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Chapitre-2 : Phénomène de corrosion

Introduction
Dans la nature, les métaux sont principalement présents sous forme d’oxydes (Fe2O3,
CuO2, Al2O3, etc.). Pour obtenir des métaux non oxydés, la métallurgie procède par
réduction de ces oxydes. Les métaux au degré d’oxydation zéro sont, à quelques
exceptions près, thermodynamiquement instables : ils sont oxydés par l’oxygène de
l’air mais la réaction est heureusement extrêmement lente. En présence d’eau, ils
peuvent subir une oxydation beaucoup plus rapide, de la part de l’eau elle-même ou
bien de l’oxygène dissous dans l’eau. Ce phénomène est appelé corrosion humide. Il
concerne les pièces métalliques partiellement ou complètement immergées, mais aussi
les pièces soumises à l’humidité atmosphérique.
I- Généralités
I1- Réactions électrochimiques de la corrosion
La corrosion humide est un phénomène électrochimique. Les deux réactions
électrochimiques ayant lieu sur la surface du métal sont l’oxydation du métal, et la
réduction de l’eau. Par exemple pour le fer, les deux réactions élémentaires sont :
Fe → Fe2+ + 2e− (1)
2H+ + 2e− → H2 (2)
La réaction de réduction de l’eau peut être écrite explicitement avec l’eau (écriture
préférable en milieu neutre ou basique) :
2H2O + 2e− → 2OH− + H2 (3)
Pour les calculs de potentiel, il faudra néanmoins utiliser la première forme, afin
d’utiliser le potentiel standard du couple E°(H+/H2) = 0 V
Lorsque la concentration d’oxygène dissous dans l’eau est importante, il se produit
aussi une réduction de l’oxygène :
1
O2 + H2O + 2e− → 2OH− (4)
2

La conséquence de ces deux réactions (oxydation anodique et réduction cathodique)


est la dissolution du métal sous forme d’ion, du moins lorsque le pH est assez bas pour
que l’ion ferreux soit stable. Au voisinage du métal, la formation d’ions hydroxyde
rend l’eau basique, ce qui provoque la formation de Fe(OH)2. Celui-ci peut- être oxydé
pour donner Fe(OH)3, qui peut se déshydrater pour conduire à l’oxyde de fer Fe2O3.La
rouille est un mélange d’hydroxydes et d’oxydes de fer.
Nous pouvons en déduire que la corrosion d'un métal est l'oxydation d'un métal du
degré d'oxydation nul à un degré d'oxydation positif. La corrosion humide d’un métal
nécessite un conducteur électronique (le métal) et un conducteur ionique
(l’électrolyte). C’est un processus électrochimique mettant en jeu :
 Conducteur métallique permettant la circulation des électrons entre les zones
anodiques et cathodiques
 Electrolyte par l’intermédiaire duquel l’anode et la cathode sont en contact
 Zones anodiques où le métal est oxydé : M → Mn+ + ne
 Zones cathodiques sièges d’une réduction qui peut être
- Milieu acide : 2H+ + 2e- → H2
- Milieu neutre désoxygéné : 2 H2O + 2e- → H2+ 2OH−
- Milieu neutre oxygéné : O2(aq) + 2H2O + 4e- → 4OH−

On forme ainsi une pile appelée pile de corrosion


I2- Étude thermodynamique
D’un point de vue thermodynamique, un métal est oxydé par l’eau si son potentiel
d’équilibre (ou potentiel de Nernst) est inférieur à celui de l’eau :
éq é𝑞
EM+/M < EH+/H2 (5)

Le potentiel de l’eau dépend du pH et celui du métal aussi en cas de formation


d’hydroxyde métallique. On utilise donc un diagramme potentiel-pH pour savoir si un
métal peut subir une corrosion.
Même en présence de corrosion, la concentration en ions métalliques au voisinage du
métal est très faible. Cette concentration ne peut être connue avec précision, d’autant
plus qu’elle dépend des mouvements de convection de l’eau au voisinage. On
considère néanmoins que l’ordre de grandeur de la concentration pour une vitesse de
corrosion moyenne est 10−6 mol·L−1. Voici le diagramme potentiel-pH du fer établi
pour cette concentration.
On peut identifier trois zones dans ce diagramme :

 Corrosion : Domaine dans lequel on a l’existence d’ions métallique en solution.


C’est le domaine de potentiel et de pH dans lequel la corrosion va pouvoir se
faire.
 Immunité : Domaine dans lequel la corrosion est thermodynamiquement
impossible : le métal est alors immunisé à la corrosion.
 Passivité : Domaine dans lequel les ions métalliques réagissent avec le solvant
pour former un oxyde métallique qui vient se déposer sur la surface du métal.
On verra dans la partie 3 sur la protection contre la corrosion un intérêt de se
trouver dans ce domaine dans certains cas.

La lecture de ces diagrammes permet d’anticiper les réactions


thermodynamiquement possible, et de savoir à quelles conditions de potentiel et de
pH se placer pour obtenir telle ou telle réaction spécifique.

Les diagrammes potentiel-pH sont des diagrammes thermodynamiques, qui ne


fournissent qu’une première information, très largement insuffisante pour expliquer
les observations. Ils doivent être complétés par une étude cinétique, obtenue au
moyen de courbes courant-potentiel.

I3- Étude cinétique : Potentiel de corrosion Ecor ou potentiel mixte EM


C’est le potentiel pris par le métal plongeant dans un électrolyte qui est son milieu
corrosif. C’est une grandeur cinétique qui dépend de l’élément métallique mais aussi
des paramètres du milieu corrosif. On peut accéder à sa valeur à partir des courbes
Intensité potentiel.
L’oxydation d’un métal par H+ s’interprète simplement. On regarde si la courbe
intensité-potentiel relative à l’oxydation du métal et celle relative à la réduction de H+
sur ce métal conduisent à une intensité d’oxydation (appelée ici intensité de corrosion
icorr) quasi-nulle ou pas. Le potentiel mixte pris par le système est appelé potentiel de
corrosion Ecorr. Sur les figures ci-dessous, le métal M est corrodé alors que M’ ne l’est
pas.

Bien que thermodynamiquement instable, le métal ne peut se corroder que très


lentement. La vitesse de la réaction de corrosion peut être discutée à l’aide de courbes
intensité – potentiel. Sur les courbes ci-après (ox est H2O ou O2(g) en milieu aéré), on
voit par exemple que la vitesse de réaction est beaucoup plus faible dans le cas où les
surtensions sont grandes (courbe de droite).

a- Exemple : courbe intensité potentiel anodique du fer à pH = 4


 Lorsque le potentiel imposé E se trouve dans le domaine d’immunité du fer :
point A . Le fer ne s’oxyde pas, le courant mesuré à l’électrode est nul. Le fer ne
s’oxyde pas, le courant mesuré à l’électrode est nul.
 Lorsque le potentiel imposé E se trouve dans le domaine de corrosion : point B
allure classique, le courant augmente lorsque le potentiel imposé augmente.
 Lorsque le potentiel imposé E se trouve dans le domaine de passivation : point C
Le courant diminue très nettement : le film passivant ralentit fortement le
transfert de charge et donc la vitesse de réaction. Il peut aller jusqu’à s’annuler
si la passivation est très efficace.
 Lorsque le potentiel imposé E atteint le mur du solvant : point D. L’intensité
augmente très rapidement ... mais ce n’est plus le fer qui est oxydé. (C’est l’eau
qui s’oxyde)
Remarque : Pour l’explication qualitative, on néglige ici les surtensions ... mais
il faudrait bien sûr les prendre en compte pour interpréter quantitativement les
valeurs de potentiel auxquelles s’observent les changements de comportement.
b- Exemple du fer : corrosion
E°(Fe2+/Fe) = - 0,44 V
La cinétique confirme la
thermodynamique : dessiner le
potentiel mixte et le courant de
corrosion sur la courbe i-E.

c- Exemple du zinc : pas de corrosion


E°(Zn2+/Zn) = - 0,76 V.
 Bien que la réaction soit
thermodynamiquement possible, la
surtension du couple H2O/H2 sur Zn pur
est élevée et il y a blocage cinétique : le
zinc est protégé
 Les impuretés diminuent la surtension, il
y a cette fois-ci un potentiel mixte

II- Les différents types de corrosion


Il existe différents types de corrosion humide et nous nous intéresserons à deux
d’entre elles, la corrosion uniforme et la corrosion différentielle (ou par
aération différentielle).
II1- La corrosion uniforme
On parle de corrosion uniforme ou généralisée lorsque toute la surface du métal en
contact avec la solution est attaquée de manière uniforme.
Exemple : E0(Fe2+/Fe) = −0,44V (système considéré rapide); pH = 1 et C0 = 1mol.L−1
Couple H+/H2(g) de potentiel E0(H+/H2) = 0,00V et pour lequel la surtention cathodique
sur le fer a pour valeur 0C = −0,26V

II2- La corrosion différentielle


La corrosion différentielle intervient dès qu'un gradient quelconque dans le métal ou
dans l'environnement de celui-ci apparaît.
a- Piles à électrodes dissemblables (Hétérogénéité du support) :
Corrosion galvanique
Une pile à électrodes dissemblables survient lorsque deux métaux différents sont en
contact. Le métal dont le potentiel est le plus bas subit une oxydation, l'autre métal est
le siège d'une réduction de l'eau ou de l'oxygène. On parle dans ce cas de couplage
galvanique entre les deux métaux. Ce type de corrosion est aussi appelé corrosion
galvanique. (Il survient également lorsqu'un métal a été usiné, cette zone jouant le
rôle de l'anode.)
L’interprétation est donnée en milieu acide.
Ecor,M seul < Ecor,M’ seul , M est moins noble que M’. On constate que icor,MM’ couplés >
icor,M seul
Quand deux pièces métalliques de nature différente sont mises en contact, la vitesse
de corrosion du métal le moins noble est fortement augmentée et celle du métal le
moins noble est fortement diminuée

b- L'aération différentielle
Dans le cas de l'aération différentielle, on a un gradient de concentration de l'espèce
oxydante. Ici, le dioxygène est dissout dans la phase aqueuse au contact du métal.
Il existe donc des zones à forte teneur en dioxygène dissout et d'autres pauvres en
dioxygène. Dans ce type de gradient, on a corrosion du fer dans les zones à faible
teneur en dioxygène et la réduction de l'oxygène dans les zones à forte teneur de
dioxygène. Ainsi, nous avons un courant électrique dans le métal entre la zone de
corrosion et la zone de réduction.
III- Protection contre la corrosion
III1- Le Revêtement
L’idée de protection par création d’un film à la surface du métal a été mise en œuvre
dans plusieurs techniques de protection :
• Emploi de peintures organiques ou minérales (protection physique) ;
• Dépôt d’un film métallique par immersion dans un bain de métal fondu ou par
électrolyse. Exemples : galvanisation ou électro zingage. On peut protéger le fer par
une couche protectrice de zinc (lui-même passivé). On réalise alors une pile de
corrosion dans laquelle c'est le zinc, plus réducteur, qui s'oxyde ;
• Formation d’un oxyde ou d’un phosphate en surface (protection chimique). Exemple
: la pièce de fer est plongée dans un bain chaud de phosphate de zinc provoquant la
formation d'une couche de phosphate de fer imperméable (parkérisation dans
l'industrie automobile).
III2- Passivation
Comme nous avons pu le voir avec la lecture du diagramme potentiel-pH, il existe une
zone de passivation pour des milieux neutre ou basique. Dans cette zone, les métaux
se recouvrent d’une couche d’hydroxyde (ou d’oxyde).
Cette couche ralentit une des clés du processus de corrosion :
• soit le transport de matière jusqu'à l'interface métallique,
• soit le transfert d'électrons nécessaire à la réduction rédox parce que la couche
est peu conductrice
Une fois que la couche est formée, la réaction d’oxydoréduction ne peut pas se
poursuivre. L’oxydation du métal cesse. On parle alors de passivation.

III3- Anode sacrificielle


L’idée est d’associer le métal à protéger à un métal plus réducteur qui s’oxyde à la
place du métal à protéger. Ainsi la réaction d’oxydation a lieu à la surface du métal le
plus réducteur.
Nous illustrerons ce principe dans le cas du fer protégé par le zinc.
Si une pièce de zinc est fixée sur une pièce de fer, le zinc est oxydé et le fer est le
siège d'une réduction de l'oxygène et de l'eau. L'anode de zinc est appelée anode
sacrificielle.
Au potentiel mixte de la pile à électrodes dissemblables ainsi constitué, le fer n’est plus
oxydé. Cependant, l’hydrogène se dégage sur le fer ce qui peut le fragiliser.
L’inconvénient de ce procédé est le dégagement de dihydrogène à la surface du métal
qui va fragiliser le réseau cristallin et la structure métallique.
Branches anodiques et cathodiques de la courbe intensité potentiel du fer et
du zinc dans le milieu corrodant
III4- Protection électrochimique par courant imposé
Il est possible de protéger un métal en le connectant à un générateur.

a- Protection cathodique
L’idée est assez simple : on porte le métal a un potentiel suffisamment négatif pour
qu’il soit parcouru par un courant de réduction et donc ne puisse pas être le siège
d’une réaction d’oxydation. La réaction de réduction est en général la réduction de
l’eau en dihydrogène.
On se situe dans la zone 1, métal immunisé et l'eau est réduite en dihydrogène.
On remarque ce que ce procédé ressemble énormément à celui de l’anode sacrificielle
énoncé précédemment. Les désavantages sont donc le dégagement de dihydrogène
sur le fer (fragilisation du cristal, de la structure métallique) mais également la
nécessiter d’utiliser un générateur de tension et la consommation d’énergie.
Malgré ces inconvénients ce dispositif est très utilisé notamment pour la protection des
canalisations souterraines.
b- Protection anodique
La protection anodique concerne les métaux passivables. Le métal est ici porté à un
potentiel suffisamment positif pour avoir formation de la couche protectrice. On se
situe dans la zone 3, métal passivé. On applique un courant très faible dans la zone de
passivation pour consommer moins d’énergie et pour éviter la transpassivation, on
s’arrête avant l’oxydation de l’eau.
IV- Conclusion
Pour conclure, la corrosion humide sur les métaux est un phénomène commun et très
courant. Cela s’explique notamment par le fait que ce phénomène est
thermodynamiquement favorisé.
Il est important de retenir que la base de la corrosion correspond à l’oxydation d’un
métal à cause de la mise en place d’une pile de corrosion. Dans le cas d’un métal pur,
il est à la fois anode (oxydation du métal) dans certaines zones et cathodes (réduction
de l’oxydant) dans d’autres. La corrosion peut être due à différents facteurs aussi bien
extérieurs (air, pluie acide, eau de mer) au métal que des facteurs liés au métal en
contact avec son environnement (composition, surface, température, concentration de
l’oxydant). La corrosion va alors se manifester différemment, de façon uniforme ou
généralisée (même vitesse de corrosion sur tout le métal) ou de façon différentielle.
Dans ce dernier cas, la corrosion peut être alors galvanique (pile à électrodes
dissemblables) quand deux métaux différents sont en contact, ou aération
différentielle (pile de concentration) quand il y a un gradient de concentration.
Une étude cinétique de la corrosion nous permet de connaître le courant de corrosion
qu’il y aura dans une pile de corrosion. Ce courant correspond à la vitesse de
dégradation du métal. Ainsi on peut connaître la durée de vie d’installation métallique
dans des conditions définies.
Après avoir étudié la corrosion nous avons pu comprendre les moyens mis en place
pour la contrer. Nous avons étudié quatre types de protection : le revêtement, la
passivation, l’anode sacrificielle et l’électrochimique par courant imposé. Elles se
basent sur le même objectif, stopper le transfert d’électron de l’oxydation ou le
transport de matière.
Connaître la corrosion est un enjeu crucial. En effet, les métaux se trouvant sous
forme de minerai sur Terre, nous devons les réduire afin de pouvoir les utiliser sous
forme métallique. Cependant, cela demande beaucoup d’énergie pour réduire et nous
avons pu observer qu’il était relativement aisé de les oxyder. Aussi il est important de
connaître et d’analyser la corrosion, pour savoir comment s’en protéger.

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