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Droit
commercial
2e édition
Luc Paulet
ISBN 9782340052123
©Ellipses Édition Marketing S.A., 2018
32, rue Bargue 75740 Paris cedex 15
Principales abréviations
Actu. Actualité
AJDA Actualité jurisprudentielle, Droit administratif
Ass. plén. Arrêt de la Cour de cassation, Assemblée plénière
BODACC Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales
Bull. civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambres civiles
Bull. crim. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, chambre criminelle
Bull. Joly Bulletin Joly Sociétés
CA Cour d’appel
CAA Cour administrative d’appel
Cass. Cour de cassation
CCI Chambre de commerce et d’industrie
CE Conseil d’État
CFE Centre de formalités des entreprises
CGI Code général des impôts
Civ. 1er Première chambre de la Cour de cassation
Civ. 2e Deuxième chambre de la Cour de cassation
Civ. 3e Troisième chambre de la Cour de cassation
CJUE Cour de Justice de l’Union européenne
Com. Chambre commerciale de la Cour de cassation
Cont. Conc. Cons. Contrats-Concurrence-consommation (revue)
Crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation
D. Recueil Dalloz
D. Affaires Dalloz affaires
Dr. et patr. Droit et patrimoine
D. som. Dalloz, sommaire
4 Principales abréviations
SOMMAIRE
Une table des matières détaillée figure à la fin de l’ouvrage.
Chapitre introductif
Section I : Introduction au droit commercial 8
Section II : L’évolution historique 24
Section III : Les sources du droit commercial 38
6 SOMMAIRE
Chapitre introductif
8 Chapitre introductif
Section I
Introduction au droit commercial
1. G. Ripert, R. Roblot, Traité de droit commercial, M. Germain, L. Vogel, T. I, LGDJ, 17e éd., préface, p. VI.
2. La préface du Traité de droit commercial date de 1947.
3. Les Romains désignaient par commercium le fait d’exécuter des actes juridiques. À Rome, le commercium
concerne les citoyens et assimilés qui ont le privilège d’accéder aux actes du jus civile. Voir R. Guillien,
J. Vincent, S. Guinchard, G. Montagnier, Lexique des termes juridiques, Dalloz ; aussi R. Szramkiewicz et
O. Descamps, Histoire du droit des affaires, Montchrétien, 2e éd., n° 49, p. 50.
4. G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF.
Chapitre introductif 9
commerçants » ; la matière réunit autrement dit l’ensemble des règles applicables aux
personnes qui font de l’activité commerciale leur profession. Cette vision subjective
est ancrée dans l’histoire ; dès l’origine, il a été un droit élaboré à la fois « par et pour
les marchands1 ». Ainsi perçu, ses règles s’appliquent aux personnes physiques et
aux personnes morales dans l’exercice de leur commerce. Le libraire, dont l’activité
consiste à acheter des livres pour les revendre, relève du droit commercial.
On lit ensuite que le droit commercial est le droit « des actes de commerce ». Cette
conception objective, qui trouve sa consécration dans le Code de commerce de 1807,
étend son champ d’application. Ce ne sont plus les personnes commerçantes qui en
délimitent le domaine, mais la nature des actes réalisés. Il concerne les personnes
non-commerçantes dès lors qu’elles réalisent des actes que la loi considère comme
étant des actes de commerce. L’article L. 110-1 du Code de commerce dresse une
liste d’actes de commerce ; toute personne qui réalise l’une de ces opérations, dans
les conditions visées par ce texte, se trouve soumise au droit commercial2.
10 Chapitre introductif
Cette conception n’est pas sans conséquences. Elle conduit à appréhender le droit
commercial en ne s’attachant pas tant à sa définition qu’à son domaine. Il apparaît
comme une « mosaïque » regroupant l’ensemble des règles de nature commerciale
qu’on classe en fonction de leurs finalités. En toute première place se situe « la
maison-mère1 » du droit commercial, c’est-à-dire les dispositions concernant les
actes de commerce, les commerçants et le fonds de commerce. Viennent ensuite les
règles liées au fonctionnement de l’entreprise commerciale (droit des sociétés, droit
comptable notamment), celles régissant les contrats passés par les commerçants
dans l’exercice de leurs activités (comme les contrats de distribution ou ceux conclus
avec des intermédiaires du commerce), puis les dispositions encadrant l’exercice
du commerce (droit de la concurrence) et l’exploitation de certains droits (droit
de la propriété industrielle), auxquelles s’ajoutent les textes régissant les opéra-
tions bancaires et de financement, et ceux relatifs aux difficultés des entreprises
(mesures de prévention, procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou
de liquidation judiciaire).
Tel qu’il apparaît, le droit commercial appelle deux observations. Il s’agit d’un
droit qui se présente davantage comme une juxtaposition de textes que comme un
ensemble de règles coordonnées2. S’il occupe une place propre parmi les disciplines
juridiques, il ressemble à « un gigantesque maquis3 », souvent difficile à défricher tant
ses règles sont nombreuses et poursuivent des objectifs différents. Le droit commercial
n’est ensuite pas, malgré son vaste domaine, un droit régissant l’ensemble de l’activité
économique. De nombreux domaines restent en dehors de son périmètre d’action.
Les activités agricoles, artisanales, libérales, qui sont considérées comme civiles,
demeurent soumises, sauf dispositions légales contraires, à des règles spéciales4 et
à celles du Code civil. Cette constatation conduit certains auteurs, comme on le
verra, à proposer la création d’une nouvelle matière.
1. Sur cette approche téléologique, voir A. Viandier et J. Vallansan, Actes de commerce, commerçants, activité
commerciale, PUF, 2e éd., n° 6.
2. F. Dekeuwer-Défossez et E. Blary-Clément, Droit commercial, Montchrestien, 11e éd., p. 35, n° 34.
3. M. Guibal, Répertoire de droit commercial, Dalloz, Commerce et industrie, n° 3.
4. Par exemple, à celles du Code de l’artisanat pour les artisans ou à celles du Code rural et de la pêche maritime
pour les activités agricoles.
5. G. Decocq et A. Ballot-Léna, Droit commercial, op. cit., p. 7, n° 13.
Chapitre introductif 11
brouillent lorsqu’il s’agit de savoir s’il est un droit autonome. La réponse n’est pas
simple, car les critères capables de fonder l’autonomie d’une discipline juridique
restent discutés. Le plus souvent toutefois, et malgré sa finalité propre, son autonomie
est mise en cause aux motifs qu’il entretient des rapports fi liaux avec le droit civil
et des liens étroits avec d’autres disciplines juridiques. Si « les règles particulières
aux transactions commerciales sont établies par les lois relatives au commerce1 »,
dans de nombreuses hypothèses les dispositions du Code civil régissent les rapports
commerciaux. C’est en particulier en application de la théorie générale des obligations
qu’est appréciée la validité des contrats de la vie commerciale (contrats de vente,
contrats de distribution…). Et de manière générale, le Code civil, en sa qualité de droit
commun, reste applicable à défaut de textes spéciaux, ce qui accrédite la conception
doctrinale selon laquelle « le droit commercial n’est que la réunion des exceptions
apportées aux règles civiles dans l’intérêt du commerce2 ». Les rapports entre les
deux disciplines ne sont d’ailleurs pas à sens unique. Par un phénomène qualifié
parfois de « commercialisation », « d’intrusion » ou de « contagion », les règles et les
techniques du droit commercial s’étendent à la sphère civile3. Le fonds agricole ou
libéral que notre droit connaît aujourd’hui est inspiré du fonds de commerce, la
loi de 1966 sur les sociétés commerciales a influencé la loi de 1978 sur les sociétés
civiles, les dispositions sur la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation
judiciaire ont été progressivement étendues à des entreprises civiles (aux personnes
morales de droit privé en 1967, aux artisans en 1985, aux agriculteurs en 1988, aux
professions libérales en 2005)4, récemment certains usages propres à sanctionner une
inexécution contractuelle ont été repris en droit civil pour pouvoir être appliqués
à des personnes non-commerçantes5. Ce phénomène a conduit certains auteurs à
proposer d’unifier les pratiques pour soumettre les opérations qui présentent des
analogies aux mêmes règles indépendamment de leur caractère civil ou commercial ;
d’autres vont plus loin en considérant qu’il faudrait, à l’image de certains droits
étrangers, fusionner les deux disciplines. Ce serait, résument certains, une « source
non négligeable de contentieux qui disparaîtrait si l’on supprimait une distinction,
au fond inutile6 ».
1. Comme le précisait l’ancien article 1107 alinéa 2 du Code civil. Le nouvel article 1105 alinéa 2 dispose
désormais que « les règles particulières à certains contrats sont établies dans les dispositions propres à
chacun d’eux ».
2. G. Ripert et R. Roblot, Traité de droit commercial, op. cit., p. 9, n ° 13.
3. Sur la question, F. Dekeuwer-Défossez et E. Blary-Clément, Droit commercial, op. cit., p. 35, n° 35. Ces
auteurs parlent de « liaisons dangereuses » entre le droit civil et le droit commercial ; également M. Pédamon
et H. Kenfack, Droit commercial, Dalloz, coll. Précis, 4e éd., p. 80, n° 82.
4. V. F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté, Instruments de crédit et de paiement, LGDJ,
8e éd., p. 4 et s.
5. V. infra lors de l’étude du régime des actes de commerce.
6. Dekeuwer-Défossez et E. Blary-Clément, Droit commercial, op. cit., p. 37, n° 36.
12 Chapitre introductif
Le droit commercial entretient ensuite des rapports étroits avec d’autres disciplines
juridiques. Il en est ainsi avec le droit fiscal qui exerce son emprise sur certaines
opérations commerciales. En pratique, il n’est pas rare que les commerçants se
déterminent en raison des conséquences fiscales découlant de l’opération qu’ils
envisagent d’accomplir (tel est le cas par exemple pour la création d’une forme de
société plutôt que d’une autre). De fait, le droit fiscal oriente le choix des techniques
commerciales, obligeant souvent le commercialiste, dans des remarques de fin de
paragraphe, à revêtir les habits du fiscaliste. Le droit du travail s’empare également
à sa manière du droit commercial. Tous les commerçants employant des salariés
doivent respecter les règles protectrices du Code de travail, ce qui leur impose
lors de certaines opérations d’intégrer des intérêts divergents de ceux dictés par
le strict exercice de leurs activités commerciales1. Le droit commercial est sous la
coupe du droit pénal car celui-ci en déterminant, dans des textes très nombreux
et spécifiques (dont beaucoup se trouvent insérés dans le Code de commerce), les
pratiques commerciales illicites lui fi xe les frontières dans lesquelles il doit se tenir.
On peut mentionner l’influence de disciplines plus récentes. Le droit de la consom-
mation et celui de l’environnement sont, par exemple, aujourd’hui à combiner avec
la législation commerciale, spécialement parce qu’ils imposent le respect de règles
particulières, d’ordre public, lors de l’exercice de certaines activités2.
Enfin, le droit commercial est lié au droit international. Ses règles, en particulier
celles devenues considérables du droit communautaire, conduisent par primauté
à en déterminer le contenu.
1. L’article 1224-1 du Code du travail fait, par exemple, obligation de maintenir les contrats de travail en cours
au jour de la cession d’un fonds de commerce. Cette règle s’applique en cas de délocalisation de l’activité,
opération qui peut être motivée par une volonté de rentabilité commerciale.
2. V. les articles L. 511-1 et s. du Code de l’environnement.
3. Cité par J. Le Goff, L’homme médiéval, éd. Du seuil, Point Histoire, p. 28. Cet auteur constate qu’au Moyen
Âge : « en ville, l’argent est roi. La mentalité dominante est la mentalité marchande, celle du profit ».
Chapitre introductif 13
Son esprit général et ses caractères montrent qu’il s’agit d’un droit à fort
particularisme.
1. Y. Guyon, Droit des affaires, Economica, t. 1, n° 2. Selon cet auteur, « c’est un droit existentialiste » car « son
existence précède son essence ».
2. Gérard Lyon-Caen, « Contribution à la recherche d’une définition du droit commercial », RTD com. 1949,
p. 577.
3. J. Pailluseau, « Un nouveau Code de commerce en cette fi n de siècle, est-ce une si bonne idée ? », Études
offertes à Jacques Barthélémy, éd. Techniques 1994, p. 99.
4. Certains textes en sont même l’expression. Ainsi, toute société, précise l’article 1832 alinéa 1 du Code civil
est créée « en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ».
5. M. Pédamon et H. Kenfack, Droit commercial, op. cit., p. 77, n° 80 ; voir aussi J. Boncoeur et H. Thouément,
Histoire des idées économiques, Nathan, T. 1, De Platon à Marx, p. 61 et s.
6. Gérard Lyon-Caen, « Contribution à la recherche d’une définition du droit commercial », RTD com. 1949,
p. 577.
14 Chapitre introductif
Chapitre introductif 15
1. R. Szramkiewicz et O. Descamps, Histoire du droit des affaires, Montchrétien, op. cit., p. 27, n° 10.
2. Ce principe, qui structure le droit des contrats, s’exprime notamment dans les articles 1101 et 1103 du
Code civil. Relevons toutefois qu’il n’est pas absolu. Le législateur intervient pour en limiter la portée (en
particulier pour protéger la partie économiquement faible, comme le montrent de nombreuses dispositions
du Code de la consommation).
16 Chapitre introductif
Chapitre introductif 17
1. Le bordereau Dailly permet à un commerçant de céder, selon des formes prévues par la loi, ses créances
professionnelles (ainsi que les sûretés qui les garantissent), à un établissement de crédit qui lui en verse
immédiatement le prix, voir les articles 313-23 et s. du Code monétaire et fi nancier.
2. L’affacturage se présente sous différentes formes. Défi ni simplement, il désigne l’opération par laquelle un
établissement spécialisé (le factor) se fait céder des créances par son adhérent et s’engage en contrepartie
à lui assurer différents services. Il peut s’agir du recouvrement de ses créances, d’off rir un fi nancement,
de proposer une assurance-crédit sur les clients. Ces services se cumulent très souvent. Dans l’affacturage
classique (désigné sous le nom de full factoring), le factor propose un service de fi nancement d’assurance-
crédit et de recouvrement. Il supporte généralement le risque de non-paiement de la créance à l’échéance.
Comme l’observe un auteur, « c’est tout le poste clients d’une entreprise qui peut être ainsi sous-traité au
factor », voir D. Legeais, JurisClasseur Banque – Crédit – Bourse, Fasc. 580, Affacturage, n° 1.
3. V. infra.
4. V. infra lors de l’étude de la vente du fonds de commerce.
5. La publicité de la vente du fonds de commerce, celle du contrat de location-gérance, l’inscription du nantis-
sement de l’outillage et du matériel d’équipement sur un registre spécial en sont aussi des illustrations.
18 Chapitre introductif
1. D’autres conceptions ont été développées, voir notamment celle de L. Vogel, Du droit commercial au droit
économique, LGDJ, T. 1, 19e éd., p. 821, n° 807 et s.
2. Nombreux sont ainsi, tout en restant toutefois minoritaires, les ouvrages intitulés « Droit des affaires ». On
peut mentionner notamment, J.-B. Blaise et R. Desgorces, Droit des affaires, commerçants, concurrence,
distribution, LGDJ, 8e éd.
3. J.-B. Blaise et R. Desgorces, Droit des affaires, op. cit., p. 19, n° 2.
4. J. Hilaire, Le droit des affaires et l’histoire, Economica, p. 3.
5. Cl. Champaud, Le droit des affaires, Que sais-je, n° 1978, p. 22.
6. J.-B. Blaise et R. Desgorces, Droit des affaires, op. cit., p. 55, n° 84.
Chapitre introductif 19
droit des affaires n’est en réalité qu’un synonyme moderne du droit commercial1.
Les tenants de la nouvelle dénomination remarquent d’ailleurs, avec une franchise
remarquable, que le droit des affaires « englobe ce qui formait la substance du droit
commercial et qu’il lui emprunte l’essentiel de ses techniques2 ». D’autres relèvent
que le contenu actuel du droit commercial reste, quoi qu’on en dise, la base des
activités commerciales. C’est un « tronc commun » auquel se greffent d’autres
questions. À ce titre, il demeure suffisant et n’a pas à être englobé dans un ensemble
indifférencié. Il est observé que si toute activité ne peut s’exercer de manière satis-
faisante sans respecter des règles puisant leurs sources dans d’autres disciplines
que le droit commercial, ces autres règles ont déjà un contenu (droit fiscal, droit
social…) et des caractères propres difficilement fongibles dans un vaste ensemble ;
l’expression droit des affaires n’apporte donc en elle-même rien de nouveau, sauf
peut-être d’un point de vue purement didactique en permettant de signifier que
les règles applicables aux relations commerciales relèvent d’un vaste corpus. Rien
n’empêche du reste une transversalité des disciplines (ce qui est déjà très largement
le cas) sans vouloir nécessairement en créer une nouvelle qui n’améliore que très
peu les choses. Certains auteurs ajoutent que le droit des affaires, tel qu’il est
présenté, est un droit difficile à délimiter. Sous le qualificatif « droit des affaires »,
ce sont en fait de multiples dispositions issues du droit fiscal, du droit du travail,
du droit de la concurrence, de la consommation, du droit de l’environnement qui
se dissimulent. C’est un peu comme si, en droit civil, on voulait réunir dans une
seule matière toutes les règles qui s’appliquent aux personnes dans leur vie civile
(droit des personnes, des obligations, de la responsabilité, règles fiscales…). Si le
droit des affaires correspond à une vision plus juste de la réalité, il est, à l’opposé
de « l’étriqué droit commercial3 » d’un contenu trop large.
20 Chapitre introductif
1. V. l’article 51 de cette loi. Et pour un exemple d’application, l’article L. 141-28 alinéa 1 du Code de commerce
qui renvoie à ce texte. Relevons que d’autres codes que le Code de commerce utilisent le terme. C’est le
cas, par exemple, du Code du travail (L. 1111-2 notamment), du Code monétaire et fi nancier (L. 511-1) ou
encore du Code des assurances (L. 310-1).
2. Par exemple, le titre vii du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatif aux « Règles communes
sur la concurrence, la fiscalité et le rapprochement des législations », contient, dans son chapitre ier portant
sur les règles de concurrence, une section 1re intitulée « Les règles applicables aux entreprises ».
3. La loi ne lui confère pas la personnalité morale. Elle pourrait lui être accordée par la jurisprudence. Depuis
longtemps, il est acquis que si la personnalité résulte de la loi, elle peut être consacrée par les juges, voir Civ.
28 janvier 1954, Comité d’établissement de Saint-Chamond, D. 54, 217, note G. Levasseur. Mais, s’agissant
de l’entreprise, la Cour de cassation ne l’a jamais fait.
4. Jean Escarra, Principes de droit commercial, avec la collaboration de Jean Rault et Edouard Escarra, Librairie
du recueil Sirey, 1934, n° 102 et s., voir infra lors de l’étude des actes de commerce.
Chapitre introductif 21
les auteurs s’accordent depuis longtemps pour considérer qu’elle est différente du
fonds de commerce et ne saurait se confondre avec la notion de société, son contenu
est encore incertain1. Sans pouvoir reprendre ici toutes les conceptions proposées,
relevons-en quelques-unes. Dans l’abord de la commercialité des actes, Ripert et
Roblot considèrent que l’entreprise désigne « la mise en œuvre d’éléments nécessaires
à l’activité professionnelle2 ». Elle est un moyen permettant à l’entrepreneur d’unir
les facteurs de production, le capital et le travail. Dans le prolongement de cette
conception et en retenant une approche synthétique des textes qui la mentionnent, un
auteur a proposé de l’analyser comme une entité supposant l’exercice d’une activité
autonome, répétitive, ayant un caractère économique et reposant sur l’existence
de moyens nécessaires à cet exercice3. Par comparaison avec la notion de société,
d’autres auteurs la définissent « comme un ensemble cohérent de moyens humains
et matériels regroupés, quelle que soit la forme juridique de ce groupement, en vue
de l’exercice d’une activité régulière participant à la production ou à la circulation
des richesses, autrement dit une activité économique4 ». En croisant les notions
d’activité et d’organisation juridique, l’entreprise a encore été présentée, de manière
plus complète, comme « une entité économique » présentant un certain nombre
de caractéristiques fondamentales. Elle regroupe à la fois des moyens affectés à
l’exercice d’une activité (des capitaux, des biens…), un centre de décision et de
pouvoir (des dirigeants), une organisation complexe (c’est-à-dire des structures
permettant une exploitation), une communauté humaine organisée en centre d’intérêt
(celui des apporteurs de capitaux, des salariés). Selon cette conception, la notion
de société (comprise comme une personne ayant la personnalité morale) serait la
« structure d’accueil » de l’entreprise, elle donnerait aux entreprises qui l’adoptent
une personnalité morale qu’elle n’a pas en tant que telle ; la société constituerait en
d’autres termes la forme juridique de l’entreprise5. Plus récemment, l’entreprise a été
analysée comme « un centre autonome de décision exerçant une activité de nature
économique6 ». Observons que la jurisprudence participe également à l’élaboration
de la notion7. Et que le droit communautaire s’intéresse à l’entreprise. La Cour de
22 Chapitre introductif
1. CJCE, 23 avr. 1991, Höfner c/ Macrotron GbmH, aff. C-41/90, Rec. CJCE 1991, I, p. 1979 ; également à
propos d’un fonds de pension des membres de profession libérale, CJCE, 12 sept. 2000, Pavlov c/ Stichting
Pensioenfonds Medische Specialisten, aff. jtes C-180/98 à C-184/98, Rec. CJCE 2000, I, p. 6451 ; RTD com.
2001, p. 537, obs. S. Poillot-Peruzetto.
2. Le non-professionnel est défi ni comme « toute personne morale qui agit à des fi ns qui n’entrent pas dans
le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ». Le professionnel
correspond à « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fi ns entrant dans le
cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit
au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ». Le Code de la consommation définit également le
consommateur comme étant « toute personne physique qui agit à des fi ns qui n’entrent pas dans le cadre
de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».
Chapitre introductif 23
1. Par exemple, l’article L. 111-1 à propos de l’obligation générale d’information précontractuelle, l’article L. 215-1
à propos de la reconduction des contrats ou encore l’article R. 212-1 en matière de protection des consom-
mateurs contre les clauses abusives.
2. V. par exemple, la loi n° 2010-658 du 10 juin 2010 à propos de la qualité de commerçant des mineurs émancipés
ou encore certaines dispositions de l’ordonnance n° 2014-86 du 30 janvier 2014 en matière comptable.
24 Chapitre introductif
Section II
L’évolution historique
13. – Les premières règles d’encadrement des échanges commerciaux ont été
générées par les commerçants eux-mêmes1. Progressivement, avec l’accroissement
de l’activité et la nécessité de sécuriser et d’harmoniser les pratiques, des usages,
puis des textes écrits finiront par créer un droit commercial.
Comme l’ont montré les historiens, la naissance et l’évolution des règles commer-
ciales dépendent des transformations politiques, sociales, démographiques, mais
aussi techniques propres à chaque époque. La « civilisation économique2 » qui
est aujourd’hui la nôtre doit ainsi intégrer le développement des infrastructures
numériques dans l’élaboration du droit et ses modalités de mise en œuvre.
Retracer en quelques pages une histoire s’étendant sur des millénaires n’est
pas chose facile. Les grandes lignes de cette évolution peuvent être présentées en
prenant le Code de commerce comme point de repère historique.
14. – Si le besoin de donner au commerce des règles de droit a des origines très
anciennes, les grandes périodes historiques n’ont pas eu la même incidence sur la
création du droit commercial. Deux grandes époques sont généralement distin-
guées par les historiens : un long temps de naissance qui s’étend des civilisations
de l’Antiquité au Moyen Âge ; une période de structuration et de perfectionnement
à partir du milieu du Moyen Âge.
1. G. Minaud, Les gens de commerce et le droit à Rome, Essai historique et sociale du commerce dans le
monde antique romain, Presse universitaire d’Aix-Marseille, 2011, p. 30.
2. F. Braudel, Grammaire des civilisations, Les éditions Artaud, 1987, titre i, chapitre ier, p. 50.
3. N. Rouland, Introduction historique au droit, PUF, 1e éd., p. 58, n° 22.
Chapitre introductif 25
1. R. Skramkiewicz et O. Descamps, Histoire du droit des affaires, op. cit., p. 36, n° 22.
2. C’est le code d’Ur-Nammu (le roi d’Ur, vers 2100-2094 av. J.-C., fut le fondateur de la IIIe dynastie d’Ur)
qui constitue le plus ancien témoignage que nous possédons, voir J. Gaudemet, Les naissances du droit, Le
temps, le pouvoir et la science au service du droit, éd. Montchrétien, 1977, p. 3.
3. C’est au roi d’Hammourabi (ou d’Hammurabi) né vers 1810 et mort vers 1750 av. J.-C. que l’on doit cette
stèle sur laquelle figure une législation publique. Les textes, écrits en cunéiforme et akkadien (babylonien),
datent d’environ 1750 av. J.-C. Ils ne constituent pas un code au sens entendu aujourd’hui ; la nature exacte
de ces textes reste discutée, voir Skramkiewicz et O. Descamps, Histoire du droit des affaires, op. cit., p. 34,
n° 19 ; J. Gaudemet, Les naissances du droit, op. cit., p. 4 et s.
4. R. Skramkiewicz et O. Descamps, Histoire du droit des affaires, op. cit., p. 35, n° 20.
5. R. Skramkiewicz et O. Descamps, Histoire du droit des affaires, op. cit., p. 38, n° 24 ; G. Lefranc, Histoire
du commerce, Que sais-je, n° 55, p. 8.
26 Chapitre introductif
permettant de répartir entre tous les expéditeurs les pertes de marchandises subies
au cours d’un voyage (notamment celles liées aux jets de marchandises à la mer
pour alléger le navire et éviter un naufrage)1.
La ville de Carthage, fondée par les Phéniciens, fut, vers le Ve siècle av. J.-C., la
puissance commerciale dominante en Méditerranée occidentale. De cette période,
peu de traces écrites des pratiques commerciales sont cependant parvenues jusqu’à
nous, ou lorsqu’elles l’ont été, celles-ci demeurent peu exploitables.
La civilisation grecque a mis en place un vaste empire commercial. Les diffé-
rentes époques n’ont toutefois pas toutes été marquantes dans l’évolution du droit
commercial. La période essentielle semble avoir été celle des VIe et Ve av. J.-C. Le
premier apport sur lequel les historiens insistent, dans la création du droit, est le
rôle des échanges commerciaux entre cités. La civilisation grecque se caractérise par
l’existence de cités terrestres et maritimes qui étaient fixées dans la Grèce actuelle
mais aussi, par colonisation, en mer Noire et en mer Méditerranée occidentale et
orientale. Ces cités passaient entre elles des accords, avec leurs propres règles, afin
de faciliter les échanges. Les historiens relèvent ensuite que le commerce n’était
pas le fait des citoyens, mais d’étrangers dénommés « Métèques » (issus d’une autre
cité, à la différence des non-Grecs qu’étaient les « barbares »). Ils se livraient au
commerce à partir notamment des ports, comme celui du Pirée, dans lesquels on les
reléguait. Progressivement, un droit commercial propre, le « droit des Métèques »,
s’est développé à côté du droit civil pour régir les rapports commerciaux. Une
justice spécifique, fondée au départ sur l’arbitrage puis sur des « tribunaux pour
les Métèques », conduira à stabiliser l’application des règles2.
Le rôle joué par la monnaie dans le développement et les pratiques du commerce
a été considérable. La monnaie, d’origine probablement lydienne, est utilisée
dans les grandes cités marchandes, puis se répand dans toutes les autres cités qui
frapperont leurs propres pièces. Le recours croissant à la monnaie facilitera les
opérations commerciales et suscitera progressivement le commerce de l’argent, et
avec ce négoce l’essor de nouveaux métiers.
Les historiens observent que l’époque grecque correspond à une période
d’intervention de l’État dans le commerce, notamment par la création de banques
et l’adoption de mesures fiscales. C’est le début d’un droit économique, poursuivi
à Rome, puis perfectionné au cours des siècles suivants.
Sur le plan des techniques juridiques, certaines pratiques maritimes issues des
Phéniciens ont été reprises et développées. Le « prêt nautique », qui deviendra par
1. V. notamment Max Weber, Histoire économique, Esquisse d’une histoire universelle de l’économie et de
la société, éd. Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, p. 226 et s.
2. R. Skramkiewicz et O. Descamps, Histoire du droit des affaires, op. cit., p. 41, n° 30 et 32.
Chapitre introductif 27
la suite le prêt « à la grosse aventure » a été mis en place. Cette technique permettait
aux négociants maritimes d’emprunter de l’argent pour mener à bien une expédition,
argent qu’ils devaient rendre moyennant d’importants intérêts en cas de réussite
de l’opération, mais qu’ils ne remboursaient pas en cas de naufrage. S’agissant du
commerce terrestre, c’est au cours de cette période qu’a été posé pour la première
fois le principe selon lequel chaque associé d’une société doit participer aux bénéfices
et aux pertes proportionnellement à la part qu’il détient dans le capital.
En matière contractuelle, les Grecs ont fixé certains principes, comme le recours
à l’écrit, la bonne foi ou encore les sanctions en cas de retard d’exécution.
En relevant que la période fut très engagée dans l’économie des échanges, les
historiens tirent cependant une conclusion souvent nuancée sur son apport dans
l’élaboration du droit commercial. Ils relèvent généralement qu’elle n’a pas donné
naissance à une législation commerciale générale1. Le droit grec n’a laissé qu’un
certain nombre de techniques juridiques très en retrait par rapport au dévelop-
pement considérable du commerce. Ces techniques vont toutefois, observent-ils,
se diff user et marquer durablement l’influence du droit grec.
Avec l’avènement de la période romaine, l’essor du commerce se poursuit.
L’Empire romain va devenir, grâce à la conquête du bassin méditerranéen, une plaque
tournante du commerce maritime et territorial. À l’origine, Rome ne connaissait que
le droit civil ; il était un droit applicable aux seuls citoyens romains. Afin de régir les
rapports juridiques avec les étrangers (« les pérégrins » qui sont des étrangers issus
des provinces conquises), les Romains mirent en place un jus gentium. Ce « droit
des gens » comprenait des règles destinées à régir les actes juridiques passés avec les
étrangers et accordait un minimum de droits à toute personne en dehors de sa cité
d’origine. Le jus gentium se développa à côté du jus civile. Peu à peu, les Romains
ont admis qu’il puisse être appliqué dans les relations commerciales. Les préteurs
pérégrins, magistrats chargés de rendre la justice dans les affaires impliquant les
étrangers, ont joué un rôle essentiel dans son élaboration2.
Certaines dispositions économiques issues du jus gentium figureront dans le
Code Théodosien (premier code publié en 438).
En reprenant, en adaptant ou en créant de nouvelles règles, les Romains ont
permis de structurer certaines pratiques nécessaires au commerce. Les sources
juridiques, assez nombreuses dont disposent les historiens, montrent qu’ils ont
favorisé la conclusion des contrats en assouplissant leurs conditions de formation
(le consensualisme s’impose notamment pour le mandat, le louage). Certaines
1. L. Gernet, Droit et institutions en Grèce antique, Champs / Flammarion, p. 276 et s. ; Fustel de Coulanges,
La cité antique, Champs / Flamamarion, p. 230 et s.
2. C’est la raison pour laquelle on le qualifie de droit « prétorien », l’expression est restée employée.
28 Chapitre introductif
opérations telles que le prêt, la vente, le gage ont été facilitées. L’usage des sociétés
commerciales, à côté des sociétés civiles, s’est développé pour exercer de nombreuses
activités (bancaire, affermage…). Le droit romain reconnaîtra la tenue de registres
commerciaux qui font foi en justice. Il consacrera la présomption de solidarité
commerciale entre commerçants débiteurs ; le principe subsiste aujourd’hui sous
la forme d’un usage1.
En matière maritime, domaine de très forte activité, ils ont donné naissance à
de nouvelles notions juridiques, notamment à une action contre l’armateur (actio
exercitoria)2.
Les Romains ont également amélioré le droit de la faillite (venditio bonorum).
Entre le Ve siècle et le IIe siècle av. J.-C., cette procédure, qui est applicable aux
commerçants mais aussi aux non-commerçants, est passée d’une voie d’exécution
mise en œuvre sur la personne même du débiteur3, à une procédure s’exerçant
uniquement sur ses biens, préfigurant ainsi les bases du droit moderne.
À Rome est apparue à côté des petits marchands, une véritable classe sociale
de « bourgeoisie d’affaires », très puissante, qui va exercer son influence en matière
maritime et bancaire4.
Les Romains ont repris, en la renforçant, l’intervention étatique dans le
commerce. Ils ont fait usage de ce droit économique en fi xant notamment les prix
que ne devaient pas dépasser certaines denrées5, en usant de la législation fiscale6,
en prescrivant des incitations à exercer certaines activités ou en visant au contraire à
en interdire d’autres7. Durant le Bas-Empire, afin de faire face à la crise économique,
l’État exerce lui-même certaines activités commerciales (bancaires notamment) et
1. Sur tous ces points, voir R. Skramkiewicz et O. Descamps, Histoire du droit des affaires, op. cit., p. 54 et s.
2. R. Skramkiewicz et O. Descamps, Histoire du droit des affaires, op. cit., p. 48, n° 46. Ces actions sont l’œuvre
du « préteur », c’est-à-dire du magistrat chargé de rendre la justice.
3. À l’origine, le créancier impayé pouvait, selon la loi des XII Tables, vendre comme esclave son débiteur en
dehors de la cité car il était devenu un étranger, soit le faire travailler pour lui, soit décider de le faire mettre
à mort, voir R. Skramkiewicz et O. Descamps, Histoire du droit des affaires, op. cit., p. 64 et s.
4. Il existait à Rome différents types de commerçants. Pour désigner le commerce, dans son sens économique,
le mot commercium était employé. Le negotiator était un investisseur professionnel mobilisant les sommes
nécessaires à la réalisation d’opérations. Le mercator transportait des marchandises afi n de les vendre. Le
terme mercator est également parfois utilisé pour désigner celui qui achète ou vend lucri causa (à des fins
lucratives). L’argentarius occupait le rôle de banquiers en gardant les dépôts individuels, en encaissant les
lettres de crédit et de change ; V. Max Weber, Histoire économique, op. cit., p. 238, et G. Minaud, Les gens
de commerce et le droit à Rome, op. cit., p. 168 et 306.
5. En 301 av. J.-C., Dioclétien prend l’« Édit du maximum », les prix fi xés ne devaient pas être dépassés sous
peine de sanction, et même de mort, R. Szramkiewicz et O. Descamps, Histoire du droit des affaires, op. cit.,
p. 69, n° 93.
6. Les « publicains », gens d’affaires issus de la bourgeoisie seront chargés de lever l’impôt public et d’exécuter
les dépenses de l’État, c’est le système de « l’affermage ».
7. V. G. Minaud, Les gens de commerce et le droit à Rome, op. cit., p. 331 et s.
Chapitre introductif 29
organise un régime corporatif des métiers, qui finira par devenir obligatoire, de
manière à avoir le contrôle sur la production.
Malgré l’essor du commerce et du droit qui le régit, le bilan que dressent les
historiens de la période romaine est contrasté. L’œuvre législative des Romains
n’est pas, pour le droit commercial, aussi marquante que pourrait le laisser penser
le développement des techniques juridiques. Si certaines avancées marqueront la
législation commerciale ultérieure, Rome n’a pas donné naissance à un véritable
droit commercial. Les règles applicables au commerce étaient trop dispersées pour
former une unité1. Le jus gentium, en devenant un droit respecté par les étrangers
comme par les citoyens romains, fait figure de droit commercial. Il s’avère suffisant
pour satisfaire et faciliter les principales opérations de négoce, mais sans constituer
un corpus ; ce qui n’interviendra qu’au cours des siècles suivants.
1. V. G. Minaud, Les gens de commerce et le droit à Rome, op. cit., p. 326 et s. ; aussi R. Skramkiewicz et O.
Descamps, Histoire du droit des affaires, op. cit., p. 34, n° 19.
2. F. Braudel, L’identité de la France, Les hommes et les choses, 2e partie, chap. III, Les éditions Artaud, 1986,
p. 15.
3. Selon l’expression de F. Braudel, L’identité de la France, op. cit., p. 308.
4. V., F. Braudel, L’homme médiéval, op. cit., p. 311.
5. F. Braudel, Les Jeux de l’échange, Civilisation matérielle, économique et capitalisme, xve-xviiie siècle,
tome ii, éd. A. Colin, p. 112 et s.
30 Chapitre introductif
vont voir le jour pour assurer la sécurité et la rapidité des transactions. Ils vont peu
à peu s’affirmer pour s’appliquer aux opérations de négoce indépendamment de
la nationalité des commerçants et parfois même des lieux. La nécessité de règles
communes va ainsi progressivement s’imposer. La lettre de change (moyen de
paiement permettant d’éviter le transport d’argent sur des routes peu sûres)1 va, par
exemple, se transformer pour devenir un instrument de crédit et de spéculation par
le jeu des délais de paiement et du cours des monnaies. Les historiens rapportent
que de nombreuses transactions faites pendant les foires l’étaient à crédit. Les
juridictions spéciales des foires vont également se développer, ce qui permettra à
certaines règles commerciales (comme celles de la faillite) de s’affermir.
L’essor du commerce, et des règles qui l’encadrent, tient ensuite à l’évolution
des facteurs démographiques, religieux et surtout politiques qui vont peu à peu
transformer la société médiévale. Résumer une telle mutation n’est pas facile,
mais pour les historiens ce sont les évolutions démographiques et urbaines qui
constituent les éléments essentiels de départ du processus. Après une phase de
régression de la population (du milieu xive siècle jusqu’à celui du xve siècle) causée
par les épidémies2, les guerres (notamment la guerre de Cent Ans) et les conditions
climatiques (à l’origine de nombreuses famines) qui ramènera la société à un stade
d’économie naturelle3, l’expansion commerciale va reprendre. Le commerce de
proximité progressera sous l’impulsion du commerce au long cours qui favorisera le
développement et la diversification des approvisionnements. Les grandes expéditions
maritimes permettront l’ouverture de nouvelles voies d’échanges ; les mouvements
du commerce extérieur s’accentueront sur la partie orientale de la mer Méditerranée
et en mer du Nord.
C’est pendant cette période qu’est apparue une « civilisation urbaine » qui aboutira
à la mise en place d’un commerce sédentaire. Les revenus élevés que procurent les
activités artisanales et commerciales urbaines vont exercer un effet d’attraction
poussant la population vers les villes. Le développement des ateliers et surtout des
manufactures sera un facteur considérable d’intensification de l’activité. De grandes
métropoles voient le jour, ce qui va contribuer à augmenter les courants d’échanges ;
certaines villes vont servir de places financières permettant au négoce bancaire de
se développer. De nouvelles techniques commerciales vont naître de la banque ; les
métiers liés à l’argent (comme celui de changeur) se stabiliseront.
1. Comme le dit aussi F. Braudel, « une lettre de change, c’est en principe l’envoi, d’une place sur une autre, ou
sur une foire, d’une somme d’argent à verser dans une autre monnaie », F. Braudel, L’identité de la France,
op. cit., p. 378.
2. Les historiens estiment que la peste noire a fait, au milieu du xive siècle, environ vingt-cinq millions de
victimes en Europe.
3. V. Boncoeur et H. Thouément, Histoire des idées économiques, éd. Nathan, p. 29 et s.
Chapitre introductif 31
32 Chapitre introductif
Les évolutions politiques vont contribuer très largement aux mutations du droit
commercial. Le pouvoir royal va progressivement affirmer son autorité sur l’aris-
tocratie terrienne. Dans cette lutte, il recevra l’appui de la classe des commerçants.
Puis, par intérêt (conserver les faveurs financières des marchands), pour des raisons
politiques et de finances publiques (notamment pour la puissance tirée d’une
économie prospère, la perception de taxes), mais aussi à la demande du monde
marchand lui-même (pour consolider les bonnes pratiques ou en faciliter d’autres,
écarter la fraude…)1, le pouvoir royal s’intéressera davantage au commerce et aux
règles qui le régissent. Une telle évolution a été accompagnée par la mise en place
d’une administration centralisée et par la prise en compte des idées mercantilistes
favorables à une politique économique interventionniste2.
Le texte principal qui procéda à une uniformisation des règles applicables au
commerce fut une ordonnance de 1673 (dénommée Code Savary du nom de son
rédacteur)3. Les historiens considèrent aujourd’hui, malgré les critiques qui lui furent
adressées en son temps, qu’il s’agit d’une œuvre essentielle. Elle a réalisé un travail
de stabilisation du droit en conférant une portée générale à certaines pratiques
commerciales (notamment à la lettre de change, aux sociétés commerciales, aux
règles de compétence des juridictions et à celles applicables aux faillites)4. Cette
ordonnance fera l’objet de modifications, mais elle résistera à la Révolution française.
Un autre texte important a été l’ordonnance de 1681 sur le commerce maritime ;
elle a encadré de façon complète le déroulement des activités des gens de mer.
S’agissant des ouvrages portant sur le commerce, Savary publiera, après les
reproches adressés à l’ordonnance de 1673, Le parfait négociant en 1675, qui restera
pendant longtemps un livre de référence pour les pratiques commerciales qu’il
contient.
En somme, du xie siècle jusqu’à l’aube de la Révolution française, le droit
commercial s’est construit progressivement pour présenter un ensemble de règles
permettant de régir l’activité commerciale dans d’assez bonnes conditions. Il est à
remarquer que la réglementation du commerce n’a pas freiné le développement de la
classe des « gens d’affaires ». En s’appuyant d’abord sur le pouvoir royal, qui trouvait
Chapitre introductif 33
intérêt à une telle alliance, les commerçants se sont même peu à peu affranchis de sa
tutelle. Ils ont pu accumuler des richesses considérables rendant possible, pour les
plus puissants d’entre eux, l’exercice une certaine forme d’hégémonie sur la société.
L’apport des révolutionnaires au droit commercial est contrasté. Les historiens
du droit s’accordent cependant pour dire que la Révolution française a marqué,
à deux égards, durablement le droit commercial. Elle a affirmé le principe de la
liberté du commerce et de l’industrie par le décret d’Allarde des 2 et 17 mars 1791,
principe qui depuis constitue toujours le socle de la liberté d’entreprendre. Elle a
aboli, par la loi Le Chapelier des 14 et 17 juin 1791, les corporations ainsi que les
réglementations qu’elles avaient mises en place, permettant ainsi un libre accès
aux professions commerciales1. Mais, elle n’a pas totalement rompu avec le passé.
Les principales règles alors en vigueur n’ont pas subi l’assaut révolutionnaire ; les
ordonnances royales n’ont pas été modifiées, les tribunaux de commerce ont été
maintenus, si bien qu’après la Révolution le droit commercial conserve la même
physionomie générale.
17. – L’année 1807 ouvre une ère nouvelle pour le droit commercial. Quelques années
après le droit civil, ses règles ont fait l’objet d’une codification. Très largement inspiré
de l’ordonnance de 1673 sur le commerce et dicté par la volonté napoléonienne de
mettre fin à certains abus des « gens d’affaires », ce code présentait l’intérêt d’unifier
et de permettre de mieux connaître les pratiques commerciales tout en les rendant
applicables sur l’ensemble du territoire. Il est cependant très vite apparu décevant,
car son contenu n’était pas à la hauteur des besoins d’encadrement suscités par le
développement considérable des activités commerciales et financières. Lacunaire, il
devra, dans les années suivant son élaboration, être complété et modifié pour régir
certaines évolutions économiques que ses rédacteurs n’avaient pas suffisamment
anticipées.
1. F. Braudel fait observer que le mot corporation, pour désigner les corps de métiers, n’apparaît que dans la
loi Le Chapelier, qui en 1791, les supprime, voir F. Braudel, Les Jeux de l’échange, op. cit., p. 274.
34 Chapitre introductif
que, sous l’ordre de Napoléon, cinq textes ont été votés puis réunis dans une loi
du 15 septembre 1807 qui donna naissance au Code de commerce ; il est entré en
vigueur le 1er janvier 18081.
Ses rédacteurs ont pris soin à sa présentation comme en témoigne sa composition
en quatre livres distincts : « Du commerce en général, Du commerce maritime, Des
faillites et banqueroutes, De la juridiction commerciale ». Ces quatre livres compor-
taient un total de 648 articles (le Code civil en comptait 22812). Cette articulation a
subsisté jusqu’en 2000, date à laquelle le législateur a procédé à une recodification.
Malgré le travail de ses rédacteurs pour stabiliser et d’unifier le droit commercial,
le Code de commerce a été très vite critiqué. Rédigé sans doute trop rapidement,
et plus certainement sans véritable hauteur de vue par rapport aux nécessités du
commerce, il est apparu comme une œuvre insuffisante. Si la rédaction était rendue
difficile, observent les historiens, à cause d’un manque d’œuvres doctrinales sur
lesquelles s’appuyer, elle n’en a pas moins été jugée comme maladroite et confuse,
notamment sur le point essentiel de la commercialité. Tourné vers le passé, le code se
contentait de reproduire les anciennes règles de l’ordonnance de 1673 sans prendre
en considération les évolutions inévitables et déjà prévisibles. Il ne comportait pas
de dispositions sur des techniques qui avaient pris une importance primordiale
dans la vie commerciale. Le fonds de commerce était oublié, les sociétés de capitaux
négligées, certains moyens de paiement traités sommairement, les dispositions sur
les activités bancaires et les bourses de commerce étaient incomplètes, l’activité
d’assurance omise. L’idée d’en faire un code applicable à toutes les personnes
réalisant des actes de commerce était affirmée, mais l’approche retenue présentait
une ambivalence. En mélangeant une conception objective (fondée sur la réalisation
d’actes de commerce) et subjective (visant les personnes qui réalisent de tels actes) de
la commercialité, aucune conception claire du champ commercial n’était retenue. La
volonté napoléonienne de mettre sous la coupe d’un droit professionnel plus sévère
(en particulier des règles de la faillite) ceux qui, sans être commerçants, réalisaient
des opérations commerciales, était certes atteinte, mais au prix d’un manque de
cohérence d’ensemble. Certains auteurs voient dans cette « fragilité des fondements
théoriques » sur lesquels le droit commercial s’est édifié et dans le caractère lacunaire
de sa codification, une explication à la « dislocation » que le Code de commerce va
subir au fur et à mesure de l’extension du domaine commercial3.
De telles imperfections conduiront à en modifier très substantiellement le contenu.
Selon les historiens, il ne subsisterait aujourd’hui qu’une trentaine d’articles dans
Chapitre introductif 35
leur forme initiale sur les 648 qu’il comportait lors de son entrée en vigueur. Ce
qui en dit long, même si l’évolution du commerce a été très forte, sur « l’échec de
la codification napoléonienne1 ».
36 Chapitre introductif
Chapitre introductif 37
38 Chapitre introductif
20. – Dernières vues. Il apparaît, au terme de cette évolution historique, bien trop
rapidement retracée, que le droit commercial accompagne, plus qu’il ne devance,
les évolutions. Les difficultés pour régir certaines innovations technologiques en
sont aujourd’hui une nouvelle illustration. Mais il y a plus. Les forces économiques
semblent désormais s’affranchir de toute tutelle normative en profitant de l’interna-
tionalisation des échanges et des implantations. Pour favoriser ou réguler la « religion
du monde moderne1 » qu’est devenue la croissance, le droit reste, à l’évidence, un
instrument de régulation dont peut user le pouvoir politique. Les règles ne sont
toutefois bien souvent, non pas des dispositions d’ordre public de direction, mais
de simples dispositions d’ordre public de protection des rapports commerciaux.
Tout en se structurant autour des valeurs du marché et de la concurrence pour
encourager l’activité, la législation commerciale s’efforce d’atténuer certains effets
indésirables de la loi économique du « laisser-faire ». L’éclatement du cadre étatique
n’a pour l’instant pas été relayé, si tant est que cela soit possible ou opportun, par
une autorité supranationale.
Par ailleurs, si à peu près tout le monde s’accorde pour considérer que la création
d’une société qui ne soit pas entièrement régie par l’économie reste un horizon
indépassable, l’expansion de la sphère marchande sur la sphère privée (monétisation
des biens privés, exploitation des données personnelles…) à laquelle nous assistons
aujourd’hui risque, malgré les promesses de l’économie collaborative, de progresser
face à un droit en mal de repère. La formule d’un historien selon laquelle « le droit
expression du juste, paré de l’auréole du bien et armé de sanctions redoutables, sera
au service des hommes, mais entre leurs mains » reste toujours à méditer2.
Section III
Les sources du droit commercial
21. – L’activité commerciale est régie par une quantité innombrable de textes. Cet
édifice suscite depuis longtemps, et à de nombreux égards, les critiques doctrinales.
Comme l’a résumé un auteur, l’on assiste « à la prolifération de règles de droit
de toutes origines, en toutes matières, selon un processus marqué ces dernières
années par une accélération chronologique et quantitative grosse parfois d’une
1. D. Cohen, Le monde est clos et le désir infi ni, op. cit., p. 11.
2. J. Gaudemet, Les naissances du droit, Le temps, le pouvoir et la science au service du droit, Montchrestien,
1977, p. 355.
Chapitre introductif 39
22. – Si l’on observe les sources internes du droit commercial au regard des sources
traditionnelles du droit, elles ne présentent aucune originalité : elles se composent
à la fois de textes écrits et de sources non écrites. Mais, à les examiner de plus près,
un triple constat peut être fait : les sources écrites de nature législative partagent le
champ légal avec de très nombreuses dispositions adoptées par le pouvoir exécutif
et, dans une certaine mesure, par celles émanant d’autorités administratives ou
d’organismes professionnels ; les usages demeurent toujours, malgré la codification
des textes, des sources de la matière ; la jurisprudence joue enfin un rôle essentiel
en droit commercial.
1. B. Oppetit, « La décodification du droit commercial français », Études offertes à René Rodière, Dalloz, 1981,
p. 197.
2. V notamment, Étude annuelle du Conseil d’État 2026, Simplification et qualité du droit, p. 14 et s.
3. V. Rapport public 2016 du Conseil d’État, Sécurité juridique et complexité du droit, p. 262 et s.
4. L. Julliot de la Morandière, R. Rodière, R. Houin, Droit commercial, éd. Dalloz, 1969, p. 9, n° 37.
40 Chapitre introductif
1. Par exemple, le titre ii du livre ier du Code de la consommation est relatif aux « pratiques commerciales
interdites et pratiques commerciales réglementées ». Sur le phénomène de « décodification » en résultant,
voir supra.
2. F. Dekeuwer-Défossez et E. Blary-Clément, Droit commercial, op. cit., p. 26, n° 23.
3. J.-G. Locré, Esprit du Code de commerce, 1807, T. I, Avant-propos, p. XIII-XIV.
4. Cons. const. 16 janv. 1982, n° 81-132 DC, D. 1983, p. 169, note Hamon ; voir infra.
5. Cons. const. 7 mars 2014, décision n° 2013-368 QPC. Cet arrêt a conduit le législateur à modifier le texte
en question.
Chapitre introductif 41
1. Selon l’article 37 de la Constitution, « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un
caractère réglementaire ». L’article 21 dispose que « le Premier ministre assure l’exécution des lois. Sous
réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir réglementaire ». Suivant, l’article 13, il appartient
au Président de la République de signer les décrets délibérés en conseil des ministres.
2. Ou dans les nombreux autres codes qui contiennent des dispositions ayant vocation à s’appliquer à la vie
commerciale. Relevons que les décrets en Conseil d’État sont précédés de la lettre « R », ceux relevant d’un
décret simple sont signalés par la lettre « D ».
3. Ce sont les articles L. 123-12 à L. 123-28 et R. 123-172 à R. 123-203 du Code de commerce.
4. L’article 38 de la Constitution du 4 octobre 1958 permet au Gouvernement, pour l’exécution de son
programme, de demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité,
des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
5. C’est le cas, par exemple, pour les conditions d’immatriculation des personnes morales au registre du
commerce et des sociétés. L’article L. 123-11 du Code de commerce a été modifié par une ordonnance
n° 2009-104 du 30 janvier 2009.
6. Par exemple, l’article L. 144-3 du Code de commerce, qui précise quelles sont les conditions à respecter
pour concéder un contrat de location-gérance, a été modifié par une ordonnance n° 2004-274 du 25 mars
2004. Une ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a modifié les règles applicables au nantissement de
l’outillage et du matériel d’équipement.
7. Ordonnance n° 2004-1343 du 9 décembre 2004, voir les articles 27 et s.
42 Chapitre introductif
Chapitre introductif 43
44 Chapitre introductif
sanctions parfois confirmées par les juges. Ainsi, le fait pour une personne d’avoir
porté préjudice par ses actes et ses écrits à la fédération à laquelle elle adhérait, a
justifié sa radiation1 ; ne pas avoir respecté ses engagements envers une centrale
d’achats a fondé l’exclusion d’un adhérent et sa condamnation à des pénalités
statutaires2.
Les manquements aux normes déontologiques dont l’objet est de fixer les devoirs
des membres d’une profession ne peuvent toutefois « entraîner à eux seuls la nullité
des contrats conclus en infraction à leurs dispositions3 ».
B. Les usages
26. – Le droit commercial est né de la pratique, ce n’est que très progressivement
qu’il a fait l’objet d’écrits, puis d’une codification. Aujourd’hui encore, même si leur
place se réduit sous l’effet de l’inflation des textes, les usages conservent une place
importante comme source du droit. Deux raisons principales sont le plus souvent
avancées pour expliquer leur survie. La première tient à l’impossibilité pour les
pouvoirs publics de régir en détail l’activité commerciale, aussi laissent-ils le soin
aux commerçants de développer des solutions adaptées à la pratique. La deuxième
résulte des spécificités de la vie commerciale ; le commerce a besoin de simplicité,
de rapidité et d’adaptabilité, il apparaît que les usages sont mieux à même de satis-
faire de tels impératifs que la loi. Certains textes confirment ces justifications en
renvoyant expressément à l’application des usages4.
Malgré leur rôle ni le Code de commerce, ni les autres codes n’en donnent
de définition, ni ne précisent leur mode de formation. Généralement, les usages
sont perçus comme des pratiques professionnelles anciennes et constantes que les
commerçants d’un milieu déterminé suivent habituellement dans leurs relations
commerciales et auxquelles ils donnent une force obligatoire5. Une partie de la
1. Civ. 1er, 27 juin 2006, n° 04-13060. En l’espèce, il s’agissait d’une radiation à la Fédération des petites et
moyennes entreprises de Paris.
2. Com. 4 juillet 2006, n° 03-16443.
3. Civ. 1er, 5 nov. 1991, n° 89-15179, RTD civ. 1992, p. 383, obs. Mestre. Cette décision concerne le Conseil
supérieur de l’Ordre des experts-comptables et comptables agréés.
4. On peut mentionner, l’article L. 145-47 du Code de commerce qui précise, à propos de l’opération dite
de déspécialisation, qu’en cas de contestation, le tribunal de grande instance se prononce en fonction
de « l’évolution des usages commerciaux ». L’article L. 441-9, I, alinéa 9 du même code qui dispose que la
communication des conditions générales de vente « s’effectue par tout moyen conforme aux usages de la
profession ». L’article L. 442-6, I, 5° qui sanctionne le fait « de rompre brutalement, même partiellement,
une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et
respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords
interprofessionnels ».
5. V. P. Nicoleau, Dicojuris, Lexique de droit privé, éd. ellipses.
Chapitre introductif 45
doctrine relève que le mode de formation des usages commerciaux a évolué. Alors
qu’ils proviennent à l’origine de pratiques informelles détachées de tout support
écrit, certains usages sont aujourd’hui le résultat « de pratiques formalisées par
des documents de nature diverse1 ». Il est observé que les organisations profes-
sionnelles (les chambres syndicales de commerçants notamment) élaborent des
clauses générales regroupant les principales conditions contractuelles suivies par
leurs adhérents2. Ces pratiques contractuelles finissent, par habitude et répétition,
par s’imposer au sein d’une profession. Puis, les tribunaux les consacrent comme
usages commerciaux. Certains auteurs considèrent que le phénomène résulte, plus
simplement, des rapports contractuels entre commerçants eux-mêmes. À force d’user
de certaines clauses, les pratiques qu’elles envisagent finissent par être suivies par
les parties indépendamment de toute insertion dans le contrat.
Quel que soit leur mode de formation, les usages continuent de poser des
difficultés d’appréciation. Parce qu’ils ne se présentent pas de manière homogène
(ils peuvent être propres à un secteur d’activité, à un lieu, à une relation contrac-
tuelle, s’appliquer à tous les commerçants ou à certains seulement), la doctrine et
la jurisprudence ne parviennent pas à en retenir une conception unitaire. Le plus
souvent, même si la distinction n’est pas sans susciter des réserves, une séparation
est toutefois faite entre les usages conventionnels et les usages de droit afin d’en
apprécier la valeur et le régime juridique.
27. – Les usages conventionnels. Le trait essentiel des usages conventionnels est de
présenter un caractère supplétif de volonté ; ils ne s’appliquent que dans le silence
du contrat3. Lorsqu’un contrat ne règle pas tel ou tel point opposant les parties, et
qu’un usage existe, celui-ci doit recevoir application. Au fond, ces usages reposent
sur « une présomption de volonté tacite » : il est présumé que les parties, en l’absence
de toute prévision contractuelle, ont entendu se soumettre tacitement aux usages
habituellement suivis par les commerçants placés dans une situation semblable.
Cette conception d’application des usages n’emporte pas toujours l’assentiment des
juges. Il a été jugé, dans une décision restée cependant isolée, qu’un usage « ne peut
être retenu que lorsque les parties ont entendu expressément l’adopter4 ».
1. Sur la question de la création des usages, voir Mohamed Salah M. Mahmoud, Répertoire de droit commercial,
Dalloz, Usages commerciaux, n° 15 et s.
2. La fédération française de la franchise en est un exemple. Selon les informations données sur son site, elle
donne des conseils et formations sur le plan juridique, managérial, commercial. Relevons qu’il existe un
code de la déontologie européen de la franchise. Chaque fédération nationale est tenue de faire respecter
et de promouvoir ce code dans son pays.
3. Avant la modification du Code civil par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il était généralement
admis que le fondement des usages conventionnels reposait sur l’article 1160 ; ce texte disposait « qu’on doit
suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d’usage, quoiqu’elles n’y soient pas exprimées ».
4. Com. 8 octobre 1991, n° 89-15193, Contrats, conc., consom., 1992, n° 1, obs. L. Leveneur.