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Les conditions constitutives de l’abus de biens sociaux sont :

- La mise en cause d’une société à risques limités (SA, SAS, SARL…)


- Le fait d’un dirigeant social comme un gérant de SARL
- Un usage (des biens ou crédits) contraire aux intérêts de la société : La société doit être
exposée à un risque de perte ou à un risque anormal de poursuites pénales ou fiscales
- Un usage à des fins personnelles : l’abus de bien social vise à favoriser le dirigeant lui-même
- La conscience du caractère abusif et contraire à l’intérêt social : le dirigeant doit commettre
l’abus en toute connaissance de cause. À l’inverse, la simple négligence ou le défaut de
surveillance de la part du dirigeant ne peuvent être retenus à son encontre. Dans ce cas, on
pourra au mieux lui reprocher une faute de gestion.

Elément matériel :

Le gérant de la SARL Monsieur Jamil Tefiani vient à la boulangerie depuis plusieurs mois au volant
d’une voiture TESLA qu’il a acheté sous prétexte de l’exercice de ses fonctions au sein de la
boulangerie. Celle-ci, d’une valeur de 120 000 € a été payé intégralement avec les crédits de
l’entreprise, comme le prouve la comptabilité de l’entreprise. L’usage d’un véhicule de quelque sorte
qu’il soit n’est d’aucune utilité pour la boulangerie, celle-ci vendant sa marchandise sur place et
recevant les livraisons des fournisseurs sur le point de vente. De plus, même si une utilité quelconque
de ce bien pouvait être démontrée, l’achat d’une voiture de cette gamme n’est absolument pas
justifié. En réalité, cela a pour seul but de satisfaire le gérant qui utilise sa voiture dans le cadre d’une
jouissance personnelle. En effet, il a été aperçu plusieurs fois par les autres associés au volant de sa
TESLA sur ses jours de congés et le week-end. Cela a mis la société dans une situation extrêmement
difficile et a engendré des frais bancaires très élevés. L’assurance contractée pour couvrir la voiture a
impliqué des coûts supplémentaires qui ont conduit l’entreprise à une procédure de redressement
judiciaire.

Il agit bien contre les intérêts de la société car selon la jurisprudence, l’usage des biens ou de crédits
de la société est contraire aux intérêts de celle-ci lorsque le dirigeant expose la société à un risque de
perte (Chambre criminelle décembre 1971).

Elément moral :

Le gérant, conscient de la situation compliquée (mais maîtrisable) que traversait déjà l’entreprise, a
décidé d’effectuer cet achat sans consulter les autres associés et alors même qu’il ne constituait en
aucun cas une nécessité pour la société. Restant très évasif sur le financement de sa voiture, c’est
seulement après la découverte par les autres associés des éléments comptables concernant ce bien
qu’il a avancé le besoin d’un véhicule pour exercer ses fonctions. Etant donné que le gérant possédait
déjà un véhicule lui permettant de se rendre sur son lieu de travail, voire même de transports en
commun, le dirigeant fait preuve d’une certaine mauvaise foi concernant la justification de cet achat.
Elément légal :

Nous avons bien affaire à un gérant de SARL qui expose la société à un risque de perte (de faillite
dans le cas présent) en utilisant les crédits de cette dernière. L’usage vise bien à favoriser le dirigeant
lui-même puisqu’elle n’est d’aucune utilité à la société et celui-ci ne peut ignorer le caractère abusif
de son acte.

L’abus de bien social est donc bien caractérisé.

Or, l’article L241-3 du code de commerce nous dit que :

« Le fait, pour les gérants, de faire, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage
qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre
société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement » est puni d'un
emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000 euros.

Cette infraction peut atteindre sept ans d'emprisonnement et de 500 000 € d'amende lorsqu'elle a
été réalisée ou facilitée au moyen soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès
d'organismes établis à l'étranger, soit de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de
tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l'étranger.

L’article L249-1 prévoit aussi qu’une personne coupable d’une telle infraction peut encourir à titre de
peines complémentaires de manière définitive ou temporaire (suivant les modalités prévues par
l'article 131-27 du code pénal) « l'interdiction, , soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer
l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction
a été commise » (de façon temporaire, pour une durée maximale de 5 ans), « soit d'exercer une
profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre
quelconque, directement ou indirectement, pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui,
une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale (de façon temporaire, pour
une durée maximale de 15 ans). Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées
cumulativement. »

Outre les peines complémentaires prévues à l'article L. 249-1, le tribunal peut également prononcer
à titre de peine complémentaire l'interdiction des droits civiques, civils et de famille prévue à l'article
131-26 du code pénal pour une durée maximale de 5 ans.

Enfin, la société et elle seule (sont donc exclus les associés) peut demander des dommages et
intérêts au titre du préjudice qu’elle a subi.

Les voies de recours :

Les associés peuvent porter plainte, au nom de la société, auprès du tribunal compétent, c’est-à-dire
celui dont dépend le lieu où le délit a été commis dans un délai de 6 ans après la découverte de
l’abus.

Préalablement, ils devront réunir toutes les preuves des opérations irrégulières, à savoir les éléments
comptables prouvant l’achat de la TESLA, l’attestation d’assurance etc…

Enfin, ils pourront déposer plainte auprès du Procureur de la République par courrier recommandé
avec accusé de réception. Si le procureur répond favorablement à la plainte, les associés pourront se
constituer partie civile. La responsabilité civile du dirigeant pourra être engagé et il risquera une
action en comblement de passif.

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