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infini, ie [Rfini] adj. et n. m.

ÉTYM. 1214, infinit (sens I, 2); lat. infinitus « sans fin, sans limites; indéfini », de in-
(→ 1. In-), et finitus, p. p. de finire. → Finir.

 (Ce) qui « n'a pas de borne, soit en ce sens qu'il est actuellement plus grand que toute
quantité de même nature (infini actuel), soit en ce sens qu'il peut devenir tel (infini
potentiel) » (Lalande, Voc. philos.). — REM. Dans la citation ci-après, Descartes n'emploie
infini que pour infini actuel.
1 Je ne me sers jamais du mot d'infini pour signifier seulement n'avoir point de fin, ce qui est négatif et
à quoi j'ai appliqué le mot d'indéfini, mais pour signifier une chose réelle, qui est incomparablement
plus grande que toutes celles qui ont quelque fin.
DESCARTES, Lettre à Clerselier

(→ Indéfini, cit. 1).

2 Mon entendement borné ne conçoit rien sans bornes : tout ce qu'on appelle infini m'échappe.
ROUSSEAU, Émile, IV.

I Adj.

1 (V. 1450). (En parlant de Dieu, du divin). En quoi l'homme ne remarque ni ne conçoit aucune
limite. | Dieu (cit. 36) est infini (→ Cause, cit. 4; entendre, cit. 30; éternel, cit. 3; extase,
cit. 2; gouffre, cit. 10; immense, cit. 1). | Dieu est infini dans ses perfections, ses attributs.
| La puissance, la bonté, l'intelligence, la miséricorde de Dieu sont infinies (→ Art, cit. 37;
génie, cit. 11).

3 Ce qu'on peut affirmer sans crainte, c'est que Dieu est infini, et que l'esprit de l'homme est bien
borné.

VOLTAIRE, Dict. philosophique, Infini, I.

4 Songez que celui qui tarde à profiter du moment de la grâce, s'expose à ce qu'elle lui soit retirée; que
si la bonté Divine est infinie, l'usage en est pourtant réglé par la justice; et qu'il peut venir un moment
où le Dieu de miséricorde se change en un Dieu de vengeance.

LACLOS, les Liaisons dangereuses, CXXIII.

5 Borné dans sa nature, infini dans ses vœux,


L'homme est un Dieu tombé qui se souvient des cieux.
LAMARTINE, Premières méditations, II.

2 (V. 1361). Relig. ou littér. Qui n'est pas borné dans le temps, qui n'a pas de fin, de terme. | Un
avenir infini. | La béatitude infinie des élus.  Éternel, fin (sans), perpétuel.
6 (…) qui nous dira (…) qu'une justice infinie ne s'exerce pas à la fin par un supplice infini et éternel ?

BOSSUET, Oraison funèbre d'Anne de Gonzague.

7 Espérez ! espérez ! espérez ! misérables !


Pas de deuil infini, pas de maux incurables,
Pas d'enfer éternel !

HUGO, les Contemplations, VI, XXVI.

 Didact. et cour. Qui, dans un ordre donné, n'a aucune limite*; qui est plus grand que tout ce
qui comporte une limite. | L'espace (cit. 6) conçu comme un milieu infini et infiniment
divisible. | Espace (cit. 8) géométrique continu et infini. | Espaces infinis (→ Effrayer, cit. 2,
Pascal). — (1214). Math. et cour. | Quantité infinie. | La suite des nombres entiers est infinie.
| Série infinie. | Ensemble infini, dont le nombre d'éléments est illimité. → aussi ci-dessous,
n. m.

8 Nous avons beau enfler nos conceptions, au delà des espaces imaginables, nous n'enfantons que des
atomes, au prix de la réalité des choses. C'est une sphère infinie dont le centre est partout, la
circonférence nulle part.

PASCAL, Pensées, II, 72.

9 Je n'examine point ici s'il y a en effet des quantités infinies actuellement existantes; si l'espace est
réellement infini; si la durée est infinie; s'il y a dans une portion finie de matière un nombre
réellement infini de particules. Toutes ces questions sont étrangères à l'infini des mathématiciens (…)

D'ALEMBERT, Éléments de philosophie, XIV.

 Vx.  Indéfini. | Cercle considéré comme un polygone d'un nombre infini de côtés (cit. 14,
Malebranche).

B Cour. (1552). Qui semble ne jamais devoir se terminer, ne pas avoir de borne; très
considérable (par la grandeur, la durée, le nombre, l'intensité). — (Spatial).  Illimité,
immense. | Horizon, désert, ciel, paysage infini (→ Aplanir, cit. 2). | Mer, étendue,
campagne infinie. | Longueur, hauteur, profondeur infinie (→ Globe, cit. 2). | Grandeur,
exiguïté (cit. 2) infinie. | Distance infinie entre deux étoiles, entre deux choses (→ Homme,
cit. 4). Fam. et rare. | Des jambes infinies, très longues.  Interminable. — (Temporel).
 Interminable. | Une conversation infinie (→ ci-dessous, cit. 12). | Des bavardages infinis
(→ Qui n'en finissent plus). | Une durée infinie. — (Caractérisant une quantité).
 Incalculable, innombrable. | Un nombre infini, une foule infinie de… (→ Canal, cit. 1;
forme, cit. 66; fourmilière, cit. 1; guerre, cit. 5). | Les nuances infinies du langage
(→ Accommoder, cit. 15). | Des fioritures (cit. 2), des variations infinies (→ Grotesque,
cit. 2). | Les façons infinies d'écrire l'histoire (cit. 7). | Une infinie diversité, variété.
— (Avec un nom au sing., exprimant une réalité psychique). Très remarquable par son
importance ou son intensité.  Extrême. | Grâce (cit. 93), patience, tendresse, joie, douleur
infinie (→ Aérien, cit. 1; affirmer, cit. 10; apaisement, cit. 2; fatalité, cit. 5; hyperbole,
cit. 2). | Je vous en sais un gré (cit. 21) infini. | Un infini besoin d'être aimé (cit. 12). | Avec
un art infini (→ Assortir, cit. 11). | Il m'a fait un bien, un plaisir infini. — (Plur.). Très
nombreux (le résultat global impliquant l'importance ou l'intensité). | D'infinies précautions.
| D'infinies complications (cit. 2). | Richesses infinies.  Colossal, énorme. | Prétentions
infinies.  Démesuré.
10 (…) un plaisir
Aussi pur qu'infini, tant en prix qu'en durée (…)

LA FONTAINE, Fables, XI, 4.

11 (…) son courage (du cardinal de Retz) est infini : nous voudrions bien qu'il fût soutenu d'une grâce
victorieuse.

Mme DE SÉVIGNÉ, 410, 26 juin 1675.

12 La conversation fut infinie entre les deux amis.

STENDHAL, le Rouge et le Noir, I, XXVI.

13 Oh ! l'inoubliable regard de tristesse sans recours, d'infinie résignation à l'infinie désespérance (…)

LOTI, Suprêmes visions d'Orient, p. 45.

REM. Dans cette acception, infini peut admettre un degré de comparaison.

14 « La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la
charité, car elle est surnaturelle » (Pensées, XII, 793). Il est à croire que M. Pascal n'aurait pas
employé ce galimatias dans son ouvrage, s'il avait eu le temps de le revoir.
VOLTAIRE, Remarques sur les Pensées de Pascal, XVI.

15 L'œil de l'esprit ne peut trouver nulle part plus d'éblouissements ni plus de ténèbres que dans
l'homme; il ne peut se fixer sur aucune chose qui soit plus redoutable, plus compliquée, plus
mystérieuse et plus infinie.
HUGO, les Misérables, I, VII, III.

II (V. 1361). N. m. | L'INFINI.

1 Philos. L'Être infini en tous ses attributs, Dieu, le divin, l'absolu.  Absolu, parfait; → Beau,
cit. 102; créature, cit. 8; esprit, cit. 34 et 42; existence, cit. 2; exprimer, cit. 20.
| Aspiration (cit. 3) vers l'infini, appel de l'infini (→ Élancement, cit. 3).
16 Et je ne me dois pas imaginer que je ne conçois pas l'infini par une véritable idée, mais seulement
par la négation de ce qui est fini (…) puisqu'au contraire je vois manifestement qu'il se rencontre plus
de réalité dans la substance infinie que dans la substance finie, et partant que j'ai en quelque façon
premièrement en moi la notion de l'infini que du fini, c'est-à-dire de Dieu que de moi-même (…)

DESCARTES, Méditations métaphysiques, III.

17 Il est certain que notre âme demande éternellement (…) l'univers entier ne la satisfait point. L'infini
est le seul champ qui lui convienne (…) Enfin, gonflée et non rassasiée de ce qu'elle a dévoré, elle se
précipite dans le sein de Dieu, où viennent se réunir les idées de l'infini, en perfection, en temps et en
espace (…)

CHATEAUBRIAND, le Génie du christianisme, I, VI, I.

18 (…) malgré moi l'infini me tourmente.


Je n'y saurais songer sans crainte et sans espoir (…)

A. DE MUSSET, Poésies nouvelles, « Espoir en Dieu ».

19 (…) je ne puis grandir de l'épaisseur d'un cheveu, ni me rapprocher tant soit peu de l'infini.

NERVAL, trad. GOETHE, Faust, I, p. 74.

20 Plus j'avance dans la vie, plus je me rattache au seul problème qui garde toujours son sens profond
et sa séduisante nouveauté. Un infini nous déborde et nous obsède.

RENAN, Questions contemporaines, Œuvres, t. I, p. 168.

21 (…) il est des villes — Bénarès, La Mecque, Lassa, Jérusalem, — encore tellement imprégnées de
prière, malgré l'invasion du doute moderne, que l'on y est plus qu'ailleurs libéré d'entraves charnelles,
et plus près de l'infini.

LOTI, l'Inde (sans les Anglais), VI, VIII.

2 (1662). Ce qui est infini par l'un de ses aspects (grandeur, distance…). | Les deux infinis, de
grandeur et de petitesse, selon Pascal (→ Contempler, cit. 1; homme, cit. 51;
impénétrable, cit. 13). | Aucun sens ne peut montrer l'infini (→ Exister, cit. 3). — Philos.
| L'infini actuel et l'infini potentiel (→ ci-dessus, supra cit. 1).

 Math. | L'infini géométrique, mathématique (noté ∞). → Démontrer, cit. 2; entre, cit. 38.
| Infini dénombrable, continu. | Fonction qui tend vers plus l'infini (+∞), moins l'infini (−∞).
— Vx. | Calcul de l'infini.  Infinitésimal. — Géom. | À l'infini (→ aussi ci-dessous). | Une
parabole peut être considérée comme une ellipse dont l'un des foyers est rejeté à l'infini.
22 (…) on voit d'abord à quel point la notion de l'infini est pour ainsi dire vague et imparfaite en nous;
on voit qu'elle n'est proprement que la notion d'indéfini, pourvu qu'on entende par ce mot une
quantité vague à laquelle on n'assigne point de bornes (…) On voit encore par cette notion que l'infini,
tel que l'analyse le considère, est proprement la limite du fini, c'est-à-dire le terme auquel le fini tend
toujours sans jamais y arriver (…) La géométrie, sans nier l'existence de l'infini actuel, ne suppose
donc point, au moins nécessairement, l'infini comme réellement existant (…)

D'ALEMBERT, Éléments de philosophie, XV, XIV, Œuvres, t. I, p. 288-289.

23 Au commencement de la géométrie, on dit : « On donne le nom de PARALLÈLES à deux lignes, qui,


prolongées à l'infini, ne se rencontreraient jamais ». Et, dès le commencement de la Statique, cet
insigne animal de Louis Monge a mis à peu près ceci : Deux lignes parallèles peuvent être
considérées comme se rencontrant, si on les prolonge à l'infini.

STENDHAL, Vie de Henry Brulard, 34.

 (XXe). Photogr. Zone où les objets donnent une image nette dans le plan focal.

3 (1690). Ce qui, dans l'ordre sensible, psychique, affectif, moral… semble infini, en raison de
sa grandeur, de son intensité ou de son indétermination. — Absolt.  Illimité, immensité. | Au
bord de l'infini (Hugo, les Contemplations; → Frisson, cit. 36). | Un ennui (cit. 26) qui
cherche l'infini, l'indéterminé. | Faire de l'infini avec de l'imprécis (cit. 4). — (Avec un
complément déterminatif). | L'infini des cieux (→ Atome, cit. 11), de l'océan (→ Étendue,
cit. 10). — L'infini de la jouissance (→ Damnation, cit. 4), de l'amour.
24 La passion est le pressentiment de l'amour et de son infini auquel aspirent toutes les âmes
souffrantes.

BALZAC, la Duchesse de Langeais, Pl., t. V, p. 220.

25 Que les fins de journées d'automne sont pénétrantes ! Ah ! pénétrantes jusqu'à la douleur ! car il est
de certaines sensations délicieuses dont le vague n'exclut pas l'intensité; et il n'est pas de pointe plus
acérée que celle de l'Infini.

BAUDELAIRE, le Spleen de Paris, III.

26 Tu les conduis doucement vers la mer qui est l'Infini, tout en réfléchissant les profondeurs du ciel
dans la limpidité de ta belle âme; — et quand, fatigués par la houle et gorgés des produits de l'Orient,
ils rentrent au port natal, ce sont encore mes pensées enrichies qui reviennent de l'Infini vers toi.

BAUDELAIRE, le Spleen de Paris, XVIII.

27 Et le jour se lève pour moi sur un monde de branches et d'herbages, sur un océan d'éternelle
verdure, sur un infini de mystère et de silence, déployé à mes pieds jusqu'aux lignes extrêmes de
l'horizon.

LOTI, l'Inde (sans les Anglais), I, I.

4  (1626). À L'INFINI. Loc. adv. (cf. les loc. lat. Ad infinitum, in infinitum). a Math.

| Multiplier un nombre par lui-même à l'infini. | Espace (cit. 2) divisible à l'infini. | Droite
prolongée à l'infini.  Indéfiniment.
28 Quelque grand que soit un espace, on peut en concevoir un plus grand, et encore un qui le soit
davantage; et ainsi à l'infini, sans jamais arriver à un qui ne puisse plus être augmenté. Et au
contraire, quelque petit que soit un espace, on peut encore considérer un moindre, et toujours à
l'infini, sans jamais arriver à un indivisible qui n'ait plus aucune étendue.

PASCAL, Opuscules, III, XV, De l'esprit géométrique.

b Cour. Sans qu'il semble y avoir de fin.  Beaucoup, infiniment. | Varier, différer à l'infini
(→ Coutume, cit. 9). | Produire à l'infini (→ Équipement, cit. 6). | Cela irait à l'infini : cela
n'en finirait pas.  Éterniser (s'). — Adj. | Discussions, gloses à l'infini, interminables
(→ Collège, cit. 3).

29 (…) si vous venez ici, nous causerons à l'infini.

Mme DE SÉVIGNÉ, 1035, 2 sept. 1687.

30 Tous les vases sont en bronze, mais le dessin en est varié à l'infini, avec la fantaisie la plus
changeante (…)

LOTI, Mme Chrysanthème, XXXIV.

 (Spatial). Aussi loin que l'on peut voir, à perte de vue. | Vagues de blé (cit. 8) qui ondoient à
l'infini. | Tour qui s'élève (cit. 44) à l'infini. | Partout, à l'infini… (→ Équatorial, cit.).
31 Dans la chaleur encore étouffante, la Beauce avait repris son activité, les petits points noirs des
équipes reparaissaient, grouillants, à l'infini.

ZOLA, la Terre, III, IV.

32 On aperçoit, à l'infini, du sud au nord,


La noire immensité des usines rectangulaires.

VERHAEREN, les Villes tentaculaires, « La plaine ».

 Jusqu'à l'infini (→ Épuiser, cit. 29; habitude, cit. 45). | Augmenter qqch. jusqu'à l'infini.

CONTR. Borné, fini, limité.

DÉR. Infiniment, infinitude.

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