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LA STABILITÉ FINANCIÈRE
EN AFRIQUE CENTRALE
LA STABILITÉ FINANCIÈRE EN AFRIQUE CENTRALE

BANQUE DES ÉTATS DE L'AFRIQUE CENTRALE


Direction générale des Études, Finances et Relations internationales

L a Banque des États de l’Afrique centrale a orga-


nisé, le 21 juillet 2009 à Libreville, un colloque
international sur « la Stabilité financière en
Afrique centrale ». Les travaux ont été ouverts par
M. Blaise Louembe, ministre de l’Économie, des
1| POLITIQUE MONÉTAIRE
ET STABILITÉ FINANCIÈRE

Ce panel a été présidé par M. Bruno Cabrillac, directeur


Finances, du Budget et de la Programmation des des Études et des Relations internationales et euro-
investissements chargé de la Privatisation de la péennes de la Banque de France. La présentation
République gabonaise. principale a été assurée par M. Bernard Laurens, chef
de division adjoint à la division régionale Afrique au
La présidence générale des travaux a été assurée par département de la Monnaie et des Marchés de capi-
M. Philibert Andzembe, Gouverneur de la BEAC. taux du Fonds monétaire international (FMI). Les
commentaires ont par la suite été réalisés succes-
Ce colloque a été l’occasion d’organiser un large sivement par MM. Jean-Claude Masangu Mulongo,
échange de vues entre tous les acteurs de la gouverneur de la Banque centrale du Congo,
sous-région concernés par la question de la stabilité René Mbappou Edjenguele, directeur général des
financière. II a en outre enregistré la participation Études, Finances et Relations internationales de la
de gouverneurs de banques centrales, de repré- BEAC et Désiré Avom, professeur à l’université de
sentants des États membres, des institutions inter- Yaoundé II.
nationales et de la profession bancaire, ainsi que
d’universitaires. II est ressorti des débats le constat selon lequel
durant les années comprises entre 1970 et 1990, un
Les travaux relatifs se sont articulés autour de quatre large consensus s’était forgé en matière de politique
sessions principales et un panel de clôture. Les monétaire en faveur de l’indépendance des banques
présentations ont été déclinées autour des quatre centrales, dont l’objectif prioritaire devait être d’as-
thèmes suivants : surer la stabilité des prix. Au niveau de la CEMAC,
une autre dimension de la politique monétaire de
• politique monétaire et stabilité financière ; la BEAC, à savoir mettre la monnaie et le crédit
au service du développement économique, devait
• stabilité financière et réglementation prudentielle ; également être prise en compte.
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• surveillance du secteur financier et approche Sur cette orientation, les banques centrales ont enre-
macroprudentielle ; gistré des avancées dans le contrôle de l’inflation,
mais elles ont accusé un retard en matière de stabi-
• organisation de la fonction de supervision de la lité financière. Ainsi, la période comprise entre 1990
stabilité financière. et 2000 a été marquée par une révision des méca-
nismes destinés à assurer un meilleur équilibre
La présente note fait la synthèse des travaux des entre la stabilité monétaire et la stabilité financière.
différents panels et des recommandations issues des Au niveau de la BEAC, cette décennie a été marquée
débats engagés après chaque session de présentation. par des réformes importantes portant sur la créa-

Banque de France • Rapport annuel de la Zone franc • 2009


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tion d’un marché monétaire, l’instauration de l’exer- Sur ce thème, les discussions ont permis de mettre
cice de programmation monétaire et la politique en évidence la nécessité de procéder non seule-
flexible des taux d’intérêt. Il convient par ailleurs d’y ment à différents ajustements en matière de régle-
adjoindre la création de la Commission bancaire de mentation prudentielle, mais aussi à des réformes
l’Afrique centrale. dans le domaine de la supervision financière afin de
limiter à l’avenir les effets des crises financières sur
Les intervenants ont également souligné que la l’activité économique. De plus, au regard de l’évolu-
récurrence des crises financières au cours de ces tion des cycles économiques et des coûts élevés de
dernières années a mis en évidence la nécessité de gestion des crises financières, des mesures visant à
renforcer le rôle des banques centrales en matière mieux identifier et prévenir les risques systémiques
de surveillance financière. Les avantages d’une doivent être prises. Ceci est d’autant plus important
telle implication sont nombreux, notamment une que le critère de taille n’est pas exclusif pour juger
meilleure circulation de l’information ainsi que de l’importance systémique d’une institution : les
des économies d’échelle en matière de prévention effets de contagion peuvent provenir aussi bien d’éta-
et de gestion des risques systémiques. Toutefois, il blissements de petite taille que de ceux de taille plus
convient de noter que cette nouvelle fonction pour- importante. Par conséquent, il convient de mettre un
rait présenter un risque potentiel de conflit d’intérêt, accent particulier sur les points suivants : i) la mise en
du fait notamment : i) d’un éventuel relâchement de place d’un cadre global qui favoriserait une meilleure
la politique monétaire, destiné à faciliter la résolu- surveillance macroprudentielle du secteur financier ;
tion des crises financières ou prévenir les difficultés ii) un meilleur calibrage des outils prudentiels par
et/ou ii) de la remise en cause de l’indépendance et rapport à l’environnement macroéconomique ; iii) le
de la crédibilité des banques centrales. renforcement des principes de bonne gouvernance et
des audits externes ; iv) la mise en place de règlements
En définitive, les participants ont convenu qu’à visant à assurer une meilleure gestion de la liquidité
travers les actions menées par les banques centrales et à limiter les effets de levier. Enfin, il a été retenu
occidentales, quatre grandes leçons pouvaient être que les autorités nationales, en particulier les minis-
retenues, à savoir : i) l’importance d’une coordina- tères des Finances, devraient être associées dans le
tion et d’un dialogue entre les acteurs de la stabilité processus de recherche de la stabilité financière.
financière ; ii) la nécessité d’un renforcement de la
surveillance microprudentielle ; iii) la révision des Toutefois, ces ajustements réglementaires ne devraient
mécanismes existants en matière d’outils de poli- pas freiner les éventuelles innovations financières.
tiques financières, en vue d’un meilleur équilibre
entre stabilité monétaire et stabilité financière ; et En somme, il a été suggéré de :
enfin, iv) la nécessité de renforcer le système de
paiements et de mener des analyses sectorielles afin • mettre en place un cadre global de concertation
d’identifier les risques systémiques potentiels. qui regrouperait tous les superviseurs et les États,
au sein duquel la Banque centrale aurait un rôle
prépondérant ;
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2| STABILITÉ FINANCIÈRE • prendre en compte les réflexions en cours sur
ET RÉGLEMENTATION PRUDENTIELLE le plan international et qui portent sur : i) l’identi-
fication des facteurs de vulnérabilité des systèmes
financiers ; ii) la définition des outils de surveillance
Ce panel était présidé par M. Nabil Jajakli, chef macroprudentielle et iii) le partage des rôles des insti-
du secrétariat du Comité de stabilité financière tutions dans le maintien de la stabilité financière ;
à la Banque nationale de Belgique. Les discus-
sions se sont déroulées autour de la présentation • évoluer vers une approche macroprudentielle de
de M. Jean-Philippe Svonoros de l’Institut pour la supervision afin de : i) couvrir tous les compar-
la stabilité financière à la Banque des règlements timents du système financier ; ii) limiter les effets
internationaux. Les commentaires ont été faits par procycliques des systèmes financiers, les interac-
M. Idriss Ahmed Idriss, secrétaire général de la tions négatives entre les règles et entre la sphère
COBAC, M. Jean-Claude Ngbwa, secrétaire général financière et la sphère réelle ainsi que les mauvaises
de la CIMA et M. Alexandre Gandou, président de la incitations créées par les règles sur les acteurs; et
COSUMAF. iii) prévenir les risques systémiques.

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3| NÉCESSITÉ D’UNE APPROCHE • instituer un système d’échanges d’informa-


MACROPRUDENTIELLE DE LA tions entre les acteurs impliqués dans la stabilité
financière.
SURVEILLANCE DU SECTEUR FINANCIER

M. Bernard Laurens, assurait la présidence de ce panel.


Les commentaires de MM. Chicot Eboue, professeur 4| ASPECTS ORGANISATIONNELS
à l’université de Nancy 2, Abderrahim Bouazza de la
Banque du Maroc et Jean-Claude Masangu Mulongo, Ce panel a été présidé par M. Philippe-Henri Dacoury-Tabley,
se sont articulés autour de la présentation princi- gouverneur de la BCEAO. Les exposés ont été
pale de M. Cyril Pouvelle, adjoint au chef du service présentés successivement par MM. Cyril Pouvelle,
Macrofinance à la Banque de France. Samba Thiam du département Afrique du FMI et
Benedict Belibi, délégué général de l’OMAC, à la suite
Des échanges relatifs à ce panel, il a été retenu que de la présentation principale faite par M. Nabil Jajakli.
la surveillance macroprudentielle vise à détecter les
risques d’instabilité du système financier dans son Les échanges au sein de ce panel ont permis de
ensemble, afin de prévenir les risques systémiques relever que la supervision financière peut être orga-
et leurs conséquences préjudiciables sur l’économie nisée suivant trois grands modèles non exclusifs :
réelle. Les participants ont mis l’accent sur le fait que i) un modèle sectoriel, dans lequel la supervision est
cette surveillance devrait intervenir à deux niveaux : répartie entre les autorités spécialisées par branche
i) en amont, dans la prévention des crises, afin notam- d’activités ; ii) un modèle intégré où la supervision
ment de renforcer les dispositifs prudentiels et ii) en est assurée par un seul régulateur qui contrôle les
aval, dans la gestion des crises, pour guider la déci- différents secteurs financiers et assume toutes les
sion des autorités publiques en matière de sauve- responsabilités ; enfin, iii) un modèle par objectifs
tage d’institutions financières. En outre, il s’est avéré dans lequel il est établi une distinction entre l’ob-
que la nécessité de mettre en place une approche jectif prudentiel de contrôle pour tous les secteurs,
macroprudentielle s’explique principalement par les qui est confié à une autorité, et l’objectif de contrôle
insuffisances de la surveillance microprudentielle, le des marchés financiers et de la transparence des
coût économique des crises et la contrepartie des garan- institutions, qui relève d’une autorité distincte.
ties implicites et des interventions publiques d’urgence. Ainsi, si le rôle confié aux banques centrales peut
varier d’une juridiction à une autre, leur implication
Enfin, les débats ont également porté sur le rôle de est néanmoins indispensable, tout comme la coopé-
la Banque centrale, comme principale institution ration avec les autres instances de régulation et de
en charge de la mise en place de la surveillance supervision. À titre d’exemple, la coopération entre
macroprudentielle, ainsi que sur le développement la BEAC et l’Office monétique de l’Afrique centrale
d’indicateurs de vulnérabilité pertinents. Les parti- (OMAC) dans la réforme et la gestion des systèmes
cipants ont convenu de la nécessité de renforcer les et moyens de paiements montre l’intérêt d’une
normes et les outils microprudentiels, par des indica- réelle coopération entre la Banque centrale et les
teurs macroéconomiques associés à la santé du système différentes autorités de régulation.
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financier et des outils proprement macroprudentiels.
À l’issue des échanges de ce panel, les précédentes
Au total, les principales recommandations formu- recommandations ont dans l’ensemble été recon-
lées ont souligné la nécessité de : duites, notamment en matière de coopération et de
coordination entre les différents acteurs. Cependant,
• développer un cadre d’analyse conceptuel, retra- eu égard à l’importance systémique des banques à
çant les interrelations entre le secteur réel et le capitaux étrangers dans la région de l’Afrique centrale
secteur financier ; et de l’Afrique de l’Ouest, il importe également d’ins-
taurer un dialogue avec les superviseurs des pays
• mettre en place au sein des banques centrales une d’origine afin de réduire les risques de contagion et
fonction de surveillance macroprudentielle ; de clarifier les responsabilités de prêteur en dernier
ressort pour ces établissements.
• instaurer une coopération entre la Banque centrale
et les superviseurs microprudentiels et responsabi- En conclusion, douze recommandations ont été
liser les différents acteurs concernés ; formulées en vue de promouvoir la stabilité finan-

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cière dans la CEMAC et de renforcer les dispositifs référence pour la mise en place d’un comité de stabi-
macro et microprudentiels. Ces recommandations lité financière en Afrique centrale.
s’adressent principalement aux autorités monétaires
et financières ainsi qu’aux instances de supervision La séance de clôture des travaux du Colloque a été
des six États membres. Elles serviront de cadre de présidée par M. Philibert Andzembe.

Colloque international sur la stabilité financière en Afrique centrale


Matrice des principales recommandations

Domaines d’action N° Actions recommandées Institutions responsables Institutions concernées


1 Instaurer une réelle coordination BEAC COBAC, COSUMAF, CIMA,
et un dialogue entre les acteurs CMF, OMAC, CIPRES et États
de la stabilité financière
2 Favoriser les échanges d’informations BEAC COBAC, COSUMAF, CIMA,
CMF, OMAC, CIPRES et États
Politique 3 Renforcer la surveillance BEAC, COBAC, COSUMAF,
monétaire et microprudentielle CIMA, CMF, OMAC et CIPRES
stabilité financière 4 Réviser les mécanismes existants, BEAC
en vue d’un meilleur équilibre
entre stabilité monétaire et stabilité
financière. Intégrer la fonction relative
à la stabilité financière dans la conduite
de la politique monétaire
5 Mener des analyses sectorielles BEAC, COBAC, COSUMAF,
afin d’identifier les risques systémiques CIMA, CMF, OMAC, CIPRES
et États
6 Mettre en place un cadre global BEAC COBAC, COSUMAF, CIMA,
de concertation regroupant CMF, OMAC, CIPRES et États
tous les superviseurs ainsi que les États,
au sein duquel la BEAC jouerait
Stabilité financière un rôle prépondérant
et réglementation 7 Prendre en compte les réflexions en cours BEAC COBAC, COSUMAF, CIMA,
prudentielle sur le plan international et qui portent CMF, OMAC, CIPRES et États
notamment sur la définition des outils
de surveillance macroprudentielle
et l’attribution des rôles des institutions
dans la recherche de la stabilité financière
8 Évoluer vers une approche BEAC COBAC, CIMA, COSUMAF,
macroprudentielle de la supervision CMF, OMAC, CIPRES et États
financière
118 9 Développer un cadre d’analyse BEAC COBAC, COSUMAF, CIMA,
conceptuel, retraçant les corrélations CMF, OMAC, CIPRES et États
entre les secteurs réel et financier
Approche 10 Mettre en place, au sein de la Banque BEAC
macroprudentielle centrale, une structure chargée
de la surveillance de la surveillance macroprudentielle
du secteur financier 11 Instaurer un dialogue avec les superviseurs BEAC, COBAC
des pays d’origine des banques
à capitaux étrangers, afin de réduire
les risques de contagion
12 Clarifier les responsabilités de prêteur BEAC COBAC
Aspects
en dernier ressort pour les banques
organisationnels
à capitaux étrangers

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