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l'éducation
Résumé
Cet article rend compte d’un débat à trois voix concernant les définitions et enjeux du travail social. A partir de trois points
de vue émanant d’acteurs ayant des ancrages professionnels divers (animation socioculturelle, éducation spécialisée et
médico-social), nous proposons un regard pluriel sur les convergences et divergences mais aussi sur les
complémentarités à l’oeuvre dans ce secteur. Plus particulièrement cette synthèse s’intéresse aux questions de la
formation des acteurs qui participent de fait à la formation (au sens de mise en forme) et à la professionnalisation des
différents secteurs représentés.
Abstract
This article relates a three voices debate about definitions and finalities of social work. From three points of view of various
professional actors (sociocultural animation, specialized education and sociomedical professions) we examine both
convergences and divergences but also on the complementarities at work in this field. More particularly this synthesis
studies the questions of the training of the actors since it takes part to the formation (shaping) and the professionalisation
of the various sectors represented.
De Zotti Philippe, Dumont Jean-Frédéric, Marty Philippe. Regards croisés sur la professionnalisation. Enjeux et
perspectives. In: Les dossiers des sciences de l'éducation, N°17, 2007. Travail social et formation : voies pour la
professionnalisation. pp. 51-64;
doi : https://doi.org/10.3406/dsedu.2007.1101
https://www.persee.fr/doc/dsedu_1296-2104_2007_num_17_1_1101
Regards croisés
sur la professionnalisation.
Enjeux et perspectives
쑺 Philippe De Zotti, PAST Université
Toulouse Le-Mirail et Conseiller technique
Résumé : en travail social au Centre Régional pour
Cet article rend compte d’un débat à trois voix concernant les l’Enfance et Adultes handicapés et
définitions et enjeux du travail social. A partir de trois points Inadaptés de Midi-Pyrénées. Doctorant
Sciences de l’Education.
de vue émanant d’acteurs ayant des ancrages professionnels
divers (animation socioculturelle, éducation spécialisée et 쑺 Jean-Frédéric Dumont, formateur à temps
médico-social), nous proposons un regard pluriel sur les plein dans une école de travail social.
convergences et divergences mais aussi sur les complémen- Educateur. Doctorant Sciences de
l’Education.
tarités à l’œuvre dans ce secteur. Plus particulièrement cette
synthèse s’intéresse aux questions de la formation des acteurs 쑺 Philippe Marty, PAST Université Toulouse
qui participent de fait à la formation (au sens de mise en Le-Mirail, intervenant dans le DEUST
forme) et à la professionnalisation des différents secteurs animation et licence professionnelle ainsi
que dans une association comme chargé
représentés. de mission formation dans l’animation
Mots clés :professionnalisation, professionnalité, travail social, animation socioculturelle, socioculturelle. Docteur en Sciences de
éducation spécialisée l’Education.
Abstract :
This article relates a three voices debate about definitions and finalities of social
work. From three points of view of various professional actors (sociocultural ani-
mation, specialized education and sociomedical professions) we examine both
convergences and divergences but also on the complementarities at work in this
field. More particularly this synthesis studies the questions of the training of the
actors since it takes part to the formation (shaping) and the professionalisation of
the various sectors represented.
Keywords :social work, professionalisation, training
Cet article est le résultat d’entretiens croisés entre trois acteurs intervenant dans
le domaine du travail social, dans des champs différents, celui de l’éducation spé-
cialisée et celui de l’animation socioculturelle. Il constitue donc une synthèse de
points de vue relatifs à un ancrage professionnel spécifique à chacun des inter-
venants, en référence à des orientations théoriques particulières développées dans
leurs laboratoires respectifs. En ce sens, il vise à rendre compte des réflexions
relatives à la professionnalisation des travailleurs sociaux et des animateurs socio-
culturels depuis la place occupée par les intervenants, sans prétendre balayer l’en-
semble des questions inhérentes à la formation des professionnels de l’éducation
spécialisée et des animateurs socioculturels.
Dans un premier temps, à partir d’une définition du travail social nous analysons
en quoi nos champs d’intervention s’inscrivent dans cette catégorie du travail
social. Dans un deuxième temps nous tenterons de cerner les enjeux de la forma-
tion au regard des attentes et des besoins des travailleurs sociaux tout en prenant
en compte l’évolution des politiques sociales et les textes réglementaires qui régis-
sent nos différents champs d’intervention. Simultanément nous avons cherché à
mettre en évidence ce qui nous rassemble et ce qui nous différencie en tant que
formateurs - intervenants dans nos domaines respectifs.
Nous avons opté pour une mise en forme qui laisse une place importante à la
parole des trois intervenants. Ainsi, nous reporterons, chaque fois que nous l’avons
jugé utile, les discours ou fragments de discours authentiques, qui viennent illus-
trer nos réflexions.
rencontrer en tout et pour tout, deux animateurs, c’est-à-dire des gens qui enca-
draient des séjours de vacances soit pour des jeunes qui relevaient du secteur
médico-social de type IME, IMPro etc., soit pour des jeunes qui relevaient de
l’ordonnance de 1945, soit pour des jeunes pris en charge par des Maisons d’En-
fants à Caractère Social. Il n’y a que là que j’ai pu les voir, les côtoyer. »
Ph. Marty : « Comme je viens de le dire, les champs de l’animation sont très
nombreux. Concernant le secteur dont tu parles, j’ai eu l’occasion d’accompa-
gner, dans le cadre de tutorats, des animateurs qui intervenaient
쑺 Maison d’Accueil Spécialisé.
dans des établissements spécialisés de type MAS . Je ne
connais pas bien ce domaine mais il semble qu’il existe des fonctionnements
internes qui font que les éducateurs ne prennent pas en charge certains moments
de la journée. Les animateurs sont apparus dans ce contexte spécifique, mais la
question de leur place dans ce type d’institutions s’est ensuite très vite posée.
Concernant les complémentarités possibles, je pense que les objectifs des ani-
mateurs et ceux des éducateurs sont dans de nombreux cas très proches ; c’est
plutôt au niveau des méthodes que les différences semblent ressortir. J’ai eu sou-
vent l’occasion, dans le cadre de formations, de faire se rencontrer des anima-
teurs et des éducateurs. Un des points sur lesquels ils arrivent à se mettre assez
facilement d’accord concerne la spécificité de leurs méthodes de travail : les
éducateurs sont plutôt tournés vers les individus alors que les animateurs axent
leurs interventions préférentiellement sur les groupes et les collectifs. »
J-F. Dumont : « Sur les complémentarités, tu parlais des fonctions d’anima-
teurs et d’éducateurs, mais il n’y a pas un animateur qui ne soit pas éducateur
aussi. Si on sépare milieu fermé et milieu ouvert, du point de vue de l’éduca-
teur spécialisé, je crois qu’on exploitera en lui deux champs de compétences
bien différents. En institution dans ce que l’on appelle le milieu fermé, l’édu-
cateur aura besoin d’une personne qui sache faire du loisir, et de l’ouverture
sur l’extérieur parce que nous, les éducateurs, nous ne savons pas très bien le
faire... (…) En revanche, dans le cadre d’interventions en milieu ouvert, sur des
quartiers par exemple, les éducateurs vont intervenir dans des clubs de préven-
tion et c’est peut-être là où on va vous rencontrer. En terme de compétences, je
crois que l’éducateur spécialisé a une chose qu’il sait moins bien faire qu’un
animateur et là il y aurait des « billes » à prendre chez vous et des compétences
à exploiter, c’est sur le développement local, le développement social, sur l’ani-
mation et la création d’un réseau, sur le retissage des liens sociaux. Car effecti-
vement, nous ce qu’on sait faire c’est de la prise en charge individuelle, de
l’accompagnement social et socio-psychologique. »
Ph. De Zotti : « Ça c’est important, « qui pilote ? » Ce qui signifie que pour
réaliser un travail de partenariat, le professionnel doit être en capacité de multi-
plier les interactions et donc de générer des realtions entre différents acteurs.
C’est peut-être là qu’il est un technicien de la relation. Le problème c’est que le
partenariat expose le professionnel au regard des autres, ce qui l'oblige à sans
cesse se remettre en cause. C’est une posture professionnelle plutôt
inconfortable. »
Ph. Marty : « Dans les CLAE où je suis allé observer les 쑺 Centre de Loisir Associé à l’Ecole.
pratiques, la thématique du partenariat était fortement présente
et posait des question liées à la coéducation, au réseau, aux pratiques partenariales
et donc à la légitimité du champ de l’animation. Pour ma part, je préfère regar-
der ce dernier aspect du point de vue de la professionnalité des animateurs. En
effet, j’ai pu démontrer lors de recherches récentes que les animateurs profes-
sionnels, comme les animateurs volontaires, présentaient des éléments de pro-
fessionnalité proches. Le travail que j’ai réalisé sur les pratiques des animateurs
m’a conduit à démontrer que celles-ci n’étaient pas totalement éclectiques. Je
pense que s’il est possible d’identifier des éléments de professionnalité dans les
pratiques des animateurs, alors la profession d’animateur peut être légitimée. »
Cependant une centration sur l'action de terrain uniquement n'est pas suffisante
pour construire une professionnalité. L'action doit faire l'objet d'un partage du
sens.
Conclusion
Au terme de nos réflexions, nous pouvons relever que les missions des travailleurs
sociaux comme celles de certains animateurs socioculturels consistent en l’amé-
lioration du lien social. On constate une grande similitude quant à la réalité des
activités. Cependant, les méthodes employées pour y parvenir semblent différer.
Si les éducateurs spécialisés « travaillent » le lien social par une approche indi-
viduelle des problématiques des publics qu’ils accompagnent, les animateurs
socioculturels disent centrer leur action sur le collectif, sur la dimension sociali-
sante des individus.
D’autre part, plusieurs points de convergences semblent caractériser la profes-
sionnalisation et la professionnalité des éducateurs spécialisés comme celle des
animateurs socioculturels : la formation initiale en alternance, les dispositifs d’ana-
lyse collective des pratiques... semblent être constitutifs d’actions de formation à
la hauteur de la complexité des situations rencontrées par les professionnels de ter-
rain. Cependant, la légitimité de la profession passe par une technicisation néces-
saire dans le cadre de l’animation alors que celle-ci ne semble pas prioritaire dans
le domaine de l’éducation spécialisée (on peut faire l’hypothèse que ceci est dû à
une représentation plus structurée d’un champ mieux repéré socialement).
Plusieurs approches peuvent être mises en avant sur l’intelligibilité des pratiques
sociales. Une voie est celle des représentations, des conceptions et des individus,
une seconde voie peut être celle de la description et de l’explication des pratiques
professionnelles.