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Victor RAKOTONIAINA

LES PROJETS D'IRRIGATION PEUVENT-ILS AMÉLIORER LES


CONDITïONS DE VIE DES PAYSANS ? UN PAR ID IF FI^^ m m .
Cas du pkrirnetre rizicole de Fitakirnerina dans la région du Vakinankaratra h
Madagascar

Mémoire
présenté
à la Faculté des études supérieures
de l'Université Laval
pour l'obtention
du grade de maître ès arts (M. A.)

Département de sociologie
FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES
UMVERSITÉ LAVAL
1+1a, , ,National tibrary Bibliothèque nationale
du Canada
Acquisitions and Acquisitions et
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395 Wellington Street 395. rue Wellington
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reproduced without the author's ou autrement reproduits sans son
permission. autorisation.
On s'attend toujours à ce que les projets de développement agricole entraînent une
transformation des sociétés rudes. On s'attend également à ce que les projets d'irrigation en
Afnque comme à Madagascar génèrent une améiioration des conditions de vie des populations
dites bénéficiaires. Pourtant I'analyse de l'environnement du projet national de réhabilitation
des petits périmètres irrigués qui s'opère actuellement à Fitakimerina, dans la région du
Vakinânkaratra, semble démontrer une situation inverse. Plus le projet avance dans le temps,
plus son ambition d'améliorer les conditions de vie des usagers du phimètre s'éloigne.

Vu le retard qu'il accuse par rapport à I'échéancier établi et compte tenu de l'importance
des facteurs endogènes et exogènes qui conditioment défavorablement son évolution, le projet
en question se trouve dans des situations difnciles. Il ressort des analyses que la suspension des
hnancements du projet et ses retombées néfastes, la non maîtrise de l'approche participative, le
contexte défavorable teIle que l'amplification de la migration et les conséquences relatives,
l'instabilité socio-politique, les conditions socio-économiques précaires des paysans, etc.
concourent à l'explication d'une situation d'inertie dans laquelle il se trouve actuellement. De
ce fait, le projet PPI a du mal à honorer ses engagements à savoir l'augmentation de la
production iizicole, l'amélioration des rendements agricoles, la réduction des importations de
riz blanc, I'autosuffisance alimentaire, l'élévation du niveau de vie des paysans et l'amélioration
de leurs conditions de vie.

Des réactions négatives, des comportements de refus, des résistances aux diverses
actions menées par le projet se produisent. Des perceptions diverses se construisent autour de
lui et de ses façons de se réaliser. Il est vu comme une structure favorisant les tensions sociales,
comme perturbateur de l'ordre social établi, comme institution partiale, au service d'une
minorité de grands propriétaires fonciers, de commerçants, bref, d'un petit nombre de paysans
riches du périmètre. LI se déduit malheureusement que le projet PPI de Fitakimerina est loin de
ses missions, et à la place des changements attendus, il se r n d e s t e des effets pervers.
Remerciements

La production d *untravail intellectuel comme ce mémoire n *estpas l'oeuvre d *uneseule


personne. Il est le fruit de la combinaison d'efforts d'un certain nombre de gens. de près ou de
loin impliqués dans sa réalisation.

Je tiens particulièrement à remercier le profmseur Claude B E A U C U P , mon


directeur de recherche qui, malgté ses préoccupations qui lui sont chères. a bien voulu accepter
la ditection et l'encadrement de ce mémoire. Ses conseils et sa grande compréhension rn 'ont été
d'un appui et d'lm encouragement inestimables. Qu'il trouve ici ma profonde reconnaissance.

Mes remerciements s 'adressent également au collègue et frère Moussa S M qui n'a


pas ménagé ses capacités intellectuellespour la révision linguistique du présent travail.

Je suis aussi redevable a u coordinateurs national et régional du projet PPI ainsi


qu aux dzjJiérents cadres et agents issus de divers services pour leur collaboration et leurs
soutiens tout au long des investigations et des collectes d'informations sur le terrain.

Je ne saurais oublier les paysans du PPI Fitakimerina qui, malgré leurs multiples
travaux et leur calendrier szrrchargé, rn 'ont alloué leur disponibilité et m 'ont réservé un accueil
chaleureuxeux
Leur réelle et précieuse participation est bien gravbe dans ce mémoire. Pour cela.
je leur exprime ma grande reconnaissance par leur dire merci. le mot le plus simple du monde
mais qui dit fout.

J'exprime également ma précieuse gratitude au (( Joint Japun / World Bank Graduate


Scholarship Program )) pour son soutien financier. à M. Frank Farner. l'administrateur du
programme ainsi qu 2 son équipe pour leurs encouragements et les excellents services qu'ils
m 'ont rendus pendant les périodes d 'études à l 'université Laval à Québec. Canada.

Ma profonde reconnaissance à mon épouse et ci mes fils pour leur soutien moral et
affectif; leur compréhension et leur persévérance combien nécessaires.
Dédicace

Je dédie ce travail,

- à mes d é ! & parents qui ont forgé en moi me


personmlité dont je m'habille avec fierté, et qui m 'ont
conduit sur le chemin de l'amour, de la jwtice et de la
fkternité,

- ci mes fières et soeurs qui sont loin de corps mais très


proches de coeur,

- à mon épouse qui a su se plier avec une grande


compréhension aux exigences de ce mémoire,

- ci mes chers fih, Tb&, Jica, î'uhinn et Mick qui ont été
souvent pnvés de mon Mection à cause de ce mémoire,

- à tous les paysam pauvres de cette planète


TABLE DES MATIËRES
Résumé..............................*....*....... ..-...................
...............................................*...................... ..
u
Remerciements.......-....... .............................................LLLLL.....*..........................*....*..................
.
...
lu
Dédicace...............*....
................-... .......
...............................................-................-....-................. iv
...,
TABLE DES MATIERES.......... ..................
..*..-, ..... v
LISTE DES CARTES,DES TABLEAUX ET DES ANNEXES.......................-.. .................. x
..............................
LISTE DES ABREVIATIONS ET SIGLES.......,.........TI......TI.....TI.............
P

xi

..........................................................................
I

INTRODUCTION GENERALE....,..........
.

A - LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE .......,.......................TE..................................... ..... 1


B - LA DÉLIMITATION DU CHAMP ET DE L'OBJET DE RECHERCHE .......................... 3
C.LE CHOIX DU THEME...........,.............. 6
D. QUESTIONS DE RECHERCHE ET OBJECTIFS................................................................ 8
E. L'HYPOTHESE DE LA RECHERCHE........................................... . . . ... . .. .
8

IO
F. CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE........ . . ............................................ 11
............................
G. MÉTHODESDE COLLECTE ET D'ANALYSE DE DOWES . 16
H.ANN0NCEDUPLA.N ..............-......................................................................................... 18

CHAPITRE PREMIER :L'EAU, L ~ R I G A T I O NET LE DÉVELOPPEMENT EN


AFRIQUE.......................................... . . . .......... . 20

1.1 L'IMPORTANCE DICHOTOMIQUE DE L'EAU ............................... ............. ............... *.

1.1.1 L'EAU :un éIérnent indispensable à la vie.....................


. ............................
1.1.2 Les caractères néfastes de I'eau .......................................................................

1.2 LA PROBLÉMATIQUE DE L'EAU EN AFRIQUE ET LES ENJEUX DIVERS............. .


1.2.1 Le problème d'eau en Afrique et la mobilisation internationale..........
.......
1.2.2 Les enjeux de I'eau ........................................................................................*.......
.............................................................
1.3LESPRATIQUESD'IRRIGATIONEN~QUE 33
13.1 considérations ghérales sur l'irrigation ............................................................ 33
13.2 Les grands périmètres irrigués (GPI).................................................................. 39
13.3 L'irrigation villageoise en Afnque sahélienne.................................................... 44
1.3.4 L'émergence des pbrimètres intermiidiaires (PI) ................ . ............*............. 49

2.1 PRÉSENTATION SOMMAIRE DE LA PROBLEMATIQUE GÉNÉRALE DU


DÉVELOPPEMENT EN AFRIQUE...................................................................................... 54
2.1.1 La situation problematique ....................... .
........................................................... 54
2.1.2 Les convergences et les divergences de vues s u r le développement en Afrique ...... 56

2.2 QUELQUES CAUSES DES ÉCHECS DES PROJETS ET DES PROGRAMMES


D'IRRIGATION EN AFRIQUE......................*.. ....................................................
2.2.1 De la negligence & la reconnaissance des dimensions sociales dans les
projets ...............
................................................................................................
2.2.2 La gestion lourde et les confusions institutionnelles.................. .........................
2.2.3 Diversité des bailleurs de fonds et coexistence néfaste.....................................
2.2.4 Le désengagement précipité de 1'État et l'échec de la responsabilisation .*......
2.2.5 Les problèmes fonciers :un handicap majeur à l'irrigation .........
.. ..... . .....
2.2.6 L'insuffisance d'expériences en matière d'hydraulique ................
.................
2.2.7 Les erreurs méthodologiques et de conception des projets ............... . ..........
2.2.8 Absence d'une delle participation des populations dans les demarches d'un
projet ................... .
...............................................................................................

2.3 LES PROBLÈMES LIÉS AUX AIDES À L'IRRTGATION........................ ....................... 71


2.3.1 L'irrigation sous-secteur privilkgié par les aides erthrieures........... ..... 71
2.3.2 Bilan sommaire et perceptions diverses des aides au développement de
l'irrigation ............................................................................ .
.................................. 72
CHAPITRE III :LA RIZICULTURE MALGACHE. L'IRRIGATION À
MADAGASCAR ET L'AVENEMENT DU PROJET NATIONAL
DE RÉHABILITATION DES P. P.^.........................................................

3.1 QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LA RIZICULTURE MALGACHE..................... 79


3.1 -1 De 19ambiguït6sur les origines de la riziculture malgache................................ 79
3.1.2 Les différents modes de riziculture a Madagascar .......................................... 81

3.2 DE L'AMÉNAGEMENT TRADITIONNEL DES RIZIÈRES AUX ~ A G E M E N T S


HYDRO-AGRICOLESMODERNES.., ..............................................................
3.2.1 Un aperçu chronologique de l'irrigation et du processus d'aménagement
hydro- agricole B Madagascar..........
................................................................
3.2.2 Les différents types de pbrimètres irrigues A Madagascar .................. .

3-3 L 'IRRIGATION:UN ENJEU D 'ENVERGTRE NATIONALE.........................................


3.3.1 L'importance d u secteur irrigué h Madagascar.......... .
..................................
3.3.2 Place et rôles de l'irrigation dans la mise en oeuvre des politiques agricoles
.
et strategies de développement.............
P

.
...
......................................................
3.3.3 La SomaIac en bref ...............................................................................................
3.3.4 Quelques difficultés des grands amenagements hydro-agricoles.

3.4 GÉNÉRALITÉS SUR LE PROJET NATIONAL DE RÉKABILITATION DES PETITS


* . .
PERIMETRES W G U E S *...................................................................................................
3.4.1 La crise des années 80 :condition de naissance du projet ................. .
..........
3.4.2 La faible productivité rizicole face à la dernographie galopante......................

3.5 LE PROJET PPI :SES OBJECTIFS GÉNÉRAUX ET SES FINALITÉs ............................


3.5.1 Le cadre institutionnel du projet .......................................................................
3.5.2 Rappel de la situation et mission du projet PPI..................................................
3.6 LES DÉMARCHES MÉTHODOLOGIQUESET LES STRATÉGIES DE 100
..........*.......
RÉALISATIONSADOPTÉESPARLEPROJETPPI ............ 100
3.6.1 L'approche classique et les méthodes participatives......................... ......... 101
3.6.2 Les grandes phases du projet............................................................................... 101
3.6.3 Les différentes phases du projet........................................................... ........ IO3

CHAPITRE IV :LA DESCRIPTION DE LA ZONE D'ACCUEIL DU PROJET ET


L'IDENTIFICATION DU PPI FITAKIMERINA.................................... 107

4.1 CARACTÉRISATION DE LA RÉGIOND'ACCUEIL DU PROJET................................. 107


4.1.1 Localisation et délimitation de la région du Vakinankaratra......
............... 107
4.1.2 Caracterisation physique et climatique..........
..............................................
. 109
......
4.1.3 Origine do peuplernent et aspects socio-d6rnographiques ...................... 111
.....................................................................
4.1.4 Caractérisation socio-&conornique 112
4.1.5 Bilan des actions de développement menées dans le Vakinankaratra.............. 113

4.2 LE PPI FITAKIMERINA PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS ET BUTS FIXÉS .............. 117
4.2.1 Description du Fitakimerina................ .
......................................................... 117
4.2.2LePPIFitakimerina.de1988à1996................................................ .. ... 123

CHAPITRE V :LWALUATION
DES ASPECTS SOCIAUX DU PROJET PPI ET
L'ÉTUDE DE SES IMPACTS ET DES EFFETS PERVERS SUR LES
CONDITIONS DE VIE DES USAGERS DE FITAKIMERINA............. 127

5.2 LES QUELQUES CONTRAINTES ET ERREURS DU PROJET.................. .................. 129


5.2.1 Les différentes contraintes et les difficultés rencontrées par le projet... 129
5.2.2 Les erreurs méthodologiques............................................................................. 138

viii
DU PROJET ET
5.3 L'ÉTUDE DES RÉACTIONS PAYSANNES VIS-À-VIS
L'IDENTIFICATION DES PERCEPTIONS DIVERSES............................................ 146
5.3.1 Les réactions de refus et les perceptions négatives............................................ 146

5.4 LES IMPACTS SOCIAUX ET LES EFFETS PERVERS DU PROJET.............................. 150


5.4.1 Impacts directs des probkmes d'eau et de la lourdeur des proc6dures........... 150
5.4.2 Travaux d'urgence, tensions sociales et partage des paysans........................... 150
5.4.3 L e faible impact des travaux d'urgence sur le chômage rural.......................... 152
5.4.4 La querelle de pouvoir entre l'autorité pubüque locale et l'AUE ..................... 153
5.4.5 Renforcement de la dégradation des conditions de vie des paysans................. 154
5.4.6 L'amplification de l'exode rural..............
.... ..................................................... 154

* r

CONCLUSION GENERALE................................................................................................. 157

BIBLIOGRAPHE ................................................................................................................... 166

ANNEXES ................................................................................................................................. 172


LISTE DES CARTES, DES TABLEAUX ET DES ANNEXES

1 - LISTE DES CARTES

- Carte nO1 :Localisation et délimitation de la région du Vakinankaratra


- Carte n02 :Localisation du PPI Fitakirnerina

2 - LISTE DES TABLEAUX

- Tableau nOl: Superficies aménagées en maîtrise d'eau dans le bassin du Sénégal :


1975/1988
- Tableau n02 : Importance par région de l'irrigation pour la production rizicole
- Tableau n03 :Différentes étapes importantes du projet PPI

3 - LISTE DES ANNEXES

- Annexe A : Liste des institutions impliquées dans un programme ou un projet


d'irrigation et leurs attributions respectives
- Annexe B :Tableau présentant le potentiel de réhabilitation par région (en hectares)
- Annexe C : Tableau illustrant l'importance des GPI à Madagascar avec leur lieu
d'implantation et le nom des organismes de gestion etlou d'encadrement
- Annexe D : Schémas généraux des scénarios de réhabilitation
- Annexe E :PPI Fitakirnerina : les zones hydrauliques
- Annexe F :Évolution des rendements moyens du riz et taux de recouvrement
LISTE DES ABRÉVIATIONS ET DES SIGLES

- ACDI: Agence Canadienne de Développement International


- AIRD:Associates International Ressources of Development
- APD :Avant-Projet Détaillé
- APS :Avant-projet Sommaire
- AUE: Association des Usagers de l'Eau
- BAD: Banque M c a i n e de Développement
- BAD:Banque Arabe pour le Développement
- BADÉAO: Banque f i c a i n e pour le Diveloppement de 17A£kiquede l'Ouest
- BF: Bailleurs de Fonds
- BM: Banque Mondiale
- CA: Conseiller Animateur
- CCE:Communauté Économique Européenne
- CFD: Caisse Française pour le Développement
- CH: Conseiller Hydraulique
- CLC:Comité Locd de Sécurité
- CILSS: Comité permanent Inter ~ t a t sde Lutte contre la Sécheresse du Sahel
- DAO: Dossier d'Appel d70ffie
- DIEPA: Décennie Internationale de l'Eau Potable et de l'Assainissement
- DR:Direction de 1'Innastnrcture Rurale
- FAC: Fonds d'Aides et de Coopération
- FAO: Food and Agriculture Organization of the United Nation
- FED:Fonds Européens pour le Développement
- FIDA: Fond International de Développement Agricole
- Fmg: Franc malgache
- FMI: Fond Monétaire International
- GPI: Grand Périmètre Irrigué
- GUMA: Groupement d'Utilisation des Matériels Agricoles
- MADRIGAL :MADagascar RIz GALlant
- MINAGRI: MINistère de 1' AGRlculture
- M f : Micro Périmètre
- MPARA: Ministère de la Production Agricole et de la Réforme Agraire
- NU: Nations Unies
- OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économique
- ODR: Opération de Développement Rurai
- OG:Organisme Gouvernemental
- OMVS: Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal
- ONG: Organisme Non Gouvernemental
- ONU:Organisation des Nations Unies
- PAS : Programme d'Ajustement structurel
- PI: Périmètre Intermédiaire
- PI: Périmètre Irrigué
- P B : Produit Intérieur Bmt
- P N : Périmètre Irrigué Villageois
- PF Périmètre Familid
- PNUD:Programme des Nations Unies pour le Développement
- PPI: Petit Périmètre Irrigué
- SAED: Société d'Aménagement et d'Exploitation du Delta du fleuve Sénégal
- SOMALAC: Société Malgache d'Aménagement du Lac Aiaotra
- TDR:Termes Des Références
- UE : Usager de l'Eau
- UNICEF:United Nation's International Children Emergency Fund
- USAID: United States Agency for International Development

xii
LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE

Le présent mémoire ne prétend aucunement être ni la première étude, ni la dernière a


mettre en exergue les facteurs fonàamentawc de blocage du développement niral et agricole
dans les pays aficains. Il n'est pas non p h la seule qui se propose d'étudier les impacts et
changements, les avantages et les facteurs néga-, voulus ou non vouhis, apportés par un
projet de développement agricole ou encore d'analyser systématiquement les lacunes et erreurs
dans les méthodologies d'approche du monde d.
Une multitude d'études et de recherches
ont déjà été effectuées sur la question.

Notre étude s'inscrit dans un cadre fertile car la problématique du développement en


général, celle du développement agricole en particulier ofne aux chercheurs actuels et fiturs
une multitude d'objets de réflexion et de recherche. L'mterêt de la recherche, d'un point de vue
générai, est de mettre a jour les problèmes vitaux awquels fait face une certaine partie de la
population : les facteurs de blocage et les contraintes de multiples formes qui résultent du
développement.

Tous ces préalables témoignent de l'attention accordée à ce domaine ainsi qu'am divers
secteurs qui s'y rattachent. Mais malgré l'importance de tous ces écrits, malgré également la
pertinence des théories scientifiques et techniques élaborées, l'abondance et la qualité des
recommandations faites en fàveur de différents groupes sociaux concernés, il est
malheureusement déplorable de faite remarqyer que pour la plupart des cas, une grande
quantité de résultats n'ont pas un aboutissenient pratiqye. Il semblerait qu'ils sont produits pour
d'autres misons que celle du développement, par exemple être rangés dans les tiroirs, décorer
les rayons des bibliothèques ou embellir les dossiers des projets dans I'unicpe but de gagner la
e bailleurs de fonds.
c o ~ c des De ce fait, on déctle un nianque de rigueur et de volonté qui
laisse croire que les tenants de ces études travainent sur le mode du liucisme. Et cela pour
diverses raisons qui varient d'un groupe social à un autre, d'un acteur' du développement à un
autre engagé dans les projets ou actions de développement. Les erreurs et les échecs se
rrmltiplient de p b en plus. Les changements palpables et concrets sont minmies. Ce qui amène
A.J.P. Taylor, 1983:l l2 à afhner que la seule leçon que nous retenons de l'histoire est la &on
de répéter nos erreurs. Il semble en tout cas,en être aimi avec l'irrigation.

Les fàits négatifs et les erreurs du passé risquent de rendre permanents et structurels les
problèmes. Les échecs et erreurs s'accumulent et pourraient donner lieu a un développement à
l'envers si une décision et une volonté fermes n'interviennent pas. Et il en résulterait un
développement du sous-développement.

Pour corroborer cet état de fait, A. Schwarz (1992) souligne que :

« les échecs des projets de développement sont souvent des leçonr de développement
mol apprises.». et il continue :« Lëvaluation sociale du mérite et de la valeur d'un
projet, c 'est-&-direde ses impacts généraux surtout et des leçons qui s 'en dégagent
pour d'autres actions de dweIoppement ne pouma décidément pus se contenter de Za
seule invocation de la rationalité du choir des fins et des objectifs et de leur
appareillement ni de celle des bonnes intentions qui ont procédé a ces choir... Il va
donc falloir s 'intéresser d 'avantage à cette production souterraine, informelle d 'eflets
qui se rnanijèstent loin des plans et des prévisions qui ont conduit du projet ;il va
falloir en parler et non la taire parce qu 'elle est éventuellement contre productive pour
c m qui vivent du projet r3

' Nous entendons par acteurs, des gens qui interviennent de près ou de loin dans le développement a savoir, Ies
paysans, les bailleurs de fonds, les groupes intermédiaires tek les opérateurs économiques, les responsables
techniques, les dirigeants et Ies responsables politiques ainsi que toutes les personnes intervenant dans ce
domaine particulier de l'amélioratisn du bien-être d'un certain nombre de segments de populations a l'échelle
mondiale.
'1. D. CARRUTHERS, L'aide au développement de I'imgation. OCDE,1983 : 1 1
' A. SCHWARZ, M.PINEAU, avez la collaboration de F.OSMANI,« L 'évaiuation des projets contre le
développement meugle », actes du séminaire sur l'évaluation des projets, Québec, 27-28 mars 1991, Série
Dossiers n017, Centre Sahel, Université Laval, Québec juin 1992 :32 pp. 7 - 35.
On a souvent enteedu parler des concepts de développement endogène, de
développement local, d'auto-développement, de développement d intégré ou encore de
développement participatiomiste. Tous ces modèles, d'une maniére explicite ou implicite,
prônent la participation de la population au montage de son propre développement. Les tenants
de ces approches soutiennent la thèse suivante : a l'homme est au centre du développement ».
Or, les fàits actuels démontrent que les projets initiés de I'extérieur, les actions publiques, les
opérations de développement des ONG semblent mettre en marge les popdations qui sont
supposées être les bénéficiaires. On ne se rend pas compte que c'est un déveIoppement
seulement pour la population et non pas un développement fait par, pour et mec elle. Une vraie
intégration des paysans dans les scénarios de développement ne doit pas se limiter à une simple
formalité de consultation car ce serait une pseudo-participation ou phis exactement une
participation passive dans laquelle ceux-ci n'interviennent que pour la simple exécution des
travaux et des tâches qui leur sont assignées. La participation de la population concernée par un
projet doit être r d e s t e dans le sens où elle est considérée dans toutes les démarches à
entreprendre : de la conception jusqu'au suivi et l'évaluation en passant par les étapes
intermédiaires de réaIisation. Et ceci, dans le contexte du milieu d'accueil du projet. Cette
affirmation rejoint plus ou moins ce que Stavenhagen (1981) disait:

(< Le problème de la partrkIpution ne peut être compnk que dans le contexte social et
hisiurique dam lequel il Q lieu ; c'est-à-dire qu'il serait absurde de parler de
participation de façon abstraite dans un cadre général, ce que la partrrtrcipution
n'a un
sens que dans un contexte historique et social concret d'une société quelconque » : 92

11 ressort de toutes ces affirmations que, antérieurement, le développement s'est fkit en


l'absence des acteurs principaux. Ces demiers ne sont que de simples exécutants. Une réelle
participation leur échappe. C'est dans ce contexte que va se définir notre champs de recherche.

Quand on parle de développement nual en Aliique, on se réere toujours au


développement agricole à cause du fiut que la majorité des pays de ce continent, y compris
Madagascar, présente une économie basée sur l'agriculture au sens large du terme. D'ailleurs,
leur caractéristique commune d'avoir une proportion de population d e et agricole de p h de
70 % justifie cette vocation.

L'irrigation, de notre pomt de vue, est un Facteur important dans les systèmes de
production. Elle constitue un axe central d'une exploitation agricole autour duquel se greffe
toute activité techniqpe des paysans ; leur vie socio-économique et socioculturelle en dépend.
De ce fait, elle devient un milieu où un certain nombre de phénomènes et prob1hes sociaux
interferent. C'est en ce sens que nous nous proposons de l'étudier dans un espace type comme
Madagascar.

Considérant les caractéristiques qy'eile incarne, l'kigation se présente, pour le


sociologue, comme un objet de recherche porteur car la sociologie peut profiter de l'apport de
plusieurs disciplines connexes qui complètent l'outillage paradigrnatique. Ce caractère
interdisciplinaire va nous permettre d'avoir une vision large de la problématique tout en nous
permettant de porter une attention particulière aux dimensions sociales, souvent négligées, de
cette technologie.

Comme beaucoup de projets de développement agricole, les projets d'irrigation


promettent au monde paysan une amélioration de l'alimentation en eau des champs à imguer,
une augmentation des rendements et productions agricoles, une élévation du revenu paysan et
de son niveau de vie, suivie d'une amélioration des conditions de vie des sociétés rurales.
Notons au passage que ces objectifs B caractère économique et social a long terme, demeurent
toujours de l'utopie au vue de la situation actuelle de l'i~~igation
en Afrique et à Madagascar.
Une paupérisation étrangle la paysannerie d'un bon nombre de pays de cet espace (l'Mique).

Dans les pays du SAHEL où l'eau de pluie fait souvent défàut pendant une très longue
période, le recours à l'irrigation reste l'unique chance pour l'agicdture, pour l'élevage et
jusqu'à un certain point, pour l'eau à usage domestique ( consommation et hygiène ). Les trois
activités se disputent l'eau qui devient une source de problémes techniques et de conflits
sociaux entre Nerents groupes de population-

A Madagascar, on rencontre aussi ce genre de problème, sauf qu'au niveau de


I'agiculture vivrière4 on peut noter une complémentarité entre le système irrigué et Le systéme
pIuvial. Étant domé que I'imgation conceme beaucoup plus la riziculture, cette
complémentarité se trouve obligatoire et nécessaire pour les raisons suivantes :

- à une époque antérieure, Madagascar a été un pays exportateur de riz de huce tels que
SALICOMBO et le M4DRTGA.L (Madagascar Riz Gallant); la production était sufnsante pour
nourrir toute la population. La situation a changé au cours des armées 70/80,période pendant
laquelle une chute de rendement et une niminution de la production ont été enregistrées.
L'explosion démographique qui a pris son essor au cours de la même période, vient s'ajouter à
ces facteurs et aggraver ainsi la situation. D'où le recours au développement de la riziculture
pluviale, secteur négligé auparavant, mais qui aurait pu contribuer à la résolution du problème,
en plus de la décision de l'État d'importer du riz blanc. De ce fat, le riz higué et le riz pluviai
se complètent pour pallier au déficit vivrier malgache (surtout le riz)

- n'étant pas l'aliment de base des Malgaches, une grande partie de la production issue
de certaines cultures M è r e s , comme le manioc, la patate douce et le maïs, était souvent
destinée à I'ahentation animale. Dans une telle condition d'insuffisance de production rizicole,
ces produits M e r s viennent réguler la situation et s'intègrent dans les politiques de
développement agricole du gouvernement malgache. La naissance de cette deuxième
complémentarité entre le système irrigué et le système phi* << non riz N crée une certaine
concurrence entre les hommes et les animaux, dans les zones d'élevage.

4
À Madagascar, I'imgation concerne aussi les productions agricoles non vivrières comme le coton.
C.LE CHOIX DU ME

Il a été mentionné auparavant que l'irrigation n'est p h un domaaie de recherche vierge.


Bon nombre d'auteurs l'ont déjà étudiée sous différents angles et aspects. Ces afIEinnations
semblent dire, de prime abord que le thème choisi n'a pas d'origjnalité. Peut-être, qu'on
n'hésite même pas à Ie classer parmi ce que l'on appelle du (t d&à vu )) ou (c déjo entendu ».
Bien que cela soit vrai a priori., nous pensons par contre que l'existence d'un grand nombre de
travaux de recherche effectués dans ce domaine expliquent dans une certaine mesure l'acuité et
la persistance du problème ainsi que l'importance de l'irrigation en tant que pilier du
développement agricole d'un grand nombre de pays africains.

Insister sur ce thème répond donc à un des objectifk de ce mémoire, c'est-à-dire élargir
les rangs de ceux qui réclament la mise en application concrète, sérieuse et volontaire des
recommandations déjà élaborées par les prédécesseurs. Il s'agit donc de multiplier les études de
cas spécifiques liés à une innovation technique donnée (irrigation) dans le but de persuader les
entités conipétentes, les décideurs locaux et surtout les organismes de financement afin qu'ils
dépassent le stade des théories et des slogans et passent à une considération sérieuse et
concrète des utilisateurs finaux de la technologie proposée. 0 s'agit de les amener à réaliser un
vrai développement tourné vers une meilleure participation paysanne. D'ailleurs, nous tenons à
préciser que l'originalité du thème se trouve dans la dynamique de l'imgation et la spécificité
du cas étudié.

Dans cette optique, nous avons choisi d'analyser la réhabilitation des systèmes
d'irrigation du périmètre de Fitakirnerina: un projet de développement a caractère agricole qui
s'inscrit dans le cadre d'un a projet mère » intitulé << projet national des petits périmétres
irrigués ». Celui-ci a été mis au point par le Ministère de la Production Agricole et des
Réformes Agraires (MPARA) pour le renforcement de la structure institutionnelle du
développement rural malgache. Son mandat essentiel est de contribuer d'une d è r e
opérationnelle à l'atteinte de l'objectif national qu'est l'autosufhce alimentaire. Selon les
stratégies et politiques agricoles, cet objectif s'appuie en priorité sur l'autosuffisante en riz, la
principale nourriture des malgaches et doit aboutir à l'amélioration des conditions de vie des
paysans-

Faisant partie de l'équipe de diagnostic initial de la zone du projet (Juin 1988), nous
nous sonmies chargés de l'étude agro-socio-écon~mi~e~
d'une dizaine de Petits Périmètres
Irrigués (PPI) dont celui de Fitakirnerina dans la région du Vakinankaratra Cette opportunité a
suscité en nous la curiosité d'aller p b loin et d'étudier I'évohition du projet et surtout les
changements générés depuis l'étude préalable à la réalisation jusqu'au stade actuel (1988-
1996).

Des observations personnelles et entretiens XormeIs que nous avons eus à plusieurs
reprises avec les paysans dits bénéficiaires du projet pendant deux campagnes comécutives
(199 1/lWî et l99Z/l993)viennent mûrir cette motivation. De ces investigations sommaires se
dégagent les faits suivants :

phases d'études très longues pouvant Muencer les motivations des paysans
réactions négatives de la part des paysans vis-à-vis de la collecte des signatures pour
justifier l'acceptation du projet et pour faire d é m e r les travaux de réhabilitation,
refus de payer les redevances,
non intégration sociale des agents de développement dans le périmètre,
délaissement de certaines activités agrkoles au profit d'autres extra agricoles et plus
rémunératrices,
recmdescence du banditisme nual (vol de boeufs et de produits agricoles),
vieillissement et femhkatition de la population suite à un départ sans retour des chefb
d'exploitation découragés,
digradation des conditions de vie et paupérisation tendant à être chroniques des
paysans du périmètre, etc.

'Le volet agro-socio-économique rmfame la caractérisation des pratiques paysannes et l'identification des
potentialités et des contraintes au développement de ces plaines cole es et des systèmes d'irrigation.
Ayant pris connaissance de cette situation, nous nous demandons d'une part, dans
queIles mesures celle-ci entrave le bon dkodernent du projet, et d'autre part, pour queiies
raisons les paysans du périmètre expriment un comportement négatif (de refûs), préjudiciable a
I'aîteinte des obj& prévus ?

Vu que, pour la phpart des cas, la conception et I'evaiuaatin des projets de


développement en Aiîique font abstraction des dimensions sociales, nous nous proposons
d'apporter notre contniution aussi modeste soit eue, pour combler cette lacune. D'où le thème
un peu interrogatif :

LES PROJETS D'IRRIGATIONPEUVENT-ILS ~ L I O R E LES R CONDITIONS DE VIE


DES PAYSANS ? I % N P A R I D F F ~ C . mm..
À

Cas du périmètre riPcole de Fitakunerina dans la région du Vakinankaratra à Madagascar.

D.QUESTIONS DE RECHERCHE ET OBJECTIFS

Étant donné que lYarnéIiorationdes conditions de vie est un objectif à p h ou moins


long ternie, et que la période pendant laquelle nous intervenons ne nous permet pas de vériiïer
s'il est atteint ou non, nous d o n s nous contenter de décrire le milieu dans lequel le projet
évolue et d'analyser les changements qu'il a générés, prévus et non prévus à un moment T de
son évolution.

Dans cette optique, la question qui se pose est de savoir si, dans son état
d'avancement actuel et compte tenu de la situation qui prévaut dans le milieu d'accueil,
favorable ou non favorable, le projet est dans une bonne voie: c'est-à-dire voir si
l'amélioration des conditions de vie des paysans du PPI Fitakimerina est plausible et
constitue une réaiité tangible pour le projet ?
développement rural, et de les amener à rejoindre celles des paysans. La prétention de la
présente étude est de rappeler à toute entité, institution touchée de près ou de loin par le
probléme et à tout prétendant opérateur et prometteur de développement que toute action à
entreprendre a une finalité sociale à ne pas perdre de vue. Outre les changements escomptés,
des impacts et des effets inattendus, généralement a caractère social pewent se produire. Des
changements qui, à notre avis, méritent également d'être evahiés sinon on restera toujours dans
cette habitude de donner tort atm paysans. Parfois, les approches productivistes accusent ces
derniers de paresseux, non réceptifs et impernieables a toute modernité, etc.

Pour appréhender les réalités du périmétre et apporter des éléments de réponse aux
questions posées, les perceptions paysannes et leur point de vue concernant le projet sont à
collecter. Ce qui est a recouper avec les d y s e s des objectifs fixés ainsi que les difficultés
auxqueiles il s'est heurté, tant dans le domaine de la réalisation que dans celui de la
méthodologie. Mais les données issues des investigations effectuées et les recherches
documentaires semblent à priori dire que le projet éprouve une certaine inertie face à un certain
nombre de facteurs endogènes et exogènes déterminant son déroulement.

Les réalités et les réactions du d i e u d'implantation et les changements inattendus


enregistrés jusqu'à maintenant témoignent de l'incapacité du projet de contriiuer à la réduction
de la pauvreté. Au contraire, celui-ci semble l'entretenir et la renforcer.

Considérant ces fàits, le projet PPI,visant la remise en état des systèmes d'irrigation de
Fitakirnerina, se trouve dans l'incapacité d'atteindre la phipart des objectifs et des buts qu'a
s'est fixés. De ces constatations, il ressort ce qui suit :

Montréal, 1991 : 18.


'~ean-pierre,Deslauriers, Recherche qualitative, @guide pratique, McGraw-Hill,

10
Malgr6 les avantages reconnus des projets d'irrigation pour le développement agricole
en Afkique, ces derniers ne constituent pas toujours une stratégie efficace pour améliorer
les conditions de vie des paysans en produisant des effets pervers.

F.CADRE CONCEPTUEL ET THÉORIQUE

Tout d'abord, il est à reconnaître qu'outre les aspects physiques et techniques de


l'irrigation, celle-ci revêt également une dimension sociale qui s'incarne depuis la conception
théorique jusqu'à la réalisation sur le terrain. Soulignons aussi le fait que, pour la plupart des
cas, les échecs répétés des projets d'irrigation s'expliquent par la négligence des aspects
sociaux, de l'amont à l'aval des projets. Et si cette reconnaissance est déjà acquise sur le plan
méthodologique et dans l'approche théorique, dans la pratique, elle ne l'est que partiellement
voire même absente surtout dans l'évaluation des changements sociaux et des effets pervers
générés par un projet de développement. Mais, dans tous les cas, i'irrigation devient une
préoccupation majeure des chercheurs experts en évaluation du développement.

F.1. L'irrigation: un paradigme de développement

L'hypothèse de recherche élaborée et les objectifs à atteindre dans ce mémoire ainsi


que le sujet lui-même suggèrent l'intégration de l'irrigation parmi les paradigmes de
développement. La grande reconnaissance et la préoccupation majeure que Ies pays donateurs
et les bailleurs de fonds internationaux expriment en faveur de cette innovation, viennent
renforcer et confirmer cette valeur paradigmatique. Quand nous parlons de paradigme dans le
présent travail, nous nous référons à ce que Masterman appelle paradigme a construit )> qui
donne un sens beaucoup plus restreint à la notion de paradigme. En ce sens, cette délimitation
doit faire appel à la définition du phénomène à évaluer, à la méthodologie, aux instruments et
outils nécessaires et adéquats à appliquer pour un projet. Donc évaluer un projet d'irrigation
(en particulier ses effets pervers), par le biais de sa composante sociale, revient tout d'abord à
Ie considérer comme
u un ensemble c o ~ ~ ~ t id'éléments
tué divers (idées, croyances, usages et comportemma
éléments matériek) fonnant un tout coordonné et organisé, de sorte qu'une pmtie ne
peut être évaluée indépendamment des autres w8.

Selon cette afknation, l'évaluation doit tenir compte de son caractère organique
(composition en éléments solidaires et hiérarchisés) dynamique et téléologique (étude de la
cause finale du projet). Cela nous amène d'une part, à identifier les quelques concepts de base
qui servent de repères théoriques permettant d'aborder le thème choisi sous i'angle
sociologique et de bien cerner la problématique posée; et d'autre part, à privilégier les
approches systémiques et integrées jugées adéquates et efficaces, basées sur l'interférence,
l'interdépendance et l'interaction des divers éléments situés dans l'environnement du projet.

Yao Assogba (1994) nous fiiit observer que les discours et les pratiques de
développement dans le Tiers-Monde en général et en Afiique en particulier, se fondent sur deux
principaux paradigmes à savoir le déterminisme fortement mmiencé par le positivisme et
I'interactiunnisme de type wébérien. Raymond Boudon soutient cette thèse en s'appuyant sur
~ e a qui
d ~souligne que:

Pour les tenants du premier paradigme, les échecs des projets de dèveloppement
s 'qliquent par le comportement et l'attitude irrationnels des acteurs sociaux de base
compris dons les sociétés rurales qui seraient dus B l'influence causale des valeurs et
des structures traditionnelles, par l'attachement des populations villageoises u w
traditionsséculaires, leur passéisme, etc. »

Le paradigme interactionniste remet en cause les explications déterministes des échecs


des projets et propose des explications plus satisfaisantes des faits sociohistoriques qui résultent
des rapports dynamiques que les populations bénéficiaires établissent avec le projet dans un
contexte social défini temporellement et spatialement.

Il est donc bien évident que notre méthodologie devrait dépasser le seuil du
déterminisme et évaiuer le projet dont il est question ici, dans sa globalité suivant une approche

R LECOMTE, L. RUTMAN.Introductio~aux méthodes de recherche évaluarive, Université Carleton.


Ottawa, 1982 :5.
mariant le systémisne et l'interactiomiisme, basée sur les relations de cause à effet. Ce qui nous
permettrait de comprendre les divers comportements et réactions des populations concernées
vis-à-vis du projet de réhabilitation des systèmes d'irrigation du périmètre de Fitakmierina.

F.2 Du déterminisme au paradigme d'effets pervers

Les théories déterministes ont été remises en question par le paradigme des effets
pervers, une composante du paradigme interactionniste de type wébérien qui postuie q u ' ~une
authentique sociologie de développement s 'inscrit d'emblée dans la tradition de lu sociologie
de 2 'action »'O.

Le paradigme des effets pervers constitue un cadre théorique à prendre en considération


dans nos démarches théoriques. Pour R Boudon, 1977":

« E m pervers dèsignent les effets individuels et collectifs qui résultent de


l'agrégation des comportements individuels non prévus dam les objectifs recherchés
par les acteurs sociaux. »

Ainsi, ils évoquent l'aspect i< involontaire », « contre-intuitif » de certaines situations


selon G. Ferré01 et alü, (1991)12.

Évaluer les effets pervers revient donc à évaluer les changements sociaux non
intentionnels provoqués par le phénomène normal d'interaction des éléments constitutifs d'un
programme de développement et de ses environnements immédiat et IointsUi, A cet égard, les
effets pervers peuvent représenter des causes ou des conséquences des changements a un
moment donné d'une évaluation. En d'autres termes, les interactions s'effectuent sans arrêt
pendant une période indéterminée dans un fonctionnement systémique et intégré.

Lire: Margaret Mead, Cultural Patterns and Technological Change,UNESCO,Paris.1953.


IO
Yao Y.Assogba, R K.Ekeh, ,Animation ,participation et hydraulique villageoise en Afiique: étude d'un
exemple au Togo, Univenité du Quebec a Huli, Université du Bénin, Dossier, études etformotion, n031, Édit.
Centre Sahel, Université Laval, Septembre 1994 :32, 128 p.
II
Raymond Boudon,Effets pewers et ordre sociaZ, PUF, Paris 1977 : 10
l2 G. Fhreol, et aüi., Dictionnaire de socioZogie, Édition Annand Collin,Paris, 199 1.
F A Notion de système et approche systémique

De prime abord, un système est un assemblage qui évoque un ordre ou les dSërentes
parties se soutiennent mutuellement. Il s'a@ donc d'un ensemble d'élé&ts, matériels ou non,
qui dépendent réciproquemient les uns des autres de manière à former un tout organisé, selon
Gilles Férréol et alü (199 l)13.

L'approche systémique quant à eile, se définit comme étant une méthode d'analyse qui
aborde un phénomène dans sa globalité pour fornier un tout structuré et dynamique en même
temps. Elle respecte les interdépendances et les interactions des éléments constitutifk d'un
système en mettant l'accent sur l'aspect cohérent et organisé des phénomènes sociaun
L'approche systémique convient à l'étude de la problématique du périmètre qui renferme
plusieurs secteurs économiques, phsieurs systèmes de production composés de sous-systèmes
interreliés. Considérer l'irrigation comme un système à part et l'étudier isolément,
indépendamment des autres lui enlève son propre caractère de système << inné ».

F.4 La mésociologie comme niveau d'anaiyse

La taille du PPI ne permet pas de situer les analyses ni à un niveau micro-économique,


ni à un autre plus large de taille macro-économique. Le périmètre regroupe plusieurs villages et
dépasse le seuil de la microsociologie sans atteindre cehi de la macro qui renvoie à des
structures comme la région ou la nation. Dans ce cas, il correspond à une situation
intermédiaire qu'est la mésosociologie. De son côté, Deslauriers soutient que :

t~ Ce niveau mèsosîmciure permet de comprendre la stmcture sociale en même temps


que de saisir comment elle fournit le cadre général de l'action. C'est là que la
stmcture sociale devient pour ainsi dire opérationnelle et qu'elle entre en action. »".

Selon encore cet auteur, la mésostructure, située entre le << micro » individuel et le
<anacro» structurel, représente l'espace entre les deux ou les personnes évoluent et où le

'3 G. Férréol, et alii., ibid.,


personnel rencontre le social Dans la pratique, des mouvements alternatifs de va-et-vient
s'opèrent entre ces différents niveaux Des comportements sociaux (méso) résultent des actions
individuelles (micro), pouvant être égalexnent infhmcés par des phénomènes ou facteurs
exogènes de niveau macrosociologique.

Ces cadres théoriques et Mises méthodologiques dans lesqueIIes s'inscrit le sujet,


appellent donc à considérer le développement agricole, le projet d'irrigation, la participation
co~nmunautaire,le groupement paysan, le transfert de technologie, le projet et l'évaluation de
projet, les impacts sociaux, les effets pervers, les conditions de vie d e , la mobilité sociale, le
régime foncier, les changements sociaux et les acteurs sociaux comme principaux concepts clés
à retenir dans ce mémoire. Ce sont des concepts qui se définissent et se précisent au fur a
mesure qu'on avance dans les analyses. Ils se caractérisent selon trois types de conception et se
d é f i s e n t en concept concret »,en a code sociologique » et en concept fusionné N . Ainsi,
on pourrait identifier les concepts du premier niveau, Denzin, (1978)'~,
qui est celui du langage
de la vie quotidienne. Dans notre étude, nous nous intéressons aux propres expressions des
paysans, issues de leurs façons d'« appeler D leurs actions ou leurs pratiques et de percevoir les
fkits qui fiçonnent leur quotidien daiis le périmètre. Dans cette considération, Bmyan (1966)16
propose le terme de a concept concret » pour les qualiner. Viennent ensuite les concepts de
deuxième niveau qui ont des sens plus iarges; équivalents de code sociologique selon Strauss,
(1984). Enfin., les concepts dits mdicatifs ou <<fusionné», definis par Meszaros, (1970)" à
cause du fait qu'ils contiennent plusieurs sens. L'inexactitude et I'ambiguïté caractérisent ces
derniers déments conceptuels.

l4 JeamPierre Deslauricrs, Recherche qunlitutive, guidepratique, McGraw-HiU, Montréal, 199 1 : 17


l5 N.K DenSn nie research acr :A nteoritiicol introduction to Sociologicol Methods, McGraw-Hill, New
York,1978.
l6 S.T. B ~ y a n The
, Human Perspective in W o l o g y :ï7te Methodology of Parn*cipant Observation,
Engiewood C m N.J. :Prentice hall, 1966.
17
1. Meszaros, Mam 's Theow of Alienation, Menlin Press, Londres,I W O
G. MÉTHODES DE COLLECTE ET D'ANALYSE DE DONNÉES

Mdgré le fiut que le projet ait été conçu au niveau d'une sphère nÿlcro-économique
(ministérielle, d'envergure nationale et internationale), sa mise en application descend jusqu'au
niveau régional et villageois et prend effet à une échelle micro-économique (exploitation
familiale). Il peut même déterminer des comportements individuels. Compte tenu de cette
envergure, nos investigations ont parcouru les trois échelles selon les types de données et
d'informations a collecter. hbus avons sdectionne les niveaux d ' h t e ~ e w ssukants:

la coordination nationale du projet sise a An-O,


la coordination régionale du PPI Vakinaakaratra
l'ensemble des services techniques touchés par le projet,
quelques ONG opérant dans le périmètre de Fitakirnerina,
les autorités villageoises et régionales,
plusieurs opérateurs économiques (collecteurs de produits agricoles, transporteurs,
commerçants revendeurs, distniuteurs d'intrants agricoles, épiciers du village,...)
deux usuriers (spéculateurs) du périmètre,
plusieurs catégories d'usagers de l'Eau (UE) du périmétre d'étude et d'autres
périmétres déjà réhabilités,
1'A~sociationdes Usagers de l'Eau (AUE) du PPI Fitakirnerina et autres groupements
paysans,
des représentants sociaux (éduca-, sanitaires, religieux, politiques, etc.)

Nous nous sommes basés sur des entretiens en élaborant des guides, contenant les
grands thèmes et types d'informations ci-après:

Données relatives au projet,


Politique globale du développement rural et agricole,
Situation du développement dans la région du Vakinankaratra et dans le périmètre
d'étude,
Informations sur les modes et conditions de vie paysans en général et spécifiques au
périmètre,
Données générales sur les exploitations agricoles famüiales,
Fonctionnement technique et organisationnelle du réseau d'irrigation,
Difficultés rencontrées par le projet et mesures prises,
Domées d'exploitation agricole,
Régimes fonciers et modes de f%revaloir des terres,
Perceptions générales du projet,
Desiderata et doléances des paysans'
Impacts et effets pervers du projet, etc.

Entre autres, nous nous sommes basés en partie sur les données brutes et les résultats
d'analyse de l'enquête d'exploitation menée en 1988 pour nous servir de références, de
recoupement et de comparaison. Et cela, dans le but de repérer les changements. Si
changements il y a. Ils sont d'ordre agro-socio-économique, sociologique, socio-
organisatio~elsociodémogaphique, technique hydraulique (situation avant projet), supportés
par des sous thèmes.

Notons que nous n'avions pas accès aux données relatives au financement malgré notre
intention de les intégrer dans les analyses. A cet effet, la question financière ne sera abordée que
superficiellement.

Les techniques et les instruments de collecte d'informations utilisés varient suivant le


type d'interviewés, le type de domées à collecter et les objectifs de l'interview. En général, la
plupart des entretiens sont de type non directif et semi-directif avec guide ou thèmes
d'interview, nécessitant l'utilisation des instniments comme magnétophone, appareil photo,
caméscope, cartes géographiques, etc.

En outre, nous avons visité les barrages et le réseau hydraulique, long de 7 l


m et avons
assisté à une organisation de répartition des travaux de curage des canaux d'irrigation.
Les recueils bibliographiqyes et la coIlSUItation de documents techniques et
administratifk ainsi que de divers textes relacifS à k mise en valeur des terres, à la création
d'association de producteurs, à la répartition des charges de travail (cahier de charges), etc.
complètent les outils de cueillette des données.

H.ANNONCE DU PLAN

La problématique, Ies questions de recherche et l'hypothèse tlaborées nous conduisent à


structurer notre travail en cinq grands chapitres.

Le premier chapitre traitera, d'une façon générale, de l'indissociabilité de l'eau, de


l'irrigation et du développement agricole et rural dans le contexte afnCain- Il sera divw en trois
sections a savoir :

- l'importance de l'eau dans les sociétés nuales afîicaifles. Un regard sommaire


sera porté vers les autres fonctions et utilisations de l'eau pour justifier son miportance vitale et
la prépondérance de ses fonctions dans la vie générale des êtres humains, végétaux et animaux.
- la problématique de l'eau en e g u e et ses enjeux divers,
- les pratiques d'irrigation selon les expériences de l ' f i q u e de l'ouest,
termineront cette première partie et constitueront une transition vers fe deuxiéme chapitre qui
s'ouvre sur un bilan sommaire des aides aux projets d'irrigation en Anique.

Ainsi, le deuxième chapitre se concentrera sur

- la présentation de la problématique générale du développement en M e ,


- fidentincation et l'analyse des quelques causes des échecs des projets et
programmes d'irrigation,
- les problèmes liés aux aides au développement de I'imgation.
Le troisième chapitre sera consacré à la présentation de la Mculturt malgache, à
l'irrigation à Madagascar et à l'avenernemt du projet PPI. II sera composé de plusieurs sections
qui étudieront successivement :

- les quelques considérations sur la riziculture malgache,


- les objectifs généraux et les nnalités du projet PPI,
- les démarches méthodologiques et les stratégies de réhabilitation adoptées par
le projet,
- le passage des ambgements traditionnels des rizières aux aménagements
hydro-agricoles modernes.
- i'envergure nationale du projet et
- les généralités sur le projet PPI.

Le quatrième chapitre décrira la région de Vakmankantra : zone d'accueil du projet


PPI, et présentera le périmètre de Fitakimerina et les réalisations M e s .

Le cinquième et dernier chapitre évaluera le projet PPI par l'intermédiaire du cas de


Fitakirnerina en mettant en exergue trois points fondamentaux tels que :
- l'analyse des contraintes et des erreurs du projet,
- l'étude des réactions paysannes vis-à-vis du projet et I'identScation des
perceptions diverses,
- l'essai d'analyse des impacts sociaux du projet et des effets pervers.

La conclusion comportera une synthèse générale de la situation, quelques


recommandations pour les perspectives et le devenir du projet et une ouverture sur plusieurs
pistes de réflexion.
CHAPITRE PREMIER

L'IMPORTANCE DICHOTOMIQUE DE L'EAU

1.1.1. L'EAU : un blément indispensable à la vie

1.1.1.1. L'eau :source de la vie

« L 'eau, c 'est lu vie N est une expression acquise depuis des civilisations anciennes
jusqu'à nos jours pour exprimer l'importance de l'eau. La vie telle qu'on la conçoit n'est pas
possible sans eau. Dans la Bible, il est mentionné que l'eau, pour la plupart des civilisations est
source de vie. Elle symbolise l'origine du temps et conditionne la vie. Ce caractère générique de
l'eau dans l'existence humaine est c o b é dans la Bible, d'où la proposition qui suit :

<< Au temps 06 Y A H V É la ~ ~terre


~ et le ciel. il n 'y avait encore aucun arbuste des champs
et aucune herbe des champs n'avait encore poussé car &Y Dieu n'avait pas fuit
pleuvoir sur la terre... . » Genèse I :5-6.

Depuis ces temps primordiaux jusqu'à nos jours, l'importance de l'eau n'a cessé de
croître dans la conscience de l'humanité. Cela témoigne d'une reconnaissance grandiose des
différents rôles et fonctions de l'eau dans la vie globale de tout être vivant (animal, végétal et
humain). Elle est universellement reconnue indispensable pour la vie des populations du Nord
comme pour celles du Sud, qu'elles soient riches ou pauvres. Pour ne pas nous rebrouver dans
-
l'incapacité d'inventorier exhaustivement tous les usages de cette ressource dans sa diversité et
dans sa spécificité, variant d'un pays un autre, d'un groupe social à un autre - nous allons nous
contenter de citer quelques grands rôles et fonctions de base de l'eau.

Le corps humain a régulièrement besoin d'eau et d'une manière permanente. Un gréviste


de la faim ne peut tenir longtemps sans boire de l'eau. L'eau entretient la vie grâce à ses
propriétés chimiques dont le corps humain a grandement besoin pour son développement, toutes
choses égales par ailleurs. Elle contribue au maintien de l'état sanitaire de l'homme. Ainsi, I'eau
peut aider à combattre plusieurs maladies comme la gale, la dermatose ou encore la dysenterie.

L'eau occupe encore une place prépondérante dans la vie humaine grâce aux usages
domestiques multiples. Elle se hisse en première position pour étancher la soif et sert pour
l'hygiène corporelle personnelle de la famille ou du village. Elle est à la base de l'alimentation
humaine sur trois plans ( préparation, cuisson et conservation). Jusqu'ici, en dehors de toutes les
autres utilisations spécifiques, on peut affirmer que I'eau constitue un des principaw éléments
naturels qui sert pour le maintien de l'état sanitaire des êtres humains et contribue
universellement à l'amélioration de Ieurs conditions de vie.

L'eau peut être aussi considérée comme un pivot du développement agricole et aussi un
pilier d'une exploitation paysanne. Production végétale et production animale demandent un
apport d'eau considérable, nécessaire à leur propre développement. Les pratiques agricoles et
d'élevage sont rendues possibles grâce à l'eau (eau de pluie et/ou eau d'irrigation, un système
artificiel permettant d'arroser les champs). Pour les plantes par exemple, le rôle de l'eau est
effectivement fondamental sous deux aspects. Non seulement qu'elle est un élément constitutif
de la plante (eau de constitution), mais elle est aussi le véhicule qui apporte à celle-ci les
déments minéraux et sa nourriture (eau de végétation). Les résultats de recherche en biologie
ammient que la matière végétale contient 60 a 95% d'eau1; et il faut 1 500 litres d'eau pour
faire 1 kg de blé. Ce qui veut dire que la vie végétale et animale dépend également de l'eau.

I
M. Poirée et C.Oliier, Imgation :les riseaux dïmgation :théorie et économie des arrosages, Edition Eyrolles,
Paris V, 1966.
Dans le domaine de I'environnement, l'eau maintient en équilibre les kosystèmes.
L'eau polluée se présente comme un grand danger pour la vie humaine.

1.1.1.2. Les autres fonctions et usages de l'eau

D'autres usages méritent d'être mentionnés, ne serait-ce qu'à titre indicatif. Notons par
exemple l'importance de l'eau dans l'industrie, soit en tant que source d'énergie pour faire tourner
les machines de fabrication, soit en tant qu'eau de lavage et de nettoyage des matières premières
ou de refkoidissement des produits soit encore en tant que partie intégrante même des produits à
fabriquer. A titre d'illustration, il faut 300 à 500 litres d'eau pour obtenir 1 kg d'acier, 25 litres
d'eau pour produire 1 litre de bière et 1 million de litres d'eau pour fabriquer 25 g de
streptomycine: un antibiotique efficace notamment contre la tuberculose2. Il convient de noter le
difficile arbitrage de la concurrence entre l'eau industrielle, Veau agricole et l'eau domestique
compte tenu de I'importance des besoins de chacune des ces activités.

Ce liquide naturel peut s e ~pour


r le transport. C'es~un milieu de vie pour les plantes
sous-marines ( algues ) et les plantes aquatiques ( riz ), pour certaines espèces animales dont
elle est la bio-espace notamment les poissons et les mammifères marins et aquatiques.
Mais, elle présente aussi paradoxaiement une autre figure. Elle symbolise également la mort.

1.1.2. Les caractères néfastes de I'eau

1.1.2.1. L'eau : symbole de la mort

S'appuyant sur la Bible, Desjeux (1985) écrit :

(dly a le déluge, continue la Bible, penàant quarantejours sur terre... Tout ce qui avait
une haleine de vie dam les narines, c'est-à-dire tout ce qui était sur terre ferme,
mounît)) (Genèse 7 : 17 et 22).
L'abondance peut être considérée comme un autre caractère néfaste de l'eau. À une
quantité excédentaire, elie est difficilement maîtrisable par l'homme et risque d'inonder les
villages, détruire les cultures et les récoltes, tuer les animaux et voire même arracher la vie
humaine. On peut citer les cas du Bangladesh, des Philippines et aussi de la côte est de
Madagascar, etc., qui sont souvent victimes d'inondations provoquées par les cyclones ou les
pluies diluviennes.

L'insuffisance etlou l'absence totale de l'eau est une condition dangereuse pour le
développement de certaines plantes trop exigeantes et d'animaux d'élevage. Dans ce cas, eile
limite les activités des producteurs et devient un objet rare. Cette rareté fait de l'eau un objet de
tiraillement et de dispute. Ainsi, elle est source de conflits de tout genre. La production agricole
diminue et l'élevage devient moins performant. Est-il nécessaire de rappeler que la famine et la
sécheresse au Sahel en 1973 et en Éthiopie en 1985 ont tué indirectement et silencieusement
une grande proportion de la population infantile a cause de la malnutrition ?

1.1.2.2. L'eau et les maladies

U n adage des médecins dit que: (< Ià où va 1 'eau, la maladie la suit a. Ce qui est
pratiquement vrai pour le cas des sociétés d e s africaines ou l'eau potable fait défaut et les
techniques et méthodes d'assainissement sont soit absentes, soit non appropriées. Dans ces
conditions, l'eau et la maladie vont de pair. Projets d'irrigation mal conçus, eau insalubre et
mauvais systèmes d'évacuation d'eaux usées constituent par voie de conséquence, des foyers de
virus et de bactéries pou. un certains nombre de maladies contagieuses. Mais d'autres facteurs
ne passent pas inaperçus pour expliquer cette situation. A ce propos, R. J. Saunders. et J. J.
informent que les maladies liées à l'eau qui affectent la santé sont assez
Warfbrd (1978)~
répandues et fréquentes dans les régions nuales des pays en voie de développement. Cette
incidence dépend du climat, de la géographie, des caractéristiques culturelles, des habitudes

D .Desjew, L 'eau :quek enjeux pour les sociétér ~ ~ Paris, 1985 :33
a?, l'Harmattan,
l
'R J. SAUNDERS. J. J. WARFORD, Lhlimentation des communautés rurales: kconomie et poliligue g é n h l e
dans le monde en développement,publié par Ia BM,Economica, Paris, 1978 :35
d'hygiène et des installations sanitaires ainsi que, bien entendu, de la quantitk et qualité de l'eau
utilisée et du mode d'évacuation des immondices. Par ailleurs, les deux auteurs soulignent que:

« les interventions volontaristes dans le domaine de l'alimentation en eau peuvent


erercer sur divers groupes de maladies m e action dzflérente, car l'un de ces groupes
est sensible aux rnodz~cationsde la qualité de l'eau, un autre à la présence ou à
l'absence d'eau. un autre aux effets indirects des euta stagnantes, etc. »

De ce fait, l'eau peut autant combattre des maladies (gale, dematose, etc) que véhiculer
certaines autres (choléra, typhoïde) ou encore retenir le schistosomiase urinaire ou rectale. En
outre, la fièvrejaune, la malaria et la maladie du sommeil ont toutes des vecteurs liés à l'eau.

De toutes ces affirmations, il se déduit malheureusement que l'eau et l'irrigation quoi


qu'il en soit représentent un mal et un bien pour les sociétés rurales africaines. Et pour abonder
dans ce sens, David Sheridan (1985) note que presque chaque fois que l'homme bloque l'eau et
l'achemine pour le développement, les maladies augmentent notamment dans les climats
tropicaux et subtropicaux, en faisant allusion à l'irrigation des cultures et aux canaux et drains
mal entretenus. Pour argumenter cette affirmation, il fait appel au biologiste américain Roberi
qui aboutit a l'hypothèse suivante :
~i1lrna.n~

((En dépit des connaissances que l'on possède sur [es voies de transmissions de la
maladie, des progrès quant au diagnostic, quant au traitement et quant à la prévention.
et malgré le nombre croissant du personnel médical qualijé, les régions proches des
nouveaux sites d'imgation continuent de manifster des accroissements alamants des
taux d 'indice de ma la dies.)^

Quelques expériences africaines montrent bien la relation néfaste de l'eau (ou de


l'irrigation) avec les maladies :
- a Assouan par exemple, la mise en eau du barrage est suivie d'une augmentation de la
prévalence de schistosoma hoematobium de 2 - 11% à 44 - 75%'
- au Ghana, l'édification du barrage d'Akosombo a entraîné une croissance de 5à 95%
de la bilharziose,

' In David Sheridan, L'infgation: promesses et danger, L'enu conne la Faim, IWarmattan, Paris, 1985 :67-68.
- au Mali, dans le cercle de Bandiagara, la mise en oeuvre d'une cinquantaine de
barrages a provoqué une augmentation de 79 B 93% de la prévalence de la schistosomiase.'

Les affirmation ci-dessus, d'une part, sous-entendent le caractère dichotomique de l'eau,


et d'autre part, constituent une sonnette d'alarme pour les programmes d'adduction d'eau,
d'assainissement et d'irrigation mal conçus. Finalement, nous n'avons qu'à reconnaître que
l'eau est en même temps, un atout et une contrainte pour le développement de l'humanité sur
tous les plans, variant dans le temps et dans l'espace. En un mot, c'est un mal nécessaire pour la
société.

1.2. LA PROBLÉMATIQUE DE L'EAU EN AFRIQUE ET LES ENJEUX DIVERS

1.2.1. Le probléme d'eau en Afrique et la mobilisation internationale

1-2.1.1. Les problèmes relatifs à l'eau

Le problème de I'eau n'est pas un phénomène récent en Afrique. Il se manifeste sous


différentes formes et est omniprésent dans toutes les sociétés rurales africaines depuis des
années. Vieux de plusieurs décennies, il ne cesse d'être un facteur de blocage important au
développement de ce continent, tant sur les plans économique, politique, social que culturel.
Ainsi, il fait même partie intégrante de la vie quotidienne des ruraux ficains. Généralement, le
problème relatif à I'eau peut se résumer en quelques points :

- insuffisance d'eau potable


- manque d'infrastructures d'assainissement
- absence de maîtrise de l'eau pour l'agriculture et l'élevage
- mécomaissance du milieu d'intervention (réalités socio-économiques, socioculturelles,
socio-politiques et environnementales, etc.)

Source: Bernard Crousse, Paul Matieu, Sidy Seck, La vallée dufleuve Sénégal :évaluation d'une décennie
d'aménagement :/98û-1990,Karthala, Paris, 1991 :56.
Mais la préoccupation intemationde a pris de I'ampleur suite à l'évolution de la
technologie industrielle qui devient de plus en plus exigeante. La croissance démographique
vient amplifier l'intensité du problème et fait augmenter le nombre de bouches A nourrir dans
une situation de déficit afimmtaire. causée par une sécheresse répetitive. Le cas de l'fique
sahélienne constitue une des causes principales de cette préoccupation. Divers organismes et
institutions intemationaux et nationam, publics et parapublics ont réagi à l'appel de
I'Organisation des Nations Unies (ONU) pour faire de la période 1980 à 1990, une décennie de
l'eau potable et de l'assainissement.

Malgré ces réponses encourageantes et en dépit des réalisations concrètes sur le terrain,
il est d'une évidence très marquée que la plupart des projets entrepris ont comme résultats des
échecs. Beaucoup de documents le confirment en faisant remarquer qu'une négligence de la
dimension sociale semble donner la priorité aux aspects techniques, économiques et financiers.
Dominique ~esjeux"l985) constate que le thème de la décennie de l'eau potable et
d'assainissement laisse croire que:

- les actions à mener sont principalement d'ordre technique et financier sans que soit pris
en compte le milieu culturel dans lequel s'implante une nouvelle technique
d'approvisionnement ou d'assainissement de l'eau ou sans tenir compte des rapports de pouvoir
et des enjeux économiques internationaux qui sous-tendent les programmes d'intervention sur
l'eau.
- les problèmes de l'eau se posent autant dans le Tiers Monde, que dans les pays
industrialisés, aussi bien sur la quantité que sur la qualité. La France a connu aussi des
problèmes de sécheresse et d'excès en eau en 1976 et 1983.
- la dimension sanitaire ou médicale de l'eau, peut être isolée des autres utilisations de
I'eau telle l'agriculture ou l'industrie, alors qu'elles entrent souvent en concurrence avec
le besoin en eau lié à l'alimentation ou à la santé.

Dominique Desjeu, L'eau. Quek enjeux pour les sociétéz rurales ?. l'Harmattan, Paris, 1985 : 11
Par ailleurs, N. B. Ayibotela (1990)~reconnaît qu'aussi nombreux que soient les
bénéficiaires ,il reste encore beaucoup d'êtres humains dont les besoins n'ont pas été satisfaits.
Axée sur Ies obstacles juridiques, son évduation des projets entrepris dans le cadre de la
décennie de l'eau reste partielle . Le contexte social et culturel, vu par P. paris8 (1985) comme
facteurs déterminants dans 1'~valuation des projets concemant 1' adduction d'eau et
d'assainissement, sont considérés comme secondaires par N. B. Aybotela Certes, il est
beaucoup plus facile de trouver une solution à un problème technique ou juridique que d'en
chercher pour un problème social ou culturel; mais, occulter ce genre de problème n'est autre
également que récidiver les échecs.

L'absence de participation populaire dans ces projets a été signalée par N.B. Ayibotela,
un spécialiste en ressources naturelles (eau), non pas en terme d'implication de la population
dans les différentes phases du projet mais en terme de simple consultation et de
participation/contribution aux coûts d'entretien et de maintenance des infrastructures. II est très
certain que la recommandation à faire participer la population de cette manière va encore
amener les projets à répéter les mêmes emem pour d'autres échecs.

« L'eau est un don provenant de Dieu, exprimanr son amour envers l'homme, sa création; et
pourquoi l'homme lui-même nous la fait payer ? L'eau ne s'achète pas ni se vend et gare d
celui qui tente de la considérer comme marchandise. La colère de Dieu tombera sur lui et il
n 'irajamais au paradis a dixit un paysan du Sud de Madagascar en répliquant à la demande
d'un technicien de lui faire payer une redevance. La seule solution pour résoudre le problème
est de trouver un modèle de participation conçu avec la population et qui rime avec cette
rationalité. En plus, il est sage d'éviter toute imposition quelle que soit la forme.

La participation de la population prend une autre dimension, qu'il s'agisse de projet


d'adduction d'eau ou de projet d'irrigation. En effet, elle exige la prise en compte de la femme
et des enfants, catégorie sociale qui marque son absence dans presque tout projet. Cette
-

' In NATIONS UNIES, « Les obstacles juridiques et institutionnels de la Décennie Intemational de L'Eau Potable
et de l'Assainissement ». Ressources natureIZes/SénneEau n023. Département de la coopération technique pour le
développement, Commission économique pour l'Afrique. Litho, United Nations,New York, Déc. 1990.135 p.
P. Paris,Les programmes d'hydraulique villageoire au Sahel. Un car d 'interventiondans les sociétés ruraZesPIn
Dominique Desjeux, L'eau. Quels enjeuxpour les sociétés rurales ?, l'Harmattan, Paris, 1985.pp. 41-64
considération n'a pas de sens, sans tenir compte des aspects culturels qui tournent autour de
l'eau, des usages divers de celle-ci ainsi que de la place et des rôles qu'elle joue dans les
sociétés males afkicaines.

Claudette Savonnet-Guyot (1985)explicite l'échec d'un creusage de puits, équipés de


pompe manuelle ;un progrès technologique, pourtant, mal accueilli par la population féminine
du village Koulango en Côte-d'Ivoire. Les femmes de ce village retournent puiser l'eau dans le
marigot distant de plus d'un kilomètre de leur habitation au lieu d'aller la chercher dans le puits
construit par le projet, au coeur du village. Ce genre de comportement de refus s'explique par
une simple et unique raison:

(( ce puits placé au centre du M'Zloge, & la vue de tous, les privait de ces précieux instants

de liberté où, loin des regards des hommes, elles pouvaient se retrouver entre elles,
procéder à leur toilette, rire et plaisanter sans contrainte, lm maris étant, bien sûr, les
sujets favoris de ces plaisanteries.»9

Cet exemple laisse entrevoir la non prise en compte des facteurs socioculturels qui
participent ii la structuration des programmes de développement.

1.2.1.2. Les PVD et le Sahel : Iieux de rencontre des institutions


internationales

Vue cette importance acquise et universelle de l'eau et compte tenu des rôles et
fonctions prépondérants qu'elle joue dans la vie quotidie~ede tous les êtres vivants, un grand
nombre d'institutions et d'organismes internationaux se prononcent, intéressés par la
problématique. Face à la situation problématique, plusieurs organismes de financement tels la
BM, la BAD, le CCE,lYACDI,la BADEAS le FAC, I'USAID, etc. les différentes branches de
I'ONU en l'occurrence la FAO, le PNUD, l'UNICEF se lancent dans le montage de
programmes et projets concernant l'eau. Au niveau même du continent anicain, il y avait une
grande mobilisation depuis la période coloniale et après les indépendances. La plus marquante
est la constitution du CILSS en septembre 1973, regroupant 9 pays ficains et subissant

Claudette Savonnet-Guyot et a& Les politiques de I'eau en Afnque :développement agricole etpartic@atim
paysanne, ACCT et CNRS, Economica, Paris 1985 :201

28
ensemble la percée progressive du désert et la manifestation répétitive de la sécheresse. Des
conférences, séminaires, colloques internationaux de toutes sortes se sont institutionnalisés par
la suite et ont mis au centre du débat l'eau et sa problématique, considérée sur tous les plans,
dans tous ses aspects.

Après avoir constaté que les co~~l~~lunautés


urbaines et d e s de I'AfEque s o e e n t
davantage d'un manque chronique d'eau potable et d'hfkastmctures d'approvisionnement et
d'assainissement, les manifestations internationales se sont multipliées en définissant des
recommandations tendant à résoudre le probléme. Des textes se sont élaborés et ont décrété
l'adoption d'une date comme « la journée internationale de l'eau >> ou une année comme
<< l'année internationale de l'eau ». La désertification au Sahel a bénéficié d'une conférence
spéciale intitulée : conférenct. internationale de la désertification, etc. La plus récente des
déclarations de ce genre est issue de Ia conférence des Nations Unies sur l'eau, tenue à Mar Del
Plata (Argentine) en mars 1979. Et l'année suivante même, il a été déclaré, le 30 Novembre
1980, comme Décennie Internationale de l'Eau Potable et de l'Assainissement ( D.I.E.P.A. ), la
période 1981-1990. L'objectif étant de fournir de l'eau saine a plus de la moitié de la population
du globe qui en manque aujourd'hui, principalement dans le Tiers onde."

L'ACDI a estimé que 2 milliards d'hommes sont privés d'eau potable et d'installation
sanitaire. Cela témoigne d'une façon consternante de la souffrance, des maladies et de la
mortalité qui sévissent dans l'ensemble des P.V.D. Pour faire face au grand défi lancé, des
programmes, projets et actions dans le domaine de I'approvisionnement en eau potable et de
I'assainissement se sont élaborés massivement en faveur des pays où le problème atteint son
plus haut degré. Dans ce grand « bouillonnement », les bailleurs de fonds internationaux @.My
BAD, USAID, FAC, ACDI, etc.), les pays de coopération bilatérale et les organismes non
gouvernementaux se prononcent prêts a supporter financièrement ces programmes, gérés par
des organismes publics et para publics.

Les gouvernements des pays touchés par le problème ont répondu également à cet appel
de l'ONU et se lancent dans la révision de leur plan national de développement économique,

'O Nations Unies,Les obstacles juridiques et institutionnels de la D.I.E.P.A., Ressources n~hrreZIes/Séérie


Eau. n023.

29
social et sanitaire. Ces plans doivent mettre en priorité la question de l'eau potable qui est
considérée comme la condition sine qua non pour un mieux-être de la population.

Mais quels sont les enjeux liés à cette subsistance liquide, supposée être en même temps
la cause et l'objet principal de ce bouillonnement international ?

1.2.2. Les enjeux de l'eau

Ils sont d'ordre économique, financier, politique (rapport de pouvoir), éducatiomel et


culturel.

1.2.2.1. L'enjeu financier

Financièrement, l'eau a pu mobiliser une énorme somme d'argent. Comme si elle était
budgétivore fi. L'ACDI, à elle seule, a investi, depuis 1968, 700 millions de dollars pour
tenter de mettre fin au problème. Mais investir demeure un gaspillage d'argent si cela n'apporte
pas de changements à la situation de ceux que les bailleurs de fonds ont l'habitude d'appeler les
«bénéficiaires de projets» ou les « utilisateurs finaux des innovations techniques D. Gaspillage
d'argent également si les programmes ne s'intègrent pas dans le cadre de la politique et la
planification globale nationales des pays qui hébergent les investissements, ou si on ne tient
surtout pas compte des réalités et logiques socioculturelles du milieu d'implantation. D'ailleurs,
c'est le cas en M q u e si on fait référence aux ratés des programmes d'adduction d'eau dans les
communautés rurales. Par conséquent, l'aide fournie par les institutions hancières &rangères
se transforme en un processus d'endettement des pays soit disant bénéficiaires.

L'enjeu est donc d'ordre hancier dans la mesure oh le pays concerné ou I'ONG, qui
intervient dans son espace, incapables de s'autofinancer, doivent fonctionner grâce aux grands
bailleurs de fonds (BF)et courent demère l'argent. La création intensive des ONG au cours des
années 80/90, justifie cette course vers l'argent et renforce davantage le caractère financier de

Litho in United Nations, New York, Déc. 1990.


cet enjeu de l'eau. L'objectif d'améliorer les systèmes d'approvisiomemeat en eau potable et
d'assainissement, comme la DIEPA le préconise, est passé au second plan en faveur de
l'argent. Cela donne l'impression de dire que le problème d'eau en f i q u e est une situation
profitable pour se faire des bénéfices.

1-2.22.L'enjeu économique

L'enjeu de l'eau prend son caractère économique en &nt un objet de tirailiement entre
la production végétale et l'élevage d'une part, et entre I'agriculture et l'industrie d'autre part.
Dans le secteur agricole, les deux activités économiques devraient se compléter. Or, ce n'est pas
le cas en Mauritanie et au Sénégal où éleveurs et agriculteurs se disputent l'eau. A un niveau
plus élevé, ce genre de concurrence se manifeste entre l'agriculture et l'industrie, deux piliers de
l'économie afÏicaine. Elle se fait d'une manière très complexe et compliquée. Tout d'abord, la
première a besoin d'eau pour produire les matières premières à transformer par l'industrie.
Celle-ci, une grande consommatrice d'eau, en a aussi besoin dans toutes les chaînes de
fabrication. Laquelle des deux est la plus prioritaire ? Et comment faire pour parvenir à un
partage rationnel de l'eau ? Un arbitrage délicat. Cela dépend de la stratégie économique du
pays. Est-ce qu'il opte pour le développement agricole comme base de l'économie ou
l'inverse ?

1.2.2.3. L'enjeu d'ordre éducationnel

Le secteur eau est un foyer qui réunit plusieurs disciplines (hydrologie, pédologie,
économie, médecine, géographie, sociologie, démographie, agronomie, droit, écologie,
environnement, anthropologie, etc) entre lesquelles une synergie devrait s'installer à la place de
querelles d'école et de cloiso~ementdisciplinaire. Dans la pratique, pour qu'un programme
d'adduction d'eau ou d'irrigation réussisse, une interdisciplinarité devrait s'imposer. La preuve
est qu'actuellement beaucoup de spécialistes s'y impliquent et y trouvent leur compte en
interrelation avec les autres.
1.22.4. L'enjeu d'ordre culturel

Outre les divers usages de I'eau selon les cultures, celle-ci véhicule aussi des nomes et
valeurs socioculturelles, qui varient d'un pays à un autre, d'un clan à un autre, d'un groupe
social à un autre groupe social. L'eau peut symboliser les nomes sociales et se doter d'une
valeur culturelle. Pour une ethnie de la région du sud de Madagascar par exemple, l'eau est
considérée comme un Dieu qui peut donner ou enlever une vie selon sa volonté. ElIe symbolise
la force et le pouvoir.

1.2.2.5. L'enjeu d'ordre politique

L'enjeu politique de l'eau se traduit ici en terme de rapport de pouvoir. En général, il se


manifeste entre les notables du village et l'association paysanne gestionnaire de I'eau
d'irrigation. A cause de la mise en place d'une structuration paysanne qui gère l'eau, l'autorité
publique locale perd petit à petit sa crédibilité car la population semble plus accaparée par les
problèmes relatifs à l'eau. En d'autres ternes, les paysans sont beaucoup plus familiers à
l'association et à son président qu'à l'autorité administrative locale.

1.2.2.6.L'enjeu militaire

Par extension, Dominique Desjeux (1985) trouve que l'eau peut exprimer un enjeu
d'ordre militaire pour le Tiers Monde quand il se référe au bombardement des digues du fleuve
rouge au Nord du Viet Nam par les Américains en 1972 ; et pour la France, à la dernière guerre
mondiale et au bombardement des ponts.

Nous n'avons plus abordé dans cette sous-section la question sanitaire, qui a été déjà
traitée en détail dans les paragraphes précédents. Notons tout de même que la finalité des efforts
déployés en matière d'approvisionnement en eau potable est l'amélioration de l'état sanitaire de
la population en général et celle des milieux ruraux en particulier.
1.3. LES PRAT'IQUES D'IRRIGATION EN AFRIQUE

1.3.1. Considérations génkrales sur I'ïrrigation

1.3.1.1. Quelques définitions

L'apparition de l'irrigation comme technologie agricole est située dans le temps et dans
l'espace de la manière suivante. Selon Françoise Conac (1978) :

(( L 'imgation est apparue à l'aurore de la civiZisation sur les terres occidentdes de la


Méditerranée. Dès Za plus haute antiquité, elle a été à l'origine de progrés décisifs de
1 *a*-cuzture s".

F. ~ u ~ a u ~ u i e r ( l 9 9 0tout
) ' ~ ,en posant le problème en tenne générique, introduit le
rapport entre l'Afrique et cette technologie. À ce propos, il précise que :
(( L'irrigation est une pratique agricole vieille comme le monde ;les grandes civilisations
que l 'on vient d 'évoquer lui doivent tout leur éclat.». Et se demande (( Pourquoi. ci 2 'aube
du siècle, 1;4fnque ne pourrait-elle en recréer des semblables avec les mêmes
possibilités ? »

Les toutes premières réalisations à l'époque des anciennes civilisations se trouvent dans
les vallées et delta du Nil en Égypte, dans ceux du Tigre et de l'Euphrate en Mésopotamie, en
Inde et en Chine.

Par définition << irriguer fi c'est arroser. Dans le domaine de l'agriculture, le texme
irrigation, perçu techniquement comme une suite d'opérations ou manières d'imguer, n'a pas
tellement subi un tiraillement conceptuel pour se préciser. 11 peut se définir par ses propres
caractéristiques selon les circonstances et le contexte dans lesquels il s'applique et évolue.
Ainsi, nous répertorions les quelques principaux types d'irrigation suivants :

Il
Françoise Conac, Imgution et développement agricole :l'exemple des pays méditerranéem et danubiens,
SEDES :C »DDU.,France , 1978. :8.
'' F. Dugauquier, et J. Hecq, Périmènes in-&ués villageois en Afnque sahélienne. CTCAR, Corlet, Imprimeur,
- Inrigation par ruissellement, - Irrigation par submersion,
- Irrigation par aspersion, - Irrigation par infiltration.

Dans un sens général, le Grand dictionnaire encyclopédique définit l'imgaiion comme


étant

(( un apport d'eau réahé sur un terrain cultivé ou une prairie en vue de compenser

l'insuffisance des précipitations etfou de réserves hydriques du sol et aussi de penneme


le plein de développement des plantes d3.

Outre le sens ou l'idée d'apport d'eau qu'elle renfe~~le,


cette délimitation laisse
entrevoir une problématique mettant en question la disponibilité en quantité sufnsante de l'eau
pour l'agriculture. De par cette définition, Larousse laisse entendre également le fait que
l'irrigation est un ensemble de systèmes artificiels, monté par l'homme dont la finalité est de
satisfaire les besoins de l'agriculture et ses propres besoins. Cela exprime la mainmise de
l'homme sur cet élément naturel qui est I'eau. L'irrigation sous-entend aussi l'agriculture
irriguée qui se définit selon Geert Diemer, Van Der ~ a a n(1987)
' ~ comme étant

(( un processus dynamique mis en place par des hommes qui veulent amener l'eau à des
moments par eux déterminés. en quantités par ewc déterminées, à des endroits par ewr
déterminés, et qui se poursuit, stagne el dispurait par suite de 1 'interaction entre les
modifications du système de production et les modz~cationsde la smicture sociale »

L'irrigation est artificielle par comparaison à l'arrosage par l'eau de pluie. Ainsi,
I'insuffisance ou l'abondance de I'eau ne dkpend que de l'importance des activités de l'homme
(déforestation, feux de brousse, gestion et maîtrise de I'eau, etc.,). Quoiqu'il en soit, l'irrigation
n'est pas la seule technique destinée à palier l'insuffisance des précipitations ou de l'eau
agricole. Toutefois, elle demeure le moyen le plus efficace, entre autres pour freiner la
sécheresse, et l'une des conditions de base de l'augmentation de la production.

France, Juin 1985 : 9.


I3 Grand dictionnaire encyclopédique, Librairie Larousse, Paris, 1984, T.6 :5694.
" Gert Diemer, et EiienVan Der Laan, L'imgution au Sahel, Karîhaia, Paris, 1987 :26
En ce qui les concerne, les ingénieurs agronomes et hydrauliciens perçoivent l'ixrigation
comme un ensemble d'bfhstmctures réunissant la physique et la technique et dont le but
principal réside dans la maîtrise totale de l'eau pour l'agriculturee D'oc une autre définition :
Art d'apporter volontairement de 1 'eau à un sol,généralement en vue de prévenir les
effèts de la sécheresse N ".

Et le Larousse agricole de préciser : (( Rkstcltat d'une volonté humaine délibérée.


Z'imgation comprend Za mobilisntion des ressources en eau., le tramport de celle-ci et sa
redistribution entre les dzfférentes parcelles du terrain à im-guer S.

Selon une perception sociologique, l'irrigation constitue un terrain d'exercice des


interactions sociales ou des rapports de pouvoir. Deux niveaux d'analyse s90£Eentà nous:

- d'une part, rapport de pouvoir entre l'homme et la nature au sein duque1 le premier
voudrait exprimer sa suprématie sur le deuxième. De ce fait, il s'agit donc d'un rapport de
domination.
- d'autre part, ce rapport de pouvoir descend à un niveau plus bas où l'irrigation se
transforme en un champ de bataille pour différents groupes sociaux impliqués. A ce niveau,
c'est la loi de la concurrence qui règne et détennine la vie sociale. Explicitement, c'est un
rapport de pouvoir dans le sens où chaque acteur ou chaque groupe d'acteurs est le centre de
reflet de différents intérêts ou groupes d'intérêts. Ceux-ci peuvent varier selon les objectifs de
chacun, ses façons d'agir et ses modes de penser. En somme, chaque groupe d'intérêts a sa ou
ses propres façons de définir l'imgation, dans son sens caché ou dans son sens manifeste.

A titre d'information, l'irrigation peut rassembler plusieurs acteurs qui interviennent


partiellement ou entièrement suivant le cas. Citons les bailleurs de fond, les divers investisseurs,
les technocrates et spécialistes des sciences sociales, relevant de diverses disciplines, les ONG,
les OG, l'ensemble de la masse d e repartie en catégories et classes sociales, etc. qui
pourraient définir l'imgation selon la technicité individuelle ou institutionnelle.

- - -- -
-

15
Dictionnaire de Z 'agriculture:Larouse agricole, Librairie Larousse, Paris, c 1984.
1.3.1 2. Les avantages et Ies désavantages de l'irrigation

Compte tenu des considérations gémides faites autour de l'irrigation, celle-ci couvre en
même temps des avantages et des inconvénients. À ce titre, dans les pays en voie de
développement, qui ont une vocation agricole, on attend de I'imgation un renforcement de la
lutte contre la désertification, une augmentation de la production agricole alimentaire, une
amélioration du revenu paysan lui permenant par la suite, d'avoir des conditions de vie
meilleures et à long terme, une contribution à l'atteinte de l'autosunisance alimentaire.

Il est un fait que seulement 15 % des terres cultivées sont irriguées, mais celles-ci
produisent plus des 40 % de toutes les récoltes à l'échelle mondiale. Sur le plan superficie,
l'irrigation a connu une évolution relative passant de 106 millions d'hectares à 215 millions
d'hectares au cours des 25 dernières années. Et plus de 70 % des terres higuées de par le
monde se trouvent dans les PVD. La région la moins imguée du monde, I'Afkique sub-
saharieme où l'on irrigue moins de 1 % des terres arables ,connaît aujourd'hui les problèmes
alimentaires les plus aigus. Quelques 150 millions de gens vivent dans les pays d ' f i q u e
dévastés par la sécheresse, selon la commission économique des Nations Unies. C'est pourquoi,
on entend fkéquemment des mises en garde contre la << méga famine N F A O N , (1979).

L'irrigation peut présenter également des désavantages. Une mauvaise conception et


gestion des systèmes d'irrigation peut entraûier une dégradation des sols par le phénomène de
<< salinisation » et d'engorgement, les rendant désertiques et non propices à l'agriculture. Elle
peut être une grande source de conflits sociaux si la réalisation ne tient pas compte de la
dimension sociale. Tensions entre paysans ayant leurs terres situées en amont d'un réseau
hydraulique, et ceux ayant les leurs décalées en aval, tensions dues à la mauvaise gestion de
l'eau. Il en résulte de ces confIits une différenciation sociale qui peut aller jusqu'à une division
des usagers de l'eau en deux catégories bien distinctes:

- les paysans ayant de bonnes conditions d'irrigation, pouvant devenir de grands


propriétaires fonciers et a métayeun »,à revenus excédentaires, c'est-à-dire des paysans riches,
- et celle qui est formée de paysans de l'aval, ayant leurs parcelles mal irriguées et
improductives, contraints à les abandonner ou à les vendre, devenus dépendants de la première
catégorie en tant que salariés agricoles ou métayers: donc paysans sans terres et paysans
pauvres.

Étant donné que l'eau est un milieu favorable ii la propagation des maladies, les petits
marais, les marres, les étangs et les canaux d'irrigation mal entretenus foumissent des sites
parfats pour la transmissions de I'ankylistome, favonse le paludisme, la filariose et la
bilharziose.

Des impacts et effets néfastes sur le sol, la santé animale et celle de l'homme,
proviennent de L'utilisation accrue des produits chimiques (engrais et pesticides), une technique
d'intensification agricole exigée par I'imgation.

1.3.1 -3. L'imgation en M q u e de I'ouest

Depuis plusieurs décennies, de nombreux pays en voie de développement font (

l'irrigation l'ossature de leurs politiques de développement agricole, développement rural et par


extension de développement économique. En Af'rique en général et au Sahel en pa.rticulier,
l'irrigation a existé bien avant même les périodes d'indépendance. Antérieurement, les colons
s'intéressaient à cette innovation occidentale pour faUe produire du coton au Mali, de l'arachide
au Sénégal et en Mauritanie afin de ravitailler la Métropole. Un peu plus tard, ils se sont rendu
compte que la crise vivrière a été une grande explication de la dégradation de la production
cotonnière et arachidière. Par conséquent, ils avaient intérêt à développer parallèlement le
culture céréalière pour le ravitaillement de l'organisation coloniale de l ' e q u e . Depuis ce
temps, l'inigation n'a pas cessé d'être une priorité dans la planification nationale pou. lutter
contre la désertification, une des causes principales de la pauvreté et de la famine. Parallèlement
à cela, le taux de croissance démographique dans les pays touchés par le problème suit un
rythme vertigineux. Le présence de plusieurs grands fleuves internationaux qui sillonnent le
continent constitue un atout considérable pour résoudre le problème et atteindre I'autosuffisance
alimentaire. Mais malgré cela, l'importance de l'imgation varie grandement suivant les États.
La classification de la FA0 fait qu'elle est très importante pour 5 pays (l'Égypte, le Soudan,
l'Afrique du sud, le Maroc et Madagascar) qui couvrent seulement 19% de la superficie totale
de 1'Anique et qui ont à eux seuls plus de 60% des terres avec contrôle de l'eau. A l'inverse, 28
pays, qui couvrant 30% de la superficie totale de 1'Anique se partagent à peine 5% des terres
avec contrôle de l'eau'?

Étant donnée cette disparité, faire une présentation générale de toutes les expériences
africaines en matière d'imgation risquerait de se Iimiter à une description épidermique de la
problématique. Cependant, nous avons choisi de traiter expressément le cas de la vallée du
fleuve Sénégal a cause de la relative homogénéité qu'elle représente dans le Sahel et dans
l'ensemble de I ' f i q u e occidentale. La vallée met en cause trois pays, le Sénégal, le Mali et la
Mauritanie qui partagent les caractéristiques suivantes :

a) ils sont tous membres du CLSS


b) ils ont tous une irrigation dépendant en partie sinon entièrement du fleuve Sénégal ou
de ses affluents,
c) ils sont les tenants des toutes premières expériences en irrigation moderne. À cela
s'ajoute le fait qu'ils sont classés parmi les pays que la FA0 désigne ayant une irrigation
importante dans la partie occidentale de I ' f i q u e . Ils sont parmi les pays disposant le plus de
surfaces irriguées en ayant successivement 193.000 ha au Mali, 62.488 ha en Mauritanie et
32.000 ha au sénégali7,
d) ils forment le groupe de pays les plus affectés par le déficit pluviométrique et par des
sécheresses répétitives. En 1980, Le Mali a perdu 40% de sa récolte de mil et de sorgho ; la
Mauritanie n'a engrangé que les 25 K de sa récolte normale, soit à peine 28.000 tonnes de
céréales ; le Sénégal, quant à lui, a enregistré une baisse de 50 % de sa production d'arachide
par rapport aux années 60,
e) ils ont la même option et le même choix politiques en matière d'imgation; d'où le
montage de programmes communs d'irrigation dans le cadre de I'OMVS.

.. ...-. -

l6 Source: FAO, Irrigation in Afica in Figures, FAONN, Rome, 1995 :23.


l7 Source: FAO, Irrigation in Afica in Figures, FAONN, Rome, 1995 :33
1.3.2. Les grands phimètres irrigués (GPI)

1.3.2.1. Quelques repères historiques

En f i q u e de l'Ouest, l'irrigation était presque inconnue des systèmes agraires,


essentiellement dominés par l'élevage. La première tentative de mise en valeur de la vallée du
fleuve Sénégal remonte à l'époque coloniale vers 1824. Depuis le début du XIXè siècle donc, la
vallée du Sénégal fait figure d'un territoire à aménager.

Richard Toll a ainsi essayé d'aménager des jardins, malheureusement abandonnés


rapidement à cause des contraintes techniques et physiques et du fait de l'hostilité des
populations. (Hardy, 1921;Barry, 1972).

La repxise a été faite vers le début du XXè siècle, suite à des multipIes missions de
prospection à savoir la mission Mathy en 1905, celle de Bélime en 1922 et celle d'Auguier en
1928. Il ressort de ces trois missions la difficulté de mettre en valeur le potentiel pédologique
important et de ressources en eau considérables. Par conséquent, l'idée d'aménager la vallée a
été une deuxième fois abandonnée à cause du coût élevé des investissements envisagés; mais
cette fois-ci en faveur de la colonie du Soudan (actuel Mali). Ce qui a favorisé la naissance de
I'Office du Niger.

Les missions de prospection ont repris en 1937 avec la création de la MAS (Mission
d'Aménagement du Sénégal): mission issue de la crise céréalière qu'a vécue le Sénégal et la
plupart des pays du Sahel à l'époque.

Ce n'est qu'en 1939 que les premières réalisations font leur apparition avec le périmètre
de Gédé-Chantier irrigué en submersion contrôlée et exploité par des colons. Entre 1946 et
1956, un casier rizicole de 6 000 ha a été créé et irrigué en maîtrise d'eau par la MAS.

Du côté de la Mauritanie. à la même époque, les services de l'agriculture ont mis


valeur le périmètre de Dar-el-Barka (Seck, 1986). Les premières expériences en matières
grands aménagements hydro-agricoles avec la participation des populations locales ne seront
entreprises que dans les années 60. Ainsi, I'OAD et I'OAV ont pu aménagé 3500 ha de cuvettes
inondabIes en submersion. Mais Diagne (1974 ) et Seck ( 1978 )nous font remarquer que les
deux structures (OADet OAV) sont dissoutes et ont été remplacées par la SAED en 1965 qui se
doit de remplir deux missions bien précises:

- aménager 30.000 ha pour produire 60.000 tonnes de riz afin de réduire le déficit vivrier
des pays dépendants de la vallée du fleuve Sénégal, (soit un rendement nPcole de 10 tomes à
l'hectare); un objectif un peu trop ambitieux.
- organiser le peuplement de la zone en accroissant le niveau de vie des exploitants.

Une évaluation économique effectuée en 1980 a conclu que les coûts de production sont
très élevés; et il fallait à l'époque arrêter les grands aménagements. Les États concernés ont
considéré cette recommandation et s'orientent vers de nouvelles stratégies en développant les
périmètres villageois.

1.3.2.2. Les caractéristique des grands aménagements hydro-agricoles

Tout d'abord, il convient de noter que nous entendons par grands aménagements, les
grands périmètres irrigués de plus de 1.000 ha disposant d'un endiguement, équipés d'une
station de pompage, d'un réseau de drainage, gérés par une société d'État de développement: la
SONADER (créée en 1976) en Mauritanie et la SAED au Sénégal (fondée en 1965). Les grands
périmètres irrigués ne concernent pas tellement la partie malienne alimentée par le fleuve
Sénégal, qui se trouve fortement caractérisée par les périmètres villageois.

Ces Grands Périmètres (GP), plus de 1 000 hectares, se répartissent en unités


hydrauliques de 10 à 15 ha dont chacune d'elles regroupe une vingtaine d'exploitations de 1 à
1'5 ha par producteur, membre d'office d'un groupement de producteun. Elles sont gérées par
les sociétés d' encadrement qui, selon un cahier de charges, ont plusieurs responsabilités. Charge
à celles-ci donc
- d'encadrer techniquement les exploitants,
- de fournir aux paysans les intrants nécessaires à la production,
- d'assurer la répartition de l'eau en k a n t le calendrier cultural,
- de préparer les terrains de production avec leurs propres engins et matériels
(prestations de service),
- d'assurer le fonctionnement et entretiens du réseau et équipements hydrauliques, de
même que le contrôle et la gestion foncière des tmes.

Les groupements de producteurs au Sénégal, groupements villageois pré-coopératifs ou


coopératives en Mauritanie doivent former un bureau dirigé par un président, lequel doit
constituer l'interlocuteur principal des sociétés d'encadrement. La participation des paysans
s'est limitée au paiement des redevances par hectare aménagé et exploité, et aux petits
entretiens jugés a la portée des groupements (en argent et en main-d'oeuvre).

1.3.2.3. Avantages et inconvénients des GPI

Les caractéristiques brièvement présentées nous conduisent à développer un peu plus


les avantages et les inconvénients de ces grandes réalisations hydro-agricoles de la vallée du
fleuve Sénégal. Dans ce cas, elles déterminent le fait que,

- les grands périmètres constituent un aménagement techniquement fiable. Les parcelles


de grande taille autorisent le recoun à la mécanisation et l'intensification afin de produire du
surplus commercialisable,
- ces expériences ont permis à la population de se familiariser avec les techniques
d'imgation et de la gestion de l'agriculture imguée,
- ils ont permis également aux paysans de comprendre le fonctionnement de l'État à
travers des sociétés d'encadrement, occasion par laquelle l'autodétermination paysanne est mise
à l'épreuve.

Mais, en dépit des efforts apportés et de l'attention particulière accordée aux grands
périmètres irrigués ainsi que l'importance des ressources hancières, techniques et humaines
investies. les résultats restent toujours décevants selon les spécialistes en évaluation. Mais
comment s'expliquent les échecs de ces grandes entreprises ?

Ces grands périmètres présentent également de gros désavantages que les concepteurs
reconnaissent et que de nombreux évaluateurs considèrent comme facteurs d'explication de ces
échecs. Ils sont d'ordre technique, physique, économique, politique et social interreliés dont les
principaux paramètres sont les suivants:

- le coût financier très élevé des aménagements physiques. Les caractères techniques très
complexes, voire même sophistiqués engagent beaucoup de fonds et rendent difficiles et
coûteux la maintenance et les entretiens. Avec ces derniers se conjuguent les coûts de
fonctionnement et les investissements pour l'assistance technique,
- I'inévitable réhabilitation ou remise en état suite aux dégradations rapides des réseaux;
celles-ci sont liées aux problèmes de maintenance et d'entretien,
- I'impossible extension de ce type de périmètre à cause de sa grande taille, sinon les
prob Ièmes fonciers se mu1tiplieraient,
- la gestion centralisée du périmètre s'opposant à une responsabilisation des producteurs,
- l'absence des populations concernées dans les différentes phases du projet,
- la dégradation de I'environnement. II faut compter, pour chaque hectare aménagé, un
hectare de terrain mis hors production à cause de la salinkation,
- l'aménagement des grands périmètres d'imgation implique un déboisement qui sera
multiplié en fonction du nombre de paysans installés ramassant du bois de chauffage,
- I'ixrigation est aussi néfaste à la flore et aux peuplements piscicoles,
- l'inégalité sociale qui trouve sa source dans l'abus de pouvoir des fonctionnaires et
militaires de la région s'attribuant des terrains. Cette manoeuvre illicite des gens qui
n'appartiennent même pas à la société locale. génère la pratique du métayage et du fermage,
modes de faire valoir exploitant les producteurs démunis.
- l'endettement d'un grand nombre de paysans auprès des services d'irrigation à cause
des coûts de production très élevés sans pouvoir donner des rendements satisfaisantsyetc.
Gert Diemer et Elle Van Der Laan (1987)18,concluent d'une manière intemogative comme suit:

(( Les grands périmètres conm*buenrdonc peu , sur le plan national, à lu relance de la


production agricole ou à l'économie des d d e s , et sur le plan locnl, à l 'égalité sociale
ou 6 la conservation du milieu physique. Cet état de chose est-il du' â Z'imgation ou ara
caractéristiques des techniques dimgation occidentales?

Nous pouvons conclure de notre côté que les aménagements de ce genre constituent un
milieu favorable à la naissance de nouveaux rapports sociaux. Ii s'agit des relations des
producteurs, groupe social majoritaire avec celui minoritaire des techniciens, des fonctionnaires,
des fournisseurs d'intrants, des collecteurs des produits agricoles, des hommes politiques, des
pouvoirs publics, des ONG, ou encore des immigrants. Ces interférences de relations sociales se
sont toujours manifestées en défaveur de la grande masse de la communauté locale, d'où
l'inégalité sociale constatée dans les périmètres.

Considérant ces échecs, les bailleurs de fonds internationaux ont pris la décision de ne
plus investir dans de nouveaux aménagements. Cette mesure recommande par contre la remise
en état de ce qui existe; une nouvelle donne dans la politique d'irrigation et la stratégie de
développement agricole du Sahel en général et de lYAf?iqueoccidentale en particulier.

Parallèlement à cela, une prise de conscience amène les populations de la vallée à


décider elles-mêmes de leur sort. Ainsi, des initiatives paysannes surgissent pour dépasser les
formes de groupements coopératifs en initiant le type de groupements villageois. De par cette
institution réduite et moins complexe, les paysans se mettent d'accord pour la mise en valeur
commune des terroirs villageois. C'est ainsi que sont nés les Périmètres Irrigués Villageois
(Pmou Petits Périmètres Villageois PPV) en Mauritanie, au Sénégal et au Mali.

-- -- -- -

" Gert Diemer et Ellen Van der taan,L 'imgution au Sahel. Paris Kanhala, 1987 : 16.
1.33. L'irrigation villageoise en Afrique sahélienne

1.3.3.1. Naissance des Périmètres f i g u é s Villageois (PIV)

Les brèves présentations des avantages et des inconvénients de l'irrigation dans la sous-
section précédente permettent de déduire que l'irrigation couvre deux facettes contradictoires.
Elle est un mal nécessaire pour le développement des communautés d e s . Elle doit faire face
à un certain nombre de risques, donc elle est difficile a mettre en oeuvre avec succès et
efficacité. Toutefois, cette afnrmation n'est pas une vérité absolue si on se réfère aux succès
enregistrés par les PIV. Iis sont nés de la rencontre des initiatives, de la volonté des paysans du
Sahel et de l'existence d'une technique d'irrigation à superficie réduite, formule élaborée par les
ingénieun de la FA0 / OMVS.

11 s'agit de petits aménagements d'une vingtaine d'hectares de suface, irrigués à partir


d'un groupe motopompe de 20 Cv, soit mobile, installée sur un banc flottant, soit fixe en un
point. Ils sont garnis d'un réseau d'irrigation et de drainage pexmettant une maîtrise
relativement bonne de l'eau, malgré la simplicité des systèmes. Créés dans l'ensemble de cette
unité géographique vers les années 1970 / 1980, les PIV sont des structures vouées à répondre à
la combinaison des facteurs suivants :

- la crise climatique, caractérisée par la sécheresse pour ces pays riverains du désert en
I'occurrence la Mauritanie,le Sénégal, le Mali, le Niger, le Burkina Faso, etc.,
- la crise vivrière, suite logique des troubles climatiques. Il s'ensuit une famine criante
vers les début des années 70 au Sahel,
- la préexistence de deux facteurs techniques de changement dans l'agriculture, à savoir
la variété performante de riz, accompagnée de la technique de repiquage et la technique
d'irrigation par pompage (utilisation d'une motopompe),
- la capacité de quelques leaders paysans de faire passer I'innovation sans faire éclater
Ies traditions socioculturelles,
- avec ces facteurs se conjuguent négativement la pression démographique devenue
incontrôlable. Malgré l'importance de la migration vers la France, la Côte-d'Ivoire ou la
Gambie, le taux de croissance d h o p p h i q u e reste toutefois très élevé. À cela s'ajoute la
chance de cette portion de iYAf?iquetropicale d'être sillonnée par de grands fleuves comme le
Sénégal, le Niger, la Volta, le Chari, etc. ofhint de larges bassins favorables à la spéculation
vivrière. Ce qui a permis à J. Hecq et F. Dugauquier (1990)19d'afnrmer que

(( c'est dans ces bassins que naîtront les wais pôles de développement intorsif; wrnme
sont nées les grandes civilisations dans les vallées du Nil et de l'Euphrate N
Il est aussi certain que l'irruption spontanée de ces petits périmètres villageois résulte
des multiples échecs des grands aménagements en Afrique sahélienne. ( cf. section précédente.).
Ils sont spontanés dans le sens, où à l'origine, il s'agissait des initiatives paysannes, des façons à
eux de prendre conscience de la gravité de la famine et de la contourner. Cette prise de
conscience est en partie née du fait que les États et les grandes sociétés d'encadrement sont
tellement préoccupés par le cas des grands périmètres dont l'objectif est d'assurer
I'autosuffisance alimentaire au niveau national et régional, qu'ils ne se rendent pas compte que
cette politique devait commencer par une autosuffisance familiale rurale. Ce genre de
délaissement favorise en quelque sorte le jaiIlissement des initiatives des producteurs, les
amenant à s'organiser pour une mise en commun des efforts. En outre, les deux auteurs
soulignent que le développement des périmètres aux dimensions réduites comme le P N , serait,
selon beaucoup d'avis, de nature a supprimer plusieurs des principaux désavantages inhérents
aux grands systèmes.

11 est donc considéré comme Petit Périmètre Villageois (PPV) tout aménagement
hydraulique à vocation agricole, qui, grâce à ses dimensions réduites, constitue une unité
culturale maîtrisable par une communauté male au niveau du village. En effet, plusieurs unités
d'exploitation peuvent exister à l'intérieur d'un périmètre alimenté par un seul barrage ou d'une
même station de pompage. De telles unités peuvent aussi porter le nom de PIV. Les types de
cultures peuvent varier d'un périmètre à un autre, mais généralement ils sont conçus pour la
même cause, l'amélioration de la production vivrière. Il semble nécessaire de mentionner que
lYEtatet les sociétés d'encadrement et d'aménagement sont intewenu un peu plus tard pour

19
F. Dugauquier et J. Hecq, Périmèfres irrigués villageois en Afnque Sahélienne, CorIet Imprimeur, France, Juin,
1990 :9.
soutenir techniquement et reproduire les expériences villageoises. Notons qu'une autodiffusion
et une autovulgarisation eurent Iieu au début en l'absence d'un encadrement de l'État, des ONG
et des grands bailleurs de fonds. Ils ne se sont mafllfestés qu'à ta suite de la volonté des paysans
de se regrouper pour la mise en oeuvre d'une superfkie.

1.3.3-2. L'évolution positive des PIV

Les P N de l'ensemble du bassin du fleuve Sénégal ont connu une progression


importante qui se chifie à 1.000 ha en 1975, 10.000 ha en 1982 et 32.900 ha en 1988 avec plus
de 1.000 sites aménagés, soit à cette date, 67 % des surfaces irriguées exploitées par les
semble que les aménagements hydro-agricoles dans la vallée ont été tournés vers la
paysans.20~1
création de périmètres à dimensions réduites au cours de la période 70 188, à part le Sénégal qui
a pu aménager 13 grands périmètres en 1981 totalisant 10.530 ha. Dans le cas des PIV et PPI
plus les périmètres privés, le Mali est largement dépassé par la Mauritanie et le Sénégal.

Ces PIV ont connu beaucoup de succès partout dans I ' M q u e sahélienne. Mais les plus
surprenants s'enregistrent dans l'ensemble de la vallée du fleuve Sénégal. Grâce à la
caractéristique simple, très sommaire et moins coûteuse des aménagements, une récupération
paysanne a été facile. Sur le plan social, l'organisation interne et la gestion globale du périmètre
sont faites à la paysanne, en harmonie avec les hiérarchies et les valeurs sociales de la
communauté villageoise. Économiquement, ils sont très rentables pour les paysans, ceux-ci
étant subventionnés en intrants agricoles (semences, engrais et produits phytosanitaires) et pour
la motopompe. Les paysans du périmètre bénéficient également de l'apport d'argent issu des
membres de la famille émigrés en France ou dans des pays africains voisins. Cela constitue une
autre source de revenus, complémentaires, sinon la principale pour certaines familles, pour faire
tourner l'exploitation.

La plupart des PIV ont réalisé des rendements rizicoles très satisfaisants. En moyenne,
les exploitants gagnent 4,5 tonnes par hectare avec une pointe de 6 tonnes 1 ha et des taux
moyens de mise en valeur équivalents ou supérieurs à celui des grands périmètres. Mais ces
réussites ne tarderont pas à se transfomer en échecs quelques années plus tard. À part ce
succès d'ordre technique, d'autres points positifs A caractère social méritent d'être soulignés. A
ce propos, nous nous référons :

-à la participation volontaire des villageois, libres de toutes formes de pression et


d'imposition. Cette latitude les autorise à avoir une autonomie de gestion de prise de décision
forgée par les conditions locales,
- au fait que les expériences des PPV de la moyenne vallée du fleuve Sénégal conduisent
à une plus grande égalité sociale, Gert Diemer, Van Dear Lan (1987),
- au défi lancé par les paysans à l'État, dans la mesure où ils se montrent capables de
résoudre les problèmes par leurs propres moyens et stratégies. Cette situation permettrait à
l'État de se rendre compte que sa logique d'autosuffisante alimentaire nationale devrait donner
priorité à la logique paysanne d' autosuffisance alimentaire familiale.

De plus, les succès des PPV ou PIV serviront de bonnes références à l'État pour bien
définir ses politiques en matière d'imgation. Ces circonstances ont permis aux villageois de se
familiariser avec la technique d'irrigation. Toutefois, PPV et PVI n'échappent pas à la règle de
la dichotomie qui justifie le contraire. De ce fait, il ne faut pas perdre de vue les aspects négatifs
de ces entreprises paysannes.

1.3 -3-3. Du positif au négatif

Malgré donc les avantages reconnus des PN et les succès enregistrés, des désavantages,
se font remarquer. Comme les avantages cités auparavant, les inconvénients eux aussi relèvent
des caractéristiques propres des périmètres villageois. D'emblée, ils sont d'ordre technique,
social, économique et organisationnel et peuvent se présenter sous forme de résultats, d'impacts
ou d'autres effets pervers. Dans ce cas, on s'interroge sur la reproductibilité de ces expériences
de PIV sur lesquelles se base l'objectif de l'État d'assurer une autosuffisance alimentaire
nationale.

20 Source :OMVS / CEPC 1988


Les PIV constntits et aménagés sommairement, c'est-à-dire sans plan d'aménagement
hydraulique, ont des caractères techniques précaires. Par conséquent, ils ont subi une
dégradation rapide malgré les travaux de maintenance et d'entretien. À vrai dire, ils ne
garantissent pas une pérennité tant sur le plan technique que sur le plan organisationnel (respect
du tour d'eau, entretien régulier, etc.). Cette défaillance technique et organisationnelle, dans une
certaine mesure, est source de la désaffection des PIV et PPV pour deux raisons :

- d'une part, l'amélioration des conditions pluviométriques depuis 1984 a conduit les
villageois à abandonner les systèmes irrigués, malgré les bons rendements agronomiques, et à
retourner à l'agriculture extensive, traditionnelle a faible coût de production, en l'occurrence la
culture de décrue au Sénégal et culture pluviale au Mali.
- d'autre part, l'évolution sensible de la taille moyenne des PIV de 20 à 30 Ha n'exclut
pas pour autant la pratique du phénomène de partage entre les membres volontaires et ayant
droits, que constituent le groupement. De ce fait, les parcelles individuelles sont réduites de 0,15
à 0,20 ha, dépassant rarement le quart d'hectare par famille qui compte en moyenne 10
personnes. Cela affecte les rendements et réduit le revenu du ménage. Les paysans doivent
choisir entre, abandonner le périmètre pour les cultures de décrue ou pluviales et émigrer vers
les grands pôles de développement comme la France, les grandes villes de la Côte-d'Ivoire ou
de la Gambie.

L'hypothèse de Van Deer Lan (1987) concernant l'égalité sociale dans les PIV se trouve
ici détruite par le fait que depuis 1986, la tenure foncière dans ces périmètres est largement
dominée par les modes de faire valoir indirect. Mathieu (1991)~'cite l'exemple des périmètres
villageois de Doumga et celui du village Peul de Katoté dans la communauté de Bokidiawé
pour illustrer l'importance de ce qu'il appelle << problèmes sociaux », vus a travers des
problèmes fonciers. Il avance qu'au cours de la campagne d'hivernage, 29 parcelles ont été
cédées en métayage par les titulaires, 7 n'ont pas été cultivées, 28 seulement ont été directement
exploitées par les attributaires. L'emprunt et la vente de terres viennent renforcer ce système de
mise en valeur indirecte. Par la suite, une couche de a métayeurs et de grands propriétaires
fonciers émergent et profitent de cette situation pour faire de l'accumulation de terres. Dans ce

21
Paul Mathieu, Émile Le Bris, Étienne Le Roy, L 'appropriarion de la terre en AfBgue noire. manuel d'analyse et

48
cas, les PPV et les PIV perdent leur image démocratique, donc leur crédibilitb. Ils hébergent
l'inégalité et constituent un milieu pour le développement de la pauvreté. Compte tenu de ces
problèmes sociaux, l'agriculture intensive tend à disparaître régressivement et le recours à la
pratique traditionnelle (culture de décrue et pluviale) s'avère la seule solution possible pour les
victimes du phénornéne. De toute les façons, ces périmètres n'ont la capacité d'assurer ni la
pérennité ni la reproductibilité. La faible capacité géographique limite l'extension et la
difision ; et l'ampleur de la migration et de l'exode nual accentue le manque de main d'oeuvre
agricole.

L'ajustement structurel proposé aux pays ficains dans les années 80 impose le
désengagement de l'État et la responsabilisation des co~llfnunautésnuales. Opéré dans des
conditions difficiles et précaires des paysans, le retrait brusque de l'État tout en limitant ses
subventions et son encadrement, ne fait que favoriser cet abandon des PIV, devenus vieux
périmètres, car les entretiens ne sont plus à la portée des groupements (matériellement,
techniquement et h a n c i èrement).Ainsi, le concept de P N devient obsolète.

1.3.4. L'émergence des Périmètres Intermédiaires (PI)

1.3-4.1, Les Périmètres Intermédiaires :une solution consensuelle

La situation reste critique malgré l'accroissement de la superficie exploitée par la


famille, donnant lieu A la création des périmètres intermédiaires. Ceux-ci se constituent en
unités autonomes de 50 à 60 ha de superficie équipées de matériels agricoles sous gestion
paysanne; d'où le nom : Groupement d'Utilisation du Matériel Agricole (GUMA) au Sénégal.
Chaque membre dispose d'un hectare de terrain situé sur des levées alluviales, donc sujet à de
fortes percolations. Mais, vue la rareté des sites convenables, force est d'aller plus loin et
d'aménager des sols durs. Cependant, les travaux de terrassement et d'adduction d'eau viennent
accroître les coûts et réduire la rentabilité économique des périmètres. On estime à un coût de 1
à 1.5 million de fiancs CFA par hectare surtout pour les nouveaux PI.

de décision et de gestion foncière, Karthala, Paris,199 1.

49
Ces PI se présentent comme des expériences tendant à combiner les avantages des
Grands Périmètres (GP) (fiabilité technique des aménagements, taille autorisant la
mécanisation) et de ceux des PPV et PIV (participation populaire aux travaux, gestion paysanne
des réseaux et équipements, combinaison du travail manuel et de la mécanisation, pratique du
repiquage pour le riz et intensification agricole). Objectivement et concrètement, il est difficile
d'avoir une homogénéité dans toute la vallée. D'ailleurs, les caractéristiquesphysiques, sociales
et organisationnelles des PI varient d'une rive à l'autre du fleuve Sénégal et d'une région à une
autre en fonction du contexte et des conditions locales. En Mauritanie par exemple, le PI de
Boghé, exploité manuellement rassemble toutes les caractéristiques d'un GP à un coût de 5,9
millions F CFA/ha; tandis que Amady Ounaré au Sénégal n'est qu'un PIV de grande taille dont
le coût s'élève i 2,7 millionshau. A cet égard, la politique de l'irrigation de la vallée du fleuve
Sénégal se fixe des objectifs pour l'an 2000. Elle vise à aménager 6200 ha / an entre 1988 et
l'an 2000 dont 2500 ha sur la rive droite en Mauritanie et 3700 ha sur la rive gauche au
sénégalu. Pourtant, le modèle du PI cherche encore à se définir et à se faire une identité stable
dans ia vallée.

En faisant un bilan sommaire, nous pouvons dire que cette politique n'a pas généré les
changements escomptés. Et cela, pour la raison suivante:

- la divergence de deux logiques : logique de l'État qui compte sur l'augmentation


rapide de la production céréalière pour parvenir à une autosuffisance alimentaire au niveau
national et celle des exploitants agricoles qui situe cette autosuffisance alimentaire a l'échelle
microsociale. Or, à ce niveau les paysans ne cherchent plus à s'investir dans la culture intensive
ou à faire des profits. Leurs pratiques sont appelées à se limiter à I'autosubsistance familiale.
Cette politique de la production à outrance ne répond pas à l'aspiration paysanne. L'ajustement
structurel contraint l'État à limiter ses investissements, subventions et encadrements. Bref, ses
engagements dans la promotion des périmètres irrigués, tout en donnant l'entière responsabilité
aux attributaires, une autonomie de gestion et une prise en charge du périmètre. C'est un choix

--

" Source: OMVSICEPC, 1986.


Source :B. Crousse. P. Mathieu, S.M . Seck, Lu vaIZée dufleuve Sénégal :évaluation et perspective d 'une
décennie d'aménagement : 1980-1990, Karthala, Pris, 1991.
qui a affaire à une population habituellement assistée et soutenue en intrants divers. <( Un
engagement dz#iaCIleà tenir ».

La tentative de mixer la dimension technique des GP et la dimension sociale des PIV n'a
pas abouti. Ce genre de symbiose reste théorique car eue n'a pas pu réunir les conditions
nécessaires pour s'opératiomaliser.

1-3A.2. Stagnation et retour au passé

Voulant ê e une solution de rechange définitive en réunissant tous les points forts des
grands aménagements d'antan et les atouts des jeunes générations des périmètres villageois, le
PI se trouve trop idéal et non réaliste. Il est rapidement abandonné. De ce fait, il commande un
retour aux modèles antérieurs. Ainsi, le retour aux grands aménagements est inévitable pour
l'État. C'est l'occasion pour lui également de se « réhabiliter » et de préciser la définition de ses
stratégies et politiques de développement agricole. D'autant plus que le mot d'ordre des
programmes soutenus et appliqués par les Nations Unies, est d'« interdire la création de
nouveaux programmes coûteux et par contre encourager et soutenir Ia réhabilitation sur tous les
plans de ce qui existe actuellement ».Cene relance valorise la participation effective de la
population qui devrait déboucher vers une vraie autonomie de gestion paysanne. Cela fait appel
à I'application du programme d'ajustement structurel (PAS). Actuellement, la situation
s'aggrave à cause de l'irrégularité de la pluviométrie qui amène la sécheresse. La migration
prend de l'ampleur. Au problème d'imgation agricole se greffe le problème
d'approvisionnement en eau potable et d'assainissement; double caractéristique de la
problématique de l'eau à laquelle les politiques de développement des sociétés males en
Afnque doivent prêter attention. II faut reconnaître que les trois pays concernés par la mise en
valeur de la vallée sont encore dans l'impasse sur le choix le plus approprié des schémas
d'aménagement. La conjugaison des efforts soutenus par I'OMVS n'a pas apporté les
changements espérés à cause des objectifs et des capacités d'équipement variant d'un État à un
autre.
Pour clore le présent chapitre, nous donnons ci-dessous un tableau récapitulant
I'évolution des aménagements hydro-agricoles dans le bassin du fleuve Sénégal. Il nous invite à
nous interroger sur les raisons pour lesquelles les États dépendant du fleuve Sén6ga.l ne sont pas
capables d'instaurer des politiques et stratégies fermes et efficaces en matière d'irrigation
malgré leurs expériences pendant presque six décennies. Serait-il possible pou. eux et pour les
pays d'A£kique de se passer des aides à l'irrigation et de ne plus dépendre ni des bailleurs de
fonds étrangers ni de la technologie venue d'ailleurs en privilégiant et développant le savoir
technique des paysans et les connaissances locales ? Répondre a cette question revient
primordialemment à tracer une vue rétrospective des actions entreprises auparavant et a
s'interroger sur la raison des échecs des projets et des programmes d'irrigation. Ce sera l'objet
du prochain chapitre.

Tab.1: Superficies aménagées en maihise de l'eau dans le bassin du Sénés1 197511988


I
PAYS 1~x1 MURITAME SENÉGAL ENSEMBLE

Types
Périmètre Années A B A B A B A B
1975 O O 1 875 6 5047 7 5922
G.I.
1988 O O 2 2089 13 10530 15 12619
1975 O O O O O O O O
P.I.
1988 O O 1 754 3 26160 4 3464
PPV, PIV 1975 .6 103 14 510 13 483 33 1 096
et
Privé 1988 .23 406 404 13929 643 18577 1070 32912
Périmètre 1975 O O O O 1 3000 1 3000

Agro- ind. 1988 O O O O .3 7660 3 7660


Périmètre 1975 2 55 3 48 2 53 7 156

1988 4 65 4 84 2,. 33 10 181


1975 8 158 .18 1433 22 8583 48 10174
TOTAL
1988 27 470 411 16856 644 32270 1102 56736
Sources: OMVSKPEC 1988 (a).Nota: A = nombre de périmètres; B = superficies en (Ha).
BILAN ÉVALUATIF DES AIDES AU PROJET D'IRRIGATION

2.1. PRÉSENTATIONSOMMAIRE DE LA PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE DU


DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE

2.1.1. La situation probI6rnatique

La majorité des pays diicains ont adopté des politiques de développement marquées
par la prédominance des projets et des programmes, calqués sur des modèles occidentaux. Ils
sont assez souvent financés par des bailleurs de fonds étrangers dont les exigences et les
conditions imposées dépassent parfiois les capacités et ressources nationales. Partiellement ou
entièrement initiés de l'extérieur, ils se trouvent non adaptés aux conditions locales et se
heurtent à un tissu social imperméable, à des logiques paysannes diamétralement opposées à
celles des concepteurs de ces modèles. Certains auteurs classent ces logiques paysannes
comme des kationatités. Bref, les modèles de développement occidentaux ont de la difficulté
à s'intégrer tant sur le plan technique que sur le plan social dans les milieux ficains.

Historiquement, ce mode de développement (c'est-à-dire le développement par projet)


a pris naissance dès le lendemain des ind@endances afficaines et a connu une évolution
exponentielle dans les années 80 et 90. Mais en dépit des efforts apportés: investissements
techniques, financiers et matériels; et malgré les ressources intellectuelles investies, les
résultats satisfgsants restent toujours minimes; les objectifs ne sont pas atteints, les effets
pervers se multiplient à la place des impacts prévus et les erreurs se répètent. En somme, ces
politiques de développement se sont soldées par un bilan relativement décevant.

Cette stratégie de développement, l o i . d'être une aspiration paysme ou au moins une


conception propre des pouvoir nationaux en faveur de la paysannerie, nous donne l'impression
que le développement semble se faire à coup de projets. Le projet constitue-t-il vraiment un fer
de lance du développement comme l'économiste J. Price Gittinger (1985)' l'a mentionné dans
son ouvrage centré sur I'évaluation des projets ? Les situations actuelles nous mettent dans le
doute.

Bon nombre d'ouvrages, de rapports d'études, de rapports d'évaluation des baillem de


fonds ou des compétences locales, des pays aidant ou des pays aidés, et même des discours à
caractère politique font tous remarquer que les échecs sont considérables. Par rapport à ces
manifestations théoriques, des recommandations sont élaborées. Celles-ci sont rarement prises
en compte par les réformes ou les nouvelles actions. Sur le tenain, les mêmes scenarii se
répètent et une dégradation progressive des conditions de vie des sociétés rurales et urbaines se
dessine avec détermination. Dans les campagnes plus particulièrement, les faibles
améliorations (si améliorations il y a) des rendements agricoles ne peuvent pas suivre le
rythme de la croissance démographique. En ternes clairs, les activités de production ne sont
plus rentables et sont incapables de foumir le minimum nécessaire pour la suMe. Pourtant, les
projets dits de développement et dont l'objectif final reste toujours la fameuse a amélioration
des conditions de vie des populations N, poussent et repoussent un peu partout. Ils s'engagent
tous à changer la situation sans << pouvoir » rien changer. Dans ce scénario, pouvoir pourrait
être sensiblement synonyme de vouloir. Ce qui démontre un manque de volonté de la part de
certains acteurs de développement pour diverses raisons. Le fait est qu'on est en face d'une
nouvelle structure, ambiguë et aléatoire, des communautés rurales africaines; un mode de
production interposé entre le traditionalisme et le modernisme ou entre le mode de production
collectif, primitif et le mode de production individuel et capitaliste. Les sociétés nuales sont

-....- .

J. Price Gittinger, Anabses économiques des projets agricoles, BM,Economica, Paris, 1985.
soumises à un tiraillement entre le traditionalisme fortement enraciné et le modernisme
occidental envahissant-

Par rapport à cette réalité, il convient de nous demander si le concept de développement


est difficile à appréhender ou non ? Force nous est de constater qu'il est encore flou. Les faits
nous informent sur un développement lent et à double sens, des sociétés rurales afkicaines: un
sens qui oriente vers le développement qu'on considère comme une amélioration des
conditions d e s et un autre vers le sousdéveloppement c'est-à-dire la dégradation socio-
économique.

Est-ce que la situation en voie de développement )> est définitive et éternelle ? Dans
ce cas, la thèse de Rostow (1970, ~ 1 9 6 3 )est fausse, lorsqu'il parle d'un développement
linéaire2.

Une telle problématique mérite une étude très fouillée. Cependant, nous nous
contenterons de l'aborder d'une manière succincte à travers des constations et des réflexions
faites par certains auteurs anicanistes. Le retour en arriére dans I'andyse théorique est
inévitable. Ainsi, par rapport à ces situations simples et complexes à la fois (pauvreté des
sociétés paysannes, échecs des projets de développement, sous-développement, désarticulation
des systèmes de production paysans et non intégration parfaite de la modernisation, stagnation,
etc.). Nous proposons aux lecteurs un rapide état de la question.

2.1.2. Les convergences et les divergences de vues sur le développement en


Afrique.

Selon l'approche meistérienne du développement par exemple, le développement ou le


progrès ou encore la modernisation ne peut se faire que sur la base d'une entreprise
individuelle. En Afrique, les dynamiques sociétales sont encore basées sur le traditionalisme
collectif. Autrement dit, il n'y a pas de modernisation. Il est à déduire de cette approche que

'Rostow, W.W.Jes étapes de h croirsance éconumiqre, Coliection point SCries Économie, Paris, IWO, cl963

56
rien ne sera possible tant que cette société W t i o ~ e i i subsistera,
e et en conséquence, est bon
(et va dans le sens du progrès) tout ce qui contribue à cette destruction. L'approche de Meiste?
propose ainsi de briser la cohésion sociale et cuitureiie des socittés traditionneiles en
favorisant les inégalités des individus. Cela se traduit par une intervention des facteurs
exogènes aux sociétés rurales et fait en sorte que les systèmes de production des paysans
s'intègrent aux systèmes de développement étrangers, en l'occurrence les technologies
occidentales et les systèmes économiques et financiers internationaux. Meister est donc loin de
considérer le postulat du développement qui s'opère collectivement et surtout, sur la base de la
réalité socioculturelle autochtone.

Selon Guy Belloncle (198214 la description, proposée par Meister de fa société


traditionnelle et de sa logique, peut se retourner toute entière contre l'argumentation qu'il
avance. Belloncle énonce avec conviction que, grâce à ses structures traditionnelles ((

égalitaires » et notamment à ses villages, l'Afrique noire - et elle est peut-être la dernière
région du monde à être dans cette situation - aurait la chance de mettre en oeuvre un type de
développement qui permettrait d'éviter les gâchis humains auxquels ont conduit dans le reste
du monde les modèles de développement iibéraux, si chers au coeur de Meister. I1 illustre ce
propos en déclarant que:

« la crise pr&nde qui explique les échecs des actuelles politiques de développement
rural, c'est précisément qu'elles proposent un modèle de croissance qui se situe O
l'exact opposé de ce que, profondément, les villages attendent M.

La thèse de Meister est défendue par d'autres. Ainsi, se basant sur la réussite des
expériences de la méthode par individu en Inde, Galbraith, un autre tenant de cette méthode,
parie sur quelques agriculteurs de pointe pour faire évoluer les masses d e s du Tiers Mondes
Il mentionne que c'est la voie qui a été suivie en Europe et en Amérique et afnrme que c'est la
seule façon de diffuser l'innovation dans les milieux gui lui sont par principe hostiles. Mais la
réalité est tout autre car les inégalités sociales gagnent les campagnes indiennes.
--

Albert Meister, 1966


'Guy Beloncle, 1982.2 1-22
Théone de la pawreié de masse.
René Lenoir (1984)6 critique cette méthode, consistant B favorisa quelques individus
sans se soucier des autres. II a mis en évidence les dommages qu'elle pourrait causer en cas
d'application sur les sociétés rurales afkicaines marquées par une soIidarité et une égalité
(( naturelles S. Lenoir n'est toutefois pas catégorique dans ses affirmations. il est très conscient
de la validité de cette approche individuelle dans d'autres domaines comme le commerce dans
le Tiers Monde, domaine où le jeu de l'offie et de la demande (logique économique) doit être
une nécessité pour déclencher une concurrence entre individus. Mais il trouve que dans le
domaine de la production agricole, c'est une voie diamétralement opposée qui doit être
proposée. Autrement dit, l'approche de groupe est à recommander dans ce domaine. Elle
trouve son application idéale dans les sociétés asiatiques, afkicaines et latino-américaines où la
population est principalement formée de ruraux agricoles.

Quant à JeamMarc Éla (1982)' il se pose une série d'interrogations parfois concrètes et
terre à terre en ce qui concerne l'impasse dans lequel le développement de 17Afkiquese situe et
la possibilité de dénouer l'ambiguïté engendrée. Faut-il pounuivre les politiques de
développement nual qui enferment les paysans d ' f i q u e dans la pénurie et la dépendance,
s'est il demandé ?. L'ensemble des questions qu'il a posées résume la lutte d'influence qui met
en cause deux systèmes de production: celui des communautés rurales africaines avec leur
savoir-faire et celui des occidentaux, marginalisant les connaissances paysannes. L'auteur,
finalement, insiste sur une réflexion centrale. 11 dira:

« on ne peut pas parler de modernisation des villnges sans entreprendre la réflexion


sur la société au sein de laquelle on voudrait intervenir

René Dumont (1962) avait déjà insisté sur le fait que copier l'Europe actuelle, plus
développée, et précisément dans un domaine où elle paraît rarement exemplaire et se cherche
péniblement, serait une erreur.

René Lenoir, Le Tiers Monde peut se nourrir :les communautéf de base. acteurs de développement, Rapport du
Club de Rome, Fayard, PARIS,1984 :68.
'Jean-Marc Éh,L 'Afique des villoger, Karthala, Paris, 1982. : 17.
Dans la même ordre d'idée, René Lenoir dénonce le mimétisme qui envahit la
planification nationale et les politiques de développement des pays d'Mque. Il ressort de ses
analyses que

« l'imitation sende du modèle industniel (c'est-&-dire, le modèle occidental) qui


s'explique en partie p u r sa force déniroinement. a le plus souvent conduit à un
mauvais développement, à un gqiZZage de ressources, par$ois même à un
appauvrissement. L? porte germe des drames sociaux qui ne peuvent que susciter
l 'angoisse w'.

En d'autres termes, les deux auteurs s'attaquent au transfert des technologies


occidentales, qui jusqu'ici n'ont pas apporté de changements palpables au niveau du
développement des pays « importateurs D.

À notre niveau, il s'avererait nécessaire de prendre un raccourci pour une synthèse des
réflexions et analyses sur le sous-développement et le développement de 17Af'rique.II est à
reconnaître que nos analyses sont très superficielles, mais les quelques lectures que nous avons
faites à propos du développement de 17Afiique,nous permettent de faire remarquer que la
situation est encore floue. On peut lire à travers des écrits de certains auteurs que le
pessimisme, I'optimisme, la mise en garde, l'avertissement, le questionnement, l'ambiguïté,
I'utopisme, etc. interferent dans la caractérisation du développement en M q u e . L 'Afnque
ambiguë de Georges Balandier, Z Afnque noire est mal partie, I Afnque étranglée, l Afrique
partagée. IAfngue piétine, 1 'AjZque retardée, de René Dumont, le Tiers Monde dans
Z 'impasse,selon Bairoch, 1Afrique peut-elle partir ? de Meister, i Afrique des villages par
Jean-Marc ÉLA, le scandale du développement par J. Austniy, de Z 'aide 2 la recolonisation de
Tibor Mende, la révolution aux pieds nus par Bertrand Schneider, la question paysonne en
Afrique Noire de Guy Belloncle, le Tiers Monde peut4 se nourrir ? René Lenoir, le monde
possible, selon Tibor Mende, etc. forment quelques élkments de réflexion qui reflètent l'état du
questionnement sur la question du développement en général et surtout de celui des pays

René Lenoir, Le Tiers Monde peut se nnowsi Les cornmunaut& de base, acteurs de développemeni Rapport du
Club de Rome, FAYARD, 1984 : 46.
d'Afrique. Quel que soit donc le type de ces analyses, et quelle que soit l'origine, (Tiers
mondistes, Africanistes, Ruralistes, des bailleurs de fonds, des PVD, théoriciens ou praticiens,
économistes ou sociologues, agronomes ou ethnologues, historiens ou géographes,...), le fait
est que la situation des PVD reste toujours délicate, ambiguë, dinicile, et alarmante. Étant
donné le pessimisme ambiant qu'on relève dans toutes ces études, nous réitérons notre
interrogation de base, en l'occurrence: est-ce que la pauvreté et la transition, la situation dite
de «en voie de développemenb) serait définitive et permanente pour 1'Anique ?

Pour clore ce tour d'horizon, nous faisons appel, encore une fois au tiers mondiste-
africaniste René Dumont qui résume la problématique et fait la recommandation suivante:

i( Tandis que si la famine montait chez les pauvres, qui sont de plus en p l u avertis,
pendant que les gaspillages se multiplieraient dans le camp des nantk, le risque
d'eqdosionr, capables de mener à un suicide atomique mondial. augmenteraient
dangereusement. Nous sommes tous acculés à revoir entièrement notre conception du
monde, nos manières de penser et surtout d'agir, simolement si nous désirons [asurvie
précisément, à propos de I ' a q u e , il insiste sur le
de l'esvèce humaine. aQ.~lus
caractère urgent de son démarrage:

(( C'est pourquoi cette Afrique, dont il était inévitable que le départ hésite. non
seulement peut mais doit partir vite. Si elle mettait un siècle pour rattraper son retard,
nous en pâtirions. Il nous faut donc, tous tant que nous sommes, chacun à notre poste,
nous déoêcher de rem~lirtoutes les conditions qui faciliteraient ce déonri; car nous v
avons le d u s stnct intérêt. Avis auxjeunes quipréfernt vivre, suivant le titre de Tibor
Mende, ctUn monde possible». Il leurfaudra le conquérir ».

Mais parler de développement économique en Afiique, c'est surtout se réfker au


développement d ou plus précisément au développement agricole. Il e t évident que celui-
ci n'est pas possible sans eau. L'irrigation est considérée comme l'innovation efficace à effets
palpables et immédiats pour résoudre le manque, I'insuffisance et l'abondance d'eau dans les

René Dumont, L 'Afi-iqueest malpunie. Seuil, Paris, ~1962,1973:243.


zones de production en M q u e . Les réussites et les échecs ont alterné (i'importance varie
d'une zone à une autre), d'un périmètre irrigué a un autre. Une revue de quelques causes
principales nous permettra de comprendre la réalité de ces résultats' et surtout les échecs qui
en découlent.

2.2. QUELQUES CAUSES DES ÉCHECS DES PROJETS ET DES PROGRAMMES


D'IRRIGATION EN AFRIQUE

2.2.1. De la négligence à la reconnaissance des dimensions sociales dans les


projets

Les remarques faites à l'endroit du développement nual en &que et des projets de


développement n'épargnent pas ceux du développement agricole qui ont trait a l'irrigation et
au système irrigué. Il est dit que la sécurité alimentaire du monde dépend pour une grande
partie de l'extension continue de l'agriculture imguée jusqu'à l'an 2.000'~.On note pourtant
l'importance des difficultés auxquelles les projets d'imgation font face. Des difficultés qui se
caractérisent par des échecs et qui s'expliquent dans la plupart des cas par des défaillances au
niveau de la méthodologie adoptée et des stratégies d'approche.

Si dans les années passées, on déplorait la non prise en compte des aspects sociaux
dans les approches de développement agricole et d,
à l'heure actuelle, une certaine
reconnaissance de cette dimension se lit dans presque tous les rapports d'étude des techniciens,
des spécialistes et des experts d'institutions de hancernent et même dans les discoun des
politiciens ou des gouvernements. Cette reconnaissance fait appel, sur le plan théorique, à une
critique viscérale de l'approche techniciste, productiviste et sectorielle. Elle privilégie celle qui
est systémique et intégrée, embrassant plusieurs domaines. Bon nombre d'écrits témoignent de
cette grande révolution, dans une dimension théorique ou dans un certain nombre d'études de
cas concrets. Nicolas Bodart disait que :
« ... En &kt, de nombreux spécialistes, chercheurs et praticiens accepmt maintenant
comme une évidence que tout projet de développement se révèZe, à exx et nur
popuZîztiom concernées,comme un processus organique au sein duquel lesfacteurs et
composantes d'ordre économique, scientifique, social et culturel s ïnte?pénètrent.
Cene intégration impose ie recours à l'interdisciplinarité pour l'étude et Za mise en
oeuvre desprojets. N"

Guy Belloncle, quant à lui, parle d'hfktmcture sociale (un autre aspect de la
dimension sociale des systèmes d'irrigation) dans le cadre d'un projet de réhabilitation des
réseaux d'inigation. 11mentionne que l'infrastructure sociale se trouve être non seulement la
moins étudiée mais également celle qui a le plus besoin de « réhabilitation » et de semice de
maintenance. Et il entend par infr;istmcture sociale, la façon dont les associations des usagers
sont organisées et la façon dont elles fonctionnent, la participation (ou la non participation) des
paysans à la gestion des aménagements.

Selon David Sheridan (1985)'2, aucun des progrès de la technologie émergeant à


l'horizon ne saurait supprimer la nécessité d'améliorations fondamentales sur le plan social.
Par le biais de cette hypothèse, il rappelle le fait que toute technologie a toujours des visées
sociales qu'il ne faut pas perdre de vue, car « Les problèmes d'imgation sont beaucoup plus
d 'ordresocial, économique et politique que technique ».

Par extension, cette considération de la dimension sociale va jusqu'à l'aval des projets.
Pour ne pas répéter les mêmes erreurs dans l'étude et la réalisation d'un projet, le bon réflexe
serait de structurer I'évaluation de façon à avoir un regard sur les impacts sociaux et autres
effets non intentionnels. À ce propos, Yolande Pelchat" souligne que l'absence de données sur
les répercussions sociales des stratégies de développement constitue une préoccupation de plus
en plus marquée pour les différents partenaires impliqués dans le domaine de l'aide au
développement. Pour elle,

- - - - -- -- - -

''cf. Guy Belloncle, 1985


Nicolas Bodart, in B. Crousse, P . Mathieu, Sidy M . Se& La vallée du fleuve Sénégal : évaluation et
perspective d 'une décennie d'aménagement :1P8&i99O, 1 99 1 :5.
" David Sheridan, L 'imgation: promesses et dangers. L 'eau conne lafin, l'Harrnartan, Paris, 1985: 8
' Yolande, Pelchak @estion de genre et de développement v e n une contribution accrue de la recherche
évcluative,Série Dossiers, n018, Centre Sahel, Université Laval, juillet 1992: 28.
(r ..., il devient essentiel de repenser le processus d*évaIuationpour ajouter aux
dimensions économique et technique traditionnelles, les questions plus complexes des
conséquences sociales, culturelles. politiques et écologQues de l'action

Si René Lenoir (1984)14 a cité le caractére sommaire des études sociologiques dans les
grands aménagements, trois ans plus tard, P. Bukmads, ministre néerlandais de la
Coopération, semble le confirmer en décrivant le point de vue des spécialistes en sciences
sociales. Il dira:

((Pour l a sciences sociales, l'une des raisons principales de cet état de chose réside
dans l'inadéquation fréquente de l 'ussistance technique aux systèmes de production
appliqub par la population rurale africaine. C'est que nom ne sommes par
su@îsamment conscients du fait pue les techniques dans le domaine de l'im'@on, de
la sflviculture, de l'élevage. de la péche ou de la santé par exemple, n'ont pus
uniquement une dimension technique, mais qu'elles procèdent surtout d'un processus
historique de développement qui s'est déroulé dans un contexte socioculturel donné et
qui véhicule par conréquent les caractères spéczjiques dicne société et ne saurait donc
être transposé tel dans un autre contexte social. »

À ce propos, Jean-Marc ELA'^ nous fait remarquer très précisément que:


K.. 1 Xf-e noire est peuplée en majorité des gens de la brousse. Or les paysans qui
jouent un role irremplaçable dans l'économie nationale sont défmoriîés dans tous les
domaines de la vie actuelle. »

En général, tous laissent entendre que les échecs des projets de développement agricole
quelle que soit la taille, s'expliquent par la non prise en compte de l'environnement social des
bénéficiaires et de leur milieu.

Actuellement, force est de constater encore que les échecs se multiplient davantage. Et
les écrits ne cessent de mentionner que c'est une erreur fondamentale de ne pas tenir compte
des variables sociales autant que des aspect techniques. L'hypothèse de Desjeux (1985)

--- -- - - - -- - -

René LenoicLe Tiers Monde peut se noumr. Les communautés de buse. acteurs de développement, Club de
Rome,FAYARD, 1984.
" P.Bukrnan in Geert Diemer et Ellen Van der Laan, L 'imgation au Sahel, Karthala, Paris, 1987 : 8
l6 Jean-Marc 81%L Afrque des vihges. Karthala, Paris, 1982: 2 19.
concernant l'irrigation est encore valable lorsqu'il disait que les problèmes liés à l'irrigation
restent, et resteront, beaucoup plus des problèmes d'ordre sociai, économique et politique que
d'ordre technique".

La reconnaissance de la dimension sociale s'intensifie. Et il devient chose courante de


voir le denier chapitre ou la conc1usion des ouvrages des spécialistes comportant toujours de
belles recommandations relatives aux problèmes, qui, malheureusement, ne trouvent aucune
application. L'absence de volonté chez divers acteurs du développement parait être une bonne
explication à cela ;mais on se demande encore pour queIIes raisons ? N'est-ce pas à cause de
la divergence d'intérêts, de I'insu..fEsance de la compréhension et de la délimitation de ce
qu'on appelle les dimensions sociales ?

Mais qu'est-ce qu 'onentend auj u t e par dimensions sociales ?

Délimiter les dimensions sociales revient à définir la discipline même de la sociologie.


tant un concept globalisant, dimensions sociales embrassent de vastes domaines qui sont
dans une immense et très complexe interdépendance. Essayer de les dénnir risquerait de nous
faire tomber dans une diversité d'imprécisions et d'incertitudes. Toutefois, il s'avère
nécessaire de préciser qu'elles se caractérisent par les différents aspects qui peuvent façonner
la vie des communautés humaines. Pour celle des paysans par exemple, on peut se référer à la
vie socioculturelle englobant les rites traditionnels, les pratiques cultureIIes, les interdits
sociaux et les coutumes, les organisations et structures sociales des villages, les normes et
valeurs, les organisations socio-économiques, les systèmes de production et le savoir faire
local qualifié de techniques traditionnelles selon le langage des techniciens. Elles peuvent se
synthétiser en << la manière de vivre, en un mode de penser et à des façons d'agir des individus
ou des groupes d 'individus».L'environnement immédiat et Les facteurs extéReurs à la société
à laquelle on appartient, peuvent également être considérés comme des dimensions sociales
influant sur les pratiques quotidiennes en déterminant des comportements individuels et
collectifs divers.

" Dominique Desjeux, L 'eau. Quels enjeux pour les sociétb rurales, 1 'Hamattan, 1985.
2.2.2. La gestion lourde et les confixsions institutionnelles

C'est un problème qui se m d e s t e surtout lorsqu'il s'agit de grands aménagements


comme la SOMALAC à Madagascar, l'Office du Niger au Mali ou encore les grands
périmètres au Sénégal, impliquant plusieurs institutions ii la fois. (Cf. Annexe). Cette lourdeur
de structure est un obstacle de taille à la coordination et à l'harmonisation des activités et de la
politique toute entière du développement hydro-agricole. Confusion, interprétation,
duplication ou superposition d'attributions finissent par partager les producteurs et les
associations de producteurs qui doivent traiter, avec plusieurs interlocuteurs. Il résulte de ces
démarches incohérentes un désintéressement de la part des utilisateurs des aménagements.
L'absence de structure unique qui devrait se charger du développement et de la coordination
de l'irrigation est vue comme une des causes des échecs de l'irrigation en &que. Dans cette
confusion institutionnelle, la stratégie des aménagements se trouve dominée par des
approches sectorielles, intégrant tous les aspects liés à l'imgation.

2.2.3. Diversité des bailleurs de fonds ou coexistence néfaste

Le problème de coordination et d'harmonisation du développement de l'irrigation est


un des aspects négatifs de la diversité des bailleurs de fonds dans un projet ou dans un
aménagement hydro-agricole. Chaque organisme de hancement a ses propres logiques et
approches et il s'ensuit des distorsions importantes dans la gestion globale des périmètres et la
mise en oeuvre des politiques relatives à l'irrigation d'une part, et des politiques de
développement agricole et rurai d'autre part, en plus de la difficulté d'instaurer une méthode
d'intervention homogène, unique et harmonisée. La diversité des bailleurs de fonds signifie
une diversité d'objectifs à atteindre et une compétition vers des succès différents. De ce fait, ce
sont les politiques de développement qui en pâtissent. Ainsi, l'endettement du pays et
l'appauvrissement des populations constituent des résultats inattendus et des effets pervers.
On note, à titre d'illustration, la présence simultanée d'un nombre relativement
important de bailleurs de fonds, le long du fleuve Sénégal: L'USAID à Bakel, la Caisse
Centrale Grançaise et la Coopération italienne à Matam, l'Assistance hollandaise dans l'île à
Morphil, le FED à Podor, la BM dans le delta, la Coopération japonaise vers Ndombo-Thiago,
etc. la coexistence du FAC, de la GTZ, du FED, etc. dans le périmètre de la FIFABE à
Madagascar.

2.2.4. Le désengagement prdcipité de l'État et I'échec de la respoasabiüsation


paysanne

Quelques décennies après leur indépendance, les États africains marquent toujours leur
présence dans la filière hydro-agricole, subventionnant presque toutes les opérations et
activités prévues dans les programmes et projets d'irrigation. Cet interventionnisme s'est
révélé très coûteux pour l'État et s'est soldé par un déséquilibre de la balance des paiements.
Soucieux d'un rétablissement de l'équilibre entre les entrées et les sorties de devises, et sous
l'instigation des bailleurs de fonds, les dirigeants afÎicains se jettent dans le Programme
d'Ajustement Structurel (PAS) dans les années 80. Une mesure économique jugée adéquate
pour le redressement. Sous la pression de la BM et du FMI, l'État doit adopter des restrictions
budgétaires, se soustraire d'activités et d'opérations, auparavant subventionnées abandonne
certains de ses rôles et fonctions. Selon le principe du PAS, le désengagement de l'État, dans
le domaine de la production agricole, doit s'opérer en parallèle avec le transfert de
responsabilité aux populations; transfert de gestion des périmètres et prise en charge de la
maintenance par les usagers. Ça n'a cependant pas marché comme prévu, du moins dans la
sphère de la politique d'irrigation. Opéré d'une manière brusque, le DE s'est heurté à
l'imperméabilité du milieu où il va s'appliquer. Les conditions d'accueil ne sont pas encore
réunies. Habitués aux subventions et à l'encadrement gratuit, les paysans ont de la difficulté à
se libérer de la mentalité d'assistés. Insuffisamment équipés, vivant dans des conditions
difficiles de pauvreté, ils ne sont pas aptes à endosser une telle responsabiIité. D'autant plus
qu'ils perçoivent le désengagement de l'État comme une fuite de responsabilités et de devoirs
de la part de celui-ci, une démission quant à sa mission de gestion du bien-être de la
population. Cette remarque est aussi valable en ce qui concerne les agents de développement
habitués aux anciennes méthodologies. Bref, l'échec du DE est aussi l'échec des politiques en
matière d'inigation.

2.2.5. Les problèmes fonciers :un handicap majeur B Iyirrigation

Outre l'absence des politiques en matière de réfoxme agraire dans la plupart des pays
d'Afrique et la confkontation entre le droit coutumier (traditionnel) et droit moderne, les modes
de faire valoir indirects se présentent aussi comme une contrainte majeure à l'irrigation.
Concernant justement les droits fonciers, Françoise Conac (1978)" fait état du fait que certains
régimes fonciers trop archai'ques (relevant d'une gestion communautaire de l'espace) ou trop
individualisés peuvent freiner ou favoriser le développement de I'irrigation.

Malgré l'interdiction de la loi du domaine, les modes de faire valoir indirects, en


I'occurrence le métayage et le fermage sont des pratiques courantes dans un périmètre irrigué.
La cause principale réside dans l'inégale répartition de l'eau entre les paysans ayant leun
parcelles situées à l'amont des systèmes d'irrigation et ceux ayant les l e m à l'aval. Erreur de
conception, défaillances techniques et failles au niveau de la gestion de l'eau sont à I'ongine
du confiit auquel se livre les deux catégories de producteurs.

David Sheridan (1985)19,analyse les retombés sociales et économiques des modes de


faire valoir indirects :

(( Lu distribution de l'eau assure pa fois la richesse d'un petit nombre d 'agriculteurs


à la tête du système. Selon l'économiste Bromley :Lorsque l 'imgation am-ve dans un
secteur, certains agngnculteurspourront s'approprier au dépens des autres certains des
revenus découlant de cette innovation. Si l'on permet que cette situation persiste
pendant plusieurs saisons de culture, ce petit nombre d'agrrgrrmlteurs chanceux qui ont
pu s'uppropTier les nouveaux revenus vontjkir par penser que leur propre chance est
{( légitime ».Il sera alors d~ncile-sinon impossible -de rectper la situation (( Ces
priviZégiés peu nombreux risquent de continuer jusqu Z devenir des propriétaires et

'' Françoise Conac, Imguzion et déveZoppement agricole :2 'exemple des pays méditerranéeni et danubiens,
SEDES :C.D.U.,Paris, 1978
le David Sheridan, L 'irrigation. Promesses et dangers. L 'eau contre h faim, I'Hamiattan, Paris, 1985: 123
- 124
créanciers tandis que les ~~Zchc~nceux
en uval dm-ennent des débitans et des
métayers ».

Selon Myrdal (1976)~'un tel système (système de mode de faire valoir indirect)) est un
obstacle pratiquement insurmontable barrant la voie à la participation vigoureuse des masses
rurales au développement. Ii n'est pas une insulte à la justice sociale. Pratiques illégales pour
l'État, façons paysannes de s'entraider pour tes propriétaires fonciers, moyens de survivre,
malgré eux, pour les paysans démunis, le métayage et le fermage constituent des fieins au bon
fonctionnement d'un périmètre aménagé et irrigué, et à la mise en oeuvre des politiques de
développement agricole en Mque.

2.2.6. L'insufltisance d'expérience en matière d'hydraulique

Si, en Méditerranée, l'irrigation est vieille comme le temps, en f i q u e , par contre, elle
n'est encore qu'en phase de recherche, voire en période de tâtonnement pour élaborer des
politiques adaptées aux conditions &callies de développement. Effectivement, les trois ou
quatre décennies d'indépendances ne lui sont pas suffisantes pour déterminer des politiques de
développement indépendantes. Les modèles appliqués jusqu'à maintenant restent occidentaux,
d'où le problème d'intégration et d'adaptation aux conditions locales. Le cas de la vallée du
fleuve Sénégal reflète bien la maladresse et la précarité des modèles choisis. Des grands
aménagements aux périmètres hydrauliques villageois, en passant rapidement par ce que l'on
appelle périmètres intermédiaires (périmètres de taille moyenne), les résultats sont rarement
positifs. Chaque modèle appliqué n'a pas tellement généré les changements espérés. Il ressort
des évaluations des bailleurs de fonds la décision de réhabiliter les anciens grands
aménagements, une politique de récupération qui doit être accompagnée d'un retrait de l'État
et d'un processus de responsabilisastion des producteurs et des associations de producteurs. Ce
retour en arrière, dans la situation actuelle, n'arrange pas la majorité des masses rurales. La
famine persiste. et l'insuffisance des productions céréalières se trouve aggravée par la

" Gunnar Myrdai, Le drame de Z 'Asie:Une enquête sur la pauvreté des nations, traduit par l'anglais Michel
Janin Du Seuil, Park VI, 1976.
démographie galopante. Ne serait41 pas nécessaire d'adopter des politiques intégrant les divers
aspects liés à l'irrigation ?

2.2.7. Les erreurs m~thodologiqueset de conception des projets

La méconnaissance du milieu d'implantation des projets d'irrigation se présente


comme une grande faiblesse de la méthodologie des approches suivies. Erreurs techniques,
erreurs économiques, emeurs sociales se conjuguent pour aboutir facilement à des échecs
considérables. Les logiques paysannes, appelées péjorativement imutionaliiés paysannes sont
en confkontation avec celles des techniciens, de l'État et des bailleurs de fonds. Les approches
technicistes s'imposent et marginalisent les paysans et leur savoir faire ainsi que les
environnements socio-économiques et socioculturels du milieu. Ces logiques ne coïncident
pas. Si les techniciens songent par exemple à une production maximale et à une productivité
en vue d'une autosuffisance alimentaire, les paysans se contentent d'assurer une sécurité
vivrière de la famille, une logique rationnelle pour ces derniers, mais pas pour les premiers.
Les études prévisionnelles (études préalables à la réalisation) des projets d'urigation se sont
souvent contentées de la faisabilité technique, sur le plan théorique, et ont négligé la fiabilité
économique ainsi que l'acceptabilité sociologique. S'agissant, de cette situation, Jean-.Marc
Éla (1982) rapporte que si l'on néglige de mettre en valeur le savoir-faire préexistant, on
risque d'accroître la dépendance des villages à l'égard du marché mondial Il suggère
d'adopter une position consensuelle en cherchant un terrain d'entente entre les deux savoir
faire. Il illustre ses propos de la manière suivante:

(( Une ouverture aux techniques extérieures est inévitable dons l'Afn'que


d 'au~ourd
' h i . Mais l'abandon systématique des technologies indigènes crée un déséquilibre.
voire une attitude de résistance l'égard des apports étrangers. Il faut donc amener les
paysans à retrouver la confinnce en eux-mêmes tout en les préparant à enrichir les
acquisitions du passé »**

" Jean-Marc Éla, L 'Afrique des villages, Karthala, Paris, 1982: 221
22.8. Absence d'une rdeiie participation des populations dans les démarches
d'un projet

On ne peut pas dire que les populations ne sont pas impliquées dans le projet. Sauf que
cette implication se limite à une simple consultation lors des enquêtes de collecte de données,
d'une part, et à la participation aux travaux d'entretiens des réseaux hydro-agricoles d'autre
part. Ces derniers ne figurent dans aucune étape d'un projet. Les expériences ficaines
montrent que les paysans n'ont pas de pouvoir de décision sur les projets de développement à
implanter chez eux et dont ils seront les acteurs principaux et fiiturs bénéficiaires ou les
supposés gestionnaires dans le £hr,selon le principe du PAS. Une participation effective et
totale des populations aux différentes phases du projet de développement d'irrigation s'avère
un leitmotiv pour réussir le transfert de gestion et de prise en main du développement par la
population elle même. Dans ce cas, elle favoriserait le passage du désengagement de l'État
vers une responsabilisation paysanne.

Guy Belloncle (1985)= montre l'importance et la nécessité de la participation paysanne dès la


conception de l'aménagement hydro-agricole mais aussi la gestion des réseaux et la mise en
valeur par l'irrigation. Chaque fois que cette participation a été faible (à un niveau quelconque
de l'opération), la réussite de la politique d'irrigation s'en est trouvée affectée comme le
montrent les cinq expériences africaines analysées par l'auteur. Pour nous résumer, toute
action ou projet de développement rural, quel que soit le type, devrait prendre pour règle celle
que s'est donnée le Mouvement de reconstruction rurale du Ghana, même si elle n'a pas
encore su se concrétiser vraiment dans ce paysu.

(( Aller vers les gens,


Vivrepanni eux,
Apprendre d'eux,
Les servir,
Concevoir der plans MC mx Débuter avec ce qu'ils connalrsent,
Consimire avec eux ce qu'ils ont. N

= Guy, BeLioncle, Participation paysanne et aménagement hydro-agricole :les leçons de cinq expériences
aficaines, Karthala., Paris, 198%
a in René, Dumont, L '@+que est mal pawe, Seuii, Paris, c 1962, 1973.
Quels que soient les objectifs et l'importance des investissements, leur réalisation et
leur valorisation ne peuvent se passer de la parîicipation des populations à tous Ies niveaux du
processus de décision, avec la prise en compte de leurs objectifS et de leurs réalités.

2J.1. L'irrigation :sous-secteur privilégib par les aides extkrieures

Parmi les quelques sous-secteurs importants du développement agricole, les projets


d'irrigation se hissent en premiére position dans l'ordre de priorité des programmes à financer,
établi par les bailleurs de fonds. Ce secteur est vu comme le plus détexminant dans
l'amélioration et l'augmentation de Ia production agricole mondiale. Selon un rapport de
I'OCDE sur les aides à l'irrigation, les prêts à I'agriculture s'élevaient d6jà en 1962 à 26'7
milliards de dollars et une grande partie était destinée à I'irrigation. Le même rapport indique
que 90 % des crédits accordés en faveur du secteur agricole ont été décidés au cours de la
dernière décennie.

Cette préoccupation des bailleurs de fonds en faveur de I'imgation s'explique par leur
présence dans d'innombrables projets et par leurs importantes contributions dans la réduction
de I'écart entre le taux de croissance démographique et l'augmentation de la production
alimentaire. À cet égard, les projets financés couvrent un très large éventail d'activités et se
présentent sous forme d'appui matériel, d'assistance technique ou encore d'appui à
l'organisation institutionnelle du projet. Ils peuvent comporter différents éléments touchant de
près ou de loin l'irrigation.

Parler de financement, c'est aussi se référer à la durée de la période couverte qui varie
selon le type de projet concerné. Dans ce cas' une planification des activités ou du projet lui-
même s'impose. Normalement, chaque phase de projet doit correspondre à chaque phase de
financement et détemüne les objectifs spécifiques de chaque étape. D'où également l'existence
de phases d'évaluation partant des études préalables à la post-évaluation en passant par
l'évaluation à mi-parcours. Chaque phase d'évaluation peut être une occasion propice pour la
naissance d'un projet à objet de financement extérieur.

Selon les perceptions des pays donateurs ou des organismes de financements


étrangers, l'aide B l'irrigation constitue un appui aux efforts entrepris sur le plan national pour
intensifier l'utilisation de l'eau afin d'accroître la production et atténuer les fluctuations
annuelles de Ia production alimentaire. Compte tenu des éléments susmentionnés sur
l'irrigation, on est amené à se demander pourquoi ce sous-secteur a été si privilégié par les
bailleurs de fonds alors que les paysans le considèrent comme étant un sous-système parmi
tant d'autres dans une exploitation agricole ?

Aborder l'irrigation isolément c'est lui accorder exagérément une indépendance


particulière dans un ensemble de sous-systèmes en interdépendance. La considérer comme un
secteur indépendant dans le développement est une erreur fondamentale car le problème de
I'imgation n'est pas uniquement un problème d'eau. Comme elle est entourée de facteurs qui
ne relèvent pas seulement du domaine technique ou physique, l'irrigation doit être analysée
selon une approche intégrée et systémique. Les projets d'irrigation doivent prendre en
considération les autres secteurs (agriculture, élevage, santé, environnement, etc.,). Traiter
séparément ces éléments, c'est ouvrir la voie à la multiplication des projets. Et multiplier les
projets revient à adopter un développement qui se fait à coup de projets: une situation
profitable pour les donateurs d'aides et bailleurs de fonds. Elle est par contre défavorable pour
les pays demandeurs car elle place ces derniers dans une dépendance sans fin.

2.3.2. Bilan sommaire et perceptions diverses des aides au d6veioppement de


t'irrigation

Taylor affirmait que la seule leçon que nous retenons est la façon de r6péter nos
erreurs. C'est aussi le cas pour l'h~igation.~' Ce constat provocateur sous forme
d'avertissement n'a pu provoquer de changements palpables sur les façons dont les méthodes
d'approche du monde rural s'appliquent sur le terrain. En matière d'inigation, effectivement,
le g m d nombre de recommandations contenues dans de nombreux rapports ne sont pas prises
en considération, ou encore sont appliquées superficiellement ou sont même appliquks à
l'envers car mal comprises. Cette pérennité de la situation arnène un haut responsable de la
Banque mondiale à soupirer que ccta<t semble conz'recarrer le déveZoppement de Zïmgation».
Ce qu'il faut cependant se demander, c'est A quel niveau du processus du développement du
projet se situent vraiment les blocages. Malgré tout, les aides au développement continuent à
se manifester comme le meilleur moyen pour les PVD de résoudre les problèmes
d'insuffisance alimentaire. Les investissements , surtout financiers, s'intensifient de plus en
plus sans qu'on semble se rendre compte des insunisances et des échecs tépétés des projets de
développement.

Dresser un bilan sommaire des aides aux projets d'irrigation conduit à se questionner
sur les difficultés auxquelles elles se sont heurtées d'une part, et sur la nécessité que
représentent les aides extérieures pour le développement de l'irrigation, du développement
agricole ou du développement rural des pays demandeurs d'autre part. Autrement dit, investir
dans l'irrigation est-il un problème ou un facteur de progrès pour le développement agricole ?

De prime abord, les aides à l'irrigation pourraient être une panacée pour le
développement agricole si on ne regardait que le gigantisme des projets, les sommes
monumentales d'argent investies et la complexité des systèmes d'irrigation et des
idrastnictures physiques ainsi que les modes de gestions instaurés. Tout semble témoigner
d'un développement bien amorcé aux yeux des planificateurs nationaux et des organismes de
financements ou des pays aidant. Or les réalités paysannes et les constats faits jusqu'ici
montrent le contraire. Différentes raisons peuvent être à l'origine de cette situation paradoxale.
À caractère endogène et exogène à la fois, ces éléments explicatifs interferent. Un bon nombre
de problèmes et de contraintes à l'inigation ont été déjà analysés; de ce fait, le prksent bilan se
limitera à identifier ceux ayant spécifiquement des liens directs avec les aides et les prêts
foumis par les organismes de financements étrangers dans le domaine de l'irrigation des pays
en voie de développement.

24. 1. D.Carnithers, « Investir dans l'irrigation : problème palliatif ou panade pour Ie développementagricole n,
2.32.I. Aides extérieures et pouvoir de décision des paysans

II n'existe probablement pas de documents techniques, a d m i n i m a , financiers ou de


rapports d'évaluation qui oublient de mentionner que les masses paysannes @lus de 60 % de la
population totale) dans les pays du Tiers Monde constituent la cible principale des projets, les
bénéficiaires d'un programme ou encore les utilisateurs finaux de telle ou telie technologie
(cible, bénéficiaires et utilisateun finaux sont des concept ayant le même sens). Cette
affirmation donne l'impression que les concepteurs de projets (techniciens, décideurs,
administrateurs et bailleurs de fonds) et fournisseurs d'aides se sont concertés à l'avance et se
sont mis d'accord sur cette « convergence » de vues. Ces remarques n'épargnent pas
l'irrigation dont il est question ici. Dans la pratique, cette convergence s'efface toutefois et fait
place à une divergence flagrante. En effet, il est aussi fiéquent d'avoir des projets ou des aides
conçus et décidés à la place des soi-disant bénéficiaires et tout ce qui les concerne. Ces
derniers ne sont pas considérés comme des partenaires ou des collaborateurs qui prennent part
à la prise de décisions, mais sont seulement consultés. Tout est décidé pour eux et non pas
avec eux. Ce genre d'usurpation, caractérisée par la dépossession du pouvoir de décision des
paysans par les concepteurs de projets et apportetu d'aides reflète une domination, une
imposition de ces derniers sur le groupe passif de paysans. Vis-à-vis de cette mainmise, une
certaine réticence, méfiance, un refus catégorique et une imperméabilité se révèlent dans les
réflexes normaux et logiques mais aussi agressifs des paysans. C'est à travers cette résistance
et le rejet de ce qu'on leur propose que se définit une agressivité passive de leur part.
capacité et I'audace de toumer le dos aux recommandations prescrites est un des aspects
pouvoir de décision paysan.

2.3.2.2. Les aides au développement de l'irrigation dans les PVD ou


rapatriement de l'argent vers les pays donateurs.

Les BF disent toujours qu'accorder une aide financière à un pays en crise, c'est l'aider
à sortir de la spirale de l'aide et de la dépendance. Si cela est vrai dans un certains sens et dans
des cas isolés, c'est douteux de le croire dans le cas des projets d'irrigation où une grosse

in L 'aideau développement de Z'imgation, OCDE,Paris, 1983, : 11, pp. 11-15

74
partie du prêt octroyé retourne dans les caisses des organismes et des pays donateurs. Outre
l'application d'un taux d'intérêt exorbitant qui gonfle la somme d'argent à rembourser, les
salaires des expatriés (assistants et coordinateurs techniques du projet), généralement payés en
devises étrangères accaparent une proportion importante du p s t accordé. A la fin du projet, le
pays aidé n'hérite que des carcasses de matériels roulants et autres équipements usés et intrâ~ts
agricoles, tous achetés à des firmes multinationales recommandées à l'avance par les
organismes de financement ou les pays aidants. Il ne reste presque rien pour les dits
bénéficiaires (paysans) alors que les aides et les projets n'existent pas sans e u . Ce n'est
qu'une petite couche d'administrateurs nationaux du projet et des techniciens de terrain qui
profitent de la situation en recevant un salaire et diverses indemnités deux ou trois fois plus
élevés que ceux touchés par un simple fonctionnaire. Par ailleurs, on oblige les paysans à
payer ou à contribuer au remboursement de l'argent investi en leur faisant payer des
redevances. Et cela, pour un projet conçu et élaboré à leur insu, sans leur participation.
Finalement, a l'aide a été donnée d'une manière directe par la main droite, mais retirée
indirectement par la main gauche, par les pays donateurs ».

Ainsi, on en conclut que non seulement les aides aux projets d'irrigation ne sont pas
efficaces pour le développement agricole, encore moins pour la promotion des sociétés nuales
concernées, mais entrainent aussi les paysans et le pays tout entier dans un endettement
continu.

2.3.2.3. Les projets d'irrigation : Champ de bataille des bailleurs de fonds

À travers le monde, il existe une multitude d'organismes d'aide et de financement.


Mais derrière cette diversité se définissent également des concurrences manifestes et aussi
latentes. Un projet d'irrigation peut avoir plusieurs sources de financement qui cohabitent pour
des objectifs et des buts différents les uns les autres, pour des intérêts divergents. En cela, le
projet constitue un champ de bataille des bailleurs de fonds, une zone où les logiques, les
philosophies et les approches de différentes origines entrent en querelle pour ne générer
qu'une situation de désordre plutôt profitable pour chacun des bailleurs de fonds impliqués
que pour les populations pour qui on a créé le projet. Il n'est plus question d'intérêts des
paysans. Sur le plan organisationnel, i1 en résulte un problème de coordination des actions, une
confusion de gestion. La recherche d'un consensus est difficile compte tenu de l'écart voire
même de l'incompatibilité entre les logiques. Cette ingérabilité amène facilement les
évaluateurs à qualifier les coordinateurs nationaux d'incompétents. En définitive, le bilan est
négatif car les objectifs que s'est fixé le projet ne sont pas atteints. D'où l'échec du projet.

2.3.2.4. Délais et coûts d'exécution des projets

Dans différents cas de projets d'aménagements hydro-agricoles, les activités définies


prennent plus de temps que les bailleun de fonds et les planificateurs ne le pensaient. Cela
tient à de nombreux facteurs. Tout d'abord, la conception et les analyses théoriques sous-
estiment les conditions administratives et infkastructurelles difficiles, ainsi que les réalités
socio-économiques et culturelles du milieu d'accueil des projets, d'où la difficulté de respecter
scrupuleusement les échéanciers ou le planning d'activités. À cela s'ajoute les problèmes
relatifs au déblocage du crédit, rarement fait à temps. Tout cela occasionne des décalages par
rapport au calendrier, des fiais et des coûts supplémentaires, parfois considérables, et dont
l'imputation est difficile à déteminer. Au compte du projet ou à celui des baiIIeus de fonds ?

En outre, les délais exigés par les méthodes et démarches imposées par les organismes
de financements sont trop longs. Les études préalables à la réalisation (diagnostic initial,
avant-projet sommaire, avant-projet détaillé, appel d'oEe, ...) demandent pour la majorité des
cas plusieurs années, ce qui dépasse en général le calendrier initial. Le coût du projet g o d e de
plus en plus et il s'ensuit une réduction considérable de sa capacité financière pour réaliser les
activités prévues. Une double conséquence en découle :

. d'une part, le phénomène entraine une augmentation des redevances à payer par les
paysans,
.d'autre part, il réduit la crédibilité du projet ou plus exactement des techniciens et
ingénieurs de terrain qui se trouvent dans l'obligation de faire des promesses aux paysans dans
des conditions d'incertitudes. En plus, ces derniers n'ont pas la maltrise d'un certains nombre
de paramètres d o n qu'ils sont en contact permanent avec les populations.
En conséquence, les paysans, déçus, ont perdu la confiance au projet et se
désintéressent des activités à entreprendre. En dernière analyse, ces manques de ponctualité
par rapport aux délais prévus s'expliquent par une mauvaise préparation du projet et aussi par
l'incapacité de gestion des nationaux.

2.3.2.5. Attentions insufEsantes aux politiques économiques généraies du pays.

Il y a lieu de noter que les bailleurs de fonds et les fabricants de projets font parfois
abstraction des politiques économiques intérieures du pays demandeur d'aide, politiques qui
pourraient avoir des influences notables sur le bon fonctionnement du projet et ses
financements. Nous faisons allusion ici a u politiques de prix, de distribution et de
commercialisation des produits agricoles. Elles demandent à être prises en compte par les
institutions de prêt et par les autorités publiques, sinon elles risqueraient de briser la relation de
confiance entre les populations et les administrateurs du projet. Des conséquences sur
l'enthousiasme des paysans vont se produire. A cause de ces situations défavorables, on peut
se reposer la question, à savoir si les aides et les financements extérieurs constituent une
nécessité pour le développement de l'irrigation et le développement agricole des pays en voie
de développement ? Avec le peu de connaissance générale que nous avons sur les aides au
développement, nous ne sommes pas en mesure de fournir de réponses. Ces pistes de réflexion
nécessitent des études plus approfondies.

En guise de conclusion, nous pouvons dire quand même que malgré les perceptions
négatives et les hypothèses pessimistes soulevées ci-haut, il s'avère difficile pour les PVD de
se débarrasser complètement des aides financières et des appuis extérieurs. Pour les rendre
bénéfiques pour les populations concernées et pour le pays tout entier, une révision des
systèmes du fonctionnement des crédits s'impose. Ensuite, des approches consensuelles sont à
définir avec les populations bénéficiaires, tout en tenant compte, des réalités socio-
économiques et socioculturelles et politiques du pays et des milieux ruraux qui accueillent les
projets.
CHAPITRE III:

LA RIZICULTURE MALGACHE, L'IRRIGATION À MADAGASCAR ET


L'AVÈNEMENT DU PROJET NATIONAL DE &HABILITATION DES PETITS
PÉRIMÈTRES IRRIGUÉS

QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LA RIZICULTURE MALGACHE

3.1.1. De 19arnbiguït6sur les origines de la riziculture malgache

Dire avec certitude que la riziculture malgache est d'origine asiatique pourrait être une
affirmation gratuite. Pourtant, dire également qu'elle est de source indienne en se basant sur
quelques traits caractéristiques serait moins convainquant. Se baser uniquement sur l'un ou
l'autre risquerait de dénaturer l'histoire de la civilisation du riz.

De nombreux ouvrages afknent que la riziculture malgache est une pratique apportée
par les malaysiens, premiers occupants de l'île ou plus précisement des Hautes terres centrales
de Madagascar. L'importance de cette activité agricole elle-même suggère à eue seule une
origine asiatique si on se réfère au piétinage à boeufs1des rizières qui se pratique également en
divers points de l'Asie rizicole. D'ailleurs, le mot a t a ~ y ,rappelle
)~ un vocabulaire indonésien.
D'autres arguments non agricoles semblent confirmer cette origine sud-asiatique. Par exemple,

' Opération cdturale qui consiste à mettre en boue la rizière par Iw boeufs avant le semis ou le repiquage du riz
* Type de rizicuIture qui se pratique sur Ia fiange orientale de Madagascar. C'est une culture sur brûlis qui
consiste à couper les arbres, puis brûler les herbes avant de semer le riz par pôquet.
les Malgaches du centre ont des idiomes indonésiens; ils ont un physique et un visage de type
indonésien; institutionnelle men^ les royautés malgaches ne sont pas tout B fait loin de ceiles
des khmers et la pirogue à balancier des rives malgaches est d'origine asiatique.

Pourtant, Paul Ottino (1975) a constaté sur le plan linguistique que les vocabulaires
malgaches concernant la riziculture se rattachent à des langues dravidiennes parlées en Inde du
sud. Dans le même ordre d'idée, Gourou (1984) fait remarquer que le a Vary 'N est proche d'un
mot qui désigne le riz dans l'Inde méridionales; et les caractères génétiques des riz malgaches
sont voisins des riz indiens. De ce faits, Gourou finit par se demander si l'origine de la
riziculture malgache serait l'Inde (ou Ceylan) et non pas I'Indonésie. Quoiqu'il en soit, il
débouche sur une déduction que les origines de la riziculture malgache sont (provisoirement)
énigmatiques.

Jean-Pierre Raison (1972: 412). quant à lui, mentionne que l'introduction de la


riziculture humide à Madagascar était l'un des problèmes les plus difficiles à résoudre,
lorsqu'il a reconstitué l'histoire de l'agriculture (y compris le riz) pratiquée en Imerina4
ancienne. Mais, considérant le fait que la civilisation du riz est étroitement liée avec les
origines de la population à Madagascar, il est probablement certain que la riziculture malgache
a été introduite de différentes façons, variant en fonction du moment et du point de
débarquement des premiers occupants et de leurs origines.

Notons à titre d'informations que les Malgaches sont de source asiatique dans le centre
et le nord-est de l'île, indienne dans le sud et le sud-ouest, bantou daAfiiquedans l'ouest et le
nord-ouest et d'origine arabe sur les côtes est et sud-est. Mais ces faits ne constituent pas un
obstacle à l'identification d'une diversité de types de Niculture pratiquée à Madagascar.

Vary: traduction en malgache du riz


'Imerina: province de l'ethnie Merina
3.1.2. Les dinérents modes de riziculture 5 Madagascar

Deux modes de riziculture sont à distinguer dans les campagnes malgaches: le système
à sec et la riziculture humide. Dans le premier cas, soulignons l'existence de
- l'essartages: pratique de riziculture nu bnllis où l'on sème le <aizsec des
montagnes». Il est caractérisé par une association culturale et se fait sur les collines des côtes
orientales de l'île.
- la riziculture sur champ permanent et sec comme en culture de blé en Europe.
Celle-ci est très rare à Madagascar.
.
La riziculture humide, quant à eue, est omniprésente dans 1Yle et se divise en quatre
formes selon l'identification faite par Y. ~ b é ~ :

- la riziculture de marais: elle se fait sur un étang sans diguettes construites ni


nivelage du terrain. Elle permet le semis des riz flottants.
- la riziculture pluviale se pratique sur des plateaux et des plaines sans base de
systèmes d'irrigation. En tant que telle, elle dépend uniquement des pluies. Elle a un taux de
pratique très élevé dans le Moyen ouest d'Antananarivo et dans la région du Vakinankaratm
- la riziculture inondée (ou riziculture à système irrigué) est la pratique la plus
élaborée bénéficiant des systèmes d'irrigation. Elle se caractérise par l'existence de deux
systèmes: extensif et intensif. La riziculture inondée est populaire sur les Hautes terres
malgaches, sur des plaines facilement irrigables. Notons, en outre son importance sur les
flancs de collines dans la région du Vakinankaratra et dans le pays Betsileo qui offrent une
grande possibilité d'aménagement des rizières en terrasses. Ce type d'aménagement en
terrasses étagées est aussi très fiéquent à Bali (Indonésie), dans les pays Ifugao (Philippines),
au Japon, à S n Lanka et en Assam, un État de I'lnde situé entre le Bangladesh et la Bismanie.
Encore une fois, cette situation reflète l'ambiguïté et le caractère flou des origines de la
rizicuiture malgache.

Pratique ancestrale, bien intégrée dans les moeurs des riziculteurs de montagnes. L'augmentation de la
population et l'insuffiance alimentaire entraînent ces derniers à écourter la période de jachère ( temps de repos
des ternes pour sa régénération), en s'adonnant à une déforestation excessive. Et l'interdiction de la pratique de
I'essartage a été décrétée au moment où Ies impacts néfàstes sur l'environnement s'annonçaient graves.
Y . Abé, le riz et la Niculture à Madagascar :une étude sur le complexe rizicole d 'Immna, CNRS, Paris, 1984.
Parmi les modes et les formes de riziculture énumér6s ci-dessus, la culture inondée et
irriguée vient en première position du point de vue du rendement et du taux de pratique, suivie
de la riziculture pluviale.

Sur les Hauts plateaux malgaches, trois saisons de cultures sont à distinguer en
riziculture irriguée. Elles se font sur des terrains différents en fonction de la topographie, de
l'accès à l'irrigation et suivant les priorités et stratégies des paysans. Elles peuvent donc se
chevaucher au cours d'une année malgré leur nom de riz de première saikon ou le wary
alohm' en malgache, riz de deuxi2me saikon ou wary vakiambiatp' et de riz de saison
intermédiaire ou a vary sia n9.

Vue cette importance relative de la riziculture irriguée, il s'avère judicieux d'ktudier


l'évolution de l'irrigation à Madagascar, objet même du présent mémoire.

3.2. DE L~AMÉNAGEMENT TRADITIONNEL DES REIÈRES AUX


&NAGEMENT HYDRO-AGRIGOLESMODERNES.

3.2.1. Un aperçu chronologiqne de l'irrigation et du processus d'aménagement


hydro-agricole Madagascar.

L'aménagement des rizières sur les Haute terres de l'ne constitue un point de départ
pour la maîtrise de l'eau en riziculture irriguée à Madagascar. D'après l'histoire des rois, la
toute première tentative de maîtrise de l'eau a pris naissance à l'époque de la royautk, sous le
règne d'Andnanjaka, vers le XVIè siècle. Andriantsitakatrandriana qui régna à Antananarivo a
fait aménager la grande plaine marécageuse de Betsimitatatra, qui devenait plus tard un grenier
a riz de 1'Imerina centrale. Les travaux de drainage s'avéraient primordiaux pour évacuer le
surplus d'eau dans la plaine. Il y eut une disette d'une durée de 7 ans et~~ndriarnasinavalona

'Semé en avril-mai, le Vary aloha se rCcolte en janvier-février. à un rendement moyen de 2 à 2,5 tomesha.
le Vary vakiambiaty est la principale saison de riz sur les Hauts plateaux. Cultivé de septembre à avril, il a un
cycle moyen de 8 mois et un rendement moyen très élevC de 3 tonnedha.
Le vary sia est une saison intermédiaire la moins pratiquk; s r n i e en juillet-août pour être récolté en mars.
(1630-1730) n'eut pas de riz''. Et c'est ainsi que fiit donné l'ordre de construire une très
longue digue qui contribua à la délimitation géographique de la plaine de Betsimitatatra La
disette persista et vers 1800, le roi unificateur de l'Imerina, en l'occurrence
Andianampoinimerina, continue l'oeuvre de ses prédécesseurs &ydrauliciens» en développant
la construction des diguettes. Non seulement il fait construire des digues, mais il réglemente
aussi sa maintenance et ses entretiens ainsi que le partage des eaux.

Au cours des siècles des royautés Merina, les c o ~ l ~ f ~ c t i oles


n s ,réparations et les
prolongements des digues et des diguettes ainsi que l'installation progressive des mécanismes
d'imgation étaient intensivement poursuivies par Ies rois successeurs. Ce qui améne
Andrianampoinimerina à se créer des slogans incitatifs comme i<ny runomasina no
vaIamparihiko »", « triomphons,vous et mai de la disette, car c'est IÙ le seul ennemi qui nous
reste,je n 'aurais pas de repos tant que la disette ne sera pas vaincue D".). La population a
donc été sensibilisée à travailler ensemble et produire davantage pour lutter contre la faim.
L'objectif actuel à atteindre par l'irrigation et le slogan de la production à outrance lancé au
cours de la deuxième république ne sont pas des phénomènes nouveaux. Ils relèvent des
ambitions des dirigeants du temps des royautés malgaches.

Les efforts de maîtrise d'eau et d'aménagement des rizières, dès leurs origines jusqu'au
X W è siècle, détermine la civilisation du riz à Madagascar. Les techniques d'irrigation
gagnaient du terrain et se propageaient vite sur tous les Hauts plateaux de l'île. Sur les Hauts
plateaux sud par exemple, elles se pratiquent aussi bien sur les collines et flancs de collines
que dans des plaines marécageuses. Dans le premier cas, elles se font sur des rizières en
terrasses, dispositifs permettant une bonne maîtrise de l'eau des montagnes par le simple
système d'entrée et de sortie de l'eau suivant les besoins. Ce système simple et traditionnel est
plus ou moins l'équivalent des mécanismes d'irrigation et de drainage dans les réseaux hydro-
agricoles modernes. Notons que les rizières en terrasses relèvent des pratiques d'aménagement
de longue date de l'ethnie Betsileo.

'O François Cailet, Ratimba Emmanuel,Histoires des Rois, Académie malgache, Tananarive, 1953 T.1: 553.
" C'est la mer qui constitue Ies digues de mes rizières
l2 François Callet, Ratsimba Emmanuel, Histoire des Rois, Académie malgache, 1958, T . N :499
Tandis que dans le deuxième cas, les riziculteurs démontrent leur niveau de maîtrise de
l'eau par la création des barrages m terre dont l'objectif est de dévier l'eau d'une petite rivière.
Dans ce système, le tour d'eau se fait automatiquement et passe d'une parcelle à une autre par
I'intermédiaire des rigoles et des petites ouvertures qu'on peut boucher en fonction des
besoins. Il est nkcessaire de fairt remarquer qu'aucun problème de gestion de l'eau ne se
posait à cette époque. Les problèmes relatifs à l'eau et à sa gestion se règlent facilement à
l'amiable dans la communauté.

La période coloniale est marquée par l'aménagement des plaines irrigables avec la
création de barrages de retenu sur rivière. À cette époque, les pouvoirs coloniaux créaient des
périmètres imgués de différentes tailles: grande, moyenne et micro. Ainsi, on peut se référer
aux tout premiers grands aménagements hydro-agricoles; en l'occurrence le périmètre du Lac
Alaotra (21 000 ha), réalisé en 1923,celui du Marovoay et celui de la Samangoky.

Après l'indépendance (1960),l'État malgache, avec l'appui de la coopération h ç a i s e


prennent en charge les aménagements existants et cherchent à les agrandir. Pour ce faire, ils
ont recours à la mise en place des sociétés d'aménagement, telles la SOMALAC," créée en
1963, la FIFABE à Marovoay, etc. Ces structures de gestion et d'encadrement sont chargées
de la conception et du contrôle des travaux d'aménagement, des travaux de maintenance et
d'entretien, de l'encadrement technique des paysans, de la gestion de l'approvisionnement en
intrants, des crédits de campagne, du décorticage du paddy, du transport et de la
commercialisation du riz décortiqué (marché local et exportation). Cette époque est marquée
également par un interventionnisme étatique à outrance.

Au cours de la première république, les nouvelles constructions ralentissaient en ce qui


concerne les grands aménagements hydro-agricoles. Gérés par les sociétés d'État, ceux-ci ont
été mis en question à cause de la chute des rendements rizicoles. À l'époque, la SOMALAC
faisait un rendement moyen situé entre 2 et 3 tomesha alors qu'il était prévu qu'elle en fasse
4 tomesha. Elle a été critiquée pour l'application des systèmes de production lourds et
- -

" SOMALAC :société malgache d'aménagement du Lac Alaotra.


coûteux, pour la mauvaise gestion des structures jugées très complexes. À tout cela s'ajoutent,
la contestation des paysans et des groupements paysans de certaines obligations et du montant
exorbitant des redevances ainsi que le manque d'entretien des réseaux d'irrigation.

Étant donnée cette situation, l'État s'intéressa aux micro-réalisations et créa les Petits
Périmètres Irrigués (PPI) dans les années 60/70.Ceux-ci se dégradaient rapidement et il y eut
une chute de la production au niveau national. Entre temps, l'État continuait B réhabiliter les
grands p6rimètres; ce n'est qu'en 1984 que les PPI ont pu bénéficier d'un projet d'envergure
nationale se chargeant plus particulièrement de la réhabilitation des réseaux hydro-agricoles et
de la structuration paysanne. Dans la cadre des politiques agricoles, le Projet PPI est appelé à
réduire I'importation du riz en augmentant la production locale afin d'amener le pays au seuil
de I'autosuffisance alimentaire.

3.2.2. Les différents types de périmètres irrigues a Madagascar

II existe différentes sortes de périmètres irrigués dans le secteur rizicole malgache. Ils
se définissent seIon :

a - le type et les dimensions des infiastructures d'irrigation,


b - la superficie irriguée ou à irriguer,
c - les ressources et la stratégie de l'exploitation,
d -.les caractéristiques agro-écologiques de la région où le périmètre se trouve,
Selon le MINAGRI14,il existe quatre types de périmètres irrigués.

3.2.2.1. Les périmètres familiaux (PF)

Ce sont des périmètres de petites tailles moind de 10 ha, aménagés.et mis en valeur par
une seule famille ou par un groupement familial. Ils sont faits manuellement et
traditionnellement à l'aide des matériaux locaux (bois, teme, moellons, ...) et mobilisent la
main-d'oeuvre du milieu. Selon les données du MINAGRI, les 300 000 ha de PF recensés
représentent plus du quart de toutes les surfaces irriguées du pays.

Ils sont éparpillés un peu partout dans l'lie et la plupart se trouvent dans les étroites
vallées et sur les flancs de collines des Hauts plateaux, aménagés en terrasses et nivelés, et
dans les bas-fonds de la côte est et de la côte oue* le système de maîtrise de l'eau y est plus
nidimentaires. Les PF sont aussi caractérisés par leur très faible exigence en investissements
financiers et en système d'organisation des entretiens. En outre, ils sont souvent situés dans les
régions difficilement accessibIes. Compte tenu de ces caractéristiques, les PF ne bénéficient
pas du soutien des pouvoirs publics ni dans leur aménagement ni dans leur entretien.

3-2.2.2.Les micro-périmètres (MP)

Le deuxième type de périmètre irrigué est de taille variant entre 10 ha et 250 h a Dans
l'ensemble de l'île, il existe environ 500 000 ha de MP qui représentent environ 40 % des
terres irriguées. La mise en valeur est réalisée par un certain nombre de familles regroupées
dans une petite association. Les travaux de maintenance et d'entretien se partagent entre les
familles. Étant de très simples structures d'irrigation, la construction des MP relève des
initiatives paysannes, à l'exception de certains autres qui sont de plus grandes tailles, recevant
le soutien de l'État. Pour ces derniers, le secteur public fournit son assistance dans la
construction et la réparation des barrages et des infi.aStnictures hydrauliques. Malgré cela, les
techniques culturales sont toutefois de type traditionnel.

3.2.2.3. Les petits périmètres irrigués (PPI)

Ce sont des périmètres irrigués d'une superficie allant de 250 à 2 500 h a D'une
superficie totale d'environ 200 000 ha, la plupart des PPI ont été construits entre 1945 et 1970
avec un grand soutien financier de l'État et des aides extérieures. De ce fait, ce type de
périmètre est équipé de grandes infrastructures d'irrigation et de maîtrise d'eau relativement
importantes. L'importance des investissements publics dans les PPI nécessite que l'État prenne
en charge les travaux d'entretien et de maintenance des réseaux.

Un projet national a été mis sur pied en 1985, ayant pour mission de réhabiliter 7 700
ha de PPI pour lesquels la remise en état semble

3.2.2.4. Les grands périmètres irrigués (GPI)

Ayant une superficie supérieure à 2 500 ha, les GPI occupent 10 % du total des
superficies imguées du pays. Les grands périmètres irrigués existant a Madagascar possèdent
des systèmes d'irrigation très développés. La maîtrise de l'eau et la gestion des GPI sont très
onéreuses à cause de leurs grandes dimensions. Par conskquent, I'administration et la gestion
globale sont confiées à des organismes parapubiics, sous tutelle du MINAGRI. Au nombre de
six, les GPI concernent cinq provinces de l'île et fonctionnent sous la direction de différents
organismes de gestiod6

3.3. L'IRRIGATION :UN ENJEU D'ENVERGURE NATIONALE

3.3.1. L'importance du secteur irrigue ik Madagascar

Selon la classification de la FAO, Madagascar figure parmi les pays qui disposent des
plus vastes superficies de cultures irriguées de toute l'&que. On y compte près d'un million
d'hectares, soit environ 82% des terres potentiellement irrigables". D'après l'estimation du
ministère de l'Agriculture, 20% du P B de Madagascar, 70% de la production agricole et 80%
du total de la production agricole proviennent du secteur irrigué".

' Cf.Tableau en annexe


I6Cf tableau en annexe.
"FAO, L'imgation m chiffieen Afique, FAO/ONU, Rome 1995 : 177.
" MINAGRI, Rendemenu des cultures et estimation de la production. campagne agricole, 1984/85: 13
La culture irriguée occupe une place importante dans toute lYe, mais une grande
prépondérance s'enregistre sur les Hauts plateaux. La riziculture est non seulement la plus
importante des cultures à Madagascar, mais eue l'est également dans le sous-secteur h i g u é oh
61% environ des terres cultivables lui sont consacrées (cf. Tab.2 )

Tab. 2 :Importance par région de I'imgation pour la production rizicole


Superficie % par rapport Supedicie Riz Irrigué Production
Province Riziculture Superficie Riziculture sur Rizicole su
(ha) Totale Irriguée (ha) Total Riz ( % ) Total( % )
Antananarrivo 223 765 65 212 577 95 22
Fianarantsoa 220 366
Toamasina 216 244
Mahajanga 211 791
Toliary 83 922
Antsiranana 111 608

TOTAL 1 067 696 61 880 204 82 1O0


Source: MINAGRI, Cultures et superficies des exploitations agricoles, Campagne 198411985, avril 1988:20

Il ressort du tableau qu'Antananarivo et Fianarantsoa dévancent largement les autres


provinces sur le plan irrigation. Ils ont successivement les taux de pratique les plus élevés,
notamment de 95 % et 90% sur le total des surfaces rizicoles cultivées, a l'exception de
Toliary qui a 97% de riz irrigué sur sa plus faible surface rizicultivée de 83 922 ha Le
MINAGRI estime que 93% des paysans de ces Hauts plateaux centraux ont recours à
l'irrigation, contre 49% seulement à Toamasina et 50% à Toliary. A elles seules, htananarivo
et Fiananratsoa produisent 46% du riz Dans l'ensemble de l'île, l'irrigation concerne
surtout les petits producteurs, ayant des exploitations de moins de deux hectares.

Le riz est suivi par la canne à sucre, avec 12 500 ha de superficies irriguées sur les
37 000 ha cultivés et par le coton qui n'a seulement que 1 500 ha irrigués sur les 8 500 ha
exploités2'. D'autres cultures comme le blé, l'orge, la pomme de terre et les légumes sont
identifiées dans le secteur irrigué. Elles sont très importantes sur les Hautes terres centrales et
se pratiquent pour la plupart des cas en contre saison sur ripère.

'9 Cf Tableau en annexe.


20 MRD, Étude du secteur im-gué.Étude de l'économie de I'irrijp~iion.Vol. 1 ,W., Cambridge 199 1.
3.3.2. Place et rôles de l'irrigation dans la mise en œuvre des politiques agricoles
et stratégies de développement.

La technique de riPcuIture aquatique remonte aux temps anciens avec le débarquement


des premiers occupants des Hautes terres centrales de l'Île. Cette reconnaissance a évolué
surtout lorsque la riziculture s'est enracinée dans les moeurs et les coutumes des Malgaches et
que le riz est devenu un aliment de base. En effet, sa consommation quotidienne (trois fois par
jour) permet aux Malgaches de faire partie des plus grands consommateurs de la terre. Par
contre, son intégration dans la politique agricole a pris du temps car ce n'est que pendant le
règne d'Andrianampoinimerina ( X W è siècle) que les premières tentatives de maîtrise de l'eau
font leur apparition, les objectifs étant alors d'augmenter la production rizicole, de pallier à
l'insuffisance du riz et de lutter contre la famine qui menaçait la population. « Je n .aipas
.
d'ennemi c'est la famine qui est mon ennemi», disait le roi à cette époque. A partir de cette
date, l'irrigation prend de l'ampleur et ne cesse de s'intensifier au cours de la période coloniale
où les grands aménagements hydroagricoles font leur apparition. La première République
continue à mettre en place plusieurs grandes opérations. Malgré un éparpillement dans toute
l'île (COMIMA dans l'Ouest, SAMANGOKY au Sud-ouest, SODEMO dans le Sud,
SOMALAC dans la province de Toamasina, etc.) une grande concentration s'observe sur les
Hautes terres centrales et les Hautes terres sud (Arnbositra), zone familière aux pratiques de la
riziculture irriguée. Ces efforts relèvent des décisions du ministère du Développement rurai à
l'époque et ainsi étoffent les structures d'encadrement et de production. Us s'inscrivent dans le
cadre de la planification nationale, des politiques agricoles et des stratégies de développement.
Ces élans pris dans le secteur irrigué ont été renforcés par les réalisations des PPI et des micro
périmètres, suivis de la création d'un projet qui cadre dans le domaine de l'irrigation.

L'imigation joue donc ainsi un rôle important dans le secteur clé de l'agriculture. Le
but de la réhabilitation des secteurs higués est de palier à l'insuffisance de la production
agricole, pour lutter contre la famine et pour réduire les importations de riz. Elle constitue une
forme manifeste et concrète qui justifie la prédominance des rôles et la place du sous-secteur
irrigation dans les politiques agricoles et nuales à Madagascar. Cette grande importance du
rôle accordé au secteur riz irrigué s'explique par l'excellente rentabilité qu'elle présente
(2,5T/ha) par rapport à la riziculture pluviale (1.5 Tha) et sa grande contribution dans la
réduction des importations de cette denrée alimentaire, ainsi que la sortie des devises. Mais la
promotion de ce secteur n'est pas un engagement facile, surtout dans le cadre des grands
aménagements hydro-agricoles comme la SOMALAC.

3.3.3. La Somalac, en bref

Le périmètre de la SOMALAC a été créé et aménagé par la puissance coloniale.


Constituées en mailles hydrauliques, les terres aménagées ont été redistribuées à des petits
paysans de la région du Lac Alaotra et mises en valeur sous la direction de la société d'État
SOMALAC. Une chute de rendemen?' a été causée par l'insuffisance de la maintenance et des
entretiens des réseau, suite aux grands problèmes de financements auxquels la SOMALAC
s'est heurtée au cours des années IWO.

Il s'ensuit une grande restructuration qui touche le grand périmètre tant au niveau
institutionnel qu'au niveau technique et physique. En 1984, la bonne volonté des bailleurs de
fonds a suscité Ia réhabilitation de 20 000 hectares de rizières, une tentative de redresser la
situation.

La réhabilitation institutionnelle a fait de la SOMALAC une société i trois


établissements fonctionnels, concernant successivement la gestion globale du périmètre, la
vulgarisation des techniques culturales et la transformation et la commercialisation du paddy.

La réhabilitation physique n'a pas fonctionné sans problèmes. Des propositions de


réaménagement élaborées par les techniciens ont toujours été remises en question par les
paysans attributairesUcar elles ne sont pas conformes à leurs attentes. Finalement, les travaux
effectués ne sont pas satisfaisants et ont créé de graves problèmes pour les associations des
usagers de l'eau au niveau de la maintenance. Malgré l'appui et le concours de la Somalac dans
la prise en charge de l'exploitation et des entretiens des ouvrages, la détennination du montant

2' Le rendement du riz passait de 3 t/ha en 1970 à 2t/ha, dix ans plus tard,
"A t t n i i r e s : les paysans à qui la Somalac a réattribué les tenes aménagées.
des redevances a toujours été un problème. Le faîble taw de recouvrement a entraîné la f a t e
de la société.

3.3.4. Quelques difLicultés des grands amhagements hydro-agricoles

Les analyses qui vont suivre dans cette section se concentreront sur les grands
aménagements en général et sur le cas du périrnéire de la SOMALAC en particulier. Nous
entendons par difficultés, tout facteur qui, de près ou de loin, entrave le bon fonctionnement
générai du périmètre figué.

3 -3.4.1. implication à outrance des paysans ou pseudo-participation paysanne.

Partie avec l'objectif de responsabiliser les usagers du périmètre, la SOMALAC a m i s


en place différents types de groupements de producteurs. En effet, il existe des groupements
pour le crédit de campagne, pour les travaux d'entretien des réseaux, pour les travaux
techniques de production, pour la commercialisation. Le comité de gestion de l'eau (CGE)et
I'association des usagers de l'eau (AUE) sont des structures permanentes au sein du périmètre.
Reconnaître la nécessité de la participation des producteurs est déjà un grand pas vers la
considération des acteurs principaux du développement, mais impliquer ces derniers, d'une
manière outrancière et imposée c'est aussi leur enlever leur pouvoir de décision. D'autant plus
qu'en demière analyse, ces structures dites paysannes ont été conçues en l'absence des
concernés. Malgré le fait que ce sont les paysans eux-mêmes qui s'organisent pour désigner les
membres de bureau des associations, il faut savoir que les idées de base et les objectifs ont été
élaborés et véhiculés par les techniciens. Ces derniers mettent en exergue les avantages que les
producteurs peuvent en tirer, justifiant la nécessité d'y adhérer. Par conséquent, l'adhésion ne
se fait pas par conviction, et par la suite, il s'ensuit une manifestation d'une solidarité à
rebours de la part des paysans membres. La manifestation la plus courante est symbolisée par
un absentéisme aux travaux d'entretien et de maintenance des réseaux ou par le non respect de
I'organisation de tour d'eau ou encore par la résistance à l'intensification proposée par la
société d'encadrement.
3.3 -4.2. Statut et systèmes fonciers mal définis

Les problèmes relatifs au foncier sont inteneliés et se présentent sous trois formes. Iis
sont issus, pour la majorité des cas de l'incompatibilité entre le droit traditionnel et le droit
moderne ainsi que de la co&ontation entre les deux. Dans le périmètre de la SOMALAC par
exemple, les terres ont été attribuées aux producteurs sans tenir compte des réalités sociales de
la région.

De ce fait, le droit moderne se trouve en confkontation avec le droit coutumier. Sur le


plan concret, les producteurs habitués au mode de succession des terres par héritage continuent
à partager le lot attribué à leurs enfants. De génération en génération, les partages se succèdent
et finissent par morceler le lot initial. Ce qui complique le mode de gestion de l'eau, les
travaux d'entretien ainsi que l'encadrement technique car payer la redevance pour une parcelle
exiguë ou appliquer de l'engrais sur une petite surface n'est rentable ni techniquement ni
économiquement ou socialement pour les paysans. Malgré l'interdiction par le «cahier de
charge», le mode de succession de terre par héritage est pratiqué par la majorité des
attributaires. Ce mode d'appropriation et de mise en valeur freine le système et accentue les
différenciations sociales et, pour la pire des choses, va jusqu'a I'éclatement du groupe. Une
situation pareille affecte l'organisation sociale, technique et économique de l'ensemble du
périmetre.

Par ailleurs, l'attribution de terres aménagées fait que des paysans d'ethnies différentes,
de cultures différentes, de villages différents, n'ayant pas le même mode de vie et la même
organisation sociale, partagent la maille hydraulique. Le regroupement dans une association
est difficile. Par voie de conséquence, la cohabitation s'avère un générateur de troubles sociaux
et de conflits inter ethniques.

En troisième lieu, le métayage et la location des terres attribuées, malgré le cahier de


charge, sont des pratiques courantes dans le périmètre de la SOMALAC. Et même si le
pouvoir public reconnaît ces modes d'exploitation indirecte, ces pratiques restent des
handicaps majeurs à la participation paysanne. Le désintéressement aux travaux de
maintenance et le refus des techniques d'intensification accaparent les métayers et les
locataires des rizières. Pour e u . investir dans l'exploitation des terres qui ne leur
appartiennent pas est une grosse perte, étant donné qu'ils ne sont propriétaires que
temporairement. Ils évitent donc autant que possible d'augmenter les coûts de production. Par
conséquent, l'organisation généraie du périmètre se trouve affectée par ces modes de faire
valoir et il en résulte à titre d'illustration un faible taux de recouvrement des redevances. D'où
la faillite des institutions publiques.

3-3.4.3. De la mauvaise gestion de l'eau aux conflits sociaux

Dans le périmètre de la SOMALAC, les conflits sociaux relèvent de la mauvaise


conception des aménagements. Les erreurs techniques, &conorniqueset sociales, liées à la
méconnaissance du milieu et de la non prise en compte des logiques paysannes se conjuguent
pour générer des tensions sociales à deux niveaux. D'une part, entre les attributaires et la
société S OMALAC, d' autre part entre les producteurs eux-mêmes. Tout d'abord, il convient
de mentionner que les gros problèmes tournent autour de l'organisation de la gestion de l'eau,
notamment de sa distribution et de l'entretien des ouvrages. La mauvaise répartition de l'eau
causée par les défaillances techniques n'assure pas une irrigation parfaite de toute la maille
hydraulique. Certaines parcelles soufient du manque d'eau alors que certaines autres se
trouvent en excès. Cette inégalité quantitative se complique lorsqu'un tour non adapté vient
s'appliquer en créant des différends entre les paysans en amont des réseaux et ceux situés en
aval. Ainsi, on peut résumer qu'un conflit en latence caractérise ce premier niveau de conflits
sociaux

Si les tensions sociales du premier niveau sont moins manifestes et non spontanées,
celles du deuxième sont par contre beaucoup plus vivaces et pexmanentes. Explicitement, les
confiits entre attributairesU et société ne sont pas manifestes mais se lisent dans la faible
participation des populations aux différents travaux d'entretien, dans le faible taux de
recouvrement des redevances, et plus loin dans la résistance aux techniques d'intensification

Attributaire désigne la personne qui met en valeur la portion de terre aménagée et distriMe par la
SOMALAC.
rizicole proposées par la société d'encadrement. Tandis que les conflits q u e l s les
attributaires se livrent entre eux, sont plus vivants, plus concrets et permanents. Dues à la
répartition inégale de l'eau, les pratiques illicites sont inévitables, à savoir les vols d'eau, le
non respect des tours d'eau, les pratiques de brèches, le dimensiornement volontaire des
prises, l'ouverture non autorisée des vannes, etc. Par conséquent, le gardiennage individuel
pendant la nuit de ses propres prises s'impose. Or, ce qui est cocasse dans cette histoire et que
semble ignorer la SOMALAC, c'est que les paysans finissent par s'entre-tuer à coup de fusil, à
coup de hache, de sagaie ou de couteau en cas de voh d'eau ou de manoeuvres illicites
touchant l'intérêt de l'un ou de l'autre.

3.3.4.4. L'endettement des paysans auprès de la Somalac

A cause des multiples erreurs techniques, le périmètre de la Somalac a connu une


dégradation progressive par laquelle s'explique une baisse flagrante des rendements rizicoles.
La privatisation de la vente et de l'approvisionnement en intrants agricoles (engrais chimiques
et produits phytosanitaires des plantes surtout) et la libéralisation de la commercialisation du
riz ont grandement et défavorablement contribué à l'augmentation des coûts de production.
L'intensification rizicole à été mise en cause et la baisse de la productivité a provoqué une
chute du revenu. De ce fait, il arrive parfois aux paysans de ne pas pouvoir payer les
redevances. Et ils s'endettent de plus en plus auprès de la société qui devient déficitaire. Par
conséquent, celle-ci devient incapable d'assurer l'encadrement et les tâches qui lui sont
assignées. Cette situation crée des problèmes pour la gestion du périmètre et nuit aux relations
entre les attributaires, les associations et la Somalac.

Actuellement, ces grands aménagements hydro-agricoles sont en perte de vitesse. La


réhabilitation des réseaux est très coûteuse pour l%tat qui s'oriente vers la responsabilisation
des paysans et la privatisation de la SOMALAC. Cette décision conduit celui-ci à orienter ses
politiques en matière d'irrigation vers la reconsidération des périmètres de taille intermédiaire,
en l'occurrence des petits périmètres irrigués, jusqu'au point de monter un projet d'envergure
nationale.
3.4. GÉNÉRALITÉs SUR LE PROJET NATIONAL DE RÉHABILITAIXION DES
PETITS PÉRMÈTRES IRRJ:GU~.S

3.4.1. La crise des années 80 :condition de naissance do projet PPI.

Pour l'ensemble des pays africains tropicaux, la décennie 80 fut une période de crise
qui détermine des situations incontrôlables et des effets considérables sur les sociétés d e s .
Malgré la coïncidence dans le temps du cas aüîcain et de celui de Madagascar, il est admis que
la crise des années 80 a entraîné la paysannerie malgache toute entière dans une paupérisation
efEénée. D'ailleurs, elle ne se présente pas de la même façon que celle vécue par l7Niïque. La
crise des années 80 à Madagascar est spécifique dans le sens où elle n'a aucune similarité avec
la situation des grandes sécheresses répétitives du Sahel, ni de près ou de loin, avec le cas du
Cameroun et de la Côte-d'Ivoire, deux pays victimes de l'effondrement des cours sur le
marché international des produits d'exportation comme le café ou le cacao. Elle est purement
et simplement causée par deux conditions distinctes, à savoir la démographie galopante non
maîtrisée et l'étatisation à outrance de la production agricole dont les lourds effets sont
beaucoup plus sentis dans le secteur rizicole et dans les conditions de vie des paysans en
général.

3.4.2. La faible productivité rizicole face il la démographie galopante

Au cours des sept premières décennies du XXè siècle, la production rizicole a cornu
une évolution positive en dépit de certaines difficultés. Effectivement, Française Le Bourdiec
(1974) nous fait remarquer que, dès 1905 déjà, le pays produisait 400 000 tonnes de riz. En
1950, ce volume avait doublé; et dix ans plus tard, il avait tripl8. Depuis ce temps, la
production rizicole s'est stabilisée aux environs de 2, 1 millions de tonnes, sauf au cours de la
campagne 1988/1989où elle a atteint 2,3 millions de tonnes*.

" F. Le Bourdiec, Hommes et paysage du r-k à Madagascar, janvier 1974 : 80.


AIRD,Étude du secteur inigué. Etude de 1 'économie de 1 'imgation, Vol. 1, Rapport provisoire, 199 1 :2
( annexes )
Le rythme lent de la croissance de la production Nicole ne permet pas de satisfaire la
demande accrue de riz causée par une augmentation de la population à nourrir.

L'étatisation de la production rizicole et le monopole étatique de la commercialisation


du riz génèrent des conséquences néfastes sur les modes d'exploitation et modes de vie des
paysans. Tant sur le plan technique que sur le plan socio-économique, les impacts de cet
interventionnisme de l'État sont insupportables pour la paysannerie malgache. La subvention
des prix agricoles, des intrants et des équipements agricoles divers (engrais chimiques,
chamies) au lieu de rendre les paysans indépendants et resp011sables~a mis ces derniers dans
un état d'esprit de dépendance et d'assisté qui a coûté cher à l'ensemble de l'économie
agricole. Ce volontarisme démesuré de l'État, conjugué avec une approche technico-
productiviste, selon les analyses de certains BF, est vu comme source du déséquilibre au
niveau de la balance de paiement. D'oii les mesures économiques restrictives, imposées par les
institutions de Bretton Woods. Une des exigences les plus dures pour l'État est la réduction
des dépenses publiques. Sur le plan de la production agricole, eue se manifeste par la réduction
de l'effectif des fonctionnaires et des employés de courte durée (ECD),des techniciens
d'encadrement qui assurent le travail sur le terrain, suppression de toutes les subventions à
caractère agricole et la libéralisation du commerce du riz. Les impacts sont vite ressentis dans
les milieux ruraux. L'augmentation des coûts de production due à la privatisation de
I'approvisiomement des intrants agricoles impose des prix exorbitants qui ne sont pas à la
portée du pouvoir d'achat des paysans ; alors que les prix agricoles (surtout celui du riz)
stagnent.

Ces mesures restrictives du budget de l'État ne se réalisent pas sans avoir de lourdes
conséquences sur le développement agricole et niral à savoir:

- ltenclavement des villages à cause de la dégradation des hfktmchues routières et


des pistes d e s ,
- le délaissement de l'encadrement des paysans faute de moyens de locomotion des
agents de terrain pour assumer leur travail,
- la dégradation des idkastructures hydro-agricoles et des barrages à cause du manque
d'entretien, une tâche qui était réalisée et prise en charge par l'État auparavant, surtout pour les
PPI dont la majorité a été créée entre 1960 -1965. Ils sont donc presque vieux. D'OU. les
situations suivantes :

non rentabilité des activités agricoles en général et rizicoles en particulier ;


chute de la production rizicole nationale ;
.perte de confiance des paysans, habitués aux subventions, services et intrants gratuits
ou à bas prix et éduqués par l'État lui-même dans un esprit ou une mentalité d'assisté.

Deux grandes conséquences résultent de ce qui a été dit précédemment. Effectivement,


on remarque d'abord un retour des paysans aux techniques rizicoles traditionnelles : repiquage
en foule, absence de sarclage, pas d'application d'engrais chimiques ni de fumier de parc
(l'élevage de bovin lui-même est en perte de vitesse). On observe également un retour à la
logique d'autosubsistance, limitée à l'autoconsommation familiale et la menace d'une autarcie
socio-économique des milieux ruraux, phénomène qui se manifeste à l'encontre des intérêts
des consommateurs urbains. Tout cela rejoint la forte croissance de la population pour creuser
davantage le fossé entre l'ofie et la demande en riz. Pour l'État, le recours à I'irnportation de
riz blanc fut une solution palliative et immédiate afin de combler le déficit.

Dès 1982 déjà, une importation de 300 000 tomes de riz blanc a été réalisée dont la
valeur dépasse les 10 milliards de fiancs malgaches, soit 20 % de l'ensemble des produits
importés au cours de cette année. Et cela, malgré la réduction de la consommation journalière
de riz, ramenée à 200 gltête. Si d'habitude les Malgaches consomment le riz trois fois au cours
d'une joumée, actuellement ils n'en prennent que deux fois par jour. Ce changement au niveau
des habitudes ahentaires s'accompagne de la prise de produits de substitution (maïs, manioc,
patate douce, taros, etc.) et entraîne même des modifications dans les modes de cuisson.

Les analyses faites par l'État (et probablement de concert avec les institutions
financières internationales) autour de la crise l'amène à déduire que multiples sont les causes
de la situation mais que le principal responsable est la dégradation rapide, flagrante et
généralisée des réseaux d'irrigation des périmètres hydro-agricoles. À la faveur de cette
concIusion, il décrète la réhabilitation des périmètres Ungués et toutes les infrastructures
hydro-agricoles susceptibles de faire augmenter rapidement et efficacement la production
rizicole. Ce qui a conduit l'État à cibler tous les périmètres rizicoles en mettant l'accent sur les
Petits Périmètres Inigués (PPI). C'est ainsi qu'est né le Projet National de Réhabilitation des
Petits Périmètres Irrigués en 1985, abrégé en Projet PPI. Mais, qu'en e s t 4 exactement du
projet dit PPI ?

3.5. LE PROJET PPI :SES OBJECTIFS GÉNERAUX ET SES FENALITÉS

3.5.1. Le cadre institutionnel du projet

Étant une structure institutionnelle officiellement reconnue par les lois en vigueur, le
projet national PPI s'inscrit dans le cadre d'une planincation nationale de développement
économique et doit se conformer à certaines obligations dont la plus importante est la mise en
oeuvre des politiques de développement agricole dans le respect de la philosophie des
En outre, il doit être guidé par le slogan politique
stratégies globales du développement d.
de la production à outrance exprime littédement par les paroles du Président à l'époque :
« Produire, produire encore, produire toujours, produire davantage P. Il a le ministère de la
Production agricole et des Réformes agraires (IWARA) comme institution de tutelle.

3.5.2. Rappel de la situation et missions du projet PPI

Rappelons que dans le contexte malgache, le déficit de la production alimentaire


s'aggrave. Le rythme de la croissance démographique est plus rapide que celui de la
production rizicole. Au milieu des années 80, la production vivrière a atteint une baisse de 4 %
par ad6L'importation de riz grève le budget de l'État et concmence les' productions locales
au niveau des prix, en défaveur des producteurs à la base. Compte tenu de ces situations

f6( source :Travaux de Recherche-Développement,ministère de la Coopération et du Développement, Mars


1991).
dramatiques qui n'arrangent personne, l'État fait appel au projet PPI qui doit assumer des
responsabilités de taille et se fixe de multiples objectifk et finalités pour être digne du nom de
a solution miracle N dans Ia résolution de la crise alarmante des années 80.

Pour cela, le projet PPI promet à l'État et à la population d'être une structure capable
de :

réduire les imporfutionsde riz quipèsent lourdement sur le balance cornmercide de


l'État malgache ;
augmenter le revenu agricole des paysans, exprimé dans la production de surplus
commerciulisables ;
retenir les populations dans leur milieu de production et ciramerter» indirectement
les exodants ruraux au seuil d'esprit de «retour au village))-

Spécifiquement, en tant que réhabilitation physique comme il a été conçu à l'origine, le


projet PPI doit atteindre les objectifs suivants :

arrêter la dégradation rapide des réseaux par des actions de sauvegarde des
infrastructures de buse essentielles (i leur fonctionnement
améliorer la situation par des actions visant une meilleure gestion de l'eau et
permettant une véritable mise en v a h r agricole ;
assurer ia pérennité des ouvrages par k responsabilisation des paysans et par un
système de gestion approprié.

De ces deux types d'objectifs découlent les finalités attendues du projet PPI. Pour aller
i l'avant dans ses entreprises, le projet compte miser sur des atouts divers dans le domaine
technique, matériel, intellectuel, organisationnel, de gestion et surtout dans le domaine
financier. Dans n'importe quelle situation, il doit garder en face les imbitions nationales
telles :
I'autosufFsance alimentaire qui doit commencer par f'autosu~anceen et la
récupération d'un surplus erportabCe ;
.C'éZévutZon du niveau de vie des plrysans ;
l'amélioration des condilfonsde vie despopuCations ruruies.

Cette a mission sainte )) et la lourde responsabilité qu'elle constitue font du projet un


défi majeur. A cet égard, des procédures et des démarches méthodologiques colossales jugées
efficaces et adéquates s'imposent.

3.6. LES DÉMARCHES MÉTHODOLOGIQUESET LES STRATÉGIES DE


RÉALISATION ADOPTÉESPAR LE PROJET PPI

3.6.1. L'approche classique et les méthodes participatives

Adopter le projet revient à reconnaître le bien fondé de ses objectifs, de ses buts et de
ses finalités. Cela revient également à avoir confiance à l'efficacité et à l'adéquation des
procédures administratives et techniques ainsi qu'à l'adaptabilité des méthodologies et
stratégies d'approche dans les conditions du milieu dans lesquelles le projet va opérer. Tenant
compte de ces éléments contextuels et environnementaux du projet, l'administration2', étant
probablement de concert avec les BF susceptibles de financer les études et la réalisation du
projet, se propose de mixer les méthodes classiques et les méthodes participatives. Le
couplage des deux types d'approches se fait de la manière suivante: les méthodes classiques
sont utilisées comme ossature et la méthode participative devient un outil d'animation et de
sensibilisation pour la dynamique du projet. Toutefois, dans la pratique, il s'avère difficile de
faire la différence et de donner une autonomie parfaite à l'une ou l'autre. Elles se trouvent,
finalement, complémentaires et interdépendantes. Elles s'imbriquent parfaitement.
Néanmoins, la prédominance de l'une par rapport à l'autre, et vice versa, dépend des
caractéristiques des phases, des étapes et des opérations à réaliser.

" Administration désigne l'organe institutionnelle de gestion du projet. Elle existe à deux niveaux: la
coordination nationale et la coordination régionale
3.6.2. Les grandes phases du projet

3.6.2.1. Le projet PPI - 1 : 1986 - 1994

Stratégiquement, l'administration a défini le projet PPI-1 comme une phase pendant


laquelle les objectifs suivants sont à atteindre :
1- mise en œuvre des politiques et des stratégies de développement agricole et m d e
dans Iesquelles l'irrigation s'inscrit,
2- élaboration de méthodologie d'approche du monde rural en général et définition des
démarches à adopter dans les politiques d'irrigation en particulier,
3- essai de concrétisation de la philosophie globale du projet PPI,
4- réhabilitation physique et sociale de quelques PPI du Vakinankaratra.

Explicitement, le projet PPI-I constitue une phase de définition et d'expérimentation


des démarches participatives. Les démarches méthodologiques doivent subir des modifications
et des ajustements selon les éventualités et les problèmes rencontrés au cours de l'application.
Parallèlement à cela, la philosophie du projet entre dans la pratique. Elle est mise à l'épreuve
dans des conditions concrètes du milieu. Elle se forge et s'ajuste selon les exigences des
réalités. Pour atteindre les objectifs du PPI - 1, trois périmètres ont été retenus dans la région
du Vakinankaratra pour serW de champ d'application de ces tests de méthodologie et
d'expérience de philosophie. Concrètement, hdratsay, Vinaninony, Manandona et
Ambohibary ont fait l'objet d'une réhabilitation afin de parvenir à une homogénéisation de la
méthodologie, applicable et reproductible sur tous les PPI à réhabiliter. En tant que
« périmètres tests », ils serviront de périmètres de références pour le lot des 5 autres périmètres
de la région dont fait partie Fitakirnerina.

Allant de 1985 à 1994, PPI - 1 a duré 10 ans, incluant la phase initiale de


reconnaissance. Elle a sewi de référence pour l'administration tant sur le plan méthodologique
et des procédures administratives que sur celui de la gestion.
3.6.2.2. Le PPI - II : 1994 à 1999

À la fin de cette phase du projet de PPI - 1, la méthodologie doit être définie et la


philosophie bien délimitée et claire et le projet devrait être en principe dans sa vitesse de
croisière. Quelques objectifs doivent se définir à ce stade. À part ceux qui ont des rapports
directs avec l'augmentation de la production, à I'élévation des revenus paysans et à
l'amélioration de leurs conditions de vie, I'extension du projet sur tous les secteurs irrigués
constitue un grand rajout à ses objectifs. En d'autres termes, la réhabilitation de tous les
secteun irrigués nécessite une harmonisation de la méthodologie et une philosophie commune
à tous les périmètres, qu'ils soient de la microhydraulique, des micro périmètres, des petits
périmètres Vngués ou des grands périmètres. Pour cela, une politique générale du secteur
irrigué sera mise au point et mise en œuvre pour les années à venir.

Comme suite logique, le projet PPI doit passer à la responsabilisation des paysans. Le
transfert de gérance doit être entamé au corn du PPI - II, du moins pour le premier lot des PPI
tests afin que l'État puisse se désengager progressivement comme cela est d é f i dans la
méthodologie.

Concernant plus particulièrement le périmètre Fitakimerina, il est à cheval sur PPI 1 et-
PPI - II. Les études ont commencé en 1988, alors que le PPI-1 n'a pas encore bouclé son cycle.
11 est à noter au passage que I'appel d'offre pour les travaux de réhabilitation n'est pas encore
lancé, en considérant le fait que les travaux d'urgence ne sont que des travaux ponctuels. Ils
n'ont rien à avoir avec le scénario 2, retenu pour la remise en état du périmètre.
Quel que soit l'état d'avancement du projet au niveau de chaque périmètre, les
démarches méthodologiques et les procédures à appliquer restent les mêmes et doivent se
baser sur une philosophie commune. Elles s'effectuent en respectant les différentes étapes ou
les sous phases, allant des études jusqutà la réalisation des travaux physiques proprement dits.
L'officialisation de I'association des usagers de l'eau et la réception définitive des travaux finis,
bouclent les grandes interventions du projet.
3.6.3. Les différentes phases du projet

3.6.3.1. La reconnaissance initiale.

La phase de reconnaissance est une étape préalable aux différentes phases du projet.
Elle se constitue en un inventaire des pirimètres irrigués susceptibles d'être réhabilités, en une
caractérisation ou plus exactement une catégorisation suivant la taiIIe, la vocation du périmètre
et le degré de la dégradation du périmètre des réseaux. Avec des critères sommairement
élaborés, la reconnaissance initiale doit aboutir à une présélection et à une sélection définitive
des périmètres à remettre en état. Ce genre de recensement, réalisé par une équipe de
l'administration centrale, a pu identifier environ quelques 300 petits périmètres irrigués dans
toute l'île dont 191 retenus devant f
& l'objet de la réhabilitation.

3.6.3.2. La première phase

Chaque périmètre retenu doit faire l'objet d'un document individualisé. Au coun de la
première phase, le titulaire ( le ou les chargés d'études ) est tenu d'identifier et de définir les
problèmes qui se posent sur le périmètre et faire les délimitations gkographiques de ce dernier.
Dans la réalisation de cette phase, le titulaire doit se seMr des instruments de base telles les
photos aériennes à recouper avec les résultats d'une reconnaissance de terrain et des contacts
avec les paysans. Les entretiens et les dialogues à entreprendre avec les paysans du périmètre
d'étude se basent sur trois thèmes principaux, à savoir l'historique du périmètre et des réseaux,
les doléances des agriculteurs et les réalisations des actions souhaitées par eux-mêmes. La
délimitation du périmètre est aussi à négocier avec les paysans usagers.

L'administration recommande au titulaire de sortir une typologie des exploitations du


périmètre en se servant d'une première enquête agro-socio-économique. La présentation sous
forme rédigée des données collectées au cours de la première phase verra la production d'un
rapport d'orientation.
3 -6.3-3. La deuxième phase

La phase II ou la phase des études d'Avant Projet Sommaire ( APS ) concerne les
études de faisabilité technique des aménagements et celles à caractère agro-socio-économique.
Les dialogues se font avec les mêmes intervenants et les mêmes paysans que ceux de la
première phase. Cette deuxième phase se structure de façon à approfondir les problèmes
identifiés au cours de la précédente dans le domaine technique, physique et socio-
économiques. La production du dossier d'Avant-projet Sommaire (APS) boucle la deuxième
phase.

3.6.3.4. La troisième phase

Elle doit faUe l'objet des études d'Avant Projet Détaillé ( APD ). Cette troisième phase
présente pour I'administration une occasion de montrer d'une façon plus ou moins détaillée les
scénarios de réhabilitation aux usagers du périmètre en étude. La fin de la troisième phase doit
être marquée par la mise au point d'un scénario de réhabilitation à choisir par les paysans entre
les trois que le bureau d'étude et I'administration leur présentent. Il s'agit d'un schéma de
réhabilitation qui pourrait résoudre les problèmes d'irrigation et garantir une gestion équitable
de l'eau.

La troisième phase est également une période de recueil de signatures d'au moins 75 %
de l'ensemble des paysans concernés par le périmètre d'étude. Cet engagement retrace
l'acceptation de la part de ces demien d'entretenir et de maintenir toujours en état fonctionnel
le périmètre y compris les réseaux existants. Cette collecte de signatures signifie aussi que les
paysans acceptent de prendre en charge certains travaux et de payer des redevances. À
l'obtention de ce taux de 75 % sur au moins 65 % des surfaces, l'administration se lance dans
la constitution du dossier d'Appel d'OBe (DAO) des travaux aux entreprises. En plus, cette
phase débouche sur la formulation d'un cahier de charge liant les deux parties (les paysans et
1' administration).
3.6.3.5. La phase de réalisation et les réceptions officielles des travaux

Le scénario de réhabilitation retenu à la phase III du projet sera à réaliser par


l'entreprise qui gagne le marché avec la contribution des paysans usagers du périmètre en
fonction des moyens disponibles. D'habitude, la contribution des paysans est matérialisée par
la fourniture des matériaux disponibles dans le p&imètre, tels le sable, les gravillons et
graviers ou encore les moellons, des travaux de main-d'œuvre. Les travaux techniques et
physiques sont à la base de la réalisation.

A la fin des travaux, l'admullstration représente la population à la réception qui se fait


à deux niveau. II y a d'abord la réception provisoire qui se fait tout de suite, après les
premiers essais de fonctionnement des réseaux ;suivie d'une deuxième, définitive, après un an
de fonctionnement ou deux saisons de culture si aucune défaillance tant sur le plan technique
qu'organisatio~eln'a été observée.

Pour teminer, il est à noter que l'échéancier du projet varie selon les régions et suivant
les caractéristiques de chaque périmètre. La sensibilisation des paysans pour la création de
1'Association des Usagers de l'Eau (AUE) se fait progressivement au cours des dinérentes
phases du projet en fonction du degré de maturité des paysans.
Tab. 3 Diférentes étapes importantes du projet PPI

OBSERVATIONS

.Grandes phases du projet PPI


- Reconnaissance 19 1 PPI sélectionnés
nationale PPI
- PPI PHASE - 1(PPI-1) Concerne tous les 191 PPI
- PPI PHASE - II (PPI-2) Idem

. Réalisations à Fitakirnerina
Première phase De juin à septembre 1988 Rapport d'orientation
Deuxième phase 1988 - 1990 APS
Troisième phase 1990- -1993 APD - DAO
et montage Cahier de charge
(co*ïncidantà la suspension
des hancements extérieurs)
Formation Assemblée 1992 Officialisation de ItAUE
générale constituante
Travaux d'urgence Janvier - février 1996 Différents des scénarios de
réhabilitation élaborés
Phase de réalisations des Non réalisée à cause de la
travaux de réhabilitation suspension des financements
LA DESCRIPTION DE LA ZONE D'ACCUEIL DU PROJET ET L'IDENTIFl:CATION
DU PETIT PÉRMÈTRE IRRIGUÉ ~ A K I ~ M E R I N A

4.1.1. Localisation et délimitation de la région du Vakinankaratra

Situé à 170 km au sud d'Antananarivo, Vakinakaratra fait partie intégrante de la province


de la capitale de Madagascar. Selon le découpage administratif,il constitue une unité régionale
regroupant cinq circonscriptions teiles que Faratshio au Nord, Ambatolampy au Nord-Est, Betafo
à I'Ouest, Antanifotsy à l'Est et Antsirabe au Sud. C'est une région charnière entre l'herina au
Nord et le ~etsileolau Sud et se situe entre 19O 12 et 20'16 de latitude Sud, et 45'52 et 47O52 de
bngitude Est. Elle est limitée

- au Sud par la province de Fianarantsoa,


- à l'Est par la province de Toamasina,
- à I'Ouest par celle de Toliary,
- au Nord-Ouest par l'ensemble du Moyen-Ouest d'Antananarivo, et enfin,
- au Nord par la région d' Arivonimamo.
Carte noO I : LOCALISATION ET DÉLIM~ATIONDE LA RÉGION DU PROJET:
VAKINANKARAT'A
Compte tenue de sa position géographique, le Vakinankaratra joue un rôle de plaque
tournante pour dessemir quelques grands pôles de développement de I'île ; ToEary (Ouest),
Fianarantsoa (Sud), Toamasina (Est) et les autres provinces comme Mahajanga (Nord-Ouest) et
Antsiranana (Nord) en passant par Antananarivo, la capitale.

4.1.2. Caractérisation physique et climatique

Les limites géographiques du Vakinankaratra permet à celui-ci d'avoir une superficie de


plus de 15 000 W ,soit 2,7 % de celle de Madagascar, formée de paysages diversifiés. Tout
d'abord, comme son nom l'indique, Vakinanakartra est un ensemble géographique traversé par
une chaîne de collines (IYAnkaratra)dont le plus haut sommet, en I'occurrence de Tsifajavona
culmine à 2642 m. Elle est formée par quatre ensembles naturels tels que:

- le massif de 1'Ankaratra qui se situe au centre de la région et s'étend sur 4 000 km2 ,
propice aux cultures de contre saison,
- la formation de dépression à fond alluvial rkicultivable,
- la zone méridionale, alternée de chaines de colluies riches en ressources minières et
quartzitiques hautes de plus de 2000 m, de bas-fonds étroits et terrasses, tous propices à la
riziculture,
- la pénéplaine de l'Ouest qui est à une altitude n'excédant pas les 1 000 m, prolongée
d'un massif granitique,
- l'extrémité orientale délimitée par le grand escarpement de faille longitudinale des
Hautes terres.

Avec les caractéristiques écologiques citées plus haut, cette partie méridionale de la
province d'Antananarivo présente une palette de paysages dont l'altitude moyenne oscille entre
800 et 1700 m.

Les ensembles naturels sus mentionnés correspondent à une pédologie différenciée. À ce


sujet, on peut distinguer quatre grands types de sols dans la Vakinankarantra :

- ando-sols d'origine volcanique,


- sols d'alluvions d'origine basaltique, apte à la riziculture, dans la bassin d'Antsirabe et
de Betafo,
- sols hydromorphes, quelques fois marécageux,
- sols fmalitiques et ferriginetm.

II est à noter que ces conditions pédologiques sont originellement et largement


d é t e d é e s par des anciennes et récentes éruptions volcaniques de la région.

De ciimat de type tropical d'altitude, Vakhankarab a des températures variant de 0° à


32'' allant de l'Est à l'Ouest. Pour le point de départ (l'Est)' une moyenne inférieure à 17O
s'enregistre. En saison fi-aiche, des gelées blanches marquent l'influence de l'altitude en zone
tropicale. Tandis que dans I'Ouest, la situation sous le vent » élève cette moyenne à 2 3 O .

Deux grandes saisons déterminent les activités de production dans le Vahankaratm. De


novembre à avril, les pluies sont abondantes, surtout dans les zones d'altitude où il tombe en
moyenne 1 400 mm de pluies en 125 jours au cours d'une année; quantité suffisante pour les
cultures et dont 84 % s'enregistre pendant la saison des pluies qui dure 6 mois. La moyenne des
précipitations tourne autour de 1700 mm par an. La saison sèche est beaucoup plus marquée
d'avril à octobre surtout dans la partie occidentale.

Vakinankaratra est doté d'un réseau hydrographique important. Le calcul théorique d'eau
de surface donne un rapport de 2,7 km de drains par km2. La région est donc sillonnée de
plusieurs grands fleuves et rivières, permettant la création de réseaux hydroagicoles traditionnels
et modernes. On peut citer par exemple, la Kitsamby et ses affluents, la Mahajilo qui rejoint la
Mania, se trouvant dans le versant occidental, la Manandona et 1'Andratsay au sud et sud-est.

Les feux de brousse, les besoins domestiques en bois de chauffe et les besoins industriels
ont effacé les traces des plantes typiques de la région, à l'exception de quelques réserves de
forêts naturelles sur la lisière orientale et dans les endroits isolés du Moyen ouest. La pression
démographique en est une des principales causes.
4.1 3. Origine du peuplement et aspects socio-démographiques

Malgré l'existence des Vazimba, dans la région du V-ara- jusqu'au 17 ième


siècle, période assez mal connue, l'histoire codifiée de cette unité géographique relève du 18
ième siècle et étroitement liée avec la civilisation du riz. L'occupation a donc débuté avec la
première migration amorcée par une fine partie de la population Merina et dirigée par le roi
Andrianoay avec ses soeurs et ses vassaux. Déjà familiers à la culture du riz, ces derniers
s'installèrent dans les montagnes pour y appliquer la riziculture d'altitude après avoir chassé les
celle-ci n'a jamais été
premiers occupants Vapmba. Malgré la formation de l'ethnie ~ankaratra~,
reconnue officiellement ni par I'administration royale ni par celle de la colonisation. Les Merina
continuaient à occuper le Vakinankaratra en dominant les plaines intéressantes pour le riz. Mais
la prédominance de cette ethnie du centre n'exclue pas la présence de certaines ethnies
d'éleveurs du sud tels les Bara, les Antandroy et les Betsileo, et ceux de l'ouest comme les
Sakalava et les Vezo.

est d'origine récente. Selon Dez, 1967, il fut créé par


Le toponyme ~akinankaratra~
l'administration merina pour désigner la sixième province de I'Irnerina vers 1895 et adopté
jusqutà aujourd'hui.

Le dernier recensement national informe que la région abrite plus de 947 000 habitants,
mai répartis dans cet espace géographique. Une telle situation donne une densité moyenne de
population assez élevée de 62 h a b M par rapport à celle de l'ensemble de l'île qui n'est que 17
hab/kmî. Par ailleurs, une concentration humaine se fait remarquer dans la partie orientale, avec
une densité de l'ordre de 96'27 qui peut aller jusqu'au 100 hablkm2 au fur et a mesure que l'on
avance vers la capitale régionale qui est AntsVabe. Par contre, a l'ouest (Betafo), la densité
moyenne de la population varie entre 5 et 26,56 habkmî.

Le taux de croissance démographique est de 3,6 % par an. Liée à l'inégale répartition de
la population, l'importance des infkastmctures socio-collectives et les structures d'encadrement
varient d'une région à une autre. On constate une concentration des voies de communication,
d'équipements et de blocs sanitaires, d'établissements scolaires et d'enseignement, artisanaux et
-

Tankaratra: Population des montagnes Ankaratra


indumiels, dans la partie centrale de la région par rapport aux périphéries oh tous les services,
surtout sociaux, laissent à désirer.

La position géographique du Vakinankaratra l'autorise à avoir un flux humain, plus


particulièrement économique plus ou moins intense ;et ses caractéristiques industrielIes attirent
beaucoup de gens, d'où une concentration de population dans le centre ville d'htsirabe. Elle
connaît un mouvement migratoire assez important. Ce phénomène concerne surtout les jeunes et
les hommes chefs de ménages en quête de travail et d'indépendance. Le déplacement saisonnier
vers les zones aurifëres est très fréquent et reste l'apanage de ces deux catégories de gens.

Sur le plan agricole, la région du Vakinankaratra est très réputée avoir une grande
diversité culturale. Un espace de 1 500 000 ha est propice à l'agriculture. On peut noter
spécialement I'irnportance de la riziculture dont la production est destinée à satisfaire un double
besoins : I'autoconsommation et la vente pour l'achat de produits de premiére nécessité. Cette
spéculation accuse un taux d'occupation spatiale de plus de 42% des terrains cultivés. Le reste
(58%) est partagé entre les cultures sèches et le pâturage pour les bestiaux. Le développement
rapide des cuItures de contre saison est également une des bonnes caractéristiques agricoles du
Vakinankaratra.

La pratique d'élevage constitue la deuxième activité économique de la région. Elle est


marquée par la prédominance de

- l'élevage laitier dans la par&ie orientale du Vakinankaratra. Relevant d'une longue


tradition, ce type d'élevage reste l'apanage de l'éthnie du centre (Merina), et
- l'élevage commercial dans l'ouest auquel s'adonnent les immigrants venant du Sud et
du Sud Ouest tels que les Antandroy, les Bara et les Sakalava Selon les résultats du recensement
en 1989, on en compte 0,30 tête de bovin par habitant et 0,25 tête de porcin par habitant dans la
région.

' Vakinankaratra: c'est-à-dire traversé par les collines de 1'Ankaratra 112


Dans le domaine de l'industrie, Vakinankaratra est rangée en deuxième position dans le
classement général et national, après Antananarivo.

Cet ensemble régional orne en outre beaucoup de possibilités de visites de ses sites
agréables. Une partie de son économie dépend du développement de l'industrie touristique.

4.1.5. Bilan des actions de développement menées dans le Vakinankaratra

4.1.5.1. Le Vakinankaratra: une région gâtée

Dès qu'on parle de développement dans la région du Vakinankaratra, on se réfëre


automatiquement à sa capacité à héberger un trés grand nombre de projets, d'actions et de
programmes de développement, génerant un foisonnement de sociétés de développement,
d'organismes d'encadrement et de financement d'origines diverses. Effectivement,
Vakinankaratra est la première région dans la province d'Antananarivo, voire même sur le plan
national, bénéficiant de cette chance. Outre les projets nationaux, elle est aussi dotée d'une
multitude de micro projets et d'actions de développement à caractère ponctuel, sectoriel et à
court terme, implantés et dirigés dans la plupart des cas par des ONG.

Le recensement de l'année 1990 informe de l'existence sur une superficie de 15 241

- de plus d'une cinquantaine de projets (nationaux et régionaux), toutes options


confondues, financés par une multitude d'organismes dont les plus cornus sont la banque
Mondiale, I'USAID, le BAD, le FED, la FAC,le CCCE,I'ACDI, la GTZ, le CFD,etc
- de plus d'une soixantaine d'ONG et d70G, d'entreprises et de sociétés d ' ~ t a t s ou
privées, opérant de près ou de loin dans le domaine du développement agricole et rurai etlou
environnemental sous financements étrangers et/ou nationaux, publics ou parapubIics,
- d'une ensemble de structures d'encadrement dense, publiques ou para publiques,
- d'un grand nombre de structures et organisations paysannes. On y compte plus de 800
associations, groupements de toutes les tailles (grande, moyenne et petite), de diverses activités
(de production, de commercialisation, de transport, de crédit)
- d'un grand nombres d'usines et d'industries, iiés directement ou indirectement aux
difXérents secteurs du développement. De par cette caractéristique, Vakinankaratra occupe la
deuxième place après la région centrale de la capitale. En plus, il convient de prendre note de
l'existence d'une industrie textile (COTONA), d'industries agro-alimentaires (minoterie,
sucrerie, huilerie, laiterie, brasserie, etc.), d'une industrie de jus de fruits (SOJUFA), de tabac
(Mélia), de bois, de plastic, de bougies, etc. d'une industrie minière comme la cimenterie d3Ibity.

Cette grande concentration d'efforts en matière de développement et la niée des bailleurs


de fonds vers cette unité géographîque s'expliquent par un certain nombre d'éléments :

- les caractères agro-écologiques que présente la région, facteurs favorables à une


polyculture et à d'autres pratiques touchant les sous secteun du développement agricole,
- son accessibilité :située à seulement 170 km de la capitale, elle n'est pas loin du centre
de décision. En plus, elle est silionnée de routes asphaltées, de routes secondaires et pistes dont
une très grande portion est praticables pendant toute l'année, permettant aux efforts de
développement d'atteindre les villages les plus reculés,
- sa position stratégique en tant que plaque tournante de la région pouvant desservir les
quatre grands pôles de développement en plus de la capitale, sa province de rattachement
politico-administratif. Cette condition se trouve favorable à une circulation économique et
humaine très dense et nécessaire pour le développement de la région,
- la dynamique et la jeunesse de la population ainsi que le haut niveau de technicité des
paysans en comparaison avec celui du reste de l'île,

Avec ces atouts et ce potentiel, il serait très normal de qualifier Vakinankaratra de région
gâtée. Mais une étude un peu plus fouillée nous permet de lui donner le qualificatif contraire de
pauvre.

4.1.5.2. Le Vakinankaratra est aussi une région pauvre

En dépit des efforts déployés et malgré l'importance quantitative des investissements


engloutis pour la mise en valeur des potentialités et atouts dont dispose la région, le
développement qui s'y fait se trouve dans une impasse totale. On observe une certaine force
114
d'inertie flagrante ou latente en opposition à un dynamisme de façade exercé par les dits «
promoteurs >> de projets si les projets s'implantent avec ua esprit de i< clientélisme 1). Cette
situation semble refléter << un non lieu de développement 1) dans cette région riche.

Notons qu'une énumération exhaustive des aspects de développement du Vakinaakaratra


dépasse notre capacité. Cependant, nous allons nous contenter d'une série de faits caractérisant le
développement de cette région et reflétant une destruction du tissu social et économique des
communautés ruraïes qui y résident. Ainsi, au cours de nos observations, nous avons pu retenir :

- le morcellement ou l'atomisation des s d a c e s à m e m en valeur notamment pour la


riziculture, dû en partie à une démographie non maîtrisée,
- la prolifération des mouvements migratoires, synonymes d'une déception exprimée par
un délaissement ou un abandon d é f i t i f des activités de production,
- la paupérisation alarmante, issue de la dégradation générale des conditions de vie des
paysans, sur le plan social et économique surtout,
- le vide d'autorité et l'incapacité de l'État et des institutions responsables de définir des
stratégies et politiques communes , complémentaires et concertées face à la diversité des
organismes intervenants avec leurs propres façons d'approcher et de comprendre le monde nual,
- la coordination difficile des actions de développement opérées dans la région malgré les
tentatives du CCAD (Comité de Coordination des Actions de Développement du
Vakinankaratra).
- la recrudescence du banditisme rural démotivant toute pratique d'agriculture et
d'élevage un peu éloignée des villages (vols de boeufs et de produits agricoles),
- l'existence de systèmes de production précaires mais très diversifiés visant à la fois la
vente et l'autoconsommation familiale pour sécuriser et garantir la solvabilitd de I'exploitation
paysanne7
- la décohésion des villages, la destruction des solidarités traditionnelles et la perte de
vitesse de l'entraide paysanne dues à la diversité des ONGs et des OGs qui cultivent
l'individualisme de par les concurrences qui s'engagent entre e u . Et il en résulte un
renforcement de la différenciation sociale, etc.
À la lumière de ces quelques notes sur l'état de santé du développement de la région du
Vakinankaratra, et tenant compte de l'instabilité socio-politique que traverse le pays depuis
plusieurs années, il s'avère très risqué à notre niveau de faire une déduction qui risquerait d'être
hâtive, ni d'avancer des recommandations à un stade de début d'analyse. La seule
recommandation à faire est de suggérer d'approfondir davantage ces pistes de réflexions, de les
observer sous différents angles de vue mais d'une manière intégrée pour pameni. à déceler les
possibles interférences et complémentarités qui font du développement rural un tout.

Dans l'optique de garder ouvert le sujet, les prometteurs de développement sont invités à
se poser les quelques questions suivantes :

1- Face aux logiques et rationalités paysannes, les opérateurs en matiére de


développement sont-ils aptes à chercher, à étudier et à comprendre les véritables motivations
d'un paysan, d'un groupe de paysans ou d'une communauté villageoise ?
2- Les différents projets et programmes de développement opérant dans la région , quel
que soit leur type ou leurs actions, sont-ils capables de répondre aux attentes et aux aspirations
de cette masse rurale paysanne ?
3- Ont-ils la volonté ou la capacité de reconnaître la trajectoire de la stratégie paysanne
pour un meilleur enracinement, et d'insuffler un autodynamisme, ou cherchent-ils à tout prix à
atteindre leurs propres objectifs et ceux des BF en préconisant l'implantation de modèles
éloignés du vécu et du ressenti du monde paysan ?

Il y aurait nécessité pour les opérateurs de développement de s'interroger sur le bien


fondé de leurs actions et interventions dans le milieu paysan et de se concerter pour comprendre
le pourquoi des attitudes ,des comportements, des pratiques et des réactions paysannes vis-à-vis
des technologies qu'ils apportent.

Il faut reconnaître tout de même que considérer d'une façon intégrale les stratégies
technico-économiques et sociales des paysans n'est pas du tout évident. Mais faire abstraction de
leurs logiques et des réalités des milieux d'intervention et tabler sur des modèles venus
d'ailleurs, c'est emprunter des voies à haut risque d'échec. Des mesures consensuelles doivent
s'interposer entre les deux logiques antagoniques.
4.2. LE PPI FITAKlMERINA PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS ET BUTS FEÉs

4.2.1. Description du Fitakimerina

4.2.1.1. Le périmètre Fitakimerina dans le cadre régional du projet

Onze PPI divisés en deux lots ont été identifiés et présélectionnés par la phase initiale de
reconnaissance dans la zone d'action de I'ODR (Opération de Développement Rural) ; composée
de deux circonscriptions d'encadrement. Situé dans la circonscription d'htsirabe, incluant
Vakinankaratra, le périmètre Fitakimerina fait partie d'un lot de six PPI devant faVe l'objet
d'une étude de réhabilitation. Il convient de noter au préalable que le petit périmètre higué se
définit par un ensemble de terrains nzicultivés et/ou rizicultivables, de surface c o q r i s e entre
200 et 2 500 hectares, muni d'un ou de plusieurs réseaux d'irrigation et d'i,nfkastmctures
hydrauliques. Le lot d7Antsirabe est composé du PPI Faratsiho (300 ha), Onive (800 ha),
Sahatsiho (230 ha), Ambatomikolahy (280 ha), Ikabona (200 ha) et Fitakirnerina (250 ha),
donnant un total de 2065 ha, mis en valeur par 2 850 exploitants4.

Selon les termes de référence, ces chifies sont des données brutes susceptibles de
modifications et d'ajustements au cours des phases d'étude dont le délai d'exécution se répartit
de la manière suivante :

- PHASE 1 :3 mois
- PHASE II : 5 mois
- PHASE III :4 mois

Ce qui donne un échéancier d'une année avant le lancement de I'appel d'ofne pour
l'exécution des travaux de réhabilitation physique.

'Source : Termes de référence de 1'administration,MPARA, 1985.


4.2.1.2. Localisation de Fitakknerina et caractérisation physique

Le PPI Fitakirnerina est constitué de ripères reparties comme suit: une partie en terrasses,
une partie en plaine et une autre partie sur plateau. Situé à une quinzaine de kilomètres au sud
d7Antsirabe,il concerne trois circonscriptions c o m m d e s formées de 12 villages. On y accède
en empruntant successivement la RN7 sur 10 km jusqu'à la commune de Vinanikarena, puis une
piste goudro~éelong de 4 k m jusqu'au pont cassé d7Antsahamainaet enfin, un bout de piste
secondaire d'environ 1,s lan qui mène jusqu'au cœur du périmètre.
Étant un périmètre irrigué, Fitakinierina est principalement alimenté par le fleuve
Manandona, supporté secondairement par la rivière de Masokoamena et plusieurs sources
pérennes.

Concernant les infrastructures hydrauliques, le périmètre est équipé de cinq barrages en


dur (en ciment et en béton) dont trois sont construits sur le fleuve Manandona et deux implantés
sur la rivière Masokoamena Parmi eux, le plus important barrage pour l'ensemble du périmètre
porte le nom de Fitakimerina, attribué par ta suite au PPI à l'étude. Le barrage est équipé d'un
canal principal de 6,s km de long et de canaux secondaires et tertiaires. Le périmètre est
compartimenté en zones hydrauliques (unité de surface irriguée par une structure hydraulique) à
chacune d'elles correspond ce que les agents hydrauliques appellent un îlot. Ii s'agit d'un
ensemble de villages où résident les paysans qui mettent en valeur la zone hydraulique. (carte de
localisation)

4.2.1.3. Le contexte socio-économique du périmètre Fitakirnerina: f i e h et atout au


projet

Depuis juin 1988, date du démarrage des études de réhabilitation, le périmètre


Fitakimerina n'a pas connu beaucoup de changements en faveur de la communauté locale. Au
contraire, une certaine dégradation des conditions de vie des usagers s'est faite remarquée B la
place des améliorations espérées. Cette détérioration du contexte socio-économique du périmètre
et de la population concernée se manifeste sous différentes formes et sur différents plans.

Dans le domaine de la production agricole, par exemple, le rendement à l'hectare du riz


ne cesse de chuter en flèche entre 1988 et 1996. Pour la campagne agricole (199611997) le
rendement moyen descend jusqu'à 0,700 t/ha, alors qu'il était de 1,500 t h a selon le diagnostic
agro-socioéconornique de 1989'. Multiples sont les causes de ce faible rendement. Elles sont
interelliées et interdépendantes, mais peuvent se résumer de la manière suivante :

' Source: les agents de terrain, à savoir le technicien agricole et le conseiller animateur.
- tout d'abord, il y a l'infertilité et la perméabilité des sols, dues ii une exploitation
excessive des terres sans application d'aucune technique de conservation ni de régénération de la
fertilité,
- la longue période de soudure qui incite les jeunes gens et les chefs de ménage à se
déplacer vers les zones minières pour rechercher de t'or. Ce déplacement est saisonnier ie but
est de ramener les gains à la maison pour les investir dans l'exploitation agricole et permettre
aussi de se procurer du riz et d'autres denrées alimentaires pour la période de crise.
Actuellement, le déplacement tend à être définitif surtout pour les jeunes qui abandoment
complètement tout ce qui est production agricole et s'adonnent entièrement à cette activité
économique non agricole. A titre d'illustration, un jeune chercheur d'or peut ramasser dans une
journée 0,5 grammes de poudre ou de pépite à raison de 30.000 à 45 000 ~m~~ l'unité. Cette
activité beaucoup plus rémunératrice par rapport au salariat agricole qui ne fournit que de 1 500 à
2 000 Fmg par jour au salarié,
- le manque de coordination des actions de développement qui s'opèrent au sein du
périmètre. KOBAMA, ODR,FIFAMANOR, Projet PPI, ROMA, MALT0 ... interviennent dans
le périmètre selon des stratégies et méthodes différentes. D'où le partage des paysans. Quoiqu'il
en soit, les actions de développement ne sont profitables qu'aux paysans riches, principalement
situés dans les villages d'Arnbohunanga et d'hjanamanjaka Est. Soulignons que se sont les
deux îlots qui ne souffrent pas de problèmes d'eau car leurs parceiles sont en amont des réseaux
d'irrigation,
- la recrudescence de l'insécurité male : vol de boeufs, de cochons, de volaille et même
des vols sur pied des produits agricoles, pratiques devenues courantes, mais phénomène brisant
la volonté et le dynamisme des producteurs. Les boeufs sont très utiles compte tenu de la place
qu'ils occupent dans la réalisation des grands travaux agricoles : le labour à la charrue, le
piétinage ou le hersage et surtout le transport. Le manque de boeufs dans une exploitation
conduit soit au retour à l'utilisation des outils rudimentaires comme l'angady (la bêche), soit à la
location de boeufs moyennant un tarif relativement élevé. De toutes maniéres, le manque
d'équipements agricoles bloque toute intensification agricole et tout transfert de technologie
prônés par les organismes de développement intervenant dans le périmètre,
- la prédominance des modes de faire valoir indirects, en I'occurrence le métayage et la location,
exploitant les petits paysans.

3 O00 Fmg (Franc malgache) = 1 O Canadien


Toutefois, on remarque un taux de scolarisation très élevé des enfants. Mais ces demiers
quittent très tôt l'école après avoir fait 3 ou 4 ans d'études primaires. Rares sont ceux qui arrivent
à la fi de ce premier cycle d'études et continuent leur scolarité au chef-lieu de la commune ou
en ville (à Antsirabe) située à une quinzaine de kilomètres du périmètre. On note, en générai, un
taux d'analphabétisme très élevé

Sur le plan socioculturel, l'exhumation ou le retournement des morts est considéré


comme un devoir pour les vivants envers les morts et Ies ancêtres. Presque tous les paysans de
Fitakirnerina tiennent encore à cette pratique coutumière quel que soit la situation sociale et le
volume des revenus chaque producteur. Elle est un des facteurs déterminants des logiques et des
stratégies des paysans. Il amive parfois de trouver des paysans qui travaillent dur pendant
plusieurs années, faisant des économies grandioses pour tout dépenser pour la Ete d'exhumation
qui ne dure que quelques jours. C'est une période où même les dépenses superflues sont
permises.

D'autres faits exogènes évoluent en faveur ou en défaveur du PPI Fitakirnerina selon la


situation. Dans ia plupart des cas, on les voit comme des obstacles au projet. Parmi les
principaux, on note :

- l'inflation galopante face à la stagnation des prix de produits agricoles. Le pouvoir


d'achat paysan, déjà limité par l'adoption de la stratégie d'autosubsistance, voire même de
survie, se trouve incapable de faire face à l'augmentation ininterrompue des prix des produits de
première nécessité (PPN)ainsi que des intrants et équipements agricoles,
- l'instabilité politique, depuis 1989 jusqu'en 1996. De nombreux événements se sont
succédés pour donner un contexte décourageant et une atmosphère sociale toujours tendue.

L'interférence de ces multiples facteurs, endogènes et exogènes, aboutit à un


renforcement de la différenciation sociale qui existait déjà, avant les études de réhabilitation.
Une différenciation sociale rendant dépendante une couche majoritaire, composée de paysans
sans ternes, à très faible pouvoir d'achat, d'une autre minorité de paysans riches (grands
propriétaires fonciers, commerçants et employés d'usine ou d'entreprises en ville, à revenu
mensuel fixe). Réaliser des actions de développement sans prendre en considération ces
conditions c'est de les implanter dans un contexte dinicile et à haut risque d'échec.

4.2.2. L e PPI Fitakimerina :de 1988 à 1996

4.2.2.1 .Fitakirnerina :un PPI en éternelle étude.

Juin 1988 constitue la date de naissance du projet de réhabilitation du PPI Fitakimerina


Les premières phases d'études ont effectivement commencé à cette date. Rappelons au passage
que l'administration du projet au niveau national a élaboré et a appliqué des démarches et des
stratégies communes à tous les PPI à réhabiliter. Ces caractères communs de la méthodologie ne
concernent pas pour autant les dates et les délais d'exécution de chaque phase d'étude. Pour le
périmètre Fitakimerina plus particulièrement, et selon les termes de référence élaborés par
l'administration elle-même, Itensemble des trois phases d'études devaient être réalisé dans un
délai d'une année. À compter du 28 juin, date de la première descente sur le terrain, la durée de
chaque phase se récapitule de la manière suivante :

Phase 1(diagnostic initial) :3 mois


Phase II (étude de faisabilité et étude agro-socioéconomique) :5 mois
Phase III (Phase de I'APD) :4 mois

Le lancement de I'appel d'offre des travaux de réhabilitation physique se fait suite à


l'obtention d'un taux de 75 % de signatures des usagers du périmètre. Cela constitue pour
l'administration un indicateur d'acceptation du projet de la part de ces derniers. Au bout de
chaque phase, des documents qui rapportent les résultats d'analyse des actions entreprises au
cours de la période correspondante doivent sortir. Concernant le PPI Fitakimerina, toutes les
étapes ont été réalisées, mais les délais prévus n'ont pas été respectés. La sortie du rapport de
ItAPD prévue pour juin 1989 a été décalée de trois ans. Et malgré le lancement de l'appel dtofEe,
les travaux de réhabilitation n'ont pas encore été entamés (différents des travaux d'urgence). Tous
les retards accumulés jusqu'ici et l'absence de réaction de la part de l'État en faveur du scénario
choisi semblent donner l'impression que le périmètre de Fitakirnerina reste encore un PPI en
étude. Il est à remarquer que le projet est complètement dépassé par le planning et le timing
établis. Par contre, des travaux de réparation et qui n'ont rien à voir avec le scénario de
réhabilitation ont été effectués tardivement à Fitakirnerina,

4.2.2.2. Les travaux d'urgence.

A défaut de scénario 2, des travaux d'urgence ont été entrepris sur les réseaux d'irrigation
de Fitakirnerina au cours de la campagne agricole 1995 / 1996. Historiquement, les paysans sont
à l'origine de ces travaux. Des initiatives ont été prises, suite à une dégradation excessive des
réseaux, causée d'une part par la vieillesse des ouvrages hydrauliques et le manque flagrant
d'entretiens et de curage des canaux, et d'autres part par les passages successifs de quelques
cyclones.

Pris par cette urgence, et devant l'incapacité de l'État ou de l'administration à démarrer les
travaux de réhabilitation proprement dits, les paysans se sont organisés pour fieiner la
dégradation des réseaux du périmètre. Ainsi, ils se sont réunis pour décider de ramasser des
matériaux locaux disponibles au villages (sable, moellons, gravier, bois) et d'instituer une
collecte d'argent, de riz et de haricots pour faire face aux différentes charges afférentes aux
réparations.

Se sentant un peu devancée par ces initiatives paysannes, l'administration du projet


exprime une certaine volonté et profite de ce dynamisme paysan pour déclencher ce qu'elle
appelle des travaux d'urgence. Ces travaux ont un caractère urgent dans le sens où ils sont faits
pour sauver une population menacée par une famine. Mais, quoi qu'il en soit, ils ne sont que des
mesures palliatives. La réalisation n'a pas tellement tenu compte ni des objectifs globaux et
spécifiques du projet, ni des impacts et des effets générés. Le seul objectif qui compte est de faire
couler l'eau. L'administration a laissé aux paysans et aux agents de terrain7 le soin de s'occuper
de la gestion de l'eau et de l'organisation des travaux d'entretien.

Ce schéma de collaboration laisse entrevoir une tendance à bousculer la


responsabilisation des paysans et à passer prématurément au désengagement de l?État. Alon que
l'AUE, si on ne se réfêre qu'à ceiie de Fitakirnerina, est encore en train de se d é W compte tenu
les difficultés qu'elle a rencontrées au cours de sa création.

4.2.2.3. L'AUE et son fonctionnement,

Si l'on s'interroge sur le bilan d'un projet d'aménagement ou d'un projet d'irrigation tout
court, on a lliabitude de se référer à Fobjectif technique par lequel on chercher à augmenter la
production agricole et à améliorer les rendements.

Bien avant la création de l'AUE, le projet a adopté la méthode participative à double


objectif :
- d'une part, dans le but d'amener progressivement les paysans à être conscients des
futures responsabilités qui les attendent,
- et d'autres part, pour les convaincre du fait que cette responsabiliation ne serait pas
possible en dehors d'une structure collective qui est l'association elle-même.

Pouvoir créer une association d'usagers de l'eau qui f o n c t i o ~ ebien, dans un périmètre à
réhabiliter est un grand exploit pour le projet et l'animateur social. Cela permetîrait à l'État
d'amorcer facilement son retrait vis-à-vis de certains engagements et certaines charges
financières. Le PPI Fitakimerina a actuellement son AUE, regroupant 5 îlots8 et créée à partir de
la collecte de signatures des paysans qui mettent en valeur le périmètre.

Sur le plan méthodologique, la création de l'association semble à prion se faire en


concomitance avec l'évolution des phases d'études du projet. La fin de la phase III devrait être
marquée par la mise sur pied d'une association formelle et fonctionnelle. Or, une analyse plus
profonde montre que l'évolution des phases d'études dépend de l'évolution de l'implantation de
l'association. L'interdépendance n'est pas réciproque. Explicitement, l'état d'avancement du projet
est en fonction de l'évolution du taux de collecte des signatures.

' Sont désignés par agents de terrain, le conseiller animateur et le conseilkr hydraulique.
8 -
Ilot désigne un regroupement spatial de villages habités par des paysans ayant leurs rizières dans une même zone
hydraulique. On identifie le ïiot d'Ambohimanga, d'Anjammanjaka, d'Ambohihaivo, d'Avarabohitra, dam le PPI
Fitakimerina.
125
Dans les démarches méthodologiques du projet, la collecte de signatures justifiant
l'engagement des usagers intentient à p a r e de la phase II. À ce stade, le projet doit avoir un
pourcentage minimum d'engagements signés équivalent à 50 % des usagers. La signature engage
le paysan à choisir un scénario d'aménagement et à prendre en charge certains travaux d'entretien
et de maintenance moyennant le paiement de redevances; un accord que l'administration veut
avoir des paysans avant de démarrer des études dlAPD. Les signatures constituent pour elle une
garantie du respect du cahier de chargeg.

Au terme de la phase III, l'engagement devrait concerner au moins 75 % des usagers


représentant 65 % des d a c e s à imguer avant le lancement de l'A0 des travaux de
réhabilitation. En 1991, trois ans après le démarrage de l'étude, Fitakimerina se situait à 5 1 % des
signatures, et le taux de 75 % n'a été atteint qu'au cours de l'année 1993.

Malgré les efforts déployés par le conseiller animateur pour la sensibilisation et la


création de I'association d'usagers de I'eau, celle-ci a mis du temps pour former son bureau.
Pendant les périodes d'animation et de sensibilisation, les usagers éprouvaient une certaine
méfiance. Ils n'avaient pas confiance au contrat de signatures qui les lie avant les travaux. Ces
périodes correspondaient aussi aux instabilités socio-politiques que le pays a vécu pendant
presque 7 ans i partir de l'année 1989.

Outre le cahier de charge, les membres de l'AUE de Fitakirnerina ont élaboré un «dina'o».

Il ressort des entretiens que nous avons eus avec les membres des groupements par îlot
que I'adhésion à l'AUE a été plus ou moins imposée et forcée par l'État.

Pour conclure, il est à signaler qu'une tendance d'aller de l'avant vers le transfert de
gérance s'observe à la suite de la réalisation des travaux d'urgence et de la création de
l'association. L'administration semble se contenter de ces travaux pour substituer ceux du
scénario retenu, et passer vite au transfert de responsabilisation des paysans.

t répartition des responsabilités et des charges Fiaancières de chaque partie dans la


t e cahier de charge d é f ~ la
gestion et la maintenance et entretiens des réseaux
10
Conventions entre Ies paysans membres de l'AUE :équivalent des règlements internes à i'association
126
DES ASPECTS SOCIAUX DU PROJET PPI ET L'ÉTUDE DE SES
L~ÉVALUATION
IMPACTS ET DES EFFETS PERVERS SUR LES CONDITIONS DE VIE DES
USAGERS DE FITAKIMERINA

5.1. DELIMITATION DU CHAMPS D'ANALYSE

Il semble probablement trop t6t pour évaluer le projet et ses impacts à son stade actuel.
Par rapport au calendrier prévu, une lenteur s'enregistre tant sur le plan de la procédure
administrative que sur le plan technique. A ce stade, une évaluation à posteriori n'est pas logique,
tandis qu'une autre à mi-parcours ne se trouve pas tellement opportune à cause de la non
réalisation des travaux de réhabilitation prévus, alors que ceux-ci constituent une des plus
grandes raisons d ' ê e du projet. Toutefois, force est de constater que depuis sa création jusqu'à la
phase actuelle, le projet n'a pas cessé de cultiver certains comportements et attitudes chez les
différents acteurs' impliqués. Certaines perceptions se sont construites autour de lui.

Le retard a généré des impacts et des effets inattendus sur le mode de fonctionnement du
projet et sur les stratégies et pratiques paysannes. Même les travaux d'urgence qui ne font pas
l'objet immédiat du projet, produisent malgré tout des impacts et des effets divers qui finissent
par influencer les travaux réels de réhabilitation. Au cours de cette longue attente, les paysans
eux aussi se trouvent en face d'un dilemme qui se renouvelle à chaque campagne agricole. Le
système ruraI tout entier semble conditionné par le projet et les problèmes relatifs il ce dernier.
Le projet agit sur les comportements techniques, économiques et sociaux des paysans.

1
Nous désignons par acteurs, tous les intervenants dans le projet à savoir Ies paysans, les agents de tenain, les
C'est dans ce contexte et ces circonstances complexes que s'effectueront les analyses des
impacts et des effets ainsi que des réactions et des perceptions de différentes origines concernant
le projet. Notre intention est de voir dans quelles situations et comment il évolue ? Cela nous
permettra d'apporter des éléments de réponses a la question de départ, laquelle tente de voir si le
projet a rkuni toutes les conditions nécessaires pour améliorer la qualité et le cadre de vie des
paysans comme il le prévoit.

Avant de passer à l'étude de I'enviromernent du projet, il est judicieux de noter qu'il est
difficile de construire des frontières entre les différents éléments d'analyse tels que les impacts et
les effets, les diverses contraintes et emeurs du projet, ainsi que les perceptions et les réactions
paysannes. Les impacts peuvent être des effets et les effets deviennent des causes selon la
position dans laquelle on se situe ou selon le degré d'importance de chaque phénomène à
analyser. Dans tous les cas, des chevauchements entre les éléments existent bel et bien.

Par ailleurs, le découpage théorique du projet en PPI-1 et PPI-II n'est pas un obstacle
majeur à l'analyse de ces éléments. Cette situation contribue à I'explication de certains
problèmes, étant donné que ces deux phases sont interdépendantes et s'influencent en
permanence dans le temps et dans l'espace. Dans la pratique, un chevauchement de l'un sur
l'autre est observé. Et quelques fois même, certains paysans concernés par la phase I~ raisornent
en se référant à la phase II et vice versa Des logiques se construisent parfois à partir de la
combinaison des deux phases.

Tout ceci nous amène à traiter des difficultés et erreurs du projet simultanément sans trop
faKe de démarcation. D'ordre technique, social, économique, financier, politique, culturel,
organisationnel et institutionnel, elles seront à présenter d'une manière intégrée pour éviter une
simple énumération décousue.

cadres du projet, les bureaux d'études, l'entreprise obtenant le marché et même Ies bailleurs de fonds.
On entend par phase 1, une période d'essai pour la méthodologie du projet, permettant de la bien définir pour la
phase II. Les PPI conceniés par la phase 1sont dits PPI cobaye. CelIe-ci concerne 4 PPI,rChabilités en 198811989-
Ils servent de r t f h c e pour que le projet puisse s'ajuster surtout sur le plan objectif et méthodologie.
128
5.2. LES QUELQUES CONTRAINTES ET ERREURS DU PROJET.

Dans notre analyse, les contraintes et les erreurs sont toutes considédes comme des
facteurs qui ont, indirectement ou directement, des influences sur le déroulement normal du
projet. Elles peuvent également avoir des impacts sur le périmètre et sur les conditions de vie des
usagers de l'eau. Depuis le démarrage de I'étude et au moment même de son officialisation sur le
terrain, jusqu'à son stade actuel, le projet PPI s'est heurté à de multiples contraintes et facteurs
de blocage. Les recenser tous ici relèverait d'une ambition démesurée. C'est pourquoi nous nous
limitons à l'étude de ceux qui paraissent les plus importants.

Notons qu'une bonne partie de ces contraintes sont identifiées et reconnues par le projet
lui-même, tandis qu'une autre partie ressort de nos observations et de nos analyses de la situation
globale du périmètre et du projet. Et autant que possible, nous essaierons de les traiter
chronologiquement, suivant leur apparition dans le temps et par rapport aux différentes étapes du
projet.

5.2.1. Les différentes contraintes e t les diffcult4s rencontrées par le projet

5.2.1.1. De la libéralisation de la commercialisation du riz à I'absence des


politiques de prix des produits agricoles

En 1986, une décision gouvernementale a supprimé le monopole d'État sur l'achat,


l'usinage et la commercialisation du riz à Madagascar. Cette libéralisation de la
commercialisation du riz a sensibilisé les sociétés parapubliques à entrer dans une région de
concu~sence,pourtant défavorable pour les producteurs.

Le manque dc réglementation de l'activité et de mécanisme de régulation de prix a


provoqué une instabilité des cours. Le prix plancher n'a pas été fixé et une certaine anarchie est
apparue au niveau des achats et de ventes de riz, variant dans le temps et dans l'espace. Cette
situation constitue une contrainte non négligeable au projet dans le sens où elle est préjudiciable
à toute tentative d'intensification et de modernisation de la production rizicole. Elle n'incite
129
point les paysans à investir dans les engrais chimiques et les technologies coûteuses qui
risqueraient d'augmenter les coûts de production face à un faible prix de vente de leurs produits.
Cela les démotive et les rend moins enthousiastes et dynamiques vis-à-vis du projet et de ses
actions d'intensification.

5.2.1.2. L'instabilité socio-politique :un grand facteur de blocage du projet

Propagande politique, élections présidentielles, référendum, actes de déstabilisation du


régime en place, émeutes et mdestations populaires, changements et remaniements
gouvernementaux à plusieurs reprises, etc. se succèdent pour créer des conditions difficiles a
l'économie et au développement du pays. La population s'appauvrit de plus en plus et les
programmes et les projets de développement de tous les secteurs se trouvent perturbés. La
machine administrative ne fonctionne plus. L'économie est complètement paralysée. La situation
générale empire et finit par se répercuter sur les relations de Madagascar avec l'extérieur. Ce qui
explique le repli des investisseurs étrangers et la suspension des financements venant de
l'extérieur. Beaucoup de projets et de programmes sous financement étranger ont été soit bouclés
avant l'échéance, soit mis en veilleuse pendant plusieurs années comme le projet PPI. Cette
situation non contrôlable a des impacts considérables sur le fonctionnement des projets. Ils se
présentent de différentes manières.

Issue de ces instabilités de toutes sortes, la suspension du financement du projet PPI a été
décrétée par les BF. En conséquences, des mesures restrictives ont été prises par le projet dont
l'application n'a pas été sans causer des répercutions graves.

5-2.1.3.La persistance de l'approche techniciste et productiviste.

Le projet a été monté en adoptant une approche et une méthode participatives tournées
largement vers le social. En principe, il doit se baser sur l'implication des paysans dans toutes les
phases du projet et sur le transfert de responsabilité aux populations concernées. Mais la façon
dont le projet fonctionne actuellement donne l'impression qu'il a du mal à s'aninner. L'absence
d'une maîtrise de l'approche s'observe chez une bonne partie du personnel du projet, quel que soit
130
le niveau d'instruction et de formation, qu'ils soient cadres ou non cadres, agents de tenain ou
membres du personnel de bureau. Plusieurs facteurs expliquent cette situation. On peut noter :

- le faible niveau d'instruction des conseillers hydrauliques. Ils sont en général de niveau
secondaire et du premier cycle.
- la persistance et l'encrage de l'approche et de la vision techniciste chez le personnel
technique cadre et non cadre du génie niral.
- le manque général de formation en approche participative de I'ensemble du personnel du
projet.
- la divergence de vue et de perception de l'approche participative chez le groupe des
conseillers animateurs malgré le fait qu'ils relèvent en grande partie du domaine des sciences
humaines. Étant socio1ogues, géographes, économistes, historiens ou même agronomes, ils ont
chacun leur propre façon de voir ou de comprendre les phénomènes selon leur discipline.

La différence de niveau de formation entre les C.A., sortants de l'université et leurs chefs
hiérarchiques, cadres du génie rural, de niveau secondaire, constitue un grand obstacle à
l'avancement du projet. Les complexes de supériorité et d'infériorité s'installent dans tous les cas
et bloquent le dialogue tant exigé par l'approche participative. Il s'ensuit un silence qui se traduit
par une rétention d'informations de la part des C.A. et une certaine imposition des instructions de
la part des cadres. Ce manque de communication est très manifeste au cours de réunions
mensuelles ou bimensuelles de la coordination régionale3.

5.2.1.4. Problème d'adaptation du CH à la nouvelle approche

L'adoption et la mise en application de l'approche participative revient à reconnaître que


les approches techniciste et productiviste ne sont plus adaptées au domaine de l'irrigation. Le
passage de l'une à I'autre n'est pas facile. Cette transition méthodologique doit commencer par
le changement de mentalité, surtout du côté des agents du génie rural, nous a mentionné le
coordinateur national du projet PPI.Dans la pratique, cela n'apparaît pas facile pour les CH qui
pp pp -- --

C'est une réunion périodique de compte rendu et d'état d'avancement des travaux qui regroupe tout le personnel
administratif et technique, auquel se joignent des représentants de la coordinationnationale. Nous avons assisté à
cette réunion.
131
accumulent une longue expérience. Un fort enracinement de l'ancienne approche ne leur permet
pas d'être perméables à l'approche participative et de se familiariser avec des stratbgies
priorisant le social.

Ces constats d o ~ e n l'impression


t que le CH, malgré sa bonne volonté, se trouve dans
l'incapacité d'accueillir et d'accepter la nouvelle approche. Mais d'autres faits contredisent cette
affirmation. L'agent se rend bien compte aussi qu'adopter l'approche participative lui enlève
certains privilèges, certaine autorité et provoque une dégradation de son rang social en tant que
petit fonctionnaire rural et notable du milieu. Auparavant, on l'appelait Chef Secteur (CS), un
nom qui lui a procuré un pouvoir, un nom à respecter par les usagers de l'eau parce qu'il détenait
la clef de l'eau, aussi bien au sens propre qu'au sens figuré. C'est comme si la vie de tous les
paysans dépendait de lui.

L'approche participative exige qu'il change de nom et qu'il se fasse appeler «Conseiller
hydraulique» (CH). Une appellation qui lui déplaît pour la simple raison qu'avant il était chec
actuellement il n'est qu'un conseiller. En plus, l'institutionnalisation du CA comme son
homologue de terrain I'oblige à partager avec le nouveau venu ses attributions, ses privilèges et
son autorité. Celui-ci a un niveau d'instruction largement supérieur4au sien. Quoiqu'il en soit, il
considère le CA comme son rival, son concurrent politique. Il lui est difficile d'accepter le CA
c o m m e collaborateur, ce qui génère des attitudes et des comportements divers. Le CH de
Fitakirnerina se porte par exemple absent aux réunions de l'AUE, se montre très autoritaire dans
la répartition et le contrôle des travaux de curage des canaux d'imgation devant le CA pour
surmonter le complexe d'infériorité. Une tension latente s'installe entre les deux agents qui
devraient être complémentaires et s'épauler.

La sous-estimation de ce problème amène le projet dans des conditions où la chance de


réussite est nulle parce que ce sont les piliers qui sont mis en cause. Le CH et le CA sont les
agents de base les plus importants. ïis sont supposés être les éducateurs des paysans et les
formateurs de l'association pour que ces derniers puissent acquérir une certaine maturité pour
ainsi prendre en main la gestion globale des réseaux et du périmètre. Ils sont donc la pierre
angulaire de la responsabilisation paysanne, tant espérée par le projet.

'Le CA est de niveau universitaire,tandis que le CH est un sortant des Ccolcs primaires ou secondaires.
5.2.1.5. Les retombées de la suspension des financements.

Un grand nombre de projets et de programmes ont été victimes d'une suspension de


financement décrétée par les bailieurs de fonds étrangers. Cette mesure est due, d'une part A
l'incapacité du gouvernement d'honorer la contre partie malgache, et d'autre part à l'instabilité
politique qui étrangle le pays (1989 à 1996). Le projet PPI n'a pas pu échapper à cette sanction
hancière.

De grandes répercussions ont été enregistrées tant au niveau national qu'au niveau
régional du projet PPI, à savoir :

- la suspension des travaux de réhabilitation en cours pour certains périmètres,


- la mise en veilleuse des scénarios de réhabilitation,
- la réalisation de petits travaux ponctuels comme les travaux confortatifs, les travaux
d'urgence, les travaux complémentaires et les travaux de réparation des dégâts cycloniques,
- la gestion rationalisée du crédit déjà débloqué, cristallisée dans la limitation des
dépenses en fournitures de bureau, la réduction des déplacements des agents de terrain, la
suspension des indemnités des agents dépendant directement du projet.

Ces mesures démotivantes brisent la dynamique des gens, menacent leur conscience
professionnelle et risquent de nuire au fonctionnement du projet.

5.2.1.6. Les travaux d'urgence :palliatifs et cause d'une perte de récolte

Étant donné la suspension du financement, des petites réalisations s'imposaient à


l'administration du projet dans le but de fieiner la dégradation excessive des réseaux d'irrigation
et de répondre à Ia revendication des populations découragéess. C'est égaiement une opportunité
pour I'administration de ponctuer, avec ces petites réalisations, la longue attente des paysans
causée par la lourdeur et la lenteur constatées dans les démarches méthodologiques.

s
Il s'agit des populations des périmètres
À caractère urgent et palliatif, les travaux effectués n'ont pas résolu les problèmes d'eau
auxqueIs les producteurs des PPI bénéficiaires font face. Au contraire, ils ont provoqué d'autres
problèmes d'ordre technique, social et économique. Techniquement, ils sont nécessaires mais sur
le plan social, ils ont provoqué une grosse perte de production. Dans ce cas, ces travaux n'ont fait
que prolonger les périodes de soudure.

À Fitakimerina, les travaux d'urgence, entrepris en pleine période de floraison et de


montaison du riz (campagne 1995/1996) où le besoin en eau de la plante est très important, ont
généré des impacts graves sur le rendement rizicole. Beaucoup de gens ont perdu le tiers ou la
moitié de leur production et ne récoltent en moyenne que 0,900 T sur 1 ha de rizière. Par ailleurs,
les erreurs techniques ont entraîné une mauvaise répartition de l'eau entre l'amont et Faval des
réseaux d'imgation. II en résulte des tensions sociales entre les paysans. Selon les demières
informations reçues, le rendement moyen de la campagne 1996/1997est de 0,700 Tha. Ce qui
est très faible par rapport à celui au niveau national, se chifhnt à 1,800 Tha.

5.2.1.7. La proximité d'une ville industrielle et touristique

Fitakimerina est un périmètre périurbain. Situé à une dizaine de kilomètres d'htsirabe, il


est influencé par la proximité de la capitale régionale et la population est attirée par les
caractéristiques touristiques et industrielIes de celle-ci. A part le déplacement deux fois par
semaine, chaque jeudi et samedi jours de marché, et les jours de Ete, on s'y rend aussi pour une
petite promenade. Après un certain temps, le déplacement devient très fiéquent pour Ies jeunes, à
cause du manque notable d'inhstnictures socio-collectives comme un foyer des jeunes ou des
associations ou organisations diverses de population, ou encore à cause de l'absence d'activités
récréatives dans le périmètre. On n'y trouve même pas d'animateur mai pour s'occuper de la
sensibilisation et de l'animation de la population. Bref. il manque un mécanisme de rétention de
population. A cela s'ajoute la non rentabilité des exploitations agricoles qui démotive les paysans
et favorise le déplacement. A un certain degré d'intensité, cette mobilité sociale entraîne une
raréfaction de la main-d'oeuvre au village, une féminisation et un vieillissement de la population
du périmètre.
5.2.1.8. Le vieillissement et la feminisation de la population

À cause des caractéristiques attrayantes de la ville d'une part, et de la stagnation du projet


d'autre part, les mouvements migratoires temporaires ou définitifs s'intensifient et entraînent un
vieillissement de la population. On observe le départ des jeunes en quête d'indépendance et
d'emplois ; ils se déplacent soit vers Antsirabe, une ville industrielle et touristique à la fois, soit
vers les zones aurifères pour gagner de l'argent. Tandis que la féminisation est explicable par le
fait que ce sont toujours les hommes et les jeunes garçons qui s'adonnent aux phénomènes de
migration. II en résulte un déficit en main-d'oeuvre tant pour la mise en valeur des terrains de
cultures que pour la réalisation des travaux d'entretien du périmètre. Les travaw de curage ne
sont pas à la portée de l'énergie féminine.

Vue cette situation causée en partie par le projet lui-même, ce demier a des difficultés à
avancer, d'autant plus que cette catégorie de population n'a pas été prise en considération d'une
façon marquée et évidente, malgré l'existence de plusieurs exploitations familiales dirigées par
des femmes et la prédominance du sexe féminin dans le périmètre. Mais cette féminisation et
vieillissement de la population du périmètre n'est pas un facteur limitant pour la formation de
différentes catégories de paysans du périmètre.

5.2.1.9.Les trois couches sociales de la population du périmètre

Les investigations faites ont permis de classifier les populations du PPI F i t a k i m e ~ aen
trois catégories à savoir :

1 - la classe des paysans riches, minoritaire et formée de grands propriétaires fonciers,


d'employés d'industrie et d'entreprise en ville (Antsirabe), de commerçants. Ils ont, en plus de
l'activité agricole, d'autres sources permanentes de revenu. Cette catégorie de paysans habite les
villages d7Ambohhanga et d'Anjanamanjaka et mettent en valeur les rizières bien irriguées
situées en amont des réseaux,
2 - la classe moyenne qui regroupe également une minorité de paysans ayant des
exploitations de taille située entre 0'50 ha et 1 h a Par rapport à I'accès à l'eau, cette couche de
population est moins favorisée que la première. Malgré cela, elle a un rendement rizicole
moyennement bon et un niveau de vie acceptable,
3 - la classe des petits producteurs, composée de paysans sans terres ou de ceux qui n'en
ont que très peu. La taille de leurs exploitations est inférieure à 0,50 ha Situées en aval du
périmètre, leurs rizières sont soumises à des problèmes chroniques d'eau Les paysans de cette
catégorie sont en majorité des métayers ou des locataires de terrains appartenant à la première.
Cette couche sociale est aussi caractérisée par un taux élevé de migration. Selon les propos des
paysans, trois personnes adultes sur cinq d'un ménage de ce groupe sont partis à la recherche
d'autres sources de revenu.

Considérant les conditions socio-économiques qui prévalent dans Ie périmètre et vues les
façons dont le projet fonctionne actuellement, celui-ci est loin d'être capable de servir ces trois
couches de population sur le même pied d'égalité. Tout effort d'investissement et
d'intensification risque de ne favoriser que la première catégorie de paysans. Disposant d'un
certain nombre d'atouts, celle-ci paraît très ouverte et perméable à des innovations. Si le projet
fonctionne sans tenir compte de ces réalités, il se trouvera, malgr6 lui, qualifié de système qui
maintient et entretient cette répartition de la population, voire renforce la différenciation sociale
qui existe déjà.

5.2.1.10. Le faible taux de recouwement des fiais d'entretien et des cotisations

A défaut de vraies réhabilitations, l'AUE de F i t a k i m e ~ afonctionne tout de même avec


les dits travaux d'urgence et les entretiens périodiques nécessaires des réseaux, sans ou avec
réhabilitation. Tous ces travaux exigent des entretiens a programmer, des fkis et des dépenses à
réaliser. Ils demandent ainsi la constitution d'une caisse commune. Mais compte tenu du faible
pouvoir d'achat de la majorité des paysans du périmètre, I'AUE éprouve des difficultés à collecter
Ies fhis d'entretien et la cotisation de la caisse et connaît un taux de recouvrement relativement
bas, malgré l'adoption d'un paiement en nature (en quantité de paddy6). Les faibles rendements
rizicoles ne permettent point à un grand nombre d'usagers de payer les fXs d'entretien. A cela

'Paddy: riz non décortiqué


s'ajoute la perception paysanne de l'eau en tant que don de Dieu, c'est-à-dire qu'elle ne s'achète
pas ni ne se vend. Ce qui les entraîne à ne pas payer.

Selon les estimations du président de l'AUE, deux îiots seulement sont capables d'avoir
un taux de recouvrement relativement élevé, en I'occurrence Ambohimanga et Anjanamanjaka-
Est. Cela s'explique part deux faits:

- premièrement, ces d e w groupements, surtout celui dlAmbohimanga, sont constitués de


paysans riches. La grande majorité des chefs de ménage dans ce village ont une autre occupation
rémunératrice en ville et reçoivent un salaire mensuel assez conséquent. Tandis que ceux
d'hjanamanjaka-Est sont des commerçants. Dans ce cas, croire que les redevances ou les frais
d'entretiens ont été payés par les revenus agricoles7 et dire que le projet est rentable pour les
paysans est une erreur.
- deuxièmement, situées en amont par rapport à l'ensemble du périmètre, leurs parcelles
ne soufient pas d'un manque d'eau. Les rendements sont très élevés car ils ont les moyens
financiers leur permettant de se procurer des intrants agricoles.

À noter que les grands propriétaires fonciers du périmètre de Fitakirnerina relèvent de ces
deux groupements.

D'après notre analyse, il devrait y avoir une relation entre le rendement rizicole et le taux
de recouvrement des f i s d'entretien compte tenu du fait que le paiement est fait en nature (en
paddy). Étant donné que l'AUE est fiaîchernent mise sur pied (1995/1996)~,les relations ne sont
pas encore bien nettes. Toutefois une tendance logique est observée : moins le rendement
diminue, moins le taux de recouvrement est faible. Le président de l'association estime que le
taux de collecte sera très bas pour la campagne 1996-1997 à cause du faible rendement. (cf.
annexe F)

7
C'est ce que le projet attend des paysans.
8
Au cours de la campagne 1995-1996 le rendement moyen est de 0,90Wha avec 50% de taux de recouvrement.
Pour la campagne 1996-1997 le rendement diminue à 0,700%, mais les données concemant h coUecte du paddy ne
sont pas encore disponiilts.
137
5.2.1.1 1. Les erreurs du passé :atouts et contraintes

Les erreurs du passé ou plus exactement les échecs enregistrés sur les périmètres tests du
PPI-1 peuvent avoir deux interprétations contradictoires. Si les mauvaises expériences du passé
se révèlent de références nécessaires pour le projet dans la définition des approches PPI et dans
l'ajustement de sa philosophie, selon les rationalités et les logiques paysannes, celles-ci
constituent des raisons suffisantes pour refuser les propositions du projet. Effectivement, les
paysans du Fitakimerina qui sont salariés dans le périmètre d ' h b o h i b d ont été informés de la
situation problématique du projet. De retour au village, les informations se transmettent de
bouche à oreille et se propagent rapidement. Tout le monde est au courant des problèmes et des
échecs enregistrés sur ce périmètre du PPI - 1. Incapables de faire la distinction entre PPI - 1 et
PPI - II, les paysans de Fitakimerina sont découragés par ces mauvaises expériences. Les agents
de terrain ont par la suite de la difficulté à faVe admettre le projet et à dynamiser l'association
des usagers de l'eau.

5.2.2. Les erreurs méthodologiques

5.2.2.1. Les longues phases d'études et l'échéancier non réaliste

Le périmètre de Fitakirnerina est encore considéré comme un PPI en étude malgré la


réalisation des travaux d'urgence car les vrais scénarïi de réhabilitation retenus par les études
faites ne sont pas encore commencés. Suite à la reconnaissance nationale, cette phase d'étude
débutait en 1984, suivie d'une présélection et une sélection définitive des PPI à réhabiliter. Vient
ensuite l'étude diagnostic démarrée en 1988 pour le cas de Fitakimerina et fait ressortir I'APD en
1993 après être passé au rapport d'orientation et à l'Avant-projet Sommaire (APS). Notons au
passage que la sortie de ces rapports a été conditionnée par la collecte de signatures qui justifie
aux yeux de l'administration l'acceptation du projet par la population ainsi que le déclenchement
des travaux.

- . --

Le PPI d'Ambohibary a été réhabilitb en 1986187 dont la rdhabilitation a causé beaucoup de problèmes.
138
Outre le retard causé par la suspension du financement, on note également que le projet a
établi avant tout un calendrier trop ambitieux. Un grand décalage est à remarquer entre la
prescription des TDR" et la réalisation pratique des différentes étapes. Si le projet prévoyait une
année pour les phases d'études, par exempk, il lui fallait quatre à cinq ans consécutifs pour les
terminer. D'une manière générale, presque tous les périmètres du Vakinankaratra concernés par
le PPI-II ont mis du tcmps pour passer des études diagnostic et du montage des associations
paysannes au lancement de 1'AO. Le cas de Fitakirnerina illustre bien ce fait. L'assemblée
générale constitutive (AGC)' s'est tenue tardivement. Effectuée en 1992, elle accuse un grand
retard de 4 ans après le démarrage des études en 1988. Cela n'est autre qu'un gaspillage de
temps, d'argent et de ressources.

Selon les dernières informations reçues, aucun travail de réhabilitation n'a été amorcé
jusqu'à maintenant à Fitakime~a.Par ailleurs, plusieurs facteurs expliquent ce grand manque à
gagner. Nous pouvons citer entre autres, la lourdeur de l'approche, sa mise en application
difficile, la non-maîtrise de la méthode participative, la connaissance floue de la philosophie et
des objectifs du projet, la lenteur administrative, etc.

5.2.2.2. Connaissance insuffisante du milieu d'accueil du projet

Nous ne mettons pas en doute les études préalables du projet, mais la façon dont celui-ci
se réalise nous laisse entrevoir une faille au niveau de la méthodologie. Il s'agit soit d'une erreur
de la part des sociologues et socio-économistes qui n'ont pas élargi leur domaine d'analyse, soit
d'une maladresse du projet qui n'a pas tenu compte des résultats d'analyse des études
sociologiques. Peu importe, le fait est que certaines réalités sociologiques semblent oubliées.
L'analyse des informations recueillies nous informent :
- de la non-considération sérieuse des femmes et des rôles socio-économiques qu'elles
peuvent jouer,
- de la non-prise en compte des catégories socioprofessionnelles des paysans et de la
sous-estimation de l'importance des activités extra-agricoles ,
- de la négligence volontaire ou non des séquelles des anciennes stratifications sociales.
10
TDR :Termes De Références.
Il est certain que ces éléments ont une influence importante sur le projet.

* La prédominance du sexefëminin

Officiellement, il existe plus de femmes que d'hommes dans le périmètre. Malgré la


grande disproportionnalité entre les deux sexes au niveau de I'effmtif des chefs de ménage,
usagers du périmètre (200 hommes / 9 femmes), il faut savoir que pendant la migration (qui
touche surtout les hommes). ce sont les femmes qui assurent la relève et s'occupent de
l'exploitation agricole. Cette prédominance du sexe féminin pourrait constituer un grand atout
pour le projet si on en tenait compte. Les rôles sociaux et économiques des femmes pourraient
contribuer à l'atteinte de l'objectif d'amélioration des conditions de vie et du cadre de vie des
paysans.

* Les calégories socioprofessionnelZes des paysans et l'importance socio-économique des


activités non agricoles.

Quand on parle de catégories socioprofessio~elles,on a toujours tendance à se référer à


une situation et à un contexte urbain. Le caractère périurbain du PPI Fitakirnerina lui permet
d'être assimilé au moins partiellement à la ville.

Les usagers du périmètre peuvent se répartir dans trois secteurs de I'économie dont la
base reste agricole, c'est-à-dire que les 200 chefs d'exploitations recensés sont tout d'abord
agriculteurs. Une catégorie minoritaire opère en même temps dans l'agriculture et dans le
commerce. Et une autre troisième est formée d'ouvriers d'usines et d'industries.

* Les séquelles des anciennes strrrtif cations sociales.

Selon les traditions orales, les villageois d'Ambohimanga sont i s s k des anciennes
familles de rois. Tandis que ceux d'Ambohitraivo et d'Avarabohitra sont des descendants des
familles esclaves qui rendaient seMces aux rois et à leurs familles élargies. Les « Ray aman-

'*L'AGC est une sorte d'onicialisation de la formation de l'AUE a un coup d'envoi au lancement de 1'AO.
140
dreny »12 ont anirmé que les stmctt~essociales existent encore dans le périmètre, mais sous une
autre foxme. L'ancien système d'esclavage s'est métamorphosé et donne naissance au système de
métayage dans lequel les esclaves sont devenus des métayers et les rois sont les grands terriens.
La seule différence est que dans le système de métayage, propriétaire et métayer se partagent les
travaux, les intrants et les récoltes selon une convention établie à I'avance. Le propriétaire ne
reçoit habituellement que le tiers de la production.

Sans vouloir aller trop loin dans l'analyse de ces phénomènes, nous pouvons cependant
confirmer que les trois faits sociologiques cités ci-haut existent bel et bien à Fitakirnerina Les
minimiser serait une erreur fondamentale car la plupart des comportements et des attitudes des
paysans se déterminent à partir de ces faits. Même les tensions sociales auxquelles se livrent en
latence les villageois y trouvent leur explication.

5.2.2.3.La connaissance confuse et diversifiée de la philosophie du projet et


l'ambiguïté des objectifs, des Gnalités et des stratégies d'approche

La non-maîtrise de la philosophie du projet et de l'approche participative constitue un


obstacle de taille pour le projet. C'est un problème concret observé à tous les échelons
(administratif et technique) du projet. Pris à la légère, il entraîne une confusion de terminologie
et met en jeu l'approche participative et la vie même du projet

Une confusion et une ambiguté s'installent au niveau de la compréhension de la


philosophie globale du projet, de ses objectifs, de ses buts et des finalités, ainsi qu'au niveau des
approches et des stratégies de réalisation. Non seulement ces divers éléments ne sont pas
clairement définis à l'avance pour l'ensemble du personnel impliqué dans le projet, mais ils sont
également fortement nuancés à l'origine. En effet, la perception de ces concepts diverge suivant
le niveau d'instruction, le niveau d'information et le niveau de formation. Elle varie selon le
domaine de compétence de chacun des agents et en fonction des hiérarchies administratives ou
techniques.

A titre d'exemple, il ressort de nos analyses que:


12
Ce sont les plus vieux du village qui gardent les histoires des ancêtres.
- il y a une confusion entre les objectifs, augmenter la production rin'coie et améliorer les
rendements. Certains agents ont tendance à mélanger production et productivité,
- la rerponsobilisutionpaysanne comprise en tant que finalité par les agents de terrain et
interprétée comme une ktape méthodologique ou encore comme une philosophie du projet par les
cadres,
- la philosophie du projet est difficile à définir. Or, tout le monde en parle tous les jours,
laissant croire que la compréhension de ce concept est acquise d'une façon homogène et
standardisée. En réalité, le concept est perçu différemment. En parlant de philosophie du projet,
certains font référence à la méthodologie et d'autres font allusion aux buts ou aux objectifs.

La confusion et I'ambiguité proviennent fort probablement des expériences de


tâtonnement au niveau des approches de la phase P H - I ' ~ .11 est certain qu'au cours de ces
phases d'expériences et d'ajustements, la définition de l'approche PPI, des objectifs, des buts et
de la philosophie du projet s'est faite dans la prise en compte du contexte et des circonstances
qui prévalaient dans le temps. Ceux-ci s'ajustent en fonction des types de problèmes auxquels ils
se heurtent. II ne faut pas perdre de vue l'influence des facteurs temps et espace. Ce qui ne
permet ni de définir une approche standard, conçue spécifiquement pour le PPI, ni d'uniformiser
les démarches.

La présentation de ce problème nous amène a conclure que la conceptualisation de


l'approche participative est difficile. Elle exige une certaine rigueur.

5.2.2.4. La négligence des aspects qualitatifs et sociaux et la priorisation de la


réhabilitation physique'4

La philosophie du projet fait savoir que la réhabilitation des périmètres irrigués revêt un
double aspect complémentaire et interdépendant, le technique et le social. .Acet égard, les
objectifs et la finalité visent d'une part la réhabilitation physique dont la réalisation concrète
s'appuie sur la remise en état fonctionnel des réseaux d'irrigation dégradés, et d'autre part la

l 3 La phase PPI - I (1984-1988) est une période de tests et de définition des approches a adopter dam le PPI -
II(1988-1999).
14
Pour cette a f f i t i o n nous nous sommes bas6 sur les résultats d'analyse du cercle de réfIexion que nous eu avec
tous les CA du Vakinankaratra.
142
réhabilitation sociale qui concerne la dynamisation de l'AUE et l'organisation générale de la
gestion de l'eau.

Même si les documents du projet prévoient une conduite simultanée des deux types de
réhabilitation, sans donner pnoritb a l'une ou à l'autre, les réalités sur le terrain reflètent une
situation contraire.

De prime abord, les aspects sociaux semblent prendre une avance sur les aspects
techniques si on se réfêre au fait qu'aucun travail de réhabilitation n'a été entamé jusqu'à
maintenant. Mais compte tenu de l'importance des investissements matériels et financiers
consacrés à la réhabilitation physique, et vue la prédominance de l'approche techniciste chez le
la réhabilitation sociale se trouve moins prioritaire pour ce demier. Les
personnel du génie d,
cadres du génie rural estiment que la réussite du projet dépend principalement de la bonne
finition des travaux physiques. Or, J. M. Funel et G. Laucoin (1981) pensent autrement.

(t L? apparaît indispensable dans un programme d 'imgntion de ne par donner la


priorité ù la topographie et à l'hydrologie. Ces éléments sont, en étant secondaires par
rapport aux critères sociaux qui sont de véritables garants du succès, des
aménagements à long terne. »15

Une certaine négligence du social se lit au travers des comportements, des paroles et dans
les actes du personnel de ce service du génie rural. L'absentéisme volontaire du Conseiller
Hydraulique (CH) dans les démarches à caractère social est une bonne illustration de cet état de
fait:
- non-assistance à l'assemblée générale de l'AUE,
- absence de collaboration de travail entre lui et son homologue Conseiller Animateur
(CA)
- sous-estimation des desiderata et doléances des usagers du périmètre, etc.

'q.,M.,Funel, G. Laucoin, Politiques d'aménagement hydro-agricoles, ACCT, P D , Paris, 1981 :23.


5.2.2.5. Absence de collaboration entre services techniques

La fusion de deux services publiques, génie nual et agri~ulhne~~crée


des conflits latents
entre les agents qui devraient ê e complémentaires sur le terrain : le premier s'occupant de la
réhabilitation physique et technique, le deuxième oeuvrant pour la réhabilitation sociale du
périmètre (sensibilisation, dynamisation, formation et encadrement de l'AUE). Pourtant les deux
agents travaillent séparément, alors que leur présence au même moment à chaque action à
enbeprendre dans le périmètre qu'elle soit technique ou à caractère social, est exigée pour que
les usagers n'aient qu'un seul interlocuteur. Ce manque de synergie entraîne par conséquent une
incohérence dans leurs attributions et finit par partager dans une certaine mesure la communauté
d'usagers en paysans du conseiller hydraulique et paysans du conseiller animateur.

5.2.2.6. La non pertinence des indicateurs de suivi et d'évaiuation

Le bon fonctionnement de l'AUE qu'exige le transfert de gérance est évalué selon une
approche productiviste. Explicitement, les BF et l'administration se basent sur le quantitatif et les
données chiffrées pour évaluer la maturité de l'AUE pour prendre en main la gestion globale du
périmètre. Selon cette vision, cette maturité est à juger quantitativement, en fonction de
l'importance numérique des membres, la fréquence des réunions, le nombre des participants à la
réunion, le montant de l'argent collecté constituant la caisse, etc. Les tenants de cette approche
ne prêtent pas beaucoup d'attention aux aspects qualitatifs et beaucoup plus sociaux comme le
monopole de parole pendant la réunion, la coexistence de différents groupes d'intérêts. Plusieurs
cas de figures peuvent être identifiés dans I'association. On peut noter :

- la passivité agressive d'une catégorie de gens.


- l'existence d'un groupe très actif et dynamique dans les paroles mais qui exprime une
attitude contraire dans les travaux et le paiement des fkis d'entretien.
- ou encore la présence d'un groupe de paysans riches qui ne font que faire travailler des
journaliers pour assurer leur part de travaux d'entretiens.

'" Le projet PPI chevauche entre les deux branches :génie rural et agriculture.
Par ailleurs, à travers des entretiens avec des responsables régionaux, nous avons cm
entendre que I'adminiçtration tend à précipiter le transfert de gérance des PPI car on" dit que
c'est I'exigence des BF. Il semble qu'il y a un certain quota à atteindre jusqu'i la fui du PPI - II
(1999).

5.2.2.7. Probléme de recensement

Depuis la reconnaissance initiale jusqu'à la phase des travaux d'urgence, en passant par
les étapes des études préalables, le projet n'a jamais obtenu de chifees exacts sur l'effectif des
usagers et la sdaces à irriguer dans le périmètre. D'une importance capitale pour le projet, ces
données varient beaucoup dans le temps et suivant la méthode utilisee. Si, en 1988, 43318
paysans ont été recensés comme exploitants propriétaires de 400 ha de rizières, au cours des
phases d'étude, ces chiees diminuent pour devenir 399" usagers pour 250 ha de sdace. Le
dernier recensement informe de l'existence de 250~' usagers qui mettent en valeur à titre de
propriétaires 150 ha de rizières, avec la précision que parmi eux, 8 relèvent du sexe féminin.Les
distorsions et les biais sont de différentes origines :

- soit un paysan est connu sous plusieurs noms et/ou prénoms ;et il a été recensé
plusieurs fois suivant le nombre de noms qu'il porte. Par exemple, si monsieur X est COMU par
son vrai nom Rabearirnanana dans un village, il s'est fait appelé par le diminutif Rabe dans un
autre.
- soit le recenseur tombe sur un métayer qui prétend être le propriétaire de la
parcelle ou encore sur un vrai propriétaire qui ne veut pas donner la surface exacte de ses rizières
ou son vrai nom de peur d'une application d'ixnpôt foncier.

11 s'avère nécessaire de refaire le recensement en utilisant des méthodes efficaces.


D'ailleurs, les paysans eux-mêmes le réclament.

17
Le «on » a été utilisé par la majorité du personnel du projet pour ne pas dire le nom d'une personne I qui l'on
veut faire référence. Mais après analyse, ce pronom désigne la hiérarchie direct ou le chef immédiat de la personne
qui parle.
" Source :Étude de réhabilitation des dix PPI dans les régions d'Antsirabe et Ambositra. Phase 1, Rapport
d'orientation, MPARA, Sept, 1988.
Estimation au cours d'une discussion sans aucun document de base. Chiffie pour l'année 1991
'O S o m e :Rapport bimensuel du Conseiller Animateur, juin 1996.
5.3. L'ÉTUDE DES &ACTIONS PAYSANNES VIS-A-VIS DU PRO^ ET
L'IDENTIFICATION DES PERCEPTIONS DIVERSES

5.3.1. Les réactions de refus et les perceptions négatives

Les réactions paysannes vis-à-vis du projet se traduisent en général par des


comportements de refus et de résistance. Dans la présente section, elles seront traitées en
alternance avec des perceptions diverses et autres relevant de nos analyses et de nos
observations.

5.3.1.1. Précarité de 1' AUE

L'AUE qui va supplanter l'État dans la gestion générale du périmètre a été créée sur la
base de collecte de signatures, dans des conditions plus ou moins imposées. Cependant, elle ne
s'appuierait ni sur la bonne volonté des paysans ni sur leur prise de conscience. Cette approche
repose largement sur une imposition et ne garantit aucunement la pérennité de la structure
institutionnelle qui va gérer une structure physique et l'organisation sociale de l'ensemble du
périmètre selon l'objectif du projet.

5.3.1.2. De la résistance à I'intensification agricole au délaissement des activités


agricoles.

Les paysans n'osent plus investir dam l'intensification de la riziculture A cause :

- de la cherté des intrants agricoles (engrais chimiques, pesticides et équipements


agricoles), pour ne pas tomber en faillite face aux faibles prix'd'achat de leurs
produits,
- de l'absence de maîtrise d'eau,
- de l'exiguïté des surfaces à mettre en valeur.
Intensifier dans ces conditions est consideré comme un suicide pour les paysans.
Étant donné que cette situation concerne la majorité des paysans du périmètrr, une
orientation vers l'économie de subsistance tend ii se généraliser. Selon la logique des choses, ces
stratégies paysannes entraînent évidemment de faibles rendements et une diminution des
productions familiales. La commercialisation tend ii zéro et le pouvoir d'achat baisse, d'où Ia
dégradation du niveau de vie. Bref. l'exploitation agricole familiale n'est plus rentable et le
recours à la migration reste la seule issue.

5.3.1.3. Perception paysanne de l'eau et refus de payer des redevances

L'eau représente une vie pour les paysans. En plus, ils la considèrent comme un
don de Dieu. Ainsi, elle ne s'achète pas. Elle ne se vend pas non plus.

D'un autre point de vue, les paysans sont habitués à une consommation et à une
utilisation gratuite de l'eau car depuis la création des barrages et des réseaux d'figation
du Fitakirnerina, aucun paiement de redevances ni de fhis d'entretiens n'a été exigé. Iis
se demandent actuellement pourquoi les techniciens d'aujourd'hui leur demandent
d'acheter l'eau. a Ceux-ci veulent commercialiser le don de Dieu pour avoir de l'argent »,
disent-ils. Évidemment, les agents de terrain et les membres du bureau de l'association
ont des difficultés à les faire payer. A cela se joignent d'autres facteurs techniques,
sociaux et économiques pour expliquer le faible t a u de collecte des fiais d'entretien et
des cotisations.

5.3.1.4. Le manque de fermeté: une faiblesse de l'administration

Ce type de problème s'avère une erreur fondamentale de la part de l'administration. 11 se


manifeste dans le non respect des procès-verbaux de réunion avec les paysans ou des promesses
faites à la population. De cette réalité, il se dégage deux faits :

- d'une part, les paysans se sentent déconsidérés et il s'ensuit une fiustration,


- d'autre part, l'administration perd sa crédibilité.
Les paysans simplifient le problème en qualifiant l'État ou l'administration de
«quelqu'un qui ne ment pas mais quelqu'un qui ne tient pas ses promesses et qui change d'idée
d'un moment à l'autre»21.

N'ayant plus confiance en cette institution, les paysans expriment un comportement de


résistance vis-à-vis de ce qu'on leur propose. Par ailleurs, les usagers commencent à être
familiers avec cette faiblesse de I'administration. Ils ne réagissent même pas aux menaces de
l'administration de couper l'eau et de fermer le barrage en cas de résistance des usagers à
certains travaux de maintenance ou en cas d'un faible taux de collecte des redevances et des fiais
d'entretien22,car ils sont assurés que celle-ci va revenir sur ses décisions.

5.3.1 .S. Pseudo-participation des paysans et autoritaisme camouflé de l'Étatu

Le projet de réhabilitation ne relève pas de la décision des paysans. Il a été négocié entre
l'administration (État) et les bailleurs de fonds, constatant que la principale cause de Ia chute de
la production rizicole est la dégradation généralisée des réseaux hydro-agricoles sur tout le
temtoire national. Les paysans ne sont impliqués dans le projet que par une simple formalité de
consultation au cours de l'étude diagnostic. II amive même parfois d'entendre les paysans dire
que le projet est imposé. Il ne correspond pas à leun priorités et leurs aspirations pour certains
PPI du Vakinankaratra. Nous reproduisons ici, intégralement et sans commentaires, une partie de
la conversation entre 1'administration (ou l'État) et les usagers d91andratsay pour illustrer
l'absence des paysans dans le projet et l'autoritarisme de 1'Etat.

É24
. :Est-ce que vous êtes sarrrfaits des travaux de réhobiiitution effectués dam votre PPI ?
U .:Nous ne sommespus satisfaits. Les travaux ont augmenté les problèmes.
É. : Mais ce sont les t m a w que vous nous avez demandés dans le scénariu 2 ?
U. : Ce n 'estpar nota qui avons demandé CES PUVUUX. Ce n 'estpar nous non p l u qui vous avons
demandé la réhabilitation. C'est vous qui étiez venus avec ces histoires.

" C'est une traduction large de ce que les paysans ont l'habitude de dire à chaque fois que 1'Etat ne respecte pas ces
paroles: fi Farttakana tsy manda- fa mivadi-bnoloria.
" À Iandratsay, ce cas s'est produit, mais I'administration est revenue sur ses décisions et donna l'ordre de rouvrir k
barrage et fait couler l'tau.
" Il s'agit de l'administration
É. :Mais qu'est-ce que vous voulez que nourfasiom encore ?
U . :Remettez nos barrages a toutes les Nfiastructu~eshydmuliquer Ù lervs états initiaux.

5.3.1.6. Le dirigisme de l'administration

Cette attitude est manifeste dans le choix des scharios de travail. L'administration
oriente ou fait orienter par l'intermédiaire des autorités locales et/ou des Conseillers Animateurs
(CA) le choix des paysans vers le scénario 2 qui est le plus pour ceux-ci mais le plus
rentable pour le projet.

5.3.1.7. Contradiction entre philosophie déclarée et procédures de réalisation

L'autoritarisme de l'État, le dirigisme de l'administration et la pseudo-participation


paysanne sont tous synonymes d'entretien de la mentalité d'assisté des producteurs et de
renforcement de leur dépendance vis-à-vis de l'État, au lieu de les rendre coopératifs,
participatifs et responsables de leur propre développement. Ces mécanismes ne donnent pas la
chance à une réelle participation paysanne de se réaliser. Ils ne suscitent pas une prise de
conscience des paysans a h qu'ils se prennent sérieusement comme décideurs et gestionnaires
dans le cadre de leur trajectoire développementale.

Ces façons d'agir entrent en contradiction avec ce qui est déclaré dans les documents
concernant la philosophie, les buts, les objectifs et les finalités, tous écrits théoriquement en
faveur des populations concernées. L'application est certainement difficile, mais il nous semble
que la clarification de ces éléments piliers du projet est primordiale. L'atteinte des finalités
dépend de la connaissance suffisante de ces piliers et de la b o ~ maîtrise
e de l'approche
participative.

'' É : État, et U :Usagers


2s
Ii s'agit d'une affulnation des CA ;nous ne disposons pas de données chiffiées.
5.4. LES IMPACTS SOCIAUX ET LES EFFETS PERVERS DU PROJET

Rappelons que jusqu'à maintenant, aucun travail prévu dans le scénario de réhabilitation
retenu n'a été entamé. Cela semble dire également qu'aucun impact, ni effet pervers n'est observé.
Or, depuis son officialisation et au cours des dinérentes phases d'études (depuis 1988), le projet a
conditionné les stratégies, les pratiques et même les logiques des paysans du périmètre. Les
quelques effets et impacts suivants ressortent de nos observations sur le terrain.

5.4.1. Impacts directs des probl&mesd'eau et de Ia lourdeur des procédures

La durée trop longue des études, renforcée par la suspension du financement, a provoqué
chez les paysans une grande déception et une profonde hstration. La dégradation des réseaux
s'aggrave et le problème d'eau s'intensifie, obligeant certains paysans à abandonner leurs
rizières. Soit, elles sont laissées en fiche (non cultivées), soit elles sont vendues aux paysans
riches du périmètre, d'où la formation d'une couche sociale de grands propriétaires fonciers. Les
entretiens que nous avons eus avec les paysans de l'aval nous infoxment des regrets des gens
d'avoir vendu leurs parcelles. Ils sont devenus maintenant des métayers dépendants des
villageois d' Ambohimanga et d' Anjanarnanjaka

5.4.2. Travaux d'urgence, tensions sociales et partage des paysans

Mal préparés, faits à la hâte et sans tenir compte du scénario 2 de réhabilitation des
réseaux, Ies travaux d'urgence n'ont pas résolu les problèmes d'eau. Un manque accru et/ou une
insuffisance d'eau ont été localisés un peu partout dans le périmètre, de l'amont à I'aval. Une
infiltration flagrante constatée sur une portion du canal principal réduit la quantité d'eau pour les
rizières situées en aval. Tout cela implique une distribution difficile de l'eau. Quelles que soient
les explications, les tensions sociales existent bel et bien à Fitakirnerina et les travaux effectués
ont entraîné une catégorisation des usagers en trois groupes sociaux vis-à-vis de l'eau ou de
l'irrigation:
a) Une première catégorie rassemble 80 % des villageois d7Ambohimangaet une fine
proportion de ceux d'Anjanamanjaka Est qui ne se plaignent jamais ni du manque d'eau, ni de
son insuffisance7ni encore moins de son irrégularité. Pendant toute la campagne agricole, leurs
rizières sont bien alimentées. Et à cause d'un manque de système de récupération des eaux
excédentaires, une quantité non négligeable d'eau est gaspillée. En passant, soulignons que cette
première catégorie n'est formée que des paysans riches et ne représente que 20 % des usagers du
périmètre.

b) La deuxième catégorie regroupe 15 %26 des villageois d9Ambohimanga, la majorité


des paysans d'hjanamanjaka et un petit groupe de paysans chanceux grâce aux petits
changements apportés par les travaux d'urgence. La pratique des cultures de contre saison est
rendue possible pour une partie de ce groupe. Cette catégorie est également composée de
paysans déçus des travaux d7Mgation.L'avènement des travaux d'urgence a réduit le volume
d'eau pour leurs rizières. Les parcelles initialement irriguées ne sont plus bien alimentées
actuellement. L'alimentation en eau des rizières de cette deuxième catégorie est, malgré tout, en
dessous de la moyenne. Approximativement, elle représente environ 25 % du nombre total des
ménages exploitant le périmètre.

c) Une dernière catégorie est composée du groupe majoritaire des paysans «à problème
d'eau» et pauvres à la fois. Ils sont majoritaires dans l'ensemble du périmètre. Se sentant
défavorisée, cette troisième catégorie réclame la réalisation des travaux de réhabilitation prescrits
par le scénario retenu au cours des phases d'étude. Ils ont remarqué qu'une tendance à remplacer
ceux-ci par les travaux d'urgence se reflète à travers les attitudes de l'administration. Et cela, à
cause du fait que le transfert de gérance se prépare déjà, alors que le coup d'envoi des Mais
travaux de réhabilitation n'est même pas donné.

Au VU de cette classification, et à I'analyse de la situation antérieure du périmètre, le


projet est vu comme perturbateur de l'ordre social établi. Il a probablement fésolu les tensions
sociales relatives aux anciens problèmes d'eau. Somme toute, on peut dire que les travaux

26
Estimation faites suite aux analyses des interviews que nous avons menées auprès des paysans de chaque lot et
des entretiens que nous avons eus avec les agents de terrain.
151
d'urgence ne profitent qu'à la première catégorie et à Ia rigueur. à la deinrièrne, bref, à une
minorité de paysans.

Nous avons aussi remarqué que certains paysans sans terres et ceux qui n'en disposent
que de peu sont f k t r é s et ont le regret d'avoir vendu leurs rizières à des voisins riches. Ces
derniers en profitent pour devenir de grands propri6taires fonciers. L'absence totale de l'eau et
les mauvais rendements agricoles sont les principales causes de ces ventes non désirées. De ce
fait, la réhabilitation des systèmes d'imgation ne serait plus profitable pour cette catégorie de
gens.

De cette classification et de la position de chaque catégorie vis-à-vis de l'accès à l'eau, se


dégage la constatation suivante :

- la pratique des cultures de contre-saison est possible pour un petit groupe de paysans car
leurs parcelles sont bien irriguées, tandis que le prolongement des périodes de soudure et ia
dégradation du niveau de vie est inévitable pour une majorité, à cause du manque d'eau qui
entraîne le faible rendement et l'insufisance de la production.

5.43. Le faible impact des travaux d'urgence sur le chômage rural

Le projet a créé des emplois malheureusement temporaires. La taille réduite des travaux
d'urgence et leur caractère éphémère n'ont pas pu contribuer beaucoup 6 la résolution du
problème de l'emploi en milieu rural. Les travaux n'exigeaient qu'un petit nombre de salariés.
Ces travaux n'ont de plus aucun effet sur l'exode rural qui ne cesse de s'amplifier. Le salariat
agricole est sous-payé, et les travaux d'artisans comme la maçonnerie et la menuiserie se
raréfient à cause de l'inexistence de constnictions nouvelles. Le faible pouvoir d'achat des
paysans ne leur permet plus de rénover leurs maisons ou d'en construire de nouvelles.
5.4.4. La querelle de pouvoir entre l'autorité publique locale et l'AUE

Comme dans presque tous les périmètres irrigués ayant la structure associations de
producteurs ou de simples groupements de crédit ou de coopéraüves, le conflit de pouvoir existe
aussi à Fitakirnerina

L'AUE constitue un contre-pouvoirpour les autorités locales. Effectivement, on constate


une sorte de dépossession de pouvoir ou perte de crédibilité de celle-ci. La population accorde
beaucoup plus d'attention et de respect à I'organisation de l'association paysanne qu'a celle de
l'administration locale pour les raisons suivantes:

- M U E est une institution où l'adhésion est obligatoire et nécessaire à la fois pour les
paysans. Du fait qu'elle concerne tous ceux qui ont des terres irriguées dans le périmètre, elle
met en cause la vie de tout ce qui dépend de l'eau et des systèmes d'irrigation sous sa gestion. Il
est beaucoup plus raisonnable pour les paysans de se conformer à l'organisation plus dynamique
de I'AUE que de s'atteler à celle du pouvoir public où ils ne trouvent pas d'intérêts palpables et
directs.

- par ailleun, l'AUE a la possibilité de gérer une importante somme d'argent en


comparaison avec le petit budget de l'administration locale. Cette dernière pense perdre son
pouvoir et a l'impression de ne plus gouverner. Pourtant, elle reste encore l'autorité supérieure
vis-à-vis du pouvoir central. Étant donné que I'AUE est sous sa tutelle, elle remonte au niveau de
l'autorité publique locale les conflits et les problèmes d'eau non résolus au niveau de
I'association. Malgré cela, l'autorité publique se sent dépossédée de son pouvoir et cherche à
boycotter toutes les entreprises de l'AUE. Ouvertement ou d'une manière détournée, l'autorité
locale ne parle que des faiblesses de I'association et du projet. Et d'après Ies dires de quelques
paysans, le responsable de I'autorité publique pense poser sa candidature au renouvellement des
membres du bureau de l'AUE. Même s'il y a changement, ce conflit d'autorité et de pouvoir
demeurera un problème permanent.
5.4.5. Renforcement de la degradation des conditions de vie des paysans

Considérer l'amélioration des conditions de vie des paysans comme une des finalites du
projet revient à reconnaître que celles-ci étaient mauvaises avant le projet. Et actuellement, elles
se présentent comme une barrière ou un facteur de blocage si le projet n'en tient pas compte.
Dans le périmètre Fitakimerina, les conditions de vie des paysans ne sont pas statiques. Elles
sont dynamiques avec un mouvement qui est conditionné par une multitude de facteurs
endogènes et exogènes. Dans le périmètre d'étude, une dégradation de la situation est observable.
Elle s'explique par trois points :

- tout d'abord, il y a l'incapacité du projet de prendre en considération tous les éIéments


qui composent les conditions de vie à cause de son caractère trop sectoriel.
- ensuite, le retard causé par un certain nombre de facteurs, hors du contrôle du projet A
savoir le contexte politique défavorable qui amène les bailleurs de fonds à suspendre les
financement. Cette suspension a occasionné un grand retard par rapport à la programmation et à
la planification des activités,
- enfin, on ne peut pas perdre de vue la lourdeur et la non maîtrise de la méthodologie
d'approche qui a entravé et a retardé les réalisations. Malgré le démarrage assez rapide des
études diagnostic (1988), l'appel d'off?e pour la réhabilitation physique n'est pas encore fait.
Pendant une longue période de huit ans, la situation générale du périmètre et des paysans se
dégénère. Les travaux ponctuels en l'occurrence les travaux d'urgence n'ont aucun effets sur la
paupérisation effrénée qui sévit à Fitakimerina. Dans une certaine mesure, ces travaux sont,
paradoxalement et malgré tout, parmi les facteurs qui l'entretiennent et la renforcent, à cause de
l'inertie temporelle du projet.

5.4.6. L'amplification de l'exode rural

Le déplacement des populations est une réponse a la dégradation de leurs conditions de


vie dans le périmètre. Les activités agricoles deviennent de moins en moins rentables et la
tentation de les abandonner se développe chez les paysans. A cet égard, nous sommes tenté de
croire au fait que non seulement le projet (ou les travaux d'urgence) n'est pas capable de retenir
les populations dans le périmètre, mais qu'il semble même favoriser leur départ. Le retard dans
la réalisation des travaux est une des principales cause de cette situation. Actuellement, ce
phénomène de &placement commence à toucher des fiunilles entières alors qu'auparavant, ce
n'était que 17afEiredes chefs de ménages et des jeunes. Trois types de migration concement le
PPI Fitakirnerina,

a) L'exode rural proprement dit: il s'agit d'un déplacement temporaire ou semi-définitif.


vers la vilIe d'htsirabe située à 15 km du périmètre. Ce mouvement de population touche
surtout:
- les chefs de ménages en quête de travail temporaire de maçonnerie, de menuiserie, sans
être vraiment professionnels
- les jeunes garçons pour se faire embaucher dans des usines ou des industries de la ville,
- les jeunes fiIles pour effectuer du travail domestique.
b) Le déplacement semi définitif qui dure plusieurs mois vers Ambatondrazaka, une
grande zone rizicole. Les chefs de ménages vigoureux profitent du décalage des calendriers
agricoles entre les deux régions pour s'y faire embaucher comme salariés agricoles pendant deux
ou trois mois.

c) Le déplacement vers les zones de migration à Mandoto ou à Tsiroanomandidy est


définitif. Une nouvelle exploitation agricole est à créer par les migrants pour remplacer celle qui
n'est plus rentable à Fitakimerina. Le retour à Fitakimerina est très rare dans ce genre de
déplacement.

On reconnaît que les acteurs se déplacent pour la recherche d'une meilleure vie par
rapport à ce qu'ils ont vécu avant. Mais il faut savoir aussi, surtout dans le cas des paysans de
Fitakimerina, que rien n'est préparé dans les régions ou la ville où ils vont débarquer. Antsirabe
est déjà saturée, et nous avons constaté que la pauvreté rurale se déplace également avec les
migrants vers les bidonvilles. Une autre sphère de pauvreté les attend, à commencer par le
problème d'adaptation sociale et culturelle, suivi d'un problème d'emploi avec toutes les
conséquences possibles.
Conclusion partielle

Au terme de ce chapitre, nous nous sommes rendu compte que le projet s'est heurté à
deux types de problèmes ,depuis sa création jusqu'à la phase actuelle. A caractère endogène et
exogène, contrôlables ou non, ils sont d'ordre hancier et d'ordre méthodologique. La
suspension du financement, la suspension des travaux et la non maitrise de la méthodologie, ainsi
que les erreurs de toutes sortes, ont entrainé des conséquences et effets divers sur te projet lui-
même et son fonctionnement d'une part, et sur les populations et leur vie socio-économique en
général d'autre part. A son stade actuel ou le retard par rapport au calendrier est important et en
tenant compte des impacts et des effets générés jusqu'ici, le projet présente un bilan négatif Les
impacts espérés et les objectifs que le projet s'est fixés ne sont pas atteints.

N'ayant pas été prévus dans le cheminement du projet, les travaux d'urgence n'ont pas
apporté de changements positifs et palpables. Les effets néfastes ont devancé les objectifs à court
terne de ces réalisations. En dernière analyse, les travaux d'urgence n'ont pas résolu les
problèmes d'eau, mais ils les déplacent d'un lieu à un autre ou d'une couche sociale de
population à une autre, en provoquant des effets pervers importants. Avec le projet initial, les
travaux d'urgence sont qualifiés de perturbateurs, voire même destructeurs des structures
sociales établies. Le projet favonse les paysans riches et les grands propriétaires fonciers
minoritaires. Il a contribué, d'une façon ou d'une autre, au renforcement de la différenciation
sociale et à la dégradation du niveau de vie des populations. L'appauvrissement progressif est
une réalité palpable que les usagers du périmètre Fitakirnerina vivent actuellement.
CONCLUSION GÉNÉRALE

Au début de ce mémoire, nous nous sommes demandé si les projets d'irrigation peuvent
améliorer les conditions de vie des paysans. Une réponse a été donnée à priori, soulignant que le
pari était difficile à tenir.

Situés dans le cadre de la problématique de développement agricole et rural, les projets


d'imgation conçus et menés dans la majorité des pays d'&que et à Madagascar prônent
toujours l'élévation du niveau de vie et l'amélioration des conditions socio-économiques des
populations concernées comme des finalités attendues. Mais, issue d'une approche critique de la
situation générale de l'irrigation, une hypothèse négative s'est élaborée pour affirmer que,
malgré les avantages reconnus des projets d'irrigation pour le développement agricole en
Anique, ces derniers ne constituent pas toujours des stratégies efficaces pour améliorer les
conditions de vie des paysans en produisant des effets pervers.

Pour vérifier cette hypothèse de départ, nous avons choisi d'étudier le cas du périmètre
irrigué de Fitakimenna dans lequel s'opère le projet national de réhabilitation des petits
périmètre Ungués de Madagascar. Comme le projet est en difficulté pour atteindre ses objectifs
globaux et spécifiques, nous nous sommes demandé si dans son état d'avancement actuel et
tenant compte des facteurs exogènes et endogènes, favorables ou non favorables à son évolution,
ce projet est dans une bonne voie vers l'amélioration des conditions de vie des usagers du
Fitakirnerina ?

L'ampleur de la problématique nous a conduit à faire précéder l'étude de cas d'une


révision de la situation globale de I'irrigation et des projets créés en sa faveur, dans le contexte
africain. Pour ce faire, les travaux de recherche se sont déroulés selon une méthode allant du
général au particulier. Le caractère interdisciplinaire de l'irrigation et la diversité des enjeux
qu'elle incarne, font appel à l'adoption d'une approche systémique et intégrée. Même si
l'aborder sous ses différents aspects nous a paru utopique, nous pensons avoir parcouru et étudié
les quelques points essentiels et déterminants des expériences africaines et malgaches dans ce
domaine. À cet égard, l'accent a été mis sur les aspects qualitatifs de l'irrigation et des projets
conçus. Nos analyses ont privilégié les dimensions sociales souvent négligées par les évaiuations
technocratiques. Et ce. dans le but de pouvoir répondre à la question et de vérifier l'hypothèse de
départ.

Pour atteindre ces objectifs, le présent travail a été structuré en cinq parties
interdépendantes et interreliées. Nous sommes partis d'une éîude de l'importance de l'eau, de sa
problématique et de ses relations avec I'inigation et le développement agricole et rural. De Ià, il
s'est déduit que cet éIément naturel couvre une importance dichotomique pour les êtres vivants
qu'il soit humain, animal ou végétal. Les analyses ont montré qu'eue est un mal nécessaire pour
ces derniers. Disponible en quantité et en qualité sufnsâmment acceptables. l'eau est vue comme
un élément indispensable à la vie. Le cas contraire permet de la qualifier d'obstacle de taille et
d'élément néfaste, aussi bien pour la santé humaine que pour le développement de l'agriculture
et de l'élevage. La sécheresse, la famine, la malnutrition et la perte de vie humaine sont des
conséquences graves issues des projets d'imgation mal conçus, des eaux insalubres, d'une faible
disponibilité en quantité pour le développement ou encore d'une abondance non maîtrisée de
l'eau.

Dans le cas afkicain, l'eau et l'irrigation présentent des enjeux à caractère social,
politique, financier, économique et culturel. La situation dramatique au Sahel a poussé à une
grande mobilisation internationale. Malgré l'importance des efforts déployés, les projets
d'adduction d'eau potable et d'assainissement et les programmes d'irrigation n'ont pas pu
résoudre les problèmes. La non-prise en compte des aspects socioculturels du milieu
d'implantation et les rationalités des communautés rurales expliquent, pour la plupart des cas, les
échecs enregistrés.

La présentation des pratiques d'irrigation des trois pays africains (le Sénégal, la
Mauritanie et le Mali) dépendant du fleuve Sénégal termine le chapitre. Elle constitue une
transition vers l'approche évaiuative des expériences africaine en matière d'imgation et de
projets d'irrigation.

Trois grands sous-thèmes ont été traités dans le deuxième chapitre. II s'agit d'abord de
l'approche critique du développement en général en f i q u e , ensuite des analyses des quelques
causes principales des échecs des projets d'irrigation et enfin des études des problémes liés aux
aides à l'irrigation.

a) Pour le premier sous théme, nous avons considéré l'hypothèse que le développement
en Afiique se fait à coup de projets, k a n c é s par des organismes internationaux et basés sur le
mimétisme des modèles venant d'ailleurs. Deux thèses s'afEontent à ce sujet :

- celle d'Albert Meister (1966) qui soutient que le développement ou la modernisation de


l'Mique ne peut se faire que sur la base d'une entreprise individuelle. Une philosophie qui se
propose de briser la cohésion sociale et culturelle des sociétés traditionnelles tout en faisant
intervenir les facteurs exogènes véhiculant les modèles étrangers ;
- et celle de René Dumont (1962) et de René Lenoir (1984) qui aflirme que copier
l'Europe actuelle plus développée serait une erreur et que I'imitation servile du modèle industriel
(c'est-à-dire du modèle occidental) a conduit le plus souvent à un mauvais développement, à un
gaspillage de ressources, parfois même à un appauvrissement.

La thèse de Jean-Marc Éla (1982) s'intercale entre les deux d'une manière consensuelle.
Elle ne refuse pas l'intervention des facteurs exogènes mais affirme qu'on ne peut pas parler de
la modemisation des villages sans entreprendre la réflexion sur la société au sein de laquelle on
voudrait intervenir. Autrement dit, celle-ci fait allusion au fait que la modemité occidentale ne
doit pas venir pour s'imposer, mais s'adapter aux conditions locales. Elle doit tenir compte des
connaissances et des technologies dites traditionnelles.

b) L'analyse des quelques causes des échecs des projets d'imgation en Afrique a fait
ressortir que, conçus en l'absence des paysans concernés et sans tenir compte des réalités du
milieu, les projets ont eu des problèmes d'intégration et d'adaptation. Les causes recensées
laissent entrevoir l'implantation abusive des modèles occidentaux d'une part et le manque d'une
considération sérieuse des aspects sociaux, d'autre part.

c) Il est ressorti du troisième point abordé dans le deuxième chapitre que, tout d'abord,
l'imgation est un domaine privilégié par les bailleurs de fonds et les aides extérieures. Par
conséquent, elle devient un champ de bataille des institutions internationales de financement.
Ensuite, il se dégage que les problèmes liés à l'aide au développement consacrée à l'irrigation
sont marqués par le rapatriement indirect d'une p p o m o n importante de I'argent aiioué, vers les
pays donateurs ou les h e s et les organismes occidentaux, fournisseurs d'assistance technique
et de matériel de travail. On a vu en outre que l'aide au développement de I'imgation n'a pas
accordé une attention suffisante aux politiques de développement et à la planification
économique des pays demandeurs de crédits.

La synthèse de ces trois points conduit à conclure que dans les conditions actuelles du
développement en général et de l'irrigation en particulier, et malgré les perceptions négatives et
les hypothèses pessimistes soulevées contre les modèles occidentaux, les pays d'=que ne
peuvent pas se débarrasser complètement des aides extérieures. Mais charge aux pays
bénéficiaires de bien les canaliser dans les secteurs à développement rapide tout en suscitant
l'élaboration d'une approche mettant l'homme au centre du développement.

Jusqu'ici, nous nous sommes limité au cas général de l'Afrique. 11 convient maintenant de
situer le problème dans le contexte malgache. Et c'est à dessein que nous avons introduit le cas
malgache par la présentation de la riziculture et du processus historique de l'irrigation et des
aménagements hydro-agricoles ;contexte dans lequel le projet lui-même prend sa source.

Plusieurs modes de rizicultures ont été identifiés dont l'origine reste encore floue. Mais il
est certain que l'introduction de ces pratiques rincoles et la civilisation sont étroitement liées
avec I'origine et le débarquement des premiers occupants de l'île. Asiatique, h d i e ~ e anicaine
,
ou arabe, l'origine importe peu, mais l'essentiel est que le riz est devenu la principale nourriture
des Malgaches et que la riziculture occupe une place prépondérante dans la politique, la stratégie
de développement et la planification des gouvernements qui se sont succédés, à partir du temps
des rois jusqu'à aujourd'hui. Effectivement, les premières tentatives de maîtrise de l'eau relèvent
du temps des royautés Merina vers 1800. A cette époque, l'ordre de construire des digues pour
délimiter les rizières et retenir l'eau en permanence fût donné par le roi Andrianampoinimerina
De génération en génération, les connaissances se sont transmises et sont améliorées pour aboutir
à ta création des périmètres imgués sous la période coloniale. Différents types de périmètres
irrigués ont été créés à l'époque mais la plupart des PPI font leur apparition le lendemain de
l'indépendance, dans les années 60170.
En plus, le deuxième chapitre a permis de consfater le manque d'une structure efficace et
permanente de gestion et de maintenance, accélérant la dégradation de l'ensemble des
innaçtnictures d'irrigation à Madagascar. Il s'ensuit une chute de la production qui co'lncide avec
une démographie galopante. De toute évidence, la réhabilitation des systèmes d'irrigation fit une
mesure logique pour pallier au déficit céréalier. D'où la création du projet PPI en 1984/1985. Ce
dernier s'est donné comme mission I'augmentation de la production rizicole pour atteindre
l'objectif national d'autosufisance ahentaire. Le projet PPI se doit de générer par la suite une
élévation du niveau de vie des paysans dans un premier temps et des changements positifs des
conditions de vie de ces derniers dans un deuxième. Ces objectifs et finalités du projet sont des
souhaits qui appellent le projet à suivre une démarche participative. Selon cette nouvelle
approche, l'implication des populations dans le projet et leur responsabilisation dans leur propre
développement sont des conditions sine qua non pour la réussite. En ternes clairs, les usagers
des périmètres irrigués à réhabiliter se chargeront de la gestion globale de leur terroir après avoir
été encadrés et formés en ce domaine.

Pour le type de projet comme celui de la réhabilitation des systèmes d'irrigation des PPI à
Madagascar, les facteurs environnants du projet et le contexte dans lequel il se réalise ifluent
beaucoup sur son fonctionnement et son évolution. Ainsi, nous avons consacré le quatrième
chapitre à la description de la région d'accueil du projet et à l'analyse de la situation qui prévaut
dans le périmètre Fitakirnerina, objet principal de l'étude de cas.

Eu égard à ce qui précède, le projet PPI est hébergé par une région riche et pauvre à la
fois. Vahankaratra est une unité régionale très riche si on se réfëre à ses potentialités agro-
écologiques favorables à la polyculture, à sa dynamique, à la jeunesse de sa population et au
niveau élevé de la technicité des paysans. La région est vue comme un pôle de développement
compte tenu de la coexistence des caractéristiques industrielles, agricoles et touristiques. De
surcroît, c'est une région privilégiée qui a des infr;istnictures d'encadrement très denses, grâce à
la présence d'une multitude d'institutions de développement et d'organismes de financement
nationaux et internationaux,

Mais,à l'opposé de ce qui a été dit ci-dessus, un mon lieu de développemenb) se dessine
dans la région d'accueil du projet. Le désordre institutionnel constaté reflète un manque de
coordination des actions et des opérations de développement, responsabilité et rôle assignés à
l'État et aux organismes publics. Par conséqumt, les multiples formes d'approches et modèles de
développement déchirent l'homogénéité régionale et la solidarit6 traditionnelle des sociétés
d e s . L'individualisme se développe et I'inégalité sociale se renforce en faveur d'une minorité
de gens. C'est comme si la thèse de Meister se confirmait dans la situation du d6veloppement du
Vakinankaratra. Ces constatations s'expliquent, implicitement ou explicitement, par la
prolifération des mouvements migratoires, dus en majeure partie à la perte de vitesse des
activités de production dans les campagnes et A la dégradation des conditions de vie d e . Ii
s'en est suivi la formation d'une sous-couche sociale de populations très pauvres : les « lumpen-
prolétaires » des milieux ruraux et des sociétés urbaines. C'est l'environnement du projet et le
contexte dans lesquels le projet PPI espère atteindre ses objectifs et ses finalités, en mettant en
cause une dizaine de périmètres irrigués du Vakinankaratra

En dernière analyse, cet état de développement de l'ensemble de la région n'est autre que
le reflet des conditions et des circonstances des sous-régions. Le contexte socio-économique du
périmètre Fitakimerina n'est pas loin de l'image d'ensemble du développement de la région du
Vakinankaratra. Ce sont les particularités sous-régionales qui se sont généralisées. Quelques
traits particuliers distinguent toutefois le périmètre d'étude des sous-régions, en tant que
concerné direct par le projet. Ainsi, il apparaît que Fitakimerina est considéré comme un
périmètre encore en étude jusqu'au démarrage des travaux réels de réhabilitation. Les travaux
d'urgence n'ont été réalisés que pour fieiner le rythme de dégradation des réseaux, sinon, cela
allait fausser les devis déjà effectués concernant les scénarios de réhabilitation. Il n'empêche que
le devis est déjà périmé et dépassé, vu le grand décalage avec le calendrier prévu.
L'incontrôlable taux d'inflation ne permet pas de garder le devis sorti en 1990 ou en 1991 par
exemple. L'étude spécifique du périmètre a pexmis de noter la façon dont s'est créée
l'association, donnant a celle-ci un caractère précaire. Basée sur la collecte de signatures,
l'adhésion a été faite d'une manière imposee et sans grande conviction de la part des usagers.
Tout compte fait, le projet PPI a attem sur un terrain délicat et difficile, a haut risque d'échecs.

Nous voilà rendu à la fin de ce mémoire, au chapitre clé où la question de départ doit
trouver une réponse et l'hypothèse élaborée doit se c o b e r ou s'infirmer.
Après avoir b c h i toutes les étapes de vkrification au long de ce travail, nous avons
accumulé des faits qui permettent de confirmer notre question et hypothèse de depart. Nous
pouvons déduire que :

- compte tenu du flagrant retard occasionné par rapport au calendrier établi, déjà non
réaliste,
- vu le contexte et les conditions naturelles, socio-économiques et socioculturelles, pas
toujours favorables, de son milieu d'accueil,
- considérant le poids des facteurs sociopolitiques hors de son contrôle, et provoquant la
suspension du financement,
- étant donnée l'importance des contraintes et difficultés auxqueiles il s'est heurté,
- considérant les maladresses à caractère méthodologique,
- reconnaissant la persistance de l'approche techniciste et l'absence de la maitrise de
l'approche participative de la part d'un certain nombre de membres du personnel du
projet,
- reconnaissant également le caractère flou et confus des objectifs, des buts, des finalités
et de la (des) philosophie du projet,
- et tenant compte de la recrudescence des phénomènes migratoires, etc. nous pouvons
affirmer que le projet de réhabilitation des petits périmètres irrigués de Madagascar opéré à
Fitakirnerina, n'est pas sur la bonne voie pour l'amélioration des conditions de vie des paysans.
Plus il avance dans le temps et dans les conditions actuelles, plus il s'éloigne de ses ambitions et
de ses finalités.

A la place des objectifs et des buts prévus et attendus, se manifestent des impacts
contraires et des effets pervers :

- la dégradation progressive des infrastructures d'irrigation,


- l'accentuation des problèmes de gestion de l'eau,
- la baisse du rendement rizicole,
- la diminution de la production,
- le renforcement de la dégradation des conditions de vie des paysans du périmètre,
- la querelle de pouvoir entre I'AUE et l'autorité locale,
- le faible impact des travaux d'urgence,
- les vives tensions sociales entre les groupes de paysans, etc.

Le projet est perçu par les paysans comme un mécanisme ou une structure qui f o n c t i o ~ e
à l'encontre de ses propres objectifs et buts. Au lieu de faire sortir les paysans de leur misère, il
semble les entraîner dans des conditions de pauvreté accrue.

Par extension, l'hypothèse peut s'élargir et s'appliquer au contexte général africain d'où
nous sommes partis. A cet égard, nous pouvons déduire que malgré les avantages reconnus des
projets d'irrigation pour le développement agricole en Anique, ces derniers ne constituent pas
toujours une stratégie efficace pour améliorer les conditions de vie des paysans, en produisant
une série d'effets pervers.

Avant de terminer, nous estimons devoir rappeler que les déductions faites au sujet du
projet PPI, reposent sur les informations collectées sur le terrain, et les conditions et les
circonstances vécues par le projet, à un moment d o ~ de
é son évolution. Dans ce cas, il se peut
que notre hypothèse soit déjà dépassée au moment oii nous écrivons ces lignes. Et cela à cause
des phénomènes sociaux qui sont en perpétuel mouvement. Ce qui nous oblige de garder
toujours ouvert le sujet. De ce fait, des questions peuvent se poser pour savoir si le projet dont il
est question ici serait capable de récupérer la situation et de ramper le grand retard qui a causé
chez les paysans une profonde hstration ? Serait-il apte a faire renaître I'enthousiasme chez les
paysans en réparant les effets et impacts générés ? Autrement dit, poumit-il atténuer les tensions
sociales et réduire les différences entre les groupes sociaux, afin que l'amélioration des
conditions de vie des paysans ne soit plus une afnrmation discursive, un slogan ou un rêve ?

Quoi qu'il en soit, une rectification, tant au niveau de la méthodologie qu'au niveau de
l'organisation générale est à recommander. La sensibilisation des seMces techniques, sociaux et
culturels serait un atout considérable et une chance de réussite pour le projet. La mobilisation de
ce potentiel et son intégration dans les démarches du projet constitueraient un raccourci vers
l'atteinte des objectifs prévus. Cette mesure briserait la sectorialité inutile du projet d'imgation
et le cloisonnement de ces services.
Par ailleurs, il serait beaucoup plus réaliste pour I'administration d'adapter les objectifs
nationaux à la spécificité et à I'originalité du périmètre tout m tenant compte de la rationalité
paysanne, de leur logique et de leurs stratégies de production. Celles-ci se manifestent dans la
plupart des cas en terne d'autosubsistance ou de satisfaction des besoins alimentaires en priorité.
ïï faudrait de plus exclure autant que possible tout acte reflétant une imposition et un
autoritarisme pouvant détruire l'enthousiasme des paysans. L'implication de ces derniers, dans
toutes les étapes du projet et une certaine considération des femmes, favoriseraient chez eux la
naissance d'une prise de conscience rapide entraînant la prise en charge de leur propre
développement.

Ces recommandations priorisent les dimensions sociales. A ce propos, nous nous référons
à ce que Desjeux (1985) considère comme conditions de réussite des projets d'irrigation. A cet
égard, il affinne que la réussite d'un projet d'irrigation dépend principalement d'une prise en
compte sérieuse des aspects sociaux car les problèmes liés à l'irrigation restent, et resteront,
beaucoup plus des problèmes d'ordre social, économique et politique que d'ordre technique.".

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72 - &SEAU RECHERCHE-DEVELOPPEMENT. La réhabilitation des périmètres ivigués.


Synthèse des travaux du groupe en 1989. Groupe de travail
RÉHABILITATION DES PÉ&TRES IRRIGUÉS Ministère de la
coopération et du développement. Les éditions du Gret, Paris, 1991.

73 - ROLLIN, D., « Évolution de l'importance du système M è r e dans les exploitations


agricoles du V~kinankarutra,à Madaguscm M, Séminaire international sur bas-
fonds et riziculture : fonctionnement, agronomie, aménagement, Antananarivo
du 9 au 14 Décembre 1991.

74 - ROSTOW, W.W., Les érapes de la croissance économique, Collection point. Séries


Économie, Paris,1970, cl963.

75 - SAVONNET-GUYOT C., CONAC, G., CONAC, .Fm,Les politiques de 1 'eau en Afique:


développement agricole et participation paysanne : actes de colloque de la
Sorbonne. ACCT et CNRS.Economica, Paris, 1985.

76 - SALTNDERS, R. J., WARFORD J. I., L Alimentation des communautés m l e s : Économie


et politique générale dans le monde en développement, publié par la Banque
mondiale. Econornica, Paris, 1978.

77 - SCEDEDER., B., La révolution aux pieds nus, Fayard, 1985.

78 - SCHWARZ A., « Raison d 'Élat/~aison


paysanne: Essai sur ;le développement rural.),
Les cahiers du crad, Volume 11, N04. 1988.pp. 1-84.
79 - SCHWARZ, A., PINEAU, M., avec la collaboration de OSMANI,F., (( L 'évaluation des
projets contre le développement aveugle », actes du séminaire sur l'évaluation
des projets, Québec, 27-28 mars 1991, Sene Dossiers n017, Centre Sahel,
Université Laval, Québec juin 1992 :pp. 7 - 35.
80 - SHERIDAN,D., L 'imgation. promesses et dangers. l'eau contre la faim, L'Harmathan,
Paris, 1985.

81 - SOMALC,Rapport de campagne 1988-1989,Ambatondrazaka, 1989.

-
82 UQAM, Cahier de méthodoZogie, 4 Édition, Université du Québec à Montréai, 1987.

83 - VAN WLTK-SYBESMA, C.,L 'eau Ù quelprix ? Lapam*c@utioncommunautaire et la prise


en charge des coûts d'entretienspar les usagers, CIR, LAYE, 1989.
ANNEXES

Annexe A :Liste des institutions impliquées dans un programme ou un projet d'irrigation et


leun attributions respectives

- Ministère du développement d, chargé de la mise en oeuvre de la politique agricole,


- Les sociétés d'État assure la planincation régionale des aménagements et l'encadrement
des paysans, ( tutelle du ministère du developpement niral)
- Ministère de l'hydraulique (Génie niral à Mlcar) définit, quant à lui, les priorités de la
politique de l'eau,
- Ministère du plan assure la recherche et la négociation des financements des projets,
- Muüstere de l'intérieur pour l'administration des terres et du développement territorial,
- Ministère du développement social suit et coordonne les interventions des ONG.

Annexe B : Tableau présentant le potentiel de réhabilitation des PPI par région

Potentiel de réhabilitation des PPIpar région fieetores)


Potentiel Réhabilitations projet PPI
Région Total à (2)
imgable(1) réhabiliter !986-1990 1991- 1995

Antananarivo 3 270 18 900 4 725 16 845

Fianarantsoa 15 300 25 300 1 830 12030

Toliary 23 680 12 800 3 200 17575

Mahajanga 16 240 8 700 O 8 980

Toamasina 16 160 7 800 O 6 490

TOTAL 112 180 77 O00 9 755 69 230

Sources : (1) Annexe G du schéma directeur :Projet de réhabilitation des PA, juin 1986.
(2)Résultats de I'inventaire des PPI préparé par la Cellule de coordination de PPI, 1990
Annexe C : Tableau illustrant l'importance des GPI à Madagascar avec leur lieu d'implantation
et le n o m des organismes de gestion etlou d'encadrement.

Superjicie des grantir périmètres ir?-iguéS à Madagascar

Emplacement Organisme de gestion Superficie irriguée (ha)

Lac Alaotra SOMALAC


Marovoay FIFABE
Mmgok~ SAMANGOKY
Morondava SODÉMO
Andapa SOAMA
Antananarivo MINAGRI

TOTAL
Sources :AIRD, Étude du secteur irrigué. Étude de l'économie de l'irrigation, Cambridge,
Massachusetts, juin 1991

Annexe D : Schémas généraux des scénarios de réhabilitation

Le principe de base des scénarios physiques proposés repose sur la définition du degré de confort
que l'on souhaite apporter a l'aménagement. Trois scénarios sont proposés :

Ce qui est indispensable.


Ce qui est nécessaire.
Ce qui est souhaitable.

SCENARIO 1 : CE OUI EST INDISPENSABLE

Le scénario 1 vise le rétablissement des conditions initiales de l'aménagement. Dans ce


scénario, il est prévu :
- Confortation des barrages principaux avec remplacement ou équipement de vannes sur
les ouvrages de tête ;
- Confortation et regabaritage des canaux principaux ;
- Équipement de tous les ouvrages de prises de vannettes cadenassables après révision
préalable des allocations de débit en fonction des superficies à iIriguer ;
- confortation des endiguements existants.

SCÉNARIO2 :CE OUI EST NÉCESSAIRE

Le scénario 2 vise une amélioration sensible de la gestion de l'eau sur le réseau. En plus
de ce qui est proposé dans le scénario 1, le scénario 2 prévoit :
- Amélioration du système de dessablage au niveau des ouvrages de tête ;
- Mise en place de seuils régulateurs sur les canaux principaux ;
- Association des seuils de contrôle aux ouvrages de prises vannées ;
- Prolongation des canaux vers l'aval en vue de permettre une extension quand les
ressources en eau ie permettent ;
- Promotion des canaux secondaires ;
- Intervention sur les voies d'accès et de desserte.

SCÉNARIO 3 :CE OUI EST SOUHAITABLE

Le scénario 3 vise à assurer les conditions optimales de production (gestion rigoureuse de l'eau,
contrôle des inondations, etc.). En plus de ce qui est proposé dans le scénario 2, le scénario 3
prévoit :
- Remplacement des prises vannées par des prises équipées de modules a masques ;
- Mesure de débit entonné en tête du réseau ;
- Construction de nouveau barrages si les ressources en eau le justifient ;
- Amélioration du passage des crues.

Les principes généraux des trois scénarios sont adaptés aux cas particuliers des périmètres.
Annexe L :LR YYI rniwrnennri el les zones nyacauuques
1
Annexe F :Évolution des rendemenu moyenr du riz et taux de recouvrement

Campagne rizicole Rendement Taux moyen de


moyen recouvrement
ma)* (%)+

1996 - 1997 0,700 ?


Source chifEes : * :Agent du développement rural de Fitakirnerina
+ : Conseiller animateur

Cette campagne correspond à la phiode de réaiisation des travaux d'urgence.


iirinvi r v n i u M l IWIA
TEST TARGET (QA-3)

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Phone: 716M82-0300
F ~ x716/28&5989
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