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Comment est structurée la société française actuelle ?

OBJECTIFS :
 Savoir identifier les multiples facteurs de structuration et de hiérarchisation de l’espace social
(catégorie socioprofessionnelle, revenu, diplôme, composition du ménage, position dans le cycle
de vie, sexe, lieu de résidence).
 Comprendre les principales évolutions de la structure socioprofessionnelle en France depuis la
seconde moitié du XXème siècle (salarisation, tertiarisation, élévation du niveau de qualification,
féminisation des emplois).
 Connaître les théories des classes et de la stratification sociale dans la tradition sociologique
(Marx, Weber) ; comprendre que la pertinence d’une approche en termes de classes sociales pour
rendre compte de la société française fait l’objet de débats théoriques et statistiques : évolution des
distances inter- et intra-classes, articulation avec les rapports sociaux de genre, identifications
subjectives à un groupe social, multiplication des facteurs d’individualisation.

Notions au programme : structure sociale, inégalité (économique et sociale), catégorie


socioprofessionnelle, revenu, classes sociales, stratification sociale, distances inter-classes et intra-
classes, groupe social, revenu, patrimoine, salaire, individualisation.

Savoir-faire : Coefficient multiplicateur, Taux de variation, Proportion/ Pourcentage, Médiane,


Moyenne, Écarts et rapports inter- quantiles (et interdéciles), Représentation graphique : courbe de
Lorenz.

PLAN DU CHAPITRE

I. Une structure sociale multiforme


I.1. Évolution de structure socioprofessionnelle
I.2. Les différents facteurs de structuration sociale
II. Débat autour de l’existence de classes sociales en France
II.1. Les analyses traditionnelles de la structure sociale
II.2. Des classes sociales de moins en moins pertinentes …
II.3. … ou bien de plus en plus explicative de la structure sociale ?

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Exemples de sujets possibles :
Ce sont seulement les sujets déjà passés, utilisez vos objectifs de chapitre pour créer vos propres sujets.
EC1 – Mobilisation de connaissances  vous montrerez que la structure socioprofessionnelle a
 Présentez deux évolutions de la structure évolué en France depuis la 2de moitié du XXème
socioprofessionnelle française depuis la 2de moitié du siècle. (France 2021, S.1. A)
20ème siècle. (Afrique 2021, S.1.B)  vous montrerez que la CSP et le revenu ne sont pas les
seuls facteurs qui structurent l’espace social. (France 8
EC2 – Traitement de l’information juin 2021 S.B)
 Q1 : A partir des données du doc, vous comparerez  vous montrerez que l’approche en termes de classes
l’évolution de la part des CSP « CPIS » et « ouvriers », sociales peut être remise en cause pour rendre compte
parmi les personnes en emploi. Q2 : Vous expliquerez de la société actuelle. (Afrique 2021, S.1 .A)
le phénomène de tertiarisation de la population active
française. (France 2021, S.2.A) Dissertation
 Dans quelle mesure l’approche en termes de classe
EC3 – Raisonnement appuyé sur un dossier sociale est-elle pertinente pour rendre compte de la
documentaire « À l’aide de vos connaissances et du société française aujourd’hui ? (France 7 juin 2021
dossier documentaire… » S.A)
 L’approche en termes de classes sociales demeure-t-
elle pertinente pour rendre compte de la structuration
de la société française actuelle ? (Asie, 2021, S.1.A)

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Liste des sujets d’exposés individuels

RAPPEL : les élèves s’inscrivent pour présenter un sujet. L’oral se déroulera selon les critères du grand
oral, sans support, et donnera lieu à une note.
Durée : 5 minutes

N° sujet Intitulé

1 L’emploi féminin

2 Présentez les 5 principales mutations de l’emploi et leurs facteurs explicatifs.

3 Présenter les caractéristiques d'un quartier populaire et analyser les


principales inégalités que subissent les populations y vivant

4 Montrez que la classe moyenne est plus menacée de fragmentation que de


disparition

5 La notion de classe ouvrière a-t-elle encore un sens ?

6 Une lutte des classes… sans classe

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INTRODUCTION – Dessine-moi ta société !

Activité 1 : Dessiner la société française telle que vous vous la représentez.


Temps : 20 – 30 min
Feuille A4 sens portrait + Tracer marge de 10 cm en bas de la feuille.

Toutes les sociétés humaines, en particulier ayant atteint un haut niveau de développement comme la
nôtre, sont organisées selon une structure sociale du fait de la présence d’inégalités entre les
groupes sociaux. Si l’on reprend l’histoire de la société française, celle-ci a pu être représentée sous
la forme des trois ordres constituant l’Ancien Régime (Clergé, Noblesse, Tiers-Etat).

La structure (ou stratification) sociale caractérise la manière dont les différents groupes sociaux sont hiérarchisés les
uns par rapport aux autres dans une société en fonction des différentes inégalités économiques et sociales :
D’après le sociologue Robert Merton, un groupe social regroupe des individus :
- ayant des relations sociales entre eux, que ces relations soient directes ou indirectes, volontaires ou non. Des critères
objectifs doivent permettre de les regrouper dans un même groupe (femmes, jeunes, d’origine nordiste…),
- ayant conscience d’appartenir à ce groupe. Ce critère subjectif, qui dépend de ce que pensent les individus, leur permet de
défendre un intérêt commun, celui de leur groupe social.

Une inégalité est une différence d’accès à une ressource valorisée par la société (la richesse, une position sociale, le
prestige…). Autrement dit c’est une différence entre des individus qui entraîne des avantages/désavantages pour les
individus concernés.

Le rôle des sociologues, à partir de l’étude des inégalités économiques et sociales est donc de caractériser les
différents groupes sociaux présents dans la société. C’est alors tout l’enjeu du choix des critères de classification qu’affronte
le sociologue pour définir les groupes sociaux, en particulier face aux mutations récentes que connaissent nos sociétés
(féminisation, tertiarisation, montée du niveau de qualification des salariés, développement du chômage…).

Ce chapitre pose donc la question de savoir à quoi ressemble notre société, comment est-elle structurée ?

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I. Une structure sociale multiforme
I.1. Évolution de la structure socioprofessionnelle
o La classification des PCS

RAPPEL 1ère :
La classification officielle qui est utilisée pour représenter la structure sociale en France correspond aux PCS (Professions et
catégories socio-professionnelles) produites par l’INSEE.
Les catégories socioprofessionnelles représentent une classification en groupes sociaux reprenant comme critère principal
le statut professionnel à travers plusieurs critères secondaires :
- l’activité = actifs et inactifs
- le statut économique = salarié ou indépendant,
- le secteur d’activité = primaire, secondaire ou tertiaire,
- le niveau de qualification = élevé, moyen ou faible,
- la nature du travail = manuel ou non manuel.

Ainsi on peut distinguer 8 grands groupes socioprofessionnels (GSP)


dans lesquels sont rangées les PCS :
- les agriculteurs (GSP1) sont des indépendants du secteur primaire,
- les artisans, commerçants et chefs d’entreprise (GSP2) sont des
indépendants des autres secteurs d’activité, 31 catégories 8 groupes
- les cadres et professions intellectuelles supérieures (GSP3) sont des 486 professions socioprofessionnelles
(CSP)
socioprofessionnels
(GSP)
salariés (sauf professions libérales) très qualifiés,
-les professions intermédiaires (GSP4) sont des salariés moyennement
qualifiés,
- les employés (GSP5) sont des salariés peu qualifiés effectuant un travail
non manuel,
- les ouvriers (GSP6) sont des salariés peu qualifiés effectuant un travail manuel,
- les GSP 7 et 8 regroupent les inactifs.

Catégorie Catégorie
socio- socio-
Profession Profession
professionnell professionnell
e e
Ouvrier
qualifié
dans Instituteur
l’industrie
automobile
Vendeuse
de Médecin
vêtements
Ingénieur Chef
informatiqu d’entreprise
e retraité
Agriculteur Lycéen
Secrétaire
Notaire dans un
lycée
Technicien
Infirmière informatiqu
e
Proviseur Boucher à
de lycée son compte

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Une représentation officielle de la structure sociale est rendue nécessaire pour l’analyse statistique et sociologique des
comportements et des pratiques. Elle permet d’aller au-delà des logiques individuelles pour faire ressortir les logiques de
structure, collectives, qui agissent sur les actions des individus, et permettant ainsi de les objectiver. Par exemple, le vote, qui
semble à première vue un acte individuel, peut être insérer dans un modèle explicatif faisant ressortir un « vote ouvrier », un
vote agricole » etc…

Complétez le schéma avec les termes :


Indépendant / élevé / manuel / primaire / moyen / salarié / autres secteurs d’activité / non manuel / faible

groupe 1
secteur
d'activité
groupe 2

statut
économique groupe 3

niveau de
groupe 4
qualification

groupe 5
type de
travail
groupe 6

o Mutations profondes depuis 1945


Doc 1 : Évolutions de la structure socioprofessionnelle :

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1. Donnez la signification des données entourées dans les deux documents.
2. Comparer la structure des PCS par secteur et selon le genre entre 1968 et 2016 (graphique 2)
3. Dans le tableau ci-dessous, complétez d’abord les pointillés avec les flèches représentant l’essor ou le déclin du
groupe socioprofessionnel, puis complétez la colonne « facteurs d’évolution » avec les propositions suivantes
(attention ! plusieurs facteurs peuvent expliquer la même évolution, et un même facteur peut expliquer
plusieurs évolutions)
Tertiarisation, salarisation, féminisation, élévation du niveau de qualification
Evolution des GSP Facteurs explicatifs de ces évolutions
……… des agriculteurs

……… des artisans, commerçants

……… des cadres et professions libérales

……… des professions intermédiaires

……… des employés

……… des ouvriers

La structure socioprofessionnelle a connu de


profondes modifications depuis le début du
siècle dernier, qui se sont accélérées depuis la
deuxième moitié du XXème siècle :
- les agriculteurs et les travailleurs
indépendants se sont effondrées, passant de 8
millions d’actifs à moins de 3 aujourd’hui,
- groupe dominant tout au long du XXème
siècle avec plus de 7 millions de membres au

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milieu du siècle, les ouvriers connaissent une lente érosion, devenant le second groupe socioprofessionnel avec 5 millions de
membres,
- les employés, qui ont toujours constitué un groupe important, sont devenus les plus nombreux avec plus de 6 millions de
membres,
- les cadres et professions intermédiaires ont connu la croissance la plus forte de tous les groupes depuis le milieu du XXème
siècle.

Ces évolutions massives sont le produit de mutations profondes de la société française, que l’on peut synthétiser en quatre
grands mouvements :
- la salarisation qui voit plus de 90% des actifs occupés l’être sous un statut de salarié, alors qu’en 1900, les indépendants en
représentaient encore la moitié,
- la tertiarisation des emplois, sous l’effet du progrès technique (cf chapitre 1) qui a provoqué le déversement des travailleurs
du secteur primaire dans le secteur secondaire (phase d’industrialisation) puis de ces deux secteurs dans le secteur des services
du tertiaire (tertiarisation) à mesure que les gains de productivité rendent une partie des travailleurs inutiles dans les secteurs
précédents. Ce sont aujourd’hui 78% des emplois qui appartiennent au secteur tertiare,
- la montée des qualifications dû au progrès technique (nécessitant des employés toujours mieux formés) et aux progrès de la
scolarisation (permettant l’accès des masses aux études secondaires puis supérieures) qui favorise la croissance des groupes
socioprofessionnels qualifiés et très qualifiés, qui représentent aujourd’hui près de la moitié des actifs,
- la féminisation des emplois, du fait de l’accès croissant des femmes au marché du travail ,faisant quadrupler leur taux
d’activité en à peine 50 ans pour rejoindre celui des hommes, et provoquant l’expansion des professions féminisées (soins aux
personnes, métiers de la culture et de l’information, services commerciaux…).

I.2. Les différents facteurs de structuration sociale

Activité de groupe
Consignes : Par 3, lisez et synthétiser les deux documents (ou 3) du groupe de document que vous avez choisi (A ou B ou C)
que vous allez traiter et transmettez aux autres membres du groupe les informations permettant de remplir le tableau
Vous devez, pour chaque facteur:
 Lire les documents
 Notez les informations nécessaires pour complétez le tableau
 Transmettre et expliquer à vos deux autres camarades les informations que vous avez apprises et noté
 Vous devez noter le facteur, notez le constat scientifique, notez au moins deux statistiques pertinentes , et- si
possible – l’explication sociologique.
Groupe de Facteurs de Constat – notez au Explication Lien de
documents hiérarchisation moins 2 causalité avec
statistiques un autre
pertinentes facteur
A. Diplôme
CSP
Revenu
D. Genre ( femme – homme)
Composition du ménage
F. Lieu de résidence
Cycle de vie

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Groupe A
Document 1 :

Source : Insee, Données 2022

Document 2 :

Taux de chômage et niveau de diplôme en 2022


Document 3 :

Groupe B

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Document 1 : les inégalités entre les femmes et les hommes

Document 2 : La pauvreté selon le type de ménage (Seuil à 50 % du niveau de vie médian)

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Groupe C
Document 1 : Le lieu de résidence
Le mécontentement [ des gilets
jaunes ] s’est manifesté avec
encore plus d’intensité dans les
zones rurales et périurbaines
car, comme le montrent les
données de l’Ifop, le taux de
possession de véhicules diesel
est bien plus élevé en zones
rurales et périurbaines
qu’ailleurs. Quand seule la
moitié des ménages habitant à
moins de dix kilomètres du
cœur d’une des principales
aires urbaines françaises
possède un véhicule diesel, ce
taux grimpe de près de 20
points dès qu’on s’éloigne de
seulement 10 kilomètres du
centre-ville (68%) pour
atteindre jusqu’à 77% parmi les personnes habitant à plus de 60 kilomètres d’une grande agglomération.

Le budget carburant des ménages varie donc très sensiblement selon le lieu de résidence. L’impact d’une hausse de la fiscalité
qui allait être annoncée par le gouvernement allait être mécaniquement beaucoup plus rude dans ces milieux, nettement plus
dépendants de la voiture pour se rendre au travail et accomplir les trajets quotidiens, beaucoup plus souvent équipés de
véhicules diesel et pour lesquels le coût d’un changement de voiture peut se révéler hors de portée malgré les aides publiques
disponibles. [….]
Le degré de dépendance à la voiture dans sa vie quotidienne en fonction de la zone de résidence
Hormis cette forte dépendance à la voiture qui est
conditionnée par le lieu de résidence (57% de soutien
aux « gilets jaunes » parmi les ruraux contre seulement
35% au sein de l’agglomération parisienne), la
géographie des blocages du 17 novembre faisant
clairement apparaître, comme on va le voir, la France
de l’étalement urbain et de la ruralité, le soutien au
mouvement des « gilets jaunes » a revêtu une très nette
coloration sociale. L’idée selon laquelle la hausse des
prix des carburants a été « la goutte d’eau qui a fait
déborder le vase » est revenue en boucle dans les
propos des manifestants interrogés par les médias. Tous
ont fait part de leur ras-lebol face à une dégradation de
leurs conditions de vie. La France qui s’est mobilisée ou qui a soutenu ce mouvement est celle des fins de mois difficiles. Ce
sont ces Français qui ne parviennent pas ou tout juste à boucler leur budget du fait des dépenses contraintes (loyer, assurance,
chauffage…) qui ne cessent d’augmenter. Dans les propos des « gilets jaunes » interviewés dans les reportages revenait
souvent l’idée « qu’une fois qu’on avait payé le loyer, les courses et l’essence, il ne restait plus rien ». Alors qu’il y a quelques
années, ces personnes pouvaient s’octroyer quelques sorties ou distractions, ces « petits extras » semblent pour beaucoup
aujourd’hui hors de portée. […] Le fait de devoir renoncer à ces « petits plaisirs » revêt une forte dimension symbolique : elle
vient signifier à ces publics qu’ils sont en train de glisser progressivement en dehors de la vaste classe moyenne. Alors même
que nombreux sont ceux qui travaillent, le statut de salarié devant normalement à leurs yeux garantir leur appartenance à la
petite classe moyenne, beaucoup se sentent embarqués dans le« descenseur social», qui les entraîne selon eux inexorablement
vers le monde des « pauvres » et des « assistés ». [….] Pour ces membres des classes moyennes et populaires, l’augmentation
des prix à la pompe (à laquelle ils se rendent régulièrement) constitue l’illustration la plus criante de cette hausse subie des
dépenses contraintes. Elle est d’autant moins supportable que beaucoup de ces Français perçoivent la pompe à essence comme
le principal collecteur de taxes (toute une partie de cette population n’étant pas ou peu assujettie à l’impôt sur le revenu). Parmi
ceux qui doivent rouler beaucoup et qui ont des revenus contraints, cette ponction fiscale est très douloureuse. Il n’est dès lors
pas étonnant de constater un très net clivage de classe concernant l’attitude à l’égard de cette mobilisation des « gilets jaunes ».

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Le soutien aux « gilets jaunes » fait apparaître un très net clivage de classe

Ainsi, ce sont les ouvriers, les chômeurs et les employés qui ont
affiché le plus fort taux de soutien aux « gilets jaunes », suivis de
près par les travailleurs indépendants (parmi lesquels on compte de
très nombreux artisans qui effectuent d’importants trajets et qui
constituent une catégorie traditionnellement hostile aux charges et
aux taxes) et les retraités, vaste catégorie au sein de laquelle le taux
de soutien est majoritaire. Le soutien est nettement plus modéré dans
les professions intermédiaires (terme qui désigne dans la
nomenclature de l’Insee le cœur de la classe moyenne) et devient très
minoritaire parmi les cadres et les professions intellectuelles
supérieures.
[…] N’étant pas exposées à une insécurité économique chronique et résidant la plupart du temps dans de grandes
agglomérations dans lesquelles les transports en commun rendent la dépendance à l’automobile beaucoup moins aiguë, ces
catégories ont développé une empathie toute relative à l’égard de cette mobilisation. Elles sont en revanche culturellement et
géographiquement nettement plus sensibles à la problématique de la pollution atmosphérique et du réchauffement climatique,
ce qui a pu amener une partie de leurs membres à fustiger l’irresponsabilité et l’étroitesse de vue de ceux qui s’opposaient à la
hausse de la fiscalité environnementale sur les carburants.

Jérôme Fourquet, Sylvain Manternach, « LES « GILETS JAUNES » : RÉVÉLATEUR FLUORESCENT DES FRACTURES
FRANÇAISES », 28/11/2018, Fondation Jean Jaures

Document 2 : Le cycle de vie

Selon Ando et Modigliani, les


ménages consomment et épargnant en fonction de leur cycle de vie.
Cette théorie montre que le ménage type emprunte lorsqu’il est jeune
(par exemple pour financer ses études), épargne durant sa vie active
(afin d’accumuler un patrimoine) et désépargne durant sa période de
retraite. Le schéma 3a représente l’évolution des revenus et de la
consommation d’un agent type. Ce dernier souhaite lisser sa consommation sur l’ensemble de sa vie, alors même que ses
revenus diffèrent selon les périodes. Durant la période de jeunesse, ses revenus sont inférieurs à sa consommation et l’agent
emprunte la surface (1). À l’âge adulte, ses revenus sont supérieurs à sa consommation et il épargne, à la fois pour rembourser
ses emprunts de jeunesse et pour préparer la période de retraite. Le montant de son épargne équivaut à la surface (2). Une fois à
la retraite, il est supposé que l’agent ne perçoit plus aucun revenu : il désépargne, à hauteur de la surface (3) jusqu’à son décès
à la date D. En valeur actualisée, la surface (2) doit être égale aux surfaces (1) et (3) : en effet, un agent ne peut dépenser plus
que ce qu’il a épargné, sauf à léguer des dettes à ses descendants ! Le schéma 3b représente l’évolution du patrimoine de
l’agent type : son patrimoine est négatif durant a période de jeunesse, puis durant la période d’activité il devient
progressivement positif pour décroître au cours de la retraite. Au niveau d’un pays, on devrait donc trouver une relation entre
le
taux d’épargne et la structure par âge de la population: si les actifs d’un pays sont nombreux par rapport aux inactifs (jeunes et
retraités), le taux d’épargne sera élevé.
Emmanuel Combe, Précis d’économie, PUF, Paris, 2014

o Le rôle de la catégorie socioprofessionnelle et du revenu :


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TD – Mesure des inégalités (en classe)

Les inégalités de revenu :

Tout d’abord, les inégalités de salaire sont les plus faibles. Car elles ne concernent que les personnes employées
dans les organisations productives, et excluent donc les indépendants et les chômeurs. Mais les salaires ne sont pas les seuls
revenus reçus par les ménages. Ces derniers reçoivent également des revenus du patrimoine et des revenus de transfert.
Les revenus du patrimoine sont issus de la possession d’un patrimoine, comme les dividendes reçus du fait de posséder des
actions, ou les loyers perçus par les propriétaires de logement. Puisque le patrimoine est davantage possédé par les personnes
les plus riches, les revenus du patrimoine font s’accroître les inégalités de revenus primaires (= revenus du travail +
revenus du patrimoine).
Par contre, les revenus de transfert ont un objectif de réduction des inégalités économiques, comme par exemple les minima
sociaux (RSA…) qui ne sont versées qu’aux plus pauvres. Ces revenus réduisent donc les inégalités de revenu final (ou
disponible).

En conclusion, les inégalités de revenu (ou de niveau de vie) sont mesurées par le revenu disponible (revenu
primaire (du travail + du patrimoine) – impôts directs et cotisations sociales + revenus de transfert). Ces inégalités sont
relativement faibles car les 10% les plus riches touchent un revenu au moins 4 fois supérieur à celui des 10% les plus pauvres.
Enfin, les inégalités de patrimoine sont très élevées en France du fait qu’elles sont alimentées par les inégalités de
revenu, les plus riches pouvant accumuler du patrimoine quand les plus pauvres ne le peuvent pas. Chaque revenu
supplémentaire augmentant le stock de patrimoine, gagner plus de revenu permet d’accroitre chaque mois davantage son
patrimoine ! Ainsi, les 10% des ménages les plus riches ont un patrimoine au moins 500 fois plus élevé que les 10% des
ménages les plus pauvres !

En conclusion, les inégalités économiques « font système », inégalité de inégalité de inégalité de


elles se cumulent, les plus avantagés cumulant les avantages salaire revenu patrimoine
économiques et les plus défavorisés cumulant les désavantages
économiques. En effet, les plus riches, aux revenus élevés,
peuvent accumuler un patrimoine qui leur rapporte des
revenus du patrimoine supplémentaire, ce que les plus pauvres inégalités de versement de
ne peuvent pas faire. Ces revenus du patrimoine supplémentaires revenus du revenus du
patrimoine patrimoine
permettent d’accroître le revenu disponible des plus riches, leur
permettant d’accumuler toujours plus de patrimoine !

Les inégalités entre catégories socioprofessionnelles :

Les PCS permettent de mettre lumière des inégalités économiques, de revenu, mais également de multiples inégalités sociales.
Les inégalités sociales sont des différences d’accès entre certains groupes sociaux aux ressources valorisées de la société.
Elles concernent :
- des ressources matérielles, donc les inégalités économiques,
- des ressources de pouvoir : positions sociales supérieures, pouvoir politique…
- des ressources de savoir : inégalités scolaires, culturelles…

ainsi que ce soit l’accès au diplôme, la fréquentation des cinémas, les départs
en vacances, la capacité à influencer le pouvoir politique par son vote ou des actions
revendicatives, la possibilité de vivre dans un logement vaste et confortable, une
hiérarchie sociale apparaît grâce à la classification des PCS depuis les plus favorisées
appelées catégories moyennes et supérieures (cadres et professions intermédiaires),
jusqu’aux moins favorisées appelées catégories populaires (employés et ouvriers). Les
catégories indépendantes se hiérarchisent entre elles de manière moins marquée du
fait de la forte diversité des revenus et des statuts en leur sein, depuis les chefs
d’entreprise au sommet jusqu’aux petits agriculteurs formant le groupe indépendant le
moins favorisé.

Les autres facteurs de structuration :

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Cependant, nos sociétés post-industrielles, marquées par les mutations vues précédemment, ont rendu la stratification
plus complexe encore, qualifiée de multidimensionnelle du fait que de nombreux facteurs de structuration sont apparus et qui
ne dépendent plus du seul statut socioprofessionnel des individus. Pour rendre compte de cette complexité, les sociologues à la
suite de Pierre Bourdieu parlent de plus en plus d’un espace social pour qualifier la structure sociale.
L’espace social est la représentation de la hiérarchie sociale à travers la prise en compte des multiples statuts que
peuvent occuper les individus en fonction de leurs différentes appartenances et caractéristiques (genre, âge, localisation
géographique, origine ethnique...)

C’est donc une analyse multi-critères que les sociologues doivent entreprendre pour saisir la complexité de l’espace social :
- le genre des individus est un facteur important de différenciation. Les inégalités de revenus sont très marquées entre les
hommes et les femmes, ces dernières gagnant en moyenne 25% de moins que les hommes (tous temps de travail confondus), et
encore 16% de moins pour un travail à temps complet. Les fonctions sociales sont
aussi encore fortement marquées de manière inégalitaire selon le genre, les femmes
devant sacrifier une partie de leur temps de travail pour pouvoir consacrer une part
plus importante que les hommes aux tâches domestiques etc… A l’inverse, la
réussite scolaire est-elle un marqueur en faveur des filles qui ont un accès plus
important aux études prestigieuses,
- le cycle de vie de l’individu est aussi un marqueur important, car l’âge qu’a un
individu au cours de sa vie (appelé « effet âge » !) produit des conséquences
importantes sur ses comportements d’épargne et donc de consommation, mais
également sur son temps de travail, ses loisirs (pratique sportive, internet et médias
sociaux), ses opinions politiques (plus radicales dans sa jeunesse, plus modérées
l’âge venant…)…
Le cycle de vie représente le fait que tous les individus voient collectivement leurs pratiques se modifier en fonction des
différents âges de la vie.

- la composition du ménage produit aussi des effets de richesse important en particulier. Ainsi la grande majorité des ménages
vivant sous le seuil de pauvreté (disposant d’un revenu inférieur à 60% du revenu médian) se compose des célibataires et des
familles monoparentales, soit un parent seul avec ses enfants. Le couple agit ainsi comme un agent protecteur contre la
pauvreté. Elle produit aussi des effets sur les chances de mobilité sociale des individus (cf chapitre 7.)
- le niveau de diplôme agit également de manière massive, en particulier sur l’accès à l’emploi qualifié, pour éviter le
chômage. Les plus diplômés ont ainsi cinq fois moins de chances d’être au chômage que les non-diplômés, entre 1 et 4 ans
après leur sortie du système scolaire. Mais il produit également des effets importants sur les pratiques culturelles (sport,
cinéma, théâtre…).

- la localisation géographique et la nationalité sont enfin de très grands facteurs


de discriminations, au désavantage des habitants des quartiers populaires (les
« banlieues » des grandes villes françaises) – privés de nombreux services privés et
publics de qualité (écoles, piscines, cinémas, salles de concert) ainsi que de lieux
de travail (entreprises innovantes) – et les personnes immigrées et étrangères (en
particulier noires et maghrébines) souffrant d’une discrimination importante à
l’embauche et au logement en particulier. Mais la crise des gilets jaunes a aussi
révélé le mal-être profond vécu par les Français habitant la France péri-urbaine,
dans les lotissements à la périphérie des villes moyennes et subissant les prix
élevés de l’énergie et des emplois peu qualifiés à bas salaire.

Document final
Les théories contemporaines de la stratification sociale insistent davantage sur la pluridimensionnalité des inégalités et
s’appuient davantage sur une représentation en termes d’espace social qu’en termes d’échelle, notamment les dimensions
économiques et culturelles de la stratification. La pluridimensionnalité des systèmes concrets de stratification ouvre la
possibilité de non-congruence entre les positions occupées sur les différentes échelles constitutives de l’espace social. Domaine
d’études à part entière, la stratification sociale constitue aussi une clé de lecture courante d’autres phénomènes : stratification
sociale des attitudes politiques, culturelles, alimentaires, familiales ou matrimoniales, etc.
Serge Paugam, Les 100 mots de la sociologie, PUF, 2018
1. Illustrez les passages soulignés à l’aide des documents étudiés précédemment.
2. Placez les différents groupes sociaux identifiés dans les cours précédents dans l’espace social ci-dessus (inspiré
de Pierre Bourdieu). Vous devez d’abord réfléchir à leur positionnement vertical groupe favorisé ou plutôt
défavorisé), puis horizontal (sont-ils favorisés culturellement pas économiquement ? défavorisés dans les deux
cas ? favorisés dans les deux cas ?...)

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II – Débat autour de l’existence de classes sociales en France
Doc 1 : Identifier des classes sociales

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2.1. Les analyses traditionnelles de la structure sociale
o Karl Marx (1818-1883)

Doc 2 : L’analyse marxiste

L’économiste, sociologue et philosophe K. Marx théorise au milieu du XIXème siècle l’existence


des groupes sociaux. Selon lui, à tous les âges de l’histoire humaine se sont opposés deux types de
groupes sociaux qu’il appelle les classes sociales. Dans la société industrielle (capitaliste), deux
classes sociales s’opposent, la bourgeoisie et le prolétariat.
Ces classes sociales sont inscrites dans des rapports conflictuels entre elles : la bourgeoisie tire sa
domination de l’exploitation de la classe ouvrière qui cherche à renverser la hiérarchie sociale. Les
bourgeois sont propriétaires des entreprises, détiennent le capital alors que les prolétaires ne
possèdent que leurs bras, doivent louer leur travail aux bourgeois pour survivre contre un salaire
misérable. Les premiers exploitent donc les seconds.

Selon Karl Marx (XIXème siècle), les classes sociales correspondent à des groupes sociaux réunissant des personnes :
- occupant une même position dans le processus de production (propriété ou non des moyens de production) = définition
des bourgeois et des prolétaires. C’est le critère de la classe en soi qui explique le caractère relativement clos, fermé des classes
sociales,
- partageant une conscience de classe, des liens sociaux forts favorisant un sentiment d’appartenance et donc une capacité de
mobilisation pour défendre l’intérêt de classe. Les intérêts des classes sont antagonistes avec des rapports conflictuels. C’est le
critère de la classe pour soi

Les classes sociales sont inscrites dans un rapport de conflit social : les prolétaires cherchent à renverser la
domination des bourgeois que ceux-ci défendent.

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o Max Weber (1864-1720)

Doc 3 : L’analyse weberienne

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Selon Max Weber (fin XIXème siècle), la stratification sociale est déterminée par trois dimensions :
- la dimension économique : la capacité d’accéder aux biens et services déterminée par le niveau de vie,
- la dimension sociale : le statut social occupé et le prestige dont jouit le groupe social ou la personne,
- la dimension politique : l’accès au pouvoir politique et la capacité de l’influencer.

La stratification sociale représente alors la hiérarchie sociale composée de l’ensemble des groupes
sociaux organisés selon les trois dimensions. Cela implique que :
- les classes sociales ne sont pas le seul groupe social qui compose la stratification sociale. Selon
lui, il n’existe donc pas un seul type de groupe social, mais trois qui sont déterminés par le type de
dimension concerné :
- dimension économique : la classe sociale,
- dimension politique : le parti politique,
- dimension sociale : le groupe de statut.
- un individu ou un groupe social peut occuper des positions sociales différentes dans la
stratification selon la dimension étudiée.

Enfin, Marx propose une analyse holiste (les classes


sociales déterminent les actes de leurs membres) et
réaliste (il décrit les classes sociales telles qu’il les
aperçoit dans la société), alors que Weber propose une
analyse individualiste (il étudie les individus pour arriver
ensuite aux groupes sociaux) et nominaliste (il crée de
lui-même des groupes sociaux théoriques qu’il applique
ensuite à la réalité).

Les théories de Karl Marx et de Max Weber ont donc plusieurs points communs, mais surtout de nombreuses différences qui
peuvent être représentées dans le tableau :
Analyse de Marx Analyse de Weber
Analyse unidimensionnelle
Analyse multidimensionnelle
Présence de classes sociales
Présence d’autres groupes sociaux que les classes
Possibilité d’occuper différents statuts dans l’ordre
social
Présence du critère de conscience de classe
Présence de rapports sociaux conflictuels
Hiérarchie sociale reposant sur des inégalités
Stratification sociale complexe
Structure sociale de type pyramidale

2.2. Des classes sociales de moins en moins pertinentes …

o Effacement des frontières de classe

 Affaiblissement des distances inter-classes

Doc 4 : La moyennisation de la société

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Vidéo « les classes moyennes, un rêve français »
Questionnaire vidéo:
2’-9’ (ou 2’30 – 8’10)
1. quelle période est concernée par cette émergence de la classe moyenne ?
2. quels sont les facteurs sociologiques et démographiques de l’émergence des classes moyennes ?
3. quels sont les facteurs économiques de l’émergence des classes moyennes ?
27’-31’ (ou 27’40 – 31’)
4. quel phénomène touche l’éducation durant cette période ?
5. quelle évolution touche la classe ouvrière ?
6. quelle différence apparaît entre la représentation en toupie de la société et la conception pyramidale de Marx ?
7. montrez que le tableau ci-dessus montre que les inégalités d’équipement se sont réduites entre 1997 et 2016.

La structuration de la société en classes sociales nécessite que les inégalités entre ces groupes sociaux soient fortes. Or
le mouvement de moyennisation de notre structure sociale qui a été impulsé au cours des Trente Glorieuses affaiblit les
distances inter-classes.

Les distances inter-classes correspondent aux inégalités qui séparent les classes sociales entre elles (disparité entre les
classes sociales).

À partir des années 1960, la forte croissance économique amenée par les Trente Glorieuses provoque de nombreux
changements économiques et sociaux.
Tout d’abord, la croissance économique assure un plein-emploi (taux de chômage inférieur à 2%) et une forte croissance des
salaires, en particulier des salaires ouvriers. Les emplois deviennent de plus en plus qualifiés et se développent dans le
secteur tertiaire du fait du progrès technique. A ceci s’ajoute l’exode rural de nombreux jeunes qui « montent à la ville » pour
faire des études et occuper ces emplois nouveaux. Le niveau de qualification de la population s’élève donc du fait de
l’ouverture de l’école à ces enfants issus des classes populaires, ce que l’on appelle la « démocratisation scolaire ».
À la croissance économique s’ajoute l’intervention croissante d’un Etat-providence qui par son action, réduit les inégalités
économiques et sociales : instauration du salaire minimum (SMIG puis SMIC), réduction par la fiscalité des très hauts
revenus et soutient des bas revenus par les revenus d’assistance (baisse de la pauvreté).
Enfin, un changement idéologique se produit dans la société : la classe ouvrière n’est plus le centre de gravité
numérique et culturel de la société. Ce sont les cadres et classes moyennes supérieures qui deviennent le modèle à suivre :
partir en vacances, être propriétaire de son logement, avoir une voiture et les nombreux biens d’équipement deviennent
l’objectif de toutes les classes sociales. La « consommation ostentatoire » de ces nombreux biens pour afficher sa réussite
sociale devient la règle.

Pour le sociologue Henry Mendras en 1988, l’image pyramidale de la structure sociale n’a plus lieu d’être. Cette dernière
peut maintenant être représentée sous la forme d’une toupie. C’est l’image d’une constellation de groupes sociaux proches,
aux faibles inégalités et sans dimension conflictuelle.

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Les individus sont assimilés à des étoiles, appartenant à des constellations de par leur position, mais cette dernière n’en
détermine aucunement les comportements.

 Augmentation des distances intra-classe : dynamiteur de classes sociales

Doc 5 : Distance intra-classe

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Les classes sociales perdent aussi de leur cohérence et de leur homogénéité car les inégalités internes les fracturent de plus
en plus. Apparaissent des distances intra-classes plus fortes que certaines inégalités inter-classes :

Les distances intra-classes sont les inégalités qui séparent les membres d’une même classe sociale (dispersion au sein de
la classe sociale).

C’est le processus de tertiarisation et de montée des qualifications qui est à l’origine de ce phénomène :
- la bourgeoisie traditionnelle, dont l’appartenance se faisait par héritage, par donation du patrimoine économique du père
aux fils et par les mariages arrangés des filles avec des fils de bonne famille est progressivement rejointe par une autre
forme de bourgeoisie, issu des classes moyennes, dont les enfants ont accédé à des professions intellectuelles supérieures
(chercheurs, journalistes, professions libérales) grâce à la méritocratie républicaine et scolaire. Ce sont des classes supérieures
à fort capital culturel mais dont le capital économique est lui bien plus faible que celui de la bourgeoisie traditionnelle. Ces
« Bobos » comme les journalistes les appellent ne seraient donc bourgeois que par leurs diplômes, mais non par leur patrimoine
économique et financier.
- la classe ouvrière s’est, elle, fracturée du fait qu’une partie de ses membres a vu ses conditions de travail se modifier du
fait de la tertiarisation de nombreuses activités (logistique, transport) et de l’apparition d’ouvriers qualifiés dont les
compétences croissantes, les fonctions polyvalentes et d’encadrement croissantes les font s’apparenter de plus en plus aux
classes moyennes dont ils partagent de plus en plus le niveau et le mode de vie (cf moyennisation de la société).

Exercice d’application
Distance intra-classes Distance inter-classes
Les cadres gagnent 5 fois plus en moyenne que les ouvriers
Les ouvriers qualifiés gagnent 2 fois plus en moyenne que les
ouvriers non qualifiés
Les femmes ouvrières ont des responsabilités inférieures aux
hommes ouvriers
Les entreprises continuent de fonctionner avec des métiers
d’exécution et des métiers de direction
Les jeunes cadres ont une entrée dans la carrière plus difficile
que les cadres de plus de 50 ans

o Affaiblissement de la conscience de classe

Doc 6 : Individualisation de la société

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Doc 7 : Déclin de la conscience de classe

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Conséquence logique des deux précédents phénomènes : le sentiment d’appartenance aux classes sociales traditionnelles, la
bourgeoisie et le monde ouvrier, sont en nette perte de vitesse au profit du sentiment d’appartenance plus diffus à une large
classe moyenne.

Le paradoxe de la moyennisation de la société est que tous les individus se sentant appartenir à cette classe moyenne, elle
regroupe la majeure partie de la population (90%) et n’a donc plus de sens. Le terme de classe sociale n’a plus de
pertinence.
La classe ouvrière vit alors un déclin culturel et idéologique : la conscience de classe se réduit du fait de l’ascension sociale
des enfants d’ouvriers qui intègrent des groupes sociaux supérieurs, et du fait de la multiplication des métiers ouvriers
(présents dans les services, les transports et non plus dans les grandes industries…).

Cette perte de conscience de classe est due à un changement social de plus grande ampleur, débuté à la Renaissance au
XVIème siècle, mais qui a pris un essor fulgurant au XXème siècle, l’individualisation.

L’individualisation est le processus par lequel les membres de la société acquièrent une plus grande autonomie par
rapport à leurs groupes d’appartenance (famille) et aux institutions (Etat, entreprises, église…).

Les individus ont acquis au cours du XXème siècle une large autonomie qui les fait de moins en moins dépendre de logiques
collectives s’imposant à eux. Plusieurs exemples en sont la preuve :
- le choix de son conjoint, qui était largement imposé par sa famille, fait aujourd’hui l’objet d’une liberté revendiquée par les
enfants et acceptée par les parents,
- le choix de ses études et de son emploi : la dernière réforme du lycée général supprimant les filières revendique au plus haut
point la possibilité pour chaque élève de construire son propre projet personnel,
- les carrières professionnelles individuelles : les rémunérations au mérite (primes), la logique de projets et d’objectifs
individuels, le développement des auto-entrepreneurs illustrent la logique
individuelle croissante au travail.

- la volatilité électorale de franges entières d’électorats classiques : une


partie des ouvriers électeurs traditionnels de Gauche votant dorénavant à
l’extrême-droite ou s’abstenant, alors qu’une grande partie des cadres
votent maintenant à Gauche contre la Droite il y a encore 30 ans.

- la consommation de masse s’accompagne de plus en plus d’une


offre personnalisée, où les entreprises tentent d’adapter les produits à la diversification de la demande, en faisant de chaque

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acte de consommation un « expérience personnelle » selon le langage marketing (rôle des options dans le choix d’une voiture,
montre Swatch modulable selon les goûts…).

Concernant plus précisément les classes sociales, la logique holiste de Marx considérant que les
individus étaient le produit de leur classe sociale d’appartenance, déterminant leurs opinions, leurs goûts,
leurs pratiques, est profondément affaiblie par l’émergence d’ « hommes et femmes pluriels » (Bernard
Lahire) dont les pratiques culturelles sont mixtes, empruntant aussi bien aux pratiques élitistes et
valorisées de la classe dominante (aller à l’opéra, lire des romans étrangers, regarder des séries en
VOST…) qu’aux pratiques populaires et déconsidérées propres à la classe ouvrière (regarder des jeux TV,
écouter du rap, boire un verre au bar, pique-niquer…). (cf notion 1ère : pratiques transclassistes)

o L’apparition de nouveaux facteurs de distinction :

La classe sociale n’est plus le seul déterminant des groupes d’appartenance, d’autres facteurs alternatifs viennent
les concurrencer : le genre, l’âge, la composition familiale, le lieu de résidence et la nationalité… (cf I).

2.3. … ou bien de plus en plus explicative de la structure sociale ?


o Retour des inégalités inter-classes

Doc 8 : Retour des inégalités économiques

1. Donnez la signification de la valeur pour le décile 1.


2. Quelle évolution apparaît dans ce premier graphique ?
3. Comment le second graphique explique-t-il cette évolution ?
4. Quelle en est la conséquence sur les inégalités économiques ?

5. Périodisez l’évolution de la part des 10% les plus riches dans le revenu total en France de 1900 à 2015.
6. Pourquoi parler de retour des inégalités économiques à partir de ces documents ?

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Depuis les années 1980 et le contexte d’arrêt de la croissance économique soutenue des Trente Glorieuses, le
mouvement de réduction des inégalités économiques et sociales s’est interrompu. Pire, ces inégalités ont depuis tendance à
s’accroître à nouveau, rouvrant la porte à la problématique de l’existence des classes sociales de nos jours.

Tout d’abord, les inégalités économiques se développent à nouveau. Les salaires ayant arrêté de progresser, mis à part les
très hauts salaires (cadres dirigeants) ce sont les patrimoines et les revenus du patrimoine qui de nos jours tirent à la hausse
les revenus globaux. Or, ce sont les ménages les plus riches qui jouissent des niveaux les plus élevés de patrimoine.

Doc 9 : Le maintien des inégalités sociales

Graphique 2
Graphique 1 5. Donnez la signification des valeurs pour la ligne
1. Donnez la signification des valeurs pour les cadres lave-vaisselle.
et les ouvriers. 6. Quels équipements sont particulièrement inégaux
2. Quelle inégalité apparaît dans ce document ? entre les groupes socioprofessionnels ?
3. Donnez des exemples de ce phénomène. 7. Donnez-en deux facteurs explicatifs possibles.
4. Quelles peuvent en être les conséquences ?

Doc 10 : De nouvelles inégalités sociales


Face aux accidents de la route et à la pollution automobile, nous sommes « tous responsables », nous dit la prévention routière.
Ne pas rouler trop vite, bien attacher sa ceinture, ne pas conduire sous l’emprise de l’alcool… C’est par l’attitude attentive et
prévoyante de chacun que, à en croire la communication officielle, les drames pourront être évités et la planète préservée. Des

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messages pleins de bon sens, mais qui occultent un fait désormais bien établi par les sociologues : l’inégalité des diverses
classes sociales en matière d’exposition à la mortalité routière et de contribution à la pollution environnementale.
Mathieu Grossetête avait ainsi montré il y a quelques années que les ouvriers sont surreprésentés parmi les décès routiers : en
2007, ils représentaient 22,1 % des conducteurs tués, alors qu’ils ne représentent que 12 % de la population de 15 ans et plus.
Le même constat peut être fait à propos des artisans, notamment. A l’inverse, « la catégorie des cadres supérieurs, professions
libérales et chefs d’entreprise est (…) sous-exposée à la mortalité routière. Leurs membres représentaient 2,9 % des tués pour
8,4 % dans la population de référence ».
Dans un article qui vient de paraître, Yoann Demoli ajoute que ces inégalités se lisent également dans le fait que les différents
groupes sociaux choisissent des modèles d’automobiles très diversement protecteurs pour leurs passagers.
Ainsi, le poids des véhicules, qui est « un indicateur assez robuste de la dangerosité et de la protection des différents modèles
d’automobile » (plus le véhicule est lourd, moins les chocs qu’il subit sont élevés en cas de collision), croît avec la catégorie
socioprofessionnelle. Les différents équipements de sécurité sont également plus fréquents au sein des véhicules possédés par
les catégories aisées (voir graphique).
De la même façon, les groupes sociaux se distinguent par le caractère plus ou moins polluant de leur conduite automobile. On
trouve certes des véhicules polluants dans tous les milieux, soit qu’ils soient anciens (notamment au sein des classes
populaires) soit qu’ils soient lourds et puissants (la « grosse voiture » des milieux aisés). Mais l’intensité d’utilisation des
véhicules est plus élevée au sein des classes supérieures qui, globalement, font beaucoup plus de kilomètres que les catégories
modestes. Si bien que les premiers, chez qui la sensibilité au risque environnemental est pourtant plus affirmée, y contribuent
de façon plus importante que les secondes.
Des constats qui interrogent les politiques publiques de prévention des risques. En effet, celles-ci fonctionnent essentiellement,
selon Jean-Baptiste Comby et Mathieu Grossetête, sur la valorisation d’une « norme de prévoyance » qui via des campagnes
publicitaires, somme « les individus d’être prévoyants en anticipant l’impact de leurs pratiques sur autrui ».
Cette norme est si puissante que, par exemple, « aucun chiffre officiel n’établit de corrélation entre le milieu social et le fait de
mourir sur la route ou d’émettre des gaz à effet de serre ». Un individualisme auquel les classes supérieures sont promptes à
adhérer et à se conformer (via l’achat de produits bio ou la pratique du tri sélectif par exemple), tant cette politique des petits
gestes évite de questionner leur responsabilité propre (les cadres et professions intellectuelles supérieures sont ainsi sur-
représentés parmi les responsables d’accidents de la route) et leur capacité à préserver leur mode de vie en faisant porter le gros
des efforts sur les autres groupes sociaux. Tout semble indiquer en tout cas qu’en matière de sécurité routière comme de
protection de l’environnement, ce sont encore ceux qui en parlent le plus qui en font le moins.
« Mortalité, pollution: sur la route des inégalités », Xavier Molénat, Alternatives Economiques, 01/07/2015
1. Quelle idée reçue sur la mortalité routière ce texte remet-il en cause ?
2. Quels groupes sociaux sont particulièrement exposés à la mortalité routière ?
3. Comment l’auteur l’explique-t-il ?

De plus, les inégalités sociales entre les classes n’ont pas disparu, bien au contraire.
Elles se sont réintroduites dans de nouvelles sphères, comme par exemple l’école. Ainsi, le thème de
la « ségrégation scolaire » entre les établissements prestigieux (ou privés) où se concentrent les
enfants de milieux favorisés, et les établissements REP+, où se concentrent les enfants de milieux
défavorisés, se développe. De plus, les fractures géographiques se creusent entre les banlieues
populaires, où se concentre pauvreté et chômage, les campagnes périphériques des villes où les
populations de classe moyenne inférieure se sentent abandonnées et isolées, et les centres-villes, où
les classes supérieures semblent s’épanouir dans une vie connectée. L’accès à la culture, bien
que davantage démocratisé qu’avant, demeure très inégalitaire, comme en témoignent les
populations favorisées allant au cinéma, au théâtre, à l’opéra, ou bien encore le fait que 40% des
Français ne partent pas en vacances contrairement à ce que laissent croire les journaux télévisés,
relatant les séjours au ski l’hiver et à la plage l’été.
o Le maintien de consciences de classes spécifiques

Ensuite, il est faux de dire que les classes sociales ont disparu. Au contraire, les deux classes sociales principales mises
en lumière par Marx, les ouvriers et les bourgeois, continuent d’exister.

Doc 11 :

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La notion de « classes populaires » traduit aussi une mixité nouvelle. Avec l’arrivée des femmes sur le marché du travail, les
familles ouvrières ont été remplacées par des familles « hybrides », avec un père ouvrier – le secteur reste masculin à 80 % – et
une mère employée – plus de 75 % des employés sont des femmes. « C’est une évolution importante, insiste Henri Eckert,
professeur de sociologie à l’université de Poitiers. Historiquement, ouvriers et employés n’avaient pas les mêmes
comportements vis-à-vis de la propriété, de la consommation… Et pendant longtemps, être employé était plus prestigieux. »
De fait, les ouvriers sont les premiers touchés par la précarisation de la société. Ils sont la catégorie professionnelle la plus
frappée par le chômage (14,7 % en 2014) et la plus exposée aux contrats temporaires. Dans les grands groupes, le chômage
partiel se multiplie. « Les fermetures d’usine ne sont souvent que l’aboutissement d’une longue série de restructurations
partielles, détaille Cédric Lomba. A chaque fois, on diminue le nombre d’intérimaires, on ne reconduit pas un CDD, on
licencie une partie des travailleurs stables ou on ne remplace pas des départs à la retraite… Cette condition d’incertitude, cet
état de restructuration permanente font partie du quotidien des ouvriers. »
« Des jeunes travaillent six mois dans une usine, puis sont au chômage, puis se retrouvent deux mois dans une société de
surveillance, ajoute Henri Eckert. Ils vivotent d’emplois ouvriers en emplois non ouvriers. Ce sont des précaires avant d’être
des ouvriers. »
Si une partie des emplois se sont qualifiés, par exemple dans l’automobile, l’automatisation n’a pas toujours permis de rendre
le travail plus gratifiant, et les possibilités d’ascension sociale se sont tassées. Avec la réduction des effectifs, les postes
d’encadrement sont moins nombreux ou réservés aux plus diplômés. « Dans la logistique pharmaceutique par exemple, quand
il y a deux chefs d’atelier pour 150 personnes, les ouvrières essaient au fil des années de trouver un poste un peu moins
pénible mais ne changent pas de salaire ni de statut, raconte Cédric Lomba. Ce sont des carrières horizontales. »
Invisibles et souvent précaires, privés d’une représentation forte et valorisante, les ouvriers n’ont pourtant pas disparu. « La
notion de classe populaire a un sens, assure Cédric Lomba. La bourgeoisie est la classe la plus mobilisée pour défendre ses
intérêts, mais ce n’est pas parce que les autres classes sont moins mobilisées qu’elles n’existent pas. »
Perrine Mouterde, « Qui sont les ouvriers d’aujourd’hui ? », Le Monde, 07/06/2016
1. Quelles sont les caractéristiques de la classe ouvrière actuelle ?
2. Pourquoi vaut-il mieux parler de classe populaire que de classe ouvrière de nos jours ?

Selon le sociologue O. Schwartz, on peut encore parler de classe populaire, regroupant les ouvriers et la majeure
partie des employés, du fait du rapprochement de leurs conditions de vie et de travail, ainsi que leur point commun comme
classe dominée, avec une culture populaire très majoritaire dans ce groupe.

Sa théorie repose sur un double critère :


- les deux groupes partagent une même position sociale dominée dans la société (faible visibilité dans les médias par
exemple) et les entreprises (salariés cantonnés aux simples tâches d’exécution),
- les deux groupes partagent aussi un séparatisme culturel par rapport au reste de la société : ils partagent une « culture
populaire » (musique écoutée, films regardés…), ils ont un comportement électoral spécifique (abstention forte, vote pour les
extrêmes politiques)…

L’ « Uberisation » de l’économie et du travail (Amazon également), faisant miroiter aux auto-entrepreneurs le rêve de
l’autonomie, de la flexibilité des horaires, d’une rémunération élevée, se révèle de plus en plus être le moyen de faire travailler
pour des revenus faibles, sans protection sociale, des jeunes actifs (chauffeurs, livreurs…). Les termes « collaborateur »,
« partenaire » cachent mal en fait les relations de travail fortement hiérarchisées et inégalitaires, à la limite de l’exploitation.
Ces travailleurs précarisés s’unissent de plus en plus dans des actions revendicatives, créent des syndicats, prélude à la
formation d’une classe pour soi au sens marxiste.
Néanmoins, la diversité de ce groupe rend sa conscience de classe encore peu affirmée : barrière du sexe entre un monde
ouvrier masculin et un monde des employés féminin, les deux groupes vivent des socialisations professionnelles différentes
(employés se sentent plus proches des postes hiérarchiques élevés qu’ils côtoient dans les bureaux).

Doc 12 : La bourgeoisie actuelle est marxiste


Vidéo la mixité scolaire en question

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1. Quelles sont les avantages que possède la
bourgeoisie ?
2. Pourquoi est-elle une classe au sens marxiste du
terme ?
3. Donnez des exemples par lesquels la bourgeoisie
peut préserver son « entre-soi ».
4. Montrez que la vidéo illustre la capacité de
mobilisation de la bourgeoisie pour préserver son
« entre-soi ».

Pour les sociologues spécialisés dans l’étude des classes sociales très favorisées M. Charlot et M. Pinçon-
Charlot, on peut voir à l’œuvre de véritables stratégies de reproduction et de préservation de l’entre-soi.
Ils affirment ainsi que la grande bourgeoisie demeure fidèle à la définition classique de la classe sociale, en
raison de son style de vie, de l’importance de ses avoirs économiques (notamment en termes de patrimoine),
mais aussi de sa conscience d’elle-même et de ses capacités de mobilisation (lobbying ou influence politique
notamment). Cet entre-soi repose sur la sélection des amis et futurs conjoints des enfants via l’organisation
de rallyes, le choix des établissements scolaires fréquentés, les lieux d’habitation et de vacances…

o Un critère de classe structurant pour les autres critères de distinction

Doc 13 : Les femmes en première ligne


"Ce qui fait tenir la société, c'est d'abord une bande de femmes", a estimé l'ancienne ministre Christiane Taubira, lundi sur
France Inter. Infirmières, caissières, préparatrices en pharmacie : des femmes sont effectivement aux avant-postes face à
l'épidémie de coronavirus.
Infirmières, caissières, préparatrices en pharmacie : ces professions sont féminines à 90 %.
"Ce qui fait tenir la société, c'est d'abord une bande de femmes." La citation, forte, est de Christiane Taubira, ancienne garde
des Sceaux, invitée lundi matin du grand entretien de France Inter. Et les chiffres lui donnent raison : caissiers, infirmiers,
préparateurs en pharmacie... sont en fait souvent des caissières, des infirmières ou des préparatrices. Ces professions, en
première ligne en cette période d'épidémie de coronavirus, sont en effet à très large majorité féminines.
La preuve en cinq chiffres.
Les caissières en première ligne
La profession de caissier est très largement féminine : elle compte neuf femmes sur dix, selon l'Institut national de la statistique
et des études économiques (Insee). Même si leur nombre a baissé de 5 à 10 % en une dizaine d'années, selon les chiffres de la
Fédération du commerce et de la distribution, le métier de caissier représente 150 000 emplois équivalents temps plein
aujourd'hui. Si on fait le calcul, cela fait donc 135 000 caissières en première ligne face à l'épidémie de coronavirus.
Les femmes majoritaires dans les agents d'entretien sur le terrain
Une profession là encore majoritairement féminine : sept agents d'entretien sur dix sont des femmes, selon les sources du
ministère du Travail, qui se base sur l'Insee. Que ce soit dans les entreprises, dans les supermarchés ou les hôpitaux, des agents
d'entretien continuent d'exercer même durant le confinement.
Les aides-soignantes très exposées
90 % des aides-soignants sont des femmes, relaie le ministère du Travail, en s'appuyant sur l'Insee. Elles se rendent aux
domiciles des personnes souffrantes, s'occupent des personnes âgées dans les Ehpad, très touchés par le coronavirus... Les
aides-soignantes sont sur tous les fronts en cette période de crise.

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Les infirmières débordées
87 % des infirmiers sont des infirmières, selon les statistiques de l'Insee. Libérales ou en hôpital, les infirmières sont sur le pied
de guerre face au Covid-19. Victimes parfois de comportements pas très civiques qui confinent à la bêtise, comme ces
habitants qui se sont opposés à l'arrivée d'une infirmière dans un immeuble, jugeant qu'elle risquait de les contaminer.
Les préparatrices en pharmacie, "oubliées" ?
Les préparateurs en pharmacie, dont presque neuf sur dix sont des femmes selon l'Insee, sont très sollicités durant la crise.
Certaines préparatrices, s'estimant "oubliées" par les pouvoirs publics, ont même écrit au président de la République.
« Coronavirus : cinq chiffres concrets qui montrent que les femmes sont en première ligne », Louis-Valentin Lopez, France Inter, 13 avril 2020

Doc 14 : Superposition des inégalités

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Enfin l’existe d’autres facteurs de hiérarchisation de l’espace social n’empêche pas les classes sociales de rester
prédominantes dans l’explication des inégalités qui structurent la société selon de nombreux sociologues comme Camille
Peugny.
Ainsi, les populations qui subissent le plus les effets négatifs d’une localisation dans un quartier défavorisé ou une
ville péri-urbaine sont majoritairement issus de la classe ouvrière. C’est cette dernière qui a déterminé leur choix de
domiciliation dans ces lieux du fait de leurs revenus et patrimoines faibles. Le mouvement des Gilets jaunes a d’ailleurs
permis de montrer que l’identification à une classe sociale laborieuse, exclue, mal vue était encore très puissante.
Par ailleurs, le genre, explicatif des inégalités hommes-femmes, s’inscrit souvent dans un
autre rapport, de classe. Par exemple, les approches en termes de genre sont incomplètes quand elles
négligent ou oublient les clivages de classes. La répartition des tâches domestiques dans le couple ne
peut être analysée indépendamment du milieu social, car si les couples de milieu aisé répartissent plus
égalitairement les tâches domestiques entre eux, c’est par l’emploi d’une femme de ménage issue des
classes populaires, évitant à l’homme d’assumer de nouvelles tâches ménagères. La crise du Covid-19 a
montré le rôle obscur et mésestimé de nombreux emplois féminisés qui s’ils n’avaient pas été là,
auraient provoqué l’effondrement du système social français : aides-soignantes, caissières, femmes de
ménages…

Pour rendre compte de la structure sociale, il est donc impératif d’articuler rapports de
classe et de genre (et les autres types de rapports sociaux).

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