens
a publié un recueil de chants vietnamiens pour la messe
Cungtanhu14. Le répertoire s'est enrichi depuis, mais il n'est
:
pas très répandu dans les paroisses. Au Japon, à côté du vieux
livre de cantiques qui est à la révision, il existe des chants bibli-
ques soit adaptés du P. Gelineau, soit composés à la japonaise
par le P. Sturm15. A Taiwan, le P. Deltour a révisé les diffé-
rents manuels jadis utilisés sur le continent et vient de publier
un volume très complet contenant des chants latins et chinois16.
Quelques-unes des mélodies sont authentiquement chinoises.
Taiwan possède également une cinquantaine de psaumes com-
posés par Chiang Wen Yeh, un célèbre musicien chinois qui
n'est pas catholique. Il a utilisé de vieux airs chinois17. Par
manque de culture biblique et de sens de l'authentique musique
chinoise, les fidèles n'apprécient pas encore ces psaumes comme
ils le méritent.
Un peu partout au Vietnam, à Taiwan, en Thaïlande, on
entend l'une ou l'autre mélodie des psaumes du P. Gelineau. La
version anglaise éditée par le Grail18 est connue aux Philippines
et en Malaisie, mais encore peu utilisée.

CENTRES LITURGIQUES

Il existe très peu de commissions liturgiques diocésaines. Là


où il y en a, comme aux Philippines, elles n'existent pratique-
14. NGUYEN KHAC XUYEN, art. cit. p. II.
15. Fr. G. STURM, S.M.B., Catholic Church, Mizusawa, lwateken,
Japan.
16. ---
Fr. DELTOUR, Kuangchi Press, 197 Chung Shiao Lu, Taichung,
Taiwan.
17. Cf. P. BRUNNER, S.J., The Psalms in the Missions, dans Lumen
Vitae, 1956 (XI, 3), p. 477.
18. The Grail, 58 Sloane St., London,
- - --- 1.
S.W.
établi à Manille:
ment que sur le papier. Le seul centre vraiment organisé est
l'East Asian Pastoral Institute. Cet institut,
fondé en 1955 par le P. Hofinger sous le nom de Institute for
Mission Apologetics, comprend actuellement cinq membres.
Son but est de promouvoir le renouveau pastoral en Extrême-
Orient, en informant le personnel missionnaire de ce qui se fait
dans cette ligne dans d'autres pays, en formant des maîtres de
l'enseignement religieux suivant les principes du renouveau caté-
chétique et en préparant des auxiliaires du clergé pour le tra-
vail liturgique. Ses moyens d'action sont des publications théo-
riques et pratiques19, des séries de conférences et de rencontres,
dans différents pays, des cours de formation pour maîtres, sémi-
naristes ou religieux, donnés sur place. En fait, surtout grâce à
son directeur, qui en est à son huitième tour du monde mission-
naire, le rayonnement du centre dépasse l'Extrême-Orient. Les
semaines internationales de Nimègue (1959) et d'Eichstatt (1960),
auxquelles participaient respectivement trente et soixante-dix
évêques, ont étudié les problèmes du renouveau pastoral que le
Concile Œcuménique a mis à l'ordre du jour. Sur la demande
de l'épiscopat africain d'expression anglaise, l'Institut prépare
une nouvelle rencontre africaine en 1964. Après ces semaines
d'études, les conférences et échanges de vues sont publiés par
l'Institut et envoyés à tous les évêques missionnaires en anglais,
français, allemand, espagnol. Dans toutes les missions, on sent
le besoin de créer de semblables instituts; il y a des amorces ici
et là, surtout en Indonésie, où l'on attend la fin du Concile pour
commencer pour de bon.

SÉMINAIRES

Les correspondants qui ont répondu au questionnaire envoyé


par l'auteur de cet article signalent un peu partout des débuts
de réalisations qui porteront demain des fruits. Certains sémi-
naires consacrent cent quarante heures à l'étude de la liturgie;
mais il en est encore où dix heures seulement en quatre années
sont données à cette matière que le Concile vient de promouvoir
au rang de discipline principale. Par ailleurs, comme remarque
un correspondant, le tout n'est pas d'enseigner cent quarante
heures; encore faut-il voir ce qu'on enseigne.

19. Les :
deux livres fondamentaux sont HOFINGER-KELLNER, Pasto-
rale liturgique en chrétienté missionnaire,Édit. Lumen Vitae,
Bruxelles, 1959 (exite aussi en allemand, anglais, italien); HOFINGER,
Missions et Liturgie (La Rencontre de Nimègue), Desclée, 1960 (existe
aussi en anglais et en allemand).
On observe en général que les cérémonies sont accomplies avec
beaucoup de soin et de solennité, que les séminaristes y
prennent goût, et que le chant grégorien est suffisamment cul-
tivé. Mais on déplore que la liturgie du séminaire prépare trop
peu le jeune prêtre à son apostolat de paroisse. A côté de la
liturgie solennelle, il faudrait l'initier à la liturgie populaire
telle qu'elle est réalisable avec les moyens simples d'une paroisse
ordinaire ou d'une communauté encore plus démunie, au fond
des campagnes. On souhaite que les autorités se montrent plus
larges à accorder aux séminaristes la permission de s'initier à
la vie paroissiale, le dimanche matin, par exemple à titre de
commentateur. Cela fait partie de la formation pastorale. On
observe également dans les séminaires l'embarras de certains
directeurs spirituels qui ne voient pas comment utiliser les res-
sources de la liturgie dans leurs exhortations et préparations de
méditation. Enfin, on rencontre encore certains séminaires tota-
lement fermés à la pastorale contemporaine. Dans un séminaire
pontifical, on enseignait en 1959 que pour des raisons « liturgi-
ques, ecclésiastiques et théologiques» (sic) la récitation du chape-
let est une meilleure manière de participer à la messe que l'usage
du missel. En fait, dans ce séminaire, le chapelet continue à être
récité publiquement pendant la messe en certaines occasions,
en dépit de l'Instruction de la Congrégation des Rites de 1958.

REVUES
,

Il n'existe pas pour le moment de revue liturgique spéciale à


l'Extrême-Orient. Prêtres et missionnaires dépendent des publi-
cations européennes et américaines. Les expériences locales sont
consignées dans des revues réservées à un pays ou à une congré-
gation dont la langue est particulière ou la circulation trop res-
treinte20. Aussi ignore-t-on en général ce qui se fait chez le
voisin. Jusqu'en 1960, le Mission Bulletin de Hong-Kong (appelé
Asia en 1960) formait le trait d'union entre les différentes mis-
sions. La partie pastorale en était assurée par l'East Asian Pasto-
ral lnstitute. Depuis que cette revue a cessé de paraître il reste
le Japan Missionary Bulletin, et le Clergy Monthly publié aux
Indes. Mais leur partie pastorale est trop limitée aux problèmes
spécifiquement japonais et indiens. L'Institut de Manille est
en train d'étudier les possiblités d'une revue ouverte aux pro-
blèmes de la pastorale en général et de ses applications en

20.Par exemple la revue Rohani publiée à Djakarta, Heng-Yi et


-
Tuo-Sheng à Taiwan.
Extrême-Orient. Maintenant que l'Église encourage une auda-
cieuse adaptation de la liturgie au génie des peuples, le besoin se

Une autre tâche importante nous incombe :


fait sentir d'un organe qui accueille les études ethniques et
tienne les chercheurs au courant des expériences faites ailleurs.
une formation
plus intense de la plebs sancta à qui le Concile va rendre le plein
usage de ses prérogatives liturgiques. Dans ce but une revue
populaire dans le genre de Amen du C.P.L. sera peut-être
publiée à Manille à partir de 1964. Il reviendrait à des centres
nationaux de la traduire et de l'adapter suivant les besoins
locaux.

OBSTACLES AU MOUVEMENT LITURGIQUE.

Arrivé à ce point, le lecteur s'étonnera peut-être que nos mis-


sions ne puissent pas faire état de plus de résultats en matière
de renouveau liturgique, soixante ans après le manifeste de saint
Pie X. En réponse, voici quelques-unes des difficultés spécifiques
que rencontre le mouvement liturgique en mission.

I. Isolement du clergé missionnaire.


Les missionnaires, comme les prêtres autochtones, sont coupés
de la vie de l'Église en chrétienté. En matière de liturgie, ils
vivent sur leur acquis du séminaire. Or, à l'époque où la plupart
d'entre eux ont fait leurs études, liturgie était quasi synonyme de
science des rubriques. Pour beaucoup, la fidélité à l'Église sem-
ble exiger la stricte observance de ce qui a été fixé une fois pour
toutes au Concile de Trente et bannir, comme une mauvaise
pensée, le désir même d'un changement, surtout en matière de
langue liturgique. Tout ce qui n'est pas expressément contenu
dans les rubriques leur paraît illégitime, même si c'est prescrit
ou recommandé par des directives épiscopales. Ce fut une grande
surprise dans le monde missionnaire quand les nouvelles de la
première session du Concile Œcuménique montrèrent avec évi-
dence que l'Esprit soume en sens opposé.

2. Multiplicité des langues.


Le second grand obstacle au renouveau liturgique est la mul-
tiplicité des langues. Aux Philippines, on parle soixante-seize
dialectes, dont huit sont particulièrement importants. A Taiwan
on emploie au moins quatre variétés de chinois, sans compter les
langues des aborigènes. La Malaisie en compte également au
moins quatre principales. Si les secteurs linguistiques étaient
nettement délimités, il serait relativement simple, quoique oné-
reux, de multiplier les traductions. L'ennui vient de ce que les
groupes linguistiques sont mélangés dans la même province, la
même ville et la même paroisse. Le Japon, le Vietnam et la Thaï-
lande sont privilégiés de posséder une langue unique (si l'on
néglige les dialectes d'une minorité d'aborigènes). Toutefois,
dans ces pays comme en Chine continentale, le style parlé est
différent du style écrit. Emploie-t-on pour les traductions de la
Bible et des textes liturgiques le style littéraire, celui-ci dépasse
le niveau moyen. Prend-on le style parlé, les gens cultivés font la
moue et estiment que c'est manquer de respect à la parole
sacrée. Les problèmes de langue sont nombreux et complexes
mais pas insolubles, comme nous le prouvent nos frères séparés
dont tous les services religieux se font dans la langue du pays.
3. Rupture avec la culture ambiante.
Il manque d'hommes qualifiés pour adapter la liturgie au
génie des différents peuples. Cette adaptation suppose des hom-
mes qui possèdent à fond et la tradition de l'Église et la culture
de leur pays. Pareils hommes devraient se recruter parmi le
clergé national; or cet alliage se rencontre rarement parmi eux,
parce que la formation du séminaire les coupe trop souvent du
patrimoine culturel qu'ils sont censés assumer et intégrer.
4. Traditionalisme.
Le traditionalisme inné des peuples d'Extrême-Orient est un
autre facteur qui freine le mouvement liturgique. La plupart de
nos chrétientés sont formées de populations agraires, attachées,
comme c'est le cas chez tous les paysans du monde, à leurs cou-
tumes ancestrales. Changer les formes du culte équivaut à leurs
yeux à changer la religion. Cette difficulté ne doit cependant pas
être majorée. Elle peut être résolue en faisant appel à un autre
caractère très marqué chez nos chrétiens, la fidélité au Saint-Père
de Rome. Si nos chrétiens sont tellement attachés à leurs églises
simili-gothiques, à l'usage du latin, à la forme des ornements
et de l'autel et aux cantiques importés d'Europe, c'est qu'ils
s'imaginent que ces formes font partie intégrante de la religion
chrétienne, et que cela se fait ainsi à Rome et dans toute la chré-
tienté. Du jour où ils comprendront que tel n'est pas le cas, et
que le Saint-Père lui-même est pour l'unité dans la diversité et
non pour l'uniformité, ils seront bien plus accueillants aux
changements.
5. Nos gens ne sont pas des intellectuels.
En mission, on a affaire à des gens en général très simples,
pour qui, même s'ils ne sont pas illettrés, comme c'est souvent
le cas, le texte écrit est peu utile. Dans ce sens, je viens de faire
une expérience intéressante dans une paroisse de Manille. Au
cours de la nuit pascale, pour éviter que les fidèles ne s'ennuient
pendant le long Exultet, on leur en a distribué le texte polycopié
en filipino. En passant par l'église, j'ai constaté que dix pour
cent environ suivaient le texte sur la feuille. Les autres récitaient
le chapelet ou se tenaient simplement debout, les bras croisés.

:
Pourtant je ne pense pas qu'il y eût des illettrés dans cette
foule c'était l'élite de la paroisse qui assistait à l'office de nuit.
C'est que, à la différence des Japonais, nos gens n'aiment pas
lire. De plus, nos fidèles ont été tellement habitués à être sépa-
rés de l'autel par le mur du latin, qu'ils ont perdu jusqu'à l'en-
vie de savoir ce qui se passe de l'autre côté!
Ce qui a freiné le plus le renouveau liturgique jusqu'à pré-
sent, c'est l'impression persistante dans une bonne partie du
clergé que c'est là, malgré tout, un mouvement d'avant-garde,
qui devance les directives de l'Église et s'aventure sur des voies
dangereuses. Si la deuxième session du Concile suit la direction
de la première, il n'y a aucun doute que ceux-là mêmes qui, par
fidélité à l'Église, se sont montrés à son égard les plus réticents
en deviendront, en raison de cette même fidélité, les plus ardents
promoteurs.
Manille.
PAUL BRUNNER, S. j.,
East Asian Pastoral Institute.
INDE

1 L est difficile d'établir un bilan de la situation liturgique en


Inde à cette époque conciliaire. C'est qu'il s'agit d'un pays
très vaste, un sous-continent, où les chrétiens ne forment

:
qu'une petite minorité. Une autre raison doit nous mettre en
garde contre toute généralisation hâtive c'est la diversité des
communautés chrétiennes, telles qu'elles existent à l'heure
actuelle.

Tableau de l'Église en Inde1.

Sur une population globale de quelque 43o millions, les catho-


liques sont en Inde environ 6.500.000. Pour les deux tiers, ils
vivent dans le Sud, c'est-à-dire dans les régions situées au sud
d'une ligne joignant Goa, sur la côte ouest, à Vizhagapatnam sur

: et
la côte est. On y rencontre les plus anciennes communautés chré-
tiennes, qui appartiennent à plusieurs époques de la prédication
évangélique d'une part les Églises dites syriennes (de rites
chaldéo-malabar syro-malankar),qui forment le groupe le plus
important et sans doute aussi le plus homogène (environ
1.700.000); d'autre part les Églises de rite latin, formées soit sous
l'égide du patronat portugais, soit, plus récemment, par les
missionnaires travaillant sous la direction de la S. Congré-
gation de la Propagande. Ces catholiques, qu'ils soient de langue
konkani (Goa et Mangalore), tamoul (État provincial de Madras),
télougou (État d'Andhra-Pradesh), malayalam (Kérala), ou ka-
nada (État de Mysore), sont au moins 2.400.000.
Dans les régions septentrionales, les plus étendues et les plus
habitées de l'Inde, se trouvent dispersés environ 2.500.000 catho-
liques. Certains se sont aussi trouvés sous la mouvance portu-
gaise, comme à Bombay et ses environs, au nord. (Gujerat) et au

I. J'ai surtout consulté, pour rédiger ce tableau, l'ouvrage de


Mgr THOMAS POTHACAMURY, archevêque de Bangalore, intitulé The
Church in Independent India, Bombay, 1961.
sud (Konkan), ou encore, en petit nombre, dans les deux Benga-
les, celui de l'Inde et celui du Pakistan. Il faut y ajouter des
dizaines de milliers de chrétiens provenant de Goa et de Manga-
lore, et qui se sont établis au cours des deux derniers siècles,
surtout dans les grands centres comme Bombay, Poona, Nagpur,
Hyderabad et Calcutta. Cette émigration a été suivie de celle des
catholiques venus du Kérala et du Pays Tamoul. Il faut aussi
mentionner les quelques milliers de chrétiens qui sont le fruit de
la fameuse mission dans l'empire mogol, soit à Agra, soit dans
le nord de la province de Bihar. Depuis un siècle et demi, la
prédication chrétienne a obtenu des résultats importants surtout
parmi les populations aborigènes, particulièrement dans le
Chota-Nagpur, les régions des Santals, et l'Assam, mais aussi
dans le Rajasthan. Un succès appréciable, bien que moins spec-
taculaire, a été réalisé parmi les gens dits de basse caste dans
l'Orissa, le pays des Mahrattes, le Gujerat, la Province du Nord
(Uttar-Pradesh), le Bihar, le Bengale et l'Assam.
Il ne faut pas oublier une cinquantaine de mille anglo-indiens
et eurasiens, que l'on trouve surtout dans des grandes villes et
centres industriels.
On comprendra qu'il nous est impossible de parler de tous et
de chacun, et surtout qu'il est très difficile de posséder une expé-
rience vécue de toutes les formes que revêtent la vie chrétienne
et la prière de l'Église à travers toutes ces populations.

Influences traditionnelles.

Dans une note publiée en i960 dans La Maison-Dieu (n° 61,


pp. 166-171), nous avions fait allusion aux circonstances qui
avaient, pour ainsi dire, retardé l'avènement du mouvement
liturgique en Inde. Nous tâcherons de les examiner ici d'un peu
plus près.
Les chrétientés indiennes, surtout celles formées avant la fin

:
du 19e siècle, sont restées fortement marquées par la spiritualité
des temps baroques et du siècle passé piété individualiste bien
que profonde — la dévotion à la sainte Eucharistie est intense et
la communion fréquente, remarquablement développée —, abon-
dance de dévotions, multiplication des statues et des petits sanc-
tuaires, sans compter le succès toujours considérable des grands
pèlerinages, surtout ceux à la Vierge Marie. Fait défaut, par
exemple, le sens de l'assemblée réunie pour une célébration
commune; encore que certains grands rassemblements, pour
telle ou telle fête, montrent que ce sens n'a pas complètement
disparu.
L'assistance à la messe basse consistait souvent dans la récita-
tion du chapelet, ou dans le chant d'hymnes, en anglais ou en
langue locale, qui n'étaient que rarement appropriées aux diffé-
rentes parties de la célébration. La messe dialoguée, même dans
les communautés religieuses, était rare, sinon inexistante. Une
messe communautaire avec des dialogues en. langue vivante, cela
ne se rencontrait guère que dans des cas exceptionnels, par
exemple des messes pour enfants, généralement le samedi.
Le dimanche, dans les paroisses urbaines principalement, on
avait comme messe type la messe chantée; mais le chant y était
réservé à un chœur plus ou moins bien formé. Sous l'influence
des pays méditerranéens, la polyphonie était en vogue pour les
célébrations les plus importantes. On peut même affirmer que le
chant grégorien, qui n'est pas si facile à exécuter, quoi qu'on en
dise, était peu ou prou le parent pauvre. Jusqu'à ces derniers
temps, surtout dans les paroisses d'influence portugaise, comme
à Mangalore, Goa, etc., la célébration des vêpres du dimanche
était assez fréquente, suivie, évidemment, du salut du Saint-
Sacrement, qui existe presque partout.
Les causes proches ou lointaines de cette atonie liturgique sont
à rechercher surtout dans les influences qui ont présidé à la
formation des communautés catholiques les plus anciennes. Ces
influences provenaient surtout du Portugal, puis de l'Italie, voire
de l'Irlande, pays tous fortement marqués par la spiritualité
individualiste des temps baroques. Il est possible aussi, quoique
ce soit difficile à établir concrètement, que la tradition religieuse
hindoue, d'où sont sortis la plupart de ces chrétiens, ne connaisse
guère le culte communautaire. Comme l'a écrit le P. Denis
Rutledge, O.S.B., « s'il était vraiment nécessaire, il y a quatre
cents ans, de former les Indiens selon un moule européen, alors
c'était peut-être la présentation portugaise de la foi qui se con-
formait plus immédiatement que d'autres aux instincts propres
de l'Inde2 ».
La description que nous venons de faire ne s'applique pas aux
chrétientés de formation plus récente, notamment celles qui,
comme dans l'archidiocèse de Ranchi ou les diocèses de Sambal-
pur et Indore, ont été formées par des missionnaires venus de
pays où le mouvement liturgique faisait déjà ses débuts. Non
seulement ils ont pu y introduire une pratique liturgique plus
vécue, mais ils ont aussi tenu compte des progrès des méthodes
missionnaires. Ils se sont souvent efforcés de conserver les habi-
tudes ancestrales de leurs chrétiens, et même d'adapter ces cou-
tumes à une vie liturgique plus saine.
2. D. RUTLEDGE, In Search of a Yogi : Himalayan Pilgrimage, Lon-
don,1962,p.90.
Nous ne pouvons passer sous silence les syriens catholiques de
l'Inde. La majorité d'entre eux appartient à la tradition syrienne
orientale, ou chaldéenne. Mais, il y a quelques années, la latini-
sation avait tellement affecté leur liturgie qu'elle était devenue
chose morte. Morte deux fois, pourrait-on dire, puisque non
seulement elle se servait du syriaque, langue bien morte, surtout
en Inde, mais elle avait traduit un bon nombre de textes latins
dans cette langue. Aussi ces excellents catholiques s'étaient-ils
lancés à corps perdu dans toutes les expressions possibles et
imaginables des dévotions secondaires, qu'elles fussent italien-
nes, espagnoles, ou françaises. La récitation du chapelet au
cours des célébrations était devenue presque générale.
Après sa conversion au catholicisme, en 1930, Mar Ivanios
amena bientôt à l'Église un nombre considérable de « frères
séparés ». Mais il y fit aussi entrer une liturgie syrienne (rite
syrien d'Antioche) extrêmement vivante, employant abondam-
ment la langue locale, et bien faite pour une participation active.
Souvent, ces catholiques, connus sous le nom de Syro-Malankars,
possédaient aussi une connaissance intime de la Bible, en vertu
de certaines influences d'origine protestante mais bien intégrées
à leur vie liturgique orientale. On peut affirmer que, jusqu'à ces
derniers temps, eux seuls possédaient une véritable vie liturgique,
et elle n'a pas été sans influencer une certaine prise de conscience
chez les laïcs cultivés de l'autre tradition rituelle. Ces derniers
ont pu ainsi se rendre compte du vide liturgique dans lequel ils
se trouvaient. Malheureusement, l'influence de l'Église malan-
kare est restée limitée à une région, le Kérala, et à un groupe
linguistique, le malayalam.
En outre cette influence s'est trouvée réduite par le manque
de formation liturgique dans les séminaires. Ce fait nous invite
à parler de la préparation liturgique dans les séminaires de
l'Inde. Elle était encore, il y a quelques années, des plus rudi-
mentaires, tant chez les clercs diocésains que chez les religieux.
Même la pratique liturgique la plus traditionnelle était fort
déficiente, puisque dans beaucoup de séminaires on n'avait le
dimanche ni messe chantée, ni vêpres chantées. On se contentait
de chanter la messe pour les grandes fêtes, notamment les fêtes
pascales. En 1948, Mgr J. Léonard, S.J., archevêque de Madurai,
et président de la commission des séminaires du C.B.C.I. (Catho-
lie Bishops Conference of India, avec son Standing Committee ou
Comité Permanent) suggérait les moyens d'obtenir une vie litur-
gique plus intense et donc une éducation liturgique plus régu-
lière et plus profonde3. Quatre ans plus tard, il devait revenir à

3. Report of Meetings of Working and Stdnding Committees of


la charge sur le même sujet, en s'adressant notamment aux
séminaristes des deux rites syriens4.
On ne peut guère dissocier la vie liturgique d'une connaissance
-
vécue de la Bible. Ici encore, il faut avouer que jusqu'à présent
le peuple catholique de l'Inde est resté étranger au mouvement
général de l'Église. Il devait souvent rester sur sa faim, car pour
bon nombre de langues, on ne possédait pas de traduction com-
plète du livré sacré, sauf celles publiées par les protestants,
évidemment. Il n'y avait que le tamoul à jouir d'une édition
complète de la Bible, encore que vieillie, sauf pour le Nouveau
Testament. En ce qui concerne ce dernier, la situation était
meilleure, mais elle laissait encore à désirer, au moins pour les
traductions complètes et les textes originaux. Par exemple, il
n'existe pas encore de Nouveau Testament, en konkani, que
parlent quelque 600 ou 700.000 catholiques goanais et manga-
loriens.

Progrès récents.

Nous avons fait remarquer déjà brièvement, dans la note de La


Maison-Dieu citée plus haut, que le véritable début du mouve-
ment liturgique en Inde est tout récent; mais on peut affirmer
qu'il est bien parti.
Nous ne reviendrons pas sur l'importance des deux sessions
liturgiques qui se sont tenues dans le Nord et dans le Sud en
1958. Elles s'insèrent dans une série de sessions touchant les
problèmes de l'adaptation, et donc aussi du renouveau liturgi-
que. En 1956 et 1957 se tinrent à Pachmarhi, dans la Province
centrale (Madhya Pradesh) les deux premières Conférences Inter-
diocésaines pour le clergé; en 1957, elles se complétèrent d'un
cours d'été pour les religieuses. C'est à la session de 1956 que,
pour la première fois peut-être, une réunion importante de pré-
lats et de prêtres proposa publiquement l'usage étendu de la
langue vivante dans les offices, l'adaptation de coutumes et fêtes
locales, surtout dans la paraliturgie, la restauration des ordres
mineurs en faveur des catéchistes, etc. 5.
A la suite de cette première Conférence, les évêques de la
province centrale établirent une commission interdiocésaine pour

the C.B.C.1. (que nous désignons désormais par le mot Report), Banga-
lore,1948,p.41.
4.Report,1952, 121-122.
5. ApostolicApproach, Souvenir of the first Inter-Diocesan Con-
férence of Priesis, Pachmarhi, 12th to 171h June 1956, Nagpur, 1956,
pp. 44-45.
l'adaptation liturgique, dont on recueillit les premiers fruits
l'année suivante, car ses suggestions furent adoptées par la
Conférence de 1957. Les sujets étudiés étaient toutefois les
mêmes qu'en 19566.
thème :
La semaine d'études qui eut lieu à Madras en 1956 avait comme
la culture indienne et la plénitude du Christ. Bien que
centrée principalement sur l'art et ses expressions visibles dans
l'Inde moderne et traditionnelle, sur la philosophie et l'éduca-
tion, elle n'évita pas pour autant les problèmes soulevés par la
liturgie et son adaptation. On y parla de la relation entre symbo-
lisme et liturgie, des coutumes socio-religieuses, de la musique
liturgique adaptée à l'Inde, de paraliturgie et de messe commen-
tée, et même de liturgies orientales. On y insista fréquemment
sur l'importance d'une liturgie renouvelée et adaptée pour rendre
l'Église en Inde pluscapable de s'incarner véritablement7. Enfin,
c'est à cette semaine d'études que fut préparée celle de 1958, plus
directement reliée au mouvement liturgique, et dont nous avons
déjà parlé précédemment.
C'est donc dans une atmosphère très favorable qu'en novem-
bre 1957 le C.B.G.I. décida d'établir une Commission Nationale
d'Apostolat Liturgique, complétant d'ailleurs la commission de
catéchétique, puisqu'elle ne faisait que prolonger la tâche de
cette dernière. Selon les paroles mêmes de son président,
Mgr Marc Gopu, archevêque d'Hyderabad, l'objectif principal
de cette Commission était « la participation active du laïcat à la
liturgie de l'Église, en particulier au saint Sacrifice de la
messe8 ». Mgr Gopu, d'ailleurs, ne se faisait guère illusion sur
l'immensité du travail à accomplir; en 1960, il signalait à la
réunion annuelle du Comité permanent du C.B.C.I. « le lent
réveil en Inde concernant l'importance de la liturgie. il reste
beaucoup à faire pour promouvoir l'apostolat liturgique9 ».
Mgr Gopu n'était pas le seul évêque à comprendre qu'il fallait
partir presque à zéro. En 1956, Mgr Léonard, de Madurai, était
revenu sur le sujet de la formation liturgique des futurs prêtres,
en suggérant des cours plus approfondis et une documentation
plus abondante mise à la disposition des séminaristes10. A la
même réunion, Mgr W. Bouters, évêque de Nellore, exposa les
résultats d'une enquête faite auprès des évêques sur les relations
entre la liturgie et l'apostolat. Il affirma que la majorité des

6. Id., May 1957, pp. 44-48.


7. Indian Culture and the Fullness of Christ, AU India Sludy Week,
6th-13th December 1956, Madras, 1957.
8.Report,1957, p. 79.
9.Report, 1960, pp. 78 et 70.
10.Report,1956, pp. 16-18 et 22.
évêques de l'Inde étaient d'accord pour trouver que les valeurs
pastorales de la liturgie n'étaient pas suffisamment comprises et
exploitées. « Nous sommes cinquante ans en retard. » Cette situa-
tion était due, selon le rapporteur, à des causes multiples comme
le manque de formation liturgique du clergé, le caractère indi-
vidualiste de la piété des catholiques (hymnes chantées durant la
messe sans rapport avec celle-ci; multiplication de dévotions qui
ne sont pas toujours de bon aloi, etc.). Il nota aussi le désir
souvent exprimé d'un emploi plus large des langues vivantes,
d'un chant communautaire plus adapté. Il termina en souhaitant
la création d'une commission liturgique pour tout le pays11.
Le réveil qui était nécessaire se manifesta assez rapidement.
Nous en avons déjà signalé certains aspects en 1960. Il est certain
que le séjour en Inde du P. J. Hofinger, S.J., du centre catéché-
tique de Manille, en 1957 et 1958, permit des rencontres fécondes
et aida à établir le mouvement sur des fondations solides; non
sans certaines oppositions, parfois. Ce fut le cas aussi de la visite
prolongée du P. A. Gray, O.M.I., chargé de la section de l'apos-
tolat liturgique du Centre catholique à Ottawa (Canada). Durant
l'hiver 1957-1958, il répandit la bonne semence liturgique et
pastorale dans de nombreux séminaires et groupes d'Action
catholique.
Cette véritable prise de conscience de la valeur spirituelle et
pastorale de la liturgie s'exprima aussi par la participation impo-
sante de représentants de l'Inde à la session de Nimègue en
,
septembre 1959 (cardinal Gracias, de Bombay; Mgr Thomas
Pothacamury, de Bangalore; Mgr Eugène D'Souza, de Nagpur;
P. Divarkar, S.J., de Bombay; R. Antoine, S.J., de Calcutta;
B. Griffiths, O.S.B., de Kurisumala, Kérala, etc. 12),et à la
session d'Eichstatt en 1960
i( (cardinal Gracias; Mgr Joseph Atti-
petty, de Vérapoly; Mgr Joseph A. Fernandez, de la Nouvelle-
Delhi; Mgr Marc Gopu, d'Hyderabad; Mar Gregorios (syro-malan-
kara), de Trivandrum; Mgr Thomas Aghiswamy, S.J., de Kottar;
Mgr André D'Souza, de Poona; Mgr Joseph A. Evangelisti, de
Meerut; Mgr L. L. Morrow, de Krishnagar; Mgr Mathieu Potana-
muzhi (chaldéo-malabar), de Kothamangalam; Mgr L. Raymond,
d'Allahabad; Mgr Conrad de Vito, de Lucknow; avec quinze
autres participants, tous prêtres (sauf une religieuse), dont un
bon nombre de missionnaires d'origine européenne13). Achacune
de ces sessions, des rapports furent présentés par des évêques

11.Id., pp. 73-78.


12. J. HOFINGER, S.J. Éd., Liturgy and the Missions, The Nijmegen
Pàpers, New York, 1960.
13. Renouvellement de la Catéchèse, Rapport de la semaine inter-
-
nationale d'études d'Eichstatt, Paris, 1961.
indiens, et le rôle qu'y joua le cardinal Gracias ne fut pas le
moindre. Il montra combien lui et bien d'autres étaient devenus
sensibilisés aux problèmes de la pastorale liturgique et catéchéti-
que dans un pays de mission tel que l'Inde.
Une autre expression du mouvement liturgique en Inde fut la
création du Centre Catéchétique de Poona, dirigé par les Pères
Jésuites, mais sous les auspices du C.B.C.I. Son influence s'est
déjà fait sentir un peu partout, principalement au point de vue
de l'adaptation catéchétique. Beaucoup plus ancien, bien que
constamment mis au point, est le centre catéchétique du pays
Tamoul, à Tindivanam, fruit du zèle du regretté P. Gavan-Duffy,
M.E.P. Depuis quelques années, il s'est tourné davantage vers les
rapports entre la catéchétique et la liturgie vivante, et il promet
actuellement beaucoup pour un renouveau chrétien dans le Sud
de l'Inde.
Entre-temps, on enregistra un net progrès dans l'éducation
liturgique au séminaire, par exemple par une célébration plus
consciente du dimanche, avec les Complies chantées ou récitées;
mais il manquait encore une intégration de l'esprit et la pratique
de la liturgie dans toute la vie14.
A la fin de septembre 1962, la Hiérarchie de l'Inde se réunit à
Delhi pour sa réunion quinquennale. Le cardinal Gracias la pré-
sidait, ayant à ses côtés le cardinal Agagianan, préfet de la
S. Congrégation de la Propagande, et l'Internonce en Inde,
Mgr Knox. Quelques décisions de cette assemblée, approuvée en
1962 par la même Congrégation, se sont occupées du mouvement
liturgique dans les séminaires, dans la vie sacerdotale et dansle
peuple chrétien; des cours furent envisagés en faveur des reli-
gieuses. L'assemblée pria aussi l'Internonce d'obtenir la permis-
sion d'utiliser la langue vivante dans la liturgie de la Parole et
pour toutes les parties chantées de la messe15.
En fait, une province ecclésiastique (Agra, en 1958)16 et plu-
sieurs diocèses (Madras en 1958 et 1959; puis Ranchi, Sambalpur,

:
Calcutta et Krishnagar) jouissaient déjà d'induits qui se ressem-
blent de très près et peuvent se résumer ainsi commun de la
messe chanté en langue vivante (l'induit incluant souvent.
l'anglais) sans restriction apparente quant à la traduction litté-
rale; lectures de la messe, de même, après la proclamation en
-
latin; lectures bibliques des trois derniers jours de la semaine
sainte à proclamer directement en langue vivante, excepté la
Passion du vendredi saint, si elle est chantée (ceci semble bien

14.Report, 1958, pp. 4o, 49-52.


15. Report of the Quinquennial Meeting of the C.B.C.I., 1960,
Bombay, 1962, pp. 52, 54, 73, 75-76.
16. Clergy Monthly (Ranchi), 22 (1958), pp. 189-190.
avoir été supprimé en 1959); encensements aux messes non
chantées de communauté; messe chantée par l'évêque sans
ministres; un plus grand nombre de bénédictions du rituel en
langue vivante, tous les exorcismes en restant cependant exclus.
En 1962, Mgr Marc Gopu pouvait affirmer qu'un effort consi-
dérable était en cours pour initier les fidèles à une vie liturgique
plus réelle, en particulier par l'adaptation du sermon dominical
à l'année liturgique17.

Les publications liturgiques.

Rituale parvum) en langues indiennes :


Il faut d'abord mentionner les rituels (Collectio rituum,
hindi (deux éditions,
195o et 196 1, la seconde marquant un progrès sensible sur la
première); mahratti en 1953; konkani (en caractères romains) en
1954; telougou en 1955; tamoul en 1957; bengali en 1957;
ourdou (pour le Pakistan, et en caractères romains) en Ig58;
gujerati en 1962. Il manque encore des traductions en malaya-
lam, kanada, punjabi, ourya et assamois. Rappelons seulement
que le mouvement fut déclenché par une lettre de l'Internonce
d'alors, Mgr Léon P. Kierkels, C. P., du 8 juillet 1949, et que le
rituel allemand a en partie servi de modèle. Aucun rituel ne fait
état du baptême des adultes, et plusieurs restent pauvres pour la
section consacrée aux bénédictions; quelques-uns omettent même
le texte des funérailles. Dans l'ensemble, ce sont les rituels en
hindi et en bengali qui sont les plus réussis. Ce dernier est peut-
être le plus complet et le plus authentique du point de vue
littéraire.
Notons aussi que le rituel anglais (recension américaine, 1954)
a été introduit officiellement en Inde.
Il serait fastidieux de dénombrer toutes les publications qui
ont paru en Inde depuis quelques années. Il faut pourtant en
mentionner certaines, ne fût-ce que pour donner un aperçu des
tendances qui se manifestent ici et là.
Seul le tamoul, je crois, possède une traduction complète du
missel romain à l'usage des fidèles. C'est un succès. On trouve
des missels du dimanche et des fêtes en hindi (1952 et 19.57), en
bengali, en mahratti et peut-être dans d'autres langues, comme
le malayalam. On nous annonce une édition en konkani. En
1957 parut à Ranchi une traduction complète en hindi des offices
réformés de la semaine sainte.
Nombreux sont les recueils de chants, dans les diverses lan-

17.Report,1962,p.36.
gues, sur des modes indiens, soit dans la tradition septentrionale,
dite hindoustani, soit dans celle du Sud, appelée carnatique. On
peut noter, dans ce domaine, un vigoureux effort de renouvelle-
ment. C'est le cas des publications du regretté P. Edmond,
capucin d'origine canadienne-française, qui a aussi à son actif la
fondation et le développement de cours d'été pour la musique
hindoustanie, dont le succès reste remarquable. Le P. G. Proksch,
S.V.D., a fondé un centre de musique indienne près de Bombay;
il est aussi fort connu pour ses chants bien enlevés, et pour avoir
mis à contribution la riche tradition chorégraphique de l'Inde.
On a même été jusqu'à préparer et publier un texte complet du
commun de la messe en sanscrit (traduction du P. R. Antoine,
S.J., de Calcutta) mis en musique indienne par le P. Edmond.
Il faut surtout mentionner les chants mieux adaptés aux par-
ties successives de la messe, comme ceux contenus dans le
recueil hindi publié en 1957 par le P. R. Sah, S.J., ou utilisant
les langues et la musique de certaines tribus, comme les recueils
ouraons et santalis.
Le Pays Tamoul possède une riche tradition artistique et musi-
cale, et, sans nier le fait d'infiltrations européennes, c'est sans
doute dans le Sud que l'on trouve les recueils les plus anciens,
ne fût-ce qu'en raison de l'ancienneté de ces communautés. Plus
récemment, l'abbé Mariarokianathan, de Coimbatore, a publié
une série d'hymnes composées par lui, en vers, sur des mélodies
de sa région. C'est un effort remarquable de renouvellement de
l'hymnodie traditionnelle. Mentionnons aussi l'abbé Swami
Amaladasan, qui est connu même en Europe pour ses publica-
tions hymnodiques fortement marquées par le renouveau litur-
gique.
Quelques psaumes traduits en tamoul et adaptés sur des
modes indiens ont été publiés, en 1955, par le centre catéchétique
de Tindivanam. Ils font pendant à la publication par le
P. Edmond de 12 psaumes en traduction poétique hindie; six
sont chantés comme hymnes, et les autres, comme récitatifs.
C'est en 1960 que les Pères du Verbe divin offraient une belle
traduction en hindi des offices de Prime et de Complies, avec
certains allégements, par exemple, pour le nombre de psaumes.
Déjà avant la fameuse Instruction de la Sacrée Congrégation
des Rites de 1958, on avait publié, ici et là, des essais pour ren-
dre la participation à la messe plus communautaire. C'était le
cas par exemple de Krist-Yag (« Le Sacrifice du Christ »), pu-
Ranchi en 1953,
blié à Pian.ciii 14 qui donne six séries de prières en hindi
pour accompagner le déroulement de la messe basse. On
tenta déjà de pourvoir au besoin d'offices dominicaux sans prê-
tres, comme le montre le livret mahratti publié à Poona en 1957,
A la suite de la réforme de la semaine sainte et de l'Instruc-
tion de 1958, on assista à une véritable floraison de publications.
Certaines donnaient un texte commenté des nouvelles cérémo-
nies, soit en anglais, soit en langue du pays. La plupart avait
un but plus général; tantôt elles veillaient à éduquer le sens
liturgique, surtout chez les jeunes, tantôt elles devaient servir
d'aide pour promouvoir la participation active. Un des livrets
les plus intéressants est celui publié par le diocèse de Jabalpur
(Madhya Pradesh) en 1958. Il offre un essai de messe commu-
nautaire, avec traduction anglaise et hindie, à laquelle on a
ajouté les répons et les textes notés du Commun latin de la
messe chantée. Du centre de Tindivanam est sortie en 1961 une
courte Introduction à la liturgie destinée aux écoles primaires du
pays tamoul. Les brochures publiées par celui de Poona s'effor-
cent aussi de répandre la connaissance et l'esprit de la liturgie
vivante. Ajoutons que le nouveau catéchisme allemand a été
publié en Inde dans une traduction anglaise adaptée (1959), et
que des adaptations en langues indiennes sont en cours de publi-
cation. Celles en malayalam et en hindi sont déjà parues durant
ces huit derniers mois. On peut en attendre beaucoup pour pro-
mouvoir le renouveau biblique et liturgique.
Un événement capital pour le renouveau liturgique s'est pro-
duit, dans l'Église chaldéo-malabare, le 3 juillet 1962. Les
archevêques et évêques de ce rite ont promulgué l'édition réfor-
mée du missel en langue malayalam. Il s'agit essentiellement de
l'Anaphore des Apôtres Addai et Mari, avec l'ensemble de
l'Ordinaire tant pour le célébrant que pour les servants et les
fidèles. A part quelques morceaux conservés en syriaque, desti-
nés à la récitation à voix basse (excepté le récit de l'institution)
tout le reste est en langue vivante. Les livrets destinés aux fidè-
les ont été répandus à profusion, bien que leur introduction dans
toutes les paroisses ne se fasse qu'assez lentement. En 1961, le
P. Abundius C.M.I. (Carme de Marie Immaculée, congrégation
de ce rite) avait publié un beau volume qui contenait une excel-
lente introduction à cette liturgie restaurée.

Enquêtes et questions pastorales.

Parmi les développements récents du renouveau liturgique,


il faut mentionner la formation de comités régionaux d'aposto-
la liturgique, en particulier ceux du Pays Tamoul et de la Pro-
vince centrale (Madhya Pradesh).
Ce dernier a lancé deux enquêtes successives parmi son clergé,
étendu quelque peu en dehors des frontières de sa province.
Celle de 1960 concernait l'adaptation de la messe; celle de 1961
avait trait au même problème concernant les sacrements, sacra- -
mentaux et cérémonies populaires18. Il serait trop long d'énumé-
:
rer toutes les impressions recueillies par les enquêteurs. Notons
seulement les points les plus importants l'insistance assez géné-
rale sur l'usage plus étendu de la langue parlée; l'intégration de
coutumes indiennes, devenues souvent plus sociales que reli-
gieuses; l'élargissement du rituel de façon à inclure un plus
grand nombre de prières litaniques, de processions, de bénédic-
tions; une certaine hésitation au sujet du diaconat permanent,
qu'une minorité accepterait pour les catéchistes mariés, mais que
d'autres préféreraient voir conférer à des célibataires laïques,
sinon à des Frères.
Il semble qu'en un certain nombre de diocèses, surtout dans
le Nord, ainsi que dans les écoles, la procession d'Offertoire
s'est déjà répandue assez largement. La messe communautaire,
également, est en faveur, surtout pour les enfants. Dans les
paroisses, elle se rencontre plus rarement; il semble que cela
soit dû surtout au manque de formation. On la voit cependant
pratiquée avec succès dans des paroisses urbaines comme celles
de Bombay, Calcutta et Madras.
Au sujet de la procession d'Offertoire, la coutume en vigueur
dans le diocèse de Raigarh-Ambikapur (Madhya Pradesh) est
digne d'intérêt. Chaque jour, avant de cuire le riz, la mère de
famille entourée de ses enfants met de côté une poignée de riz,
« la part de Dieu ». Une petite cérémonie accompagne ce geste.

la prière suivante :
Après le signe de croix tous s'agenouillent, et la mère prononce
« 0 Père céleste, nous souvenant du saint
Sacrifice de la messe, je mets de côté un peu de riz. De grâce,
regarde-nous, grands et petits, et vois notre pauvreté
répondent « Amen », Tous ».
et se relèvent après avoir fait le signe de
croix. Le dimanche suivant, le riz mis de côté par les familles
est rassemblé dans de grands paniers et, au moment de l'Offer-
toire, deux représentants de la paroisse les portent au célébrant
en signe de participation au sacrifice.
Je n'ai qu'une expérience fort réduite de ce qui se fait actuel-
lement dans le domaine de la participation, et de l'adaptation.
Sur le territoire du diocèse de Darjeeling, où je vis habituelle-
ment, un certain degré de participation a été encouragé depuis
dix ou quinze ans grâce au zèle des Chanoines réguliers de
Saint-Maurice-en-Valais (Suisse) et des Jésuites canadiens-anglais
qui se partagent l'apostolat dans ce diocèse. C'est ainsi qu'il est
presque devenu normal dans plusieurs paroisses de chanter en

18. Clergy Monthly, 25 (1961). pp. 320-323; 26 (1962), pp. 29-30.


commun l'Ordinaire de la messe en latin, et de répondre au célé-
brant. On y a adapté une version en langue népalaise et en
musique indienne des vêpres solennelles de la Vierge. L'an der-
nier, j'ai participé d'assez près aux offices de la semaine sainte
dans une des missions de ce diocèse, composée exclusivement
de chrétiens venus de la région de Ranchi (tribus ouraonnes et
mundas), dont la langue est l'hindi. Les catéchistes et insti-
tuteurs du lieu avaient reçu une préparation spéciale afin de faire
participer les fidèles aux offices. Un de nos étudiants en théolo-
gie, qui appartient à la région de Ranchi, avait minutieusement
préparé un commentaire de tous les offices. La plupart des lec-
tures bibliques ont été lues en hindi par les laïcs préparés à cet
effet. Chants et service des cérémonies furent exécutés avec brio
par des jeunes bien stylés. Il faut donc conclure que tout s'est
accompli avec le maximum de participation que l'on pouvait
espérer, et la Nuit pascale, célébrée en plein air comme les
autres offices, apparut vraiment comme le sommet de l'année
liturgique, conformément au vœu de l'Église.

Problèmes actuels.
Bien que très désirable, et généralement fortement désiré,
l'usage de la langue vivante n'est pas la panacée envisagée par
certains. Il resterait encore à éduquer les fidèles, et aussi à pro-
poser une liturgie plus simple, plus vivante, plus adaptée aux
conceptions religieuses de l'Inde.

- On entend souvent l'objection suivante : dans bien des cas,


presque exclusivement, d'ailleurs, dans les villes et les cen-
tres industriels — l'usage de la langue vivante offre des difficul-
tés réelles en raison de groupes linguistiques différents. Ceci
est à la fois vrai et faux. C'est vrai si l'on s'arrête aux impressions
immédiates; c'est faux si l'on est suffisamment convaincu que
les solutions pratiques doivent être d'abord essayées avant d'être
finalement adoptées. Pour les célébrations qui réclament la pré-
sence de tous les paroissiens, il faudrait employer la langue la
plus communément employée, par exemple l'hindi, ou même
l'anglais. Remarquons encore que cela ne devrait pas empêcher
certaines régions linguistiques bien déterminées de jouir de
l'usage de leur langue propre dans la liturgie.
Comme l'avait déjà noté en 1956 Mgr J. Malenfant, O.F.M.19,
il reste encore beaucoup à faire pour adapter les coutumes
locales, surtout dans les communautés les plus récemment for-
mées. Ce n'est pas que cet aspect capital de l'apostolat liturgique
19. Aposlolic Approach, 1956, pp. 16-22.
ait été totalement négligé. Mais il n'y a guère eu d'efforts concer-
tés et intelligents en vue de cette intégration. Il faudrait pour
cela pénétrer davantage la psychologie religieuse du monde non
chrétien dont sortent ces communautés, son sens du symbolisme,
la signification réelle des fêtes annuelles, etc. C'est aussi le cas
des attitudes corporelles de la prière. Le rite latin reste, dans
l'ensemble, une tradition étrangère au pays, occidentale, et qui
n'a pas pris racine en Inde. Quant aux deux rites syriens,
ils sont certainement plus adaptés, et même adaptables, mais
n'oublions pas qu'ils n'ont pas fait grand-chose pour devenir
plus indiens. Par exemple, on a noté récemment l'intérêt que
porte l'hindou normalement cultivé à l'art des icônes. Un
voyageur récemment rentré de Russie l'a noté. Ses compagnons
hindous ne manquaient pas de le presser fréquemment d'aller
voir les icônes. Mais l'art des églises syriennes de l'Inde s'est
presque totalement européanisé, et le peu de beauté qu'elles
»
possédaient autrefois a été recouvert d'un « bazar genre Saint-
Sulpice, toujours, hélas! très en vogue.
Au fond, la solution réelle, bien que difficile, serait de faire
revivre en Inde la période qui correspond à la formation des
grandes familles liturgiques; rien de moins, évidemment, qu'un
vrai retour aux sources. Ce retour pourrait s'inspirer de la tradi-
tion syrienne, la plus ancienne, la plus proche aussi, à certains
égards, du génie religieux de l'Inde; mais les catholiques de
l'Inde y développeraient leur expérience religieuse de façon à
créer des formes de culte plus authentiques. Car ce qui manque
actuellement, c'est que l'arbre planté prenne racine. La vie
chrétienne est arrivée ici telle qu'elle était vécue en Europe après
des siècles d'approfondissement. De là une tendance à imiter, à
recevoir, plus qu'à choisir et à créer.
Comme l'a écrit récemment le P. P. Diverkar, S.J., de Bom-
bay, « sincère mais non authentique, voilà le jugement qui me
vient sans cesse à l'esprit quand j'examine la vie catholique de
notre pays. nous ne pouvons pas produire des formes authenti-
ques de culte parce que nous manquons de la vitalité nécessaire, et
nous n'avons pas la vitalité nécessaire parce que nos formes de
culte ne sont pas authentiques. notre foi manque de maturité,
en dépit des siècles de christianisme en Inde, précisément
parce que nous n'avons pas commencé par le début ni grandi
de façon normale. Ce dont nous avons besoin, ce n'est pas
tellement d'une adaptation locale du rite latin ou du passage à
un rite oriental, que d'un retour aux sources du culte chré-
tien20».

20. P. DIVARKAR,S.J., The liturgy in India : ils position and pros-


pects dans Jeunes Eglises (Élisabethville), octobre 1962, pp. 130-131.
Il me semble qu'un tel retour aux sources demanderait da-
vantage que des commissions, des associations, et même une
éducation liturgique plus poussée. Ce qu'il faudrait surtout, ce
sont des monastères de contemplatifs. L'Inde a toujours consi-
déré la vie du sanyassi, du moine, comme son idéal religieux
le plus profond et le plus vrai. Et l'on sait aussi le rôle irrem-
plaçable, bien que parfois limité, que les monastères ont joué,
et jouent toujours, dans le renouveau liturgique actuel, qu'il soit
européen, américain ou africain. Or l'Inde catholique actuelle
ne possède que deux monastères organisés dignes de ce nom.
C'est bien peu pour un continent et pour le nombre des chré-
y
tiens qui vivent. Des centres monastiques plus nombreux per-
mettraient d'élaborer cette nouvelle synthèse liturgique qui
serait pour les paroisses, fût-ce au prix de quelques correctifs
indispensables, d'un apport appréciable.

St Mary's Theological College,


Kuresong, West Bengal, India.

E. R. HAMBYE, s. j.
ITALIE

1 L ne peut être question de faire un bilan complet ni de porter


un jugement décisif sur l'état du renouveau liturgique ita-
lien. La situation, comme on le verra clairement plus loin,
est complexe et délicate. Pour mieux la comprendre il est bon de
rappeler quelques généralités et de jeter un coup d'œil sur
l'histoire du mouvement liturgique.
Depuis un siècle seulement l'Italie a réalisé son union politi-
que; et il apparaît que cent ans, c'est peu pour combler les
divisions que tant de siècles ont opérées dans la mentalité et les
coutumes d'un peuple. La position géographique du pays contri-
bue elle-même, malgré l'émigration interne, à maintenir les
différences sociales, culturelles et économiques entre les popula-
tions des parties septentrionale, centrale, méridionale et insu-
laire.
Sur le plan religieux, la situation est tout aussi défavorable.
Sur un territoire d'environ 3oo.ooo km2, même si l'on tient
compte des 5o millions d'habitants, on ne compte pas moins de
280 diocèses qui semblent autant de morceaux d'une mosaïque.
Un tel nombre d'évêques ne facilite pas les contacts personnels
ni les rencontres pour étudier une action pastorale commune. La
constitution de la Conférence Épiscopale Italienne remonte à
1959 et la première assemblée de l'Épiscopat s'est réunie le
14 octobre 1962, durant la première session du Concile œcumé-
nique Vatican II.
Par ailleurs, le peuple italien est naturellement traditiona-
liste, peu amateur de nouveauté, difficile à discipliner et plutôt
porté à s'isoler, au moins au point de vue religieux. Sa piété,
liée à des formes extérieures, fait grande place au folklore,
surtout dans certains lieux, et s'exprime par une grande dévotion
aux saints, favorisée par un nombre considérable de sanctuaires
et de reliques.
Pourtant le réveil liturgique, sous forme du mouvement gré-
gorien, remonte aux dernières années du 19esiècle1. 1914
peut être considéré comme l'année de la naissance officielle du
mouvement liturgique italien, avec la publication de la Rivista
Liturgica par les Pères Bénédictins de Finalpia. Ces Bénédictins,
avec ceux de Parme, furent vraiment les pionniers et les géné-
reux apôtres du mouvement, au milieu des plus grandes diffi-
cultés. Ils surent promouvoir et multiplier initiatives et
publications. Rappelons le premier Missel quotidien de l'Abbé
Caronti, puis le Bréviaire et le Rituel du P. Battisti. En 1922 sort,
à Parme, le Bollettino Liturgico; et en 1933, à Turin, la troisième
revue Liturgia, due au Salésien Vismara. Ces deux revues ont
disparu avec la dernière guerre mondiale. A Milan, pour le rite
ambrosien, naissent, sur l'initiative de Mgr Dotta, d'abord la
revue Ambrosius, puis un Missel quotidien.
Deux centres importants de diffusion sont alors à signaler :
nom indique le programme :
c'est d'abord à Gênes où, en 1928, se constituait autour de
Mgr Moglia un mouvement de prêtres et de religieuses, dont le
Apostolato Liturgico; puis à Milan
où le P. Gemelli, Franciscain, instituait en 1929, près du siège
de l'Université catholique qu'il avait fondée, l'Opera della Rega-
lità di Nostro Signore Gesu Cristo,-dont l'un des buts est l'apos-
tolat liturgique populaire.
De son côté, l'Associazione Italiana di S. Cecilia travaillait
activement au renouveau de la musique sacrée. Il semblait alors
que l'Italie se trouvait sous le signe d'une vigoureuse renaissance
liturgique. De fait, ce furent là des années — spécialement de
1931 à 1940 — de grande activité et de rupture avec une menta-
lité et des formes traditionnelles de piété. Le peuple, qui fut
directement atteint, en particulier les membres de l'Action
catholique, répondit à l'appel avec empressement. Parmi un
grand nombre de publications, deux livres connurent une très
:
grande faveur auprès du public et contribuèrent à créer un
nouvel esprit de spiritualité liturgique le Liber Sacramentorum
du cardinal Schuster, et l'Anno liturgico (traduit de l'allemand)
de Pius Parsch.

1. Pour l'histoire du mouvement liturgique en Italie, on peut


consulter : A. BERNAREGGJ, Le Mouvement liturgique en Italie, dans
Cours et Conférences des Semaines liturgiques, Louvain, 1931, t. IX,
pp. 29-48; R. FALSINI, Padre Gemelli e la rinascità liturgica in Italia,
Milan, 1961; S. MARSILI, Storia del movimento liturgico in Italia
dalle origini all'enciclica Mediator Dei, dans O. ROUSSEAU, Storia del
movimento liturgico (traduit du français), Éd. Paoline, 1961, pp. 253-
369. Pour le rite ambrosien P. BORELLA, Milano nella storia del movi-
mento liturgico, dans Ambrosius, 34 (1958), pp. 136-145; Movimento
scientifico, dans Ambrosius, 36, suppl. n. 6 (1960), pp. 69-81; E. MONETA
CAGLIO, Movimento liturgico ambrosiano, dans O. RoussEAu, op. cit.,
pp. 371-378.
Arrêté par la guerre, ce développement prometteur reprit en
même temps que la publication de Mediator Dei, avec l'initiative
d'un Centre national se proposant de regrouper les divers orga-
nismes et les forces dispersées. Quelques diocèses, même,
créèrent une Commission liturgique diocésaine.
Ce que nous exposons se réfère aux efforts accomplis en ces
quinze dernières années2. Notre tour d'horizon sera nécessaire-
ment incomplet à cause de l'absence d'un centre de documenta-
tion. Je remercie vivement tous ceux qui m'ont fourni des
renseignements utiles à la rédaction du présent article.

I. — L'ORGANISATION

Le mouvement liturgique italien se manifeste dans une série


d'initiatives, de centres, de publications qui, tout en témoignant
d'une grande activité en la matière, sont l'indice de son fraction-
nement et de sa dispersion.
Nous nous contenterons d'en donner un tableau général, en
passant en revue les initiatives déjà prises ou en cours.

1. :
Décisions de l'Êpiscopat
giques diocésaines.
Directoires et Commissions litur-

Contrairement à tant d'autres pays, l'Italie ne possède ni


Directoire national pour la participation à la messe et aux
sacrements, ni Rituel bilingue, ni lectionnaire. L'institution
récente de la Conférence Épiscopale Italienne (C.E.I.) n'a pas
encore permis d'aboutir à quelque commune initiative dans ce
secteur de la vie pastorale. Toutefois la Commission pastorale
de la C.E.I., aidée par un Conseil national d'experts, a com-
mencé la préparation d'un Directoire national pour la messe.
Elle pourra, par la suite, s'occuper d'un rituel bilingue, d'un
lectionnaire, etc.
Bien des évêques, en leurs propres diocèses, ont publié d'inté-
ressantes lettres pastorales sur les problèmes liturgiques, ont
organisé des congrès et des journées pour leur clergé, ont formé
des Commissions liturgiques, préparé des directoires diocésains
pour la messe, stimuléde différentes façons la participation des

Voir les rapports annuels de M. MIGNONE, dans Paroisse et Liturgie,


2.
38 (1956), pp. 155-158; 4o (1958), pp. 210-21/1; 41 (1909), pp. 222-225;
42 (1960), pp. 258-261; 43 (1961), pp. 263-264; 44 (1962), pp. 284-286.
fidèles à la liturgie. Rappelons notamment la lettre pastorale que
S. S. Paul VI, alors archevêque de Milan, adressait à son dio-
cèse pour le carême de 1958 et dont la traduction française a
été publiée dans le n° 55 de cette revue3. Cette lettre, par
laquelle le cardinal Montini reprenait à son compte tout l'acquis
du renouveau liturgique, et qu'il consacrait à l'éducation litur-
gique, constituait un programme dont on peut penser qu'il ne
sera pas désavoué par Paul VI. On peut dire que, dans la plus
grande partie des diocèses, se manifestent un réveil et un effort
dignes d'attention. Cela a surtout commencé à partir de 1958,
comme conséquence de l'Instruction de la Sacrée Congrégation
des Rites, ainsi que le démontre la liste des Directoires et des
Commissions dont nous parlerons par la suite.
Une quarantaine de diocèses ont mis au point des livrets de
participation à la messe. Quelques-uns même ont donné de vrais
Directoires, ou des livres de formation pour la vie liturgique.
Signalons ceux que nous avons pu examiner et qui paraissent
dignes d'intérêt.
La première place revient certainement au diocèse de Bologne
où, dès 1955, le cardinal Lercaro publiait le Directoire A Messa,
Figlioli!, traduit en plusieurs langues. C'est là, pour ces der-
nières années, l'un des meilleurs instruments pratiques et com-
plets pour la catéchèse et la participation à la messe. Plus
modestes, mais à signaler tout de même, sont les Directoires de
Reggio Emilia (La Messa della Comunità parrocchiale, 1956), de
Bergame (Pregherete cosi, Preghiera e vita liturgica presentate
ai Fedeli, 1959), de Lucques (Il Popolo a Messa, Direttorio per
l'Archidiocesi di Lucca, 1960), d'Ascoli Piceno (Direttorio per
la santa Messa, 1960), de Tortone (Vivere la Messa, 1959). Deux
Directoires liturgico-pastoraux méritent d'être signalés à part
celui de Lecce et celui de Trévise.
:
Rappelons encore les livrets de piété liturgique ou de partici-
pation à la messe des diocèses d'Alba (1958), d'Agrigente (1955),
de Casale Monferrato (1960), de Fermo (1959), de Foligno (1959),
de La Spezia (1959), de Mantoue (1959), de Novare (1960), de
Padoue (1960), de Pavie (1958), de Pistoie (1959), de Savone
(1961), de Suse (1960), de Trente (1962), de Trieste (1958), de
Vérone (1957), etc.
Pour ce qui est des Commissions liturgiques, quelques diocèses
sont trop petits pour en former. Souvent, là où elles existent,
elles travaillent indépendamment des commissions parallèles de
musique ou d'art sacré; pourtant, quand il y a coordination, les
résultats sont bien meilleurs. Selon un calcul assez proche de la

3. La Maison-Dieu, n° 55 (1958, 111), 141-170.


réalité, les deux tiers des diocèses italiens ont une Commission
liturgique; certains n'ont qu'un simple responsable; quelques-
uns ont confié la chose à des organismes catéchétiques déjà
existants; d'autres enfin n'ont rien. L'année dernière a eu lieu
une rencontre des présidents des Commissions à l'occasion de la
Semaine liturgique nationale; la participation fut assez limitée
mais les interventions ont révélé la vitalité de quelques Commis-
sions comme celles de Naples, Pavie, Bologne, Alba, Trévise,
Mondovi, Crémone. Leur activité s'est portée principalement sur
la préparation de ces Directoires pour la participation à la messe
dont nous avons parlé.

2. Centres de pastorale liturgique.

Parmi les centres de pastorale liturgique, certains se situent


sur le plan national, tandis que d'autres limitent leur action et
leur influence à une région ou à un diocèse.
a) Centre d'action liturgique.
A l'occasion d'un congrès de la Rivista liturgica de Finalpia
qui se tint en 1947 à Parme, furent posées les bases du Centro di
Azione Liturgica (C.A.L.) qui se proposait d'organiser le mouve-
ment italien, de lui imprimer une orientation commune et de
promouvoir un approfondissement doctrinal. Les premiers sta-
tuts parurent en 1948; la constitution du C.A.L., approuvé par
la Secrétairerie d'État du Saint-Siège, fut annoncée à tous les
évêques par son premier président, Mgr Bernareggi, évêque de
Bergame. En 1949 le C.A.L., à qui on avait donné entre-temps un
protecteur en la personne du cardinal Lercaro, organisa la pre-
mière Settimana nazionale liturgica di studio qui, depuis, se réu-
nit régulièrement tous les ans. S'y ajoutèrent une Settimana
annuale di liturgia pastorale et des journées et sessions pour

:
séminaristes et enseignants des écoles publiques. Deux sessions
ont connu un vif succès l'une pour les professeurs de liturgie
des séminaires, commencée en 1957; l'autre pour les religieuses,
commencée en 1961 et qui s'est tenue l'an dernier à Turin,
Naples et Rome.

: :
En 1959, le siège du C.A.L. était transféré de Gênes à Rome.
En 1962, le C.A.L. fondait une collection Liturgica. Les deux
livres déjà parus sont Introduzione agli studi liturgici, ouvrage
collectif (Rome, 1962) et Introduzione alla storia della liturgia
occidentale de E. Cattaneo (Rome, 1962). Trois autres volumes
paraîtront prochainement. Une Rivista di Pastorale liturgica est
en préparation à l'intention des pasteurs. Le C.A.L. est présidé
par Mgr Rossi, évoque de Biella, et son conseil réunit des mem-
bres de divers centres liturgiques, des spécialistes et quelques
curés.
Sur l'initiative du C.A.L., fut constituée en 1959 la Federazione
dei Centri diocesani del piccolo clero, comme organe de coordi-
nation et d'information. Cette fédération obtint l'adhésion de
100 diocèses. Elle groupe les servants à l'autel, appelés vulgai-
rement « chierichetti ». Une enquête fut faite en 1960; sur
275 lettres on obtint 13o réponses. D'après ces réponses
8.000 groupes paroissiaux réunissent 175.000 enfants; en fait ce
chiffre est à doubler.
Environ 3o diocèses ont un bulletin pour les petits clercs. Par
ailleurs les instruments ne manquent pas, grâce au délégué na-
tional, Mgr Zanoni.
Les délégués diocésains reçoivent le bulletin trimestriel Pic-
colo Clero; et les enfants, la revue mensuelle Il Chierichetto,
fondée en 1938, œuvre des Bénédictins de Parme, et, pour le rite
ambrosien, All'Altare.
Parallèlement, il faut signaler le mouvement Collegio dei Let-
tori qui se propose de préparer les jeunes à commenter la messe
et proclamer la Parole de Dieu. Née à Rome grâce à D. Balboni,

:
l'organisation, à base paroissiale et diocésaine, compte de nom-
breux groupes un peu partout Rome, Ferrare, Naples, Trévise,
Alba, Crémone, Bologne, etc.

b) L' « Opéra della Regalità di N. S. Gesù Christo ».


C'est en 1929 que le Père Gemelli fonda l'Opera della Rega-
lità di N. S. G. C. pour la formation culturelle et religieuse du
peuple italien. L'Opéra commença son apostolat liturgique par
une campagne nationale sur la messe; à cette occasion, on distri-
bua un fascicule qui fut tiré à un demi-million d'exemplaires.
Vint ensuite la publication de tous les textes liturgiques et d'ou-
vrages de formation, sous présentation modeste afin d'atteindre
un très large public.
Interrompue par la guerre, l'activité reprit en 1949 avec la
prédication de semaines liturgiques dans les paroisses rurales et
dans les villes. Cette initiative a pris de l'ampleur et, chaque
année, une trentaine de prêtres, sous la direction du PèrePro-
fili, assurent à travers l'Italie une centaine de Semaines liturgi-
ques, selon une méthode bien établie.
Pour se faire une idée exacte du travail que l'Opéra della
Regalità est en train d'accomplir dans le domaine de l'édition
liturgique populaire, rappelons seulement qu'en 1957 on a
vendu environ un million d'opuscules liturgiques.
Bien qu'avant tout populaire, l'Opera della Regalità, dont le
siège est toujours à Milan, s'adresse aussi aux prêtres par des
journées d'étude, des retraites et des publications comme les
six volumes de la collection Sussidi liturgico-pastorali : L'assem-
blea liturgica della Messa (Milan, 1960), Guida délia Settimana
liturgica(1961), La domenica, aspetti storici, liturgici e pasto-
rali (1961), La pastorale dell'anno liturgico, i misteri della
redenzione (1962), tous de divers auteurs; Commento alle Collette
domenicali del messale romano (1962) de Dom Capelle, Terra e
seme. Premesse alla vita liturgica parrocchiale (1963) de
Mgr Farina.
L'Opera, présidée aujourd'hui par le célèbre liturgiste P. Anto-
nelli, est fortement organisée, avec sa Commission d'étude et de
direction, ses 60.000 associés et des représentants dans les dio-
cèses, ce qui lui permet d'accomplir un apostolat vraiment actif.

c) L' Apostolato liturgico ».


«

Fondé à Gênes en 1922 par Mgr Moglia, le centre « Apostolato


liturgico », dont sont sortis des savants et des apôtres comme
l'abbé Righetti et le cardinal Lercaro, commença son activité
par la publication d'un fascicule très réussi sur la messe, qui
passa ensuite à l'Opera della Regalità di N. S. G. C. Bien qu'exer-
çant son activité particulièrement à Gênes, le centre eut de l'in-
fluence sur toute la Ligurie et se fit connaître pratiquement dans
presque toute l'Italie. Il poursuit encore son activité par des
publications et des sessions pour laïcs.
d) Le «Centre d'action liturgique de Bologne ».
Par ses réalisations et son influence, le Centro di Azione litur-
gica dell'Archidiocesi di Bologna (C.A.L.A.B.), fondé en 1956 par
le cardinal Lercaro, se signale parmi les diverses organisations

:
diocésaines. Présidé par le cardinal, ce centre comporte trois
sections étude, musique, apostolat.
En plus de l'animation pastorale de tout le diocèse, le centre
accomplit aussi un grand travail pour la formation des prêtres
et des laïcs, et cela, en collaboration avec d'autres centres éga-
lement fondés par le cardinal.
En plus du Directoire dont nous avons parlé, nous lui devons
un Lectionnaire, traduction des textes bibliques de la messe pour
leur proclamation liturgique (1960), une série de livrets pour les
stations du Carême, la semaine sainte, etc.
e) Le centre de Bénévent.
Près de Montecalvo Irpino se trouve le siège du centre Movi-
mento liturgico popolare, constitué en 1956 par l'Épiscopat de la
région de Bénévent pour l'éducation liturgique de ces popula-
tions. Confié à un groupe de Franciscains, le centre, dont l'actuel
secrétaire est le P. Ciccarelli, exerce un apostolat très actif sur
le plan paroissial par la prédication de semaines liturgiques, et
sur toute la région par des semaines et sessions d'étude pour
prêtres, religieuses et laïcs.
Il faut mentionner aussi le groupe des Franciscains de Salerne,
dirigé par le P. Caruso, qui travaillent dans l'Italie méridionale
par la prédication de semaines liturgiques, selon la méthode de
l'Opera della Regalità.
f) Le centre diocésain de Milan.
Dans le diocèse de Milan et dans quelques paroisses de Côme,
on suit le rite ambrosien, appelé encore « rite milanais».
La cité de Milan a écrit de belles pages dans l'histoire de la
science liturgique. Au nom de ceux qui œuvrèrent au début du
siècle, comme Ceriani, Magistretti, Ratti, on peut ajouter aujour-
d'hui ceux de Paredi, Marcora, Borella, Cattaneo.
Le renouveau pastoral, dû à Mgr Dotta qui, en 1925. fonda la
revue Ambrosius et, par la suite, dirigea d'autres publications
populaires encore valables, se poursuivit durant les années où
fut archevêque le cardinal Schuster. En 1960,96o, à la suite de la
lettre pastorale du cardinal Montini « Sa l'educazione liturgica »
dont nous avons déjà fait mention, fut constitué un bureau
d'étude, Ufficio studi, pour l'organisation du mouvement diocé-
sain.
Rappelons enfin deux apôtres qui ont bien mérité du renou-

:
veau liturgique, spécialement par la prédication de semaines
liturgiques
Mgr Girardi.
Mgr Mistrorigo, aujourd'hui évêque de Trévise, et

3. Revues et livres.

Toutes les revues destinées au clergé (Rivista del Clero italiano,


Palestra del Clero, Perfice munus, Orientamenti pastorali, Rivista
pastorale, Settimana del Clero) donnent régulièrement des articles
sur divers problèmes liturgiques.
Parmi les périodiques, outre les Ephemerides litargicae, de
ton scientifique et d'audience internationale, rappelons la Rivista
liturgica, qui depuis 5o ans exprime le mouvement italien, et
Ambrosius pour le rite ambrosien.
Pour le grand public, il y a La Vita in Cristo e nella Chiesa
des « Pie discepole del divin Maestro », et Adveniat, de l'Opéra
della Regalità di N.S.G.C. Pour les enfants, nous avons signalé
:
déjà Il Chierichetto et All'Altare. On attend enfin la nouvelle
Rivista di Pastorale Liturgica patronnée par le C.A.L.
Depuis ces dernières années, les maisons d'édition rivalisent
d'ardeur dans la publication d'ouvrages liturgiques. Presque tous
les livres étrangers d'un certain intérêt sont rapidement traduits
en italien; ceci, d'ailleurs, influence quelquefois trop le mouve-
ment italien, au risque de faire perdre de vue les problèmes
propres à la situation particulière du pays.
Les deux oeuvres principales de ces dernières années sont la
Storia liturgica (2e éd., Milan, 195o ss.) de Mgr Righetti et Il
senso teologico della Liturgia (2e éd., Rome, 1958) de C. Vagag-
gini. Le Messale del Commentatore de Bondioli-Cabra (6e éd.,
Brescia, 1962) a remporté un vif succès.
Il faut encore rappeler, outre les deux collections du C.A.L. et
de l'Opéra della Regalità et divers ouvrages de D. Barsotti, des
volumes comme La Settimana Santa (Milan, 1957) de G. Berti,
Mysterium fidei (Faenza, 1959) de G. Lucchesi, La sacra liturgia
(Rome, 1958), ouvrage collectif, Introduzione alla vita liturgica
(Milan, 1969) de Oggioni-Biffi, La liturgia spiegata ai fedeli
(Milan, 1959) de Farina-Falsini, La liturgia delle ore (Brescia,
1959) de V. Raffa, La Santa Messa (Padoue, 1959) de P. Visentin,
Invito allo studio della liturgia (Milan, 1960) de E. Cattaneo,
L'assemblea del popolo di Dio (Ascoli Piceno, 1962) de P. Massi,
Liturgiaviva (Milan, 1962) de A. Bugnini, et d'autres petits
volumes de M. Mignone, S. Mazzarello, T.Piccari, P. Patuelli,etc.
Il faut encore signaler les nombreux et bons articles de l'Enci-
clopedia cattolica. A tout cela s'ajoutent les nombreux missels,
auxquels, malheureusement, manque souvent un commentaire
adéquat.
l'homélie liturgique :
Enfin il faut noter deux publications toutes récentes sur
L'Omelia liturgica (Brescia, 1962) de
D. Bondioli et Il Mistero della Salvezza (Turin, 1963) de
S. Rinaudo.

II. — LA VIE LITURGIQUE

Malgré une prise de conscience toujours plus étendue de l'im-


portance de la participation des fidèles aux actions liturgiques et
les efforts faits ici ou là, comme nous l'avons vu, la pratique
liturgique en Italie laisse encore beaucoup à désirer. Chez trop de
prêtres persistent des préjugés et un désintéressement vis-à-vis
de la liturgie; dans la plupart des séminaires la formation litur-
gique est insuffisante; dans certains diocèses et paroisses tout est
encore à faire; ici et là subsistent encore d'impardonnables abus
et des situations qui font de la peine. Ainsi, l'étranger qui vient
en Italie et pénètre dans quelque église est souvent mal impres-
sionné, et parfois même scandalisé.
Décrire la pratique liturgique en Italie n'est pas facile, car
elle varie non seulement d'une région à l'autre ou d'un diocèse

:
à l'autre, mais à l'intérieur d'une même ville et jusque dans la
même paroisse par exemple entre la messe du curé et celle du
vicaire.
Certes, il est des diocèses et des paroisses où, avec persévérance
et coordination, on a cherché, et non sans résultat, à amener les
fidèles non seulement à la participation active à la messe mais
encore à une célébration vivante et exemplaire des sacrements et
de l'année liturgique, en particulier du Mystère pascal. Mais, en
général, les efforts se sont portés surtout sur la messe et notam-
ment la messe lue.

?
Quelles sont les causes de cette situation Elles sont multiples
et nous nous contenterons de les signaler.
C'est d'abord l'absence dedirectives générales et d'une action
stimulatrice de la part des autorités. En divers diocèses, de
louables initiatives ont été prises, mais qui n'ont pas eu de suite.
Il n'est pas rare que des lettres pastorales, directives et même
directoires soient restées sans fruit.
L'enseignement et la formation liturgique dans les séminaires
n'ont pas toujours atteint le niveau désirable. On attend beaucoup
des futurs professeurs de liturgie provenant de l'Institut supé-
rieur de liturgie de Paris ou de l'Institut liturgique pontifical de
Saint-Anselme, créé à Rome en 1961. En attendant, l'évolution
est lente dans les séminaires où, malgré les progrès accomplis, la
dévotion moderne prévaut sur la piété liturgique.
On peut signaler aussi le peu de sensibilité du clergé, comme
le montre la maigre participation aux manifestations liturgiques
nationales, à la différence des autres manifestations pastorales.
Dans une année, le nombre des participants n'a pas dépassé les
300; quand on pense que les paroisses en Italie sont environ
24.000! Le clergé régulier ne se montre guère plus sensible que
le clergé séculier ou diocésain. A part, évidemment, des excep-
tions et des cas particuliers, les Ordres et les Congrégations
religieuses sont restés plutôt en marge du réveil liturgique, tant
pour la piété que pour l'action pastorale. La liturgie est considé-
rée généralement comme « une activité parmi d'autres », et on
arrive vite à la mettre au dernier rang, parce que les autres
secteurs, de caractère social, récréatif, politique, etc. sont
davantage urgents et ont une incidence plus immédiate ou plus
facilement traduisible en termes de réussite4. Pourtant, quand il
est convenablement préparé, le clergé manifeste un réel intérêt.
Ce qui, surtout, fait obstacle au mouvement liturgique, c'est

l'action pastorale :
l'absence de coordination entre les divers cadres nationaux de
Centre d'Action liturgique, Association ita-
lienne de Sainte-Cécile, Centre d'orientation pastorale, Office
catéchétique national, Association biblique italienne. Le mouve-
ment liturgique est loin d'être intégré dans une vue d'ensemble
de l'action pastorale. Il n'est pas rare de voir ces diverses orga-
nisations agir sur des plans parallèles. Il en résulte évidemment
une dispersion des forces et une désorientation de l'action pasto-
rale. Alors qu'en prédication on présentera la messe comme
action communautaire et mystère du salut, en classe de caté-
chisme on continuera à servir aux enfants de vieux schémas de
style apologétique et on les préparera à la première communion
comme à une dévotion privée, sans aucune relation avec la
messe. Le rapport entre la Bible et la Liturgie est pratiquement
ignoré, malgré les récentes et nombreuses traductions de la Bible
et sa diffusion parmi le peuple. Séparée d'une perspective bibli-
que, la catéchèse liturgique est vite réduite à un simple exposé
des rites.
Et que dire des manuels d'ascétique ou des livres de médita-
tion pour prêtres, religieux ou laïcs, vides de toute orientation
liturgique! La vie de piété reste ancrée sur. des positions et des
formes bien éloignées de l'esprit liturgique. Pourtant on doit
souligner la diffusion parmi les laïcs de bréviaires des fidèles et
le bon accueil qui leur a été réservé. Une certaine estime pour
la prière liturgique commence à pénétrer parmi les catholiques
cultivés.
Mais observons de plus près la participation aux mystères
liturgiques.
*
Quand on parle de mouvement liturgique, la grande masse des
prêtres pense uniquement à la messe. Bien rares sont les pasteurs *
qui se sont préoccupés d'éduquer à une participation plus vivante
et plus riche aux sacrements. A part quelques formules de dialo-
gue pour le baptême et l'échange des consentements de mariage,
tous les sacrements se déroulent entièrement en latin. Les seuls
efforts faits dans quelques paroisses consistent dans la célébra-
tion commune du baptême avec un commentaire du rite.
4. Cette juste remarque est de M. Mignone, dans Paroisse et liturgie,
/iort958), p. 210.
Dans un certain nombre de paroisses, surtout à la campagne,
reste encore vivace l'usage des vêpres chantées; mais l'introduc-
tion de la messe du soir leur a porté un grand coup et menace
de les faire disparaître complètement. Ici ou là, on cherche à les
maintenir grâce à un commentaire adapté.
La participation au Mystère pascal fut, immédiatement après
la réforme de 1955, quasi unanime. On constate aujourd'hui
une baisse, spécialement pour la veillée pascale. Cela est dû, en
grande partie, à l'absence d'une catéchèse adaptée et à l'horaire
nocturne, que le clergé lui-même cherche à anticiper. Plus four-
nie au contraire, est l'assistance à la messe du « Repas du Sei-
gneur » et à l'action liturgique du vendredi saint.
De louables efforts, par contre, ont été accomplis un peu par-
tout pour amener les fidèles à une participation active et commu-
nautaire à la messe.
Quant à la réaction des fidèles, on peut dire que même s'ils

:
ne sont que superficiellement avertis, ils répondent docilement
et participent avec une relative facilité la découverte du Mystère
de la messe leur fait visiblement plaisir. Encore qu'il faille
faire la distinction entre les populations des villes et celles des
campagnes; celles-ci, bien que de culture inférieure, se montrent
plus disponibles. De même, il faut distinguer entre jeunes et
anciens. Ces derniers, habitués à une piété individuelle, se mon-
trent plus réticents que les premiers. Enfin on rencontre souvent
de grandes difficultés auprès des religieuses, à cause des us et
coutumes entérinés par les Constitutions des Congrégations, et
auprès des fidèles qui recherchent les messes tardives du diman-
che matin. Beaucoup de fidèles, surtout des jeunes, vont à la
messe avec leur missel; dans certaines églises on distribue des
fascicules avec la messe du jour. Il s'est même constitué ici et là,
par exemple à Milan, des groupes de laïcs qui préparent la messe
dominicale lors de rencontres où ils étudient les textes de la
messe.
Pour le mode de participation, la messe dialoguée est désor-
mais répandue à peu près partout; tous les curés qui ont cherché
à l'introduire ont obtenu presque toujours de bons résultats. Les
fidèles répondent et dialoguent en latin avec le célébrant toutes
les prières de l'Ordinaire, et cela avec assez de facilité.
La messe commentée est également répandue. On note toute-

:
fois des signes de fatigue, ici ou là, de la part des fidèles. La
raison en est simple en beaucoup d'endroits, l'office de com-
mentateur est confié à des enfants qui se contentent de lire et,
par conséquent, ne réussissent pas à guider l'assemblée; dans
d'autres cas, ce sont des prêtres qui, improvisant, transforment
le commentaire en bavardage. Mais la plupart du temps les prê-
la
très, durant messe, entendent les confessions; très peu se ren-
dent compte du dommage qui s'ensuit pour la participation de
l'assemblée, ou considèrent ce dommage de peu d'importance en
face des confessions quiseraient- manquées. Dans quelques pa-
roisses, comme à Alba, Bergame, Bénévent, Brescia, Gènes,
Milan, Rome, etc., se sont constitués des groupes et des écoles de
commentateurs, et les résultats sont intéressants.
Là proclamation de la Parole de Dieu en langue italienne est
faite seulement aux messes lues; cependant, il y a toujours la
proclamation de l'évangile. Mais on manque d'une traduction
uniforme. Le Lectionnaire de Bologne a été adopté seulement par
le Diocèse de Trente. L'homélie est donnée régulièrement, mais
elle est rarement strictement liturgique. Quand on ne commente
pas l'évangile, on développe un plan de catéchèse ou de doctrine
chrétienne que beaucoup d'évêques imposent pour remédier à
la grande ignorance religieuse.
Sur le plan rituel on n'a pas atteint une complète uniformité
pour tous les diocèses. Les mouvements de l'assemblée sont sou-
vent gênés par la disposition des vieilles églises et l'affluence à
certaines messes; tout cela est plus simple dans les églises
récentes.
La participation aux chants n'a pas encore remporté l'adhésion
totale des fidèles, soit parce qu'ils préfèrent le silence, soit à
cause du manque de chants populaires. Depuis quelques années,
on a commencé à créer des mélodies faciles et des chants res-
ponsoriaux pour remplacer les vieux cantiques populaires eucha-
ristiques; presque tous d'adoration. La production de disques en
a facilité le succès. L'effort dans ce secteur s'est porté de préfé-
rence sur l'introduction de chants dans la messe lue; la chose est
réalisée, dans les meilleures paroisses, au moins à une ou deux
messes dominicales. Là où existe un groupe de petits chanteurs,
l'assemblée participe unanimement.
La messe chantée est bien plus rare. La plupart des paroisses
ne l'ont jamais, souvent parce que le curé manque de l'aide né-
cessaire. Là où elle existe, il n'est pas rare que la Schola canto-
rum exécute des chants- polyphoniques, et l'assemblée n'y a
point part.
Par contre, la participation sacramentelle à la messe est bien
plus fréquente et répandue; quoique, là encore, la communion
soit généralement vue moins en vraie participation au sacrifice
eucharistique que comme un acte de piété privée. De Pie X à

:
nos jours, le mouvement eucharistique a suivi le mouvement
liturgique. Il subsiste toujours de déplorables abus dans beau-
coup de paroisses du nord de l'Italie, le dimanche, on s'abstient
systématiquement de distribuer la communion durant la messe.
*

On voitque malgré les progrès qui ont été réalisés, il reste


encore beaucoup à faire pour la participation à la messe. On
peut d'ailleurs dire qu'en toute église il y a toujours, le di-
manche, une ou plusieurs messes durant lesquelles les fidèles
font figure de simples spectateurs. Et il n'est pas tellement rare
de voir, durant la messe, se dérouler de pieux exercices tels que
la récitation du Rosaire.

messe n'apparaît pas une action communautaire :


La cohésion de l'assemblée reste un idéal; en trop de cas, la
prêtre, com-
mentateur, fidèles, chacun semble s'occuper uniquement de lui-
même. Beaucoup de prêtres, surtout, ne ressentent pas cette
nécessité d'une participation des assistants, et continuent à célé-
brer la messe comme un acte personnel. Cette cohésion de l'as-
semblée, l'expérience en a été faite, ne s'obtient que là où un
prêtre préparé et plein de zèle, guidé par des directives claires
et secondé par de bons confrères et de bons laïcs, s'y est donné
avec persévérance. On a cherché à faire prier ou à faire chanter
sans avoir un plan concret d'action pastorale; alors la participa-
tion est comme quelque chose de surajouté, et la messe ne peut,
dans ce cas, être comprise comme le mystère de salut, le mystère
pascal, la rencontre joyeuse d'un peuple unanime avec son
Rédempteur et Seigneur. Dans presque toutes les paroisses on
:
célèbre une messe pour les enfants et pour les membres des
associations catholiques c'est à ces messes que la participation
est le plus active et unanime.
Cet aperçu sur la vie liturgique en Italie paraîtra peut-être à
beaucoup de lecteurs d'un pessimisme exagéré, peut-être même
injuste et sans rapport avec les réalisations théoriques dont nous
avons d'abord parlé. C'est que souvent on n'a pas su passer de la
théorie à la pratique.
Il faut évidemment rendre justice à ces paroisses où l'action
pastorale a été intelligemment organisée et coordonnée, où la
vie liturgique s'est élevée à un niveau spirituel. Consolantes sont
les réalisations de certains curés comme ceux de Salo, du Sacré-
Cœur de Mondovi, de Sainte-Marie-des-Grâces de Bergame, de
Saint-Antoine de Lecce, de la Nativité de Rome, de Saint-Antoine
de Brescia et d'autres que je m'excuse de ne pouvoir nommer
les résultats obtenus là mériteraient d'être publiés. C'est un
:
bel exemple de ce qu'on peut obtenir au milieu des plus gran-
des difficultés. On souhaiterait que ces cas isolés se multiplient
à travers toute la péninsule.
CONCLUSION

Les forces ne manquent pas en Italie, ni les moyens, les cen-


tres et les hommes capables de promouvoir un renouveau litur-
gique plus vaste, plus profond, plus uni et plus vivant.
Le chemin accompli ces dernières années n'est pas négligeable
et il a donné ses fruits; mais nous ne sommes qu'aux premiers
pas. Le climat, pourtant, est favorable, et il y a pour l'avenir de
bonnes perspectives et de larges possibilités.
Ce qu'il faut avant tout, c'est une vraie et profitable coordina-
tion entre les diverses organisations, tant sur le plan national
que sur le plan diocésain, dans les secteurs relatifs à la caté-
chèse, la Bible, la musique. Des contacts ont été pris et d'au-
tres sont en vue.
De la Hiérarchie on attend des décisions et des actes concrets
pour tout le pays, qui puissent éveiller les retardataires, stimuler
ceux qui commencent, soutenir les plus zélés, afin que tout pro-
cède selon une orientation commune. Le prochain Directoire
pour la messe, déjà bien avancé, pourra être une excellente
occasion de reprise.
Il faut encore un approfondissement doctrinal de la part des
spécialistes — les cours pour professeurs de liturgie se sont
révélés dans ce sens prometteurs — et un contact, une collabo-
ration, même, avec le clergé directement chargé des âmes, afin
que tous se sensibilisent au problème liturgique pastoral et
recherchent des solutions plus concrètes et adaptées à la situa-
tion de l'Italie. L'amélioration de la Rivista Liturgica et la pers-
pective de la Rivista di Pastorale litargica devrait permettre
cela, et c'est avec confiance que nous regardons vers l'avenir.

Milan.

RINALDO FALSINI, 0. f. m.,


opera della Regalità di N.S.G.C.
RWANDA ET BURUNDI

I-
— LES INTERVENTIONS DE LA HIÉRARCHIE

Le Directoire pour la Pastorale de la messe.


La Conférence des évêques du Rwanda et du Burundi approu-
vait, en novembre 1961, un Directoire pour la pastorale de la
messe et le rendait obligatoire dans les huit diocèses par une
lettre commune de promulgation.
Cet acte officiel de la Hiérarchie était l'aboutissement d'un
long travail mené en commun, tant par les évêques que par leurs
prêtres. Les débuts remontent au mois de novembre 1969. Réuni
en conférence, l'Épiscopat examina pendant plusieurs jours, avec
le responsable du Centre de Pastorale liturgique qu'il venait de
fonder, les modalités concrètes d'application de l'Instruction du
3 septembre 1958, De Musica Sacra et Sacra Liturgia. L'accord

en œuvre du renouveau liturgique :


se fit sur les orientations fondamentales à adopter pour la mise
place prépondérante de la
catéchèse, mise en relief des prières présidentielles, rôle du
lecteur et du commentateur, emploi de la langue vivante dans
les limites autorisées par les induits, chants fonctionnels de
caractère populaire, de manière qu'ils puissent être aisément
exécutés par des foules, attitudes communes, etc. A cette même
réunion, deux ou trois paroisses furent désignées dans chaque
diocèse pour mettre en application ces orientations.
Au mois de juin 1960, l'Épiscopat publiait en commun un
« projet de directives pour la
participation des fidèles à la
messe ». Ce texte comprenait une soixantaine d'articles. Après la
mention de quelques principes généraux, il y était traité de la
participation active aux messes lues, aux messes chantées et enfin
aux messes solennelles. Ce texte, basé sur les expériences réali-
sées dans les paroisses désignées pour mettre en œuvre le renou-
veau, avait été discuté lors d'une réunion commune entre
l'Épiscopat et le clergé de ces paroisses, puis revu par la Confé-
,
rence des Ordinaires, et rendu obligatoire. Deux réserves
commandées par la prudence étaient clairement exprimées
directives n'avaient rien de définitif et ne préjugeaient pas des
:
ces

décisions ultérieures de l'épiscopat, les expériences en cours,


quoique très encourageantes, étant encore trop limitées en
nombre et en durée; ensuite, afin d'éviter tout faux pas, seules
les paroisses dûment habilitées à cet effet, devaient appliquer ces
directives, les autres s'en tenant aux façons de faire tradition-
nelles.
Durant l'année qui suivit, les paroisses autorisées à pratiquer
le renouveau liturgique furent de plus en plus nombreuses. Un
diocèse donna des directives, valables pour toutes les paroisses,
concernant la participation active aux messes chantées. Ailleurs,
l'autorité ecclésiastique généralisa l'emploi de la langue vivante
pour les lectures bibliques de la messe et les chants du Commun,
et recommanda les monitions.
En juin 1961, l'Épiscopat jugea le moment venu d'étendre à
toutes les paroisses et à tous les lieux de culte le renouveau
liturgique. Des sessions générales pour les curés furent organi-
sées, afin de les informer davantage sur la pastorale de la messe.
C'est alors qu'il apparut que les « directives »
émises précédem-
ment étaient insuffisantes et qu'un directoire proprement dit
faciliterait la tâche des prêtres. Un premier texte fut rédigé
d'après les orientations de la hiérarchie et en tenant compte des
lumières apportées par les réalisations des deux années précéden-
tes. Communiqué aux évêques et aux membres de la Commission
interdiocésaine de Pastorale liturgique pour un premier examen,
ce texte fut ensuite discuté, article par article, durant cinq jours,
par la Commission interdiocésaine. Les discussions terminées, les
évêques vinrent eux-mêmes à la réunion et, se faisant rendre
compte des travaux, tranchèrent les- questions restées en suspens,
modifièrent, nuancèrent ou approuvèrent les différents textes et,
finalement, décidèrent la promulgation commune1.

:
Le directoire comprend deux sections. La première traite des
principes généraux, en cinq chapitres la célébration (20 arti-
cles), les acteurs de la célébration (75 art.), l'équipe liturgique
(8 art.), le lieu de la célébration (7 art.), les vêtements liturgi-
ques (3 art.). La seconde section a pour objet les directives
d'application. Un premier chapitre traite de la messe chantée
après des considérations générales sur la messe pontificale
:
(3 art.), la messe chantée solennelle (4 art.), la messe cum dia-
cono (5 art.), et la messe simplement chantée (6 art.) le direc-

1. Le Directoire pour le Rwanda et le Burundi est édité aux Presses


de Kabgayi, République du Rwanda.
toire indique de manière normative comment doit se dérouler
la célébration (34 art.). Le second chapitre donne, après des
considérations générales sur la messe lue (5 art.) les normes à
suivre pour sa célébration (25 art.).
Signalons rapidement quelques caractéristiques de ce direc-
toire. Son obligation s'étend à tous les lieux de culte. Certaines
de ses prescriptions entrent en vigueur partout dès sa promulga-
tion : le respect des prières présidentielles, la proclamation des
lectures bibliques en langue vivante, la communion des fidèles
au moment rituel, l'interdiction de la récitation du chapelet à
haute voix durant la messe, la prohibition de chants qui ne sont
pas en rapport direct avec les parties de la messe. Les autres
normes du directoire entreront en vigueur progressivement, au
rythme de la formation liturgique des fidèles, des possibilités
propres à chaque communauté chrétienne, et des disponibilités
en matériel liturgique (chants et traductions des lectures). Une
heureuse souplesse permet de tenir compte des circonstances
diverses, un style différent de célébration étant suggéré suivant
qu'il s'agit de communautés paroissiales, de communautés plus
formées (instituts d'éducation, maisons religieuses), de sémi-
naires et communautés comprenant suffisamment le latin.
Le directoire recommande vivement de faire une brève homélie
aux messes paroissiales de semaine. Il rend obligatoire, aux
messes chantées ordinaires, l'emploi de la langue vivante pour
les chants du Commun; le latin sera cependant employé de
temps en temps. Aux messes lues, le peuple exécutera dans sa
langue des chants correspondant à l'esprit de ceux que le missel
indique pour le Propre et pour le Commun; aux messes chantées,
cette faculté, en tant qu'elle concerne les chants du propre, n'est
valable que pour les chants d'entrée, de communion et d'action
de grâces; une litanie d'intentions est énoncée aprè-s le chant de
l'antienne d'offertoire. C'est dire que le directoire a eu la préoc-
cupation d'utiliser au maximum les induits accordés par le
Saint-Siège.
La « messe avec diacre», largement autorisée par les Facultés
décennales de la Sacrée Congrégation de la Propagande, est
vivement recommandée pour la messe chantée du dimanche,
ainsi que les jours de fête lorsqu'il n'est pas possible de célébrer
une messe solennelle. En l'absence du commentateur, le diacre
pourrait faire l'une ou l'autre monition.
Enfin un article recommande de donner du relief aux messes
que l'évêque célèbre dans les paroisses à l'occasion de son
passage. « Comme la messe pontificale solennelle est souvent
difficile à organiser et que sa solennité ne s'accompagne pas
toujours avec la simplicité requise pour une célébration en
nales de la Sacrée Congrégation de la Propagande :
semaine, on choisira pour cette messe épiscopale un style de
célébration parmi ceux qui sont autorisés par les Facultés décen-
à savoir,
selon les circonstances, soit la messe solennelle avec diacre et
sous-diacre, soit la messe chantée avec diacre, soit la messe lue
solennisée par des chants. A cette dernière forme de célébration,
un prêtre remplira l'office de chapelain, et revêtira de préférence
l'aube et l'étole diaconale. »

L'année de la messe.
Comme on l'a signalé plus haut, les efforts entrepris par
certaines paroisses durant l'année 1960-1961 montrèrent que le
mouvement liturgique avait atteint suffisamment de maturité au
Rwanda et au Burundi pour que l'épiscopat songeât à l'étendre
à toutes les paroisses. Dans ce but, il voulut que les curés reçoi-
vent la préparation nécessaire; aussi les convoqua-t-il tout spécia-
lement aux sessions générales organisées pour le clergé, l'une au
Burundi, l'autre au Rwanda. Ces sessions furent à la fois doctri-
nales et pratiques. Le sommet de chaque journée était la célébra-
tion de la messe, selon le style communautaire préconisé pour
les paroisses. A ces sessions, il apparut que le point le plus
important était d'inculquer aux fidèles le véritable esprit litur-
gique. Pour y arriver, on formula le souhait de consacrer, une
année durant, la majorité des prédications à la catéchèse
liturgique de la messe.
Suite à ces vœux, les évêques décidèrent une « année de la
messe». Elle fut inaugurée au mois de septembre 1961, par la
lecture d'une lettre pastorale commune. Le Centre de Pastorale
liturgique et catéchétique était chargé de fournir des schémas de
prédication pour chaque dimanche.
Plusieurs feuilles officielles diocésaines, adressées par les chan-
celleries épiscopales aux prêtres, religieux et religieuses, consa-
crèrent dès lors une rubrique régulière aux questions de pastorale
liturgique. Elles abordaient tantôt un point spécial de doctrine,
tantôt l'explication de certains articles du directoire; elles don-
naient des conseils en vue d'aider le clergé à promouvoir la
participation des fidèles. Cette initiative fut hautement appréciée;
ces instructions directes eurent une influence décisive sur beau-
coup de prêtres.

Autres interventions épiscopales.


:
Approbation de deux rituels bilingues latin-kirundi et latin-
kinyarwanda; Publication d'un missel dominical pour fidèles en
kirundi; au Rwanda, ce missel, préparé par les soins de
S. Exc. Mgr Birirumwami, a été récemment polycopié pour per-
mettre une large révision en vue de l'édition définitive. Fondation
du Centre de Pastorale liturgique et catéchétique; érection de com-
missions interdiocésaines et diocésaines. Organisation de sessions
annuelles, réunissant respectivement les prêtres de paroisse, les
prêtres professeurs, les Frères enseignants, les religieuses et
auxiliaires laïques, en vue de promouvoir le renouveau liturgique
et catéchétique. Très tôt, la Conférence épiscopale désigna un de
ses membres, S. Exc. Mgr Perraudin, qu'elle chargea tout spé-
cialement de suivre en son nom ce renouveau et d'assurer la coor-
dination dans ce domaine de la pastorale.

II. — CENTRE DE PASTORALE LITURGIQUE,


COMMISSIONS INTERDIOCÉSAINES ET DIOCÉSAINES

En septembre rgôg, l'assemblée des évêques du Rwanda et du


Burundi jetait les bases de l'organisation des services de son
secrétariat, en vue d'une pastorale commune, par la fondation
d'un Centre de Pastorale liturgique et catéchétique 2.Ce Centre
devait aider à promouvoir dans les différents diocèses le renou-
veau liturgique et, en tout premier lieu, la participation active
des fidèles selon les directives énoncées dans l'Instruction de la
Sacrée Congrégation des Rites du 3 septembre 1958. Dès ce
moment, il était admis en principe que le Centre travaillerait à la
mise en place progressive des différentes commissions nécessaires
à la pastorale liturgique diocésaine et à une pastorale commune
aux différents diocèses. Plus tard, à la demande de l'épiscopat, il
fut amené à organiser les différentes sessions annuelles dont il a
été fait mention. Le prieuré bénédictin de Gihindamuyaga, près
d'Astrida, apporte une collaboration de plus en plus effective aux
activités du Centre. Depuis la fondation du Centre, la Conférence
épiscopale réserve un certain temps, à chacune de ses réunions,
pour l'examen des problèmes suscités par le renouveau litur-
gique. Cet intérêt actif de la Hiérarchie, cette mise en commun
des préoccupations, comptent parmi les facteurs les plus déter-
minants qui permirent au renouveau liturgique de prendre son

I.
essor.
Les commissions diocésaines se constituèrent insensiblement,

2. :
Adresse Centre international de Pastorale liturgique et caté-
chétique, B. P. 49, Astrida, République du Rwanda. Le directeur
du Centre d'Astrida tient à signaler combien il a été aidé par les
conseils du C. P. L. de Paris. Pour ce qui concerne l'activité catéché-
tique du Centre, une chronique est prévue dans la revue Lumen Vi-
tae, 1963,
à partir de la vie: A leur réunion de novembre 1959, les évêques
décidèrent de désigner chacun deux ou trois paroisses où le
clergé s'appliquerait à promouvoir la participation active à la
messe suivant les orientations arrêtées par la Conférence épisco-
pale. On réunit ces prêtres à l'échelon de chaque diocèse, dans le
but d'étudier, avec le responsable du Centre, la pastorale litur-
gique de la messe et de fixer de commun accord les premiers

:
objectifs à atteindre. Ces réunions se tinrent sous la présidence
de l'évêque
:
elles étaient les embryons des futures commissions
diocésaines. Elles se répétèrent les années suivantes y partici-
paient les prêtres qui révélaient des aptitudes pour l'apostolat
liturgique. En octobre 1961, la Conférence épiscopale examina un
projet de statuts pour les commissions diocésaines, établi sur les
bases d'échanges de vues qui eurent lieu à la Commission inter-
diocésaine. En août 1962, les diocèses avaient, en grande majo-
rité, érigé officiellement leur commission pour la liturgie. Les
statuts prévoient que chaque commission diocésaine étudie avec
l'évêque les moyens de faire entrer en application les orienta-
tions prises par la Commission interdiocésaine et ratifiées par la
Conférence épiscopale. De plus, il leur revient de promouvoir
l'apostolat liturgique. Dans ce but, tantôt les membres de la
commission se sont réparti les différentes régions du diocèse en
vue d'y exercer une animation liturgique, tantôt l'évêque a
détaché complètement un prêtre comme responsable du renou-
veau liturgique et catéchétique. Chaque commission comprend
un représentant de l'enseignement secondaire, chargé de suivre
ce secteur. A sa réunion d'octobre 1962, la Commission interdio-

:
césaine a insisté sur le rôle des commissions diocésaines en vue
de pallier les difficultés actuelles elles doivent pourvoir aux
moyens d'aider les paroisses, en suscitant une entraide, princi-
palement pour la formation des équipes liturgiques et pour
l'enseignement des chants fonctionnels; on souhaita, de plus,
qu'elles encouragent l'organisation, à l'échelon de la paroisse,
de petites sessions liturgiques pour catéchistes et de « semaines
»
liturgiques pour la communauté chrétienne. Des expériences
récentes dans ces domaines en avaient révélé tout le fruit.

:
L'attention fut également attirée sur la constitution effective des
conseils paroissiaux tout effort semble d'avance voué à l'échec
s'il n'y a pas unité de vues et d'action dans l'équipe sacerdotale
paroissiale, et si le clergé ne travaille pas fraternellement en
équipe avec les religieux, les religieuses et l'élite laïque chré-
tienne.
La Commission interdiocésaine réunit plusieurs fois par an les
membres des différentes commissions diocésaines, désignés par
l'évêque pour participer à ces réunions. Elle relève directement
de la Conférence épiscopale qui, à l'examen des rapports de ses
travaux, adopte des orientations communes. Grâce à cette relation
avec l'Épiscopat et grâce à sa composition, la Commission
interdiocésaine a été, de fait, la cheville ouvrière du renouveau
liturgique. C'est à ses réunions que les différentes expériences se
sont confrontées, que les nouvelles compositions ont été connues
et appréciées3, que les mesures ont été envisagées pour surmon-
ter les difficultés. La principale de ces mesures fut l'établissement
de sous-commissions, deux pour les chants et deux pour les
textes, en fonction des deux langues parlées, le kirundi et le
kinyarwanda; ces sous-commissions étaient chargées de susciter
une large collaboration en vue de constituer le lectionnaire, les
répertoires de chants et les monitions. C'est grâce au travail des
membres de ces sous-commissions que l'on est arrivé à réunir
le matériel nécessaire au renouveau4.

III. — LA CÉLÉBRATION DE LA MESSE EN PAROISSE5

Avant le renouveau liturgique, les fidèles du Burundi et du


Rwanda étaient loin d'assister passivement à la messe comme
-
des spectateurs muets. Les premières chrétientés de ces pays
datent du pontificat de saint Pie X. D'emblée elles furent édu-
quées selon les directives pastorales de ce pape. Aux grand-
messes, les fidèles exécutaient les chants du Commun en grégo-

3.Notamment des chants pour l'ordinaire de la messe, des psau-


mes, des récitatifs pour les lectures du samedi saint, des chants
responsoriaux sur certains passages de l'Évangile, comme les béati-
tudes et des extraits du discours après la Cène.
4. Partout maintenant l'on dispose des textes bibliques des - di-
--
manches et des fêtes principales, spécialement étudiés pour la lecture
publique, et polycopiés. On travaille actuellement à la mise au point
des textes pour les messes du commun et certaines messes votives.
Il en va de même pour les monitions. Quant aux chants, l'on dispose

méditation :
déjà de plusieurs formulaires pour l'ordinaire de la messe, de nom-
breux psaumes, de chants de communion et de quelques chants de
kinyarwanda; le
trentaine de fiches de chant ont été éditées en
une Burundi
a surtout des polycopies, trois séries de
huit fiches imprimées, et un manuel de chants édité par le Grand
Séminaire de Burasira. Tous ces nouveaux chants sont construits sur
les modes musicaux traditionnels dans le pays.
5. Les écoles secondaires, en régime d'internat, ont fait de grands
efforts pour la participation active à la messe et pour les célébrations
bibliques aux temps forts de l'année liturgique. Les messes de style
communautaire y ont une fréquence qui va de deux à six par semaine.
Certains instituts ont vraiment renouvelé leur esprit, grâce au
renouveau liturgique, conjointement à la prise de conscience des
responsabilités apostoliques chez les élèves.
rien (surtout le formulaire VIII du Kyriale); une schola assurait
les chants du Propre; tous répondaient aux salutations et aux
prières présidentielles. Aux messes lues, les fidèles récitaient à
l'unisson les formules de prières qu'ils trouvaient dans leur
Manuel des chrétiens, formules reprises des livres de piété en
usage en Europe avant que se répandissent les missels. Le caté-
chiste entonnait ces prières au moment voulu et toute l'assem-
blée en poursuivait la récitation; des attitudes communes étaient
observées; cependant l'assemblée n'intervenait pas dans les
»
dialogues avec le célébrant, qui « disait sa messe comme coupé
de l'assistance.

Célébration dans les paroisses où le renouveau liturgique est


florissant.
Chaque diocèse compte quelques paroisses de cette sorte; elles
ont eu la bonne fortune d'arriver aisément à former leur équipe
liturgique.
Voici comment se déroule la célébration des messes lues. Après
une monition d'introduction, lue par le commentateur ou faite
par un prêtre, l'assemblée et la schola exécutent, debout, le
chant d'entrée6. Ensuite le Kyrie est chanté en langue vivante,
alterné par la schola et le peuple7. Il en va de même du Gloria,
dont le prêtre proclame les premiers mots en latin. Le gros tam-
bour vient parfois scander le rythme de ce chant, ce qui en aug-
mente le sens de louange dynamique et de joie. Tous répondent
en latin au Dominus vobiscum, le commentateur prononce l'invi-
tatoire; après un moment de silence, le célébrant proclame la
collecte en latin et tous la ratifient par Amen. Après que tous se
sont assis, un lecteur proclame l'épître et le peuple répond à la
Parole de Dieu par une acclamation ou par un chant de médita-

:
6. Psaumes 23, 42, 66, 94, etc. Pendant l'avent
le carême
ps. 24; pendant
ps. 90. Ou bien tel cantique adapté au temps liturgique
ou à la fête.
pénitentielle, parfois clairement exprimée dans la paraphrase :
7. La transposition du Kyrie en langue du pays revêt une nuance
« Sei-
gneur, ayez pitié, car nous avons péché. » Ce n'est certes pas le sens
originel du Kyrie, mais une telle nuance est appelée par l'usage chré-
tien des mots employés pour rendre « eleison ». Le même mot, en lan-
gage africain chrétien, signifie pitié, indulgence, miséricorde, pardon.
De plus, les fidèles semblaient beaucoup tenir à exprimer leur repen-
tir au début de la cérémonie, ce qu'ils faisaient auparavant en réci-
tant le Confiteor dans leur langue pendant les prières au bas de
l'autel; leur piété est donc satisfaite par la tournure pénitentielle du
Kyrie. Enfin l'Episcopat préféra réserver pour l'offertoire les prières
litaniques d'intentions; revaloriser le Kyrie par des intentions devien-
drait dès lors un doublet malencontreux et allongerait inutilement
la cérémonie.
tion 8.
Le célébrant proclame lui-même l'évangile en langue vi-

est chanté en langue vivante par l'assemblée qui se tient debout


tantôt c'est le symbole des Apôtres, alterné par le peuple et la
:
vante, après l'avoir lu en latin, et fait ensuite l'homélie. Le Credo

schola; tantôt c'est une paraphrase du symbole de Nicée, très


parlante pour le peuple, exécutée par des choristes, le peuple in-
tercalant sans cesse le répons « je crois! je crois! »; tantôt enfin,
la schola exécute une transposition de la triple profession baptis-
male, avec le même répons du peuple « je crois ».
Durant l'offertoire, le peuple chante des cantiques d'offrande,
ou bien s'unit, par de brefs répons, aux litanies catholiques
chantées par un soliste. Les prêtres remarquent que, de plus en
plus, les orationes fidelium prennent le pas sur les chants
d'offrande. La procession d'offertoire, à laquelle prennent part
les représentants de la communauté chrétienne, n'a été que
rarement organisée jusqu'à présent. Cependant bien des missions
tâchent deconsacrer à la messe les hosties qui seront distribuées
au cours de la célébration. La secrète fait l'objet d'un invitatoire
et, après avoir répondu Amen au célébrant, l'assemblée se lève
et écoute la monition de la préface. Ensuite tous prennent part
au dialogue avec le célébrant, écoutent en silence la préface,
ensuite chantent une transposition du Sanctus. Au Burundi, pour
Hosanna, ils ont adopté l'acclamation royale Hangama qui est
très expressive, étant la manifestation traditionnelle de joie et
de louange à l'occasion de la venue du souverain. Ce climat de
parousie — au sens étymologique du mot — est renforcé du fait
que certaines transpositions du Sanctus demandent d'être scan-
dées par le triple battement de mains — lui aussi, manifestation
réservée à la venue du roi — et par le tambour, qui est le
symbole de la royauté.
Pendant le Canon, le commentateur fait une ou plusieurs
monitions; en tout cas, toujours à la doxologie finale. Les essais

-
8. Pour le moment, le répertoire des chants de méditation est
encore très maigre. Le peuple chante un triple alléluia; la schola
chante deux versets avec de nouveau le triple alléluia au milieu et
à la fin. Les versets sont inspirés du psaume 118 et de la deuxième

9. Au Prieuré de la crête Congo-Nil, au Rwanda - -.-


partie du psaume 18. Les mélodies, construites sur la gamme pen-
tatone, sont très pures et très priantes.
(diocèse de
Nyundo), les Petits Frères de Notre-Dame des Pauvres, encouragés

:
par l'évêque de l'endroit à rechercher comment adopter dans le
culte les moyens locaux d'expression, traitent également le Sanctus
de cette manière cela crée un climat intense de joie et de louange.
Durant la consécration, ils ont. introduit un battement très solen-
nel du gros tambour. Par ces mêmes procédés, ils sont parvenus à
entourer d'une orchestration vraiment suggestive la doxologie finale
du canon.Mais ceci n'a pas encore été expérimenté en paroisse.
pour un chant d'anamnèse ou pour mieux introduire la ratifica-
tion par les fidèles de la grande prière eucharistique n'ont encore
rien proposé de satisfaisant. Une monition précède en général le
Pater, qui est récité par l'assemblée en sa langue10. L'Agnus Dei
est chanté par le peuple après intonation par la schola, selon
diverses paraphrases. Les pasteurs n'ont pas encore trouvé le
moyen de faire participer le peuple aux rites du cycle de la
communion d'une manière suffisamment vécue pour qu'ils

communion »
puissent supprimer la récitation en commun des « actes avant la
dont, hélas! la formulation est très individualiste
et sans référence au sacrifice offert. Durant la distribution de la
communion, l'assemblée chante soit des chants d'action de
grâces récemment composés selon la structure responsoriale
— ce qui est vraiment adapté à la culture locale — soit d'anciens
cantiques. Le commentateur prononce un invitatoire à la post-
communion, tout comme il l'a fait pour la collecte. Avant la
bénédiction finale, se font les annonces; à certains endroits, on a
préféré les mettre avant la messe; on évite donc de plus en plus
de les placer au moment de l'homélie. Sitôt la bénédiction reçue,
l'assemblée exécute un chant final, parfois accompagné de batte-
ments de mains et de tambour.
A la grand-messe du dimanche, lecteur et commentateur
interviennent. Les chants de l'ordinaire sont chantés par le
peuple dans la langue du pays, de même qu'un chant d'entrée.
une litanie d'intentions à l'offertoire, les chants de communion
et le chant final d'action de grâces. L'introït et les autres cbants
du Propre sont chantés ou psalmodiés en latin.

Réflexions.
Les fidèles de ces paroisses avouent que ces célébrations
vivantes leur ont fait découvrir ce qu'est la messe. Ils sont très
attentifs à la proclamation de la Parole de Dieu; apprécient les
monitions qui les aident à prier avec l'Église et à s'unir au
déroulement de l'action sainte; ils sont particulièrement heureux
de chanter leur foi et la louange de Dieu dans leur langue, et
avec les ressources de cet art musical qui est le leur et le plus
apte à vraiment les émouvoir.
Au début, le clergé avait maintenu, le dimanche, une messe
lue avec récitation commune de prières comme auparavant, afin
de laisser aux chrétiens qui n'apprécieraient pas les innovations

JO.Ainsi en a stipulé le Directoire, se basant sur une coutume

vivante.
« immémoriale » on vigueur à toutes les messes lues; une même
coutume a joué en faveur du Domine non sum dignus en langue
la possibilité d'une messe à leur goût. D'eux-mêmes, les fidèles
ont demandé que toutes les messes dominicales — à part la
grand-messe — soient célébrées dans le style communautaire
détaillé plus haut. Ils ont demandé que la même manière de
célébrer soit introduite en semaine, ce qui a été réalisé selon un
style de célébration un peu plus simple. Les chrétiens des suc-
cursales sont intervenus pour que, lors du passage du prêtre chez
eux, la messe soit aussi célébrée de cette manière. En consé-
quence, plusieurs missions ont leur équipe liturgique dans les
succursales importantes.
Le clergé constate les bienfaits de cette vie liturgique :
l'assis-
tance est plus pieuse et plus recueillie; les chrétiens arrivent à
temps et sortent beaucoup moins durant la célébration; la vie
chrétienne de l'ensemble de la communauté paroissiale monte
sensiblement.
Dans l'état actuel de la législation liturgique, il est sans doute
difficile de faire davantage. Et pourtant, le clergé de ces paroisses
se dit insatisfait. Le cœur même de la messe, la grande prière
eucharistique, est presque comme un moment qui manque de
vie. Bien sûr, les fidèles croient que le Christ renouvelle son
Sacrifice, mais les rites ne les entraînent pas suffisamment dans
une union intense à l'action sacerdotale. Les monitions n'y
suffisent pas, ni non plus le fait de célébrer face à l'assistance.
Pour des peuples de civilisation orale, la prière du prêtre devrait
être dite à haute voix, si elle n'est pas chantée, et dans une
langue intelligible à l'assistance. Sans cela, on ne sortira pas
d'une passivité qui équivaut trop à de l'inertie spirituelle. Étant
donné les caractéristiques des civilisations orales, il est illusoire
de vouloir suppléer à cette lacune par des livrets de participa-
tion : un style direct est nécessaire, audio-visuel, le célébrant
entraînant, par sa prière exprimée à haute voix, par ses gestes
et son attitude, la piété respectueuse et attentive de l'assemblée.

Célébrations dans les paroisses ordinaires.


La bonne volonté existe partout. Cependant les difficultés
furent telles que souvent les résultats sont restés à un niveau
moyen11. Les équipes liturgiques n'ont pas pu être organisées

leur origine dans les faits suivants :


II. Les difficultés rencontrées sont vraiment extraordinaires et ont
guerre civile au Rwanda, de
1959 à 1962; au Burundi, intense propagande politique axant les
esprits sur des préoccupations qui relèguent à l'arrière-plan l'intérêt
pour les choses religieuses; dans les deux pays, accroissement de
l'indifférentisme religieux et retour aux pratiques païennes; une très
forte disette et, dans certaines régions, la famine, conséquence de l'irré-
gularité des pluies (ce n'est pas quand on a l'estomac creux que l'on
d'une manière satisfaisante; on n'a pas eu sur place les moyens
d'enseigner les chants fonctionnels, ceux qui, précisément,
donnent à la célébration son caractère festif et entraînant. Cepen-
dant, presque partout, les lectures bibliques en langue vivante
et les monitions se font aux messes dominicales et parfois en
semaine. Le lecteur n'est pas toujours distinct du commentateur.
Partout où un prêtre ou un laïc en était capable, on a commencé
à apprendre les chants adaptés à chaque partie de la messe. Dans
la majorité des paroisses, on a fait les efforts voulus pour la
catéchèse liturgique de la messe; mais ceci ne va pas non plus
sans difficultés, car ces nouvelles perspectives de la prédication -
demandent un effort personnel considérable de la part des
prêtres.
En somme, tout le monde est entraîné dans le renouveau litur-
gique prôné par l'épiscopat, à l'exception de quelques récalci-
trants : quelques rares membres du clergé qui n'ont pas compris
encore; quelques groupes qui tiennent à leurs anciennes habitu-
des (le chant des litanies du Sacré-Cœur durant la messe du
premier vendredi du mois); quelques scholas qui, par dilettan-
tisme, veulent envers et contre tout chanter en latin; quelques
vieux catéchistes qui, en l'absence du commentateur, reviennent
aux anciennes façons de faire; et enfin, certaines personnes
disposant d'un missel et qui croient que l'idéal est la messe
silencieuse.

IV. — LE RITUEL

L'utilisation du rituel bilingue est générale pour le baptême,


presque générale pour le mariage, moindre pour l'onction des
malades, les enterrements et les bénédictions. Dans plusieurs
paroisses, il y a des monitions aux baptêmes solennels d'adultes
et aux baptêmes d'enfants.
Jusqu'à présent, la Hiérarchie n'a pas encore donné de direc-
tives en vue de la valorisation pastorale du rituel, sauf pour le
mariage. Elle estimait avec raison que l'effort demandé pour la
messe absorbait suffisamment l'attention du clergé. Une enquête
menée dans les paroisses de deux diocèses signale la satisfaction

s'intéresse au mouvement liturgique); importantes mutations sociales

ment populeuses :
(accession à l'indépendance) avec, comme conséquence, l'instabilité
des esprits et parfois une inquiétude profonde; paroisses démesuré-
parfois 4o.ooo fidèles pour trois prêtres seule-
ment qui doivent en outre s'occuper des catéchumènes et des non-
chrétiens.
exprimée par les fidèles du fait qu'ils comprennent désormais
les prières de l'Église et le sens des rites, totalement impénétra-
bles pour eux auparavant.

V. — ORIENTATIONS POUR L'AVENIR IMMÉDIAT

La réunion de la Commission interdiocésaine d'octobre 1962


avait à son programme une mise en commun de réflexions,
basées sur certaines expériences déjà réalisées sporadiquement,
dans le but de préciser les orientations à donner à l'apostolat
liturgique dans les diocèses du Rwanda et du Burundi. A la date
où cet article est écrit, la hiérarchie ne les a pas encore exami-
nées. Il n'est pas sans intérêt, toutefois, de les verser au dossier.
Le mouvement liturgique dans les diocèses devrait viser à
susciter, parmi les fidèles, une prise de conscience plus vive du
mystère central du christianisme, la Pâque du Christ, ainsi que
de la réalité profonde de l'Église, peuple pascal et baptismal,
grâce à une pastorale liturgique de la veillée pascale, du carême,

:
des baptêmes solennels d'adultes et des baptêmes d'enfants.
— Pour la veillée pascale conférer quelques baptêmes d'adul-
tes et mettre bien en relief, par la catéchèse et les monitions, le
symbolisme de l'eau, du cierge, du vêtement blanc et de
l'onction.
— Pour le carême: en principe, il constitue l'itinéraire spiri-
tuel vers Pâques et le baptême de ceux qui s'y préparent (com-
munauté catéchuménale) et de ceux qui s'y renouvellent
(communauté eucharistique). L'effort durant les retraites pasca-
les, prêchées pendant tout le carême dans les succursales, devra
porter tout autant sur la préparation du Triduum sacré, et
spécialement de la veillée pascale, que sur la satisfaction du
précepte pascal. Il est souhaitable que le prêtre se rende dans les
succursales le jour de Pâques. Pour le Triduum sacré, à célébrer
dans les succursales en l'absence du prêtre, des célébrations
devront être étudiées.
— Pour les baptêmes d'adultes : y intéresser la communauté
des fidèles: utiliser comme préparation spirituelle les thèmes du

— Pour les baptêmes d'enfants :


rituel et de la liturgie du carême12.
en faire une célébration
requérant la participation active des parents, des parrains, de la
famille, des amis.
Les offices dominicaux en l'absence du prêtre retiennent l'at-

12. La mise en application des « étapes » prévues par le nouvel


Ordo du baptême soulève encore trop de problèmes pour qu'on ait
pu en discuter avec fruit.
tention. Des divers essais tentés par les confrères, il apparaît que
la formule proposée par le P. Ilofinger dans Pastorale liturgique
en Chrétienté missionnaire indique la voie dans laquelle on doit
s'orienter. Des mesures furent prises en vue d'activer la prépara-
tion du matériel liturgique nécessaire.
Quant au rituel du mariage, des prêtres africains soulignent la
nécessité pastorale d'intégrer dans la liturgie des éléments
empruntés aux rites coutumiers. Traditionnellement, la jeune
épouse devait rester la tête couverte d'un voile les jours qui sui-
vent le mariage. Ne pourrait-on pas ritualiser, dans la liturgie,
l'imposition de ce voile? De même, il existe un rite rwandais de
mariage, selon lequel le fiancé dépose sur les épaules de sa
fiancée un collier tressé de feuilles spéciales. Ne pourrait-on pas
?
intégrer ce rite dans la liturgie La dot pourrait sans doute, elle
aussi, revêtir une signification religieuse, grâce à son intégration
dans la liturgie, au moyen d'un geste symbolique (comme dans

dot coutumière :
les anciens rituels germano-francs); cela contribuerait à assumer
dans le christianisme les valeurs profondément humaines de la
alliance des familles, témoignage de recon-
naissance aux parents, responsabilités des familles vis-à-vis de
la bonne entente et du bonheur du jeune foyer13.

Astrida.
XAVIER SEUMOIS, P. Bl.,
Directeur du Centre International
de pastorale liturgique et catéchétique.

13. Dans le rituel du mariage, on a introduit, dans certaines pa-


roisses du Burundi, un échange de cadeaux après l'échange des con-
sentements. Coutumièrement, le fiancé offre à sa future les habits
de mariage. Pour marquer la chose rituellement, le jeune époux,
aidé de la marraine de la mariée, recouvre la tête de celle-ci avec
le voile reçu en cadeau et qu'elle porte, selon la tradition, sur les
épaules. Ce geste marque et le cadeau et la conclusion coutumière
du mariage, car précédemment le port du voile sur la tête se faisait
après la première nuit des noces. De son côté, la jeune femme offre
à son époux une croix murale, bénite la veille, qui sera fixée à
l'endroit d'honneur de la maison. Ce cadeau de la jeune fille n'a
pas de correspondant dans les coutumes, mas il répond très bien
aux aspirations actuelles des jeunes filles dont la personnalité s'af-
firme de plus en plus elles ne veulent plus être simplement celles
qui reçoivent.
Le chant religieux populaire dans le monde

o N

:
trouvera dans cette chronique un état — sommaire mais
significatif — du chant religieux populaire dans treize
pays du monde Europe occidentale. Amériaue du Nord
et du Sud, Inde, Indonésie. Japon et Australie.Nous n'avons pas
pu, malheureusement, rassembler une documentation suffisante
sur l'immense effort de création qui s'accomplit actuellement en
Afrique. Elle mériterait à elle seule une chronique à part.
Des documents que nos correspondants ont bien voulu nous
communiquer — que nous citons ou résumons — se dégagent
quelques constatations générales.
1° Le renouveau du chant est fonction du renouveau litur-
gique dans chaque pays.
2° Dans la mesure où le renouveau liturgique s'est fait sentir,
on constate l'insuffisance ou l'indigence des cantiques tradition-
nels pour une prière qui réponde à la célébration de la liturgie.
Le besoin apparaît de chants nouveaux adaptés dans leur forme,
leur contenu et leur style aux diverses fonctions du culte.
3° En dehors de quelques réalisations isolées, le chant grégo-
rien n'a pas gagné les fidèles, même pour la part qui leur reve-
nait : les pièces de l'Ordinarium missœ (exception faite pour une
partie de la France, Belgique et Hollande non représentées ci-
dessous)
4° Les psaumes font à peu près partout l'objet d'un intérêt
spécial et de bonnes expériences.
5° Plus difficile et moins cohérente semble la création de tex-
tes dignes de la prière liturgique, s'imposant par leur contenu,
leur langage et leur qualité littéraire. L'absence d'une hymnodie
populaire dans la liturgie romaine rend ici la tâche difficile. Elle

:
est néanmoins de tout premier plan pour la vie cultuelle (par
exemple les processionnaux de la messe introït, offertoire, com-
munion — ou les temps liturgiques), et le développement d'une
« piété liturgique».
6° L'utilisation ou la création de mélodies adaptées ne consti-
tue pas un problème majeur, bien que les musiciens d'Église
soientencore peu nombreux ou restent trop étrangers à ce
renouveau.
Nul doute que les orientations attendues du Concile ne vien-
nent donner cohésion et force à ces manifestations déjà impres-
sionnantes de vitalité dans l'Église.

ALLEMAGNE

Le chant liturgique de langue populaire est déterminé en Alle-


magne par la tradition séculaire du Kirchenlied allemand. Si
l'on fait exception des grand-messes dominicales ou festives,
qui sont célébrées avec des chants latins dans les cathédrales,
en beaucoup de paroisses urbaines et dans quelques églises de
campagne le sacrifice eucharistique est accompagné presque
exclusivement du Kirchenlied allemand (hors le cas de la missa
recitata). Selon l'usage de chaque diocèse, 80 à 95 des messes
sont célébrées de cette manière.
Les vêpres sont célébrées, dans les églises paroissiales de nom-
breux diocèses, les jours de fête, et quelquefois aussi le diman-
che, avec des psaumes en allemand qui sont chantés par le peu-
ple suivant les tons du grégorien. Le choix des psaumes s'écarte
des rubriques selon les exigences de la pastorale. Beaucoup de
livres de chants ont des paraphrases populaires de psaumes à la
place du texte liturgique ou à côté de sa traduction. Pour les
autres pièces du culte, particulièrement les Bénédictions du
Saint-Sacrement, l'emploi du Kirchenlied va de soi.
On ne saurait surestimer l'avantage que représente la partici-
-
pation vivante du peuple tout entier à ce type de chant. Cepen-
dant on ne peut se dissimuler les inconvénients qui en
découlent.
Le Kirchenlied à la messe, dans la plupart des cas, ne tient
qu'imparfaitement compte du fond et de la-forme liturgiques.
Beaucoup de chants ne sont que l'expression d'un sentiment reli-
gieux personnel; ils sont loin d'avoir l'ampleur du texte litur-
gique. Ils sont composés entièrement en vers rimés dans une
structure strophique, et ne peuvent tenir compte ni de la diversité
:
inhérente à la fonction liturgique, ni de la répartition du chant
entre les divers membres de la communauté liturgique prêtre,
chantre, chœur et peuple. Même la psalmodie germano-grégo-
rienne, si usitée qu'elle soit, n'est pas entièrement convaincante,
car il y a trop de divergences insurmontables entre le mot alle-
mand et le ton grégorien.
-
Les innombrables tentatives et expériences faites depuis 3o ans
autour de ce problème du chant en langue populaire d'inspira-
tion vraiment liturgique commencent à porter leurs fruits. Ces
réalisations se situent à différents niveaux.
Tout d'abord, on s'efforce d'adapter plus précisément à la
liturgie le Kirchenlied, cette forme populaire par excellence :
différenciation entre le Lied cultuel et le Lied dévotionnel, choix
très soigneux des textes liés au cadre liturgique, attention portée
à la multiplicité des formes du Lied (appel, litanies, refrain,
grande strophe), mise en parallèle du Lied selon l'Ordinaire et
selon le Propre — tels sont les points de vue directifs de la
réforme. Déjà l'appréciable collection Kirchenlied (1938), les
Einheitslieder der deutschen Bistümer (1947) 947) et les livres de
chant diocésains édités ces dernières années tendent dans cette
direction. Diverses rééditions manifestent encore plus claire-
ment l'orientation de cette réforme, ainsi que les dix séries pour
l'Ordinaire (Ordinariumsreihen) qui furent naguère publiées
dans Singende Gemeinde (Christophorus-Verlag), les 33 Psalm-
lieder (édités par A. Lohmann), et le Liedpsalter (édité par
J. Overath). Ces deux derniers livres sont des rééditions et des
remises en forme du psautier de Uhlenberg 1589, psautier dans
lequel le texte psalmique se voit paraphrasé en une forme stro-
phique.
Pendant que l'on s'efforce, sur la base de la vieille tradition
allemande du Lied, d'aplanir pour le peuple, par de bonnes para-
phrases, le chemin vers le chant liturgique, on cherche d'un
autre côté à mettre à la portée de la communauté le texte litur-
gique grâce au chant, en particulier par un chant de psaumes
:
à la fois populaire et conforme à la liturgie. Là encore, on ne
peut pas dénombrer la somme des efforts fournis elle se mani-
feste dans les nombreuses publications selon l'exemple stimulant
de la psalmodie française du P. Gelineau. Parmi celles-ci, le
Nenes Psalmenbuch repose sur les bases les plus solides, étant
le fruit du travail en commun de traducteurs, de théologiens et

:
-

d'un certain nombre de compositeurs. La structure responso-


riale détermine la musique les versets des psaumes sont récités
par le chantre ou par le chœur d'après une formule originale
adaptée au mot allemand, et la communauté répond par des
refrains en forme de Lied. Plusieurs refrains sont possibles pour
chaque psaume et peuvent ainsi l'approprier aux différentes si-
tuations liturgiques. Le Neues Psalmenbuch offre au total
59 psaumes et 13 cantiques. La première série a reçu un si bon
accueil que l'on est en droit d'en attendre un enrichissement du
chant liturgique d'expression populaire.
Les réformes sur la liturgie et les chants d'Eglise, attendues de
Vatican II et dont on pressent déjà quelque chose, particulière-
nient en ce qui concerne une utilisation plus générale du lan-
gage « vernaculaire», ne tomberont pas en Allemagne dans un
champ non préparé, mais au contraire seront l'accomplissement
de souhaits longuement mûris et d'efforts non moins longue-
ments acceptés.
Texte de E. QUACK,
maître de chapelle de la cathédrale de Spire.

ANGLETERRE

Trois cents ans de persécution ont obligé les catholiques

deux courants peu compatibles :


anglais à se passer de déploiements liturgiques et les ont habi-
tués à la messe basse. Vers le milieu du 19e siècle, interviennent
d'une part les convertis du
mouvement d'Oxford, instruits, cultivés, influents mais peu nom-
breux, qui travaillent à restaurer la dignité du culte; d'autre
part, la masse des Irlandais étrangers à toute culture liturgique.
L'Église s'est efforcée d'absorber les deux courants. Depuis le
début du siècle, le chant du latin fut accepté — car le chant
en anglais était considéré comme protestant — et la plupart des
paroisses ont une messe dominicale chantée, tout en latin, par
une chorale. Le peuple reste muet.
L'effort des convertis, comme Faber, pour introduire des can-
tiques en anglais fut grevé par leur style sentimental et par
l'absence de tradition. Le Westminster Hymnal de 1912 (révi-
sion en 1940) contient quelques bonnes choses dans un ensem-
ble médiocre, les chants les plus utilisés étant souvent les
moins bons (sauf dans quelques rares paroisses).
La situation a évolué récemment de deux manières. D'une
part, la messe du soir a remplacé les offices du soir, supprimant
le seul lieu du chant populaire. En revanche, le renouveau litur-
gique a eu quelques échos à partir de 1955 et l'Instruction de
1958 a fait une brèche dans l'opposition à la messe dialoguée. En
1959, le livret Mass together répandait la messe dialoguée avec
dix cantiques adaptés (bonnes mélodies connues, textes nou-
veaux). C'est bon, mais trop peu.
La version des psaumes Gelineau préparée par le Grail apporte
un élément très important. Mais leur diffusion est limitée :
1° parce que la masse catholique, de piété irlandaise, y est tota-
lement étrangère; 2° parce que le chant des psaumes, plus encore
que des cantiques, est tenu pour protestant; 3° parce que les
paroisses manquent d'un clergé éveillé au problème, et de musi-
ciens ouverts à ces formes nouvelles de chant. En revanche,' ils
sont très appréciés par l'élite des communautés ou des paroisses
où progresse le renouveau liturgique.
Le progrès du chant en Angleterre est lié à celui de la vie
liturgique encore inchoative.
Renseignements fournis par le R. P. Cl. HOWEL, s. j.,
de Birmingham.

ARGENTINE

Le mouvement liturgique a commencé en Argentine aux envi-


rons de 1050 seulement, et le chant en langue populaire y a eu sa
place. Mais c'est en 1954 qu'apparaît la première édition de
Gloria al Senor, collection de quatre-vingt-huit chants, plu-
sieurs fois réédités (200.000 exemplaires). Le recueil 42 Salmos
para cantar, collection des psaumes de Gelineau, paraît en 1955
et se diffuse en Argentine et en Uruguay.
Le petit missel Padre Santo, comprenant des chants des deux
recueils ci-dessus, a aussi une grande diffusion, et a connu de
nombreuses rééditions (la dernière, de 5o.ooo exemplaires).
L'Argentine adopte facilement ces chants d'une authentique
expression religieuse.

Renseignements fournis par le P. M. GONZALES.

AUSTRALIE

Le mouvement liturgique est récent en Australie. On peut dire


qu'il commença à se développer à partir de 1941, 4 1, sous l'impul-
l'iiiipul -
sion du Dr Percy Jones, de Melbourne, qui écrivit un hymnaire
cherchant à être conforme aux directives de saint Pie X.
Depuis 1958, se tiennent tous les ans à Sydney et Melbourne
des Congrès nationaux pour promouvoir la réforme liturgique.
Le premier de ces Congrès fut appelé « Living Parish Week »,
et se tint sous le patronage du cardinal Gilroy, archevêque de
Sydney, et sous la présidence de Mgr Freeman et de R. Pryke.
Le mouvement liturgique ne s'est malheureusement pas
répandu dans tous les diocèses de la même façon; le diocèse de
Hobart, en Tasmanie, est le plus actif, grâce à Mgr Guildford
Young, tête de file du mouvement liturgique en Australie. D'au-
tres diocèses n'ont encore rien réalisé.
Depuis 1956, un comité de prêtres diocésains publie des livrets
à bas prix dans la collection Living Parish Series. Ont paru des
textes pour participer à la messe, aux sacrements et à des dévo-
tions paraliturgiques. En 1959, fut réalisé We offer the Mass,
qui comprend neuf chants pour la messe en langue vernaculaire,
par'R. Connoly et J. McAuley. C'est un des buts des Living
Parish Series que d'encourager la création de chants et d'hymnes
en langue vernaculaire. Un livre national de chant, pour les
paroisses, a été publié, et des hymnes, enregistrés sur disque.
Les Écoles catholiques paroissiales, non soutenues par l'État,
mais très nombreuses en Australie, ont parfaitement compris
l'importance du mouvement liturgique et aident à sa diffusion
par leur action sur les élèves et les étudiants.
Un nombre croissant de laïcs s'intéresse également à ce
développement. Il y a de nombreuses associations, dont la plus
célèbre est The Guild of St Pius X, présidée par M. David Bran-
nagan.
Renseignements fournis par le R. P. A. NEWMANN,
de Arncliffe(N.S.H7.).

BRÉSIL

Le chant sacré populaire brésilien a été fortement marqué par


collections ou publications brésiliennes, citons :
l'influence étrangère (France, Allemagne, Italie). Parmi les
F. T.D., des
Frères maristes; Caecilia, dirigé par le Frère Pierre Sinsing,
o. f. m.; la Harpa de Siao, du R. P. Jean-Baptiste Lehmann,
s.v.d.; Hosanna, recueil officiel de l'archidiocèse de Rio de
Janeiro, sous la direction de Mgr J.-B. da Motta e Albuquerque
et de la Commission de musique sacrée fondée en 1944 par le
cardinal Jaime de Barros Câmara.
En 1954, arrivèrent au Brésil les échos du mouvement liturgi-
que français. La Commission archidiocésaine de musique sacrée
de Rio de Janeiro coordonna et dirigea la traduction des psaumes
en portugais, avec les mélodies de Gelineau. Cette version fut
publiée en 1960 par les éditions Agir, et un disque en fut réalisé
en 1961 par le Fr. Joël Postma, o. f. m. En 1062, parurent les
premières fiches de « chant pastoral».
:
Une image permettra de résumer la situation actuelle du chant

:
religieux la semence est jetée, la terre est bonne, la germination
se fait. Mais ily a de grandes difficultés manque de musiciens
compétents, car peu de séminaires ont un professeur de musique
spécialisé. Il n'y a pas d'école de musique sacrée, ni de moyens
de divulgation. D'autre part, bien que les moyens de communi-
cation se perfectionnent toujours plus, les grandes distances terri-
toriales isolent les initiatives.
:
Mais on peut déjà constater des résultats positifs la musique
pastorale commence à intéresser le clergé, ce qui fait espérer
une authentique rénovation du chant populaire. Dans les milieux
où elle s'est déjà opérée, on a remarqué qu'elle a été reçue avec
un grand enthousiasme.
Les cours de vacances ont contribué à cette rénovation. Depuis
1958, dans divers États, des sessions ont lieu, et suscitent un
intérêt extraordinaire. Les publications de fiches, chants, offices
paraliturgiques et même de chansons religieuses vont se multi-
plier au cours de l'année.
Renseignements fournis
par Dom AMARO CAVALCANTI DE ALBUQUERQUE,
de la Commission archidiocésaine
de musique sacrée de Rio de Janeiro.

CANADA

Un travail de grande ampleur a été accompli, depuis trois ans


surtout, dans le domaine du chant religieux français. Il faudrait
mentionner, dans cet apostolat, l'importance des sessions litur-
giques organisées depuis 1957 par la Commission sacerdotale de
Pastorale liturgique (provinciale jusqu'en 1961, nationale depuis),
des sessions d'études catéchistiques organisées depuis 1960 par
la Fédération des Frères enseignants, des cours de pastorale
liturgique donnés dans le cadre des instituts de catéchèse (Mont-
réal, Ottawa, Québec), des congrès de spiritualité organisés
tous les deux ans depuis six ans par les Pères Carmes de Nicolet.
Un bon nombre de maisons d'enseignement (surtout collèges
classiques, appelés ici séminaires) se sont, depuis trois ans, équi-
pées en fiches. Mais le mouvement n'a guère touché les paroisses.
Il commence actuellement à toucher les communautés religieuses.
Pour les paroisses, ùn diocèse (Rimouski) vient de se lancer. En
106 1, le diocèse de Saint-Jean avait organisé un travail d'enver-
gure avec une sélection de vingt fiches; mais il n'y eut de résul-
tat que dans les maisons d'enseignement. La grosse difficulté
vient, dans les paroisses, des maîtres de chapelle et organistes,
qui restent trop étrangers à cette production.
A noter, parmi les publications parues avant 1960, le recueil
publié par C. E. Gadbois et G. Fontaine (Éd. de la Bonne Chan-
son, 1950), comprenant 400 cantiques, de valeur inégale; et les
recueils de chansons publiés par « La Bonne Chanson » qui,
depuis, ont fait, dans leurs éditions scolaires et leurs éditions
pour le grand public, une place aux chants sacrés français; place
modeste, sans doute, mais non négligeable.
Il faudrait signaler aussi le rôle que jouent dans ce domaine
d'éducation et de diffusion la radio et la télévision. Les disques
qui sont passés à ces émissions font connaître et apprécier un
certain nombre de chants, des mieux choisis. La J.E.C., en
particulier, a eudans ce domaine une heureuse influence.
Le Livret des fidèles, avec ses deux cents chants, presque tous
tirés des fiches françaises, est largement répandu dans les parois-
ses; mais on n'y fait guère chanter la foule.

Notes du R. P. G. FONTAINE, c.r.i.c., de Montréal.

ESPAGNE

L'Institut de Pastorale de Salamanque et l'Union nationale de


l'Apostolat liturgique ont commencé en 1958 à faire appliquer
les directives pontificales en matière de chant populaire reli-
gieux.
Le point de départ fondamental fut la préparation, par un
groupe de religieux et de prêtres, de l'édition de 22 psaumes en
castillan, avec la psalmodie du P. Gelineau, dans une traduction
littérale et rythmique inspirée de l'hébreu. Les deux premières
éditions furent rapidement épuisées, et l'on prépare actuellement
une 3e édition de 64 psaumes et 3 cantiques bibliques, avec
320 antiennes de 29 compositeurs espagnols (Éditions Hechos y
Dichos de Saragosse).
Cette édition des psaumes fut accompagnée d'une messe popu-
laire en castillan (musique d'Arrondo, texte de Danoz), éditée
par les PP. Rédemptoristes de Madrid. Cette messe, très répan-
due et populaire en Espagne, a donné lieu à plusieurs éditions,

:
et un disque en a été gravé (33 t., Discoteca Popular Catolica).
Signalons aussi un parolier Cantemos, contenant l'Ordinaire
de la messe, le texte castillan d'une douzaine de messes, le texte
des 22 psaumes, et divers chants. On en a fait une édition en
fiches, avec, à part, les accompagnements correspondants.
D'autres fiches ont été éditées par le Centre de Pastorale litur-
gique de Barcelone, par les Éditions Herder de Barcelone (messe
en castillan de Goicoecha Aizcorbe). M. Manzano, le F. Jordan,
le F. Arragües, ont aussi composé des messes ou des chants qui
ont été édités en fiches.
A côté de ces réalisations en castillan, il y a eu aussi un
renouveau du chant en langue basque. Le centre d'études litur-
giques et pastorales du Séminaire de Saint-Sébastien a fait des
éditions bilingues (texte et musique), comme Mesa santurako
Abestiak. Certaines de ces mélodies sont d'origine populaire;
d'autres sont dues à un bénédictin de Belloc, Dom Lerchunchi.
Cette abbaye de Belloc a aussi publié le Kantikak, déjà épuisé.
Dans l'élaboration de la musique religieuse populaire en
Espagne, on a suivi le critère de Mgr Miranda qui disait qu'on
devait laisser aux musiciens religieux toute liberté de composer
spontanément, de manière que se fasse une sélection à partir de
cette abondance. Le peuple se chargera de rendre vraiment popu-
laires les chants qui conviennent à sa manière d'être.

Renseignements du R. P. ARTETA, s. j.,


rédacteur à Hechos y Dichos (Saragosse).

ÉTATS-UNIS

Bien qu'aux États-Unis l'observance dominicale soit très large-


ment observée, et que la vie sacramentelle soit très développée,
la participation des fidèles aux rites est encore à un stade
embryonnaire.
Pendant de nombreuses années, les fidèles n'ont eu d'autres
choix que le chant grégorien, pratiquement impossible à chanter
par le peuple, et sans signification pour lui, et des chantsen
anglais (St Basil Hymnal, De La Salle Hymnal, St Gregory's
Hymnal) aux paroles encore plus pauvres, si possible, que la
musique. Ces chants étaient hérités du 19e siècle et du sentimen-
talisme de cette époque.
Un grand pas en avant fut fait en 1940, avec la composition
d'hymnes plus convenables. Le Manhattanville College of The
Sacred Heart publia le Pius X Hymnal, sous la direction de
Theodore Marier.

:
Un autre compositeur a eu une bénéfique influence sur le
renouveau du chant c'est M. Alexander Peloquin, qui a publié
de nombreuses pièces (processionaux, motets, chorals, messes)
en langue vernaculaire.
C'est dans le Midwest, là où le mouvement liturgique est le
plus introduit, que la musique liturgique s'est développée le plus
largement. Dom Ermin Vitry fit un travail salutaire, notamment
dans des cours d'été à l'université Notre-Dame. Les PP. Joseph
Nolan et Martin Hellriegel ont aussi été des chefs de file dans le
renouveau liturgique en général, et le chant en langue vernacu-
laire.
Les psaumes Gelineau, publiés à Grailville (Loveland, Ohio),
ont suscité la création de psalmodies analogues, parmi lesquelles
on peut noter celles de Denis Fitzpatrick, de Chicago, qui a
composé d'autre part un recueil encore inédit, comprenant des
psaumes et des hymnes pour diverses parties de la liturgie.
Le Gregorian Institute of America (Toledo, Ohio) sous la direc-
tion du Dr Clifford Bennett a fait une œuvre de pionnier en
publiant nombre d'oeuvres en latin et en langue vernaculaire, et
en organisant des cours de musique sacrée.
:
Signalons en- conclusion l'effort récent pour renouveler les
Recueils de chants
— Our parish prays and sings, Éd. St John's Abbey, College-
ville, Minnesota, dont un million d'exemplaires ont déjà été
vendus;
— le nouveau St Basil Hymnal, aussi excellent que l'ancien
était mauvais; ,

— The People's Hymnal.


Pourtant, on doit dire que ces trois recueils sont inférieurs au
Recueil de l'Église épiscopalienne (anglicane), si « avancée »
qu'elle a acheté cinq fois plus de psaumes Gelineau en anglais
que les catholiques.

Renseignements fournis par le R. P. C. J. MAC NASPY, S. j.,


rédacteur à America, de New York.

INDE

En Inde, le mouvement liturgique est très loin d'en être au


stade où il se trouve en Europe occidentale. S'il y a des initia-
tives et des nouveautés, elles sont toujours individuelles. Il
manque encore un directoire de la Hiérarchie en matière de pas-
torale liturgique, et aucun centre ne coordonne les efforts indivi-
duels.
Or l'effort de composition, absolument nécessaire, n'est pas
facile, la musique indienne étant d'une grande complexité mélo-
dique (harmonie et polyphonie étant inexistantes). Il s'agit
d'accomplir un travail de simplification selon les besoins de la
liturgie.
Enfin, la multiplicité des langues et l'immensité du continent
rendent encore plus aigu le problème de l'unification.
L'implantation du christianisme dans l'Inde du sud (Kerala et
Tamilnad) étant beaucoup plus ancienne qu'en Inde du Nord, et
certaines liturgies de rite oriental du Kerala admettant l'usage du
malayalam comme langue liturgique, la situation du chant en
langue vulgaire dans le Sud est beaucoup plus enviable que dans
le Nord; Signalons pour le Sud les initiatives des PP. Amalada-
san, de Kumbakonam, et de C. S. Maria Arokian, de Coimba-
tore1.
Dans le Nord, les deux figures principales sont celles du
P. Edmond, capucin canadien, fondateur de l'École de musique
hindoustanie, qui fonctionne deux mois par an depuis sept ans,
et où viennent de nombreux prêtres, laïcs, religieuses. Cette
École a été un centre de créations musicales (messes en sanskrit
et en hindi, psaumes en hindi).
L'autre figure est celle du P. Proksch, s. v. d., qui se consacre
depuis vingt-cinq ans à l'étude de la musique et de la danse
indiennes. Ses compositions, de valeur incontestable, sont moins
classiques que celles du P. Edmond.
Le P. Benedetti, au contraire, a porté son effort sur une
musique strictement liturgique à contour très simplifié et à
bonne valeur pédagogique.
Les chants de langue konkanie (Goa, Bombay), sont nettement
occidentalisés et plutôt fades. Pourtant, en 1962, a paru un petit
recueil d'hymnes en konkani : signe que là aussi on cherche des
voies nouvelles.
Quant à la langue anglaise, son usage est très important pour
la pastorale liturgique dans la plupart des paroisses urbaines.
Il est donc impératif d'introduire dans les villes à population
anglophone les initiatives anglaises. Le premier recueil d'hymnes
vraiment liturgiques en langue anglaise a été publié il y a deux
ou trois ans par le Centre catéchétique de Poona.
Enfin, un hymnaire est actuellement en préparation. Il servira
pour le Congrès eucharistique de Bombay de 1964. On espère
qu'il contribuera à une plus grande participation des fidèles à la
liturgie. Il comprendra des chants en langues hindie et anglaise,
les deux lingua franca de l'Inde moderne.

Renseignements fournis par le R. P. MERCIER, S. j.,


de Bombay.

I. Cf. l'article du P. Amaladasan paru dans Lumen Vitae, 1905, n. 4.


ITALIE

I Chants pour la messe lue.


C'est dans ce domaine que l'évolution a été la plus significa-
tive. Il y a quelques années, le répertoire comprenait surtout des
chants de type choral. Aujourd'hui, les réalisations les plus
notables sont:
G. HAYDN, Messa popolare, Éd. Maurri, Florence; M. SCAPIN,
Messa per il popolo, Éd. Casimiri, Rome; M. PAGELLA, Canti per
la Messa, Éd. L.D.C., Turin; BARTOLUCCI, I canti del popolo per
la messa, Éd. Aisc, Rome; L. REFICE, La messa dei fanciulli,
Éd. Aisc, Rome; M. VITONE, Cinque canti per la messa. Éd.
L.D.C., Turin.
Durant ces dernières années, les chants responsoriaux, anti-
phoniques et litaniques se sont considérablement développés,
:
sans doute sous l'influence étrangère, et sous celle de deux
publications italiennes le Directoire du cardinal Lercaro, de
Bologne (A Messa,figlioli,1955), et l'Instruction de la Sacrée
Congrégation des Rites. Ces deux derniers documents ont contri-
bué à mieux faire comprendre la structure communautaire et
hiérarchique de la messe, et le rapport fonctionnel des chants
aux rites. Notons parmi les chants de ce type:
— GAZZERA-DAMILANO, Canti liturgici per la messa letta,
Éd. Aisc, Rome, 1959 choix de chants responsoriaux et litani-
ques, inspirés du propre de chaque temps liturgique.
Bosio, LASANGA, Loss, STEFANI, Venti canti per la Messa

dialogate, Éd. L.D.C., Turin, 1959 : quatre séries de chants pour
les divers moments de la messe.
VITONE, Cinque canti per la Messa, Éd. Less, Messine, 1959.

GAZZERA-DAMILANO, Fanciulli a Messa, Éd. Eco, Milano,

I960.

Enfin, deux recueils méritent une place spéciale:


— G. LERCARO, A Messa, figlioli, Bologne, 1962(4e éd.).
— AGUSTONI, ALBISETTI, PICCHI, Il popolo alla Messa, Éd. Rega-
lità, Milan, 1954. Ce second recueil est particulièrement riche en
chants religieux populaires en langue vernaculaire, soit pour le
propre, soit pour le commun de la messe; malheureusement la
diffusion en est limitée.
2. Chants pour l'année liturgique, la vie chrétienne, les saints.
Les productions en ce domaine ont été très nombreuses, mais
elles se sont bornées à adapter les chants de la tradition de
saint Alphonse de Liguori. Liturgiquement parlant, ces chants
sont assez pauvres.

3. Les psaumes.
Ils méritent une mention à part, soit pour l'importance qu'ils

:
prennent dans la vie liturgique italienne, soit pour l'accueil qui
leur a été réservé. Signalons
— L. PICCHI, Tre cantici spirituali (Psaumes 22, 94 et 135),
Éd. Schola, Côme, 1960.
— Trenta salmi e un cantico,
Éd. L.D.C., Turin, 1962. Adaptation italienne de la psalmodie
Gelineau, avec des antiennes composées pqr des musiciens ita-
liens.
(Les conclusions de l'auteur sont reproduites à la fin de cette
chronique.)
Renseignements fournis par DON BORELLO,
Salésien de Turin.

JAPON

L'action des premières missions du 16e siècle ayant disparu,


les contacts avec l'Occident reprennent vers 1900. On alla au plus
pressé pour avoir des chants et on adapta tant bien que mal des
textes japonais à des mélodies allemandes ou françaises des
1
8e-1ge siècles. Ce travail d'occidentalisation maladroite et de
maigre qualité laisse une insatisfaction profonde.
La Conférence épiscopale a créé en 1961 une Commission de
chant sacré, dirigée par Mgr Furuya de Kyoto, avec pour secrétaire
le P. Ernest Goossens, s. j., directeur de l'École de musique
d'Hiroshima. Elle se compose de divers membres ecclésiastiques
et de sept compositeurs laïcs et de professeurs catholiques de
japonais. Son but est de refaire le livre de chant officiel de
l'Église japonaise.
Un induit du 1er janvier 1961 a concédé au Japon le chant en
langue nationale des pièces de l'Ordinaire, à la messe chantée,
sur un texte qui peut être librement traduit.
Quelle musique utiliser? Le grégorien serait assez proche du
génie japonais, mais, séparé du latin, il ne peut être utilisé que
comme source d'inspiration. Un chant populaire doit tenir
compte de la musique japonaise.Mais celle-ci est diverse. On a
pu distinguer :, 1° la musique américano-européenne « japo-
nisée », 2° la production actuelle (de la chanson au jazz); ces
deux premières catégories sont inutilisables. 3° La musique
traditionnelle, d'influence bouddhiste et shintoïste. Stravinsky
voulait y voir une source à rénover, mais elle est en train de
perdre
-
sa signification et son importance. 4° Reste le chant
populaire japonais. C'est la voie retenue, à condition de remonter
auxproductions des 16e-17e siècles, avant la vague de sentimenta-
lisme qui l'a marqué. A cela s'emploie l'École de musique
d'Hiroshima, dirigée par les Pères jésuites, affiliée à l'Institut
Pontifical de Rome et reconnue comme Université de musique
par l'État japonais.
Deux créations sont à signaler entre autres : la messe de
Mgr Cimatti, en style japonais, composée dès avant la première
guerre, et les chants bibliques du P. Sturm (1961), compositeur
de psaumes et de deux messes en japonais (traduction japonaise).
Il a utilisé des mélodies folkloriques du Nord (avec des défauts
dans l'adaptation du texte).
Enfin, le rituel de 1958 comprend, en appendice, des chants
pour les funérailles, en grégorien avec paroles japonaises.
On peut lire un très bon exposé de la question dans l'article
Introductio de musica sacra de E. GOOSSENS, Ars et Mystica,
octobre 1959, revue de l'École de musique d'Hiroshima.
f

Renseignements fournis par le R. P. BERTAGNOLIO, S. j.,


professeur à l'École de musique d'Hiroshima.

PHILIPPINES

Aux Philippines, on parle soixante-seize dialectes, parmi les-


quels huit sont considérés comme les plus importants. L'un de
ces dialectes, le tagalog, parlé par sept millions d'habitants, a
été promu au rang de langue nationale. Il n'est accepté qu'avec
réticence par les vingt millions de Philippins qui parlent d'autres
dialectes, et n'est jamais utilisé par eux dans les services reli-
gieux. On estime à 2 ceux qui comprennent l'espagnol, qui fut
la langue officielle jusqu'au début du siècle. L'anglais, d'après
estimations, est compris par 37 de la population. Ce chiffre
croît continuellement, puisque l'anglais est le médium de l'ins-
truction. Cette multiplicité des langues explique peut-être
pourquoi le peuple philippin, si épris de chant et de danse, chante
si peu à l'église. En quelle langue chanter? La messe basse
silencieuse est la forme habituelle du culte paroissial. Dans de
rares occasions, les chorales exécutent des messes latines du
genre de Concone et Batmann, mais le peuple reste muet. Les
chorales chantent encore un peu en espagnol, surtout des noëls.
Il n'y a qu'un office où le peuple chante, c'est la Perpetual
Novena, répandue dans tout le pays par les Rédemptoristes. Cette
Novena, qui consiste en prières et en chants, remplit les églises,
tous les mercredis de l'année, de fidèles qui chantent invariable-
ment les quatre mêmes chants à la Sainte Vierge. Ces hymnes
sont inscrites aux U.S.A. sur la liste noire des cantiques langou-
reux et sentimentaux. Avec un O Salutaris et un Tantum, c'est
tout le répertoire de la majorité des fidèles philippins.
Pourtant, certains diocèses s'efforcent de faire chanter le
peuple. Dans le Vicariat de Calapan, sous l'impulsion de
Mgr Duschak, s. v. d., les paroisses chantent en tagalog. Dans
l'archidiocèse de Vigan, le chant populaire en langue ilocano se
développe. Dans la prélature nullius de Davao, on chante en
anglais. Toutefois, les mélodies sont européennes et les traduc-
tions, faites par des amateurs, ne sauraient être considérées
comme définitives.
A Manille, un Institut grégorien, dirigé par le P. Van de Steen,
veut promouvoir le renouveau du chant grégorien mais aussi
répandre le chant populaire.
En 1960, « l'East Asian Pastoral Institute » a publié Our com-
munity mass, contenant trente-deux nouveaux cantiques. Ce
livret a été adopté dans la plupart des écoles catholiques et ses
cantiques remplacent graduellement les productions du 19e siècle
qui se chantaient jusqu'à présent. Il existe une édition du livret
en tagalog et ilocano.

Renseignements fournis par le R. P. BRUNNER, S. j.,


de l'East Asian PastoralInstitute, de Manille.

PORTUGAL

Le peuple portugais aime chanter. Mais son répertoire, ces


dernières années, ne se composait guère que de cantiques au
texte souvent vide de sens religieux et aux mélodies assez proches
des fados.
Le renouveau liturgique, essayant de remettre en valeur les
textes sacrés, a adapté en portugais certains cantiques français. Il
encourage la diffusion de la brochure Salmos e Cânticos, adapta-
tion des psaumes Gelineau réalisée au Brésil. L'effort propre de
création au Portugal s'est manifesté dans la production de deux
petits fascicules de chants intitulés Cânticos da Assembleia cristà.
L'effort de création se poursuit actuellement, en collaboration
avec le Brésil.

Renseignements fournis par


Dom G. DA COSTAMAIA, de Porto.

*
* *

En guise de conclusions, nous ne saurions mieux faire que de


citer lesréflexions de notre correspondant italien, Dom BORELLO :
1° La situation du chant populaire démontre à l'évidence que

son progrès est indissolublement lié aux progrès de la pastorale


liturgique. La messe est demeurée jusqu'ici le lieu presque
unique de l'effort pastoral. Le mouvement s'intensifiera beaucoup
lorsqu'il s'étendra à l'administration des sacrements, à la prédi-
cation de la Parole dans l'assemblée, aux veillées bibliques ou
célébrations, à la prière publique de la communauté.
20 Parmi les problèmes essentiels que doit résoudre le renou-
veau du chant sacré du peuple, deux apparaissent plus urgents :
- une étude approfondie de la structure des rites liturgiques;
— la création de textes valables par leur contenu et leur forme
littéraire.
Le premier problème apparaît de première importance si l'on
veut créer un chant du peuple qui ne se contente pas d' « accom-
pagner » les rites, mais qui s'insère le pluspossible dans le rite
lui-même.
:
Le second problème est le suivant pas de chant sacré du
peuple valable sans un langage concret, vivant, immédiat et en
même temps basé sur les vérités essentielles du mystère chrétien.
Dans la formation de ce langage religieux, le renouveau biblique
et celui du chant des psaumes constituent un appoint capital.
3° Il semble bien que le problème musical, s'il est extrême-
ment important, avancera dans la mesure où les deux précédents
se résoudront. L'expérience montre que les musiciens se sentent
inspirés lorsqu'ils sont en présence d'un texte de valeur et d'un
chant dont la fonction est claire.

J. GELINEAU.
BIBLIOGRAPHIE --.

Vocabulaire de Théologie biblique publié sous la direction de Xavier


LÉON-DUFOUR et de J. DUPLACY, A. GEORGE, P. GRELOT, J. GUILLET,

:
M.-F. LACAN, Paris, Ed. du Cerf, 1962, XXVIII pp.1158 col. Broché
34,5o F; relié & F.
:
La vogue dont jouissent aujourd'hui les thèmes bibliques ne va
pas sans quelques dangers. Le plus grave, sans doute, est de réduire
les réalités dont parle la Bible à des schèmes mentaux ou symboli-
ques et, par exemple, en traitant du « thème du Pneuma », d'oublier
que l'Esprit de Yahvé, le Saint-Esprit ne sont pas seulement ni
d'abord des thèmes. On peut aussi s'attacher excessivement à un
thème ou à un groupe de thèmes en négligeant bien d'autres choses
importantes, sans savoir même ce qu'est la Bible. Ou parfois, en
s'intéressant à un thème, on groupera vaille que vaille des éléments
de provenance hétéroclite sans respecter la richesse des contextes et
sans posséder un seul point ferme pour tracer la courbe du déve-
loppement. Il est des gens très forts en thème qui se sont rendus
incapables de même se demander ce que veut dire un texte donné.
Pourtant l'étude des thèmes est recommandée, si elle est menée
sérieusement. Elle ne s'improvise pas. Elle suppose des travaux pré-
paratoires, un minimum de temps et de bonne volonté, un esprit
docile et un cœur simple. Cela est vrai, entre autres, pour les litur-
gistes, s'ils ne veulent se contenter d'approximations verbales et
de correspondances de surface. Si l'Eglise jouit d'une grande aisance
dans sa lecture de la Bible, ce n'est pas qu'elle fait fi des contraintes
exigeantes de la science; mais elle peut s'en dégager en une certaine
mesure parce, qu'elle est contrôlée par une sûre familiarité avec
l'essence des choses. A ce prix, la lecture des textes sacrés dans
l'action liturgique pourra tenir compte du vrai progrès d'une idée,
des différentes valeurs que lui ont données ses transpositions suc-
cessives, et donc aussi de l'actualité qu'elle garde dans l'Eglise d'au-
jourd'hui.
Ceux qui se serviront du nouveau Vocabulaire ne le feront donc
pas sans s'être dûment informés de l'esprit dans lequel il a été com-
posé.. Il n'entend pas dispenser d'un travail réfléchi sur les textes,
mais y conduire. Les soixante-dix collaborateurs sont tous des pro-
fesseurs, les vétérans encadrant les plus jeunes,. Tous ont bien voulu
que leurs contributions fussent soumises à un contrôle en vue de
l'harmonie générale, et ce principe demandait autant de désintéres-
sement aux réviseurs de l'équipe centrale et aux auteurs. Qui prendra
la peine de relever les initiales figurant après les articles ne peut
manquer d'en être frappé.
Il y a 287 articles. Ils vont d'une ou deux colonnes jusqu'à dix
ou douze. On y trouve une dizaine de noms de personnes (dont
Jésus, « délibérément bref », se bornant au sens du nom). Et puis
les principales notions en jeu dans les deux Testaments, qu'elles
concernent Dieu, ses initiatives, ses attributs ou l'histoire du salut
en ses différentes étapes, ou encore l'homme, avec ses éléments,
ses activités, ses attitudes en face de Dieu et des autres hommes, ou
encore les créatures dans l'usage que l'homme en fait et surtout dans
leur valeur de symboles religieux. Les mots-vedettes ont été choisis
avec soin. Une table finale comporte beaucoup de mots usuels avec
le renvoi aux notices où la matière est traitée. On appréciera aussi
les très nombreux renvois d'un article à d'autres.
Les auteurs ont travaillé dans une perpective pastorale et pris le
parti de tenir compte de leur science sans en faire état. Ils ont peu
mis en œuvre les comparaisons extérieures à la Bible. Ils ont presque
toujours suivi les étapes successives de leur thème, aussi bien le
déroulement du dessein de Dieu à travers l'histoire que celui de
l'idée qu'on s'en est faite. Les intentions des auteurs sont du reste
exprimées dans une double introduction qu'on lira avec attention.
Le P. Léon-Dufour, dans Théologie biblique et vocabulaire (pp. XIII-
xix, montre comment une présentation analytique fait fond sur
« l'unité de l'œuvre divine et la synthèse du regard divin », si bien
que des données éparses en apparence sont quand même liées par un
ordre véritable, sensible dès qu'on « circule d'une notice à l'autre»
(p. xv). Puis l'abbé Grelot présente une brève Histoire littéraire de
la Bible (pp. XX-XXVIII) : cette esquisse de la formation du recueil
des Ecritures sert de toile de fond à toutes les évolutions de détail
dont les articles ont à faire état.
Les réserves du début de ce compte rendu mettaient le lecteur
en garde contre certains périls. Qu'on veuille n'y voir aucune cri-
tique adressée ou même insinuée à l'égard du Vocabulaire. Ce nou-
vel ouvrage,tout au contraire, invite à la recherche, loin d'en exemp-
ter. Les pasteurs, les fidèles et même les techniciens, s'ils acceptent
de sortir un peu de leur technique, y trouveront l'aliment de lec-
tures et de réflexions renouvelées. Sa publication est le fruit d'un
renouveau déjà confirmé de spiritualité biblique auquel il apporte
à son tour une contribution généreuse. Tous les lecteurs de l'Écri-
ture, catholiques ounon, s'ils s'en servent de la manière voulue, y
pourront trouver de quoi satisfaire et alimenter leur faim et leur
soif de la parolede Dieu.

Fr. L.-M. DEWAILLY, O. p.


MANUO.GAHIUDO, O.S.IJ. Curso de Liturgia. Madrid, Biblioteca de
:
Autores Cristianos, 1961, 752 pp.

De partiel et quasi exclusivement


:
rubrical qu'il était naguère,
l'enseignement de la liturgie devient partout intégral biblique et
patristique, théologique, pastoral, sans oublier naturellement l'aspect
canonique de la liturgie. Le cours de liturgie publié par Dom Gar-
rido avec, pour la messe, la collaboration de son confrère Dom Pas-
cual Diez, représente bien cet équilibre retrouvé et cette attention

en liturgie :
à tout ce qui fait la formation et l'ouverture d'esprit d'un étudiant
l'ouvrage est présent aux questions théologiques ac-
tuelles, cite avec bonheur des textes patristiques, s'intéresse même
au renouveau liturgique des chrétiens séparés. L'A. travaille depuis
de longues années au renouveau liturgique et il a publié de nom-
breux articles dans la revue Liturgia de l'abbaye de Silos. Il connaît
bien la littérature liturgique des différents pays. Quelquefois l'infor-
mation historique n'est pas complètement à jour.

A. LAMOTT :Das Speyerer Diözesanrituale von 1512 bis 1932. Seine


Geschichte und seine Ordines zur Sakramentenliturgie (Quellen
und Abhandlungen zur Mittelrheinischen Kirchengeschichte, 5).
Speyer, 1961, 293 pp.

Jusqu'à l'adoption à Spire de la Collectio rituum pro omnibus


Germaniae dioecesibus (1953) ce diocèse rhénan a eu un rituel parti-

:
culier dont le plus ancien témoin est l'édition de 1512. A vrai dire,
l'histoire de ce rituel est discontinue aux 16e et 17e siècles, Spire
adopte deux éditions du rituel de Mayence, sa métropole, et les édi-
tions postérieures du rituel de Spire prennent leur bien un peu par-
tout. L'édition de 1893 est la première pour laquelle l'évêque de-
mande l'approbation de la Congrégation des Rites.

qui préoccupent la pastorale liturgique d'aujourd'hui :


Dans ce travail, qui est un modèle du genre, l'auteur fait l'histo-
rique de chaque partie du rituel, en prêtant attention aux questions
on y voit
par exemple comment l'emploi de la langue vernaculaire, limité tra-
ditionnellement à certains dialogues et aux exhortations sacramen-
telles, s'étend à partir de 1932 à bon nombre de prières. Chose cu-
rieuse, le rituel de 1512 connaît à la fois le baptême par affusion d'eau
sur la tête et les épaules, et le baptême par immersion, mais il fait
reproche aux sages-femmes de leur attachement (qualifié de supers-
titieux) à ce dernier.
P.-M. GY.
Ioachim NABUCO : Pontificalis romani expositio iuridico-practica,
Tournai, Desclée et Cie, 1962, 956 pp.

Mgr Nabuco vient de rééditer en un fort volume aux Éditions Des-


clée et Cie son Commentaire juridico-pratique du Pontifical romain,
qui était paru en trois volumes au Brésil en 1945. Les Constitutions
Apostoliques Episcopalis consecratio (1944) et Sacramentum ordinis
(1947) de Pie XII, la promulgation du Code des rubriques (1960) et
surtout la nouvelle édition typique du livre II du Pontifical romain
(1961) rendaient souhaitable la revision de l'ouvrage. Celui-ci est
désormais parfaitement à jour.
Rendant compte de l'Introductio in Caeremoniale episcoporum du
même auteur (Desclée et Cie, 1956), M. Martimort relevait que « l'a-
vantage du livre est d'apporter chaque fois références et arguments »
(La Maison-Dieu, 62, p. 151). On peut faire le même éloge du présent
volume, encore que, dans ses arguments, Mgr Nabuco fasse plus
souvent appel aux réponses de la Sacrée Congrégation des Rites qu'à
la tradition liturgique plus ancienne. C'est ainsi qu'il n'emporte pas
notre acquiescement quand il affirme que, si la messe du samedi des
Quatre Temps comporte sept lectures, c'est en raison des ordinations
générales (p. 67), car ces lectures étaient fixées depuis fort longtemps
quand on se soucia de rattacher la collation de la tonsure et des
ordres mineurs (sous-diaconat compris) aux Quatre-Temps. De même
avons-nous peine à le suivre quand il juge peu souhaitable la consé-
cration de l'évêque dans sa propre cathédrale (p. 261).
On aimerait par ailleurs que le commentateur du Pontifical romain
se montrât plus sensible aux conditions de vie de notre temps et à ses
besoins pastoraux. Seuls de richissimes fiancés pourront se conformer
à la prescription de Mgr Nabuco, en offrant à leurs invités pour la
messe de leur mariage le Ritus servandus cum Missa et benedictione
nuptiali lingua latina et vulgari, typis tempestive excudendis, adjectis
in memento pro vivis sponsorum nominibus (p. 862). Ce n'est pas là
le visage de l'Église que le Concile veut présenter au monde, quand
il demande à tous les chrétiens un retour à la pauvreté évangélique.

Angelo PAREDISacramentarium bergomense, Edizioni « Monumenta


bergomensia », Bergame, 1962, 56o pp.
En rendant compte de l'édition du sacramentaire d'Ariberto
(11e siècle), que venait de publier Mgr A. Paredi (La Maison-Dieu, 57,
pp. 162-163), nous émettions le vœu de voir réimprimer le sacramen-
taire de Bergame, dont P. Cagin avait édité le texte en 1900 dans
l'Actuarium Solesmense. Mais voici mieux qu'une reproduction anas-
tatique, une édition nouvelle du célèbre manuscrit ambrosien.
Le titre de sacramentaire de Bergame ne doit pas, en effet, faire
illusion. Ce sont des circonstances fortuites qui ont fait passer dans
la bibliothèque de San'Alessandro in Colonna de Bergame un manus-
crit écrit à Milan et dans lequel Mgr Paredi nous invite à reconnaître
le plus ancien sacramentaire ambrosien, puisque, à la suite de Cagin
et de Mohlberg, il l'attribue au 9e siècle. Le sacramentaire proprement
dit (pp. 39-366) contient 1.644 formules (le gélasien ancien en com-
porte 1.704), mais on y trouve habituellement, en plus des prières
sacerdotales, l'épître et l'évangile de la messe. On remarquera d'ail-
leurs avec un certain étonnement l'absence de la première lecture

:
paléo-testamentaire, attestée au temps de saint Ambroise, et qui
constitue l'une des richesses de la liturgie milanaise. Autre sujet
d'étonnement la présence de formulaires pour la messe du vendredi
en Carême. On aimera surtout à s'attarder dans une lecture attentive
des préfaces, qui varient pour chaque messe. Il y a là une des sources
les meilleures de l'eucologie occidentale.
Signalons enfin que le volume s'achève sur une concordance des
sacramentaires ambrosiens et romains établie par G. Fassi (pp. 379-
555), qui facilite beaucoup l'étude comparée des deux liturgies de
Rome et de Milan. On comprend dès lors que S. Em. le cardinal Mon-
tini ail tenu à présenter lui-même ce joyau de son Église.

B. KLEINHEYER Die Priesterweihe in rômischen ritus (Trierer theolo-


gische studien 12), Paulinus-Verlag, Trier, 1962, 268 pp.

Depuis la publication du Pontifical romain au moyen âge de


M. Andrieu, les études se multiplient sur les divers rites du Ponti-

dans le rite romain:


fical romain. R. Metz avait abordé La consécration des vierges
(P.U.F., 1954). Voici un travail similaire sur L'ordination du prêtre
du Nouveau Testament, on passe à la Tradi-
tion apostolique d'Hippolyte, puis aux sacramentaires et aux Ordines
romani et on suit le développement des rites jusqu'au Pontifical
de 1888 et au décret de 1950 (préparant l'édition typique de 1962).
L'auteur donne ensuite, comme l'avait fait M. Metz, le texte du
formulaire de l'Ordination avec référence à chacune de ses sources.
Ce sont de telles monographies qui font progresser avec sûreté
dans la connaissance de la liturgie.

C. A. BOUMAN Sacring and crowning, the development of the Latin


ritual for anointing of kings and the corondtion of an emperor
before the eleventh century; Bijdragen van het Instituut voor mid-
deleeuwse geschiedenis der Rijks-Universiteit te Utrecht; J. B. Wol-
ters, Groningen-Djakarta, 1957, 198 pp.

La méthode utilisée par C.-A. Bouman pour étudier le sacre et


le couronnement des rois et de l'empereur avant le IIe siècle diffère
de celle qu'a suivie B. Kleinheyer pour l'ordination des prêtres
Le champ d'investigation de l'auteur est plus limité dans le temps,
mais l'objet de son étude lui permettait de l'élargir en ce qui con-
cerne les sources. Par-delà les sacramentaires et pontificaux, il a
recherché les documents juridiques et diplomatiques, tels le pro-
tocole du mariage et du couronnement de Judith, femme de Louis
le Débonnaire (856), ceux du mariage d'Ermentrude (866) et du
couronnement de Charles le Chauve comme roi de Lotharingie
(869). En appendice, l'auteur donne les incipit de chacune des
oraisons pour une vingtaine de formulaires.

G. HURLIMANN : Das Rheinquer Rituale (Spicilegium friburgense 5),


Universitätsverlag Freiburg Schweiz, 1959, 180 pp.

Après le Liber Ordinarius de Rheinau, publié par A. Hänggi en


1957 (voir La Maison-Dieu, 53, p. 159), voici un nouveau livre litur-
gique de la célèbre abbaye, qui nous est offert dans une édition dont
la qualité ne laisse rien à désirer. Une étude attentive de ses sources
(pp. 3-99) précède le texte du manuscrit (Zürich Rh 114). C'est un
rituel monastique du 12e siècle qui, à l'instar de plusieurs de ses
congénères, contient les prières du baptême, « soit que les moines
de cette époque eussent quelque part au ministère pastoral, soit plu-
tôt parce qu'on recopiait des manuscrits d'une époque plus ancienne
en laquelle les monastères étaient mêlés plus étroitement à la vie des
:
Eglises locales et à la copie de leurs livres liturgiques 1 ». Nous avons
relevé avec intérêt les détails suivants si la bénédiction des cierges,
le 2 février, et celle des rameaux ont déjà acquis une ampleur quelque
peu démesurée, celle des cendres ne comporte qu'une seule oraison
(n° 25); l'initiation chrétienne des enfants s'achève encore par la
communion sous les deux espèces (nos 52-53); le baptême d'un malade
est précédé d'une brève bénédiction de l'eau (benedicat fontem hac
brevi benedictione) (nos 60-61); une lecture d'évangile est prévue pour
le baptême des enfants (vestige de la traditio evangeliorum) (n° 44),
ainsi que pour la bénédiction du sel (Vos eslis sal terrae) (n° 81); la
profession monastique a lieu post evangelium maioris missae (n° 116).

P. JOUNEL.

I. P. M. Gy, Collectaire, rituel, processionnal, dans Revue des


Sciences philosophiques et théologiques, t. XLIV (1960), p. 459.
Bibliographie italienne

L. GHERARDI Il codice Angelica 123, monumento della Chiesa bolo-


gnese nel sec. XI; Biblioteca di « Quadrivium » serie liturgica 1;
Bologne, 1960, 116pp.+32 reproductions h. t.

La majeure partie du Cod. 123 de la bibliothèque Angelica à


Rome est constituée par un graduel-tropaire, mais on se trouve en
présence d'une somme liturgico-musicale plutôt que d'un livre de
chant proprement dit. Un calendrier des fêtes mobiles de io3g à
1220 suffirait, à défaut d'autres caractéristiques, à dater du 11e siècle
ce monument insigne de l'Église de Bologne.
Le document intéresse également la musique et la miniature;
les échantillons qu'on en présente sont très beaux dans la naïveté
de leur expression, mais c'est son témoignage liturgique que
nous retiendrons. On aimera à s'arrêter d'abord aux deux litanies
données pour les messes du Ier et IIe dimanches de Carême (pp. 3o-
31). Si la proximité de Milan par rapport à Bologne explique la sur-
vivance de la prière litanique à pareils jours, il ne s'agit pas d'une
copie des formulaires ambrosiens. La seconde prière est une variante
de la litanie du pape Gélase, qui est sans doute proche de l'original.
Dom Capelle la connaissait, grâce à Tommasi (TOMMASI, Opera om-
nia, 5, p. 242), et il en fait état dans l'établissement du texte criti-
que de la prière gélasienne (B. CAPELLE, Travaux liturgiques, 2,
pp. 118-129). On lira volontiers aussi l'Ordo de la veillée pascale

:
à descendre dans les eaux
louange
:
avec son chant baptismal, dont la première partie est une invitation
Currite sicut cervi, et la seconde une
Gaudete baptizati (étude, pp. 38-39; transcription, p. 101).
Par ailleurs l'office pascal, avec ses trois litanies et ses douze lec-
tures, est déjà celui de la liturgie romano-franque.

E. CATTANEO Introduzione alla storia della liturgia occidentale, Li-


turgica 2, Centro di azione liturgica, Rome, 1962, 172 pp.
C'est à l'usage de ses élèves et de ses collègues que Mgr Cattaneo,
professeur de liturgie à Milan, a voulu rédiger une synthèse de l'his-
toire de la liturgie occidentale. Seules de larges connaissances per-
mettent de dominer un tel sujet. On sera reconnaissant à l'auteur de
sa clarté et aussi de la place qu'en prêtre de l'Église ambrosienne
il accorde aux rites latins non romains. Les pages consacrées à l'his-
toire de l' « assouplissement » liturgique du 17E siècle à la fin du
] ge siècle, ne manquent pas de saveur.
affirmation de saint Robert Bellarmin : On y lit, entre autres, cette
Oratio Ecclesiae non fit po-
pulo, sed Deo pro populo. Itaque non est opus, ut populus intelligat,
ut ei prosit, sed satis est, si Deus intelligat (cité p. 156). On peut
espérer que le Concile du Vatican parlera un autre langage.

V. Raffa : La Liturgia delle Ore, Morcelliana, Brescia, 1959, 358 pp.

La Bibliothèque des Sciences religieuses, que lancent les Editions


Morcelliana à Brescia, comprend une section liturgique, dont la di-
rection a été confiée à Mgr Dante Balboni. Le volume que D. Vin-
cenzo Raffa a consacré à La Liturgie des Heures laisse bien augurer
de la collection. Il ne s'agit pas d'un ouvrage technique, destiné à
faire progresser notre connaissance sur un point précis de l'histoire
de l'Office divin, mais d'une synthèse de qualité, qui aidera les
clercs à mieux dire cet Office. Il les aidera aussi à comprendre les
structures de la prière publique, que devra mettre en valeur la ré-
forme liturgique consécutive au Concile.

G. BRINKTRINE : La santa Messa, Edizioni liturgiche, Rome, 1963,


356 pp.

L'ouvrage de Mgr J. Brinktrine Die Heilige Messe (Paderborn, 1950)


a retenu l'attention dès sa parution pour la justesse des vues expri-
mées et la clarté de l'exposition, ainsi que pour l'ampleur de la
documentation. Selon la méthode, qui était déjà celle de Pierre Le-
brun dans son Explication des prières et des cérémonies de la Messe
(Paris, 1716), l'auteur suit le déroulement des rites et il étudie suc-
cessivement chacune des prières, après en avoir donné le texte latin.
Bibliographie générale, bibliographie de chaque chapitre et, à l'inté-
rieur des chapitres, de chacun des paragraphes fournissent un véri-
table instrument de recherche personnelle.
Le livre avait été traduit en italien en 1952. Cette traduction, revue
par l'auteur, a été mise à jour avec soin par D. Vincenzo Raffa, tant
du point de vue bibliographique que du point de vue rubrical (Codex
rubricarum) et pastoral (Instruction de 1958).

Dedicazione e consecrazione della chiesa e santa Messa; La consecra-


zione dell' Altare; Opera della Regalità di N.S. Gesù Cristo; Milan,
1962, 94 et 46 pp.
Lode alla Vergine. Inno Acathistos alla divina Madre; inlroduzione
e commento di Divo Barsotti; Opera della Regalità di N. S. Gesù
Cristo; Milan, 1959, 82 pp.
La Domenica, aspetti storici, liturgici e pastorali; Opera della Rega-
lità de N. S. Gesù Cristo; Milan, 1961, 176 pp.
Parmi ceux qui suivent le travail de pastorale liturgique en dehors
de nos frontières, nul n'ignore les activités de l'OEuvre de la Royauté
de N. S. J. C., fondée à Milan par le P. Gemelli. L'influence liturgi-
que de cette œuvre s'exerce à la fois par des retraites spirituelles, des
sessions sacerdotales, des semaines paroissiales et des publications
populaires.
Si les deux brochures, donnant le texte latin-italien du nouvel
Ordo de la dédicace d'une église et de la consécration d'un autel,
appartiennent à la série des publications populaires, la traduction
de l'hymne acathiste a pour but de fournir un aliment liturgique
de qualité à la piété mariale. Le livre ne fait pas double emploi avec
l'Hymnos akathislos (texte grec-français), du R. P. Meersseman re-
censé dans la La Maison-Dieu, 57 (1959), p. 162, car il comporte un
commentaire de D. Barsotti, destiné à faire passer le texte grec dans
la prière d'un peuple latin.
Le volume consacre au dimanche la synthèse des relations faites
à une session sacerdotale, tenue à Rome du 7 au 10 février 1961.
Les noms des conférenciers, parmi lesquels nous relevons ceux du
T. R. P. Antonelli, du P. Falsini et de don Rovigatti, curé de la Nati-
vità, près du Latran, disent la qualité du recueil. Leur objectif est
essentiellement d'ordre pastoral, et c'est en fonction de conditions
concrètes qu'ils sont amenés à proposer des solutions. En ce qui
concerne l'organisation des messes dominicales et leur catéchèse
(homélie ou enseignement suivi), face à des problèmes comme celui
des confessions le dimanche ou des offices du soir, les options peu-
vent différer de part et d'autre des Alpes. L'essentiel est que le
même souci anime les pasteurs, celui de faire vivre à la communauté
chrétienne le mystère pascal.
P. JOUNEL.
LA

SYNOPSE ÉVANGÉLIQUE
DE LA

BIBLE DE JÉRUSALEM

est en préparation

Elle est l'œuvre du P. Benoît, o. p., professeur à l'Ecole Bibli-


que de Jérusalem, avec le concours des PP. Boismard et
De-
wailly, de la même Ecole.
Un spécimen de 12 pages, au format du volume à paraître
(22x27) précise les caractéristiques de cette synopse entièrement
nouvelle, et présente quelques « bonnes feuilles » prises des
Evangiles de la Passion.

Demandez dès maintenant à votre libraire


le spécimen « Synopse ».

LES ÉDITIONS DU CERF


Cardinal BEA

POUR L'UNITÉ
DES CHRETIENS

Un volume in-8° écu de 280 pages 9,90 F + t. 1.

S. Em. le cardinal Bea nous fait l'honneur de nous confier l'édition «i

française de ses interventions concernant l'unité des chrétiens.


A travers ses déclarations, faites au cours des deux ou trois der-
nières années, se dégage le climat dans lequel Son Eminence situe le

cette formule de saint Augustin. Inlassablement il rappelle :


travail œcuménique. « Odisse errores, diligere inimicos », il fait sienne
vérité et
charité sont nécessaires, amour de la vérité et amour de la personne
ne vont pas l'un sans l'autre.
Lucide, il mesure les obstacles. Courageux, il trace des perspec-
tives de travail, tant dans le ministère quotidien que dans l'enseigne-
ment, la recherche, les rencontres entre théologiens.
L'histoire retiendra la date du 5 juin 1960, où Jean XXIII a créé
le Secrétariat pour l'Unité des chrétiens. De ce secrétariat S. Em.
le cardinal Bea est président. Il ne lui a pas donné seulement son
statut et son rythme de travail, mais son esprit. Nous recueillons de
sa bouche même ce qui en constitue les principes et les manifestations.
L'Eglise « entre dans une structure de dialogue » avec nos frères
séparés. Le cardinal Bea est vraiment l'homme providentiel de ce
grand mouvement qui soulève l'Eglise. Ecoutons-le avec recueille-
ment.

Rappel :
F. BIOT: De la polémique au dialogue.
1. L'Église face aux chrétiens séparés. 3,90 F + t. 1.
H. Les chrétiens séparés face àl'Église. 3,90 F + t. 1.

wuwwvs LESÉDITIONS DUCERF wwwvu


wwwhi Collection « UNAM SANCTAM » wwv
41

YVES M.-J. CONGAR

SAINTE ÉGLISE
Etudes et approches ecclésiologiques
Un volume in-8° carré de 720 pages 37,20 F + t. 1.

Voué depuis plus de trente ans aux questions d'ecclésiologie en


même temps que d'œcuménisme et de pastorale, le P. Congar a dis-
persé, dans un grand nombre de revues et de publications, des articles
qui, réunis, s'avèrent être d'une unité profonde. Au point qu'ils s'or-
ganisent presque en un traité.
L'Eglise est présentée ici d'abord en sa « position », c'est-à-dire

:
qu'elle est définie et située. Ses propriétés, ou notes, sont ensuite
étudiées, au moins sous quelques aspects décisifs unité, catholicité,

l'Eglise exerce la médiation et le service de l'Evangile :


sainteté, apostolicité. On passe alors aux « pouvoirs » par lesquels
sacerdoce,
magistère, juridiction. Enfin on envisage l'Eglise dans ses relations
avec la société temporelle. Dans une dernière section, on a réuni des
Chroniques ou Bulletins que le P. Congar a, depuis 1932, consacrés
aux études d'ecclésiologie, en différentes revues.
On assiste, année par année, à la redécouverte du Corps mystique,

p.p.p.
du laïcat, de l'œcuménisme, de la théologie, de l'histoire, qui carac-
térise notre époque. Approchant de 1962 et du Concile, on aborde les
grands sujets qui vont être traités dans cette grande assemblée, en

p.
particulier celui de l'épiscopat.
« Le XXe siècle sera le siècle de l'Eglise » (M. Dibelius). Le
P. Congar a largement contribué à ce que ce beau programme de-
vienne une réalité.

Récents ouvrages du P. Congar aux Editions du Cerf :


Sacerdoce et laïcat devant leurs tâches
d'évangélisation et de civilisation (Co-
gitatio fidei), 500 22,50 F + t. 1.
Les Voies du Dieu vivant (Cogitatio fidei),
448 21,00 F + t. 1.
Vatican II. Le concile au jour le jour
(L'Eglise aux cent visages), 144 3,90 F + t. 1.
La Hiérarchie comme service, dans
l'Ëpiscopat et l'Eglise universelle
(Unam Sanctam), 822 39,00 F + t. 1.

sswav. LES ÉDITIONS DUCERF wwvw


Wrtrtrtrtrti Collection « LECTIO DIVINA » ."-"--.J".
37

L. M. DEWAILLY

LA JEUNE ÉGLISE
DE THESSALONIQUE
Les deux premières Épîtres de saint Paul
Un volume in-8° carré de 160 pages 8,40 F. + t. 1.

expérience assez nouvelle en sa rigueur :


Le P. Dewailly, de l'Ecole Biblique de Jérusalem, tente ici une
présenter d'abord le con-
tenu de 1-2 Thessaloniciens sans se reporter aux autres lettres. Comme
il s'agit des deux premières lettres de l'apôtre, cette méthode est
naturelle, alors que pour les autres lettres elle serait arbitraire. Dans
les deux chapitres centraux, donc sur la mission de l'apôtre et sur la
vie de la communauté naissante, il s'est attaché à grouper autour de
quelques pensées très simples, les multiples données éparses en ces
pages.
Un chapitre de conclusion permet la contre-épreuve. En esquissant
rapidement l'état ultérieur de la pensée paulinienne, il aide à mieux
saisir la profondeur des premières formules encore peu développées.

WA Collection « L'ESPRIT LITURGIQUE » ww


N° 17
PIERRE BISS
SAINTE MARIE
Un volume in-8° couronne de 128 pages 4,50 F + t. 1.

Encore un livre sur la Sainte Vierge :oui, mais l'inspiration litur-


gique et biblique y domine et le préserve de toute fadeur, ce qui ne
veut pas dire que la poésie en soit absente, loin de là!
L'auteur est un curé qui, comme tous ses confrères, a dû prêcher
sur la Sainte Vierge. La première partie de son livre « Comment
parler de Marie » est un bref et savoureux discours de la méthode.
La deuxième partie fait l'inventaire des thèmes bibliques que l'on
peut exploiter pour les principales fêtes de Marie. Une troisième
partie, « Marie la bienheureuse », applique à la mère de Dieu les
huit béatitudes de saint Matthieu.
Les fidèles, directement pour leur méditation, ou par l'intermédiaire
de leurs pasteurs, trouveront beaucoup de profit et de joie à assimiler
ce livre savoureux.

vwwww LES ÉDITIONSDU CERF wmww


.J'J'. Collection « LEX ORANDI » "r..J',r.
N°35

Mgr CASSIEN, Dom B. BOTTE, etc.

LA PRIÈRE
DES HEURES
Un volume in-8° ecu de 336 pages 15 F + t. 1.

Les études liturgiques constituent un merveilleux terrain de ren-


contre œcuménique. Quoi qu'il en soit du fameux adage qui a donné
son titre à la collection « Lex Orandi », c'est un fait que des chré-
tiens divisés sur le plan dogmatique sont restés fidèles à une même
tradition quand il s'agit de la prière. Cette constatation a donné nais-
sance aux « Semaines Liturgiques de l'Institut Saint-Serge », qui ont
choisi pour thème en 1961 La prière quotidienne de l'Église. Le présent
volume en publie les travaux.
:
Des spécialistes analysent les différentes liturgies de Cassien à la
Communauté de Taizé, des Chaldéens aux Anglicans. Des compo-
santes de l'office, psaumes et lectures bibliques, sont étudiées pour

p.
elles-mêmes (on remarquera la contribution du prof. B. Fischer, Les
psaumes, prière chrétienne). Mgr Cassien et le prof. Jeremias explorent
la prière du Christ et de la communauté primitive.
Un livre très opportun, en cette période de concile et de réforme
de l'Office divin.

:
P.

D.
SALMON

RIMAUD

250
:
formation du bréviaire,
et J. GEUNEAU :
256

Psautier de la Bible de Jérusalem,


p.
Pour une étude de la prière des heures
L'Office divin. Histoire de la
Le guide du
9,90 F +

8,40 F + t.
1. 1.

1.

wvwww LES ÉDITIONS DU CERF wvww*


Collection « L'ÉGLISE AUX CENT VISAGES »
5

FRANÇOIS BIOT

DE LA POLÉMIQUE AU DIALOGUE
II. LES CHRÉTIENS SÉPARÉS FACE A L'ÉGLISE
Le désir de dépasser le stade de la polémique et la volonté efficace
de dialogue sont aujourd'hui le fait de tous, aussi bien de l'Eglise
catholique que des autres communautés chrétiennes. Ce deuxième tome,
qui retrace le cheminement des chrétiens séparés jusqu'à l'envoi d'ob-
servateurs au Concile, est le complément indispensable du premier.
Tome I. L'Église face aux chrétiens séparés.

136 pages
Chaque volume in-8° couronne de 144 et
3,90 F + t. 1.

JEAN MAURICE
VOYAGES CHEZ LES PROTESTANTS

Un volume in-8° couronne de 120 pages 3,90 F + t. l.

Qu'est devenue la tradition chrétienne chez les héritiers les plus


?

p.
directs de la Réforme du XVIe siècle Comment vivent-ils aujour-
d'hui après quatre siècles de rupture?
Luthériens en Scandinavie, anglicans en Grande-Bretagne, ressem-
?
blent-ils encore à leurs frères chrétiens demeurés fidèles à Rome
N'est-il pas indispensable de répondre à ces questions pour mieux
suivre le dialogue œcuménique ?

p.
La recherche d'une réponse vaut le voyage.

p.
Dans la même collection :
CADET: L'Église et son organi-
1. JEAN
sation, 176 4,50F+ 1. t.
2. JOSÉ DE BROUCKER : L'Église à l'Est
1. La Pologne, 128
:
3,60 F + 1.1.
3. Y. CONGAR : Vatican II : Le Concile au
jour le jour, 144 3,90 F + t. 1.

COEDITION LES EDITIONS DU CERF.


WWWWWW LIBRAIRIEPLON WWWVWIFT
Collection «
L'ÉVANGILE AU XXII SIÈCLE »
ROGER PONS

UN CHRÉTIEN AU SERVICE
DE
L'ENSEIGNEMENT PUBLIC
Le témoignage d'un homme, professeur de lettres, puis inspecteur
de l'enseignement public, animateur de la Paroisse Universitaire, qui
a su unir en toute sa vie la culture et la foi, un christianisme sans
équivoque et un intransigeant respect de la conscience d'autrui.

G. MICHONNEAU et Fr. VARILLON

PROPOS
SUR
LA PRÉDICATION
40.000 tribunes sont offertes chaque dimanche aux prédicateurs de
l'Evangile. Les fidèles ont besoin d'une nourriture forte, et beaucoup
la réclament. Les pasteurs répondent-ils à ce besoin et à cette faim ?
L'Evangile est-il vraiment prêché au XXe siècle? Est-il encore
?
(( annoncé aux pauvres»

:
vol.
Chaque volume 11,70 F + t. 1.

Déjà parus :
P. A. LIÉGÉ : Jeune homme, lève-toi! 8,70 F + t. 1.
R. VOILLAUME : Lettre aux fraternités,
2 19,80 F + t. 1.
Y. GOBRY :
La pauvreté du laïc 8,70 F + t. 1.

wwtfws LES ÉDITIONS DUCERF wwavs


COGITATIO FIDEI

La foi n'est pas l'intelligence réduite au silence. Elle l'entraîne dar


monde de la Parole de Dieu où elle doit s'acclimater et vivre. Cogit
fidei rassemble les multiples démarches de l'intelligence humaine introc
dans l'univers de la foi. Aucun des renouvellements proposés par
sciences à l'intelligence, aucune des questions de l'homme et du m<
ne peuvent demeurer étrangers à une théologie vivante.

N° 7

OLIVIER A. RABUT, o. p.

VALEUR SPIRITUELLE
DU PROFANE
Un volume in-8° carré de 144 pages 7,80F+

Que l'humanité réalise par voie évolutive son achèvement, c'est l'es
tiel de cette « foi au monde » qui anime bien des esprits aujourd

p.p.p.
Mais s'agit-il de son achèvement, ou d'un certain achèvement? L'aci
plissement spirituel de l'homme - -
le salut est-il dans la ligne du

p.
grès évolutif?
Cette distinction de deux achèvements, et leur ajustement, prend
valeur dramatique pour chacun. Le P. Rabut accepte la question
toute son urgence; à force de familiarité avec elle, et d'honnêteté criti
il éclaire la voie d'une vie spirituelle accordée à la condition humaine

Dans la même collection ;


1-2. P. BENOIT : Exégèse et théologie, 2 vol.
de 432 et 456 39,00F+
3. Y. CONGAR : Les voies du Dieu vivant,
448 21,00F+
4. Y. CONGAR Sacerdoce et laïcat devant
:
leurs tâches d'évangélisation et de
5-6.
2
:
civilisation, 500
L.-B. GEIGER Philosophie et spiritualité,
vol. de 240 et 376
22,50F+
30,00F+
LES ÉDIT
.« Dans la ferveur de sa foi, le chrétien aime la vérité qu'il
roit, il la tourne et la retourne en son esprit; il l'embrasse, en
herchant tant qu'il peut des raisons à cette cogitation et à cet
mour. »
SAINT THOMAS D'AQUIN.

N° 8

NICOLAS DUNAS, o.p.

CONNAISSANCE
DE LA FOI

Un volume in 8° carré de 228 pages 12 F + t. 1.

La foi, comme les pierres précieuses, comporte de nombreuses faces


que l'on peut considérer séparément et successivement. La foi est mystère
et vertu; elle est vouloir et connaissance, conversion et contemplation,
obéissance et appel du bonheur, expérience et vocation, justification et
salut.
Le mérite de cet ouvrage est de reconsidérer la pierre précieuse dans
sa totalité et son unité, de retrouver la cohésion interne du mystère de
la foi.

paraître:
:
A

M.-D. CHENU Foi, mystère et théologie.


1.
II. L'Ëvangile dans le temps.
D. DUBARLE : Conscience chrétienne et pro-
blèmes scientifiques.
J. POHIER : Psychologie moderne et théologie.
P.-R. RÉGAMEY : Portrait spirituel du chrétien.
Il
mm
nMSa
J CERF
vwu Collection « SOURCES CHRÉTIENNES » wws
N°92
DOROTHÉE DE GAZA
ŒUVRES SPIRITUELLES
Introduction, texte grec, traduction et notes par
Dom L. REGNAULT et Dom J. de PREVILLE, moines de Solesmes

Un volume in-8° écu de 584 pages 42,00F


Originaire d'Antioche, Dorothée avait reçu une bonne éducation
et une sérieuse formation intellectuelle. Vers 525, emmenant avec
lui sa bibliothèque, il se retire au sud de Gaza, dans le monastère
fondé et encore dirigé à ce moment-là par le moine Séridos. Il s'y
trouve dans la compagnie et sous l'influence des saints Barsanuphe et
Jean le Prophète, deux des auteurs ascétiques les plus importants du
VIe siècle. Après leur mort, vers 540, il fonde à son tour un autre
monastère dans le voisinage et il s'y montre un Abbé soucieux d'ins-
truire ses frères.
Ses conférences spirituelles, pleines de finesse et de psychologie,
d'un style simple mais de bon aloi, furent continuellement recopiées et
très lues dans les monastères d'Orient et même en Occident.

:
Chacun peut trouver dans ces conférences spirituelles une solide
nourriture il s'agit d'une doctrine optimiste mais profonde, simple et
équilibrée, authentiquement chrétienne, qui convient à tous.

LES ŒUVRES DE PHILON D'ALEXANDRIE


Traduites en français sous la direction de
R. ARNALDEZ, C. MONDÉSERT, J. POUILLOUX

Tome 10
DE PLANTATIONE
Par JEAN POUILLOUX, professeur à l'Université de Lyon

Un volume in-8° écu de 112 pages 11,70 F + t. 1.

Ce traité entre dans la suite allégorique où Philon s'efforce, en


prenant Noé pour symbole, de définir une méthode de progrès moral
La vigne est prise comme symbole matériel des devoirs qui con-
:
viennent à Noé, qui sont aussi ceux de l'humanité « moyenne », à
laquelle s'adresse Philon.
Rarement Philon a défini avec autant de délicatesse le problème de
la liberté de l'homme en présence de la toute-puissance de Dieu, tra-
duit avec plus de bonheur le sentiment de la vie intérieure et de son
accord nécessaire avec la vie universelle.

wwvw LES ÉDITIONS DUCERF vvwbww


iWW Collection « PAROLE ET MISSION » ww
Journées des I.C.I. 1962

L'ATHÉISME
TENTATION DU MONDE
RÉVEIL DES CHRÉTIENS ?
Un volume in-8° écu de 256 pages 8,40 F + t. 1.

Un compte rendu ne peut certes conserver toute la vie qui animait


les séances de ces journées d'études des Informations catholiques
»
internationales, ni faire passer la « présence des conférenciers et parti-
cipants. (Un disque Jéricho nous garde toujours la parole du P. Liégé
en son jaillissement.) Mais on se réjouira d'avoir le texte de l'ensem-
ble des communications qui y ont été faites.
L'athéisme est pour le monde une tentation, à laquelle il a tôt fait
de succomber. Science et technique le provoquent à la volonté de
puissance, pendant que la lancinante objection du mal le pousse à la
révolte. Quoi qu'il en soit des responsabilités, l'athéisme est un mal
pour l'homme qu'il vient mutiler.
Mais le chrétien se trouve alors mis en demeure de rendre compte
de la foi qui l'anime. N'est-ce pas pour lui l'occasion d'un réveil?
Ne doit-il pas saisir mieux qui est son Dieu, au-delà de toutes les
caricatures d'un Dieu inhumain et trop humain ?
Mgr Veuillot, le P. Henry, le P. Liégé, Friedrich Herr, Etienne
Borne ont présenté cet affrontement de l'athéisme et de la foi aujour-
d'hui. De nombreuses communications font saisir l'extension et la

p. p.
diversité des athéismes, du Japon à l'Amérique du Sud, du monde
ouvrier au monde scientifique.
Ce volume nous livre de profondes analyses, une ample moisson de
faits pour nourrir une réflexion d'ensemble sur l'athéisme.

p.
Rappel
Journée des I.C. I. 1961 :
Un concile pour
notre temps, 256 7,20 F + t. 1.

Dans la collection « Parole et Mission » :

H. LE SOURD, R. PERNOUD, P.-A. LIÉGÉ :


Croyants et incroyants d'aujourd'hui,
: 6,00 F + t. 1.

p.
148
Collectif L'annonce de l'Évangile aujour-
d'hui, 368 9,90 F + t. 1.
J. LOEW et G. M.-M. COTTIER : Dynamisme
de la foi et incroyance, 136 6,60 F + t. 1.

wvav LES ÉDITIONSDU CERF ..l".Jf-"1/11.


.J'J'J' Collection « A CŒUR OUVERT » ..V..J'
9
CAMILLE DESTOUCHES
UNE FEMME RÉPOND A DES FEMMES

TOME II
Le bonheur se construit
Un volume in-8° couronne de 216 pages 6,90 F + t. 1.
Paru voici quelques mois, le premier recueil des chroniques de
Camille Destouches était consacré à des problèmes de jeunes centrés
autour de deux thèmes : les Jeunes Filles, la Mère et les Enfants.
Voici à présent des problèmes d'adultes.
Ces nouvelles confidences, Camille Destouches les accueille avec
le même cœur, la même sollicitude, le même désir d'aider, de dénouer
ce qui est crispé, d'apaiser ce qui est anxieux.
Et ces lettres, l'une après l'autre, témoignent que le bonheur n'est
pas donné une fois pour toutes et qu'il ne supporte pas d'être laissé
au hasard. Jour après jour, par-delà les soucis, les peines et les dé-
couragements, il se conquiert, il se façonne, il se construit.
Un livre d'espoir, d'optimisme et de courage.

Du même auteur :
Une femme répond à des femmes, I. Jeu-

l'Y'.
nes d'aujourd'hui et de toujours, 264

Collection « TOUT LE MONDE EN PARLE


p. 6,30 F + LI.

» w
R. OMEZ, o. p.
L'occultisme
devant la science
Un volume in-8° couronne de 128 pages 4,80 F + t. 1.

Esprit es-tu là? » Le P. Omez, spécialiste de parapsychologie,


«
apporte à cette question une réponse critique. Des praticiens de l'oc-
cultisme avaient beau jeu tant que la science ne s'est pas occupée
d'eux. Mais aujourd'hui une étude scientifique des faits occultes
démasque maintes supercheries. La puissance du subconscient suffit à
expliquer bien des manifestations. Il faut les discerner pour ne pas
confondre merveilleux et miracle, crédulité et foi.

wwwvt. LES ÉDITIONS DU CERF wwwflA


Collection « TRADITION ET SPIRITUALITÉ »ws

M.-H. VICAIRE, o.p.

L'IMITATION
DES APOTRES
Un volume in-8° écu de 96 pages 5,70 F + t. 1.

Être apostolique :
un des maîtres mots du temps présent. On sur-
milieu où est né cet idéal:
prendra encore bien des militants et des prêtres en leur apprenant le
ce sont les moines qui les premiers ont
revendiqué de mener la vie apostolique. Au XIIe siècle les chanoines
se veulent à leur tour descendants directs de l'Eglise primitive. Une
nouvelle mutation s'opère au tournant des XIIe et XIIIe siècles, avec
l'apparition des prédicateurs itinérants et la naissance des Ordres
mendiants.
La méditation des Actes des Apôtres, présentant la première com-
munauté chrétienne, n'a pas fini d'être une source de rajeunissement
pour l'Eglise.

«us Collection « TOUT LE MONDE EN PARLE » vs


JACQUES MADAULE

INITIATION A TEILHARD DE CHARDIN

Un volume in-8° couronne de 144 pages5,10 F + t. 1.

Jacques Madaule tente ici de saisir la pensée du P. Teilhard de


Chardin dans ses origines et son développement, tout au long d'une
vie très simple, en dépit des orages qui parfois la traversèrent et des
continuels déplacements d'un savant dont la tâche essentielle était jus-
tement d'explorer notre planète. Non pour satisfaire une vaine curio-
sité, mais pour mettre le doigt, s'il le pouvait, sur le ressort même
de l'Evolution. C'est dire que la biographie tient ici une très large
place.

trouveront ici un visage :


Ceux pour qui Teilhard de Chardin n'est encore qu'un nom illustre
celui d'un prêtre, celui d'un savant et celui
d'un penseur qu'il n'est plus possible désormais d'ignorer ou de mé-
connaître.

-wwvw LES ÉDITIONS DU CERF vwwm


——————————— (FÉTUS êtt 5§>/^IIS><0)lfcJIΧ> ——————————

Mai 1963
Pour la Pentecôte
Pour aider à comprendre l'action de l'Esprit Saint
dans l'Église en état de Concile

Comment lire
LES ACTES DES APOTRES

-- Le journal des trente premières années de l'Eglise.


Des textes et des photographies montrant l'actualité

Le numéro :
des Actes des Apôtres.
0,80 F (prix par quantité)
Abonnez-vous à Fêtes et Saisons, le grand magazine

Un an. France : de culture religieuse.


7 F Étranger
FÊTES ET SAISONS, 29, boulevard Latour-Maubourg, Paris-78
: 8,50 F

C.C.P. PARIS 6977-01

LES IMAGES
DE LA VIE CHRÉTIENNE
Deux nouvelles brochures 16 pages
en forme de magazine 20 photos

- :
Un guide et une catéchèse pour tous les jeunes qui
songent à se marier prochainement
DANS TROIS MOIS NOUS NOUS MARIONS
:
- COMMENT PRIER AUJOURD'HUI
Un sermon de poche utile à tous

Dans la même série :


Savez-vous vous confesser ?
Chaque numéro :
Le mariage, La confirmation, Les Fiancés.
0,30 F ;
Nousn'acceptons pas de commandes inférieures à 10 numéros
Prix par quantités, à partir de 10 ex. : 0,25 F;
50 ex. : 0,23 F; 100 ex. : 0,21 F.

C'EST UNE PUBLICATION DE FÊTES ET SAISONS


29-31, boulevard Latour-Maubourg,PARIS-76
C.C.P. PARIS 6977-01
Dans la série des
Albums de Fêtes et Saisons

Un album liturgique

ORDINATIONS
Présentation populaire des rites du Pontifical pour toutes
les ordinations, de la tonsure au sacerdoce, soigneuse-
ment contrôlée par le Centre de Pastorale Liturgique.
Nombreuses photographies

*
Une documentation très attendue
préparée par le P. Chéry, chargé par la hiérarchie du
Centre de Documentation sur les Eglises et les Sectes.

QUE PENSER DES SECTES


- La carte d'identité de toutes les sectes qui font actuel-
lement leur propagande en France.

- Tout ce qu'il faut savoir pour échapper à cette pro-


pagande.

- La leçon à tirer de la propagande des sectes.

LES ALBUMS DE FÊTES ET SAISONS


Chaque exemplaire (36 pages) 1 F (Prix par quantité)
:

:
Rappels
La Messe, La Confession, Le Mariage,
Quel est cet homme, Jésus-Christ?
Jeunes foyers.

FÊTES ET SAISONS
29-31, boulevard Latour-Maubourg, Paris-7#
C.C.P. PARIS 6977-01
LFS ÉDITIONS DU CERF
vous proposent pour la Pentecôte
SAINTE ÉGLISE
Y. CONGAR
Esquisses du mystère de l'Église 6,60 F
Jalons pour une théologie du laïcat 24,00 F
J. HAMER
L'Église est une communionH»10 F
Mgr CHARUE, Mgr ELCHINGER, Y. CONGAR, B.-D. DUPUY,
K. RAHNER, O. ROUSSEAU, etc.
L'épiscopat et l'Église universelle 39,00 F
J.-P. TORRELL
La théologie de l'épiscopat au 1er Con-
cile du Vatican 22,50 F
Mgr ROBERTS, Y.
Problèmes de
CONGAR,
l'autorité.
J. LECLERCQ, M. NÉDONCELLE, etc.
15,00 F
R. AUBERT, P. EVDOKIMOV, Y. CONCAR, J.-B. GEISELMANN,
A. LATREILLE, etc.
L'ecclésiologie au XIX- siècle21,90 F
Pour la 2e session de Vatican II
A paraître en juin- juillet
CARDINAL BEA
Pour l'unité des chrétiens 9,90 F
Y. CONGAR
Sainte Église. Études et approches ecclésiologi-
ques 37,2o F
G. TAVARD
Écriture ou Église? La crise de la Réforme.
J. COLSON
L'épiscopat catholique. Collégialité et primauté
dans les trois premiers siècles de l'Église.
Les prix s'entendent taxe locale en Plus.
Demandez ces ouvrages à votre libraire

wvwwvw LES ÉDITIONS DUCERF wvwww


WlflA
CONFERENCES DE NOTRE-DAME DE PARIS ——
1963

A.-M. CARRE, o. p.

BÉATITUDES
POUR AUJOURD'HUI
Unvolumein-8°couronne de 184 p. 6 F + t.l.
Il faut être libre pour aimer. Comment le devenir
trouvons la réponse dans le Sermon sur la montagne : ? Nous
les arti-

p.
sans de paix, les doux, les persécutés pour la justice, les cœurs
purs accèdent à la vraie liberté des fils de Dieu. De cette ré-
ponse, si actuelle, le R. P. Carré a fait l'objet de son enseigne-
ment à Notre-Dame de Paris durant le dernier Carême.
L'audience exceptionnelle que ces Conférences ont obtenue
prouve à quel point les milieux les plus divers sont sensibles à
une présentation claire et courageuse du message évangélique.

Le Sacerdoce des laïcs, 184 p.


Du même auteur, dans la même série
Le vrai visage du prêtre, 176

p.
:
p.,.
Prêtres et laïcs Apôtres de Jésus-Christ,
174
L'homme des Béatitudes, 184
6,00 F + t.l.
6,00 F + 1. 1.
6,00 F + t. 1.
6,00 F + t. 1.

LES ÉDITIONS DU CERF


Nous vous rappelons
dans

LA MAISON-DIEU

47-48. Congrès Assise-Rome 6,00 F


49. La catéchèse de la Semaine sainte.
50.Liturgie et pastorale du mariage
2,50 F
Épuisé
51. Liturgie monastique et liturgie parois-
siale 2,50 F
52. Le sanctoral 2,50 F
53. Le problème des langues en liturgie 2,50 F
54. La confirmation 3,00 F
55. La pénitence (1) 3,00 F
56. La pénitence (2) 3,00 F
57. Problème des petites paroisses 3,00 F
58.
59. Avent. Noël. Épiphanie.
Du catéchuinénat à la confirmation

60. Congrès C.P.L. Meneurs liturgiques


3,50
F
3,50
F
4,50
F
61. Les fonctions liturgiques d'après la tra-
dition 3,50 F
62. Le lectionnaire latin-français 3,50 F
63. Bâtir et aménager les
63 bls. Le nouveau code des
églises.
rubriques.
3,50 F
4,00 F
64. Priez sans cesse 3,50 F
65. LeChrist, aujourd'hui, toujours 4,00 F
66. Vers le Concile 4,00 F
67. La liturgie du mystère pascal 1 4,00F
68. La liturgie du mystère pascal II 4,00F
69. Liturgie et vie spirituelle 1 4,00 F
70. La dédicace des églises 4,00 F
71.Catéchuménat et liturgie 4,50 F
72. Liturgie et vie spirituelle II 4,00 F

Compris dans l'abonnement 1963 :

73. Liturgie et vie spirituelle III 4,00 F

LES ÉDITIONS DU CERF

Vous aimerez peut-être aussi