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COOPÉRATION AFRIQUE EUROPE : POURQUOI FAUT-IL CHANGER

DE PARADIGME ?
René N’Guettia Kouassi

IRENEE / Université de Lorraine | « Civitas Europa »

2016/1 N° 36 | pages 85 à 97

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Coopération Afrique Europe :
pourquoi faut-il changer de paradigme ?

René N’GUETTIA KOUASSI1


Directeur des affaires économiques
Commission de l’Union africaine

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Introduction

Le premier constat à faire ici est que l’Afrique a énormément besoin d’argent
pour financer ses multitudes projets d’infrastructure, et réussir son intégration
économique et politique. Les besoins de financement du continent africain sont
extrêmement élevés. Mais après plus d’un demi-siècle de coopération avec
l’Europe, l’Afrique offre toujours l’image d’un continent qui fait du surplace dans
sa quête vers le progrès et le développement. En d’autres termes, la coopération
avec l’Europe, qui remonte aux Conventions de Yaoundé, n’a pas jusqu’à présent
permis à l’Afrique de connaître le développement et de maîtriser son destin, afin
de participer pleinement à la gestion des affaires planétaires.
Mais le paradoxe, c’est que l’Europe est extrêmement riche, sans toutefois
parvenir à aider convenablement ses partenaires africains à sortir de la pauvreté.
Ce deuxième constat tient au fait que l’Europe détient une pléthore d’instruments
financiers (bilatéraux et communautaires) destinés à l’Afrique. Chacun de ces
instruments est doté d’enveloppes substantielles. Mais là où le bât blesse, c’est
que l’accès à ces fonds est extrêmement difficile. Cette contrainte en termes
d’accès aux Fonds européens est expliquée, côté européen, par la faible capacité
d’absorption des pays africains et, côté africain, par la complexité des procédures
d’accès et de justification de l’utilisation des fonds. Ainsi, les Fonds européens de
développement (FED) se succèdent sans que les enveloppes y afférentes soient
totalement consommées.
Autre constat frappant, est que l’Europe, à travers ses multiples instruments
financiers, scinde l’Afrique en trois zones géographiques :
- l’Afrique du Nord, qui bénéficie de l’instrument financier MEDA (Mediterranean

1 R. N KOUASSI, L’Afrique, un géant qui refuse de naître, L’Harmattan, Paris, 2015 ; R. N KOUASSI,
Les défis du développement de l’Afrique contemporaine, L’Harmattan, Paris, 2012.
86 René Kouassi N’GUETTIA

Economic Developement Area), remplacé depuis 2007 par l’ENPI (European


Neighberhood and Partnership Instrument) ;
- l’Afrique au Sud du Sahara (exception faite de l’Afrique du Sud), qui bénéficie
des instruments financiers issus des Accords de Cotonou ;
- l’Afrique du Sud, qui bénéficie de l’ACDC (Accord sur le commerce, le
développement et la coopération), aux côtés de l’Asie et de l’Amérique latine.

À cette tentative de charcutage géographique, vient se greffer les APE dont


la mise en œuvre porte un énorme préjudice aux efforts régionaux d’intégration
dans la zone géographique couverte par les Accords de Cotonou.

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Ces nombreux instruments financiers (avec comme corollaire le tort causé aux
processus d’intégration en cours sur le continent), généralement mal compris par
les partenaires africains et ne répondant pas convenablement aux déficits en
ressources en Afrique, justifieraient partiellement le grand Amour naissant entre
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l’Afrique et d’autres partenaires comme la Chine. Cet amour naissant, par le biais
des éléments autour desquels il se structure, semble s’inscrire dans la durée.
Aujourd’hui, la Chine apparaît comme le « Grand Ami » de l’Afrique. Elle semble
mieux comprendre l’Afrique, en lui apportant l’aide voulue (qui n’est soumise à
aucune condition) ; en exploitant les ressources minières naguère jugées non
rentables par les Occidentaux ; en apportant une solution au sous-développement
des infrastructures physiques ; en apportant son soutien politique dans des
instances où l’Afrique n’a pas droit de cité, etc.
L’amour naissant et grandissant entre l’Afrique et la Chine peut-il amener
l’Union européenne à revisiter sa coopération avec l’Afrique ? Deux types de
réponses sont apportés à ce grand questionnement.
D’une part, il y a ceux qui affirment que le regain d’intérêt que manifeste l’Union
européenne à l’égard de l’Afrique, ces derniers temps, est le signe annonciateur
d’une nouvelle coopération en gestation. D’après les tenants d’une telle thèse, la
pénétration chinoise en Afrique serait à l’origine de l’intérêt renouvelé de l’Europe
pour le continent africain. Ce regain d’intérêt s’est traduit par l’avènement de la
« Stratégie pour le Développement de l’Afrique », entièrement conçue par l’Union
européenne et proposée à l’Afrique. C’est cette stratégie qui a été transformée
en Stratégie conjointe Afrique Europe, adoptée à Lisbonne en décembre 2007.
Aussi, ce regain d’intérêt se manifeste-t-il à travers la multiplication des initiatives
européennes dans des secteurs variés, particulièrement dans les domaines de la
prévention des conflits et du maintien de la paix.
D’autre part, il y a ceux qui soutiennent que la présence chinoise en
Afrique n’a produit aucun effet sur le partenariat Afrique Europe. Une telle
thèse, souvent défendue dans les milieux européens, suggère que les
craintes de la partie européenne résideraient dans le fait que les éléments
constitutifs de la coopération chinoise sont de nature, à annihiler la tendance
à la bonne gouvernance économique et politique et au respect des droits de
l’homme, observée en Afrique dans la mouvance de la chute du mur de Berlin.
Coopération Afrique-Europe : pourquoi faut-il changer de paradigme ? 87

Cette tendance positive, fruit de la coopération « Afrique-Occident », risque


de s’estomper et de mettre l’Afrique dans une posture de « perpétuels
recommencements ». La conditionnalité qui accompagne les interventions
européennes en Afrique trouve donc ici sa pleine justification : positionner
durablement l’Afrique sur le chemin de la bonne gouvernance et du respect des
droits de l’homme, condition sine qua non de son réel épanouissement et de son
avancée véritable vers le progrès. Selon les tenants de cette deuxième thèse,
c’est donc ce seul souci qui fonde le réchauffement des relations Afrique Europe,
et non les multiples pistes d’implantation explorées par les autorités chinoises.
Ces deux types de coopération procéderaient par conséquent de deux

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logiques diamétralement opposées. L’approche occidentale suggère que la bonne
gouvernance, la primauté du droit et le respect des droits de l’homme précèdent
et conditionnent le développement économique et social. Selon cette approche,
l’adoption de ces vertus constitue un passage obligé pour l’Afrique pour réussir son
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décollage économique en vue de relever tous les défis du monde contemporain.


L’approche chinoise, quant à elle, fait remarquer que seul le développement
peut conduire à la stabilité économique et sociale, à la bonne gouvernance, à la
primauté du droit et au respect des droits de l’homme. Dans une telle démarche,
ce dont l’Afrique a besoin aujourd’hui, c’est d’abord de créer une croissance
économique forte et durable, assurer son développement lato sensu, procurer de
l’emploi à ses nombreuses populations, rompre avec les situations de pauvreté et
de misère, etc. Et lorsque l’Afrique aura réalisé tous ces objectifs, la paix, la bonne
gouvernance, les droits de l’homme, etc. s’imposeront d’eux-mêmes. En d’autres
termes, le développement entraînera dans son sillage la bonne gouvernance et
l’adoption systématique des vertus d’un État de droit. La démocratie, la bonne
gouvernance et le respect des droits de l’homme conduisent-ils à la croissance
et au développement ? Ou bien la croissance et le développement suscitent-ils la
démocratie, la bonne gouvernance et le respect des droits de l’homme ? Laquelle
des deux thèses se rapproche le plus de l’objectivité ? L’histoire et le temps
aideront à en savoir plus et à mieux répondre à ces questions.
Mais nous pensons que l’Afrique n’a pas à attendre que ce verdict historique
soit connu pour commencer à affirmer son autonomie d’action, sa souveraineté
quant à son avenir et à son destin. Pour y parvenir, ses leaders ont le devoir
et l’obligation de la doter d’une véritable stratégie qui lui permette de coopérer
avec l’Europe tout comme avec la Chine, sans pourtant perdre son identité, sa
dignité et son autonomie d’action. L’absence d’une telle stratégie est de nature
à transformer l’Afrique en un champ de bataille entre tous ceux qui convoitent
ses richesses naturelles pour alimenter leurs industries gourmandes en matières
premières et pour trouver des marchés à leurs produits manufacturés, dans un
environnement industriel où la compétition pour la conquête des parts de marché
devient de plus en plus âpre. À notre humble avis, ce rôle historique qui consiste
à doter l’Union africaine d’une véritable stratégie de coopération avec le reste du
monde doit revenir à la Commission de l’Union africaine, premier architecte de la
88 René Kouassi N’GUETTIA

mise en œuvre de l’agenda de l’intégration économique et politique du continent.


Si elle ne le faisait pas, les pays pris individuellement ne seraient pas en mesure
de faire face aux exigences de la coopération internationale, ce qui est de nature
à transformer l’Afrique en proie facile à inscrire au tableau de chasse des grands
pays du monde contemporain. « Un pays n’a pas d’amis, il n’a que des intérêts »,
disait un Chef d’État historique d’Europe. L’Afrique doit s’inspirer de cette
assertion dans ses relations avec le reste du monde, en se dotant d’une véritable
stratégie de coopération, seul moyen de s’extraire dignement des appétits des
impérialismes contemporains.

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I. Pourquoi la coopération Afrique Europe est-elle
inévitable et obligatoire pour les deux continents ?
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« On choisit ses amis, mais on ne choisit pas ses frères et ses sœurs »
a-t-on coutume d’affirmer. Cette expression est, à nos yeux, celle qui semble
traduire le mieux les relations séculaires entre l’Afrique et l’Europe. En effet,
l’Afrique, comme l’Europe, peut diversifier et élargir à souhait l’éventail de ses
partenaires à travers le monde. Et, l’Afrique, comme l’Europe, jouit d’une totale
liberté de nouer des liens de coopération avec toutes les régions du monde.
Pourtant, quand on considère la collaboration Afrique Europe, cette liberté de
choix semble disparaître. En réalité, cette coopération constitue une donnée qui
s’impose naturellement aux deux continents. Autrement dit, quels que soient les
sentiments d’amitié ou de méfiance que les Européens inspirent aux Africains et
réciproquement, l’Afrique et l’Europe sont dans l’obligation de coopérer. Elles sont
contraintes de vivre ensemble, de se nourrir ou de s’enrichir de leurs différences,
de partager leurs expériences, de s’entraider, de se soutenir, de s’accompagner
naturellement et, en fin de compte, de regarder dans la même direction quant à
leur implication dans la gestion de la gouvernance mondiale.
Le caractère contraint des relations entre l’Afrique et l’Europe découle de
la conjonction de plusieurs facteurs : tout d’abord, la proximité géographique
(seulement douze kilomètres séparent les deux continents), mais aussi les
relations et affinités culturelles et linguistiques, nées d’un siècle de colonisation,
de trois siècles de perpétuation de la traite des Noirs, et de la coopération
intercontinentale tous azimut, enrichie et approfondie depuis plus d’un demi-
siècle. L’Afrique et l’Europe n’ont donc pas d’autre choix que de coopérer. Leur
seule marge de manœuvre réside dans les moyens à mettre en place pour
améliorer constamment les conditions de leur collaboration, pour se comprendre
mutuellement, pour se parler régulièrement et mutualiser leurs efforts pour
relever ensemble les défis majeurs de notre ère. Quel est l’état des lieux des
relations Afrique Europe ? Quelles sont les difficultés auxquelles elles sont
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exposées ? Comment améliorer ces relations dans l’intérêt supérieur des deux
continents ? Les développements qui vont suivre apportent des éclairages utiles
pour répondre à ces questions.

A. Radioscopie des relations Afrique/Europe

Les relations Afrique Europe remontent à la nuit des temps. Elles ont été
marquées par plusieurs accords aux contenus multiples, adaptés au fur à mesure
en fonction des exigences des relations internationales du moment. Ainsi, on est
passé des Accords de Yaoundé aux Accords de Lomé, pour connaître aujourd’hui les

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Accords de Cotonou (révisables tous les cinq ans) qui régissent la coopération entre
les deux continents. Toutefois, il convient de retenir que ces différents Accords ont
produit des résultats mitigés et en deçà des espérances. Et pour cause, en dépit
de nombreux instruments financiers ayant suscité d’importants flux de capitaux
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vers l’Afrique, la coopération avec l’Europe n’a pas sorti le continent du cul-de-sac
de la pauvreté et de la misère. La persistance du sous-développement en Afrique
fait dire à certains que la coopération séculaire avec l’Europe est en elle-même
inefficiente, et serait même de nature à handicaper l’Afrique dans sa marche vers
le progrès. D’où le besoin croissant, fortement ressenti en Afrique, de diversifier les
partenariats avec d’autres régions du monde. D’où également, la volonté politique
partagée par les leaders africains et européens de réhabiliter en profondeur les
tenants et aboutissants de la coopération Afrique Europe pour adapter celle-ci aux
réalités de la modernité. Ainsi, dans ce souci partagé de rendre plus efficace et plus
dynamique la coopération entre les deux continents, s’est tenu au Caire (Égypte) en
avril 2000, un Sommet historique Afrique Europe qui a posé les fondements d’un
nouveau dialogue dans un esprit de respect mutuel et de responsabilité partagée.
Pour entretenir ce nouveau dialogue né dans un enthousiasme chargé d’espoir,
les deux continents se sont engagés à adopter une « Stratégie conjointe » de long
terme devant être mise en œuvre par l’entremise de plans d’actions variés d’une
durée de trois ans chacun. La Stratégie conjointe, adoptée à Lisbonne (Portugal)
en novembre 2007, avec son cortège de plans d’action successifs, saura-t-elle
répondre aux attentes des populations africaines et européennes ? La mise en
œuvre de cette Stratégie conjointe Afrique Europe de Lisbonne, permettra-t-elle
aux deux continents de consolider davantage leur coopération et de les amener
à reconnaître enfin que l’un ne peut vivre sans l’autre et vice-versa, comme un
oiseau et sa branche d’arbre : l’oiseau a beau se fâcher contre l’arbre, il finira par
s’asseoir sur la branche après un temps prolongé de vol.
Dans les faits, la reconnaissance de cette nécessité relationnelle n’a pas eu
suffisamment d’impact sur la mise en application du premier plan d’action de la
Stratégie conjointe. En effet, la traduction concrète de ce premier plan d’action n’a
pas abouti à des résultats satisfaisants par rapport aux principes et objectifs de la
Stratégie conjointe. On a continué à s’engluer dans la rhétorique au lieu d’enrichir
le nouveau dialogue en mettant en œuvre des projets concrets, ayant un impact
90 René Kouassi N’GUETTIA

sur le niveau de vie et le quotidien des populations africaines et européennes et


donnant plus de visibilité à la coopération Afrique Europe. Comment en est-on
arrivé là ? Pourquoi l’enthousiasme chaleureux qui a entouré l’avènement de la
Stratégie conjointe n’a-t-il pas conduit à la concrétisation des projets contenus
dans le premier plan d’action stratégique ? Il convient de nous interroger sur les
responsabilités de chaque partie.

B. L’Europe, une coopération séculaire aux résultats peu visibles

L’Europe a déjà beaucoup fait pour l’Afrique. Encore aujourd’hui, l’Europe

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continue de faire beaucoup pour l’Afrique. Le Fonds européen pour le
développement (FED) à travers les canaux des Programmes indicatifs nationaux
(PIN) et des Programmes indicatifs régionaux (PIR), en sus de plusieurs autres
formes d’assistance bilatérale, est assez révélateur des apports considérables que
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l’Union européenne ne cesse d’accorder à l’Afrique, en période de vache grasse


comme en période de vache maigre. Les PIN et les PIR représenteraient même
des pans importants du budget de certains pays et de certaines Communautés
économiques régionales (CER). Il faut souligner que dans les domaines de la paix
et de la sécurité, l’Europe apparaît également comme le partenaire le plus actif du
continent africain. Les opérations de maintien de la paix au Darfour, en Somalie,
au Sud Soudan (avant l’avènement du « Comprehensive Peace Agreement » qui
a facilité la tenue du Référendum de janvier 2011), en Côte d’Ivoire, etc., ont pu
avoir lieu grâce à l’assistance considérable de l’Union européenne. De même,
l’appui de l’UE aux nombreuses élections en cours en Afrique reste exemplaire,
démontrant ainsi son engagement vis-à-vis du processus de démocratisation en
Afrique. Le soutien européen aux institutions panafricaines est à louer, comme
l’illustre de façon édifiante l’octroi de 55 millions d’euros à la Commission de l’UA
au titre du renforcement de ses capacités.
Par ailleurs, sans le soutien de l’UE, les groupes d’experts conjoints chargés
de mettre en œuvre les plans d’action de la Stratégie conjointe déjà évoquée,
n’auraient pu être opérationnels. C’est ainsi que, par l’entremise des 55 millions
d’euros susmentionnés, aujourd’hui revus à la baisse à 33 millions d’euros, l’UE a
entièrement financé la participation de la Commission de l’UA et des experts des
États africains, aux réunions des groupes d’experts conjoints, et aux réunions des
Troïkas, des « Task Forces » et des « Commission to Commission » qui s’inscrivent
dans le cadre de la mise en œuvre du dialogue Afrique Europe. Cette liste n’est
pas exhaustive, et les exemples sont nombreux pour illustrer l’aide accrue et
soutenue de l’UE à l’Afrique tout entière.
Toutefois, bien qu’évoluant crescendo, cette aide apparaît peu visible. Cela
fait dire ou penser que l’UE a échoué dans sa mission en Afrique, au sens où
elle n’est pas parvenue à soustraire ce continent de la pauvreté et de la misère,
malgré les relations étroites qui existent entre les deux continents. Cette
observation qui aujourd’hui semble s’imposer ou être admise comme une vérité
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par les jeunes Africains, doit interpeller les dirigeants européens. Car, en dépit
de l’immensité des apports en tous genres que l’UE a accordés à l’Afrique, des
malentendus et des incompréhensions persistent encore dans les relations entre
les deux continents. La jeunesse africaine et la société civile africaine ont du
mal à comprendre l’attitude de l’Europe à l’égard de l’Afrique dans la gestion
de certains dossiers. Au nombre de ceux-ci, figurent principalement ceux liés à
l’immigration, à la délivrance des visas, à l’accueil des étudiants africains dans
les universités européennes, à la juridiction universelle, à la conditionnalité
de l’aide au respect des droits de l’homme et des vertus de la démocratie, au
« soutien » apporté à certains régimes et à la politique européenne de « deux

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poids deux mesures » à travers le monde. Ce traitement partial « deux poids deux
mesures » que l’Europe applique à l’Afrique a fait naître chez la quasi-totalité des
Africains l’amer sentiment que l’Europe n’a pas de considération ni pour l’Afrique,
ni pour ses dirigeants. Nous en voulons pour preuve la faible participation des
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Européens, à niveau protocolaire requis, aux réunions organisées dans le cadre


du dialogue Afrique Europe. Ainsi, il est courant de constater que les Directeurs
représentent souvent les Ministres dans les Conférences ministérielles, et que les
Ministres représentent les Chefs d’État et de Gouvernement dans les Sommets
Afrique Europe. Ce constat frustrant est un signe parmi d’autres de la faible
considération qu’ont les Européens pour l’Afrique et pour ses dirigeants. L’Europe
ne peut se permettre d’appliquer ce traitement à la Chine, ni à l’Inde, et encore
moins aux pays d’Amérique du Sud.
Par ailleurs, la coopération Européenne est contradictoire. L’Europe s’obstine
à intervenir en Afrique à la fois de façon bilatérale (de nombreuses relations
bilatérales lient chaque pays d’Europe individuellement à l’Afrique), et de façon
communautaire par l’entremise de l’Union européenne et de ses différents
organes. Très souvent, les politiques bilatérales ne sont pas en harmonie avec
les politiques communautaires. Le manque de cohérence de cette politique
est à l’origine de signaux différents dirigés vers l’Afrique. Non seulement cela
complexifie la compréhension de ces messages et leur assimilation, mais en plus,
cela ne favorise pas la mise en œuvre des projets du fait du conflit d’intérêt qui
oppose les auteurs des dits messages. Ainsi, les griefs de l’Afrique contemporaine
à l’égard de l’Europe sont nombreux. C’est pourquoi il est extrêmement important
que les dirigeants européens revoient leur façon de coopérer avec l’Afrique en
mettant leur frilosité de côté par l’adoption d’une politique de partenariat plus
ambitieuse, plus réaliste et intégrant davantage les vertus culturelles du continent
africain. Aussi, l’Europe doit-elle harmoniser en amont ses politiques à destination
de l’Afrique en trouvant un équilibre entre le bilatéral et le communautaire. La
Stratégie conjointe adoptée à Lisbonne en 2007, de par la philosophie qui la fonde,
s’inscrit dans la bonne direction, à condition que l’Europe joue franchement son
rôle dans sa mise en œuvre. Ceci améliorerait profondément l’image de l’Europe
auprès des populations africaines.
92 René Kouassi N’GUETTIA

II. La coopération Afrique Europe doit se fonder


sur un paradigme renouvelé

Les relations entre l’Afrique et l’Europe remontent à la nuit des temps. Elles
ont été marquées par des faits de nature diverse et variée dont le souvenir
peut parfois susciter de profondes émotions. Nous taisons volontairement ces
faits au risque de nous livrer à des conjectures aux contours indéfinissables.
En revanche, notre souhait est d’appréhender la coopération Afrique Europe à
travers la dynamique, voire la logique qui l’a toujours soutenue des points de vue

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de la partie européenne. Cela nous permettra ensuite d’envisager une autre voie,
synonyme d’un changement de paradigme plus promoteur.
Pour mémoire, il convient de rappeler que depuis les Conventions de Yaoundé,
en passant par les accords de Lomé jusqu’aux récents accords de Cotonou, l’Europe
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a, généralement, subordonné son assistance à l’Afrique, à l’avènement d’États de


droit dans lesquels le respect des droits humains ou des droits de l’homme, la
liberté d’expression, le respect des minorités, sont la règle et non l’exception.
Autrement dit, l’Europe a, jusqu’à ce jour, cherché à aider les pays africains à
devenir des terreaux de la bonne gouvernance économique et politique. Une telle
logique est celle de l’occident tout entier qui soutient, mordicus, que l’État de
droit et la démocratie sont un passage obligé pour accéder à la croissance et au
développement. En d’autres termes, l’État de droit et la démocratie constituent
une condition sine qua non pour le succès de tout processus de développement.
Dès lors, l’Europe, à l’instar de tout l’occident, en a fait une contraignante
condition pour le décaissement de ses engagements financiers à l’égard de
l’Afrique. Mais après, près d’un demi-siècle de pratique de politique d’aide liée
ou contraignante, quel bilan peut-on faire de l’exercice de l’État de droit ou de la
démocratie en Afrique ? Les attentes de l’occident en général ou de l’Europe en
particulier ont-elles été satisfaites ? L’Afrique est-elle devenue un havre de paix ?
S’est-elle érigée en modèle d’État de droit ou de démocratie tant souhaité par ses
partenaires européens ?
À la réalité, l’on peut affirmer, sans exagérer, que l’Afrique est loin du compte
au regard de l’idéal occidental qu’elle est obligée d’intégrer dans son mode de
vie à son corps défendant. Exception faite de quelques rares pays, l’exercice
d’État de droit ou de démocratie s’y apparente, dans la plupart des cas, à
une véritable gageure. En la matière, les acquis stables et irréversibles sont
extrêmement rares ; faisant même dire que l’Afrique reste attachée à la logique
de « perpétuels recommencements ». Si tel est le cas, pourquoi alors ne pas
changer de paradigme ? Si l’Afrique piétine encore à s’installer durablement et de
manière irréversible dans la posture d’un État de droit, pourquoi l’Europe ne doit-
elle pas changer de fusil d’épaule ? Pourquoi ne doit-elle pas arrêter de soutenir
un processus dont les résultats s’apparentent à une gageure ? Autrement dit,
pourquoi ne doit-elle pas changer de paradigme ?
Coopération Afrique-Europe : pourquoi faut-il changer de paradigme ? 93

Nous voudrions l’inviter à changer d’approche en faisant les choses autrement


ou en changeant d’objectifs. Pour nous, le changement de paradigme consistera
à mettre l’accent sur le développement en restructurant son aide à cette fin. Ici,
le développement serait regardé comme un passage obligé, voire une condition
sine qua non pour pacifier l’Afrique en y instaurant durablement, et de façon
irréversible la démocratie grecque dans toute sa plénitude. Car, on ne le dira
jamais assez, « là où il y a le développement, il y a la paix et l’État de droit »,
« là où il y a la croissance et le développement inclusifs, les jeunes ne sont pas
désœuvrés et ne sont donc pas recrutés pour des aventures de tout genre ».

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A. La nouvelle approche avec un respect mutuel et une responsabilité
partagée

La nouvelle approche de coopération ouverte au Sommet Afrique Europe tenu


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au Caire en avril 2000 avait laissé entrevoir un immense espoir. La stratégie


conjointe et relative, adoptée au Sommet de Lisbonne, fixe un nouveau cadre
de coopération fondé sur des principes de respect mutuel, de responsabilité
partagée et de mutualisation des efforts dans la gouvernance des biens publics
mondiaux, et dans la réforme du système des Nations-Unies ainsi que des
institutions de Bretton-Woods. Mais dans la mise en œuvre de la stratégie de
Lisbonne, par l’entremise de plans d’action successifs, l’on se rend compte que
l’Union européenne a du mal à se départir de la logique ancienne d’avant Le Caire
2000. Chaque pays européen développe une diplomatie bilatérale avec les pays
africains qui, le plus souvent, s’éloigne de la politique communautaire de l’Union
européenne. Ainsi, l’absence d’harmonisation entre les politiques bilatérales
et la politique communautaire est de nature à produire plusieurs messages
(souvent contradictoires) en direction de l’Afrique. Ces différents messages, voire
ces différents sons de cloche ont le mérite de rendre encore plus ambiguë la
diplomatie européenne à l’égard de l’Afrique.
Aussi, est-il amer de constater que l’Afrique apparait toujours dans les médias
européens à travers des images rappelant la misère, les épidémies, les endémies
et les conflits. Cette image négative de l’Afrique persiste toujours malgré les
nombreux appels invitant à les améliorer.
Enfin, les opérateurs, voire les acteurs économiques européens continuent
de regarder l’Afrique comme un continent à risque. Dans cette perspective, ils
n’y orientent pas les capitaux ou les investissements de long terme dont elle a
besoin. Ainsi, l’Afrique apparaît comme le terreau des investissements de court
terme ou des capitaux dits flottants que l’on peut rapatrier aisément au moindre
bruit d’instabilité. Cette tendance persistante à investir « sur la pointe des pieds »
fait que les acteurs économiques européens ne parviennent pas à capter ou à
fidéliser la classe moyenne montante africaine à l’égard de leur production ou
de leurs marques. Le soutien à la mise en œuvre des projets et programmes
intégrateurs de l’Afrique devait être du cœur de la coopération européenne avec
94 René Kouassi N’GUETTIA

l’Afrique. Investir massivement dans le développement de l’Afrique c’est contribuer


à extraire les populations africaines de la pauvreté et de la misère, et de facto,
c’est de les mettre à l’abri de toutes velléités tribalistes, voire ethnocentriques
porteuses d’ingrédients potentiels d’instabilité de tout acabit.
Hier, la Plan Marshall d’un montant d’environ 13 milliards de dollars a aidé
les pays d’Europe occidentale à réhabiliter leurs infrastructures au lendemain
de la deuxième guerre mondiale. Aujourd’hui, l’Europe qui reste fortement et
solidement attachée à l’Afrique du fait, entre autres, des affinités culturelles et
linguistiques, et surtout du fait de la proximité géographique des deux continents
(nous rappelons que seulement 12 kilomètres les séparent) ; et qui plus est plus

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nantie de tout point de vue, a l’obligation morale d’accompagner l’Afrique dans
sa transformation économique et politique. Car, il est de plus en plus difficile à
comprendre que l’Afrique ne bénéficie pas encore, de ce que les économistes
appellent, les externalités positives du fait de sa proximité géographique avec
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l’Europe. Les tentatives européennes à accompagner l’Afrique à accélérer à


l’opulence, peuvent être des solutions à la crise économique et sociale aigüe
qui caractérise l’Europe. Aider donc l’Afrique à se transformer profondément en
investissant massivement dans les projets à grande valeur ajoutée doit, aujourd’hui
constituer le cheval de bataille de la coopération européenne. Cela s’appelle un
changement de paradigme qui, à terme, s’avérera « gagnant-gagnant » pour les
populations de deux continents. Persister dans ce qui se fait aujourd’hui, c’est
ignorer les réalités du moment et s’affirmer dans une voie sans issue qui servira,
sans nul doute, de prétexte à s’éloigner du partenariat avec l’Europe qui pourtant
promettait des lendemains meilleurs. Pour coller à l’actualité, l’Afrique peut même
offrir à l’Europe une alternative énergétique crédible.

B. L’émancipation politique, économique et sociale de l’Afrique

L’Afrique, de son côté, doit faciliter cette mutation de paradigme. Pour cela, elle
doit reformer profondément ses économies pour un usage optimal et rationnel
de l’aide reçue de l’Europe. Aussi doit-elle opérer sa mue dans sa perception
de son passé avec l’Europe. Certes, elle a subit le double effet de l’esclavage
et de la colonisation. Mais elle doit se départir de ce passé, fut-il douloureux et
catastrophique, pour se focaliser sur son émancipation économique. Ce passé ne
doit pas la rendre apathique à l’égard de son présent et de son futur. Dès lors, ce
passé ne doit pas être considéré comme un boulet au pied bloquant et paralysant.
Sous d’autres cieux, ce type de passé a été dompté et transformé en opportunités
de croissance et de développement. Pourquoi l’Afrique ne parviendrait-elle pas à
son tour à le faire ?
Par ailleurs, dans l’esquisse d’ériger le handicap du passé en véritables
facteurs de développement, l’Afrique doit moderniser son discours politique en
puisant dans les vertus des temps modernes. Pour y parvenir, elle doit regarder
l’Europe avec de nouvelles lunettes. Celle-ci ne doit plus être regardée comme
Coopération Afrique-Europe : pourquoi faut-il changer de paradigme ? 95

berceau des colonisateurs, des exploiteurs, des méchants qui n’ont d’yeux pour
l’Afrique que pour l’immensité de ses ressources naturelles. A contrario, l’Afrique
doit regarder l’Europe comme un partenaire crédible qui peut l’accompagner
dans son processus de développement en lui apportant ce qui lui fait défaut.
Hier les Pères fondateurs de l’Afrique contemporaine se sont évertués à libérer
l’Afrique du joug colonial en utilisant les moyens de leur époque et en s’appuyant
sur le discours du Panafricanisme. Aujourd’hui, l’Afrique doit gagner la bataille
de son émancipation économique et sociale. Par conséquent, elle doit utiliser les
armes du moment et moderniser son discours politique pour être en adhésion
avec sa jeunesse qui vit sous l’ère de la troisième révolution industrielle dominée

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par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Regarder
l’Europe autrement, pourrait donc contribuer à asseoir une nouvelle relation de
confiance de nature à renforcer la coopération en la rendant plus fructueuse.
De même, il convient de noter que l’absence d’intégration politique en Afrique
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a handicapé la coopération avec l’Europe. La mise en avant de la souveraineté


des États n’a pas favorisé l’avènement d’une Afrique parlant d’une seule voix
et marchant d’un même pas. La cacophonie qui s’en est dégagée a plutôt fait
le lit de la division, des réflexes du « chacun pour soi », du « repli sur soi » et
du nationalisme. Ainsi, dans les négociations avec les partenaires européens,
l’Afrique s’est présentée divisée, chaque pays ou chaque région cherchant
à ne défendre que ses intérêts nationaux ou régionaux. À chaque fois, toutes
les déclarations de bonne intention d’intégration exprimées dans les traités ou
chartes ont été foulées au pied au bénéfice des intérêts propres des États. Cette
inclination à l’individualisme explique en partie l’inefficacité de la coopération
avec l’Europe, d’autant qu’elle empêche l’Afrique de présenter un front commun
et de peser réellement dans les négociations – voire d’avoir une véritable capacité
de négociation –. Elle engendre des difficultés pour se faire respecter, pour forcer
l’Europe à tenir ses engagements, et pour orienter le dialogue avec l’Europe en
sa faveur. Une telle situation offre à l’Europe l’image d’une Afrique divisée, d’une
Afrique où ne comptent que les intérêts souverains des États, d’une Afrique
manipulable à souhait, d’une Afrique où l’on peut opposer facilement les pays
les uns contre les autres, d’une Afrique enfin où la division est la règle, et l’unité
l’exception.
Aux nombreux appels pour traiter l’Afrique comme une seule entité, comme
le stipule la Stratégie conjointe, les Européens répondent en ces termes : « que
faites-vous, vous, Africains pour que l’UE traite votre continent comme une seule
entité ? ». Effectivement, aucune démarche concrète n’est engagée, côté africain,
allant dans le sens de l’harmonisation des instruments européens de coopération.
Loin s’en faut, chaque zone géographique se complaît dans la situation imposée
et défend jalousement ses acquis aux dépens de l’intégration africaine, et au
détriment de la cohérence et de l’efficacité de l’aide européenne.
96 René Kouassi N’GUETTIA

Conclusion
Finalement, il est indéniable que l’Afrique et l’Europe doivent entretenir leur
coopération de manière durable et soutenue. La proximité géographique ainsi
que plusieurs autres facteurs les y obligent. Dans cette perspective, les principes
de respect mutuel, de responsabilité partagée, et de vision partagée dans la
gouvernance des biens publics internationaux, doivent guider constamment cette
coopération. De même, il ne doit y avoir aucun sujet tabou au sein des relations
Afrique Europe. Toutes les questions doivent être traitées dans une transparence
totale, sans arrière-pensée et en toute franchise. Selon l’adage, l’amitié se nourrit

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de vérité. Le dialogue Afrique Europe doit donc se nourrir en permanence de
vérité sans laquelle les attentes suscitées s’apparenteront à des chimères.
Hier l’Europe savait ce qu’elle faisait en Afrique. Aujourd’hui, elle sait ce qu’elle
fait en Afrique. Demain, elle sait déjà ce qu’elle fera en Afrique. Quant à l’Afrique,
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elle est toujours engluée dans les interrogations interminables sur l’intérêt et le
contenu de sa coopération avec l’Europe dans une atmosphère de « chacun pour
soi ». Cela doit changer afin de contraindre l’Europe à modifier les fondamentaux
de sa coopération avec elle dans une dynamique « gagnant-gagnant » expurgée
de part et d’autre, de toutes autres considérations sujettes à interprétations
négatives.

Résumé

Après plus d’un demi-siècle de coopération avec l’Europe, l’Afrique offre


toujours l’image d’un continent qui fait du surplace dans sa quête vers le progrès.
Certes, l’Europe a initié plusieurs instruments financiers destinés au
financement du Développement de l’Afrique. Mais au jour d’aujourd’hui, ce
continent ploie toujours sous le poids de la pauvreté et de la misère ; ce qui fait
penser à beaucoup d’africains que l’avenir de leur continent ne se joue pas sur
la scène européenne. D’où une floraison de partenariats avec d’autres parties du
monde.
Le présent papier montre une voie à suivre pour dynamiser davantage la
coopération Afrique-Europe ; qui, quoiqu’on dise, offre de meilleurs atouts à
l’Afrique pour réussir sa transformation économique et conférer bien-être à ses
nombreuses populations.
Coopération Afrique-Europe : pourquoi faut-il changer de paradigme ? 97

Abstract

After more than a half century of cooperation with Europe, Africa still projects
the image of a Continent which going round in circles in its quest for progress.
Indeed, Europe initiated several financial instruments for the Development
Financing of Africa. But today this Continent continues to bend under the weight
of poverty and misery; this leads many Africans to think that the future of their
Continent will not be molded on the European scene. Hence a large number of
partnerships with other parts of the world.
This paper shows the way forward to revitalize the Africa-Europe partnership,

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which, whatever we say, affords Africa with better advantages to successfully carry
out its economic transformation and provide well-being to its peoples.
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