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Mémoire
présenté
à la Faculté des études supérieures
de l'Université Laval
pour l'obtention
du grade de maître ès arts (M. A.)
Département de sociologie
FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES
UMVERSITÉ LAVAL
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du Canada
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Vu le retard qu'il accuse par rapport à I'échéancier établi et compte tenu de l'importance
des facteurs endogènes et exogènes qui conditioment défavorablement son évolution, le projet
en question se trouve dans des situations difnciles. Il ressort des analyses que la suspension des
hnancements du projet et ses retombées néfastes, la non maîtrise de l'approche participative, le
contexte défavorable teIle que l'amplification de la migration et les conséquences relatives,
l'instabilité socio-politique, les conditions socio-économiques précaires des paysans, etc.
concourent à l'explication d'une situation d'inertie dans laquelle il se trouve actuellement. De
ce fait, le projet PPI a du mal à honorer ses engagements à savoir l'augmentation de la
production iizicole, l'amélioration des rendements agricoles, la réduction des importations de
riz blanc, I'autosuffisance alimentaire, l'élévation du niveau de vie des paysans et l'amélioration
de leurs conditions de vie.
Des réactions négatives, des comportements de refus, des résistances aux diverses
actions menées par le projet se produisent. Des perceptions diverses se construisent autour de
lui et de ses façons de se réaliser. Il est vu comme une structure favorisant les tensions sociales,
comme perturbateur de l'ordre social établi, comme institution partiale, au service d'une
minorité de grands propriétaires fonciers, de commerçants, bref, d'un petit nombre de paysans
riches du périmètre. LI se déduit malheureusement que le projet PPI de Fitakimerina est loin de
ses missions, et à la place des changements attendus, il se r n d e s t e des effets pervers.
Remerciements
Je ne saurais oublier les paysans du PPI Fitakimerina qui, malgré leurs multiples
travaux et leur calendrier szrrchargé, rn 'ont alloué leur disponibilité et m 'ont réservé un accueil
chaleureuxeux
Leur réelle et précieuse participation est bien gravbe dans ce mémoire. Pour cela.
je leur exprime ma grande reconnaissance par leur dire merci. le mot le plus simple du monde
mais qui dit fout.
Ma profonde reconnaissance à mon épouse et ci mes fils pour leur soutien moral et
affectif; leur compréhension et leur persévérance combien nécessaires.
Dédicace
Je dédie ce travail,
- ci mes chers fih, Tb&, Jica, î'uhinn et Mick qui ont été
souvent pnvés de mon Mection à cause de ce mémoire,
xi
..........................................................................
I
INTRODUCTION GENERALE....,..........
.
IO
F. CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE........ . . ............................................ 11
............................
G. MÉTHODESDE COLLECTE ET D'ANALYSE DE DOWES . 16
H.ANN0NCEDUPLA.N ..............-......................................................................................... 18
.
...
......................................................
3.3.3 La SomaIac en bref ...............................................................................................
3.3.4 Quelques difficultés des grands amenagements hydro-agricoles.
4.2 LE PPI FITAKIMERINA PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS ET BUTS FIXÉS .............. 117
4.2.1 Description du Fitakimerina................ .
......................................................... 117
4.2.2LePPIFitakimerina.de1988à1996................................................ .. ... 123
CHAPITRE V :LWALUATION
DES ASPECTS SOCIAUX DU PROJET PPI ET
L'ÉTUDE DE SES IMPACTS ET DES EFFETS PERVERS SUR LES
CONDITIONS DE VIE DES USAGERS DE FITAKIMERINA............. 127
viii
DU PROJET ET
5.3 L'ÉTUDE DES RÉACTIONS PAYSANNES VIS-À-VIS
L'IDENTIFICATION DES PERCEPTIONS DIVERSES............................................ 146
5.3.1 Les réactions de refus et les perceptions négatives............................................ 146
* r
xii
LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE
Tous ces préalables témoignent de l'attention accordée à ce domaine ainsi qu'am divers
secteurs qui s'y rattachent. Mais malgré l'importance de tous ces écrits, malgré également la
pertinence des théories scientifiques et techniques élaborées, l'abondance et la qualité des
recommandations faites en fàveur de différents groupes sociaux concernés, il est
malheureusement déplorable de faite remarqyer que pour la plupart des cas, une grande
quantité de résultats n'ont pas un aboutissenient pratiqye. Il semblerait qu'ils sont produits pour
d'autres misons que celle du développement, par exemple être rangés dans les tiroirs, décorer
les rayons des bibliothèques ou embellir les dossiers des projets dans I'unicpe but de gagner la
e bailleurs de fonds.
c o ~ c des De ce fait, on déctle un nianque de rigueur et de volonté qui
laisse croire que les tenants de ces études travainent sur le mode du liucisme. Et cela pour
diverses raisons qui varient d'un groupe social à un autre, d'un acteur' du développement à un
autre engagé dans les projets ou actions de développement. Les erreurs et les échecs se
rrmltiplient de p b en plus. Les changements palpables et concrets sont minmies. Ce qui amène
A.J.P. Taylor, 1983:l l2 à afhner que la seule leçon que nous retenons de l'histoire est la &on
de répéter nos erreurs. Il semble en tout cas,en être aimi avec l'irrigation.
Les fàits négatifs et les erreurs du passé risquent de rendre permanents et structurels les
problèmes. Les échecs et erreurs s'accumulent et pourraient donner lieu a un développement à
l'envers si une décision et une volonté fermes n'interviennent pas. Et il en résulterait un
développement du sous-développement.
« les échecs des projets de développement sont souvent des leçonr de développement
mol apprises.». et il continue :« Lëvaluation sociale du mérite et de la valeur d'un
projet, c 'est-&-direde ses impacts généraux surtout et des leçons qui s 'en dégagent
pour d'autres actions de dweIoppement ne pouma décidément pus se contenter de Za
seule invocation de la rationalité du choir des fins et des objectifs et de leur
appareillement ni de celle des bonnes intentions qui ont procédé a ces choir... Il va
donc falloir s 'intéresser d 'avantage à cette production souterraine, informelle d 'eflets
qui se rnanijèstent loin des plans et des prévisions qui ont conduit du projet ;il va
falloir en parler et non la taire parce qu 'elle est éventuellement contre productive pour
c m qui vivent du projet r3
' Nous entendons par acteurs, des gens qui interviennent de près ou de loin dans le développement a savoir, Ies
paysans, les bailleurs de fonds, les groupes intermédiaires tek les opérateurs économiques, les responsables
techniques, les dirigeants et Ies responsables politiques ainsi que toutes les personnes intervenant dans ce
domaine particulier de l'amélioratisn du bien-être d'un certain nombre de segments de populations a l'échelle
mondiale.
'1. D. CARRUTHERS, L'aide au développement de I'imgation. OCDE,1983 : 1 1
' A. SCHWARZ, M.PINEAU, avez la collaboration de F.OSMANI,« L 'évaiuation des projets contre le
développement meugle », actes du séminaire sur l'évaluation des projets, Québec, 27-28 mars 1991, Série
Dossiers n017, Centre Sahel, Université Laval, Québec juin 1992 :32 pp. 7 - 35.
On a souvent enteedu parler des concepts de développement endogène, de
développement local, d'auto-développement, de développement d intégré ou encore de
développement participatiomiste. Tous ces modèles, d'une maniére explicite ou implicite,
prônent la participation de la population au montage de son propre développement. Les tenants
de ces approches soutiennent la thèse suivante : a l'homme est au centre du développement ».
Or, les fàits actuels démontrent que les projets initiés de I'extérieur, les actions publiques, les
opérations de développement des ONG semblent mettre en marge les popdations qui sont
supposées être les bénéficiaires. On ne se rend pas compte que c'est un déveIoppement
seulement pour la population et non pas un développement fait par, pour et mec elle. Une vraie
intégration des paysans dans les scénarios de développement ne doit pas se limiter à une simple
formalité de consultation car ce serait une pseudo-participation ou phis exactement une
participation passive dans laquelle ceux-ci n'interviennent que pour la simple exécution des
travaux et des tâches qui leur sont assignées. La participation de la population concernée par un
projet doit être r d e s t e dans le sens où elle est considérée dans toutes les démarches à
entreprendre : de la conception jusqu'au suivi et l'évaluation en passant par les étapes
intermédiaires de réaIisation. Et ceci, dans le contexte du milieu d'accueil du projet. Cette
affirmation rejoint plus ou moins ce que Stavenhagen (1981) disait:
(< Le problème de la partrkIpution ne peut être compnk que dans le contexte social et
hisiurique dam lequel il Q lieu ; c'est-à-dire qu'il serait absurde de parler de
participation de façon abstraite dans un cadre général, ce que la partrrtrcipution
n'a un
sens que dans un contexte historique et social concret d'une société quelconque » : 92
L'irrigation, de notre pomt de vue, est un Facteur important dans les systèmes de
production. Elle constitue un axe central d'une exploitation agricole autour duquel se greffe
toute activité techniqpe des paysans ; leur vie socio-économique et socioculturelle en dépend.
De ce fait, elle devient un milieu où un certain nombre de phénomènes et prob1hes sociaux
interferent. C'est en ce sens que nous nous proposons de l'étudier dans un espace type comme
Madagascar.
Dans les pays du SAHEL où l'eau de pluie fait souvent défàut pendant une très longue
période, le recours à l'irrigation reste l'unique chance pour l'agicdture, pour l'élevage et
jusqu'à un certain point, pour l'eau à usage domestique ( consommation et hygiène ). Les trois
activités se disputent l'eau qui devient une source de problémes techniques et de conflits
sociaux entre Nerents groupes de population-
- à une époque antérieure, Madagascar a été un pays exportateur de riz de huce tels que
SALICOMBO et le M4DRTGA.L (Madagascar Riz Gallant); la production était sufnsante pour
nourrir toute la population. La situation a changé au cours des armées 70/80,période pendant
laquelle une chute de rendement et une niminution de la production ont été enregistrées.
L'explosion démographique qui a pris son essor au cours de la même période, vient s'ajouter à
ces facteurs et aggraver ainsi la situation. D'où le recours au développement de la riziculture
pluviale, secteur négligé auparavant, mais qui aurait pu contribuer à la résolution du problème,
en plus de la décision de l'État d'importer du riz blanc. De ce fat, le riz higué et le riz pluviai
se complètent pour pallier au déficit vivrier malgache (surtout le riz)
- n'étant pas l'aliment de base des Malgaches, une grande partie de la production issue
de certaines cultures M è r e s , comme le manioc, la patate douce et le maïs, était souvent
destinée à I'ahentation animale. Dans une telle condition d'insuffisance de production rizicole,
ces produits M e r s viennent réguler la situation et s'intègrent dans les politiques de
développement agricole du gouvernement malgache. La naissance de cette deuxième
complémentarité entre le système irrigué et le système phi* << non riz N crée une certaine
concurrence entre les hommes et les animaux, dans les zones d'élevage.
4
À Madagascar, I'imgation concerne aussi les productions agricoles non vivrières comme le coton.
C.LE CHOIX DU ME
Insister sur ce thème répond donc à un des objectifk de ce mémoire, c'est-à-dire élargir
les rangs de ceux qui réclament la mise en application concrète, sérieuse et volontaire des
recommandations déjà élaborées par les prédécesseurs. Il s'agit donc de multiplier les études de
cas spécifiques liés à une innovation technique donnée (irrigation) dans le but de persuader les
entités conipétentes, les décideurs locaux et surtout les organismes de financement afin qu'ils
dépassent le stade des théories et des slogans et passent à une considération sérieuse et
concrète des utilisateurs finaux de la technologie proposée. 0 s'agit de les amener à réaliser un
vrai développement tourné vers une meilleure participation paysanne. D'ailleurs, nous tenons à
préciser que l'originalité du thème se trouve dans la dynamique de l'imgation et la spécificité
du cas étudié.
Dans cette optique, nous avons choisi d'analyser la réhabilitation des systèmes
d'irrigation du périmètre de Fitakirnerina: un projet de développement a caractère agricole qui
s'inscrit dans le cadre d'un a projet mère » intitulé << projet national des petits périmétres
irrigués ». Celui-ci a été mis au point par le Ministère de la Production Agricole et des
Réformes Agraires (MPARA) pour le renforcement de la structure institutionnelle du
développement rural malgache. Son mandat essentiel est de contribuer d'une d è r e
opérationnelle à l'atteinte de l'objectif national qu'est l'autosufhce alimentaire. Selon les
stratégies et politiques agricoles, cet objectif s'appuie en priorité sur l'autosuffisante en riz, la
principale nourriture des malgaches et doit aboutir à l'amélioration des conditions de vie des
paysans-
Faisant partie de l'équipe de diagnostic initial de la zone du projet (Juin 1988), nous
nous sonmies chargés de l'étude agro-socio-écon~mi~e~
d'une dizaine de Petits Périmètres
Irrigués (PPI) dont celui de Fitakirnerina dans la région du Vakinankaratra Cette opportunité a
suscité en nous la curiosité d'aller p b loin et d'étudier I'évohition du projet et surtout les
changements générés depuis l'étude préalable à la réalisation jusqu'au stade actuel (1988-
1996).
Des observations personnelles et entretiens XormeIs que nous avons eus à plusieurs
reprises avec les paysans dits bénéficiaires du projet pendant deux campagnes comécutives
(199 1/lWî et l99Z/l993)viennent mûrir cette motivation. De ces investigations sommaires se
dégagent les faits suivants :
phases d'études très longues pouvant Muencer les motivations des paysans
réactions négatives de la part des paysans vis-à-vis de la collecte des signatures pour
justifier l'acceptation du projet et pour faire d é m e r les travaux de réhabilitation,
refus de payer les redevances,
non intégration sociale des agents de développement dans le périmètre,
délaissement de certaines activités agrkoles au profit d'autres extra agricoles et plus
rémunératrices,
recmdescence du banditisme nual (vol de boeufs et de produits agricoles),
vieillissement et femhkatition de la population suite à un départ sans retour des chefb
d'exploitation découragés,
digradation des conditions de vie et paupérisation tendant à être chroniques des
paysans du périmètre, etc.
'Le volet agro-socio-économique rmfame la caractérisation des pratiques paysannes et l'identification des
potentialités et des contraintes au développement de ces plaines cole es et des systèmes d'irrigation.
Ayant pris connaissance de cette situation, nous nous demandons d'une part, dans
queIles mesures celle-ci entrave le bon dkodernent du projet, et d'autre part, pour queiies
raisons les paysans du périmètre expriment un comportement négatif (de refûs), préjudiciable a
I'aîteinte des obj& prévus ?
Dans cette optique, la question qui se pose est de savoir si, dans son état
d'avancement actuel et compte tenu de la situation qui prévaut dans le milieu d'accueil,
favorable ou non favorable, le projet est dans une bonne voie: c'est-à-dire voir si
l'amélioration des conditions de vie des paysans du PPI Fitakimerina est plausible et
constitue une réaiité tangible pour le projet ?
développement rural, et de les amener à rejoindre celles des paysans. La prétention de la
présente étude est de rappeler à toute entité, institution touchée de près ou de loin par le
probléme et à tout prétendant opérateur et prometteur de développement que toute action à
entreprendre a une finalité sociale à ne pas perdre de vue. Outre les changements escomptés,
des impacts et des effets inattendus, généralement a caractère social pewent se produire. Des
changements qui, à notre avis, méritent également d'être evahiés sinon on restera toujours dans
cette habitude de donner tort atm paysans. Parfois, les approches productivistes accusent ces
derniers de paresseux, non réceptifs et impernieables a toute modernité, etc.
Pour appréhender les réalités du périmétre et apporter des éléments de réponse aux
questions posées, les perceptions paysannes et leur point de vue concernant le projet sont à
collecter. Ce qui est a recouper avec les d y s e s des objectifs fixés ainsi que les difficultés
auxqueiles il s'est heurté, tant dans le domaine de la réalisation que dans celui de la
méthodologie. Mais les données issues des investigations effectuées et les recherches
documentaires semblent à priori dire que le projet éprouve une certaine inertie face à un certain
nombre de facteurs endogènes et exogènes déterminant son déroulement.
Considérant ces fàits, le projet PPI,visant la remise en état des systèmes d'irrigation de
Fitakirnerina, se trouve dans l'incapacité d'atteindre la phipart des objectifs et des buts qu'a
s'est fixés. De ces constatations, il ressort ce qui suit :
10
Malgr6 les avantages reconnus des projets d'irrigation pour le développement agricole
en Afkique, ces derniers ne constituent pas toujours une stratégie efficace pour améliorer
les conditions de vie des paysans en produisant des effets pervers.
Selon cette afknation, l'évaluation doit tenir compte de son caractère organique
(composition en éléments solidaires et hiérarchisés) dynamique et téléologique (étude de la
cause finale du projet). Cela nous amène d'une part, à identifier les quelques concepts de base
qui servent de repères théoriques permettant d'aborder le thème choisi sous i'angle
sociologique et de bien cerner la problématique posée; et d'autre part, à privilégier les
approches systémiques et integrées jugées adéquates et efficaces, basées sur l'interférence,
l'interdépendance et l'interaction des divers éléments situés dans l'environnement du projet.
Yao Assogba (1994) nous fiiit observer que les discours et les pratiques de
développement dans le Tiers-Monde en général et en Afiique en particulier, se fondent sur deux
principaux paradigmes à savoir le déterminisme fortement mmiencé par le positivisme et
I'interactiunnisme de type wébérien. Raymond Boudon soutient cette thèse en s'appuyant sur
~ e a qui
d ~souligne que:
Pour les tenants du premier paradigme, les échecs des projets de dèveloppement
s 'qliquent par le comportement et l'attitude irrationnels des acteurs sociaux de base
compris dons les sociétés rurales qui seraient dus B l'influence causale des valeurs et
des structures traditionnelles, par l'attachement des populations villageoises u w
traditionsséculaires, leur passéisme, etc. »
Il est donc bien évident que notre méthodologie devrait dépasser le seuil du
déterminisme et évaiuer le projet dont il est question ici, dans sa globalité suivant une approche
Les théories déterministes ont été remises en question par le paradigme des effets
pervers, une composante du paradigme interactionniste de type wébérien qui postuie q u ' ~une
authentique sociologie de développement s 'inscrit d'emblée dans la tradition de lu sociologie
de 2 'action »'O.
Évaluer les effets pervers revient donc à évaluer les changements sociaux non
intentionnels provoqués par le phénomène normal d'interaction des éléments constitutifs d'un
programme de développement et de ses environnements immédiat et IointsUi, A cet égard, les
effets pervers peuvent représenter des causes ou des conséquences des changements a un
moment donné d'une évaluation. En d'autres termes, les interactions s'effectuent sans arrêt
pendant une période indéterminée dans un fonctionnement systémique et intégré.
De prime abord, un système est un assemblage qui évoque un ordre ou les dSërentes
parties se soutiennent mutuellement. Il s'a@ donc d'un ensemble d'élé&ts, matériels ou non,
qui dépendent réciproquemient les uns des autres de manière à former un tout organisé, selon
Gilles Férréol et alü (199 l)13.
L'approche systémique quant à eile, se définit comme étant une méthode d'analyse qui
aborde un phénomène dans sa globalité pour fornier un tout structuré et dynamique en même
temps. Elle respecte les interdépendances et les interactions des éléments constitutifk d'un
système en mettant l'accent sur l'aspect cohérent et organisé des phénomènes sociaun
L'approche systémique convient à l'étude de la problématique du périmètre qui renferme
plusieurs secteurs économiques, phsieurs systèmes de production composés de sous-systèmes
interreliés. Considérer l'irrigation comme un système à part et l'étudier isolément,
indépendamment des autres lui enlève son propre caractère de système << inné ».
Selon encore cet auteur, la mésostructure, située entre le << micro » individuel et le
<anacro» structurel, représente l'espace entre les deux ou les personnes évoluent et où le
Mdgré le fiut que le projet ait été conçu au niveau d'une sphère nÿlcro-économique
(ministérielle, d'envergure nationale et internationale), sa mise en application descend jusqu'au
niveau régional et villageois et prend effet à une échelle micro-économique (exploitation
familiale). Il peut même déterminer des comportements individuels. Compte tenu de cette
envergure, nos investigations ont parcouru les trois échelles selon les types de données et
d'informations a collecter. hbus avons sdectionne les niveaux d ' h t e ~ e w ssukants:
Nous nous sommes basés sur des entretiens en élaborant des guides, contenant les
grands thèmes et types d'informations ci-après:
Entre autres, nous nous sommes basés en partie sur les données brutes et les résultats
d'analyse de l'enquête d'exploitation menée en 1988 pour nous servir de références, de
recoupement et de comparaison. Et cela, dans le but de repérer les changements. Si
changements il y a. Ils sont d'ordre agro-socio-économique, sociologique, socio-
organisatio~elsociodémogaphique, technique hydraulique (situation avant projet), supportés
par des sous thèmes.
Notons que nous n'avions pas accès aux données relatives au financement malgré notre
intention de les intégrer dans les analyses. A cet effet, la question financière ne sera abordée que
superficiellement.
H.ANNONCE DU PLAN
« L 'eau, c 'est lu vie N est une expression acquise depuis des civilisations anciennes
jusqu'à nos jours pour exprimer l'importance de l'eau. La vie telle qu'on la conçoit n'est pas
possible sans eau. Dans la Bible, il est mentionné que l'eau, pour la plupart des civilisations est
source de vie. Elle symbolise l'origine du temps et conditionne la vie. Ce caractère générique de
l'eau dans l'existence humaine est c o b é dans la Bible, d'où la proposition qui suit :
Depuis ces temps primordiaux jusqu'à nos jours, l'importance de l'eau n'a cessé de
croître dans la conscience de l'humanité. Cela témoigne d'une reconnaissance grandiose des
différents rôles et fonctions de l'eau dans la vie globale de tout être vivant (animal, végétal et
humain). Elle est universellement reconnue indispensable pour la vie des populations du Nord
comme pour celles du Sud, qu'elles soient riches ou pauvres. Pour ne pas nous rebrouver dans
-
l'incapacité d'inventorier exhaustivement tous les usages de cette ressource dans sa diversité et
dans sa spécificité, variant d'un pays un autre, d'un groupe social à un autre - nous allons nous
contenter de citer quelques grands rôles et fonctions de base de l'eau.
L'eau occupe encore une place prépondérante dans la vie humaine grâce aux usages
domestiques multiples. Elle se hisse en première position pour étancher la soif et sert pour
l'hygiène corporelle personnelle de la famille ou du village. Elle est à la base de l'alimentation
humaine sur trois plans ( préparation, cuisson et conservation). Jusqu'ici, en dehors de toutes les
autres utilisations spécifiques, on peut affirmer que I'eau constitue un des principaw éléments
naturels qui sert pour le maintien de l'état sanitaire des êtres humains et contribue
universellement à l'amélioration de Ieurs conditions de vie.
L'eau peut être aussi considérée comme un pivot du développement agricole et aussi un
pilier d'une exploitation paysanne. Production végétale et production animale demandent un
apport d'eau considérable, nécessaire à leur propre développement. Les pratiques agricoles et
d'élevage sont rendues possibles grâce à l'eau (eau de pluie et/ou eau d'irrigation, un système
artificiel permettant d'arroser les champs). Pour les plantes par exemple, le rôle de l'eau est
effectivement fondamental sous deux aspects. Non seulement qu'elle est un élément constitutif
de la plante (eau de constitution), mais elle est aussi le véhicule qui apporte à celle-ci les
déments minéraux et sa nourriture (eau de végétation). Les résultats de recherche en biologie
ammient que la matière végétale contient 60 a 95% d'eau1; et il faut 1 500 litres d'eau pour
faire 1 kg de blé. Ce qui veut dire que la vie végétale et animale dépend également de l'eau.
I
M. Poirée et C.Oliier, Imgation :les riseaux dïmgation :théorie et économie des arrosages, Edition Eyrolles,
Paris V, 1966.
Dans le domaine de I'environnement, l'eau maintient en équilibre les kosystèmes.
L'eau polluée se présente comme un grand danger pour la vie humaine.
D'autres usages méritent d'être mentionnés, ne serait-ce qu'à titre indicatif. Notons par
exemple l'importance de l'eau dans l'industrie, soit en tant que source d'énergie pour faire tourner
les machines de fabrication, soit en tant qu'eau de lavage et de nettoyage des matières premières
ou de refkoidissement des produits soit encore en tant que partie intégrante même des produits à
fabriquer. A titre d'illustration, il faut 300 à 500 litres d'eau pour obtenir 1 kg d'acier, 25 litres
d'eau pour produire 1 litre de bière et 1 million de litres d'eau pour fabriquer 25 g de
streptomycine: un antibiotique efficace notamment contre la tuberculose2. Il convient de noter le
difficile arbitrage de la concurrence entre l'eau industrielle, Veau agricole et l'eau domestique
compte tenu de I'importance des besoins de chacune des ces activités.
(dly a le déluge, continue la Bible, penàant quarantejours sur terre... Tout ce qui avait
une haleine de vie dam les narines, c'est-à-dire tout ce qui était sur terre ferme,
mounît)) (Genèse 7 : 17 et 22).
L'abondance peut être considérée comme un autre caractère néfaste de l'eau. À une
quantité excédentaire, elie est difficilement maîtrisable par l'homme et risque d'inonder les
villages, détruire les cultures et les récoltes, tuer les animaux et voire même arracher la vie
humaine. On peut citer les cas du Bangladesh, des Philippines et aussi de la côte est de
Madagascar, etc., qui sont souvent victimes d'inondations provoquées par les cyclones ou les
pluies diluviennes.
L'insuffisance etlou l'absence totale de l'eau est une condition dangereuse pour le
développement de certaines plantes trop exigeantes et d'animaux d'élevage. Dans ce cas, eile
limite les activités des producteurs et devient un objet rare. Cette rareté fait de l'eau un objet de
tiraillement et de dispute. Ainsi, elle est source de conflits de tout genre. La production agricole
diminue et l'élevage devient moins performant. Est-il nécessaire de rappeler que la famine et la
sécheresse au Sahel en 1973 et en Éthiopie en 1985 ont tué indirectement et silencieusement
une grande proportion de la population infantile a cause de la malnutrition ?
U n adage des médecins dit que: (< Ià où va 1 'eau, la maladie la suit a. Ce qui est
pratiquement vrai pour le cas des sociétés d e s africaines ou l'eau potable fait défaut et les
techniques et méthodes d'assainissement sont soit absentes, soit non appropriées. Dans ces
conditions, l'eau et la maladie vont de pair. Projets d'irrigation mal conçus, eau insalubre et
mauvais systèmes d'évacuation d'eaux usées constituent par voie de conséquence, des foyers de
virus et de bactéries pou. un certains nombre de maladies contagieuses. Mais d'autres facteurs
ne passent pas inaperçus pour expliquer cette situation. A ce propos, R. J. Saunders. et J. J.
informent que les maladies liées à l'eau qui affectent la santé sont assez
Warfbrd (1978)~
répandues et fréquentes dans les régions nuales des pays en voie de développement. Cette
incidence dépend du climat, de la géographie, des caractéristiques culturelles, des habitudes
D .Desjew, L 'eau :quek enjeux pour les sociétér ~ ~ Paris, 1985 :33
a?, l'Harmattan,
l
'R J. SAUNDERS. J. J. WARFORD, Lhlimentation des communautés rurales: kconomie et poliligue g é n h l e
dans le monde en développement,publié par Ia BM,Economica, Paris, 1978 :35
d'hygiène et des installations sanitaires ainsi que, bien entendu, de la quantitk et qualité de l'eau
utilisée et du mode d'évacuation des immondices. Par ailleurs, les deux auteurs soulignent que:
De ce fait, l'eau peut autant combattre des maladies (gale, dematose, etc) que véhiculer
certaines autres (choléra, typhoïde) ou encore retenir le schistosomiase urinaire ou rectale. En
outre, la fièvrejaune, la malaria et la maladie du sommeil ont toutes des vecteurs liés à l'eau.
((En dépit des connaissances que l'on possède sur [es voies de transmissions de la
maladie, des progrès quant au diagnostic, quant au traitement et quant à la prévention.
et malgré le nombre croissant du personnel médical qualijé, les régions proches des
nouveaux sites d'imgation continuent de manifster des accroissements alamants des
taux d 'indice de ma la dies.)^
' In David Sheridan, L'infgation: promesses et danger, L'enu conne la Faim, IWarmattan, Paris, 1985 :67-68.
- au Mali, dans le cercle de Bandiagara, la mise en oeuvre d'une cinquantaine de
barrages a provoqué une augmentation de 79 B 93% de la prévalence de la schistosomiase.'
Source: Bernard Crousse, Paul Matieu, Sidy Seck, La vallée dufleuve Sénégal :évaluation d'une décennie
d'aménagement :/98û-1990,Karthala, Paris, 1991 :56.
Mais la préoccupation intemationde a pris de I'ampleur suite à l'évolution de la
technologie industrielle qui devient de plus en plus exigeante. La croissance démographique
vient amplifier l'intensité du problème et fait augmenter le nombre de bouches A nourrir dans
une situation de déficit afimmtaire. causée par une sécheresse répetitive. Le cas de l'fique
sahélienne constitue une des causes principales de cette préoccupation. Divers organismes et
institutions intemationaux et nationam, publics et parapublics ont réagi à l'appel de
I'Organisation des Nations Unies (ONU) pour faire de la période 1980 à 1990, une décennie de
l'eau potable et de l'assainissement.
Malgré ces réponses encourageantes et en dépit des réalisations concrètes sur le terrain,
il est d'une évidence très marquée que la plupart des projets entrepris ont comme résultats des
échecs. Beaucoup de documents le confirment en faisant remarquer qu'une négligence de la
dimension sociale semble donner la priorité aux aspects techniques, économiques et financiers.
Dominique ~esjeux"l985) constate que le thème de la décennie de l'eau potable et
d'assainissement laisse croire que:
- les actions à mener sont principalement d'ordre technique et financier sans que soit pris
en compte le milieu culturel dans lequel s'implante une nouvelle technique
d'approvisionnement ou d'assainissement de l'eau ou sans tenir compte des rapports de pouvoir
et des enjeux économiques internationaux qui sous-tendent les programmes d'intervention sur
l'eau.
- les problèmes de l'eau se posent autant dans le Tiers Monde, que dans les pays
industrialisés, aussi bien sur la quantité que sur la qualité. La France a connu aussi des
problèmes de sécheresse et d'excès en eau en 1976 et 1983.
- la dimension sanitaire ou médicale de l'eau, peut être isolée des autres utilisations de
I'eau telle l'agriculture ou l'industrie, alors qu'elles entrent souvent en concurrence avec
le besoin en eau lié à l'alimentation ou à la santé.
Dominique Desjeu, L'eau. Quek enjeux pour les sociétéz rurales ?. l'Harmattan, Paris, 1985 : 11
Par ailleurs, N. B. Ayibotela (1990)~reconnaît qu'aussi nombreux que soient les
bénéficiaires ,il reste encore beaucoup d'êtres humains dont les besoins n'ont pas été satisfaits.
Axée sur Ies obstacles juridiques, son évduation des projets entrepris dans le cadre de la
décennie de l'eau reste partielle . Le contexte social et culturel, vu par P. paris8 (1985) comme
facteurs déterminants dans 1'~valuation des projets concemant 1' adduction d'eau et
d'assainissement, sont considérés comme secondaires par N. B. Aybotela Certes, il est
beaucoup plus facile de trouver une solution à un problème technique ou juridique que d'en
chercher pour un problème social ou culturel; mais, occulter ce genre de problème n'est autre
également que récidiver les échecs.
L'absence de participation populaire dans ces projets a été signalée par N.B. Ayibotela,
un spécialiste en ressources naturelles (eau), non pas en terme d'implication de la population
dans les différentes phases du projet mais en terme de simple consultation et de
participation/contribution aux coûts d'entretien et de maintenance des infrastructures. II est très
certain que la recommandation à faire participer la population de cette manière va encore
amener les projets à répéter les mêmes emem pour d'autres échecs.
« L'eau est un don provenant de Dieu, exprimanr son amour envers l'homme, sa création; et
pourquoi l'homme lui-même nous la fait payer ? L'eau ne s'achète pas ni se vend et gare d
celui qui tente de la considérer comme marchandise. La colère de Dieu tombera sur lui et il
n 'irajamais au paradis a dixit un paysan du Sud de Madagascar en répliquant à la demande
d'un technicien de lui faire payer une redevance. La seule solution pour résoudre le problème
est de trouver un modèle de participation conçu avec la population et qui rime avec cette
rationalité. En plus, il est sage d'éviter toute imposition quelle que soit la forme.
' In NATIONS UNIES, « Les obstacles juridiques et institutionnels de la Décennie Intemational de L'Eau Potable
et de l'Assainissement ». Ressources natureIZes/SénneEau n023. Département de la coopération technique pour le
développement, Commission économique pour l'Afrique. Litho, United Nations,New York, Déc. 1990.135 p.
P. Paris,Les programmes d'hydraulique villageoire au Sahel. Un car d 'interventiondans les sociétés ruraZesPIn
Dominique Desjeux, L'eau. Quels enjeuxpour les sociétés rurales ?, l'Harmattan, Paris, 1985.pp. 41-64
considération n'a pas de sens, sans tenir compte des aspects culturels qui tournent autour de
l'eau, des usages divers de celle-ci ainsi que de la place et des rôles qu'elle joue dans les
sociétés males afkicaines.
(( ce puits placé au centre du M'Zloge, & la vue de tous, les privait de ces précieux instants
de liberté où, loin des regards des hommes, elles pouvaient se retrouver entre elles,
procéder à leur toilette, rire et plaisanter sans contrainte, lm maris étant, bien sûr, les
sujets favoris de ces plaisanteries.»9
Cet exemple laisse entrevoir la non prise en compte des facteurs socioculturels qui
participent ii la structuration des programmes de développement.
Vue cette importance acquise et universelle de l'eau et compte tenu des rôles et
fonctions prépondérants qu'elle joue dans la vie quotidie~ede tous les êtres vivants, un grand
nombre d'institutions et d'organismes internationaux se prononcent, intéressés par la
problématique. Face à la situation problématique, plusieurs organismes de financement tels la
BM, la BAD, le CCE,lYACDI,la BADEAS le FAC, I'USAID, etc. les différentes branches de
I'ONU en l'occurrence la FAO, le PNUD, l'UNICEF se lancent dans le montage de
programmes et projets concernant l'eau. Au niveau même du continent anicain, il y avait une
grande mobilisation depuis la période coloniale et après les indépendances. La plus marquante
est la constitution du CILSS en septembre 1973, regroupant 9 pays ficains et subissant
Claudette Savonnet-Guyot et a& Les politiques de I'eau en Afnque :développement agricole etpartic@atim
paysanne, ACCT et CNRS, Economica, Paris 1985 :201
28
ensemble la percée progressive du désert et la manifestation répétitive de la sécheresse. Des
conférences, séminaires, colloques internationaux de toutes sortes se sont institutionnalisés par
la suite et ont mis au centre du débat l'eau et sa problématique, considérée sur tous les plans,
dans tous ses aspects.
L'ACDI a estimé que 2 milliards d'hommes sont privés d'eau potable et d'installation
sanitaire. Cela témoigne d'une façon consternante de la souffrance, des maladies et de la
mortalité qui sévissent dans l'ensemble des P.V.D. Pour faire face au grand défi lancé, des
programmes, projets et actions dans le domaine de I'approvisionnement en eau potable et de
I'assainissement se sont élaborés massivement en faveur des pays où le problème atteint son
plus haut degré. Dans ce grand « bouillonnement », les bailleurs de fonds internationaux @.My
BAD, USAID, FAC, ACDI, etc.), les pays de coopération bilatérale et les organismes non
gouvernementaux se prononcent prêts a supporter financièrement ces programmes, gérés par
des organismes publics et para publics.
Les gouvernements des pays touchés par le problème ont répondu également à cet appel
de l'ONU et se lancent dans la révision de leur plan national de développement économique,
29
social et sanitaire. Ces plans doivent mettre en priorité la question de l'eau potable qui est
considérée comme la condition sine qua non pour un mieux-être de la population.
Mais quels sont les enjeux liés à cette subsistance liquide, supposée être en même temps
la cause et l'objet principal de ce bouillonnement international ?
Financièrement, l'eau a pu mobiliser une énorme somme d'argent. Comme si elle était
budgétivore fi. L'ACDI, à elle seule, a investi, depuis 1968, 700 millions de dollars pour
tenter de mettre fin au problème. Mais investir demeure un gaspillage d'argent si cela n'apporte
pas de changements à la situation de ceux que les bailleurs de fonds ont l'habitude d'appeler les
«bénéficiaires de projets» ou les « utilisateurs finaux des innovations techniques D. Gaspillage
d'argent également si les programmes ne s'intègrent pas dans le cadre de la politique et la
planification globale nationales des pays qui hébergent les investissements, ou si on ne tient
surtout pas compte des réalités et logiques socioculturelles du milieu d'implantation. D'ailleurs,
c'est le cas en M q u e si on fait référence aux ratés des programmes d'adduction d'eau dans les
communautés rurales. Par conséquent, l'aide fournie par les institutions hancières &rangères
se transforme en un processus d'endettement des pays soit disant bénéficiaires.
L'enjeu est donc d'ordre hancier dans la mesure oh le pays concerné ou I'ONG, qui
intervient dans son espace, incapables de s'autofinancer, doivent fonctionner grâce aux grands
bailleurs de fonds (BF)et courent demère l'argent. La création intensive des ONG au cours des
années 80/90, justifie cette course vers l'argent et renforce davantage le caractère financier de
1-2.22.L'enjeu économique
L'enjeu de l'eau prend son caractère économique en &nt un objet de tirailiement entre
la production végétale et l'élevage d'une part, et entre I'agriculture et l'industrie d'autre part.
Dans le secteur agricole, les deux activités économiques devraient se compléter. Or, ce n'est pas
le cas en Mauritanie et au Sénégal où éleveurs et agriculteurs se disputent l'eau. A un niveau
plus élevé, ce genre de concurrence se manifeste entre l'agriculture et l'industrie, deux piliers de
l'économie afÏicaine. Elle se fait d'une manière très complexe et compliquée. Tout d'abord, la
première a besoin d'eau pour produire les matières premières à transformer par l'industrie.
Celle-ci, une grande consommatrice d'eau, en a aussi besoin dans toutes les chaînes de
fabrication. Laquelle des deux est la plus prioritaire ? Et comment faire pour parvenir à un
partage rationnel de l'eau ? Un arbitrage délicat. Cela dépend de la stratégie économique du
pays. Est-ce qu'il opte pour le développement agricole comme base de l'économie ou
l'inverse ?
Le secteur eau est un foyer qui réunit plusieurs disciplines (hydrologie, pédologie,
économie, médecine, géographie, sociologie, démographie, agronomie, droit, écologie,
environnement, anthropologie, etc) entre lesquelles une synergie devrait s'installer à la place de
querelles d'école et de cloiso~ementdisciplinaire. Dans la pratique, pour qu'un programme
d'adduction d'eau ou d'irrigation réussisse, une interdisciplinarité devrait s'imposer. La preuve
est qu'actuellement beaucoup de spécialistes s'y impliquent et y trouvent leur compte en
interrelation avec les autres.
1.22.4. L'enjeu d'ordre culturel
Outre les divers usages de I'eau selon les cultures, celle-ci véhicule aussi des nomes et
valeurs socioculturelles, qui varient d'un pays à un autre, d'un clan à un autre, d'un groupe
social à un autre groupe social. L'eau peut symboliser les nomes sociales et se doter d'une
valeur culturelle. Pour une ethnie de la région du sud de Madagascar par exemple, l'eau est
considérée comme un Dieu qui peut donner ou enlever une vie selon sa volonté. ElIe symbolise
la force et le pouvoir.
1.2.2.6.L'enjeu militaire
Par extension, Dominique Desjeux (1985) trouve que l'eau peut exprimer un enjeu
d'ordre militaire pour le Tiers Monde quand il se référe au bombardement des digues du fleuve
rouge au Nord du Viet Nam par les Américains en 1972 ; et pour la France, à la dernière guerre
mondiale et au bombardement des ponts.
Nous n'avons plus abordé dans cette sous-section la question sanitaire, qui a été déjà
traitée en détail dans les paragraphes précédents. Notons tout de même que la finalité des efforts
déployés en matière d'approvisionnement en eau potable est l'amélioration de l'état sanitaire de
la population en général et celle des milieux ruraux en particulier.
1.3. LES PRAT'IQUES D'IRRIGATION EN AFRIQUE
L'apparition de l'irrigation comme technologie agricole est située dans le temps et dans
l'espace de la manière suivante. Selon Françoise Conac (1978) :
F. ~ u ~ a u ~ u i e r ( l 9 9 0tout
) ' ~ ,en posant le problème en tenne générique, introduit le
rapport entre l'Afrique et cette technologie. À ce propos, il précise que :
(( L'irrigation est une pratique agricole vieille comme le monde ;les grandes civilisations
que l 'on vient d 'évoquer lui doivent tout leur éclat.». Et se demande (( Pourquoi. ci 2 'aube
du siècle, 1;4fnque ne pourrait-elle en recréer des semblables avec les mêmes
possibilités ? »
Les toutes premières réalisations à l'époque des anciennes civilisations se trouvent dans
les vallées et delta du Nil en Égypte, dans ceux du Tigre et de l'Euphrate en Mésopotamie, en
Inde et en Chine.
Par définition << irriguer fi c'est arroser. Dans le domaine de l'agriculture, le texme
irrigation, perçu techniquement comme une suite d'opérations ou manières d'imguer, n'a pas
tellement subi un tiraillement conceptuel pour se préciser. 11 peut se définir par ses propres
caractéristiques selon les circonstances et le contexte dans lesquels il s'applique et évolue.
Ainsi, nous répertorions les quelques principaux types d'irrigation suivants :
Il
Françoise Conac, Imgution et développement agricole :l'exemple des pays méditerranéem et danubiens,
SEDES :C »DDU.,France , 1978. :8.
'' F. Dugauquier, et J. Hecq, Périmènes in-&ués villageois en Afnque sahélienne. CTCAR, Corlet, Imprimeur,
- Inrigation par ruissellement, - Irrigation par submersion,
- Irrigation par aspersion, - Irrigation par infiltration.
(( un apport d'eau réahé sur un terrain cultivé ou une prairie en vue de compenser
(( un processus dynamique mis en place par des hommes qui veulent amener l'eau à des
moments par eux déterminés. en quantités par ewc déterminées, à des endroits par ewr
déterminés, et qui se poursuit, stagne el dispurait par suite de 1 'interaction entre les
modifications du système de production et les modz~cationsde la smicture sociale »
L'irrigation est artificielle par comparaison à l'arrosage par l'eau de pluie. Ainsi,
I'insuffisance ou l'abondance de I'eau ne dkpend que de l'importance des activités de l'homme
(déforestation, feux de brousse, gestion et maîtrise de I'eau, etc.,). Quoiqu'il en soit, l'irrigation
n'est pas la seule technique destinée à palier l'insuffisance des précipitations ou de l'eau
agricole. Toutefois, elle demeure le moyen le plus efficace, entre autres pour freiner la
sécheresse, et l'une des conditions de base de l'augmentation de la production.
- d'une part, rapport de pouvoir entre l'homme et la nature au sein duque1 le premier
voudrait exprimer sa suprématie sur le deuxième. De ce fait, il s'agit donc d'un rapport de
domination.
- d'autre part, ce rapport de pouvoir descend à un niveau plus bas où l'irrigation se
transforme en un champ de bataille pour différents groupes sociaux impliqués. A ce niveau,
c'est la loi de la concurrence qui règne et détennine la vie sociale. Explicitement, c'est un
rapport de pouvoir dans le sens où chaque acteur ou chaque groupe d'acteurs est le centre de
reflet de différents intérêts ou groupes d'intérêts. Ceux-ci peuvent varier selon les objectifs de
chacun, ses façons d'agir et ses modes de penser. En somme, chaque groupe d'intérêts a sa ou
ses propres façons de définir l'imgation, dans son sens caché ou dans son sens manifeste.
- - -- -
-
15
Dictionnaire de Z 'agriculture:Larouse agricole, Librairie Larousse, Paris, c 1984.
1.3.1 2. Les avantages et Ies désavantages de l'irrigation
Compte tenu des considérations gémides faites autour de l'irrigation, celle-ci couvre en
même temps des avantages et des inconvénients. À ce titre, dans les pays en voie de
développement, qui ont une vocation agricole, on attend de I'imgation un renforcement de la
lutte contre la désertification, une augmentation de la production agricole alimentaire, une
amélioration du revenu paysan lui permenant par la suite, d'avoir des conditions de vie
meilleures et à long terme, une contribution à l'atteinte de l'autosunisance alimentaire.
Il est un fait que seulement 15 % des terres cultivées sont irriguées, mais celles-ci
produisent plus des 40 % de toutes les récoltes à l'échelle mondiale. Sur le plan superficie,
l'irrigation a connu une évolution relative passant de 106 millions d'hectares à 215 millions
d'hectares au cours des 25 dernières années. Et plus de 70 % des terres higuées de par le
monde se trouvent dans les PVD. La région la moins imguée du monde, I'Afkique sub-
saharieme où l'on irrigue moins de 1 % des terres arables ,connaît aujourd'hui les problèmes
alimentaires les plus aigus. Quelques 150 millions de gens vivent dans les pays d ' f i q u e
dévastés par la sécheresse, selon la commission économique des Nations Unies. C'est pourquoi,
on entend fkéquemment des mises en garde contre la << méga famine N F A O N , (1979).
Étant donné que l'eau est un milieu favorable ii la propagation des maladies, les petits
marais, les marres, les étangs et les canaux d'irrigation mal entretenus foumissent des sites
parfats pour la transmissions de I'ankylistome, favonse le paludisme, la filariose et la
bilharziose.
Des impacts et effets néfastes sur le sol, la santé animale et celle de l'homme,
proviennent de L'utilisation accrue des produits chimiques (engrais et pesticides), une technique
d'intensification agricole exigée par I'imgation.
Étant donnée cette disparité, faire une présentation générale de toutes les expériences
africaines en matière d'imgation risquerait de se Iimiter à une description épidermique de la
problématique. Cependant, nous avons choisi de traiter expressément le cas de la vallée du
fleuve Sénégal a cause de la relative homogénéité qu'elle représente dans le Sahel et dans
l'ensemble de I ' f i q u e occidentale. La vallée met en cause trois pays, le Sénégal, le Mali et la
Mauritanie qui partagent les caractéristiques suivantes :
.. ...-. -
La repxise a été faite vers le début du XXè siècle, suite à des multipIes missions de
prospection à savoir la mission Mathy en 1905, celle de Bélime en 1922 et celle d'Auguier en
1928. Il ressort de ces trois missions la difficulté de mettre en valeur le potentiel pédologique
important et de ressources en eau considérables. Par conséquent, l'idée d'aménager la vallée a
été une deuxième fois abandonnée à cause du coût élevé des investissements envisagés; mais
cette fois-ci en faveur de la colonie du Soudan (actuel Mali). Ce qui a favorisé la naissance de
I'Office du Niger.
Les missions de prospection ont repris en 1937 avec la création de la MAS (Mission
d'Aménagement du Sénégal): mission issue de la crise céréalière qu'a vécue le Sénégal et la
plupart des pays du Sahel à l'époque.
Ce n'est qu'en 1939 que les premières réalisations font leur apparition avec le périmètre
de Gédé-Chantier irrigué en submersion contrôlée et exploité par des colons. Entre 1946 et
1956, un casier rizicole de 6 000 ha a été créé et irrigué en maîtrise d'eau par la MAS.
- aménager 30.000 ha pour produire 60.000 tonnes de riz afin de réduire le déficit vivrier
des pays dépendants de la vallée du fleuve Sénégal, (soit un rendement nPcole de 10 tomes à
l'hectare); un objectif un peu trop ambitieux.
- organiser le peuplement de la zone en accroissant le niveau de vie des exploitants.
Une évaluation économique effectuée en 1980 a conclu que les coûts de production sont
très élevés; et il fallait à l'époque arrêter les grands aménagements. Les États concernés ont
considéré cette recommandation et s'orientent vers de nouvelles stratégies en développant les
périmètres villageois.
Tout d'abord, il convient de noter que nous entendons par grands aménagements, les
grands périmètres irrigués de plus de 1.000 ha disposant d'un endiguement, équipés d'une
station de pompage, d'un réseau de drainage, gérés par une société d'État de développement: la
SONADER (créée en 1976) en Mauritanie et la SAED au Sénégal (fondée en 1965). Les grands
périmètres irrigués ne concernent pas tellement la partie malienne alimentée par le fleuve
Sénégal, qui se trouve fortement caractérisée par les périmètres villageois.
Mais, en dépit des efforts apportés et de l'attention particulière accordée aux grands
périmètres irrigués ainsi que l'importance des ressources hancières, techniques et humaines
investies. les résultats restent toujours décevants selon les spécialistes en évaluation. Mais
comment s'expliquent les échecs de ces grandes entreprises ?
Ces grands périmètres présentent également de gros désavantages que les concepteurs
reconnaissent et que de nombreux évaluateurs considèrent comme facteurs d'explication de ces
échecs. Ils sont d'ordre technique, physique, économique, politique et social interreliés dont les
principaux paramètres sont les suivants:
- le coût financier très élevé des aménagements physiques. Les caractères techniques très
complexes, voire même sophistiqués engagent beaucoup de fonds et rendent difficiles et
coûteux la maintenance et les entretiens. Avec ces derniers se conjuguent les coûts de
fonctionnement et les investissements pour l'assistance technique,
- I'inévitable réhabilitation ou remise en état suite aux dégradations rapides des réseaux;
celles-ci sont liées aux problèmes de maintenance et d'entretien,
- I'impossible extension de ce type de périmètre à cause de sa grande taille, sinon les
prob Ièmes fonciers se mu1tiplieraient,
- la gestion centralisée du périmètre s'opposant à une responsabilisation des producteurs,
- l'absence des populations concernées dans les différentes phases du projet,
- la dégradation de I'environnement. II faut compter, pour chaque hectare aménagé, un
hectare de terrain mis hors production à cause de la salinkation,
- l'aménagement des grands périmètres d'imgation implique un déboisement qui sera
multiplié en fonction du nombre de paysans installés ramassant du bois de chauffage,
- I'ixrigation est aussi néfaste à la flore et aux peuplements piscicoles,
- l'inégalité sociale qui trouve sa source dans l'abus de pouvoir des fonctionnaires et
militaires de la région s'attribuant des terrains. Cette manoeuvre illicite des gens qui
n'appartiennent même pas à la société locale. génère la pratique du métayage et du fermage,
modes de faire valoir exploitant les producteurs démunis.
- l'endettement d'un grand nombre de paysans auprès des services d'irrigation à cause
des coûts de production très élevés sans pouvoir donner des rendements satisfaisantsyetc.
Gert Diemer et Elle Van Der Laan (1987)18,concluent d'une manière intemogative comme suit:
Nous pouvons conclure de notre côté que les aménagements de ce genre constituent un
milieu favorable à la naissance de nouveaux rapports sociaux. Ii s'agit des relations des
producteurs, groupe social majoritaire avec celui minoritaire des techniciens, des fonctionnaires,
des fournisseurs d'intrants, des collecteurs des produits agricoles, des hommes politiques, des
pouvoirs publics, des ONG, ou encore des immigrants. Ces interférences de relations sociales se
sont toujours manifestées en défaveur de la grande masse de la communauté locale, d'où
l'inégalité sociale constatée dans les périmètres.
Considérant ces échecs, les bailleurs de fonds internationaux ont pris la décision de ne
plus investir dans de nouveaux aménagements. Cette mesure recommande par contre la remise
en état de ce qui existe; une nouvelle donne dans la politique d'irrigation et la stratégie de
développement agricole du Sahel en général et de lYAf?iqueoccidentale en particulier.
-- -- -- -
" Gert Diemer et Ellen Van der taan,L 'imgution au Sahel. Paris Kanhala, 1987 : 16.
1.33. L'irrigation villageoise en Afrique sahélienne
Les brèves présentations des avantages et des inconvénients de l'irrigation dans la sous-
section précédente permettent de déduire que l'irrigation couvre deux facettes contradictoires.
Elle est un mal nécessaire pour le développement des communautés d e s . Elle doit faire face
à un certain nombre de risques, donc elle est difficile a mettre en oeuvre avec succès et
efficacité. Toutefois, cette afnrmation n'est pas une vérité absolue si on se réfère aux succès
enregistrés par les PIV. Iis sont nés de la rencontre des initiatives, de la volonté des paysans du
Sahel et de l'existence d'une technique d'irrigation à superficie réduite, formule élaborée par les
ingénieun de la FA0 / OMVS.
- la crise climatique, caractérisée par la sécheresse pour ces pays riverains du désert en
I'occurrence la Mauritanie,le Sénégal, le Mali, le Niger, le Burkina Faso, etc.,
- la crise vivrière, suite logique des troubles climatiques. Il s'ensuit une famine criante
vers les début des années 70 au Sahel,
- la préexistence de deux facteurs techniques de changement dans l'agriculture, à savoir
la variété performante de riz, accompagnée de la technique de repiquage et la technique
d'irrigation par pompage (utilisation d'une motopompe),
- la capacité de quelques leaders paysans de faire passer I'innovation sans faire éclater
Ies traditions socioculturelles,
- avec ces facteurs se conjuguent négativement la pression démographique devenue
incontrôlable. Malgré l'importance de la migration vers la France, la Côte-d'Ivoire ou la
Gambie, le taux de croissance d h o p p h i q u e reste toutefois très élevé. À cela s'ajoute la
chance de cette portion de iYAf?iquetropicale d'être sillonnée par de grands fleuves comme le
Sénégal, le Niger, la Volta, le Chari, etc. ofhint de larges bassins favorables à la spéculation
vivrière. Ce qui a permis à J. Hecq et F. Dugauquier (1990)19d'afnrmer que
(( c'est dans ces bassins que naîtront les wais pôles de développement intorsif; wrnme
sont nées les grandes civilisations dans les vallées du Nil et de l'Euphrate N
Il est aussi certain que l'irruption spontanée de ces petits périmètres villageois résulte
des multiples échecs des grands aménagements en Afrique sahélienne. ( cf. section précédente.).
Ils sont spontanés dans le sens, où à l'origine, il s'agissait des initiatives paysannes, des façons à
eux de prendre conscience de la gravité de la famine et de la contourner. Cette prise de
conscience est en partie née du fait que les États et les grandes sociétés d'encadrement sont
tellement préoccupés par le cas des grands périmètres dont l'objectif est d'assurer
I'autosuffisance alimentaire au niveau national et régional, qu'ils ne se rendent pas compte que
cette politique devait commencer par une autosuffisance familiale rurale. Ce genre de
délaissement favorise en quelque sorte le jaiIlissement des initiatives des producteurs, les
amenant à s'organiser pour une mise en commun des efforts. En outre, les deux auteurs
soulignent que le développement des périmètres aux dimensions réduites comme le P N , serait,
selon beaucoup d'avis, de nature a supprimer plusieurs des principaux désavantages inhérents
aux grands systèmes.
11 est donc considéré comme Petit Périmètre Villageois (PPV) tout aménagement
hydraulique à vocation agricole, qui, grâce à ses dimensions réduites, constitue une unité
culturale maîtrisable par une communauté male au niveau du village. En effet, plusieurs unités
d'exploitation peuvent exister à l'intérieur d'un périmètre alimenté par un seul barrage ou d'une
même station de pompage. De telles unités peuvent aussi porter le nom de PIV. Les types de
cultures peuvent varier d'un périmètre à un autre, mais généralement ils sont conçus pour la
même cause, l'amélioration de la production vivrière. Il semble nécessaire de mentionner que
lYEtatet les sociétés d'encadrement et d'aménagement sont intewenu un peu plus tard pour
19
F. Dugauquier et J. Hecq, Périmèfres irrigués villageois en Afnque Sahélienne, CorIet Imprimeur, France, Juin,
1990 :9.
soutenir techniquement et reproduire les expériences villageoises. Notons qu'une autodiffusion
et une autovulgarisation eurent Iieu au début en l'absence d'un encadrement de l'État, des ONG
et des grands bailleurs de fonds. Ils ne se sont mafllfestés qu'à ta suite de la volonté des paysans
de se regrouper pour la mise en oeuvre d'une superfkie.
Ces PIV ont connu beaucoup de succès partout dans I ' M q u e sahélienne. Mais les plus
surprenants s'enregistrent dans l'ensemble de la vallée du fleuve Sénégal. Grâce à la
caractéristique simple, très sommaire et moins coûteuse des aménagements, une récupération
paysanne a été facile. Sur le plan social, l'organisation interne et la gestion globale du périmètre
sont faites à la paysanne, en harmonie avec les hiérarchies et les valeurs sociales de la
communauté villageoise. Économiquement, ils sont très rentables pour les paysans, ceux-ci
étant subventionnés en intrants agricoles (semences, engrais et produits phytosanitaires) et pour
la motopompe. Les paysans du périmètre bénéficient également de l'apport d'argent issu des
membres de la famille émigrés en France ou dans des pays africains voisins. Cela constitue une
autre source de revenus, complémentaires, sinon la principale pour certaines familles, pour faire
tourner l'exploitation.
La plupart des PIV ont réalisé des rendements rizicoles très satisfaisants. En moyenne,
les exploitants gagnent 4,5 tonnes par hectare avec une pointe de 6 tonnes 1 ha et des taux
moyens de mise en valeur équivalents ou supérieurs à celui des grands périmètres. Mais ces
réussites ne tarderont pas à se transfomer en échecs quelques années plus tard. À part ce
succès d'ordre technique, d'autres points positifs A caractère social méritent d'être soulignés. A
ce propos, nous nous référons :
De plus, les succès des PPV ou PIV serviront de bonnes références à l'État pour bien
définir ses politiques en matière d'imgation. Ces circonstances ont permis aux villageois de se
familiariser avec la technique d'irrigation. Toutefois, PPV et PVI n'échappent pas à la règle de
la dichotomie qui justifie le contraire. De ce fait, il ne faut pas perdre de vue les aspects négatifs
de ces entreprises paysannes.
Malgré donc les avantages reconnus des PN et les succès enregistrés, des désavantages,
se font remarquer. Comme les avantages cités auparavant, les inconvénients eux aussi relèvent
des caractéristiques propres des périmètres villageois. D'emblée, ils sont d'ordre technique,
social, économique et organisationnel et peuvent se présenter sous forme de résultats, d'impacts
ou d'autres effets pervers. Dans ce cas, on s'interroge sur la reproductibilité de ces expériences
de PIV sur lesquelles se base l'objectif de l'État d'assurer une autosuffisance alimentaire
nationale.
- d'une part, l'amélioration des conditions pluviométriques depuis 1984 a conduit les
villageois à abandonner les systèmes irrigués, malgré les bons rendements agronomiques, et à
retourner à l'agriculture extensive, traditionnelle a faible coût de production, en l'occurrence la
culture de décrue au Sénégal et culture pluviale au Mali.
- d'autre part, l'évolution sensible de la taille moyenne des PIV de 20 à 30 Ha n'exclut
pas pour autant la pratique du phénomène de partage entre les membres volontaires et ayant
droits, que constituent le groupement. De ce fait, les parcelles individuelles sont réduites de 0,15
à 0,20 ha, dépassant rarement le quart d'hectare par famille qui compte en moyenne 10
personnes. Cela affecte les rendements et réduit le revenu du ménage. Les paysans doivent
choisir entre, abandonner le périmètre pour les cultures de décrue ou pluviales et émigrer vers
les grands pôles de développement comme la France, les grandes villes de la Côte-d'Ivoire ou
de la Gambie.
L'hypothèse de Van Deer Lan (1987) concernant l'égalité sociale dans les PIV se trouve
ici détruite par le fait que depuis 1986, la tenure foncière dans ces périmètres est largement
dominée par les modes de faire valoir indirect. Mathieu (1991)~'cite l'exemple des périmètres
villageois de Doumga et celui du village Peul de Katoté dans la communauté de Bokidiawé
pour illustrer l'importance de ce qu'il appelle << problèmes sociaux », vus a travers des
problèmes fonciers. Il avance qu'au cours de la campagne d'hivernage, 29 parcelles ont été
cédées en métayage par les titulaires, 7 n'ont pas été cultivées, 28 seulement ont été directement
exploitées par les attributaires. L'emprunt et la vente de terres viennent renforcer ce système de
mise en valeur indirecte. Par la suite, une couche de a métayeurs et de grands propriétaires
fonciers émergent et profitent de cette situation pour faire de l'accumulation de terres. Dans ce
21
Paul Mathieu, Émile Le Bris, Étienne Le Roy, L 'appropriarion de la terre en AfBgue noire. manuel d'analyse et
48
cas, les PPV et les PIV perdent leur image démocratique, donc leur crédibilitb. Ils hébergent
l'inégalité et constituent un milieu pour le développement de la pauvreté. Compte tenu de ces
problèmes sociaux, l'agriculture intensive tend à disparaître régressivement et le recours à la
pratique traditionnelle (culture de décrue et pluviale) s'avère la seule solution possible pour les
victimes du phénornéne. De toute les façons, ces périmètres n'ont la capacité d'assurer ni la
pérennité ni la reproductibilité. La faible capacité géographique limite l'extension et la
difision ; et l'ampleur de la migration et de l'exode nual accentue le manque de main d'oeuvre
agricole.
L'ajustement structurel proposé aux pays ficains dans les années 80 impose le
désengagement de l'État et la responsabilisation des co~llfnunautésnuales. Opéré dans des
conditions difficiles et précaires des paysans, le retrait brusque de l'État tout en limitant ses
subventions et son encadrement, ne fait que favoriser cet abandon des PIV, devenus vieux
périmètres, car les entretiens ne sont plus à la portée des groupements (matériellement,
techniquement et h a n c i èrement).Ainsi, le concept de P N devient obsolète.
49
Ces PI se présentent comme des expériences tendant à combiner les avantages des
Grands Périmètres (GP) (fiabilité technique des aménagements, taille autorisant la
mécanisation) et de ceux des PPV et PIV (participation populaire aux travaux, gestion paysanne
des réseaux et équipements, combinaison du travail manuel et de la mécanisation, pratique du
repiquage pour le riz et intensification agricole). Objectivement et concrètement, il est difficile
d'avoir une homogénéité dans toute la vallée. D'ailleurs, les caractéristiquesphysiques, sociales
et organisationnelles des PI varient d'une rive à l'autre du fleuve Sénégal et d'une région à une
autre en fonction du contexte et des conditions locales. En Mauritanie par exemple, le PI de
Boghé, exploité manuellement rassemble toutes les caractéristiques d'un GP à un coût de 5,9
millions F CFA/ha; tandis que Amady Ounaré au Sénégal n'est qu'un PIV de grande taille dont
le coût s'élève i 2,7 millionshau. A cet égard, la politique de l'irrigation de la vallée du fleuve
Sénégal se fixe des objectifs pour l'an 2000. Elle vise à aménager 6200 ha / an entre 1988 et
l'an 2000 dont 2500 ha sur la rive droite en Mauritanie et 3700 ha sur la rive gauche au
sénégalu. Pourtant, le modèle du PI cherche encore à se définir et à se faire une identité stable
dans ia vallée.
En faisant un bilan sommaire, nous pouvons dire que cette politique n'a pas généré les
changements escomptés. Et cela, pour la raison suivante:
--
La tentative de mixer la dimension technique des GP et la dimension sociale des PIV n'a
pas abouti. Ce genre de symbiose reste théorique car eue n'a pas pu réunir les conditions
nécessaires pour s'opératiomaliser.
Voulant ê e une solution de rechange définitive en réunissant tous les points forts des
grands aménagements d'antan et les atouts des jeunes générations des périmètres villageois, le
PI se trouve trop idéal et non réaliste. Il est rapidement abandonné. De ce fait, il commande un
retour aux modèles antérieurs. Ainsi, le retour aux grands aménagements est inévitable pour
l'État. C'est l'occasion pour lui également de se « réhabiliter » et de préciser la définition de ses
stratégies et politiques de développement agricole. D'autant plus que le mot d'ordre des
programmes soutenus et appliqués par les Nations Unies, est d'« interdire la création de
nouveaux programmes coûteux et par contre encourager et soutenir Ia réhabilitation sur tous les
plans de ce qui existe actuellement ».Cene relance valorise la participation effective de la
population qui devrait déboucher vers une vraie autonomie de gestion paysanne. Cela fait appel
à I'application du programme d'ajustement structurel (PAS). Actuellement, la situation
s'aggrave à cause de l'irrégularité de la pluviométrie qui amène la sécheresse. La migration
prend de l'ampleur. Au problème d'imgation agricole se greffe le problème
d'approvisionnement en eau potable et d'assainissement; double caractéristique de la
problématique de l'eau à laquelle les politiques de développement des sociétés males en
Afnque doivent prêter attention. II faut reconnaître que les trois pays concernés par la mise en
valeur de la vallée sont encore dans l'impasse sur le choix le plus approprié des schémas
d'aménagement. La conjugaison des efforts soutenus par I'OMVS n'a pas apporté les
changements espérés à cause des objectifs et des capacités d'équipement variant d'un État à un
autre.
Pour clore le présent chapitre, nous donnons ci-dessous un tableau récapitulant
I'évolution des aménagements hydro-agricoles dans le bassin du fleuve Sénégal. Il nous invite à
nous interroger sur les raisons pour lesquelles les États dépendant du fleuve Sén6ga.l ne sont pas
capables d'instaurer des politiques et stratégies fermes et efficaces en matière d'irrigation
malgré leurs expériences pendant presque six décennies. Serait-il possible pou. eux et pour les
pays d'A£kique de se passer des aides à l'irrigation et de ne plus dépendre ni des bailleurs de
fonds étrangers ni de la technologie venue d'ailleurs en privilégiant et développant le savoir
technique des paysans et les connaissances locales ? Répondre a cette question revient
primordialemment à tracer une vue rétrospective des actions entreprises auparavant et a
s'interroger sur la raison des échecs des projets et des programmes d'irrigation. Ce sera l'objet
du prochain chapitre.
Types
Périmètre Années A B A B A B A B
1975 O O 1 875 6 5047 7 5922
G.I.
1988 O O 2 2089 13 10530 15 12619
1975 O O O O O O O O
P.I.
1988 O O 1 754 3 26160 4 3464
PPV, PIV 1975 .6 103 14 510 13 483 33 1 096
et
Privé 1988 .23 406 404 13929 643 18577 1070 32912
Périmètre 1975 O O O O 1 3000 1 3000
La majorité des pays diicains ont adopté des politiques de développement marquées
par la prédominance des projets et des programmes, calqués sur des modèles occidentaux. Ils
sont assez souvent financés par des bailleurs de fonds étrangers dont les exigences et les
conditions imposées dépassent parfiois les capacités et ressources nationales. Partiellement ou
entièrement initiés de l'extérieur, ils se trouvent non adaptés aux conditions locales et se
heurtent à un tissu social imperméable, à des logiques paysannes diamétralement opposées à
celles des concepteurs de ces modèles. Certains auteurs classent ces logiques paysannes
comme des kationatités. Bref, les modèles de développement occidentaux ont de la difficulté
à s'intégrer tant sur le plan technique que sur le plan social dans les milieux ficains.
-....- .
J. Price Gittinger, Anabses économiques des projets agricoles, BM,Economica, Paris, 1985.
soumises à un tiraillement entre le traditionalisme fortement enraciné et le modernisme
occidental envahissant-
Est-ce que la situation en voie de développement )> est définitive et éternelle ? Dans
ce cas, la thèse de Rostow (1970, ~ 1 9 6 3 )est fausse, lorsqu'il parle d'un développement
linéaire2.
Une telle problématique mérite une étude très fouillée. Cependant, nous nous
contenterons de l'aborder d'une manière succincte à travers des constations et des réflexions
faites par certains auteurs anicanistes. Le retour en arriére dans I'andyse théorique est
inévitable. Ainsi, par rapport à ces situations simples et complexes à la fois (pauvreté des
sociétés paysannes, échecs des projets de développement, sous-développement, désarticulation
des systèmes de production paysans et non intégration parfaite de la modernisation, stagnation,
etc.). Nous proposons aux lecteurs un rapide état de la question.
'Rostow, W.W.Jes étapes de h croirsance éconumiqre, Coliection point SCries Économie, Paris, IWO, cl963
56
rien ne sera possible tant que cette société W t i o ~ e i i subsistera,
e et en conséquence, est bon
(et va dans le sens du progrès) tout ce qui contribue à cette destruction. L'approche de Meiste?
propose ainsi de briser la cohésion sociale et cuitureiie des socittés traditionneiles en
favorisant les inégalités des individus. Cela se traduit par une intervention des facteurs
exogènes aux sociétés rurales et fait en sorte que les systèmes de production des paysans
s'intègrent aux systèmes de développement étrangers, en l'occurrence les technologies
occidentales et les systèmes économiques et financiers internationaux. Meister est donc loin de
considérer le postulat du développement qui s'opère collectivement et surtout, sur la base de la
réalité socioculturelle autochtone.
égalitaires » et notamment à ses villages, l'Afrique noire - et elle est peut-être la dernière
région du monde à être dans cette situation - aurait la chance de mettre en oeuvre un type de
développement qui permettrait d'éviter les gâchis humains auxquels ont conduit dans le reste
du monde les modèles de développement iibéraux, si chers au coeur de Meister. I1 illustre ce
propos en déclarant que:
« la crise pr&nde qui explique les échecs des actuelles politiques de développement
rural, c'est précisément qu'elles proposent un modèle de croissance qui se situe O
l'exact opposé de ce que, profondément, les villages attendent M.
La thèse de Meister est défendue par d'autres. Ainsi, se basant sur la réussite des
expériences de la méthode par individu en Inde, Galbraith, un autre tenant de cette méthode,
parie sur quelques agriculteurs de pointe pour faire évoluer les masses d e s du Tiers Mondes
Il mentionne que c'est la voie qui a été suivie en Europe et en Amérique et afnrme que c'est la
seule façon de diffuser l'innovation dans les milieux gui lui sont par principe hostiles. Mais la
réalité est tout autre car les inégalités sociales gagnent les campagnes indiennes.
--
Quant à JeamMarc Éla (1982)' il se pose une série d'interrogations parfois concrètes et
terre à terre en ce qui concerne l'impasse dans lequel le développement de 17Afkiquese situe et
la possibilité de dénouer l'ambiguïté engendrée. Faut-il pounuivre les politiques de
développement nual qui enferment les paysans d ' f i q u e dans la pénurie et la dépendance,
s'est il demandé ?. L'ensemble des questions qu'il a posées résume la lutte d'influence qui met
en cause deux systèmes de production: celui des communautés rurales africaines avec leur
savoir-faire et celui des occidentaux, marginalisant les connaissances paysannes. L'auteur,
finalement, insiste sur une réflexion centrale. 11 dira:
René Dumont (1962) avait déjà insisté sur le fait que copier l'Europe actuelle, plus
développée, et précisément dans un domaine où elle paraît rarement exemplaire et se cherche
péniblement, serait une erreur.
René Lenoir, Le Tiers Monde peut se nourrir :les communautéf de base. acteurs de développement, Rapport du
Club de Rome, Fayard, PARIS,1984 :68.
'Jean-Marc Éh,L 'Afique des villoger, Karthala, Paris, 1982. : 17.
Dans la même ordre d'idée, René Lenoir dénonce le mimétisme qui envahit la
planification nationale et les politiques de développement des pays d'Mque. Il ressort de ses
analyses que
À notre niveau, il s'avererait nécessaire de prendre un raccourci pour une synthèse des
réflexions et analyses sur le sous-développement et le développement de 17Af'rique.II est à
reconnaître que nos analyses sont très superficielles, mais les quelques lectures que nous avons
faites à propos du développement de 17Afiique,nous permettent de faire remarquer que la
situation est encore floue. On peut lire à travers des écrits de certains auteurs que le
pessimisme, I'optimisme, la mise en garde, l'avertissement, le questionnement, l'ambiguïté,
I'utopisme, etc. interferent dans la caractérisation du développement en M q u e . L 'Afnque
ambiguë de Georges Balandier, Z Afnque noire est mal partie, I Afnque étranglée, l Afrique
partagée. IAfngue piétine, 1 'AjZque retardée, de René Dumont, le Tiers Monde dans
Z 'impasse,selon Bairoch, 1Afrique peut-elle partir ? de Meister, i Afrique des villages par
Jean-Marc ÉLA, le scandale du développement par J. Austniy, de Z 'aide 2 la recolonisation de
Tibor Mende, la révolution aux pieds nus par Bertrand Schneider, la question paysonne en
Afrique Noire de Guy Belloncle, le Tiers Monde peut4 se nourrir ? René Lenoir, le monde
possible, selon Tibor Mende, etc. forment quelques élkments de réflexion qui reflètent l'état du
questionnement sur la question du développement en général et surtout de celui des pays
René Lenoir, Le Tiers Monde peut se nnowsi Les cornmunaut& de base, acteurs de développemeni Rapport du
Club de Rome, FAYARD, 1984 : 46.
d'Afrique. Quel que soit donc le type de ces analyses, et quelle que soit l'origine, (Tiers
mondistes, Africanistes, Ruralistes, des bailleurs de fonds, des PVD, théoriciens ou praticiens,
économistes ou sociologues, agronomes ou ethnologues, historiens ou géographes,...), le fait
est que la situation des PVD reste toujours délicate, ambiguë, dinicile, et alarmante. Étant
donné le pessimisme ambiant qu'on relève dans toutes ces études, nous réitérons notre
interrogation de base, en l'occurrence: est-ce que la pauvreté et la transition, la situation dite
de «en voie de développemenb) serait définitive et permanente pour 1'Anique ?
Pour clore ce tour d'horizon, nous faisons appel, encore une fois au tiers mondiste-
africaniste René Dumont qui résume la problématique et fait la recommandation suivante:
i( Tandis que si la famine montait chez les pauvres, qui sont de plus en p l u avertis,
pendant que les gaspillages se multiplieraient dans le camp des nantk, le risque
d'eqdosionr, capables de mener à un suicide atomique mondial. augmenteraient
dangereusement. Nous sommes tous acculés à revoir entièrement notre conception du
monde, nos manières de penser et surtout d'agir, simolement si nous désirons [asurvie
précisément, à propos de I ' a q u e , il insiste sur le
de l'esvèce humaine. aQ.~lus
caractère urgent de son démarrage:
(( C'est pourquoi cette Afrique, dont il était inévitable que le départ hésite. non
seulement peut mais doit partir vite. Si elle mettait un siècle pour rattraper son retard,
nous en pâtirions. Il nous faut donc, tous tant que nous sommes, chacun à notre poste,
nous déoêcher de rem~lirtoutes les conditions qui faciliteraient ce déonri; car nous v
avons le d u s stnct intérêt. Avis auxjeunes quipréfernt vivre, suivant le titre de Tibor
Mende, ctUn monde possible». Il leurfaudra le conquérir ».
Si dans les années passées, on déplorait la non prise en compte des aspects sociaux
dans les approches de développement agricole et d,
à l'heure actuelle, une certaine
reconnaissance de cette dimension se lit dans presque tous les rapports d'étude des techniciens,
des spécialistes et des experts d'institutions de hancernent et même dans les discoun des
politiciens ou des gouvernements. Cette reconnaissance fait appel, sur le plan théorique, à une
critique viscérale de l'approche techniciste, productiviste et sectorielle. Elle privilégie celle qui
est systémique et intégrée, embrassant plusieurs domaines. Bon nombre d'écrits témoignent de
cette grande révolution, dans une dimension théorique ou dans un certain nombre d'études de
cas concrets. Nicolas Bodart disait que :
« ... En &kt, de nombreux spécialistes, chercheurs et praticiens accepmt maintenant
comme une évidence que tout projet de développement se révèZe, à exx et nur
popuZîztiom concernées,comme un processus organique au sein duquel lesfacteurs et
composantes d'ordre économique, scientifique, social et culturel s ïnte?pénètrent.
Cene intégration impose ie recours à l'interdisciplinarité pour l'étude et Za mise en
oeuvre desprojets. N"
Guy Belloncle, quant à lui, parle d'hfktmcture sociale (un autre aspect de la
dimension sociale des systèmes d'irrigation) dans le cadre d'un projet de réhabilitation des
réseaux d'inigation. 11mentionne que l'infrastructure sociale se trouve être non seulement la
moins étudiée mais également celle qui a le plus besoin de « réhabilitation » et de semice de
maintenance. Et il entend par infr;istmcture sociale, la façon dont les associations des usagers
sont organisées et la façon dont elles fonctionnent, la participation (ou la non participation) des
paysans à la gestion des aménagements.
Par extension, cette considération de la dimension sociale va jusqu'à l'aval des projets.
Pour ne pas répéter les mêmes erreurs dans l'étude et la réalisation d'un projet, le bon réflexe
serait de structurer I'évaluation de façon à avoir un regard sur les impacts sociaux et autres
effets non intentionnels. À ce propos, Yolande Pelchat" souligne que l'absence de données sur
les répercussions sociales des stratégies de développement constitue une préoccupation de plus
en plus marquée pour les différents partenaires impliqués dans le domaine de l'aide au
développement. Pour elle,
- - - - -- -- - -
Si René Lenoir (1984)14 a cité le caractére sommaire des études sociologiques dans les
grands aménagements, trois ans plus tard, P. Bukmads, ministre néerlandais de la
Coopération, semble le confirmer en décrivant le point de vue des spécialistes en sciences
sociales. Il dira:
((Pour l a sciences sociales, l'une des raisons principales de cet état de chose réside
dans l'inadéquation fréquente de l 'ussistance technique aux systèmes de production
appliqub par la population rurale africaine. C'est que nom ne sommes par
su@îsamment conscients du fait pue les techniques dans le domaine de l'im'@on, de
la sflviculture, de l'élevage. de la péche ou de la santé par exemple, n'ont pus
uniquement une dimension technique, mais qu'elles procèdent surtout d'un processus
historique de développement qui s'est déroulé dans un contexte socioculturel donné et
qui véhicule par conréquent les caractères spéczjiques dicne société et ne saurait donc
être transposé tel dans un autre contexte social. »
En général, tous laissent entendre que les échecs des projets de développement agricole
quelle que soit la taille, s'expliquent par la non prise en compte de l'environnement social des
bénéficiaires et de leur milieu.
Actuellement, force est de constater encore que les échecs se multiplient davantage. Et
les écrits ne cessent de mentionner que c'est une erreur fondamentale de ne pas tenir compte
des variables sociales autant que des aspect techniques. L'hypothèse de Desjeux (1985)
--- -- - - - -- - -
René LenoicLe Tiers Monde peut se noumr. Les communautés de buse. acteurs de développement, Club de
Rome,FAYARD, 1984.
" P.Bukrnan in Geert Diemer et Ellen Van der Laan, L 'imgation au Sahel, Karthala, Paris, 1987 : 8
l6 Jean-Marc 81%L Afrque des vihges. Karthala, Paris, 1982: 2 19.
concernant l'irrigation est encore valable lorsqu'il disait que les problèmes liés à l'irrigation
restent, et resteront, beaucoup plus des problèmes d'ordre sociai, économique et politique que
d'ordre technique".
" Dominique Desjeux, L 'eau. Quels enjeux pour les sociétb rurales, 1 'Hamattan, 1985.
2.2.2. La gestion lourde et les confixsions institutionnelles
Quelques décennies après leur indépendance, les États africains marquent toujours leur
présence dans la filière hydro-agricole, subventionnant presque toutes les opérations et
activités prévues dans les programmes et projets d'irrigation. Cet interventionnisme s'est
révélé très coûteux pour l'État et s'est soldé par un déséquilibre de la balance des paiements.
Soucieux d'un rétablissement de l'équilibre entre les entrées et les sorties de devises, et sous
l'instigation des bailleurs de fonds, les dirigeants afÎicains se jettent dans le Programme
d'Ajustement Structurel (PAS) dans les années 80. Une mesure économique jugée adéquate
pour le redressement. Sous la pression de la BM et du FMI, l'État doit adopter des restrictions
budgétaires, se soustraire d'activités et d'opérations, auparavant subventionnées abandonne
certains de ses rôles et fonctions. Selon le principe du PAS, le désengagement de l'État, dans
le domaine de la production agricole, doit s'opérer en parallèle avec le transfert de
responsabilité aux populations; transfert de gestion des périmètres et prise en charge de la
maintenance par les usagers. Ça n'a cependant pas marché comme prévu, du moins dans la
sphère de la politique d'irrigation. Opéré d'une manière brusque, le DE s'est heurté à
l'imperméabilité du milieu où il va s'appliquer. Les conditions d'accueil ne sont pas encore
réunies. Habitués aux subventions et à l'encadrement gratuit, les paysans ont de la difficulté à
se libérer de la mentalité d'assistés. Insuffisamment équipés, vivant dans des conditions
difficiles de pauvreté, ils ne sont pas aptes à endosser une telle responsabiIité. D'autant plus
qu'ils perçoivent le désengagement de l'État comme une fuite de responsabilités et de devoirs
de la part de celui-ci, une démission quant à sa mission de gestion du bien-être de la
population. Cette remarque est aussi valable en ce qui concerne les agents de développement
habitués aux anciennes méthodologies. Bref, l'échec du DE est aussi l'échec des politiques en
matière d'inigation.
Outre l'absence des politiques en matière de réfoxme agraire dans la plupart des pays
d'Afrique et la confkontation entre le droit coutumier (traditionnel) et droit moderne, les modes
de faire valoir indirects se présentent aussi comme une contrainte majeure à l'irrigation.
Concernant justement les droits fonciers, Françoise Conac (1978)" fait état du fait que certains
régimes fonciers trop archai'ques (relevant d'une gestion communautaire de l'espace) ou trop
individualisés peuvent freiner ou favoriser le développement de I'irrigation.
'' Françoise Conac, Imguzion et déveZoppement agricole :2 'exemple des pays méditerranéeni et danubiens,
SEDES :C.D.U.,Paris, 1978
le David Sheridan, L 'irrigation. Promesses et dangers. L 'eau contre h faim, I'Hamiattan, Paris, 1985: 123
- 124
créanciers tandis que les ~~Zchc~nceux
en uval dm-ennent des débitans et des
métayers ».
Selon Myrdal (1976)~'un tel système (système de mode de faire valoir indirect)) est un
obstacle pratiquement insurmontable barrant la voie à la participation vigoureuse des masses
rurales au développement. Ii n'est pas une insulte à la justice sociale. Pratiques illégales pour
l'État, façons paysannes de s'entraider pour tes propriétaires fonciers, moyens de survivre,
malgré eux, pour les paysans démunis, le métayage et le fermage constituent des fieins au bon
fonctionnement d'un périmètre aménagé et irrigué, et à la mise en oeuvre des politiques de
développement agricole en Mque.
Si, en Méditerranée, l'irrigation est vieille comme le temps, en f i q u e , par contre, elle
n'est encore qu'en phase de recherche, voire en période de tâtonnement pour élaborer des
politiques adaptées aux conditions &callies de développement. Effectivement, les trois ou
quatre décennies d'indépendances ne lui sont pas suffisantes pour déterminer des politiques de
développement indépendantes. Les modèles appliqués jusqu'à maintenant restent occidentaux,
d'où le problème d'intégration et d'adaptation aux conditions locales. Le cas de la vallée du
fleuve Sénégal reflète bien la maladresse et la précarité des modèles choisis. Des grands
aménagements aux périmètres hydrauliques villageois, en passant rapidement par ce que l'on
appelle périmètres intermédiaires (périmètres de taille moyenne), les résultats sont rarement
positifs. Chaque modèle appliqué n'a pas tellement généré les changements espérés. Il ressort
des évaluations des bailleurs de fonds la décision de réhabiliter les anciens grands
aménagements, une politique de récupération qui doit être accompagnée d'un retrait de l'État
et d'un processus de responsabilisastion des producteurs et des associations de producteurs. Ce
retour en arrière, dans la situation actuelle, n'arrange pas la majorité des masses rurales. La
famine persiste. et l'insuffisance des productions céréalières se trouve aggravée par la
" Gunnar Myrdai, Le drame de Z 'Asie:Une enquête sur la pauvreté des nations, traduit par l'anglais Michel
Janin Du Seuil, Park VI, 1976.
démographie galopante. Ne serait41 pas nécessaire d'adopter des politiques intégrant les divers
aspects liés à l'irrigation ?
" Jean-Marc Éla, L 'Afrique des villages, Karthala, Paris, 1982: 221
22.8. Absence d'une rdeiie participation des populations dans les démarches
d'un projet
On ne peut pas dire que les populations ne sont pas impliquées dans le projet. Sauf que
cette implication se limite à une simple consultation lors des enquêtes de collecte de données,
d'une part, et à la participation aux travaux d'entretiens des réseaux hydro-agricoles d'autre
part. Ces derniers ne figurent dans aucune étape d'un projet. Les expériences ficaines
montrent que les paysans n'ont pas de pouvoir de décision sur les projets de développement à
implanter chez eux et dont ils seront les acteurs principaux et fiiturs bénéficiaires ou les
supposés gestionnaires dans le £hr,selon le principe du PAS. Une participation effective et
totale des populations aux différentes phases du projet de développement d'irrigation s'avère
un leitmotiv pour réussir le transfert de gestion et de prise en main du développement par la
population elle même. Dans ce cas, elle favoriserait le passage du désengagement de l'État
vers une responsabilisation paysanne.
= Guy, BeLioncle, Participation paysanne et aménagement hydro-agricole :les leçons de cinq expériences
aficaines, Karthala., Paris, 198%
a in René, Dumont, L '@+que est mal pawe, Seuii, Paris, c 1962, 1973.
Quels que soient les objectifs et l'importance des investissements, leur réalisation et
leur valorisation ne peuvent se passer de la parîicipation des populations à tous Ies niveaux du
processus de décision, avec la prise en compte de leurs objectifS et de leurs réalités.
Cette préoccupation des bailleurs de fonds en faveur de I'imgation s'explique par leur
présence dans d'innombrables projets et par leurs importantes contributions dans la réduction
de I'écart entre le taux de croissance démographique et l'augmentation de la production
alimentaire. À cet égard, les projets financés couvrent un très large éventail d'activités et se
présentent sous forme d'appui matériel, d'assistance technique ou encore d'appui à
l'organisation institutionnelle du projet. Ils peuvent comporter différents éléments touchant de
près ou de loin l'irrigation.
Parler de financement, c'est aussi se référer à la durée de la période couverte qui varie
selon le type de projet concerné. Dans ce cas' une planification des activités ou du projet lui-
même s'impose. Normalement, chaque phase de projet doit correspondre à chaque phase de
financement et détemüne les objectifs spécifiques de chaque étape. D'où également l'existence
de phases d'évaluation partant des études préalables à la post-évaluation en passant par
l'évaluation à mi-parcours. Chaque phase d'évaluation peut être une occasion propice pour la
naissance d'un projet à objet de financement extérieur.
Taylor affirmait que la seule leçon que nous retenons est la façon de r6péter nos
erreurs. C'est aussi le cas pour l'h~igation.~' Ce constat provocateur sous forme
d'avertissement n'a pu provoquer de changements palpables sur les façons dont les méthodes
d'approche du monde rural s'appliquent sur le terrain. En matière d'inigation, effectivement,
le g m d nombre de recommandations contenues dans de nombreux rapports ne sont pas prises
en considération, ou encore sont appliquées superficiellement ou sont même appliquks à
l'envers car mal comprises. Cette pérennité de la situation arnène un haut responsable de la
Banque mondiale à soupirer que ccta<t semble conz'recarrer le déveZoppement de Zïmgation».
Ce qu'il faut cependant se demander, c'est A quel niveau du processus du développement du
projet se situent vraiment les blocages. Malgré tout, les aides au développement continuent à
se manifester comme le meilleur moyen pour les PVD de résoudre les problèmes
d'insuffisance alimentaire. Les investissements , surtout financiers, s'intensifient de plus en
plus sans qu'on semble se rendre compte des insunisances et des échecs tépétés des projets de
développement.
Dresser un bilan sommaire des aides aux projets d'irrigation conduit à se questionner
sur les difficultés auxquelles elles se sont heurtées d'une part, et sur la nécessité que
représentent les aides extérieures pour le développement de l'irrigation, du développement
agricole ou du développement rural des pays demandeurs d'autre part. Autrement dit, investir
dans l'irrigation est-il un problème ou un facteur de progrès pour le développement agricole ?
De prime abord, les aides à l'irrigation pourraient être une panacée pour le
développement agricole si on ne regardait que le gigantisme des projets, les sommes
monumentales d'argent investies et la complexité des systèmes d'irrigation et des
idrastnictures physiques ainsi que les modes de gestions instaurés. Tout semble témoigner
d'un développement bien amorcé aux yeux des planificateurs nationaux et des organismes de
financements ou des pays aidant. Or les réalités paysannes et les constats faits jusqu'ici
montrent le contraire. Différentes raisons peuvent être à l'origine de cette situation paradoxale.
À caractère endogène et exogène à la fois, ces éléments explicatifs interferent. Un bon nombre
de problèmes et de contraintes à l'inigation ont été déjà analysés; de ce fait, le prksent bilan se
limitera à identifier ceux ayant spécifiquement des liens directs avec les aides et les prêts
foumis par les organismes de financements étrangers dans le domaine de l'irrigation des pays
en voie de développement.
24. 1. D.Carnithers, « Investir dans l'irrigation : problème palliatif ou panade pour Ie développementagricole n,
2.32.I. Aides extérieures et pouvoir de décision des paysans
Les BF disent toujours qu'accorder une aide financière à un pays en crise, c'est l'aider
à sortir de la spirale de l'aide et de la dépendance. Si cela est vrai dans un certains sens et dans
des cas isolés, c'est douteux de le croire dans le cas des projets d'irrigation où une grosse
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partie du prêt octroyé retourne dans les caisses des organismes et des pays donateurs. Outre
l'application d'un taux d'intérêt exorbitant qui gonfle la somme d'argent à rembourser, les
salaires des expatriés (assistants et coordinateurs techniques du projet), généralement payés en
devises étrangères accaparent une proportion importante du p s t accordé. A la fin du projet, le
pays aidé n'hérite que des carcasses de matériels roulants et autres équipements usés et intrâ~ts
agricoles, tous achetés à des firmes multinationales recommandées à l'avance par les
organismes de financement ou les pays aidants. Il ne reste presque rien pour les dits
bénéficiaires (paysans) alors que les aides et les projets n'existent pas sans e u . Ce n'est
qu'une petite couche d'administrateurs nationaux du projet et des techniciens de terrain qui
profitent de la situation en recevant un salaire et diverses indemnités deux ou trois fois plus
élevés que ceux touchés par un simple fonctionnaire. Par ailleurs, on oblige les paysans à
payer ou à contribuer au remboursement de l'argent investi en leur faisant payer des
redevances. Et cela, pour un projet conçu et élaboré à leur insu, sans leur participation.
Finalement, a l'aide a été donnée d'une manière directe par la main droite, mais retirée
indirectement par la main gauche, par les pays donateurs ».
Ainsi, on en conclut que non seulement les aides aux projets d'irrigation ne sont pas
efficaces pour le développement agricole, encore moins pour la promotion des sociétés nuales
concernées, mais entrainent aussi les paysans et le pays tout entier dans un endettement
continu.
En outre, les délais exigés par les méthodes et démarches imposées par les organismes
de financements sont trop longs. Les études préalables à la réalisation (diagnostic initial,
avant-projet sommaire, avant-projet détaillé, appel d'oEe, ...) demandent pour la majorité des
cas plusieurs années, ce qui dépasse en général le calendrier initial. Le coût du projet g o d e de
plus en plus et il s'ensuit une réduction considérable de sa capacité financière pour réaliser les
activités prévues. Une double conséquence en découle :
. d'une part, le phénomène entraine une augmentation des redevances à payer par les
paysans,
.d'autre part, il réduit la crédibilité du projet ou plus exactement des techniciens et
ingénieurs de terrain qui se trouvent dans l'obligation de faire des promesses aux paysans dans
des conditions d'incertitudes. En plus, ces derniers n'ont pas la maltrise d'un certains nombre
de paramètres d o n qu'ils sont en contact permanent avec les populations.
En conséquence, les paysans, déçus, ont perdu la confiance au projet et se
désintéressent des activités à entreprendre. En dernière analyse, ces manques de ponctualité
par rapport aux délais prévus s'expliquent par une mauvaise préparation du projet et aussi par
l'incapacité de gestion des nationaux.
Il y a lieu de noter que les bailleurs de fonds et les fabricants de projets font parfois
abstraction des politiques économiques intérieures du pays demandeur d'aide, politiques qui
pourraient avoir des influences notables sur le bon fonctionnement du projet et ses
financements. Nous faisons allusion ici a u politiques de prix, de distribution et de
commercialisation des produits agricoles. Elles demandent à être prises en compte par les
institutions de prêt et par les autorités publiques, sinon elles risqueraient de briser la relation de
confiance entre les populations et les administrateurs du projet. Des conséquences sur
l'enthousiasme des paysans vont se produire. A cause de ces situations défavorables, on peut
se reposer la question, à savoir si les aides et les financements extérieurs constituent une
nécessité pour le développement de l'irrigation et le développement agricole des pays en voie
de développement ? Avec le peu de connaissance générale que nous avons sur les aides au
développement, nous ne sommes pas en mesure de fournir de réponses. Ces pistes de réflexion
nécessitent des études plus approfondies.
En guise de conclusion, nous pouvons dire quand même que malgré les perceptions
négatives et les hypothèses pessimistes soulevées ci-haut, il s'avère difficile pour les PVD de
se débarrasser complètement des aides financières et des appuis extérieurs. Pour les rendre
bénéfiques pour les populations concernées et pour le pays tout entier, une révision des
systèmes du fonctionnement des crédits s'impose. Ensuite, des approches consensuelles sont à
définir avec les populations bénéficiaires, tout en tenant compte, des réalités socio-
économiques et socioculturelles et politiques du pays et des milieux ruraux qui accueillent les
projets.
CHAPITRE III:
Dire avec certitude que la riziculture malgache est d'origine asiatique pourrait être une
affirmation gratuite. Pourtant, dire également qu'elle est de source indienne en se basant sur
quelques traits caractéristiques serait moins convainquant. Se baser uniquement sur l'un ou
l'autre risquerait de dénaturer l'histoire de la civilisation du riz.
De nombreux ouvrages afknent que la riziculture malgache est une pratique apportée
par les malaysiens, premiers occupants de l'île ou plus précisement des Hautes terres centrales
de Madagascar. L'importance de cette activité agricole elle-même suggère à eue seule une
origine asiatique si on se réfère au piétinage à boeufs1des rizières qui se pratique également en
divers points de l'Asie rizicole. D'ailleurs, le mot a t a ~ y ,rappelle
)~ un vocabulaire indonésien.
D'autres arguments non agricoles semblent confirmer cette origine sud-asiatique. Par exemple,
' Opération cdturale qui consiste à mettre en boue la rizière par Iw boeufs avant le semis ou le repiquage du riz
* Type de rizicuIture qui se pratique sur Ia fiange orientale de Madagascar. C'est une culture sur brûlis qui
consiste à couper les arbres, puis brûler les herbes avant de semer le riz par pôquet.
les Malgaches du centre ont des idiomes indonésiens; ils ont un physique et un visage de type
indonésien; institutionnelle men^ les royautés malgaches ne sont pas tout B fait loin de ceiles
des khmers et la pirogue à balancier des rives malgaches est d'origine asiatique.
Pourtant, Paul Ottino (1975) a constaté sur le plan linguistique que les vocabulaires
malgaches concernant la riziculture se rattachent à des langues dravidiennes parlées en Inde du
sud. Dans le même ordre d'idée, Gourou (1984) fait remarquer que le a Vary 'N est proche d'un
mot qui désigne le riz dans l'Inde méridionales; et les caractères génétiques des riz malgaches
sont voisins des riz indiens. De ce faits, Gourou finit par se demander si l'origine de la
riziculture malgache serait l'Inde (ou Ceylan) et non pas I'Indonésie. Quoiqu'il en soit, il
débouche sur une déduction que les origines de la riziculture malgache sont (provisoirement)
énigmatiques.
Notons à titre d'informations que les Malgaches sont de source asiatique dans le centre
et le nord-est de l'île, indienne dans le sud et le sud-ouest, bantou daAfiiquedans l'ouest et le
nord-ouest et d'origine arabe sur les côtes est et sud-est. Mais ces faits ne constituent pas un
obstacle à l'identification d'une diversité de types de Niculture pratiquée à Madagascar.
Deux modes de riziculture sont à distinguer dans les campagnes malgaches: le système
à sec et la riziculture humide. Dans le premier cas, soulignons l'existence de
- l'essartages: pratique de riziculture nu bnllis où l'on sème le <aizsec des
montagnes». Il est caractérisé par une association culturale et se fait sur les collines des côtes
orientales de l'île.
- la riziculture sur champ permanent et sec comme en culture de blé en Europe.
Celle-ci est très rare à Madagascar.
.
La riziculture humide, quant à eue, est omniprésente dans 1Yle et se divise en quatre
formes selon l'identification faite par Y. ~ b é ~ :
Pratique ancestrale, bien intégrée dans les moeurs des riziculteurs de montagnes. L'augmentation de la
population et l'insuffiance alimentaire entraînent ces derniers à écourter la période de jachère ( temps de repos
des ternes pour sa régénération), en s'adonnant à une déforestation excessive. Et l'interdiction de la pratique de
I'essartage a été décrétée au moment où Ies impacts néfàstes sur l'environnement s'annonçaient graves.
Y . Abé, le riz et la Niculture à Madagascar :une étude sur le complexe rizicole d 'Immna, CNRS, Paris, 1984.
Parmi les modes et les formes de riziculture énumér6s ci-dessus, la culture inondée et
irriguée vient en première position du point de vue du rendement et du taux de pratique, suivie
de la riziculture pluviale.
Sur les Hauts plateaux malgaches, trois saisons de cultures sont à distinguer en
riziculture irriguée. Elles se font sur des terrains différents en fonction de la topographie, de
l'accès à l'irrigation et suivant les priorités et stratégies des paysans. Elles peuvent donc se
chevaucher au cours d'une année malgré leur nom de riz de première saikon ou le wary
alohm' en malgache, riz de deuxi2me saikon ou wary vakiambiatp' et de riz de saison
intermédiaire ou a vary sia n9.
L'aménagement des rizières sur les Haute terres de l'ne constitue un point de départ
pour la maîtrise de l'eau en riziculture irriguée à Madagascar. D'après l'histoire des rois, la
toute première tentative de maîtrise de l'eau a pris naissance à l'époque de la royautk, sous le
règne d'Andnanjaka, vers le XVIè siècle. Andriantsitakatrandriana qui régna à Antananarivo a
fait aménager la grande plaine marécageuse de Betsimitatatra, qui devenait plus tard un grenier
a riz de 1'Imerina centrale. Les travaux de drainage s'avéraient primordiaux pour évacuer le
surplus d'eau dans la plaine. Il y eut une disette d'une durée de 7 ans et~~ndriarnasinavalona
'Semé en avril-mai, le Vary aloha se rCcolte en janvier-février. à un rendement moyen de 2 à 2,5 tomesha.
le Vary vakiambiaty est la principale saison de riz sur les Hauts plateaux. Cultivé de septembre à avril, il a un
cycle moyen de 8 mois et un rendement moyen très élevC de 3 tonnedha.
Le vary sia est une saison intermédiaire la moins pratiquk; s r n i e en juillet-août pour être récolté en mars.
(1630-1730) n'eut pas de riz''. Et c'est ainsi que fiit donné l'ordre de construire une très
longue digue qui contribua à la délimitation géographique de la plaine de Betsimitatatra La
disette persista et vers 1800, le roi unificateur de l'Imerina, en l'occurrence
Andianampoinimerina, continue l'oeuvre de ses prédécesseurs &ydrauliciens» en développant
la construction des diguettes. Non seulement il fait construire des digues, mais il réglemente
aussi sa maintenance et ses entretiens ainsi que le partage des eaux.
Les efforts de maîtrise d'eau et d'aménagement des rizières, dès leurs origines jusqu'au
X W è siècle, détermine la civilisation du riz à Madagascar. Les techniques d'irrigation
gagnaient du terrain et se propageaient vite sur tous les Hauts plateaux de l'île. Sur les Hauts
plateaux sud par exemple, elles se pratiquent aussi bien sur les collines et flancs de collines
que dans des plaines marécageuses. Dans le premier cas, elles se font sur des rizières en
terrasses, dispositifs permettant une bonne maîtrise de l'eau des montagnes par le simple
système d'entrée et de sortie de l'eau suivant les besoins. Ce système simple et traditionnel est
plus ou moins l'équivalent des mécanismes d'irrigation et de drainage dans les réseaux hydro-
agricoles modernes. Notons que les rizières en terrasses relèvent des pratiques d'aménagement
de longue date de l'ethnie Betsileo.
'O François Cailet, Ratimba Emmanuel,Histoires des Rois, Académie malgache, Tananarive, 1953 T.1: 553.
" C'est la mer qui constitue Ies digues de mes rizières
l2 François Callet, Ratsimba Emmanuel, Histoire des Rois, Académie malgache, 1958, T . N :499
Tandis que dans le deuxième cas, les riziculteurs démontrent leur niveau de maîtrise de
l'eau par la création des barrages m terre dont l'objectif est de dévier l'eau d'une petite rivière.
Dans ce système, le tour d'eau se fait automatiquement et passe d'une parcelle à une autre par
I'intermédiaire des rigoles et des petites ouvertures qu'on peut boucher en fonction des
besoins. Il est nkcessaire de fairt remarquer qu'aucun problème de gestion de l'eau ne se
posait à cette époque. Les problèmes relatifs à l'eau et à sa gestion se règlent facilement à
l'amiable dans la communauté.
La période coloniale est marquée par l'aménagement des plaines irrigables avec la
création de barrages de retenu sur rivière. À cette époque, les pouvoirs coloniaux créaient des
périmètres imgués de différentes tailles: grande, moyenne et micro. Ainsi, on peut se référer
aux tout premiers grands aménagements hydro-agricoles; en l'occurrence le périmètre du Lac
Alaotra (21 000 ha), réalisé en 1923,celui du Marovoay et celui de la Samangoky.
Étant donnée cette situation, l'État s'intéressa aux micro-réalisations et créa les Petits
Périmètres Irrigués (PPI) dans les années 60/70.Ceux-ci se dégradaient rapidement et il y eut
une chute de la production au niveau national. Entre temps, l'État continuait B réhabiliter les
grands p6rimètres; ce n'est qu'en 1984 que les PPI ont pu bénéficier d'un projet d'envergure
nationale se chargeant plus particulièrement de la réhabilitation des réseaux hydro-agricoles et
de la structuration paysanne. Dans la cadre des politiques agricoles, le Projet PPI est appelé à
réduire I'importation du riz en augmentant la production locale afin d'amener le pays au seuil
de I'autosuffisance alimentaire.
II existe différentes sortes de périmètres irrigués dans le secteur rizicole malgache. Ils
se définissent seIon :
Ce sont des périmètres de petites tailles moind de 10 ha, aménagés.et mis en valeur par
une seule famille ou par un groupement familial. Ils sont faits manuellement et
traditionnellement à l'aide des matériaux locaux (bois, teme, moellons, ...) et mobilisent la
main-d'oeuvre du milieu. Selon les données du MINAGRI, les 300 000 ha de PF recensés
représentent plus du quart de toutes les surfaces irriguées du pays.
Ils sont éparpillés un peu partout dans l'lie et la plupart se trouvent dans les étroites
vallées et sur les flancs de collines des Hauts plateaux, aménagés en terrasses et nivelés, et
dans les bas-fonds de la côte est et de la côte oue* le système de maîtrise de l'eau y est plus
nidimentaires. Les PF sont aussi caractérisés par leur très faible exigence en investissements
financiers et en système d'organisation des entretiens. En outre, ils sont souvent situés dans les
régions difficilement accessibIes. Compte tenu de ces caractéristiques, les PF ne bénéficient
pas du soutien des pouvoirs publics ni dans leur aménagement ni dans leur entretien.
Le deuxième type de périmètre irrigué est de taille variant entre 10 ha et 250 h a Dans
l'ensemble de l'île, il existe environ 500 000 ha de MP qui représentent environ 40 % des
terres irriguées. La mise en valeur est réalisée par un certain nombre de familles regroupées
dans une petite association. Les travaux de maintenance et d'entretien se partagent entre les
familles. Étant de très simples structures d'irrigation, la construction des MP relève des
initiatives paysannes, à l'exception de certains autres qui sont de plus grandes tailles, recevant
le soutien de l'État. Pour ces derniers, le secteur public fournit son assistance dans la
construction et la réparation des barrages et des infi.aStnictures hydrauliques. Malgré cela, les
techniques culturales sont toutefois de type traditionnel.
Ce sont des périmètres irrigués d'une superficie allant de 250 à 2 500 h a D'une
superficie totale d'environ 200 000 ha, la plupart des PPI ont été construits entre 1945 et 1970
avec un grand soutien financier de l'État et des aides extérieures. De ce fait, ce type de
périmètre est équipé de grandes infrastructures d'irrigation et de maîtrise d'eau relativement
importantes. L'importance des investissements publics dans les PPI nécessite que l'État prenne
en charge les travaux d'entretien et de maintenance des réseaux.
Un projet national a été mis sur pied en 1985, ayant pour mission de réhabiliter 7 700
ha de PPI pour lesquels la remise en état semble
Ayant une superficie supérieure à 2 500 ha, les GPI occupent 10 % du total des
superficies imguées du pays. Les grands périmètres irrigués existant a Madagascar possèdent
des systèmes d'irrigation très développés. La maîtrise de l'eau et la gestion des GPI sont très
onéreuses à cause de leurs grandes dimensions. Par conskquent, I'administration et la gestion
globale sont confiées à des organismes parapubiics, sous tutelle du MINAGRI. Au nombre de
six, les GPI concernent cinq provinces de l'île et fonctionnent sous la direction de différents
organismes de gestiod6
Selon la classification de la FAO, Madagascar figure parmi les pays qui disposent des
plus vastes superficies de cultures irriguées de toute l'&que. On y compte près d'un million
d'hectares, soit environ 82% des terres potentiellement irrigables". D'après l'estimation du
ministère de l'Agriculture, 20% du P B de Madagascar, 70% de la production agricole et 80%
du total de la production agricole proviennent du secteur irrigué".
Le riz est suivi par la canne à sucre, avec 12 500 ha de superficies irriguées sur les
37 000 ha cultivés et par le coton qui n'a seulement que 1 500 ha irrigués sur les 8 500 ha
exploités2'. D'autres cultures comme le blé, l'orge, la pomme de terre et les légumes sont
identifiées dans le secteur irrigué. Elles sont très importantes sur les Hautes terres centrales et
se pratiquent pour la plupart des cas en contre saison sur ripère.
L'imigation joue donc ainsi un rôle important dans le secteur clé de l'agriculture. Le
but de la réhabilitation des secteurs higués est de palier à l'insuffisance de la production
agricole, pour lutter contre la famine et pour réduire les importations de riz. Elle constitue une
forme manifeste et concrète qui justifie la prédominance des rôles et la place du sous-secteur
irrigation dans les politiques agricoles et nuales à Madagascar. Cette grande importance du
rôle accordé au secteur riz irrigué s'explique par l'excellente rentabilité qu'elle présente
(2,5T/ha) par rapport à la riziculture pluviale (1.5 Tha) et sa grande contribution dans la
réduction des importations de cette denrée alimentaire, ainsi que la sortie des devises. Mais la
promotion de ce secteur n'est pas un engagement facile, surtout dans le cadre des grands
aménagements hydro-agricoles comme la SOMALAC.
Il s'ensuit une grande restructuration qui touche le grand périmètre tant au niveau
institutionnel qu'au niveau technique et physique. En 1984, la bonne volonté des bailleurs de
fonds a suscité Ia réhabilitation de 20 000 hectares de rizières, une tentative de redresser la
situation.
2' Le rendement du riz passait de 3 t/ha en 1970 à 2t/ha, dix ans plus tard,
"A t t n i i r e s : les paysans à qui la Somalac a réattribué les tenes aménagées.
des redevances a toujours été un problème. Le faîble taw de recouvrement a entraîné la f a t e
de la société.
Les analyses qui vont suivre dans cette section se concentreront sur les grands
aménagements en général et sur le cas du périrnéire de la SOMALAC en particulier. Nous
entendons par difficultés, tout facteur qui, de près ou de loin, entrave le bon fonctionnement
générai du périmètre figué.
Les problèmes relatifs au foncier sont inteneliés et se présentent sous trois formes. Iis
sont issus, pour la majorité des cas de l'incompatibilité entre le droit traditionnel et le droit
moderne ainsi que de la co&ontation entre les deux. Dans le périmètre de la SOMALAC par
exemple, les terres ont été attribuées aux producteurs sans tenir compte des réalités sociales de
la région.
Par ailleurs, l'attribution de terres aménagées fait que des paysans d'ethnies différentes,
de cultures différentes, de villages différents, n'ayant pas le même mode de vie et la même
organisation sociale, partagent la maille hydraulique. Le regroupement dans une association
est difficile. Par voie de conséquence, la cohabitation s'avère un générateur de troubles sociaux
et de conflits inter ethniques.
Si les tensions sociales du premier niveau sont moins manifestes et non spontanées,
celles du deuxième sont par contre beaucoup plus vivaces et pexmanentes. Explicitement, les
confiits entre attributairesU et société ne sont pas manifestes mais se lisent dans la faible
participation des populations aux différents travaux d'entretien, dans le faible taux de
recouvrement des redevances, et plus loin dans la résistance aux techniques d'intensification
Attributaire désigne la personne qui met en valeur la portion de terre aménagée et distriMe par la
SOMALAC.
rizicole proposées par la société d'encadrement. Tandis que les conflits q u e l s les
attributaires se livrent entre eux, sont plus vivants, plus concrets et permanents. Dues à la
répartition inégale de l'eau, les pratiques illicites sont inévitables, à savoir les vols d'eau, le
non respect des tours d'eau, les pratiques de brèches, le dimensiornement volontaire des
prises, l'ouverture non autorisée des vannes, etc. Par conséquent, le gardiennage individuel
pendant la nuit de ses propres prises s'impose. Or, ce qui est cocasse dans cette histoire et que
semble ignorer la SOMALAC, c'est que les paysans finissent par s'entre-tuer à coup de fusil, à
coup de hache, de sagaie ou de couteau en cas de voh d'eau ou de manoeuvres illicites
touchant l'intérêt de l'un ou de l'autre.
Pour l'ensemble des pays africains tropicaux, la décennie 80 fut une période de crise
qui détermine des situations incontrôlables et des effets considérables sur les sociétés d e s .
Malgré la coïncidence dans le temps du cas aüîcain et de celui de Madagascar, il est admis que
la crise des années 80 a entraîné la paysannerie malgache toute entière dans une paupérisation
efEénée. D'ailleurs, elle ne se présente pas de la même façon que celle vécue par l7Niïque. La
crise des années 80 à Madagascar est spécifique dans le sens où elle n'a aucune similarité avec
la situation des grandes sécheresses répétitives du Sahel, ni de près ou de loin, avec le cas du
Cameroun et de la Côte-d'Ivoire, deux pays victimes de l'effondrement des cours sur le
marché international des produits d'exportation comme le café ou le cacao. Elle est purement
et simplement causée par deux conditions distinctes, à savoir la démographie galopante non
maîtrisée et l'étatisation à outrance de la production agricole dont les lourds effets sont
beaucoup plus sentis dans le secteur rizicole et dans les conditions de vie des paysans en
général.
Au cours des sept premières décennies du XXè siècle, la production rizicole a cornu
une évolution positive en dépit de certaines difficultés. Effectivement, Française Le Bourdiec
(1974) nous fait remarquer que, dès 1905 déjà, le pays produisait 400 000 tonnes de riz. En
1950, ce volume avait doublé; et dix ans plus tard, il avait tripl8. Depuis ce temps, la
production rizicole s'est stabilisée aux environs de 2, 1 millions de tonnes, sauf au cours de la
campagne 1988/1989où elle a atteint 2,3 millions de tonnes*.
Ces mesures restrictives du budget de l'État ne se réalisent pas sans avoir de lourdes
conséquences sur le développement agricole et niral à savoir:
Dès 1982 déjà, une importation de 300 000 tomes de riz blanc a été réalisée dont la
valeur dépasse les 10 milliards de fiancs malgaches, soit 20 % de l'ensemble des produits
importés au cours de cette année. Et cela, malgré la réduction de la consommation journalière
de riz, ramenée à 200 gltête. Si d'habitude les Malgaches consomment le riz trois fois au cours
d'une joumée, actuellement ils n'en prennent que deux fois par jour. Ce changement au niveau
des habitudes ahentaires s'accompagne de la prise de produits de substitution (maïs, manioc,
patate douce, taros, etc.) et entraîne même des modifications dans les modes de cuisson.
Les analyses faites par l'État (et probablement de concert avec les institutions
financières internationales) autour de la crise l'amène à déduire que multiples sont les causes
de la situation mais que le principal responsable est la dégradation rapide, flagrante et
généralisée des réseaux d'irrigation des périmètres hydro-agricoles. À la faveur de cette
concIusion, il décrète la réhabilitation des périmètres Ungués et toutes les infrastructures
hydro-agricoles susceptibles de faire augmenter rapidement et efficacement la production
rizicole. Ce qui a conduit l'État à cibler tous les périmètres rizicoles en mettant l'accent sur les
Petits Périmètres Inigués (PPI). C'est ainsi qu'est né le Projet National de Réhabilitation des
Petits Périmètres Irrigués en 1985, abrégé en Projet PPI. Mais, qu'en e s t 4 exactement du
projet dit PPI ?
Étant une structure institutionnelle officiellement reconnue par les lois en vigueur, le
projet national PPI s'inscrit dans le cadre d'une planincation nationale de développement
économique et doit se conformer à certaines obligations dont la plus importante est la mise en
oeuvre des politiques de développement agricole dans le respect de la philosophie des
En outre, il doit être guidé par le slogan politique
stratégies globales du développement d.
de la production à outrance exprime littédement par les paroles du Président à l'époque :
« Produire, produire encore, produire toujours, produire davantage P. Il a le ministère de la
Production agricole et des Réformes agraires (IWARA) comme institution de tutelle.
Pour cela, le projet PPI promet à l'État et à la population d'être une structure capable
de :
arrêter la dégradation rapide des réseaux par des actions de sauvegarde des
infrastructures de buse essentielles (i leur fonctionnement
améliorer la situation par des actions visant une meilleure gestion de l'eau et
permettant une véritable mise en v a h r agricole ;
assurer ia pérennité des ouvrages par k responsabilisation des paysans et par un
système de gestion approprié.
De ces deux types d'objectifs découlent les finalités attendues du projet PPI. Pour aller
i l'avant dans ses entreprises, le projet compte miser sur des atouts divers dans le domaine
technique, matériel, intellectuel, organisationnel, de gestion et surtout dans le domaine
financier. Dans n'importe quelle situation, il doit garder en face les imbitions nationales
telles :
I'autosufFsance alimentaire qui doit commencer par f'autosu~anceen et la
récupération d'un surplus erportabCe ;
.C'éZévutZon du niveau de vie des plrysans ;
l'amélioration des condilfonsde vie despopuCations ruruies.
Adopter le projet revient à reconnaître le bien fondé de ses objectifs, de ses buts et de
ses finalités. Cela revient également à avoir confiance à l'efficacité et à l'adéquation des
procédures administratives et techniques ainsi qu'à l'adaptabilité des méthodologies et
stratégies d'approche dans les conditions du milieu dans lesquelles le projet va opérer. Tenant
compte de ces éléments contextuels et environnementaux du projet, l'administration2', étant
probablement de concert avec les BF susceptibles de financer les études et la réalisation du
projet, se propose de mixer les méthodes classiques et les méthodes participatives. Le
couplage des deux types d'approches se fait de la manière suivante: les méthodes classiques
sont utilisées comme ossature et la méthode participative devient un outil d'animation et de
sensibilisation pour la dynamique du projet. Toutefois, dans la pratique, il s'avère difficile de
faire la différence et de donner une autonomie parfaite à l'une ou l'autre. Elles se trouvent,
finalement, complémentaires et interdépendantes. Elles s'imbriquent parfaitement.
Néanmoins, la prédominance de l'une par rapport à l'autre, et vice versa, dépend des
caractéristiques des phases, des étapes et des opérations à réaliser.
" Administration désigne l'organe institutionnelle de gestion du projet. Elle existe à deux niveaux: la
coordination nationale et la coordination régionale
3.6.2. Les grandes phases du projet
Comme suite logique, le projet PPI doit passer à la responsabilisation des paysans. Le
transfert de gérance doit être entamé au corn du PPI - II, du moins pour le premier lot des PPI
tests afin que l'État puisse se désengager progressivement comme cela est d é f i dans la
méthodologie.
Concernant plus particulièrement le périmètre Fitakimerina, il est à cheval sur PPI 1 et-
PPI - II. Les études ont commencé en 1988, alors que le PPI-1 n'a pas encore bouclé son cycle.
11 est à noter au passage que I'appel d'offre pour les travaux de réhabilitation n'est pas encore
lancé, en considérant le fait que les travaux d'urgence ne sont que des travaux ponctuels. Ils
n'ont rien à avoir avec le scénario 2, retenu pour la remise en état du périmètre.
Quel que soit l'état d'avancement du projet au niveau de chaque périmètre, les
démarches méthodologiques et les procédures à appliquer restent les mêmes et doivent se
baser sur une philosophie commune. Elles s'effectuent en respectant les différentes étapes ou
les sous phases, allant des études jusqutà la réalisation des travaux physiques proprement dits.
L'officialisation de I'association des usagers de l'eau et la réception définitive des travaux finis,
bouclent les grandes interventions du projet.
3.6.3. Les différentes phases du projet
La phase de reconnaissance est une étape préalable aux différentes phases du projet.
Elle se constitue en un inventaire des pirimètres irrigués susceptibles d'être réhabilités, en une
caractérisation ou plus exactement une catégorisation suivant la taiIIe, la vocation du périmètre
et le degré de la dégradation du périmètre des réseaux. Avec des critères sommairement
élaborés, la reconnaissance initiale doit aboutir à une présélection et à une sélection définitive
des périmètres à remettre en état. Ce genre de recensement, réalisé par une équipe de
l'administration centrale, a pu identifier environ quelques 300 petits périmètres irrigués dans
toute l'île dont 191 retenus devant f
& l'objet de la réhabilitation.
Chaque périmètre retenu doit faire l'objet d'un document individualisé. Au coun de la
première phase, le titulaire ( le ou les chargés d'études ) est tenu d'identifier et de définir les
problèmes qui se posent sur le périmètre et faire les délimitations gkographiques de ce dernier.
Dans la réalisation de cette phase, le titulaire doit se seMr des instruments de base telles les
photos aériennes à recouper avec les résultats d'une reconnaissance de terrain et des contacts
avec les paysans. Les entretiens et les dialogues à entreprendre avec les paysans du périmètre
d'étude se basent sur trois thèmes principaux, à savoir l'historique du périmètre et des réseaux,
les doléances des agriculteurs et les réalisations des actions souhaitées par eux-mêmes. La
délimitation du périmètre est aussi à négocier avec les paysans usagers.
La phase II ou la phase des études d'Avant Projet Sommaire ( APS ) concerne les
études de faisabilité technique des aménagements et celles à caractère agro-socio-économique.
Les dialogues se font avec les mêmes intervenants et les mêmes paysans que ceux de la
première phase. Cette deuxième phase se structure de façon à approfondir les problèmes
identifiés au cours de la précédente dans le domaine technique, physique et socio-
économiques. La production du dossier d'Avant-projet Sommaire (APS) boucle la deuxième
phase.
Elle doit faUe l'objet des études d'Avant Projet Détaillé ( APD ). Cette troisième phase
présente pour I'administration une occasion de montrer d'une façon plus ou moins détaillée les
scénarios de réhabilitation aux usagers du périmètre en étude. La fin de la troisième phase doit
être marquée par la mise au point d'un scénario de réhabilitation à choisir par les paysans entre
les trois que le bureau d'étude et I'administration leur présentent. Il s'agit d'un schéma de
réhabilitation qui pourrait résoudre les problèmes d'irrigation et garantir une gestion équitable
de l'eau.
La troisième phase est également une période de recueil de signatures d'au moins 75 %
de l'ensemble des paysans concernés par le périmètre d'étude. Cet engagement retrace
l'acceptation de la part de ces demien d'entretenir et de maintenir toujours en état fonctionnel
le périmètre y compris les réseaux existants. Cette collecte de signatures signifie aussi que les
paysans acceptent de prendre en charge certains travaux et de payer des redevances. À
l'obtention de ce taux de 75 % sur au moins 65 % des surfaces, l'administration se lance dans
la constitution du dossier d'Appel d'OBe (DAO) des travaux aux entreprises. En plus, cette
phase débouche sur la formulation d'un cahier de charge liant les deux parties (les paysans et
1' administration).
3.6.3.5. La phase de réalisation et les réceptions officielles des travaux
Pour teminer, il est à noter que l'échéancier du projet varie selon les régions et suivant
les caractéristiques de chaque périmètre. La sensibilisation des paysans pour la création de
1'Association des Usagers de l'Eau (AUE) se fait progressivement au cours des dinérentes
phases du projet en fonction du degré de maturité des paysans.
Tab. 3 Diférentes étapes importantes du projet PPI
OBSERVATIONS
. Réalisations à Fitakirnerina
Première phase De juin à septembre 1988 Rapport d'orientation
Deuxième phase 1988 - 1990 APS
Troisième phase 1990- -1993 APD - DAO
et montage Cahier de charge
(co*ïncidantà la suspension
des hancements extérieurs)
Formation Assemblée 1992 Officialisation de ItAUE
générale constituante
Travaux d'urgence Janvier - février 1996 Différents des scénarios de
réhabilitation élaborés
Phase de réalisations des Non réalisée à cause de la
travaux de réhabilitation suspension des financements
LA DESCRIPTION DE LA ZONE D'ACCUEIL DU PROJET ET L'IDENTIFl:CATION
DU PETIT PÉRMÈTRE IRRIGUÉ ~ A K I ~ M E R I N A
- le massif de 1'Ankaratra qui se situe au centre de la région et s'étend sur 4 000 km2 ,
propice aux cultures de contre saison,
- la formation de dépression à fond alluvial rkicultivable,
- la zone méridionale, alternée de chaines de colluies riches en ressources minières et
quartzitiques hautes de plus de 2000 m, de bas-fonds étroits et terrasses, tous propices à la
riziculture,
- la pénéplaine de l'Ouest qui est à une altitude n'excédant pas les 1 000 m, prolongée
d'un massif granitique,
- l'extrémité orientale délimitée par le grand escarpement de faille longitudinale des
Hautes terres.
Avec les caractéristiques écologiques citées plus haut, cette partie méridionale de la
province d'Antananarivo présente une palette de paysages dont l'altitude moyenne oscille entre
800 et 1700 m.
Vakinankaratra est doté d'un réseau hydrographique important. Le calcul théorique d'eau
de surface donne un rapport de 2,7 km de drains par km2. La région est donc sillonnée de
plusieurs grands fleuves et rivières, permettant la création de réseaux hydroagicoles traditionnels
et modernes. On peut citer par exemple, la Kitsamby et ses affluents, la Mahajilo qui rejoint la
Mania, se trouvant dans le versant occidental, la Manandona et 1'Andratsay au sud et sud-est.
Les feux de brousse, les besoins domestiques en bois de chauffe et les besoins industriels
ont effacé les traces des plantes typiques de la région, à l'exception de quelques réserves de
forêts naturelles sur la lisière orientale et dans les endroits isolés du Moyen ouest. La pression
démographique en est une des principales causes.
4.1 3. Origine du peuplement et aspects socio-démographiques
Le dernier recensement national informe que la région abrite plus de 947 000 habitants,
mai répartis dans cet espace géographique. Une telle situation donne une densité moyenne de
population assez élevée de 62 h a b M par rapport à celle de l'ensemble de l'île qui n'est que 17
hab/kmî. Par ailleurs, une concentration humaine se fait remarquer dans la partie orientale, avec
une densité de l'ordre de 96'27 qui peut aller jusqu'au 100 hablkm2 au fur et a mesure que l'on
avance vers la capitale régionale qui est AntsVabe. Par contre, a l'ouest (Betafo), la densité
moyenne de la population varie entre 5 et 26,56 habkmî.
Le taux de croissance démographique est de 3,6 % par an. Liée à l'inégale répartition de
la population, l'importance des infkastmctures socio-collectives et les structures d'encadrement
varient d'une région à une autre. On constate une concentration des voies de communication,
d'équipements et de blocs sanitaires, d'établissements scolaires et d'enseignement, artisanaux et
-
Sur le plan agricole, la région du Vakinankaratra est très réputée avoir une grande
diversité culturale. Un espace de 1 500 000 ha est propice à l'agriculture. On peut noter
spécialement I'irnportance de la riziculture dont la production est destinée à satisfaire un double
besoins : I'autoconsommation et la vente pour l'achat de produits de premiére nécessité. Cette
spéculation accuse un taux d'occupation spatiale de plus de 42% des terrains cultivés. Le reste
(58%) est partagé entre les cultures sèches et le pâturage pour les bestiaux. Le développement
rapide des cuItures de contre saison est également une des bonnes caractéristiques agricoles du
Vakinankaratra.
Cet ensemble régional orne en outre beaucoup de possibilités de visites de ses sites
agréables. Une partie de son économie dépend du développement de l'industrie touristique.
Avec ces atouts et ce potentiel, il serait très normal de qualifier Vakinankaratra de région
gâtée. Mais une étude un peu plus fouillée nous permet de lui donner le qualificatif contraire de
pauvre.
Dans l'optique de garder ouvert le sujet, les prometteurs de développement sont invités à
se poser les quelques questions suivantes :
Il faut reconnaître tout de même que considérer d'une façon intégrale les stratégies
technico-économiques et sociales des paysans n'est pas du tout évident. Mais faire abstraction de
leurs logiques et des réalités des milieux d'intervention et tabler sur des modèles venus
d'ailleurs, c'est emprunter des voies à haut risque d'échec. Des mesures consensuelles doivent
s'interposer entre les deux logiques antagoniques.
4.2. LE PPI FITAKlMERINA PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS ET BUTS FEÉs
Onze PPI divisés en deux lots ont été identifiés et présélectionnés par la phase initiale de
reconnaissance dans la zone d'action de I'ODR (Opération de Développement Rural) ; composée
de deux circonscriptions d'encadrement. Situé dans la circonscription d'htsirabe, incluant
Vakinankaratra, le périmètre Fitakimerina fait partie d'un lot de six PPI devant faVe l'objet
d'une étude de réhabilitation. Il convient de noter au préalable que le petit périmètre higué se
définit par un ensemble de terrains nzicultivés et/ou rizicultivables, de surface c o q r i s e entre
200 et 2 500 hectares, muni d'un ou de plusieurs réseaux d'irrigation et d'i,nfkastmctures
hydrauliques. Le lot d7Antsirabe est composé du PPI Faratsiho (300 ha), Onive (800 ha),
Sahatsiho (230 ha), Ambatomikolahy (280 ha), Ikabona (200 ha) et Fitakirnerina (250 ha),
donnant un total de 2065 ha, mis en valeur par 2 850 exploitants4.
Selon les termes de référence, ces chifies sont des données brutes susceptibles de
modifications et d'ajustements au cours des phases d'étude dont le délai d'exécution se répartit
de la manière suivante :
- PHASE 1 :3 mois
- PHASE II : 5 mois
- PHASE III :4 mois
Ce qui donne un échéancier d'une année avant le lancement de I'appel d'ofne pour
l'exécution des travaux de réhabilitation physique.
Le PPI Fitakirnerina est constitué de ripères reparties comme suit: une partie en terrasses,
une partie en plaine et une autre partie sur plateau. Situé à une quinzaine de kilomètres au sud
d7Antsirabe,il concerne trois circonscriptions c o m m d e s formées de 12 villages. On y accède
en empruntant successivement la RN7 sur 10 km jusqu'à la commune de Vinanikarena, puis une
piste goudro~éelong de 4 k m jusqu'au pont cassé d7Antsahamainaet enfin, un bout de piste
secondaire d'environ 1,s lan qui mène jusqu'au cœur du périmètre.
Étant un périmètre irrigué, Fitakinierina est principalement alimenté par le fleuve
Manandona, supporté secondairement par la rivière de Masokoamena et plusieurs sources
pérennes.
' Source: les agents de terrain, à savoir le technicien agricole et le conseiller animateur.
- tout d'abord, il y a l'infertilité et la perméabilité des sols, dues ii une exploitation
excessive des terres sans application d'aucune technique de conservation ni de régénération de la
fertilité,
- la longue période de soudure qui incite les jeunes gens et les chefs de ménage à se
déplacer vers les zones minières pour rechercher de t'or. Ce déplacement est saisonnier ie but
est de ramener les gains à la maison pour les investir dans l'exploitation agricole et permettre
aussi de se procurer du riz et d'autres denrées alimentaires pour la période de crise.
Actuellement, le déplacement tend à être définitif surtout pour les jeunes qui abandoment
complètement tout ce qui est production agricole et s'adonnent entièrement à cette activité
économique non agricole. A titre d'illustration, un jeune chercheur d'or peut ramasser dans une
journée 0,5 grammes de poudre ou de pépite à raison de 30.000 à 45 000 ~m~~ l'unité. Cette
activité beaucoup plus rémunératrice par rapport au salariat agricole qui ne fournit que de 1 500 à
2 000 Fmg par jour au salarié,
- le manque de coordination des actions de développement qui s'opèrent au sein du
périmètre. KOBAMA, ODR,FIFAMANOR, Projet PPI, ROMA, MALT0 ... interviennent dans
le périmètre selon des stratégies et méthodes différentes. D'où le partage des paysans. Quoiqu'il
en soit, les actions de développement ne sont profitables qu'aux paysans riches, principalement
situés dans les villages d'Arnbohunanga et d'hjanamanjaka Est. Soulignons que se sont les
deux îlots qui ne souffrent pas de problèmes d'eau car leurs parceiles sont en amont des réseaux
d'irrigation,
- la recrudescence de l'insécurité male : vol de boeufs, de cochons, de volaille et même
des vols sur pied des produits agricoles, pratiques devenues courantes, mais phénomène brisant
la volonté et le dynamisme des producteurs. Les boeufs sont très utiles compte tenu de la place
qu'ils occupent dans la réalisation des grands travaux agricoles : le labour à la charrue, le
piétinage ou le hersage et surtout le transport. Le manque de boeufs dans une exploitation
conduit soit au retour à l'utilisation des outils rudimentaires comme l'angady (la bêche), soit à la
location de boeufs moyennant un tarif relativement élevé. De toutes maniéres, le manque
d'équipements agricoles bloque toute intensification agricole et tout transfert de technologie
prônés par les organismes de développement intervenant dans le périmètre,
- la prédominance des modes de faire valoir indirects, en I'occurrence le métayage et la location,
exploitant les petits paysans.
A défaut de scénario 2, des travaux d'urgence ont été entrepris sur les réseaux d'irrigation
de Fitakirnerina au cours de la campagne agricole 1995 / 1996. Historiquement, les paysans sont
à l'origine de ces travaux. Des initiatives ont été prises, suite à une dégradation excessive des
réseaux, causée d'une part par la vieillesse des ouvrages hydrauliques et le manque flagrant
d'entretiens et de curage des canaux, et d'autres part par les passages successifs de quelques
cyclones.
Pris par cette urgence, et devant l'incapacité de l'État ou de l'administration à démarrer les
travaux de réhabilitation proprement dits, les paysans se sont organisés pour fieiner la
dégradation des réseaux du périmètre. Ainsi, ils se sont réunis pour décider de ramasser des
matériaux locaux disponibles au villages (sable, moellons, gravier, bois) et d'instituer une
collecte d'argent, de riz et de haricots pour faire face aux différentes charges afférentes aux
réparations.
Si l'on s'interroge sur le bilan d'un projet d'aménagement ou d'un projet d'irrigation tout
court, on a lliabitude de se référer à Fobjectif technique par lequel on chercher à augmenter la
production agricole et à améliorer les rendements.
Pouvoir créer une association d'usagers de l'eau qui f o n c t i o ~ ebien, dans un périmètre à
réhabiliter est un grand exploit pour le projet et l'animateur social. Cela permetîrait à l'État
d'amorcer facilement son retrait vis-à-vis de certains engagements et certaines charges
financières. Le PPI Fitakimerina a actuellement son AUE, regroupant 5 îlots8 et créée à partir de
la collecte de signatures des paysans qui mettent en valeur le périmètre.
' Sont désignés par agents de terrain, le conseiller animateur et le conseilkr hydraulique.
8 -
Ilot désigne un regroupement spatial de villages habités par des paysans ayant leurs rizières dans une même zone
hydraulique. On identifie le ïiot d'Ambohimanga, d'Anjammanjaka, d'Ambohihaivo, d'Avarabohitra, dam le PPI
Fitakimerina.
125
Dans les démarches méthodologiques du projet, la collecte de signatures justifiant
l'engagement des usagers intentient à p a r e de la phase II. À ce stade, le projet doit avoir un
pourcentage minimum d'engagements signés équivalent à 50 % des usagers. La signature engage
le paysan à choisir un scénario d'aménagement et à prendre en charge certains travaux d'entretien
et de maintenance moyennant le paiement de redevances; un accord que l'administration veut
avoir des paysans avant de démarrer des études dlAPD. Les signatures constituent pour elle une
garantie du respect du cahier de chargeg.
Outre le cahier de charge, les membres de l'AUE de Fitakirnerina ont élaboré un «dina'o».
Il ressort des entretiens que nous avons eus avec les membres des groupements par îlot
que I'adhésion à l'AUE a été plus ou moins imposée et forcée par l'État.
Pour conclure, il est à signaler qu'une tendance d'aller de l'avant vers le transfert de
gérance s'observe à la suite de la réalisation des travaux d'urgence et de la création de
l'association. L'administration semble se contenter de ces travaux pour substituer ceux du
scénario retenu, et passer vite au transfert de responsabilisation des paysans.
Il semble probablement trop t6t pour évaluer le projet et ses impacts à son stade actuel.
Par rapport au calendrier prévu, une lenteur s'enregistre tant sur le plan de la procédure
administrative que sur le plan technique. A ce stade, une évaluation à posteriori n'est pas logique,
tandis qu'une autre à mi-parcours ne se trouve pas tellement opportune à cause de la non
réalisation des travaux de réhabilitation prévus, alors que ceux-ci constituent une des plus
grandes raisons d ' ê e du projet. Toutefois, force est de constater que depuis sa création jusqu'à la
phase actuelle, le projet n'a pas cessé de cultiver certains comportements et attitudes chez les
différents acteurs' impliqués. Certaines perceptions se sont construites autour de lui.
Le retard a généré des impacts et des effets inattendus sur le mode de fonctionnement du
projet et sur les stratégies et pratiques paysannes. Même les travaux d'urgence qui ne font pas
l'objet immédiat du projet, produisent malgré tout des impacts et des effets divers qui finissent
par influencer les travaux réels de réhabilitation. Au cours de cette longue attente, les paysans
eux aussi se trouvent en face d'un dilemme qui se renouvelle à chaque campagne agricole. Le
système ruraI tout entier semble conditionné par le projet et les problèmes relatifs il ce dernier.
Le projet agit sur les comportements techniques, économiques et sociaux des paysans.
1
Nous désignons par acteurs, tous les intervenants dans le projet à savoir Ies paysans, les agents de tenain, les
C'est dans ce contexte et ces circonstances complexes que s'effectueront les analyses des
impacts et des effets ainsi que des réactions et des perceptions de différentes origines concernant
le projet. Notre intention est de voir dans quelles situations et comment il évolue ? Cela nous
permettra d'apporter des éléments de réponses a la question de départ, laquelle tente de voir si le
projet a rkuni toutes les conditions nécessaires pour améliorer la qualité et le cadre de vie des
paysans comme il le prévoit.
Avant de passer à l'étude de I'enviromernent du projet, il est judicieux de noter qu'il est
difficile de construire des frontières entre les différents éléments d'analyse tels que les impacts et
les effets, les diverses contraintes et emeurs du projet, ainsi que les perceptions et les réactions
paysannes. Les impacts peuvent être des effets et les effets deviennent des causes selon la
position dans laquelle on se situe ou selon le degré d'importance de chaque phénomène à
analyser. Dans tous les cas, des chevauchements entre les éléments existent bel et bien.
Par ailleurs, le découpage théorique du projet en PPI-1 et PPI-II n'est pas un obstacle
majeur à l'analyse de ces éléments. Cette situation contribue à I'explication de certains
problèmes, étant donné que ces deux phases sont interdépendantes et s'influencent en
permanence dans le temps et dans l'espace. Dans la pratique, un chevauchement de l'un sur
l'autre est observé. Et quelques fois même, certains paysans concernés par la phase I~ raisornent
en se référant à la phase II et vice versa Des logiques se construisent parfois à partir de la
combinaison des deux phases.
Tout ceci nous amène à traiter des difficultés et erreurs du projet simultanément sans trop
faKe de démarcation. D'ordre technique, social, économique, financier, politique, culturel,
organisationnel et institutionnel, elles seront à présenter d'une manière intégrée pour éviter une
simple énumération décousue.
cadres du projet, les bureaux d'études, l'entreprise obtenant le marché et même Ies bailleurs de fonds.
On entend par phase 1, une période d'essai pour la méthodologie du projet, permettant de la bien définir pour la
phase II. Les PPI conceniés par la phase 1sont dits PPI cobaye. CelIe-ci concerne 4 PPI,rChabilités en 198811989-
Ils servent de r t f h c e pour que le projet puisse s'ajuster surtout sur le plan objectif et méthodologie.
128
5.2. LES QUELQUES CONTRAINTES ET ERREURS DU PROJET.
Dans notre analyse, les contraintes et les erreurs sont toutes considédes comme des
facteurs qui ont, indirectement ou directement, des influences sur le déroulement normal du
projet. Elles peuvent également avoir des impacts sur le périmètre et sur les conditions de vie des
usagers de l'eau. Depuis le démarrage de I'étude et au moment même de son officialisation sur le
terrain, jusqu'à son stade actuel, le projet PPI s'est heurté à de multiples contraintes et facteurs
de blocage. Les recenser tous ici relèverait d'une ambition démesurée. C'est pourquoi nous nous
limitons à l'étude de ceux qui paraissent les plus importants.
Notons qu'une bonne partie de ces contraintes sont identifiées et reconnues par le projet
lui-même, tandis qu'une autre partie ressort de nos observations et de nos analyses de la situation
globale du périmètre et du projet. Et autant que possible, nous essaierons de les traiter
chronologiquement, suivant leur apparition dans le temps et par rapport aux différentes étapes du
projet.
Issue de ces instabilités de toutes sortes, la suspension du financement du projet PPI a été
décrétée par les BF. En conséquences, des mesures restrictives ont été prises par le projet dont
l'application n'a pas été sans causer des répercutions graves.
Le projet a été monté en adoptant une approche et une méthode participatives tournées
largement vers le social. En principe, il doit se baser sur l'implication des paysans dans toutes les
phases du projet et sur le transfert de responsabilité aux populations concernées. Mais la façon
dont le projet fonctionne actuellement donne l'impression qu'il a du mal à s'aninner. L'absence
d'une maîtrise de l'approche s'observe chez une bonne partie du personnel du projet, quel que soit
130
le niveau d'instruction et de formation, qu'ils soient cadres ou non cadres, agents de tenain ou
membres du personnel de bureau. Plusieurs facteurs expliquent cette situation. On peut noter :
- le faible niveau d'instruction des conseillers hydrauliques. Ils sont en général de niveau
secondaire et du premier cycle.
- la persistance et l'encrage de l'approche et de la vision techniciste chez le personnel
technique cadre et non cadre du génie niral.
- le manque général de formation en approche participative de I'ensemble du personnel du
projet.
- la divergence de vue et de perception de l'approche participative chez le groupe des
conseillers animateurs malgré le fait qu'ils relèvent en grande partie du domaine des sciences
humaines. Étant socio1ogues, géographes, économistes, historiens ou même agronomes, ils ont
chacun leur propre façon de voir ou de comprendre les phénomènes selon leur discipline.
La différence de niveau de formation entre les C.A., sortants de l'université et leurs chefs
hiérarchiques, cadres du génie rural, de niveau secondaire, constitue un grand obstacle à
l'avancement du projet. Les complexes de supériorité et d'infériorité s'installent dans tous les cas
et bloquent le dialogue tant exigé par l'approche participative. Il s'ensuit un silence qui se traduit
par une rétention d'informations de la part des C.A. et une certaine imposition des instructions de
la part des cadres. Ce manque de communication est très manifeste au cours de réunions
mensuelles ou bimensuelles de la coordination régionale3.
C'est une réunion périodique de compte rendu et d'état d'avancement des travaux qui regroupe tout le personnel
administratif et technique, auquel se joignent des représentants de la coordinationnationale. Nous avons assisté à
cette réunion.
131
accumulent une longue expérience. Un fort enracinement de l'ancienne approche ne leur permet
pas d'être perméables à l'approche participative et de se familiariser avec des stratbgies
priorisant le social.
L'approche participative exige qu'il change de nom et qu'il se fasse appeler «Conseiller
hydraulique» (CH). Une appellation qui lui déplaît pour la simple raison qu'avant il était chec
actuellement il n'est qu'un conseiller. En plus, l'institutionnalisation du CA comme son
homologue de terrain I'oblige à partager avec le nouveau venu ses attributions, ses privilèges et
son autorité. Celui-ci a un niveau d'instruction largement supérieur4au sien. Quoiqu'il en soit, il
considère le CA comme son rival, son concurrent politique. Il lui est difficile d'accepter le CA
c o m m e collaborateur, ce qui génère des attitudes et des comportements divers. Le CH de
Fitakirnerina se porte par exemple absent aux réunions de l'AUE, se montre très autoritaire dans
la répartition et le contrôle des travaux de curage des canaux d'imgation devant le CA pour
surmonter le complexe d'infériorité. Une tension latente s'installe entre les deux agents qui
devraient être complémentaires et s'épauler.
'Le CA est de niveau universitaire,tandis que le CH est un sortant des Ccolcs primaires ou secondaires.
5.2.1.5. Les retombées de la suspension des financements.
De grandes répercussions ont été enregistrées tant au niveau national qu'au niveau
régional du projet PPI, à savoir :
Ces mesures démotivantes brisent la dynamique des gens, menacent leur conscience
professionnelle et risquent de nuire au fonctionnement du projet.
s
Il s'agit des populations des périmètres
À caractère urgent et palliatif, les travaux effectués n'ont pas résolu les problèmes d'eau
auxqueIs les producteurs des PPI bénéficiaires font face. Au contraire, ils ont provoqué d'autres
problèmes d'ordre technique, social et économique. Techniquement, ils sont nécessaires mais sur
le plan social, ils ont provoqué une grosse perte de production. Dans ce cas, ces travaux n'ont fait
que prolonger les périodes de soudure.
Vue cette situation causée en partie par le projet lui-même, ce demier a des difficultés à
avancer, d'autant plus que cette catégorie de population n'a pas été prise en considération d'une
façon marquée et évidente, malgré l'existence de plusieurs exploitations familiales dirigées par
des femmes et la prédominance du sexe féminin dans le périmètre. Mais cette féminisation et
vieillissement de la population du périmètre n'est pas un facteur limitant pour la formation de
différentes catégories de paysans du périmètre.
Les investigations faites ont permis de classifier les populations du PPI F i t a k i m e ~ aen
trois catégories à savoir :
Considérant les conditions socio-économiques qui prévalent dans Ie périmètre et vues les
façons dont le projet fonctionne actuellement, celui-ci est loin d'être capable de servir ces trois
couches de population sur le même pied d'égalité. Tout effort d'investissement et
d'intensification risque de ne favoriser que la première catégorie de paysans. Disposant d'un
certain nombre d'atouts, celle-ci paraît très ouverte et perméable à des innovations. Si le projet
fonctionne sans tenir compte de ces réalités, il se trouvera, malgr6 lui, qualifié de système qui
maintient et entretient cette répartition de la population, voire renforce la différenciation sociale
qui existe déjà.
Selon les estimations du président de l'AUE, deux îiots seulement sont capables d'avoir
un taux de recouvrement relativement élevé, en I'occurrence Ambohimanga et Anjanamanjaka-
Est. Cela s'explique part deux faits:
À noter que les grands propriétaires fonciers du périmètre de Fitakirnerina relèvent de ces
deux groupements.
D'après notre analyse, il devrait y avoir une relation entre le rendement rizicole et le taux
de recouvrement des f i s d'entretien compte tenu du fait que le paiement est fait en nature (en
paddy). Étant donné que l'AUE est fiaîchernent mise sur pied (1995/1996)~,les relations ne sont
pas encore bien nettes. Toutefois une tendance logique est observée : moins le rendement
diminue, moins le taux de recouvrement est faible. Le président de l'association estime que le
taux de collecte sera très bas pour la campagne 1996-1997 à cause du faible rendement. (cf.
annexe F)
7
C'est ce que le projet attend des paysans.
8
Au cours de la campagne 1995-1996 le rendement moyen est de 0,90Wha avec 50% de taux de recouvrement.
Pour la campagne 1996-1997 le rendement diminue à 0,700%, mais les données concemant h coUecte du paddy ne
sont pas encore disponiilts.
137
5.2.1.1 1. Les erreurs du passé :atouts et contraintes
Les erreurs du passé ou plus exactement les échecs enregistrés sur les périmètres tests du
PPI-1 peuvent avoir deux interprétations contradictoires. Si les mauvaises expériences du passé
se révèlent de références nécessaires pour le projet dans la définition des approches PPI et dans
l'ajustement de sa philosophie, selon les rationalités et les logiques paysannes, celles-ci
constituent des raisons suffisantes pour refuser les propositions du projet. Effectivement, les
paysans du Fitakimerina qui sont salariés dans le périmètre d ' h b o h i b d ont été informés de la
situation problématique du projet. De retour au village, les informations se transmettent de
bouche à oreille et se propagent rapidement. Tout le monde est au courant des problèmes et des
échecs enregistrés sur ce périmètre du PPI - 1. Incapables de faire la distinction entre PPI - 1 et
PPI - II, les paysans de Fitakimerina sont découragés par ces mauvaises expériences. Les agents
de terrain ont par la suite de la difficulté à faVe admettre le projet et à dynamiser l'association
des usagers de l'eau.
- . --
Le PPI d'Ambohibary a été réhabilitb en 1986187 dont la rdhabilitation a causé beaucoup de problèmes.
138
Outre le retard causé par la suspension du financement, on note également que le projet a
établi avant tout un calendrier trop ambitieux. Un grand décalage est à remarquer entre la
prescription des TDR" et la réalisation pratique des différentes étapes. Si le projet prévoyait une
année pour les phases d'études, par exempk, il lui fallait quatre à cinq ans consécutifs pour les
terminer. D'une manière générale, presque tous les périmètres du Vakinankaratra concernés par
le PPI-II ont mis du tcmps pour passer des études diagnostic et du montage des associations
paysannes au lancement de 1'AO. Le cas de Fitakirnerina illustre bien ce fait. L'assemblée
générale constitutive (AGC)' s'est tenue tardivement. Effectuée en 1992, elle accuse un grand
retard de 4 ans après le démarrage des études en 1988. Cela n'est autre qu'un gaspillage de
temps, d'argent et de ressources.
Selon les dernières informations reçues, aucun travail de réhabilitation n'a été amorcé
jusqu'à maintenant à Fitakime~a.Par ailleurs, plusieurs facteurs expliquent ce grand manque à
gagner. Nous pouvons citer entre autres, la lourdeur de l'approche, sa mise en application
difficile, la non-maîtrise de la méthode participative, la connaissance floue de la philosophie et
des objectifs du projet, la lenteur administrative, etc.
Nous ne mettons pas en doute les études préalables du projet, mais la façon dont celui-ci
se réalise nous laisse entrevoir une faille au niveau de la méthodologie. Il s'agit soit d'une erreur
de la part des sociologues et socio-économistes qui n'ont pas élargi leur domaine d'analyse, soit
d'une maladresse du projet qui n'a pas tenu compte des résultats d'analyse des études
sociologiques. Peu importe, le fait est que certaines réalités sociologiques semblent oubliées.
L'analyse des informations recueillies nous informent :
- de la non-considération sérieuse des femmes et des rôles socio-économiques qu'elles
peuvent jouer,
- de la non-prise en compte des catégories socioprofessionnelles des paysans et de la
sous-estimation de l'importance des activités extra-agricoles ,
- de la négligence volontaire ou non des séquelles des anciennes stratifications sociales.
10
TDR :Termes De Références.
Il est certain que ces éléments ont une influence importante sur le projet.
* La prédominance du sexefëminin
Les usagers du périmètre peuvent se répartir dans trois secteurs de I'économie dont la
base reste agricole, c'est-à-dire que les 200 chefs d'exploitations recensés sont tout d'abord
agriculteurs. Une catégorie minoritaire opère en même temps dans l'agriculture et dans le
commerce. Et une autre troisième est formée d'ouvriers d'usines et d'industries.
Selon les traditions orales, les villageois d'Ambohimanga sont i s s k des anciennes
familles de rois. Tandis que ceux d'Ambohitraivo et d'Avarabohitra sont des descendants des
familles esclaves qui rendaient seMces aux rois et à leurs familles élargies. Les « Ray aman-
'*L'AGC est une sorte d'onicialisation de la formation de l'AUE a un coup d'envoi au lancement de 1'AO.
140
dreny »12 ont anirmé que les stmctt~essociales existent encore dans le périmètre, mais sous une
autre foxme. L'ancien système d'esclavage s'est métamorphosé et donne naissance au système de
métayage dans lequel les esclaves sont devenus des métayers et les rois sont les grands terriens.
La seule différence est que dans le système de métayage, propriétaire et métayer se partagent les
travaux, les intrants et les récoltes selon une convention établie à I'avance. Le propriétaire ne
reçoit habituellement que le tiers de la production.
Sans vouloir aller trop loin dans l'analyse de ces phénomènes, nous pouvons cependant
confirmer que les trois faits sociologiques cités ci-haut existent bel et bien à Fitakirnerina Les
minimiser serait une erreur fondamentale car la plupart des comportements et des attitudes des
paysans se déterminent à partir de ces faits. Même les tensions sociales auxquelles se livrent en
latence les villageois y trouvent leur explication.
La philosophie du projet fait savoir que la réhabilitation des périmètres irrigués revêt un
double aspect complémentaire et interdépendant, le technique et le social. .Acet égard, les
objectifs et la finalité visent d'une part la réhabilitation physique dont la réalisation concrète
s'appuie sur la remise en état fonctionnel des réseaux d'irrigation dégradés, et d'autre part la
l 3 La phase PPI - I (1984-1988) est une période de tests et de définition des approches a adopter dam le PPI -
II(1988-1999).
14
Pour cette a f f i t i o n nous nous sommes bas6 sur les résultats d'analyse du cercle de réfIexion que nous eu avec
tous les CA du Vakinankaratra.
142
réhabilitation sociale qui concerne la dynamisation de l'AUE et l'organisation générale de la
gestion de l'eau.
Même si les documents du projet prévoient une conduite simultanée des deux types de
réhabilitation, sans donner pnoritb a l'une ou à l'autre, les réalités sur le terrain reflètent une
situation contraire.
De prime abord, les aspects sociaux semblent prendre une avance sur les aspects
techniques si on se réfêre au fait qu'aucun travail de réhabilitation n'a été entamé jusqu'à
maintenant. Mais compte tenu de l'importance des investissements matériels et financiers
consacrés à la réhabilitation physique, et vue la prédominance de l'approche techniciste chez le
la réhabilitation sociale se trouve moins prioritaire pour ce demier. Les
personnel du génie d,
cadres du génie rural estiment que la réussite du projet dépend principalement de la bonne
finition des travaux physiques. Or, J. M. Funel et G. Laucoin (1981) pensent autrement.
Une certaine négligence du social se lit au travers des comportements, des paroles et dans
les actes du personnel de ce service du génie rural. L'absentéisme volontaire du Conseiller
Hydraulique (CH) dans les démarches à caractère social est une bonne illustration de cet état de
fait:
- non-assistance à l'assemblée générale de l'AUE,
- absence de collaboration de travail entre lui et son homologue Conseiller Animateur
(CA)
- sous-estimation des desiderata et doléances des usagers du périmètre, etc.
Le bon fonctionnement de l'AUE qu'exige le transfert de gérance est évalué selon une
approche productiviste. Explicitement, les BF et l'administration se basent sur le quantitatif et les
données chiffrées pour évaluer la maturité de l'AUE pour prendre en main la gestion globale du
périmètre. Selon cette vision, cette maturité est à juger quantitativement, en fonction de
l'importance numérique des membres, la fréquence des réunions, le nombre des participants à la
réunion, le montant de l'argent collecté constituant la caisse, etc. Les tenants de cette approche
ne prêtent pas beaucoup d'attention aux aspects qualitatifs et beaucoup plus sociaux comme le
monopole de parole pendant la réunion, la coexistence de différents groupes d'intérêts. Plusieurs
cas de figures peuvent être identifiés dans I'association. On peut noter :
'" Le projet PPI chevauche entre les deux branches :génie rural et agriculture.
Par ailleurs, à travers des entretiens avec des responsables régionaux, nous avons cm
entendre que I'adminiçtration tend à précipiter le transfert de gérance des PPI car on" dit que
c'est I'exigence des BF. Il semble qu'il y a un certain quota à atteindre jusqu'i la fui du PPI - II
(1999).
Depuis la reconnaissance initiale jusqu'à la phase des travaux d'urgence, en passant par
les étapes des études préalables, le projet n'a jamais obtenu de chifees exacts sur l'effectif des
usagers et la sdaces à irriguer dans le périmètre. D'une importance capitale pour le projet, ces
données varient beaucoup dans le temps et suivant la méthode utilisee. Si, en 1988, 43318
paysans ont été recensés comme exploitants propriétaires de 400 ha de rizières, au cours des
phases d'étude, ces chiees diminuent pour devenir 399" usagers pour 250 ha de sdace. Le
dernier recensement informe de l'existence de 250~' usagers qui mettent en valeur à titre de
propriétaires 150 ha de rizières, avec la précision que parmi eux, 8 relèvent du sexe féminin.Les
distorsions et les biais sont de différentes origines :
- soit un paysan est connu sous plusieurs noms et/ou prénoms ;et il a été recensé
plusieurs fois suivant le nombre de noms qu'il porte. Par exemple, si monsieur X est COMU par
son vrai nom Rabearirnanana dans un village, il s'est fait appelé par le diminutif Rabe dans un
autre.
- soit le recenseur tombe sur un métayer qui prétend être le propriétaire de la
parcelle ou encore sur un vrai propriétaire qui ne veut pas donner la surface exacte de ses rizières
ou son vrai nom de peur d'une application d'ixnpôt foncier.
17
Le «on » a été utilisé par la majorité du personnel du projet pour ne pas dire le nom d'une personne I qui l'on
veut faire référence. Mais après analyse, ce pronom désigne la hiérarchie direct ou le chef immédiat de la personne
qui parle.
" Source :Étude de réhabilitation des dix PPI dans les régions d'Antsirabe et Ambositra. Phase 1, Rapport
d'orientation, MPARA, Sept, 1988.
Estimation au cours d'une discussion sans aucun document de base. Chiffie pour l'année 1991
'O S o m e :Rapport bimensuel du Conseiller Animateur, juin 1996.
5.3. L'ÉTUDE DES &ACTIONS PAYSANNES VIS-A-VIS DU PRO^ ET
L'IDENTIFICATION DES PERCEPTIONS DIVERSES
L'AUE qui va supplanter l'État dans la gestion générale du périmètre a été créée sur la
base de collecte de signatures, dans des conditions plus ou moins imposées. Cependant, elle ne
s'appuierait ni sur la bonne volonté des paysans ni sur leur prise de conscience. Cette approche
repose largement sur une imposition et ne garantit aucunement la pérennité de la structure
institutionnelle qui va gérer une structure physique et l'organisation sociale de l'ensemble du
périmètre selon l'objectif du projet.
L'eau représente une vie pour les paysans. En plus, ils la considèrent comme un
don de Dieu. Ainsi, elle ne s'achète pas. Elle ne se vend pas non plus.
D'un autre point de vue, les paysans sont habitués à une consommation et à une
utilisation gratuite de l'eau car depuis la création des barrages et des réseaux d'figation
du Fitakirnerina, aucun paiement de redevances ni de fhis d'entretiens n'a été exigé. Iis
se demandent actuellement pourquoi les techniciens d'aujourd'hui leur demandent
d'acheter l'eau. a Ceux-ci veulent commercialiser le don de Dieu pour avoir de l'argent »,
disent-ils. Évidemment, les agents de terrain et les membres du bureau de l'association
ont des difficultés à les faire payer. A cela se joignent d'autres facteurs techniques,
sociaux et économiques pour expliquer le faible t a u de collecte des fiais d'entretien et
des cotisations.
Le projet de réhabilitation ne relève pas de la décision des paysans. Il a été négocié entre
l'administration (État) et les bailleurs de fonds, constatant que la principale cause de Ia chute de
la production rizicole est la dégradation généralisée des réseaux hydro-agricoles sur tout le
temtoire national. Les paysans ne sont impliqués dans le projet que par une simple formalité de
consultation au cours de l'étude diagnostic. II amive même parfois d'entendre les paysans dire
que le projet est imposé. Il ne correspond pas à leun priorités et leurs aspirations pour certains
PPI du Vakinankaratra. Nous reproduisons ici, intégralement et sans commentaires, une partie de
la conversation entre 1'administration (ou l'État) et les usagers d91andratsay pour illustrer
l'absence des paysans dans le projet et l'autoritarisme de 1'Etat.
É24
. :Est-ce que vous êtes sarrrfaits des travaux de réhobiiitution effectués dam votre PPI ?
U .:Nous ne sommespus satisfaits. Les travaux ont augmenté les problèmes.
É. : Mais ce sont les t m a w que vous nous avez demandés dans le scénariu 2 ?
U. : Ce n 'estpar nota qui avons demandé CES PUVUUX. Ce n 'estpar nous non p l u qui vous avons
demandé la réhabilitation. C'est vous qui étiez venus avec ces histoires.
" C'est une traduction large de ce que les paysans ont l'habitude de dire à chaque fois que 1'Etat ne respecte pas ces
paroles: fi Farttakana tsy manda- fa mivadi-bnoloria.
" À Iandratsay, ce cas s'est produit, mais I'administration est revenue sur ses décisions et donna l'ordre de rouvrir k
barrage et fait couler l'tau.
" Il s'agit de l'administration
É. :Mais qu'est-ce que vous voulez que nourfasiom encore ?
U . :Remettez nos barrages a toutes les Nfiastructu~eshydmuliquer Ù lervs états initiaux.
Cette attitude est manifeste dans le choix des scharios de travail. L'administration
oriente ou fait orienter par l'intermédiaire des autorités locales et/ou des Conseillers Animateurs
(CA) le choix des paysans vers le scénario 2 qui est le plus pour ceux-ci mais le plus
rentable pour le projet.
Ces façons d'agir entrent en contradiction avec ce qui est déclaré dans les documents
concernant la philosophie, les buts, les objectifs et les finalités, tous écrits théoriquement en
faveur des populations concernées. L'application est certainement difficile, mais il nous semble
que la clarification de ces éléments piliers du projet est primordiale. L'atteinte des finalités
dépend de la connaissance suffisante de ces piliers et de la b o ~ maîtrise
e de l'approche
participative.
Rappelons que jusqu'à maintenant, aucun travail prévu dans le scénario de réhabilitation
retenu n'a été entamé. Cela semble dire également qu'aucun impact, ni effet pervers n'est observé.
Or, depuis son officialisation et au cours des dinérentes phases d'études (depuis 1988), le projet a
conditionné les stratégies, les pratiques et même les logiques des paysans du périmètre. Les
quelques effets et impacts suivants ressortent de nos observations sur le terrain.
La durée trop longue des études, renforcée par la suspension du financement, a provoqué
chez les paysans une grande déception et une profonde hstration. La dégradation des réseaux
s'aggrave et le problème d'eau s'intensifie, obligeant certains paysans à abandonner leurs
rizières. Soit, elles sont laissées en fiche (non cultivées), soit elles sont vendues aux paysans
riches du périmètre, d'où la formation d'une couche sociale de grands propriétaires fonciers. Les
entretiens que nous avons eus avec les paysans de l'aval nous infoxment des regrets des gens
d'avoir vendu leurs parcelles. Ils sont devenus maintenant des métayers dépendants des
villageois d' Ambohimanga et d' Anjanarnanjaka
Mal préparés, faits à la hâte et sans tenir compte du scénario 2 de réhabilitation des
réseaux, Ies travaux d'urgence n'ont pas résolu les problèmes d'eau. Un manque accru et/ou une
insuffisance d'eau ont été localisés un peu partout dans le périmètre, de l'amont à I'aval. Une
infiltration flagrante constatée sur une portion du canal principal réduit la quantité d'eau pour les
rizières situées en aval. Tout cela implique une distribution difficile de l'eau. Quelles que soient
les explications, les tensions sociales existent bel et bien à Fitakirnerina et les travaux effectués
ont entraîné une catégorisation des usagers en trois groupes sociaux vis-à-vis de l'eau ou de
l'irrigation:
a) Une première catégorie rassemble 80 % des villageois d7Ambohimangaet une fine
proportion de ceux d'Anjanamanjaka Est qui ne se plaignent jamais ni du manque d'eau, ni de
son insuffisance7ni encore moins de son irrégularité. Pendant toute la campagne agricole, leurs
rizières sont bien alimentées. Et à cause d'un manque de système de récupération des eaux
excédentaires, une quantité non négligeable d'eau est gaspillée. En passant, soulignons que cette
première catégorie n'est formée que des paysans riches et ne représente que 20 % des usagers du
périmètre.
c) Une dernière catégorie est composée du groupe majoritaire des paysans «à problème
d'eau» et pauvres à la fois. Ils sont majoritaires dans l'ensemble du périmètre. Se sentant
défavorisée, cette troisième catégorie réclame la réalisation des travaux de réhabilitation prescrits
par le scénario retenu au cours des phases d'étude. Ils ont remarqué qu'une tendance à remplacer
ceux-ci par les travaux d'urgence se reflète à travers les attitudes de l'administration. Et cela, à
cause du fait que le transfert de gérance se prépare déjà, alors que le coup d'envoi des Mais
travaux de réhabilitation n'est même pas donné.
26
Estimation faites suite aux analyses des interviews que nous avons menées auprès des paysans de chaque lot et
des entretiens que nous avons eus avec les agents de terrain.
151
d'urgence ne profitent qu'à la première catégorie et à Ia rigueur. à la deinrièrne, bref, à une
minorité de paysans.
Nous avons aussi remarqué que certains paysans sans terres et ceux qui n'en disposent
que de peu sont f k t r é s et ont le regret d'avoir vendu leurs rizières à des voisins riches. Ces
derniers en profitent pour devenir de grands propri6taires fonciers. L'absence totale de l'eau et
les mauvais rendements agricoles sont les principales causes de ces ventes non désirées. De ce
fait, la réhabilitation des systèmes d'imgation ne serait plus profitable pour cette catégorie de
gens.
- la pratique des cultures de contre-saison est possible pour un petit groupe de paysans car
leurs parcelles sont bien irriguées, tandis que le prolongement des périodes de soudure et ia
dégradation du niveau de vie est inévitable pour une majorité, à cause du manque d'eau qui
entraîne le faible rendement et l'insufisance de la production.
Le projet a créé des emplois malheureusement temporaires. La taille réduite des travaux
d'urgence et leur caractère éphémère n'ont pas pu contribuer beaucoup 6 la résolution du
problème de l'emploi en milieu rural. Les travaux n'exigeaient qu'un petit nombre de salariés.
Ces travaux n'ont de plus aucun effet sur l'exode rural qui ne cesse de s'amplifier. Le salariat
agricole est sous-payé, et les travaux d'artisans comme la maçonnerie et la menuiserie se
raréfient à cause de l'inexistence de constnictions nouvelles. Le faible pouvoir d'achat des
paysans ne leur permet plus de rénover leurs maisons ou d'en construire de nouvelles.
5.4.4. La querelle de pouvoir entre l'autorité publique locale et l'AUE
Comme dans presque tous les périmètres irrigués ayant la structure associations de
producteurs ou de simples groupements de crédit ou de coopéraüves, le conflit de pouvoir existe
aussi à Fitakirnerina
- M U E est une institution où l'adhésion est obligatoire et nécessaire à la fois pour les
paysans. Du fait qu'elle concerne tous ceux qui ont des terres irriguées dans le périmètre, elle
met en cause la vie de tout ce qui dépend de l'eau et des systèmes d'irrigation sous sa gestion. Il
est beaucoup plus raisonnable pour les paysans de se conformer à l'organisation plus dynamique
de I'AUE que de s'atteler à celle du pouvoir public où ils ne trouvent pas d'intérêts palpables et
directs.
Considérer l'amélioration des conditions de vie des paysans comme une des finalites du
projet revient à reconnaître que celles-ci étaient mauvaises avant le projet. Et actuellement, elles
se présentent comme une barrière ou un facteur de blocage si le projet n'en tient pas compte.
Dans le périmètre Fitakimerina, les conditions de vie des paysans ne sont pas statiques. Elles
sont dynamiques avec un mouvement qui est conditionné par une multitude de facteurs
endogènes et exogènes. Dans le périmètre d'étude, une dégradation de la situation est observable.
Elle s'explique par trois points :
On reconnaît que les acteurs se déplacent pour la recherche d'une meilleure vie par
rapport à ce qu'ils ont vécu avant. Mais il faut savoir aussi, surtout dans le cas des paysans de
Fitakimerina, que rien n'est préparé dans les régions ou la ville où ils vont débarquer. Antsirabe
est déjà saturée, et nous avons constaté que la pauvreté rurale se déplace également avec les
migrants vers les bidonvilles. Une autre sphère de pauvreté les attend, à commencer par le
problème d'adaptation sociale et culturelle, suivi d'un problème d'emploi avec toutes les
conséquences possibles.
Conclusion partielle
Au terme de ce chapitre, nous nous sommes rendu compte que le projet s'est heurté à
deux types de problèmes ,depuis sa création jusqu'à la phase actuelle. A caractère endogène et
exogène, contrôlables ou non, ils sont d'ordre hancier et d'ordre méthodologique. La
suspension du financement, la suspension des travaux et la non maitrise de la méthodologie, ainsi
que les erreurs de toutes sortes, ont entrainé des conséquences et effets divers sur te projet lui-
même et son fonctionnement d'une part, et sur les populations et leur vie socio-économique en
général d'autre part. A son stade actuel ou le retard par rapport au calendrier est important et en
tenant compte des impacts et des effets générés jusqu'ici, le projet présente un bilan négatif Les
impacts espérés et les objectifs que le projet s'est fixés ne sont pas atteints.
N'ayant pas été prévus dans le cheminement du projet, les travaux d'urgence n'ont pas
apporté de changements positifs et palpables. Les effets néfastes ont devancé les objectifs à court
terne de ces réalisations. En dernière analyse, les travaux d'urgence n'ont pas résolu les
problèmes d'eau, mais ils les déplacent d'un lieu à un autre ou d'une couche sociale de
population à une autre, en provoquant des effets pervers importants. Avec le projet initial, les
travaux d'urgence sont qualifiés de perturbateurs, voire même destructeurs des structures
sociales établies. Le projet favonse les paysans riches et les grands propriétaires fonciers
minoritaires. Il a contribué, d'une façon ou d'une autre, au renforcement de la différenciation
sociale et à la dégradation du niveau de vie des populations. L'appauvrissement progressif est
une réalité palpable que les usagers du périmètre Fitakirnerina vivent actuellement.
CONCLUSION GÉNÉRALE
Au début de ce mémoire, nous nous sommes demandé si les projets d'irrigation peuvent
améliorer les conditions de vie des paysans. Une réponse a été donnée à priori, soulignant que le
pari était difficile à tenir.
Pour vérifier cette hypothèse de départ, nous avons choisi d'étudier le cas du périmètre
irrigué de Fitakimenna dans lequel s'opère le projet national de réhabilitation des petits
périmètre Ungués de Madagascar. Comme le projet est en difficulté pour atteindre ses objectifs
globaux et spécifiques, nous nous sommes demandé si dans son état d'avancement actuel et
tenant compte des facteurs exogènes et endogènes, favorables ou non favorables à son évolution,
ce projet est dans une bonne voie vers l'amélioration des conditions de vie des usagers du
Fitakirnerina ?
Pour atteindre ces objectifs, le présent travail a été structuré en cinq parties
interdépendantes et interreliées. Nous sommes partis d'une éîude de l'importance de l'eau, de sa
problématique et de ses relations avec I'inigation et le développement agricole et rural. De Ià, il
s'est déduit que cet éIément naturel couvre une importance dichotomique pour les êtres vivants
qu'il soit humain, animal ou végétal. Les analyses ont montré qu'eue est un mal nécessaire pour
ces derniers. Disponible en quantité et en qualité sufnsâmment acceptables. l'eau est vue comme
un élément indispensable à la vie. Le cas contraire permet de la qualifier d'obstacle de taille et
d'élément néfaste, aussi bien pour la santé humaine que pour le développement de l'agriculture
et de l'élevage. La sécheresse, la famine, la malnutrition et la perte de vie humaine sont des
conséquences graves issues des projets d'imgation mal conçus, des eaux insalubres, d'une faible
disponibilité en quantité pour le développement ou encore d'une abondance non maîtrisée de
l'eau.
Dans le cas afkicain, l'eau et l'irrigation présentent des enjeux à caractère social,
politique, financier, économique et culturel. La situation dramatique au Sahel a poussé à une
grande mobilisation internationale. Malgré l'importance des efforts déployés, les projets
d'adduction d'eau potable et d'assainissement et les programmes d'irrigation n'ont pas pu
résoudre les problèmes. La non-prise en compte des aspects socioculturels du milieu
d'implantation et les rationalités des communautés rurales expliquent, pour la plupart des cas, les
échecs enregistrés.
La présentation des pratiques d'irrigation des trois pays africains (le Sénégal, la
Mauritanie et le Mali) dépendant du fleuve Sénégal termine le chapitre. Elle constitue une
transition vers l'approche évaiuative des expériences africaine en matière d'imgation et de
projets d'irrigation.
Trois grands sous-thèmes ont été traités dans le deuxième chapitre. II s'agit d'abord de
l'approche critique du développement en général en f i q u e , ensuite des analyses des quelques
causes principales des échecs des projets d'irrigation et enfin des études des problémes liés aux
aides à l'irrigation.
a) Pour le premier sous théme, nous avons considéré l'hypothèse que le développement
en Afiique se fait à coup de projets, k a n c é s par des organismes internationaux et basés sur le
mimétisme des modèles venant d'ailleurs. Deux thèses s'afEontent à ce sujet :
La thèse de Jean-Marc Éla (1982) s'intercale entre les deux d'une manière consensuelle.
Elle ne refuse pas l'intervention des facteurs exogènes mais affirme qu'on ne peut pas parler de
la modemisation des villages sans entreprendre la réflexion sur la société au sein de laquelle on
voudrait intervenir. Autrement dit, celle-ci fait allusion au fait que la modemité occidentale ne
doit pas venir pour s'imposer, mais s'adapter aux conditions locales. Elle doit tenir compte des
connaissances et des technologies dites traditionnelles.
b) L'analyse des quelques causes des échecs des projets d'imgation en Afrique a fait
ressortir que, conçus en l'absence des paysans concernés et sans tenir compte des réalités du
milieu, les projets ont eu des problèmes d'intégration et d'adaptation. Les causes recensées
laissent entrevoir l'implantation abusive des modèles occidentaux d'une part et le manque d'une
considération sérieuse des aspects sociaux, d'autre part.
c) Il est ressorti du troisième point abordé dans le deuxième chapitre que, tout d'abord,
l'imgation est un domaine privilégié par les bailleurs de fonds et les aides extérieures. Par
conséquent, elle devient un champ de bataille des institutions internationales de financement.
Ensuite, il se dégage que les problèmes liés à l'aide au développement consacrée à l'irrigation
sont marqués par le rapatriement indirect d'une p p o m o n importante de I'argent aiioué, vers les
pays donateurs ou les h e s et les organismes occidentaux, fournisseurs d'assistance technique
et de matériel de travail. On a vu en outre que l'aide au développement de I'imgation n'a pas
accordé une attention suffisante aux politiques de développement et à la planification
économique des pays demandeurs de crédits.
La synthèse de ces trois points conduit à conclure que dans les conditions actuelles du
développement en général et de l'irrigation en particulier, et malgré les perceptions négatives et
les hypothèses pessimistes soulevées contre les modèles occidentaux, les pays d'=que ne
peuvent pas se débarrasser complètement des aides extérieures. Mais charge aux pays
bénéficiaires de bien les canaliser dans les secteurs à développement rapide tout en suscitant
l'élaboration d'une approche mettant l'homme au centre du développement.
Jusqu'ici, nous nous sommes limité au cas général de l'Afrique. 11 convient maintenant de
situer le problème dans le contexte malgache. Et c'est à dessein que nous avons introduit le cas
malgache par la présentation de la riziculture et du processus historique de l'irrigation et des
aménagements hydro-agricoles ;contexte dans lequel le projet lui-même prend sa source.
Plusieurs modes de rizicultures ont été identifiés dont l'origine reste encore floue. Mais il
est certain que l'introduction de ces pratiques rincoles et la civilisation sont étroitement liées
avec I'origine et le débarquement des premiers occupants de l'île. Asiatique, h d i e ~ e anicaine
,
ou arabe, l'origine importe peu, mais l'essentiel est que le riz est devenu la principale nourriture
des Malgaches et que la riziculture occupe une place prépondérante dans la politique, la stratégie
de développement et la planification des gouvernements qui se sont succédés, à partir du temps
des rois jusqu'à aujourd'hui. Effectivement, les premières tentatives de maîtrise de l'eau relèvent
du temps des royautés Merina vers 1800. A cette époque, l'ordre de construire des digues pour
délimiter les rizières et retenir l'eau en permanence fût donné par le roi Andrianampoinimerina
De génération en génération, les connaissances se sont transmises et sont améliorées pour aboutir
à ta création des périmètres imgués sous la période coloniale. Différents types de périmètres
irrigués ont été créés à l'époque mais la plupart des PPI font leur apparition le lendemain de
l'indépendance, dans les années 60170.
En plus, le deuxième chapitre a permis de consfater le manque d'une structure efficace et
permanente de gestion et de maintenance, accélérant la dégradation de l'ensemble des
innaçtnictures d'irrigation à Madagascar. Il s'ensuit une chute de la production qui co'lncide avec
une démographie galopante. De toute évidence, la réhabilitation des systèmes d'irrigation fit une
mesure logique pour pallier au déficit céréalier. D'où la création du projet PPI en 1984/1985. Ce
dernier s'est donné comme mission I'augmentation de la production rizicole pour atteindre
l'objectif national d'autosufisance ahentaire. Le projet PPI se doit de générer par la suite une
élévation du niveau de vie des paysans dans un premier temps et des changements positifs des
conditions de vie de ces derniers dans un deuxième. Ces objectifs et finalités du projet sont des
souhaits qui appellent le projet à suivre une démarche participative. Selon cette nouvelle
approche, l'implication des populations dans le projet et leur responsabilisation dans leur propre
développement sont des conditions sine qua non pour la réussite. En ternes clairs, les usagers
des périmètres irrigués à réhabiliter se chargeront de la gestion globale de leur terroir après avoir
été encadrés et formés en ce domaine.
Pour le type de projet comme celui de la réhabilitation des systèmes d'irrigation des PPI à
Madagascar, les facteurs environnants du projet et le contexte dans lequel il se réalise ifluent
beaucoup sur son fonctionnement et son évolution. Ainsi, nous avons consacré le quatrième
chapitre à la description de la région d'accueil du projet et à l'analyse de la situation qui prévaut
dans le périmètre Fitakirnerina, objet principal de l'étude de cas.
Eu égard à ce qui précède, le projet PPI est hébergé par une région riche et pauvre à la
fois. Vahankaratra est une unité régionale très riche si on se réfëre à ses potentialités agro-
écologiques favorables à la polyculture, à sa dynamique, à la jeunesse de sa population et au
niveau élevé de la technicité des paysans. La région est vue comme un pôle de développement
compte tenu de la coexistence des caractéristiques industrielles, agricoles et touristiques. De
surcroît, c'est une région privilégiée qui a des infr;istnictures d'encadrement très denses, grâce à
la présence d'une multitude d'institutions de développement et d'organismes de financement
nationaux et internationaux,
Mais,à l'opposé de ce qui a été dit ci-dessus, un mon lieu de développemenb) se dessine
dans la région d'accueil du projet. Le désordre institutionnel constaté reflète un manque de
coordination des actions et des opérations de développement, responsabilité et rôle assignés à
l'État et aux organismes publics. Par conséqumt, les multiples formes d'approches et modèles de
développement déchirent l'homogénéité régionale et la solidarit6 traditionnelle des sociétés
d e s . L'individualisme se développe et I'inégalité sociale se renforce en faveur d'une minorité
de gens. C'est comme si la thèse de Meister se confirmait dans la situation du d6veloppement du
Vakinankaratra. Ces constatations s'expliquent, implicitement ou explicitement, par la
prolifération des mouvements migratoires, dus en majeure partie à la perte de vitesse des
activités de production dans les campagnes et A la dégradation des conditions de vie d e . Ii
s'en est suivi la formation d'une sous-couche sociale de populations très pauvres : les « lumpen-
prolétaires » des milieux ruraux et des sociétés urbaines. C'est l'environnement du projet et le
contexte dans lesquels le projet PPI espère atteindre ses objectifs et ses finalités, en mettant en
cause une dizaine de périmètres irrigués du Vakinankaratra
En dernière analyse, cet état de développement de l'ensemble de la région n'est autre que
le reflet des conditions et des circonstances des sous-régions. Le contexte socio-économique du
périmètre Fitakimerina n'est pas loin de l'image d'ensemble du développement de la région du
Vakinankaratra. Ce sont les particularités sous-régionales qui se sont généralisées. Quelques
traits particuliers distinguent toutefois le périmètre d'étude des sous-régions, en tant que
concerné direct par le projet. Ainsi, il apparaît que Fitakimerina est considéré comme un
périmètre encore en étude jusqu'au démarrage des travaux réels de réhabilitation. Les travaux
d'urgence n'ont été réalisés que pour fieiner le rythme de dégradation des réseaux, sinon, cela
allait fausser les devis déjà effectués concernant les scénarios de réhabilitation. Il n'empêche que
le devis est déjà périmé et dépassé, vu le grand décalage avec le calendrier prévu.
L'incontrôlable taux d'inflation ne permet pas de garder le devis sorti en 1990 ou en 1991 par
exemple. L'étude spécifique du périmètre a pexmis de noter la façon dont s'est créée
l'association, donnant a celle-ci un caractère précaire. Basée sur la collecte de signatures,
l'adhésion a été faite d'une manière imposee et sans grande conviction de la part des usagers.
Tout compte fait, le projet PPI a attem sur un terrain délicat et difficile, a haut risque d'échecs.
Nous voilà rendu à la fin de ce mémoire, au chapitre clé où la question de départ doit
trouver une réponse et l'hypothèse élaborée doit se c o b e r ou s'infirmer.
Après avoir b c h i toutes les étapes de vkrification au long de ce travail, nous avons
accumulé des faits qui permettent de confirmer notre question et hypothèse de depart. Nous
pouvons déduire que :
- compte tenu du flagrant retard occasionné par rapport au calendrier établi, déjà non
réaliste,
- vu le contexte et les conditions naturelles, socio-économiques et socioculturelles, pas
toujours favorables, de son milieu d'accueil,
- considérant le poids des facteurs sociopolitiques hors de son contrôle, et provoquant la
suspension du financement,
- étant donnée l'importance des contraintes et difficultés auxqueiles il s'est heurté,
- considérant les maladresses à caractère méthodologique,
- reconnaissant la persistance de l'approche techniciste et l'absence de la maitrise de
l'approche participative de la part d'un certain nombre de membres du personnel du
projet,
- reconnaissant également le caractère flou et confus des objectifs, des buts, des finalités
et de la (des) philosophie du projet,
- et tenant compte de la recrudescence des phénomènes migratoires, etc. nous pouvons
affirmer que le projet de réhabilitation des petits périmètres irrigués de Madagascar opéré à
Fitakirnerina, n'est pas sur la bonne voie pour l'amélioration des conditions de vie des paysans.
Plus il avance dans le temps et dans les conditions actuelles, plus il s'éloigne de ses ambitions et
de ses finalités.
A la place des objectifs et des buts prévus et attendus, se manifestent des impacts
contraires et des effets pervers :
Le projet est perçu par les paysans comme un mécanisme ou une structure qui f o n c t i o ~ e
à l'encontre de ses propres objectifs et buts. Au lieu de faire sortir les paysans de leur misère, il
semble les entraîner dans des conditions de pauvreté accrue.
Par extension, l'hypothèse peut s'élargir et s'appliquer au contexte général africain d'où
nous sommes partis. A cet égard, nous pouvons déduire que malgré les avantages reconnus des
projets d'irrigation pour le développement agricole en Anique, ces derniers ne constituent pas
toujours une stratégie efficace pour améliorer les conditions de vie des paysans, en produisant
une série d'effets pervers.
Avant de terminer, nous estimons devoir rappeler que les déductions faites au sujet du
projet PPI, reposent sur les informations collectées sur le terrain, et les conditions et les
circonstances vécues par le projet, à un moment d o ~ de
é son évolution. Dans ce cas, il se peut
que notre hypothèse soit déjà dépassée au moment oii nous écrivons ces lignes. Et cela à cause
des phénomènes sociaux qui sont en perpétuel mouvement. Ce qui nous oblige de garder
toujours ouvert le sujet. De ce fait, des questions peuvent se poser pour savoir si le projet dont il
est question ici serait capable de récupérer la situation et de ramper le grand retard qui a causé
chez les paysans une profonde hstration ? Serait-il apte a faire renaître I'enthousiasme chez les
paysans en réparant les effets et impacts générés ? Autrement dit, poumit-il atténuer les tensions
sociales et réduire les différences entre les groupes sociaux, afin que l'amélioration des
conditions de vie des paysans ne soit plus une afnrmation discursive, un slogan ou un rêve ?
Quoi qu'il en soit, une rectification, tant au niveau de la méthodologie qu'au niveau de
l'organisation générale est à recommander. La sensibilisation des seMces techniques, sociaux et
culturels serait un atout considérable et une chance de réussite pour le projet. La mobilisation de
ce potentiel et son intégration dans les démarches du projet constitueraient un raccourci vers
l'atteinte des objectifs prévus. Cette mesure briserait la sectorialité inutile du projet d'imgation
et le cloisonnement de ces services.
Par ailleurs, il serait beaucoup plus réaliste pour I'administration d'adapter les objectifs
nationaux à la spécificité et à I'originalité du périmètre tout m tenant compte de la rationalité
paysanne, de leur logique et de leurs stratégies de production. Celles-ci se manifestent dans la
plupart des cas en terne d'autosubsistance ou de satisfaction des besoins alimentaires en priorité.
ïï faudrait de plus exclure autant que possible tout acte reflétant une imposition et un
autoritarisme pouvant détruire l'enthousiasme des paysans. L'implication de ces derniers, dans
toutes les étapes du projet et une certaine considération des femmes, favoriseraient chez eux la
naissance d'une prise de conscience rapide entraînant la prise en charge de leur propre
développement.
Ces recommandations priorisent les dimensions sociales. A ce propos, nous nous référons
à ce que Desjeux (1985) considère comme conditions de réussite des projets d'irrigation. A cet
égard, il affinne que la réussite d'un projet d'irrigation dépend principalement d'une prise en
compte sérieuse des aspects sociaux car les problèmes liés à l'irrigation restent, et resteront,
beaucoup plus des problèmes d'ordre social, économique et politique que d'ordre technique.".
Desjeux, D.,L 'eau. QueIs enjeux pour let sociétés rurales, Paris, L'Harmattan, 1985.
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-
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Sources : (1) Annexe G du schéma directeur :Projet de réhabilitation des PA, juin 1986.
(2)Résultats de I'inventaire des PPI préparé par la Cellule de coordination de PPI, 1990
Annexe C : Tableau illustrant l'importance des GPI à Madagascar avec leur lieu d'implantation
et le n o m des organismes de gestion etlou d'encadrement.
TOTAL
Sources :AIRD, Étude du secteur irrigué. Étude de l'économie de l'irrigation, Cambridge,
Massachusetts, juin 1991
Le principe de base des scénarios physiques proposés repose sur la définition du degré de confort
que l'on souhaite apporter a l'aménagement. Trois scénarios sont proposés :
Le scénario 2 vise une amélioration sensible de la gestion de l'eau sur le réseau. En plus
de ce qui est proposé dans le scénario 1, le scénario 2 prévoit :
- Amélioration du système de dessablage au niveau des ouvrages de tête ;
- Mise en place de seuils régulateurs sur les canaux principaux ;
- Association des seuils de contrôle aux ouvrages de prises vannées ;
- Prolongation des canaux vers l'aval en vue de permettre une extension quand les
ressources en eau ie permettent ;
- Promotion des canaux secondaires ;
- Intervention sur les voies d'accès et de desserte.
Le scénario 3 vise à assurer les conditions optimales de production (gestion rigoureuse de l'eau,
contrôle des inondations, etc.). En plus de ce qui est proposé dans le scénario 2, le scénario 3
prévoit :
- Remplacement des prises vannées par des prises équipées de modules a masques ;
- Mesure de débit entonné en tête du réseau ;
- Construction de nouveau barrages si les ressources en eau le justifient ;
- Amélioration du passage des crues.
Les principes généraux des trois scénarios sont adaptés aux cas particuliers des périmètres.
Annexe L :LR YYI rniwrnennri el les zones nyacauuques
1
Annexe F :Évolution des rendemenu moyenr du riz et taux de recouvrement
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- - Rochester. NY 146û9 USA
Phone: 716M82-0300
F ~ x716/28&5989
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