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LA CHINE ET L'ASIE DU SUD-EST : UNE RELATION AMBIVALENTE

Denis Côté, Stéphanie Martel

ESKA | « Monde chinois »

2014/2 N° 38-39 | pages 48 à 65


ISSN 1767-3755
ISBN 9782747223270
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-monde-chinois-2014-2-page-48.htm
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La Chine et l’Asie du Sud-Est :


une relation ambivalente
Par Denis Côté et Stéphanie Martel

Aujourd’hui, l’Asie du Sud-Est est une région quée de manière considérable par ses rapports
bien circonscrite géographiquement et politi- avec la Chine. Les premières vagues de migra-
quement. Située au carrefour entre l’Asie du tion en provenance de la Chine sont survenues
Sud et l’Asie de l’Est, elle comprend onze États environ 2500 ans avant notre ère. Ces migrants
indépendants : le Brunei, le Cambodge, l’Indo- ont commencé par s’installer dans des territoires
nésie, le Laos, la Malaisie, le Myanmar, les Phi- aujourd’hui associés aux Philippines, à la Ma-
lippines, Singapour, la Thaïlande, le Timor-Leste laisie et à l’Indonésie. Au fil du temps, d’autres
et le Vietnam. Au niveau régional, dix de ces vagues migratoires en provenance de la Chine
onze États1 sont également membres de l’Asso- ont essaimé dans la région, si bien qu’on dé-
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48 ciation des Nations de l’Asie du Sud-Est nombre aujourd’hui entre 30 et 40 millions de
(ASEAN)2, une institution régionale fondée en personnes d’origine chinoise en Asie du Sud-Est
1967 en réaction à l’expansion du communisme (Vaughn et Morrison 2006, 6). Les relations
chinois mais qui poursuit aujourd’hui des objec- Chine / Asie du Sud-Est ont donc une histoire
tifs beaucoup plus larges visant notamment à ancienne et complexe qui pèse sur la manière
renforcer la coopération et l’assistance mu- dont les pays de la région perçoivent la Chine
tuelle, à accélérer les progrès économiques, so- depuis sa récente réémergence comme puis-
ciaux et culturels, et à promouvoir la paix et la sance régionale. En ce qui concerne les relations
stabilité dans la région. Au-delà de cette appa- entre la Chine et les États d’Asie du Sud-Est,
rente cohésion régionale, l’Asie du Sud-Est est elles se déroulaient à l’époque précoloniale dans
en réalité une zone extraordinairement diversi- le cadre d’un système de tribut, par lequel la
fiée où cohabitent plus de 600 millions de per- Chine occupait une position dominante par rap-
sonnes3. C’est une région morcelée, divisée port aux royaumes de la région (Thayer 2008,
entre une zone continentale et une zone insu- 26). En échange de la protection des empereurs
laire, un carrefour d’échanges, de langues, de chinois, comme l’explique Wolters, les
cultures et de religions différentes. D’ailleurs, royaumes maritimes d’Asie du Sud-Est - notam-
bien que le terme « Asie du Sud-Est » ait existé ment ceux de Srivijaya et de Malacca - garan-
auparavant, c’est seulement depuis la fin de la tissaient l’ouverture de routes navigables
Deuxième Guerre Mondiale qu’il s’est véritable- importantes pour le commerce chinois vers
ment répandu et consolidé pour désigner la l’océan Indien (Wolters 2008, 75). La stratégie
zone couvrant les onze pays cités plus haut (De chinoise consistait principalement à appuyer les
Koninck 2005, 5). Si le terme « Asie du Sud- royaumes maritimes les plus puissants afin d’as-
Est » est relativement récent, la région a bel et surer la stabilité régionale et commerciale. À
bien une histoire ancienne – une histoire mar- cette époque, la Chine jouait donc un rôle im-

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portant dans les affaires régionales du nanyang, domaine de l’économie que dans le domaine de
nom utilisé à l’époque par la Chine pour dési- la sécurité. Toutefois, la relation des États de
gner la région et qui signifiait « les pays de l’ASEAN avec la Chine n’est pas réduite à cette
l’océan du Sud » (Wolters 2008, 65). La coloni- dichotomie qui, bien qu’elle prédomine dans la
sation européenne va cependant venir boule- littérature, paraît somme toute réductrice si l’on
verser l’ordre régional. En effet, la capture de s’intéresse à l’évolution de cette relation dans
Malacca par les Portugais en 1511 a marqué le temps. D’une part, chacun de ces domaines
pour la Chine le début d’une longue détériora- d’interaction est marqué par un mouvement de
tion de ses relations avec l’Asie du Sud-Est alors balancier dans l’attitude des États d’Asie du
que les Occidentaux se sont implantés dans la Sud-Est face à la Chine, qui est tour à tour, voire
région (Wolters 2008, 70). Pendant la période parfois simultanément, vue comme menace
coloniale, les relations entre la Chine et l’Asie et/ou opportunité. D’autre part, des différences
du Sud-Est se sont grandement effritées (Wol- relativement importantes entre les positions des
ters 2008, 72). Au fil du temps, la Chine a perdu États s’observent au-delà d’un certain consen-
la place prépondérante qu’elle occupait dans la sus, et restent généralement un angle mort de
région et les royaumes d’Asie du Sud-Est leur l’analyse. L’article se divise en deux parties
indépendance face aux puissances coloniales principales : une première partie consacrée aux
qui dictaient désormais leur politique extérieure relations Chine / Asie du Sud-Est dans le do-
(Thayer 2011 : 236). Ce n’est qu’après la maine sécuritaire; et une deuxième partie por-
Deuxième guerre mondiale, la fin de la période tant sur le domaine économique. Ces deux
coloniale et la création de l’État communiste en parties mettent en lumière le caractère profon-
Chine que cette dernière a recommencé à établir dément ambigu de la relation, et s’y intéresse
des relations plus soutenues avec l’Asie du Sud- particulièrement sous le prisme de la perception
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Est. Dans cet article, nous nous penchons sur des États d’Asie du Sud-Est de la montée de la 49

l’évolution des relations entre les pays d’Asie Chine. Dans un premier temps, nous verrons
du Sud-Est et la Chine depuis 1949 en nous que la relation entre la Chine et les pays d’Asie
concentrant sur deux domaines particulier : la du Sud-Est au plan sécuritaire s’est considéra-
sécurité et l’économie. Nous visons à démontrer blement améliorée depuis la proclamation de la
que les pays de l’ASEAN entretiennent des re- République populaire de Chine en 1949, bien
lations ambivalentes avec la Chine, qu’ils per- que le caractère récurrent des conflits en mer de
çoivent à la fois comme menace et source Chine méridionale continue de l’affecter. Dans
d’opportunités. Cette ambivalence se reflète un deuxième temps, nous verrons que le rôle
tant dans la tendance régionale adoptée par les positif joué par le gouvernement chinois lors de
pays d’Asie du Sud-Est à travers l’ASEAN que la crise financière de 1997-98 a mené à une
dans leurs relations bilatérales avec la Chine. Du amélioration considérable de la perception de la
côté de l’ASEAN, depuis les années 1990, les Chine en Asie du Sud-Est et à un processus
pays d’Asie du Sud-Est ont mis en œuvre une d’intégration économique toujours en cours.
stratégie de couverture (hedging) leur permet-
tant à la fois de s’aligner partiellement sur la
Chine tout en mitigeant son influence en inté- I. La relation Chine/
grant d’autres puissances régionales aux discus- Asie du Sud-Est
sions. Sur le plan individuel, par contre, les États
d’Asie du Sud-Est ont des perceptions diffé- dans le domaine de la sécurité
rentes de la Chine tant dans les domaines de la
sécurité que l’économie. De manière générale, L’Asie du Sud-Est est probablement la région
les pays d’Asie du Sud-Est ont certainement du monde la plus directement affectée par la
une perception plus positive de la Chine dans le projection de puissance de la Chine, qui figure

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aujourd’hui au sommet des préoccupations stra- au plan régional et a fortiori se définit elle-
tégiques des États de la région. Ces derniers ont même. Cette section se penchera plus en pro-
néanmoins dû faire face à la montée de la Chine fondeur sur la dimension sécuritaire de
bien avant qu’elle ne devienne un enjeu majeur l’interaction entre la Chine et l’Asie du Sud-Est
des relations internationales à l’échelle globale. depuis la fin de la Guerre froide. Après avoir dé-
Depuis la fin de la Guerre froide, le facteur chi- taillé l’évolution de cette relation à travers les
nois constitue un élément incontournable dans époques, nous nous pencherons en détails sur
la poursuite de la sécurité régionale en Asie du la perception des États d’Asie du Sud-Est face
Sud-Est. La relation entre la Chine et les États à la montée de la Chine et la stratégie particu-
d’Asie du Sud-Est sur le plan stratégique a lière qu’ils ont adoptée. Nous élaborerons par la
considérablement évolué depuis la proclamation suite une distinction entre différentes positions
de la République populaire de Chine en 1949, parmi ces États et l’adoption d’une stratégie gé-
l’apaisement général des tensions étant rythmé nérale relativement cohérente, ce qui constitue
par des phases successives de confrontation et le principal défi pour la région dans sa relation
de collaboration. Or, l’analyse de cette relation avec la puissance régionale chinoise. Nous étu-
par la littérature souffre du même déséquilibre dierons ensuite un cas d’étude où l’ambivalence
que celui, plus général, qui sous-tend la consta- de l’Asie du Sud-Est face à la Chine se fait tout
tation initiale au cœur du présent ouvrage : elle particulièrement sentir : les conflits en mer de
s’est consacrée en priorité à la façon dont la Chine méridionale.
Chine a mené son entreprise de projection de
puissance au-delà des limites de son territoire
national, sans grande considération pour la ma- La relation entre la RPC et les États
nière dont celle-ci est perçue par les États d’Asie d’Asie du Sud-Est de 1949 à nos jours
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50 du Sud-Est qui en expérimentent les effets. La
majorité des travaux s’intéressant à cette ques- Après une longue période de rapports parti-
tion se concentrent en effet à détailler les capa- culièrement tendus entre la Chine et les États
cités militaires4 de la Chine et ses considérations fondateurs de l’ASEAN, les analystes s’atten-
stratégiques dans la région, soit l’affirmation de daient à ce que la Chine adopte une attitude
sa souveraineté nationale sur des territoires belliqueuse, correspondant à l’affirmation d’une
contestés, le contrôle de sa périphérie de ma- position dominante au plan des capacités maté-
nière à éviter l’encerclement par des puissances rielles face à des puissances moyennes et faibles
rivales, et le maintien de la stabilité régionale (Ba 2006). Toutefois, les relations
par le biais d’une coopération accrue avec les Chine/ASEAN se sont considérablement amé-
États d’Asie du Sud-Est (Goh 2007, 810-11). liorées au fil des ans malgré cette asymétrie et
Pourtant, la prise en compte de l’autre partie de la récurrence de certaines difficultés.
l’équation, c’est-à-dire la manière dont les États
d’Asie du Sud-Est répondent aux ambitions ré-
gionales de la RPC, est cruciale à la compréhen- De 1949 à la fin de la Guerre froide
sion du phénomène de la montée de la Chine à
l’échelle de l’Asie Pacifique comme à l’interna- La proclamation de la République populaire
tional. Les États d’Asie du Sud-Est ne sont cer- de Chine le 1er octobre 1949 inaugure une pé-
tainement pas les récepteurs passifs de riode de consolidation de son environnement
l’expansion chinoise. Au contraire, la manière immédiat qui a d’abord eu d’importantes réper-
dont ces États perçoivent ce phénomène affecte cussions sur la perception des États voisins en
considérablement la façon dont l’interaction se Asie du Sud-Est – le Laos, le Myanmar et le
décline et comment la Chine manœuvre son as- Vietnam – dont le malaise est alors considérable
cension à l’échelle globale, projette sa puissance (Storey 2011). Leur inquiétude est rapidement

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confirmée et s’étend à l’ensemble des États de matiques avec la RPC en 1974, suivie de la Thaï-
la région alors que se met en place dans les an- lande et des Philippines en 1975. La condamna-
nées 1950 une large entreprise d’expansion du tion par la Chine de l’invasion puis l’occupation
communisme chinois en Asie du Sud-Est (Amer vietnamienne du Cambodge en 1978-79, est
1998, 40). Le soutien de la RPC aux partis com- une position partagée par l’ASEAN. L’Indonésie
munistes « frères » opérant au sein des États et Singapour parachèvent le processus de nor-
d’Asie du Sud-Est a constitué le moteur princi- malisation en 1990, Brunei en 1991 (Ba 2003,
pal de l’influence de la Chine sur la région pen- 624-625). La fin de la Guerre froide, puis l’ex-
dant la Guerre froide, particulièrement durant pansion de l’ASEAN au Vietnam en 1995, au
les années 1960 (Storey 2011, 17-18). Cet appui Laos et au Myanmar en 1997 et au Cambodge
a sans surprise provoqué une réaction d’hosti- en 1999 ont confirmé un changement d’orien-
lité de la part des régimes en place et a façonné tation important au plan stratégique qui a eu
durablement la manière dont ceux qui sont par- des répercussions majeures sur la relation entre
venus à s’en prémunir ont envisagé leur sécurité la Chine et les États d’Asie du Sud-Est. Toute-
nationale comme régionale (Goh 2007, 809 ; fois, il faut rappeler que l’amélioration de cette
Acharya 2003, 3 ; Ba 2003, 624). La création de relation s’est principalement faite sur le dos du
l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est Vietnam, qui bénéficiait pendant la Guerre
(ASEAN) en 1967 visait avant tout autre objec- froide d’un soutien de l’URSS dont la Chine ten-
tif à faire front commun pour contenir l’effet tait de contrer l’influence. Bien que les relations
domino et se prémunir contre les insurrections bilatérales de la RPC avec le Vietnam se sont
révolutionnaires qui font alors rage au sein des considérablement améliorées au cours de la pé-
cinq États fondateurs : l’Indonésie, la Malaisie, riode récente (Baviera 2011, 176), elles restent
les Philippines, la Thaïlande et Singapour. Les à ce jour les plus sujettes à conflit parmi les
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préoccupations de sécurité intérieure de ré- États de la région (Storey 2011, 102). L’héritage 51

gimes encore en phase de consolidation postco- du clivage idéologique de la Guerre froide est
loniale affectaient alors considérablement la donc complexe, et il continue d’exercer un im-
perception des États face à la Chine, considérée pact sur les relations entre la RPC et chacun des
comme un important facteur de déstabilisation États membres de l’ASEAN.
(Storey 2011, 24-26). La peur associée à une
convergence perçue de la subversion chinoise,
des insurrections communistes locales et d’une L’après-Guerre froide : La projection
« cinquième colonne » formée par la diaspora in- de puissance militaire de la Chine en Asie
quiétait tout particulièrement (Baviera 2011, du Sud-Est
177). Les États fondateurs de l’ASEAN en sont
venus à voir la stabilité régionale comme néces- La période post-Guerre froide est avant tout
saire au maintien des régimes nationaux et l’au- caractérisée par un changement du contexte
tonomie de la région par rapport à l’ingérence global, l’ascension militaire de la Chine consti-
des grandes puissances, surtout la Chine, tuant un facteur-clé de la sécurité régionale
comme une garantie de stabilité régionale. La pour les États d’Asie du Sud-Est. Le remanie-
déclaration sur la Zone of Peace, Freedom and ment de l’ordre régional dont la Chine est le
Neutrality (ZOPFAN) de 1971 découle d’abord principal catalyseur à partir de 1989 rend la si-
de cette perception, particulièrement forte en tuation incertaine, et la position des États de
Malaisie et en Indonésie à l’époque (Acharya l’ASEAN est particulièrement délicate du fait de
2009, 66-68). Le rapprochement sino-américain leur proximité géographique. De plus, leur désir
pousse les États fondateurs de l’ASEAN à re- d’entretenir des relations constructives avec
considérer la nature de leur interaction avec la l’ensemble des puissances en compétition pour
Chine. La Malaisie normalise ses relations diplo- l’exercice du leadership régional, dans un

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contexte stratégique marqué par l’ambiguïté des tenaire majeur pour bon nombre d’États mem-
priorités des Etats-Unis dans la région, aug- bres au plan stratégique, dans le contexte d’un
mente leur sentiment d’inconfort (Acharya réengagement progressif de la région depuis
2003, 3). Cette incertitude les pousse à s’enga- 2009. L’une des principales manières pour la
ger plus activement dans le développement Chine de s’assurer le soutien des États d’Asie du
d’arrangements institutionnels multilatéraux Sud-Est a été l’établissement d’ententes bilaté-
qui permettent de lier les puissances régionales rales de coopération en matière de défense, qui
au destin de la région. La création en 1994 du encadrent les transferts d’équipement militaire,
Forum régional de l’ASEAN (ARF), le premier le développement d’une industrie de produc-
forum multilatéral instaurant un dialogue offi- tion, la tenue d’exercices conjoints et la mise en
ciel sur les questions de sécurité en Asie Paci- place de programmes de formation dans les
fique et le seul réunissant l’ensemble des pays partenaires, particulièrement au Myanmar
grandes puissances du système international (Acharya 2003, 16). L’ensemble de ces dévelop-
(les Etats-Unis, la Russie, le Japon, la Chine et pements traduit une complexité accrue des re-
l’Union européenne), répond à cet objectif. lations entre les États d’Asie du Sud-Est et
L’ARF est calqué sur le modèle institutionnel et plusieurs puissances régionales et génèrent iné-
les normes diplomatiques de l’ASEAN, qui as- vitablement une ambiguïté dans le positionne-
sure dans ce cadre un leadership nominal sur les ment de l’ASEAN et de ses composantes face à
27 pays membres.5 Pour les États de l’ASEAN, la montée de la Chine (Acharya 2003, 4).
l’ARF offrait le moyen d’influer plus directe-
ment sur le comportement des grandes puis-
sances, la Chine en particulier, d’assurer la La stratégie des États d’Asie du Sud-
stabilité de l’ordre régional post-Guerre froide Est face à la montée de la Chine
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52 et de garantir la résilience régionale face à l’in-
fluence extérieure (Acharya 2009, 6). Malgré Le contexte stratégique post-Guerre froide
l’émergence d’un discours alarmiste sur l’expan- étant caractérisé par un haut niveau d’incerti-
sionnisme chinois en Asie Pacifique chez un tude, les États de l’ASEAN ont élaboré une stra-
certain nombre d’experts, la prétention de la tégie distincte pour se prémunir de toute
Chine à exercer une domination militaire sur la prétention hégémonique de la part de puis-
région semble pour l’instant avoir peu de prise sances régionales en compétition, parmi les-
avec la réalité. La RPC considère davantage né- quelles la Chine semblait être la plus susceptible
cessaire à la réalisation de ses ambitions de ras- de remettre en question le statu quo (Frost
surer les États d’Asie du Sud-Est et cherche 2008, 116). En effet, bien que le niveau de ten-
avant tout à cultiver l’image d’une émergence sions entre les puissances régionales externes
pacifique, plus profitable à son objectif de ait considérablement diminué avec la fin de la
maintien de la stabilité régionale. L’adoption du Guerre froide, les États de l’ASEAN craignaient
New Security Concept à la fin des années 1990, qu’un vide de pouvoir – power vacuum – ne
en adéquation avec la vision coopérative de la soit à la source de nouvelles rivalités pour le
sécurité privilégiée par l’ASEAN, forme le fon- leadership régional (Acharya 2009, 193 ; Em-
dement d’un souci d’apaiser le niveau de ten- mers 2012, 276). Les observateurs prévoyaient
sions, notamment sur le plan de la délimitation en effet deux scénarios possibles pour les États
territoriale (Acharya 2003, 12). Il s’agit pour la de l’ASEAN face à cette situation, s’appuyant
Chine de poursuivre son expansion tout en évi- sur une perspective conventionnelle des rela-
tant de pousser l’ASEAN dans les bras de puis- tions internationales : chercher à contrebalancer
sances régionales rivales, notamment les la montée en puissance de la Chine en s’alignant
États-Unis qui malgré un rôle moins affirmé plus clairement sur une autre puissance de ma-
après la fin de la Guerre froide, restent un par- nière à rétablir l’équilibre (balancing) ou encore

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plier devant l’inévitabilité d’une prédominance taires de défense par les États d’Asie du Sud-
de la Chine pour en tirer le meilleur possible Est reflète en partie seulement une tentative de
(bandwagoning) (Storey 2011, 47). Les États faire contrepoids à la Chine, étant donné l’émer-
d’Asie du Sud-Est ont défié ces prédictions gence d’enjeux non-traditionnels de sécurité
conventionnelles par l’adoption d’une tendance tels le terrorisme, la piraterie maritime et le
hybride, que de nombreux auteurs en Relations crime transnational organisé au sommet des
internationales ont qualifié de stratégie de cou- préoccupations nationales et la persistance de
verture (hedging).6 Bien que l’approche privilé- tensions intra-ASEAN en mer de Chine méridio-
giée par chaque État face à la Chine varie dans nale (Acharya 2003, 19 ; Caballero-Anthony et
le temps et en fonction des enjeux (Chen & al., 2006 ; Storey 2011, 74-75). Les États de
Yang 2013), une orientation générale est néan- l’ASEAN tendent ainsi vers l’« engagement
moins manifeste depuis la fin de la Guerre complexe », c’est-à-dire la multiplication des
froide (Odgaard 2003). Le hedging consiste tentatives de convaincre la Chine d’adopter une
principalement à se prémunir de risques liés à position plus coopérative que conflictuelle de la
une compétition entre puissances par la pour- sécurité régionale en mettant en lumière les
suite de plusieurs options simultanément, cen- points de consensus sur un enjeu particulier. Du
sées produire une neutralisation de tendances point de vue de l’ASEAN, les forums régionaux
contradictoires en situation d’incertitude qui ont émergé dans les années 1990 devaient
(Cheng-Chwee 2008, 163 ; Baviera 2011, 183 ; permettre de rassurer, de persuader et de ren-
Roy 2005 ; Chung 2004). L’application d’une forcer les relations avec les partenaires. En par-
telle stratégie par les États de l’ASEAN se tra- ticulier, les États de la région visaient à
duit selon Evelyn Goh par la combinaison de convaincre la Chine que leurs intérêts étaient
trois options particulières : 1. miser sur la socia- compatibles. Pour les élites de l’ASEAN, l’en-
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lisation de la Chine pour assurer la conformité semble de ces mécanismes, peu importe leur do- 53

de son comportement avec les normes qui en- maine d’action, servent également des visées
cadrent les rapports intra-régionaux ; 2. persua- sécuritaires (Ba 2006, 166). L’ARF joue un rôle
der indirectement d’autres puissances, les important dans l’application de cette approche
États-Unis d’abord étant donné le retrait des face à la Chine, particulièrement depuis la fin
troupes annoncé en 1992 dans le cadre de la des années 1990, et sert en outre l’objectif de
East Asia Security Initiative, mais également stabilité régionale de l’ASEAN en assurant le
l’Australie, la Corée du Sud, l’Inde et le Japon maintien d’un certain engagement des États-
de maintenir un engagement dans la région de Unis dans la région, en garantissant dans le
manière à contrebalancer l’influence de la même temps une continuité du dialogue sino-
Chine ; 3. favoriser l’interaction entre les puis- américain, et en persuadant les puissances ex-
sances en les emmêlant dans une toile d’insti- ternes d’adopter des règles de conduite
tutions multilatérales afin de réduire les risques acceptable (Acharya 2009, 209). Les États
de déstabilisation de l’ordre régional (Goh 2007, d’Asie du Sud-Est portent ainsi une attention
826). Selon Ba, “…the economic and political- toute particulière à éviter de s’aligner sur la
security uncertainties surrounding the US role Chine, comme de la provoquer en s’alliant de
in Southeast Asia made it especially important manière exclusive avec une puissance rivale
for ASEAN to engage China and improve rela- (Acharya 2003, 2). Il s’agit avant tout de main-
tions as a kind of hedge against the possibility tenir avec elle une relation constructive, et ainsi
of further US retrenchment. Better relations de tirer son épingle du jeu face à l’ascension chi-
with China, in other words, became imperative noise, qui est vue comme irrémédiable. Plus gé-
in the context of weakened US security and néralement, l’ASEAN cherche à maintenir une
economic commitments to Southeast Asia.” (Ba indépendance relative face à une influence ex-
2006, 164). Le renforcement des capacités mili- térieure, un objectif qui, comme on l’a vu pré-

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cédemment, était déjà fondamental pour l’orga- manière dont les États d’Asie du Sud-Est per-
nisation durant la Guerre froide. Depuis le début çoivent la montée de la Chine et les stratégies
des années 2000, la diplomatie chinoise a visé à qu’ils privilégient pour y faire face dépendent
convaincre les États d’Asie du Sud-Est que l’ac- en bonne partie de considérations géopolitiques
croissement de ses capacités militaires ne repré- particulières (Acharya 2003, 2). Chen et Yang
sentait pas une menace, ce qui a eu un impact font d’ailleurs la démonstration de différences
certain sur leur manière d’interagir avec elle. relativement importantes entre le Vietnam (qui
Malgré une résurgence de tensions territoriales perçoit la montée de la Chine d’un moins bon
dans la période récente et l’ambivalence carac- œil), le Cambodge (généralement moins mé-
téristique des relations entre la Chine et les pays fiant) et Singapour (qui adopte une position
de l’ASEAN, cet effort de la part de la Chine a plus ambivalente, qui varie en fonction des en-
certainement contribué à abaisser le niveau de jeux) à cet égard (Chen & Yang 2013, 278-284).
tension dans la région (Shambaugh 2005, Wo- L’implication de certains États dans des diffé-
mack 2004). Néanmoins, il est important de rends territoriaux ayant cours en mer de Chine
souligner que, bien qu’on ait souvent tendance méridionale a évidemment un impact majeur
à l’oublier, l’approche de l’ASEAN face à la sur leurs relations bilatérales avec la RPC. La
montée de la Chine a été déterminante dans persistance des différends territoriaux en mer
l’amélioration relative de leurs relations depuis de Chine méridionale, qui opposent la RPC à
la fin de la Guerre froide (Ba 2006). À l’heure quatre États membres de l’ASEAN (Brunei, la
où les Etats-Unis confirment leur retour en Asie Malaisie, les Philippines et le Vietnam) occupe
de l’Est par une « stratégie du pivot » plus du- une place prépondérante dans la relation de la
rable qu’il n’y paraissait au départ, particulière- Chine et de l’ASEAN au plan stratégique. Ce
ment au plan stratégique et ce principalement type de conflits traduit probablement le plus
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54 en raison de craintes liées à la projection de clairement l’ambivalence de la position des
puissance militaire de la Chine dans la région, la États d’Asie du Sud-Est face à l’ascension mili-
capacité des États de l’ASEAN à naviguer dans taire de la Chine et l’enchaînement de périodes
l’incertitude géopolitique et de tirer son épingle de confrontation et de collaboration qui marque
du jeu de la rivalité entre grandes puissances leurs relations (Acharya 2003). Les conflits ter-
sera déterminante (Chye 2012). ritoriaux en mer de Chine méridionale recoupe
deux zones de contentieux distincts, soit l’ar-
chipel des Paracel et celui des Spratley. Le
L’impact des différends territoriaux contrôle sur les îles Paracel, une zone de 25 000
en mer de Chine méridionale km2 composé d’environ 70 îlots, en plus d’un
nombre similaire de bancs de sable et de récifs,
L’observation d’une tendance générale parmi est actuellement assuré par la RPC via leur rat-
les États d’Asie du Sud-Est face à la Chine tachement administratif à la province de Hai-
n’équivaut pas à leur attribuer une position nan, mais disputé par Taiwan et le Vietnam. Les
commune. Il est nécessaire de prendre en îles Spratley recoupent quant à elles une zone
compte certaines nuances importantes dans la de 250 000 km2 composée d’environ 230 îlots,
manière dont les différents États de la région in- dont la délimitation est la source de conflits
teragissent avec la Chine, notamment dans le entre la Chine, le Vietnam, la Malaisie, les Phi-
domaine de la sécurité. En effet, Ian Storey sou- lippines et Brunei – le seul État qui n’en occupe
ligne que l’influence de la Chine sur le Myan- pas militairement une partie. La Chine maintient
mar, le Laos et le Cambodge est historiquement des revendications sur ces deux zones selon des
plus forte qu’en ce qui concerne le Vietnam et prétentions historiques. La perception répandue
les membres fondateurs de l’ASEAN (Storey selon laquelle la zone abriterait de grandes
2011, 84). Acharya démontre en outre que la quantités d’hydrocarbures, même si elle n’est

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pas avérée, est une source importante de ten- marquait une évolution radicale par rapport à la
sions (Storey 2011, 46). La question de la déli- position traditionnelle de la RPC sur le sujet, qui
mitation territoriale en mer de Chine revendique la souveraineté sur les îles en ques-
méridionale constitue un élément incontourna- tion sur la base de droits historiques. Lors de la
ble de la relation entre la Chine et les États même rencontre, un porte-parole du ministère
d’Asie du Sud-Est depuis 1988, lorsqu’un dés- réaffirmait pourtant les prétentions chinoises à
accord relatif à la souveraineté sur le récif John- une souveraineté indisputable sur ces îles et les
son dans les îles Spratley a entraîné des eaux adjacentes, rejetant par ailleurs l’idée que
affrontements maritimes armés entre la Chine l’ARF puisse jouer un rôle dans les discussions
et le Vietnam. L’affirmation des prétentions de sur cette question. » (Acharya 2009, 158 ; tra-
la Chine dans cette zone durant les années 1990 duction libre). L’occupation par la Chine du Mi-
a considérablement inquiété les autres parties schief Reef révélée la même année, au même
au conflit, et est depuis considéré comme un titre qu’un incident impliquant la marine malai-
enjeu majeur de la relation de la Chine avec les sienne et des pêcheurs chinois, accroit le niveau
États d’Asie du Sud-Est dans la période post- de tensions. La réaction des États de l’ASEAN à
Guerre froide (Acharya 2003, 4). La situation a l’occupation du récif Mischief, perçue par les
alors atteint une telle gravité qu’un accord sur Philippines comme l’expression d’un expan-
la sécurité régionale d’une importance sans pré- sionnisme chinois dans la région (Acharya 2003,
cédent est adopté par l’ASEAN. La Declaration 6 ; Emmers 2003, 138), pousse la Chine à mon-
on the South China Sea de 1992 avait pour but trer une plus grande flexibilité sur la question,
de limiter l’usage de la force en mer de Chine notamment en reconnaissant la légitimité de la
méridionale et d’encourager les parties à la re- Convention des Nations Unies sur le droit de la
tenue (Ba 2003, 627-28). Elle inaugurait égale- mer (UNCLOS) et en acceptant de discuter avec
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ment une série de tentatives de développer une l’ASEAN dans le cadre de forums multilatéraux 55

position commune parmi les États de l’ASEAN, (Acharya 2003, 5 ; Ba 2003, 633). Cette straté-
un objectif qui ne s’est toujours pas concrétisé gie porte fruit en ce qui concerne la Malaisie,
depuis. Bien que Ba suggère que cet accord a dont le gouvernement rejette publiquement en
entraîné des concessions rhétoriques de la part 1997 l’idée selon laquelle la Chine menacerait
de la Chine, l’occupation par cette dernière du les États de la région, le premier ministre Ba-
récif Mischief, sous la juridiction des Philip- dawi, le successeur de Mahatir, allant même
pines, a remis en question l’efficacité des efforts jusqu’à la décrire comme une force de paix et
précédents. L’incident a confirmé une transfor- de stabilité (Baviera 2011, 177). Les efforts de
mation dans la manière dont les États de la Chine et de l’ASEAN sont alors concentrés sur
l’ASEAN percevait la Chine, dont l’influence ne le développement d’un code de conduite qui li-
se traduisait dès lors plus par une entreprise de miterait le recours à la force entre les parties, et
subversion exercée au plan domestique mais aboutissent dans l’adoption de la Declaration on
par une présence militaire visant à affirmer des the Conduct of Parties in the South China Sea
revendications territoriales concurrentes (Ba en 2002. Le document n’est pas juridiquement
2003, 628). En outre, la discordance entre les contraignant ; il ne confirme pas la mise en
déclarations officielles de Beijing et sa conduite œuvre d’un code de conduite, mais réaffirme de
en pratique. Acharya rappelle par exemple que manière formelle l’engagement des États à y
« le ministre chinois des Affaires étrangères, lors parvenir (ASEAN 2002 ; Emmers 2003, 141-
d’une rencontre de l’ARF en 1995 à Brunei, a 142). La déclaration confirme l’adoption d’une
surpris son auditoire en acceptant les conven- nouvelle posture par la Chine dans ses rapports
tions des Nations Unies (y compris sur le droit avec l’ASEAN. Cette posture a un écho sur les
de la mer) comme fondement pour la résolution relations de la RPC avec le Vietnam et les Phi-
des conflits en mer de Chine méridionale. Cela lippines, qui acceptent en 2004 la tenue d’opé-

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LA CHINE ET L’ASIE DU SUD-EST : UNE RELATION AMBIVALENTE

rations conjointes d’exploration pétrolière en vendications liées à la délimitation de leur pla-


territoires contestés (Baviera 2011, 178). De teau continental auprès des Nations Unies par
plus, l’exclusion de Taiwan comme partie à la plusieurs États de l’ASEAN contribue également
déclaration entérine la reconnaissance par à raviver les tensions. La remise à l’ordre du jour
l’ASEAN de la « politique de la Chine unique ». du projet de code de conduite en mer de Chine
Ces développements inaugurent une période méridionale au cours des plus récents sommets
d’accalmie dans la région (Storey 2011, 57-59). de l’ASEAN et les efforts soutenus des Philip-
Comme nous l’avons évoqué plus tôt, à partir pines et de l’Indonésie en faveur de l’adoption
des années 2000, la diplomatie chinoise envers d’une position commune par l’organisation sem-
les pays d’Asie du Sud-Est est caractérisée par blent indiquer que la relation de la RPC avec les
une « offensive de charme », qui vise à convain- États d’Asie du Sud-Est pourraient prendre une
cre les États de la région que la Chine représente nouvelle tournure. Il est néanmoins important
une puissance bénigne ne posant pas de menace de noter, à l’issue de cette remise en perspec-
stratégique à ses voisins malgré l’augmentation tive, à quel point la perception de la Chine par
de ses capacités militaires (Storey 2011, 66). les États d’Asie du Sud-Est au plan de la sécurité
L’élan initial de la plupart des analystes de la régionale s’est améliorée depuis 1949. Si la
montée de la Chine a été de présumer que cette montée de la Chine a nécessairement des im-
dernière adopterait une attitude belliqueuse en pacts considérables sur la sécurité régionale, les
Asie du Sud-Est, reflétant ses rancunes histo- effets de ce phénomène au plan économique
riques avec certains États, ses prétentions ter- pour les États d’Asie du Sud-Est ont également
ritoriales et une culture stratégique réaliste. Or, une importance capitale. Ces derniers oscillent
la « menace chinoise » a été grandement atté- ainsi constamment dans leur perception de la
nuée par le rôle de la Chine dans l’évolution des Chine comme menace et opportunité tant au
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56 mécanismes multilatéraux de sécurité coopéra- plan sécuritaire qu’économique, ce que nous dé-
tive, dont une dizaine d’ententes bilatérales taillerons dans un deuxième temps. Il est en
avec les États de l’ASEAN sur la sécurité, six effet impossible d’obtenir une vision complète
concernant la défense (Baviera 2011, 176). de la relation ambivalente que les États de
Jusqu’en 2007, la tendance à parler de la Chine l’ASEAN entretiennent avec la Chine sans
comme d’une menace à la sécurité régionale est considérer l’aspect économique de leur relation.
certes toujours présente parmi les experts, mais L’attractivité de la Chine à ce niveau est incon-
reflète une perspective de plus en plus margi- testable, mais une certaine part d’ombre carac-
nale (Shambaugh 2004, 67). L’attitude des États térise également leur interaction dans ce
historiquement anti-communistes (Indonésie, domaine.
Malaisie, Philippines, Singapour et la Thaïlande)
et du Vietnam, en particulier, s’est ainsi consi-
dérablement transformée au fil des ans (Baviera II. La relation Chine/
2011, 176-177). Toutefois, la résurgence de ten- Asie du Sud-Est
sions entre la Chine et le Vietnam sur la délimi-
tation territoriale dans les Paracel à partir de dans le domaine économique
2007 a remis les conflits en mer de Chine méri-
dionale au sommet des priorités de sécurité ré- La Chine et plusieurs pays d’Asie du Sud-
gionale. Ces développements récents ont Est ont connu un développement économique
également affecté les relations de la Chine avec rapide depuis les années 1970. En Chine par-
les Philippines, qui ont refusé en 2008 de re- ticulièrement, la croissance a été spectacu-
nouveler leur participation au projet conjoint laire. Les réformes mises en œuvre sous Deng
d’exploration des ressources maritimes dans les Xiaoping à partir de 1978 pour moderniser
Spratly (Storey 2011, 92). La soumission de re- l’économie chinoise – et qui visaient notam-

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ment à accroître les relations économiques Les relations économiques


avec l’étranger - ont transformé le pays (Tis- entre la RPC et les États d’Asie
dell 2009, 275.) En moins de trente ans, la
Chine a vu son PIB multiplié par 13 alors que
du Sud-Est de 1949 à nos jours
le pourcentage de son commerce extérieur est De 1949 à 2013, nous pouvons distinguer
passé de 9,8% à plus de 60% de son PIB (Tis- trois phases principales dans l’évolution des re-
dell 2009, 282-84). De 1980 à 2000, l’écono- lations économiques entre la Chine et l’Asie du
mie chinoise a connu une croissance moyenne Sud-Est. La première phase, de la naissance
de plus de 10% par année (Jomo 2006, 2) et de la République populaire de Chine en 1949
le nombre de personnes vivant dans la pau- jusqu’à la mise en œuvre des réformes écono-
vreté a diminué de 250 millions à 15 millions miques chinoises vers 1979, est marquée par
(Tisdell 2009, 282-84). Pendant cette période, une faible intensité des relations économiques.
plusieurs pays d’Asie du Sud-Est ont aussi La deuxième phase, de 1980 jusqu’à 1996, se
connu une croissance rapide – bien que moins caractérise par une augmentation rapide des
spectaculaire que celle de la Chine. Entre 1980 échanges économiques mais dans un contexte
et 2000, l’Indonésie (5,2%), la Malaisie (6,2%), où on se méfie encore beaucoup des intentions
la Thaïlande (5,9%), Singapour (7,4%) et le de la Chine. Puis la troisième phase, de 1997 à
Vietnam (6,4%) ont tous connu une crois- 2013, en est une marquée par une amélioration
sance annuelle moyenne de leur PIB supé- de la perception de la Chine chez les pays d’Asie
rieure à 5% (Jomo 2006, 2). Pour mettre ses du Sud-Est et par une coopération et une inté-
performances en contexte, notons par exem- gration économique plus poussée.
ple que selon les données de la Banque mon-
diale, la croissance annuelle moyenne des
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économies d’Europe et des États-Unis au 1949-1979 : des relations économiques 57

cours des 10 dernières années se situe autour anémiques


de 2% ou 3%. Mais qu’en est-il des relations
économiques entre la Chine et l’Asie du Sud- Durant la première phase (1949-1979), la
Est ? Comment les pays d’Asie du Sud-Est Chine a poursuivi un modèle de développement
perçoivent-ils la montée de la Chine et quelles axé sur l’autosuffisance et la substitution des
stratégies mettent-ils de l’avant pour y faire importations (Baviera 1999, 32). Sur le plan
face ? La deuxième partie de cet article est économique, la Chine accordait donc peu d’im-
consacrée à une analyse des relations écono- portance aux relations extérieures, que ce soit
miques entre la Chine et l’Asie du Sud-Est et avec l’Asie du Sud-Est ou d’autres régions. De
vise à répondre à ces questions. Nous présen- plus, le « prosélytisme révolutionnaire » de la
terons d’abord l’évolution de ces relations de Chine à cette époque alimentait la perception
1949 à nos jours en distinguant trois grandes d’une menace chinoise en Asie du Sud-Est, sur-
phases : une phase de relations économiques tout du côté des cinq pays fondateurs de
anémiques de 1949 à 1979 ; une phase d’aug- l’ASEAN7, soit l’Indonésie, la Malaisie, les Phi-
mentation rapide des échanges de 1980 à lippines, la Thaïlande et Singapour.
1996 ; puis une phase d’intégration écono-
mique de 1997 à 2013. Nous nous attarderons
ensuite à la stratégie principale mise en œuvre 1980-1996 : augmentation rapide
par les pays d’Asie du Sud-Est pour faire face mais prudente des relations commerciales
à la montée de la Chine sur le plan commercial
ainsi qu’à la variété des perceptions entrete- Puis dans les années 1980 s’amorce une
nues par les différents pays de la région au deuxième phase. La Chine prend un virage im-
sujet du rôle économique de la Chine. portant vers la libéralisation économique avec

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LA CHINE ET L’ASIE DU SUD-EST : UNE RELATION AMBIVALENTE

les politiques mises en place par Deng Xiaoping compétition chinoise pour l’obtention des in-
et, conséquemment, les échanges entre la Chine vestissements directs étrangers en Asie. Au len-
et l’Asie du Sud-Est augmentent rapidement. demain de la Guerre froide donc, la Chine est
D’après les données de la Banque asiatique de surtout perçue par l’ASEAN comme un compé-
développement, elles sont passées de moins de titeur sur le plan économique. Frost (2008, 117)
$3 milliards en 1984 à plus de US$21 milliards soutient qu’avant la crise financière de 1997, la
en 1996 (ADB 2012, 17). Baviera (1999, 12) Chine est perçue par de nombreux pays asia-
note cependant que malgré une croissance de tiques avec méfiance et inquiétude. Si cette mé-
leurs relations économiques, la Chine et l’Asie fiance est apparente au plan des relations
du Sud-Est étaient encore relativement peu im- économiques, elle est étroitement liée au
portants l’un pour l’autre en terme de pourcen- contexte sécuritaire. En effet, des actions pro-
tage du total de leurs activités de commerce et vocatrices comme des tests de missile près de
d’investissements au milieu des années 1990. Taiwan et la prise de contrôle de récifs en mer
Les échanges commerciaux pendant cette pé- de Chine méridionale au cours de la décennie
riode étaient poursuivis moins pour leur impor- 1990 vont provoquer des réactions très cri-
tance économique propre que pour favoriser le tiques dans la région. Consciente de l’image né-
développement des relations politiques. En gative qu’elle projette en Asie du Sud-est et
1996, les principaux partenaires commerciaux désireuse de garantir sa propre modernisation
de la Chine en Asie du Sud-Est étaient Singa- économique, la Chine entreprend donc de révi-
pour, l’Indonésie, la Malaisie et la Thaïlande ser sa stratégie de sécurité nationale au milieu
(Baviera 1999, 13). Même s’il s’agit d’un évé- des années 1990 (Frost 2008, 117). Cette révi-
nement majeur des relations internationales, la sion aboutira à l’élaboration du New Security
fin de la Guerre froide n’a pas marqué une in- Concept abordé plus haut, qui englobe des
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58 tensification immédiate des relations écono- considérations à la fois politiques, économiques,
miques entre l’Asie du Sud-Est et la Chine. Au diplomatiques et sécuritaires. Ce « nouveau
début des années 1990, malgré la croissance des concept » représente un point tournant des re-
échanges et le rétablissement des relations di- lations entre la Chine et l’Asie du Sud-Est non
plomatiques de la Chine avec plusieurs pays de seulement parce qu’il intègre les considérations
la région, la perception d’une menace chinoise économiques, mais aussi surtout parce qu’il an-
est encore bien présente. Selon Thayer (2011, nonce un soutien nouveau de la Chine au mul-
237), c’est ce qui explique d’ailleurs le manque tilatéralisme en Asie (Thayer 2011, 238). Il
de profondeur des relations entre la Chine et s’agissait donc d’un premier pas important vers
l’Asie du Sud-Est à cette époque. La Chine à la l’amélioration des rapports économiques entre
fin de la Guerre froide représente donc surtout la Chine et l’Asie du Sud-Est. Le véritable point
un défi pour l’Asie du Sud-Est sur le plan éco- tournant fut cependant le rôle joué par la Chine
nomique. Par exemple, les deux dévaluations pendant la crise financière asiatique de 1997-
du yuan à hauteur de 40% en 1991 et en 1994 98 (Shekar 2012b, 257).
ont coûté cher aux pays de la région (Boisseau
du Rocher 2009, 294). En effet, cela a favorisé
la croissance des exportations chinoises aux dé- 1997-2013 : intégration économique
pends des exportations des pays d’Asie du Sud-
Est, ainsi qu’au déplacement massif Après plusieurs années d’une croissance éco-
d’investissements directs étrangers de l’Asie du nomique rapide, plusieurs pays d’Asie du Sud-
Sud-Est vers la Chine. Selon Nesadurai (2012, Est sont frappés de plein fouet par une
322), la création de la zone de libre-échange au importante crise financière en 1997-98. Cette
sein de l’ASEAN en 1992 doit être comprise en crise, comme la fin subite de la Guerre froide
partie comme une réponse régionale face à la d’ailleurs, n’a pas été anticipée par les experts

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(Katzenstein 2000, 361). À partir de 1996 donc, la Chine a offert plus de US$600 millions dans
la Thaïlande voit sa situation économique com- le cadre du plan de sauvetage du FMI, en crédits
mencer à se dégrader lorsque ses exportations à l’exportation et en médicaments et autres ma-
diminuent en raison notamment de la récession tériels (Baviera 1999, 24). La Thaïlande entre-
japonaise et de la concurrence croissante de la tenait depuis longtemps de meilleures relations
Chine. Une pression à la baisse s’exerce alors sur avec la Chine que la plupart des autres pays de
la monnaie thaïlandaise etle gouvernement dé- la région, mais l’assistance apportée par la Chine
cide de laisser flotter le baht à partir de juillet lors de la crise a certainement aidé à consolider
1997. Rapidement, les capitaux internationaux sinon améliorer la perception de la Chine dans
quittent la région et plusieurs pays d’Asie du ce pays. D’ailleurs, un sondage mené en 2003
Sud-Est se retrouvent aux prises ace une grave montrait que 76% de la population thaïlandaise
crise financière : la Thaïlande, la Malaisie, l’In- identifiait la Chine comme le meilleur ami de la
donésie et les Philippines voient leur devise Thaïlande (Vaughn et Morrison 2006, 25). Le
perdre entre 35% et 80% de leur valeur8. Impli- rôle positif joué par la Chine lors de la crise fi-
qué dans la crise du peso mexicain seulement nancière de 1997-98 a donc favorisé un rappro-
quelques années auparavant, le gouvernement chement avec l’Asie du Sud-Est sur le plan des
américain ne se montre pas pressé de se porter relations économiques. En effet, l’augmentation
au secours des pays d’Asie du Sud-Est. Aucune des échanges commerciaux annuels entre la
aide directe n’est offerte par les États-Unis. Chine et l’ASEAN depuis la crise financière de
Quant au Fonds monétaire international (FMI), 1997-98 est considérable. Selon la Banque asia-
ses politiques ont exacerbé la crise asiatique de tique de développement, la valeur de ces
1997 selon Stiglitz (2003, 18). Non seulement le échanges est passée de $23 milliards en 1997 à
FMI a mis du temps à réagir pour répondre à la $231 milliards en 2008 (ADB 2012, 1). Après
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crise, mais les conditions attachées à son aide avoir connu une baisse suite à la crise financière 59

financière irritent les pays de la région. Le et économique mondiale de 2008, les échanges
Japon tente quant à lui de proposer la création commerciaux ont rapidement repris de la vi-
d’un Fonds monétaire asiatique, mais l’initiative gueur pour s’élever à $319 milliards en 2012
est découragée par les États-Unis et le FMI. (ASEAN Statistics). Si bien que la Chine est de-
Tout cela fera en sorte que le rôle des États-Unis venue le plus important partenaire commercial
et du FMI pendant la crise sera perçu de ma- extérieur de l’ASEAN (ADB 2012, 2). Leurs re-
nière très négative en Asie du Sud-Est. L’occa- lations économiques ayant pris une tournure
sion était belle pour la Chine de se présenter plus positive la Chine et l’ASEAN commencent
comme un « bon voisin » et de mettre en pra- à coopérer plus étroitement. En 1998, le forum
tique ses nouvelles orientations axées sur le de l’ASEAN+3 (Chine, Japon, Corée du Sud) est
multilatéralisme. La décision de la Chine ne pas institutionnalisé à travers le « Joint Statement
dévaluer sa monnaie et d’offrir une aide directe of East Asia Cooperation » qui identifie huit do-
à la Thaïlande et à l’Indonésie lors de la crise ont maines de coopération, dont la coopération éco-
marqué un tournant des relations économiques nomique, monétaire et financière. Puis en mai
avec l’Asie du Sud-Est. Selon Boisseau Du Ro- 2000, l’ASEAN+3 lance l’Initiative de Chiang
cher (2009, 294), ces décisions ont permis à la Mai, un plan visant à fournir rapidement des li-
Chine de se présenter comme une puissance res- quidités, advenant une autre crise financière
ponsable et ont joué un rôle clé dans l’amélio- comme celle survenue en 1997-98. À l’automne
ration de son image. Lors de la crise, la Chine a 2000, le Premier ministre chinois Zhu Rongji
offert un total de $4 milliards d’aide et a aussi évoque pour la première fois l’idée d’une zone
mis en œuvre une politique visant à stimuler la de libre-échange Chine-ASEAN (Bustelo 2003),
demande domestique afin de favoriser la reprise zone qui inclurait plus de 2 milliards de per-
économique en Asie du Sud-Est.9 À l’Indonésie, sonne. Seulement deux ans plus tard, en 2002,

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LA CHINE ET L’ASIE DU SUD-EST : UNE RELATION AMBIVALENTE

la Chine et l’ASEAN signaient le “Framework La stratégie des États d’Asie


Agreement on Comprehensive Economic Co- du Sud-Est face à la montée
operation between ASEAN and the PRC” dans
lequel les parties s’engageaient à compléter la
de la Chine sur le plan commercial
mise en œuvre d’un accord de libre-échange Nous avons vu que depuis 1949, les relations
(ACFTA) à compter de 2010. L’accord Chine- économiques entre la Chine et l’Asie du Sud-Est
ASEAN prévoyait notamment la réduction des ont connu trois phases distinctes : une phase ca-
barrières tarifaires chinoises de 9,8% à 0,1% sur ractérisée de manière générale par une faible in-
les produits provenant de l’ASEAN. Pour les tensité des relations économiques (1949-1979) ;
pays de l’ASEAN-6, les tarifs imposés aux pro- une phase d’augmentation rapide mais prudente
duits chinois sont réduits de 12,8% à 0,6% dès des échanges commerciaux (1980-1996) ; puis
2010 alors que les quatre plus récents membres une phase d’intégration économique plus pro-
de l’ASEAN (Myanmar, Cambodge, Laos et fonde qui se développe après la crise financière
Vietnam) ont jusqu’en 2015 pour abaisser leurs de 1997-98 et qui culmine avec la signature
barrières tarifaire à 0,6% pour les produits chi- d’un accord de libre-échange (1997-2013). Pen-
nois. (ADB 2012, 1) Selon Lijun (2003, 6), les dant la troisième phase particulièrement, il est
motivations chinoises derrière la signature de indéniable que l’ASEAN a joué un rôle clé pour
cet accord de libre-échange sont d’adoucir la permettre aux pays d’Asie du Sud-Est de faire
perception d’une menace chinoise et de favori- face collectivement à la montée de la Chine.
ser l’intégration régionale pour mieux faire face Mais ce portrait des relations économiques
aux crises. Cet accord représente aussi la mise Chine-Asie du Sud-Est masque aussi des
en application du nouveau concept de sécurité nuances importantes dans la manière dont les
chinois qui plaide pour un monde multipolaire pays de la région perçoivent la Chine sur le plan
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60 et l’intégration des considérations économiques économique. Dans cette sous-section, nous al-
comme enjeu de sécurité. Pour l’ASEAN, l’ac- lons donc nous attarder d’abord à la stratégie
cord présente de très grands avantages. Selon principale mise en œuvre par l’ASEAN pour
Shekhar (2012 a , 234), les bénéfices de faire face à la montée de la Chine ; puis aux dif-
l’ACFTA pour les pays d’Asie du Sud-Est in- férents points de vue entretenus par les pays de
cluent l’augmentation considérable du volume la région au sujet de la Chine.
des échanges de biens et services ; l’approfon-
dissement des réseaux de production intra ré-
gionaux; et une plus grande coopération La stratégie de couverture de l’ASEAN
régionale dans le développement des infrastruc-
tures. Pour Sen (2003, 77), l’ACFTA favorise Avec la fin de la Guerre froide et le retrait des
également la réduction des coûts de transaction troupes vietnamiennes du Cambodge en 1991,
et un approvisionnement plus efficace de ma- l’ASEAN se retrouve pour la première fois sans
tériaux et composantes qui avantageront les menace extérieure directe et entame un appro-
pays impliqués dans des systèmes de produc- fondissement de sa coopération politique et
tion régionaux. L’accord pourrait aussi permet- économique. C’est donc depuis le milieu des an-
tre à l’ASEAN de récupérer une partie des nées 1990 que les pays de l’ASEAN ont com-
investissements directs étrangers qui se sont mencé à démontrer une volonté de répondre de
déplacés de leur région vers la Chine depuis les manière collective aux défis qui se posent à la
années 1990 (APNFS 2004, 5). Les impacts éco- région, dont la montée de la Chine (Shekar
nomiques de l’ACFTA et de l’intensification des 2012b, 254). Comme nous l’avons mentionné
relations avec la Chine de manière générale va- dans la première section de cet article concer-
rient cependant d’un pays à l’autre dans la ré- nant les relations Chine / Asie du Sud-Est dans
gion. Nous y reviendrons plus loin. le domaine de la sécurité, on peut décrire la

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stratégie mise en œuvre par l’ASEAN dans ses Japon est plutôt favorable à un accord commer-
rapports avec la Chine comme une stratégie de cial régional négocié dans le cadre du Sommet
couverture. Celle-ci vise principalement le de l’Asie de l’Est (ou ASEAN+8) qui inclut tous
maintien d’une indépendance relative de les membres de l’ASEAN+3, mais aussi l’Inde,
l’ASEAN en évitant, d’une part, de s’aligner di- l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis
rectement sur la Chine; puis, d’autre part, de et la Russie. La Chine s’oppose à ce qu’un accord
s’aligner directement sur des puissances rivales de libre-échange régional soit négocié sous
de la Chine. L’ASEAN mise donc surtout la so- l’égide du Sommet de l’Asie de l’Est (Shekar
cialisation de la Chine à travers ses différents 2012b, 259). Fidèle à sa stratégie de couverture,
forums; l’inclusion d’autres puissances dans les l’ASEAN a décidé de poursuivre des discussions
processus régionaux ; et sur l’interaction entre parallèles. D’une part, les discussions au sujet
la Chine et les autres puissances pour garantir d’un accord régional se poursuivent avec la
la stabilité régionale. Comme le soutiennent Chine au sein de l’ASEAN+3. De l’autre,
Vaughn et Morrison (2006, 23), les pays d’Asie l’ASEAN a donné son appui en 2011 à l’inclu-
du Sud-Est tentent de maximiser les bénéfices sion des États-Unis au sein du Sommet de l’Asie
que peut leur rapporter l’approfondissement de l’Est (Yoshimatsu 2012) et les discussions se
des liens avec la Chine tout en se prémunissant poursuivent au sein de ce forum aussi. En me-
des menaces que pourrait représenter une poli- nant des discussions parallèles au sein des deux
tique étrangère chinoise plus agressive. Sur le forums (ASEAN+3 et Sommet de l’Asie de
plan des relations économiques, cela s’est tra- l’Est), l’ASEAN tente donc de s’aligner en partie
duit notamment par la signature d’accords com- sur les intérêts de la Chine tout en contenant
merciaux par l’ASEAN avec la Chine. Nous son influence grâce à l’intégration d’autres puis-
avons discuté précédemment de l’ACFTA, i.e. sances économiques.
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de l’accord de libre-échange entre l’ASEAN et 61

la Chine, signée en 2002. Par cette entente,


l’ASEAN se rapprochait de la Chine. Et si Des impacts variés et des perceptions
l’ASEAN s’en était tenu à cet accord, on aurait différentes
pu parler d’un alignement avec la Chine. Mais
parallèlement à ces discussions, l’ASEAN négo- Sur le plan commercial, la montée de la Chine
ciait aussi des ententes avec d’autres puissances est généralement vue de manière positive en
régionales. Ainsi, peu de temps après, l’ASEAN Asie du Sud-Est aujourd’hui, car elle représente
annonçait également la signature d’accords de le principal moteur de croissance économique et
libre-échange avec l’Inde (2003), le Japon de développement pour la région (Shekar
(2003) et la Corée du Sud (2005). Ce faisant, 2012b, 260 ; Pangestu 2005, 211 ; Boisseau du
l’ASEAN évitait de s’aligner exclusivement sur Rocher 2009, 294). Mais tout n’est pas pour au-
une seule puissance régionale. Les discussions tant au beau fixe. Sen estimait en 2003 que
qui ont cours au sujet de la création d’une vaste l’ACFTA aurait des conséquences différentes
zone de libre-échange asiatique offrent égale- sur les pays de l’ASEAN selon que leur écono-
ment un bon exemple de la stratégie de couver- mie est complémentaire ou en compétition avec
ture employée par l’ASEAN. D’un côté, la Chine celle de la Chine (Sen 2003, 77). Et selon Shekar
a proposé il y a quelques années la création d’un (2012a, 234), certains pays de la région ont ef-
« East Asian Free Trade Area (EAFTA) » qui re- fectivement perdu leurs avantages comparatifs
grouperait les 10 pays de l’ASEAN, la Chine, le et ont vu s’accroître leur déficit commercial
Japon et la Corée du Sud. L’ASEAN+3 est le avec la Chine depuis la mise en place de
forum privilégié par la Chine pour engager des l’ACFTA (Shekhar 2012a, 234). Les impacts de
discussions au sujet d’un accord commercial ré- l’intensification des relations commerciales se
gional (Shekar 2012b, 258). De l’autre côté, le font donc sentir différemment d’un pays à l’au-

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LA CHINE ET L’ASIE DU SUD-EST : UNE RELATION AMBIVALENTE

tre et ils influencent la perception de la Chine grants chinois dans leurs usines plutôt que des
qu’entretiennent ces pays. Selon Chen et Yang travailleurs vietnamiens, ce qui alimente la per-
(2013, 274) on peut diviser les pays de la région ception négative de la Chine. (Chen et Yang
en deux groupes : le Brunei, le Cambodge, la 2013, 279). En Indonésie, l’augmentation des
Malaisie, le Myanmar et Singapour qui ont une exportations chinoises crée des tensions au ni-
perception plutôt positive de la Chine sur le veau domestique (Chandra et Lontoh 2011, 5).
plan économique ; puis l’Indonésie, le Laos, les Depuis la mise en œuvre de l’ACFTA en 2010,
Philippines, la Thaïlande et le Vietnam qui ont le surplus commercial que l’Indonésie affichait
une perception plus négative. Les pays qui ont avec la Chine a diminué (Chandra et Lontoh
une image plutôt positive de la Chine sur le plan 2011, 3). L’Indonésie s’est d’ailleurs plainte des
économique sont ceux qui s’attendent à retirer retombées négatives de l’accord de libre-
des bénéfices importants de cette relation. Au échange avec la Chine et celle-ci a répondu fa-
Cambodge par exemple, l’aide et les investisse- vorablement en offrant des concessions
ments chinois ont une importance capitale. La unilatérales à certains pays de la région (She-
Chine est le plus grand contributeur d’aide éco- khar 2012a, 230).
nomique au Cambodge et les investissements
chinois ont permis un développement considé-
rable des infrastructures cambodgiennes au Conclusion
cours des années 2000. Entre 2009 et 2011 seu-
lement, le commerce entre les deux pays a aug- Les relations Chine / Asie du Sud-Est ont une
menté de plus de 40%. Singapour de son côté histoire longue et complexe. La place prépon-
retire aussi de nombreux bénéfices de ses rela- dérante qu’est en train de reprendre la Chine
tions économiques avec la Chine. Depuis 1999 sur l’échiquier régional pourrait être perçue
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62 par exemple, Singapour a transformé son déficit non comme un phénomène nouveau mais
commercial avec la Chine en un surplus de comme un retour à la situation précoloniale,
4 milliards en 2006 et la croissance du marché durant laquelle la Chine exerçait une influence
intérieur de la Chine offre de nombreuses op- importante sur l’Asie du Sud-Est. Or, l’Asie du
portunités aux gens d’affaires du pays (Chen et Sud-Est n’est plus ce territoire morcelé, divisé
Yang 2013, 281-283). Pour le Myanmar, la entre une multitude de petits royaumes. En se
Chine est un investisseur très important. De regroupant au sein de l’ASEAN, les États de la
plus, le pays aurait reçu plus de $8 milliards région se sont dotés d’une interface qui est sus-
d’aide économique de la part de la Chine entre ceptible de leur permettre de contrer, dans une
1988 et 2008 (Lum, Morrison et Vaughn 2008, certaine mesure, le déséquilibre des relations
6). Les pays qui ont une perception plus néga- avec le géant chinois. Aujourd’hui, l’interaction
tive de la Chine sur le plan économique sont Chine/Asie du Sud-Est est surtout caractérisée
ceux qui sont en compétition directe avec elle par l’ambivalence. Non seulement se joue-t-
pour les marchés d’exportation et les investis- elle sur deux fronts principaux, la sécurité et
sements directs étrangers (Chen et Yang 2013, l’économie, qui montrent des différences im-
274). Parmi eux – et ce malgré une augmenta- portantes dans la manière dont la montée de la
tion importante du commerce bilatéral entre les Chine est perçue, mais cette ambivalence se
deux pays – le Vietnam perçoit négativement manifeste également à l’intérieur même de ces
ses relations économiques avec la Chine parce deux domaines, la RPC étant tantôt vue comme
que son déficit commercial avec celle-ci est menace, tantôt comme source d’opportunités.
passé de $0,2 milliards en 2001 à $12,6 milliards En outre, au-delà d’une certaine tendance des
en 2010 (Chen et Yang 2013, 279). De plus, de États d’Asie du Sud-Est à privilégier une stra-
nombreux investisseurs chinois s’installant au tégie de couverture face à la Chine, la position
Vietnam engagent souvent des travailleurs mi- des membres de l’ASEAN varie de manière im-

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portante d’un pays à l’autre, par rapport aux in the Emerging Asian Order, WP Series no. 44,
différents enjeux qui ne les touchent pas de la Singapour: Institute of Defence and Strategic
même manière. Depuis la fin de la Guerre Studies.
froide, la Chine, simultanément, inquiète et at-
tire les États d’Asie du Sud-Est. Dans le do- Ba, Alice D. 2009. (Re)Negotiating East and
maine de la sécurité, les membres de l’ASEAN Southeast Asia: Region, Regionalism, and the
ont opté pour un engagement constructif avec Association of Southeast Asian Nations. Stan-
la Chine et misent sur la socialisation par le ford : Stanford University Press.
biais des forums régionaux pour la convaincre
d’adopter une attitude positive envers leur or- Ba, Alice D. 2003. “China and ASEAN: Renav-
ganisation, et de contribuer activement à la sta- igating Relations for a 21st-Century Asia”, Asian
bilité régionale. Toutefois, la question des Survey 43:4, 622-647.
conflits en mer de Chine méridionale constitue
un important défi à l’avenir de cette relation, Baviera, Aileen S. P. 2011. “Accomodation
qui risque de façonner l’avenir de la région. with Hedging: Southeast Asia’s Changing Per-
Dans le domaine économique, la montée de la spectives towards China” in Herbert S. Yee (ed),
Chine représente certainement une opportunité China’s Rise – Threat or Opportunity?, Abing-
de développement formidable pour les pays don: Routledge.
d’Asie du Sud-Est qui profitent à la fois du
vaste marché chinois pour accroître leurs ex- Baviera, Aileen S. P. 1999. “China’s Relations
portations, ainsi que de l’aide et des investis- with Southeast Asia: Political Security and Eco-
sements chinois chez eux. Dans le même temps, nomic Interests”. PASCN Discussion Paper No.
certains pays de la région subissent les effets 99-17.
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négatifs de la montée de la Chine, celle-ci agis- 63

sant également comme un compétiteur de taille Bernardino, Natividad. 2004. The ASEAN-
pour les marchés d’exportation et les investis- China Free Trade Area: Issues and Prospects.
sements directs étrangers. L’ambivalence des Asia Pacific Network on Food Sovereignty.
États d’Asie du Sud-Est face à la Chine, dont Regional workshop papers. Manila, Philip-
les intentions à plus long terme ne sont pas évi- pines.
dentes tant au plan de la sécurité que de l’éco-
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4. Pour plus de détails sur l’évaluation des capacités mili-


public of China-ASEAN Trade: Estimates Based taires de la Chine, voir Acharya 2003, 12-15.
on an Extended Gravity Model for Component
5. L’ARF est composé des dix pays de l’ASEAN, de ses dix
Trade”. Working Paper Series on Regional Eco- « partenaires de dialogue » (Australie, Canada, Chine, Corée
nomic Integration. 99, Asian Development du Sud, Etats-Unis, Inde, Japon, Nouvelle-Zélande, Russie,
Bank. Union européenne) ainsi que la Papouasie-Nouvelle Guinée
– qui a le statut d’observateur à l’ASEAN depuis 1976 –, la
Mongolie (depuis 1999), la Corée du Nord (2000), le Pakis-
Storey, Ian. 2011. Southeast Asia and the Rise
tan (2004), le Timor-Leste (2005), le Bangladesh (2006) et
of China. London/New York : Routledge. le Sri Lanka (2007).
6. Le terme ‘hedging’, tiré de la finance, a été appliqué à
Storey, Ian. 2009. ‘Maritime Security in plusieurs reprises aux relations internationales pour quali-
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1. Le Timor-Leste, État indépendant depuis 2002, ne fait


pas encore partie de l’ASEAN mais il a fait sa demande of-
ficielle d’adhésion en 2011 et devrait se joindre à l’institu-
tion dans un avenir rapproché.
2. Dans cet article, nous utiliserons l’acronyme anglais
ASEAN plutôt que l’acronyme français ANASE.
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fairs. Population Division. En ligne. http://www.un.org/en/
development/desa/population/publications/development/
pde-wallchart-2013.shtml (visité le 29 novembre 2013)

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