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Crii 012 0030
Crii 012 0030
États-Unis
Barry Edmonston, Sharon M. Lee, Jeffrey S. Passel
Dans Critique internationale 2001/3 (no 12), pages 30 à 38
Éditions Presses de Sciences Po
ISSN 1290-7839
ISBN 2724629140
DOI 10.3917/crii.012.0030
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Examinons à présent les résultats obtenus (tableau page 34). Même en l’absence
d’immigration et avec le maintien des niveaux actuels, assez bas, de fécondité, la popu-
lation américaine continuerait à croître durant une quarantaine d’années (Smith et
Edmonston 1997 : 95). La pente actuelle de croissance naturelle, rapide du fait de
la jeunesse de la population, fournit une réserve d’une cinquantaine de millions d’habi-
tants en plus dans les prochaines décennies, même si l’immigration devait cesser
aujourd’hui. Or l’excédent migratoire annuel est actuellement de 1 million et devrait
Intermariage, immigration et statistiques raciales aux États-Unis — 33
passer à 1,2 million dans les dix années qui viennent. La population totale des
États-Unis devrait donc atteindre 400 millions vers 2050 et 554 millions, c’est-à-
dire presque le doublement du chiffre actuel, en 2100 (section A, ligne « Projection
standard ») : cela sur la base de nos estimations initiales de la population en 2000
(279 millions), qu’il faut désormais revoir à la hausse au vu des premiers résultats
du recensement : la population totale était de 281 millions au 1er avril 2000.
- Croissance des différents groupes ethniques et raciaux selon les projections classiques
Les résultats présentés sur les lignes « Projection standard » et « Projection standard/
Total (%) » ne prennent pas en compte l’intermariage. En 2000, 71 % des habitants
sont blancs, 12 % noirs, 12 % hispaniques, 4 % asiatiques, 1 % amérindiens. Mais
les tendances futures de l’immigration, ainsi que les taux très différents de fécon-
dité et de mortalité selon les catégories, conduiront à des changements majeurs dans
la répartition des groupes raciaux.
La population blanche passera de 198 millions en 2000 à 211 millions en 2030,
puis restera à peu près à ce niveau durant les soixante-dix années suivantes ; toute-
fois, comme les autres groupes croissent plus vite, sa part dans la population totale
passera de 71 % en 2000 à moins de 50 % entre 2050 et 2060 et à 39 % en 2100.
La population noire passera de 35 millions en 2000 à 87 millions en 2100. Sa part
dans la population totale croîtra modestement, passant de 12 à 16 % en un siècle.
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Notre analyse est fondée sur la définition de groupes d’origine raciale simple ou
multiple. La population d’« origine simple » est constituée des personnes qui
n’ont donné qu’une seule origine dans le recensement de 1990, et des descen-
dants de celles d’entre elles qui se marient au sein de leur propre groupe. Celle
d’« origine multiple » est constituée des personnes qui ont répondu par plusieurs
origines dans le recensement de 1990, de leurs descendants, et de la descendance
des intermariages. La population totale est la somme de ces deux catégories. Les
personnes d’origine multiple sont donc comptabilisées dans deux ou plusieurs
groupes. Autrement dit, le nombre total de personnes d’origine simple est égal à
la somme des personnes d’origine simple de chacun des cinq groupes, alors qu’il
n’en est pas de même pour le nombre total de personnes d’origine multiple, parce
qu’elles sont comptées plusieurs fois4.
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À l’époque coloniale, la vision des Américains sur la population de leur pays était
celle d’une majorité blanche, à laquelle s’ajoutaient une minorité noire et un faible
nombre d’Amérindiens. Par la suite, la représentation courante des catégories
raciales s’est élargie avec l’apparition des catégories « Asiatiques » et « Hispaniques ».
Aujourd’hui, la population se diversifie encore. L’amplification du phénomène de
l’intermariage dans tous les groupes rend certaine la croissance rapide du nombre
de personnes d’origine multiple. En fait, il ne sera plus possible de décrire la popu-
lation américaine en termes de groupes raciaux et ethniques mutuellement exclu-
sifs, avec des cultures, des langues, des apparences extérieures distinctes et une seule
identification ethnique ou raciale pour chacun.
En 2100, sur la base des hypothèses de cette projection, la population amérin-
dienne sera d’origine multiple à 95 %, ce taux étant de 43 % pour les Asiatiques,
37 % pour les Noirs, 70 % pour les Hispaniques et 35 % pour les Blancs. Une telle
tendance impose une grande prudence pour la présentation et l’interprétation des
résultats de ce type à l’avenir. Le brouillage des frontières rend fort contestables
des affirmations du genre : « Un jour les Blancs ne seront plus majoritaires dans
Intermariage, immigration et statistiques raciales aux États-Unis — 37
ce pays ». N’oublions pas que les Hispaniques, qu’ils soient d’origine simple ou
multiple, se considèrent majoritairement comme blancs.
L’accroissement futur de la population d’origine multiple lance un sérieux défi
aux analyses qui se fondent sur des projections de population par groupes raciaux
ou ethniques. Une fois admis que chacun n’a pas forcément une seule identité
raciale ou ethnique, comment interpréter convenablement de telles projections
démographiques ? Quelle conclusion, par exemple, est-il possible de tirer d’une
projection de la population « asiatique et insulaire du Pacifique » lorsqu’on sait que
celle-ci, en 2100, pourrait varier de plus ou moins 25 % autour de la projection
standard (qui suppose un taux nul d’intermariage), selon la façon dont les personnes
ayant, parmi leurs origines, une origine asiatique choisiront de se déclarer ? Quelles
précautions faudra-t-il prendre pour prédire les effectifs hispaniques en 2100
lorsque 184 millions d’Hispaniques (33 % de la population du pays) seront proba-
blement d’origine multiple ?
Nous avons voulu présenter ici les projections de population que nous avons
effectuées à partir de données nouvelles sur la fécondité, la mortalité, l’immigration
et l’intermariage. Nous sommes bien conscients que ces chiffres sont d’interpréta-
tion délicate, ce qui ne fait que souligner la nécessité de modéliser la dynamique des
changements dus à l’intermariage. Il reste beaucoup à faire pour comprendre com-
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Barry Edmonston est professeur à Portland State University, dont il dirige le Centre de recherche
sur la population. E-mail : edmonstonb@pdx.edu
Sharon M. Lee est professeur au département de sociologie de Portland State University.
Jeffrey S. Passel est chercheur associé au Centre d’étude des populations, The Urban Institute,
Washington DC.
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1. En réalité ces catégories sont toutes des groupes ethniques, et il n’y a pas de raison de distinguer la catégorie « Hispa-
nique » des quatre autres. C’est toutefois le choix constant des statistiques fédérales depuis un quart de siècle.
2. On trouvera un exposé complet du modèle dans Edmonston et Passel 1992, 1999.
3. Les chiffres et les hypothèses démographiques pour les projections de population sont décrits dans Edmonston, Lee et
Passel 2000.
4. Pour les besoins de cette étude, et afin d’avoir effectivement des catégories mutuellement exclusives sans pour autant se
priver de la catégorie « Hispanique », nous avons considéré comme « Hispaniques d’origine simple » ceux qui se déclaraient
Hispaniques et d’une seule catégorie raciale, et « Blancs » ou « Noirs » d’origine simple ceux qui ne déclaraient qu’une seule
origine raciale et qui, dans la catégorie de l’ethnie, se déclaraient non hispaniques.
Bibliographie
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