Strat 111 0149

La crise ukrainienne et la naissance d’une zone de
confrontation militaire symbolique au-dessus de la mer

Baltique entre l’OTAN et la Russie depuis 2014
Thibault Persegol
Dans Stratégique 2016/1 (N° 111), pages 149 à 176
Éditions Institut de Stratégie Comparée
ISSN 0224-0424
ISBN 9791092051148
DOI 10.3917/strat.111.0149
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VARIA
La crise ukrainienne et la naissance d’une zone
de confrontation militaire symbolique
au-dessus de la mer Baltique
entre l’OTAN et la Russie depuis 2014
Thibault PERSEGOL
L epuis les événements de la « révolution de Maïdan » en Ukraine,

début novembre 2013, et l‘intervention militaire russe en
Crimée en réaction à la chute du gouvernement Ianoukovytch,
fin février 2014, la tension ne cesse de croître entre l‘Organisation du
Traité de l‘Atlantique Nord (OTAN) et la Russie. Les anciens adver-
saires de la Guerre froide en reviennent à une posture de confrontation
par le biais de la voie politique, économique ou encore militaire. C‘est
cette dernière qui va particulièrement nous intéresser et plus précisé-
ment sa composante aérienne.
La relation entre l‘OTAN, les États-Unis d‘Amérique et la
Fédération de Russie a connu des fluctuations depuis la fin de la Guerre
froide, conséquence directe des liens complexes entre Washington et
Moscou qui définit l‘Alliance comme un instrument de la politique
américaine. Cette vision peut expliquer la relation complexe dont les

prémices remontent à l‘expansion de l‘Alliance vers l‘ancienne sphère
d‘influence russe. Dès le début des années 1990, les peuples de
l‘Europe de l‘Est exprimèrent leur besoin de sécurité face à un éventuel
retour en force de la Russie. En lançant le Conseil de Coopération Nord
Atlantique en 1991, l‘OTAN s‘imposa dans le paysage sécuritaire euro-
péen tout en légitimant son maintien.1 De plus, malgré les dissensions
internes, l‘OTAN s‘élargit par deux fois vers l‘Est de l‘Europe. La
poussée atlantique fut critiquée par la Russie, y voyant une manœuvre
américaine d‘affaiblissement, reliquat de la politique d‘endiguement.
Malgré quelques rapprochements, l‘histoire entre les deux protago-
1
Paul-Marie De la Gorce, « Comment l‘OTAN a survécu à la guerre froide »,
Russie le retour, Le Monde diplomatique, Manière de voir n° 138, p. 30-32.
152 Stratégique
nistes fut marquée par de profondes crises à l‘image de l‘intervention

au Kosovo en 1999, du retrait américain du traité Anti-Balistic Missile
(ABM) en 2002 qui débloqua la mise en place du bouclier américain en
Europe, la suspension russe du traité sur les Forces Conventionnelles
en Europe (FCE) en 2007 ou encore de la guerre de Géorgie en août
2008.
Néanmoins la crise qui survint au début de l‘année 2014
demeure inédite depuis 1991. En novembre 2014, M. Gorbatchev
s‘exprima à l‘occasion des commémorations du 25e anniversaire de la
chute du Mur de Berlin sur cette hausse des tensions : « Le monde est
au bord d’une nouvelle guerre froide […] certains disent qu’elle a déjà
commencée »2 ; propos relativement alarmistes de la part de celui qui
favorisa, il y a vingt-cinq ans, la fin de cette même Guerre froide.
Depuis 2014, la posture militaire russe de plus en plus démonstrative,
et parfois même agressive, envers certains États membres de l‘OTAN
ou les pays scandinaves, provoque l‘appréhension de nombreux politi-
ques et spécialistes. Cette situation peut être illustrée par la hausse
conséquente des interceptions d‘appareils russes menées par les forces
aériennes de l‘OTAN, en particulier par la police du ciel des pays
baltes, la NATO Baltic Air Policing (BAP).
Dès lors, il importe de s‘interroger sur les raisons de l‘augmen-
tation des interceptions d‘appareils russes depuis 2014, et en quoi celle-
ci est révélatrice de la place nouvelle de l‘espace aérien au-dessus de la
mer Baltique en tant que zone géographique privilégiée de la confron-
tation militaire symbolique entre l‘OTAN et la Russie ? Après la
présentation de la Baltic Air Policing, il importe d‘évoquer les princi-
pales causes de la généralisation des interceptions d‘appareils russes
depuis 2014, avant de démontrer les éventuels dangers qui en découlent
et la médiatisation qui en est faite.
LA BALTIC AIR POLICING, MODALITÉS ET ENJEUX


La mission de police du ciel, appelée « Permanence Opéra-
tionnelle » en français ou plus communément Quick Reaction Alert
(QRA) en anglais, est la mise en place de plusieurs appareils armés, en
permanence prêts à décoller sur alerte, afin d‘assurer la sûreté aérienne
d‘un pays. En ce qui concerne la BAP, le délai est de moins de quinze
minutes. Les intercepteurs de la police du ciel sont les yeux de la
défense aérienne d‘un État. Un pays n‘étant pas doté de ces moyens,
mais uniquement d‘une couverture radar, se retrouve donc privé d‘une
identification visuelle des appareils en vol dans son espace aérien,
tâche que les pilotes sont à même d‘effectuer. La QRA a pour origine
2
« Le monde est au bord d‘une nouvelle guerre froide, estime Gorbatchev », Le
Monde, 9 novembre 2014.
La crise ukrainienne 153
les décollages sur alertes, appelé scrambles3, effectués par les pilotes
britanniques de la Royal Air Force contre les raids de la Luftwaffe lors
du Blitz de 1940. Celle-ci a pris une importance particulière lors de la
Guerre froide avec les multiples vols de bombardiers ou d‘avions de
surveillance, qu‘ils soient américains ou soviétiques. Ces vols avaient
pour mission de surveiller et d‘éprouver les défenses aériennes adver-
ses, provoquant une réelle tension entre l‘OTAN4 et l‘organisation du
Pacte de Varsovie. À la fin de la Guerre froide l‘importance stratégique
de la QRA diminua. Cependant cette pratique est à nouveau d‘actualité
au regard des événements du 11 septembre 2001, en tant qu‘instrument
anti-terroriste. C‘est à partir d‘août 2007 et de la réactivation des vols
de bombardiers russes à long rayon d‘action qu‘elle retrouve pleine-
ment, pour certain pays, son caractère entièrement militaire.
Suite à l‘adhésion de l‘Estonie, de la Lettonie et de la Lituanie à
l‘OTAN le 29 mars 20045, l‘Alliance décide, du fait de leur manque de
moyens financiers6, de la création immédiate d‘une mission commune
de police du ciel atlantique pour ces États, la Baltic Air Policing. Son
objectif est la sûreté de l‘espace aérien balte, dorénavant pleinement
intégré à celui de l‘OTAN.7 Cette mission vise les mesures de sûreté
aérienne, de l‘anti-terrorisme au contrôle des appareils civils ou mili-
taires dans leurs zones d‘identification de vol régionales, dites Flight
Information Region (FIR).8 Néanmoins elle s‘adresse plus particulière-
ment aux vols militaires russes de transit entre l‘Oblast de Kaliningrad
et le reste de la Russie. Ces vols doivent en effet impérativement passer
par la Baltique pour rejoindre l‘enclave de Kaliningrad entourée par des
pays de l‘OTAN.
3
Terme anglais désignant le lancement du décollage sur alerte des pilotes de
chasse en QRA.
4
Ce fut par exemple le cas pour les forces aériennes royales norvégiennes qui
effectuèrent près de 300 interceptions annuelles d‘appareils soviétiques à la fin de la

Guerre froide.
5
Ces trois pays font partis, avec la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slové-
nie, du second élargissement post-Guerre froide de l‘OTAN effectué en 2004.
6
Krysztof Zaleski, ―The polish air forces operations in Air policing over the Baltic
States and the future of the mission‖, Baltic Security and Defence Review, vol. 14,
Issue 2, 2012, p. 4-21.
7
Les pays baltes sont intégrés de facto dans le NATO integrated Air et Missile
Defense System et dans la zone de police du ciel n° 2 de l‘OTAN (NATO APA2) qui
est contrôlée par le Centre des Opérations Aériennes Combinées d‘Uedem en Alle-
magne. Ce centre prend toutes les décisions en ce qui concerne la BAP.
8
La Flight Information Région (FIR) est la zone de contrôle aérien gérée par un
pays. Elle est composée de l‘espace aérien qui s‘arrête à 22,22 km des côtes et à la
frontière, en plus de la zone au-dessus de la Zone Economique Exclusive. Les inter-
ceptions exécutées par la QRA d‘un pays se font dans cette zone, excepté en cas
d‘accord bilatéraux autorisant l‘interception dans une FIR d‘un autre État. Pour les pays
baltes, ces interceptions s‘effectuent dans les trois FIR nationales.
154 Stratégique
Les mandats9 effectués par quatre chasseurs d‘un pays membre

de l‘OTAN, initialement pour une durée de trois mois, passèrent à
quatre mois en 2009. Ces chasseurs sont basés à Šiauliai en Lituanie,
ancienne base aérienne soviétique. En 2014, suite à l‘intervention russe
en Crimée, l‘OTAN décide de renforcer ce dispositif. La rotation amé-
ricaine commencée en janvier 2014, évolua de quatre à dix chasseurs le
6 mars. En avril 2014, décision est prise par l‘Alliance de renforcer les
effectifs à seize appareils afin de rassurer ses membres d‘Europe de
l‘Est inquiets de l‘attitude russe. Le mandat est dorénavant partagé par
quatre pays membres, avec quatre chasseurs chacun. La base d‘Ämari
en Estonie est ouverte à une rotation, de même que la base polonaise de
Malbork – proche de l‘Oblast de Kaliningrad – ; la base de Šiauliai en
accueillant deux.
RÉÉMERGENCE MILITAIRE RUSSE ET EMPLOI DE LA

DIPLOMATIE AÉRIENNE
Il est impossible de traiter de la réémergence militaire de la

Russie et de son utilisation à plein escient de sa diplomatie aérienne, en
période de forte tension, sans évoquer l‘état de ses forces militaires
depuis la chute de l‘URSS. Cette réémergence fut permise par un
double mouvement de remilitarisation des forces armées via l‘augmen-
tation substantielle du budget militaire, accompagnée à partir de 2008
par la plus grande réforme militaire depuis 1991. En décembre 1991, la
Russie n‘est autre que la principale héritière de l‘URSS dont elle doit
seule gérer la majorité des forces armées qui vont refluer en grande
partie vers le territoire russe, provoquant divers problèmes par manque
de financements et de structures. Ceci, couplé avec une grave crise
économique durant toute la décennie 1990, mit sa posture militaire au
plus bas niveau. Des coupes budgétaires très importantes furent effec-
tuées durant cette période et les effectifs fondirent très rapidement. Par
exemple, les effectifs de la PVO (Protivo-Vozdushnaya Oborona, force

de défense anti-aérienne) et des VVS (Voénno Vozdouchnyé Silly, force
aérienne) passèrent de 696 000 hommes à 184 000 en 1999.10 Durant
les années 1990, l‘état des forces russes ne va cesser de décliner. Le
taux de disponibilité en matériel chez les VVS s‘établissait ainsi à 46 %
sur une flotte de près de deux mille appareils.11 Pire encore, le nombre
d‘heures effectuées en 1999 par les pilotes de chasse de la défense
9
Nom utilisé avec le terme rotation pour qualifier la mise en place pour une durée
déterminée de la QRA par un pays membre de l‘OTAN pour le compte de celle-ci.
10
Marcel De Haas, Russia’s Military Reforms, Victory after Twenty Years of
failure ?, Clingendael paper n° 5, Institut Néerlandais des relations internationales,
―Clingendael‖, novembre 2011, p. 8.
11
Benjamin S. Lambeth, The Continuing Crisis of Russian air Power, RAND,
Santa Monica, 2001, 28 p.
aérienne était d‘une quinzaine d‘heures, seulement d‘une vingtaine

pour les équipages de bombardiers, ou encore d‘environ 25 heures pour
les équipages de transports tactique. En comparaison, ce taux appro-
chait les 150 à 200 heures pour les pilotes de l‘OTAN. La « canniba-
lisation » des appareils en dotation devint habituelle et le troc d‘appa-
reils fit son apparition. Il ne faut pas omettre que le manque de kéro-
sène se faisait également sentir.12 L‘arrivée de Vladimir Poutine, suivi
d‘un large refinancement du budget militaire, ne va cependant pas
donner de réels résultats avant la période 2008-2010.13
Suite aux difficultés et problèmes qui ont touchés l‘armée russe
lors du conflit de Géorgie en août 2008, le gouvernement russe décide
de réformer totalement son armée. Lors de cette intervention qui ne
durera que 10 jours, les VVS subiront en effet plusieurs pertes d‘appa-
reils.14 Cette réforme, lancée en octobre 2008, eut pour objectif de
transformer l‘armée russe en une armée professionnalisée, rééquipée
avec des armements modernes et dans un format plus restreint afin
qu‘elle soit rapidement pleinement mobilisable.15 C‘est donc l‘abandon
du format d‘armée de type soviétique au profit d‘un modèle plus
« occidental ». Quatre districts militaires remplacèrent les six anciens
districts, l‘échelon de la division et du régiment furent abandonnées
pour une organisation en brigades d‘environ 4 000 hommes et en bases.
La réforme fut ensuite à partir de 2009, mise à l‘épreuve lors d‘exer-
cices de plus en plus réguliers afin d‘évaluer ses effets, comme avec les
exercices « Zapad », ou encore l‘exercice de tir « Ladoga» qui per-
mirent des retours d‘expérience (RETEX). Le retour de V. Poutine à la
présidence en 2012, se traduisit par certaines modifications de la
réforme en cours, comme en décembre 2013 avec le retour à l‘organi-
sation régimentaire et aux anciennes traditions héritées de l‘URSS.16
Les premiers progrès visibles apparurent à partir de 2012, le temps que
les unités s‘adaptent, s‘entraînent et se rééquipent.

12
En 1999 seulement 500 millions de tonnes de pétrole, sur les 2,5 millions deman-
dées en tant que minimum requis.
13
En 2005, un pilote de Su-27 se crasha à court de pétrole suite à une erreur de
navigation, en Lituanie. En 2004, ce pilote n‘avait effectué que sept heures de vols.
14
Un Su-24 étant, par exemple, abattu alors qu‘il n‘était pas en dotation dans les
forces aériennes géorgiennes. Ceci permit également de mettre en lumière que la
plupart des avions envoyées en mission étaient pilotés par des hauts gradés, dont la
plupart venait non pas de régiment mais de centres d‘entraînement comme celui de
Lipetsk ou d‘Akhutinsk. En outre, au début du conflit, la suppression des défenses
aériennes géorgiennes (Suppresion of Ennemy Air Defences (SEAD)) ne fut pas
pleinement effectuée, ce qui entraina la perte d‘appareils.
15
Jakob Hedenskog, Carolina Vendill Pallin, Russian military capability in a ten-
year perspective-2013, Swedish Defense Research Agency (FOI), 2013, p. 90-93.
16
Ilia Kramnik, « 2013 : bilan des réformes militaires russes », Sputnik, 31/12/
2013. Consultable sur : http ://fr.sputniknews.com/french.ruvr.ru/2013_ 12_31/2013-
bilan-des-reformes-militaires-russes-3064/ [En ligne]
156 Stratégique
En ce qui concerne les VVS, elles prirent le nom de Vozdushnye

Kosmicheskiye Sily (VKS) ou forces aérospatiales le 3 août 2015, après
l‘intégration dans leurs organisations des forces aérospatiales de
défense (Vozdushnye Kosmicheskiye Oborony (VKO)).17 Le niveau des
forces est largement augmenté avec un nombre annuel d‘heures de vols
proches des 150 heures. L‘arrivée de nouveaux appareils comme le Su-
30SM, le Su-35S ou encore le Su-34 autorise le renouvèlement du parc
des VKS avec des appareils modernes de génération 4/4+/4++. Ce
réarmement est suivi de la remise à niveau d‘appareils datant des
années 1980 comme le Mig-31 (Mig-31BM/BSM), le Su-27 (Su-
27SM/SM3) ou encore le Su-25 (Su-25SM). Les opérations de révision
des appareils s‘effectuent de plus en plus, et plusieurs aérodromes
furent ou sont en cours de rénovation.18 La disponibilité s‘est fortement
accrue tout comme le niveau général d‘entraînement des aviateurs : en
témoigne la part de plus en plus importante de jeunes pilotes aptes aux
missions de QRA19, missions jadis réservées aux pilotes chevronnés
quand les VVS étaient dans un état catastrophique.
Ce renouveau de l‘aviation russe s‘illustre par le nombre
d‘interceptions d‘avions russes effectuées par les appareils de l‘OTAN
au-dessus de la Baltique. En ce qui concerne la BAP, les interceptions
vont crescendo depuis 2010 avec seulement 4 interceptions, 37 en
2011, 44 en 2012, 47 en 2013, 143 en 2014. Au 11 octobre 2015, le
nombre d‘interception s‘élève, selon diverses sources20, à 93 intercep-
tions contre 86 à la même période en 2014.21 Si l‘on prend quelques
chiffres d‘interceptions pendant les rotations avant 2011, la Belgique en
2004 n‘en fît qu‘une seule et trois en 200722 ; la France pour sa part en
2010 n‘en effectua que trois. Le cas de la BAP nous intéresse d‘autant
plus que son étude quantitative permet d‘évaluer d‘une part les pics de
tensions, entre les pays de la région ou encore l‘OTAN et la Russie, et
d‘autre part d‘évaluer le niveau de préparation des VKS ; étude permise
du fait de la nature obligatoire de ces vols pour rejoindre l‘enclave, et
de la présence en conséquences d‘un très large panel de vols militaires :

17
Nicholas De La Larrinaga, ―Russia creates new aerospace branch‖, IHS Jane’s
Defense Weekly, 04 August 2015. Consultable sur : http ://www.janes.com/article/
53416/russia-creates-new-aerospace-force-service-branch [En ligne]
18
On peut citer ici la rénovation des bases de Chkalovsk, Khotilovo, Krymsk ou
encore de Severomorsk-1.
19
Entretien avec le commandant Marc-Antoine Gérard réalisé le 8 novembre 2015.
20
Statistiques venant du Twitter de l‘armée lettone ainsi que du site Delfi.lt, qui
publient les informations des interceptions.
21
Ewen Macaskill, ―Close military encounters between Russia and the west at cold
war levels‖, The Guardian, 10 November 2014. Consultable sur : http ://www.
theguardian.com/world/2014/nov/10/close-military-encounters-russia-west-cold-war
[En ligne]
22
Jos Schoofs, ―Three years of NATO Baltic Air Policing‖. Consultable sur :
http ://home.scarlet.be/~jansensa/Three%20years%20of%20NATO%20Baltic%20Air%
20Policing.htm [En ligne]
de présence avec des bombardiers escortés, de surveillance par des

avions de type Il-20 et Il-38, mais surtout de transports. Sur les 93
interceptions recensées par diverses sources à la mi-octobre 2015,
seulement 23 concernent des appareils militaires pouvant être armés.
Le solde étant composé soit d‘appareils de transport soit de surveil-
lance.
Si des chiffres peuvent représenter des pics de tensions avec
l‘OTAN à proprement parlé, ce sont bien ceux relatifs à la Norvège qui
doit contrer, à l‘instar du Canada ou des États-Unis, des vols de bom-
bardiers russes à long rayon d‘action, en plus de ceux d‘appareils de
surveillance près de son espace aérien. La zone de la Baltique est, de
plus, propice à l‘utilisation des VKS comme instrument diplomatique
afin de « cibler » certains pays, si besoin est, en leur adressant un
message. On peut penser, par exemple, aux raids simulés sur des pays
non-membre de l‘OTAN comme la Suède ou la Finlande, ou de viser
des membres de l‘Alliance comme le Danemark, les Pays Baltes ou
encore la Pologne. Ces simulations font partie intégrante de la diplo-
matie aérienne russe qui est directement inspirée de celle utilisé par
l‘URSS jusqu‘en 1991. Elle fut mise en veille du fait de la fin des
tensions et de l‘état des VVS dans les années 1990. En démontre les
seules trois interceptions effectuées par les pilotes norvégiens sur des
appareils russes en 1998, alors que dans les années 1980, en pleine
Guerre froide, ce chiffre approchait des 300 interceptions annuelles.
Tableau. Nombre d’interception par la BAP (2015)
Mois
Janvier 4
Février 10
Mars 12
Avril 9
Mai 12

Juin 20
Juillet 13
Août 9
Septembre 8
Octobre 9
Novembre 5
Décembre 11
122
Source : Concaténation de l’auteur.
158 Stratégique
UTILISATION À PLEIN ESCIENT DE LA DIPLOMATIE

AÉRIENNE RUSSE DEPUIS 2014
Le 17 août 2007, sur fond de tensions avec les États-Unis, le

Président V. Poutine réactiva les vols de permanence de ses bombar-
diers stratégiques autour du globe, pratique abandonnée vers 1991-
1992.23 Cette reprise des vols de bombardiers devint l‘un des symboles
du retour de la Russie sur la scène internationale au cours des années
2000. L‘expression de « diplomatie aérienne » apparut en 1927 grâce
au diplomate Paul Claudel.24 Elle est l‘équivalent de la diplomatie
navale, qui fut célèbre bien avant elle à l‘image de la « Politique de la
canonnière ». La diplomatie aérienne ne fut théorisée néanmoins que
tardivement après son apparition, en 1994 par James O. Poss dans
l‘article « Air power : The new gunboat diplomacy ? »25 Elle peut se
définir par l‘utilisation démonstrative ou coercitive par un État de
moyens aériens à des fins politiques en temps de paix. J.O. Poss expose
dans son travail l‘intérêt des vecteurs aériens comme outil de la
diplomatie militaire qui permettent, par les nouvelles capacités des
appareils apparues dans les années 1980-1990, de prendre le dessus sur
la diplomatie navale. L‘aviation se caractérise par une plus grande
flexibilité et réactivité, ou encore une meilleure allonge par rapport aux
navires. De plus les progrès relatifs à l‘avionique, à la furtivité ou
encore aux Precision Guided Munitions permettent d‘en faire un
excellent outil diplomatique. Dans le cadre de cette étude nous ferons
référence à la typologie de Yohan Droit dans son article « Introduction
au concept de la diplomatie aérienne »26, qui la subdivise en trois
catégories : ce qui a trait à la représentation du pays – symbolique –, à
la coopération – coopératif – ou à la dissuasion et la contrainte –
coercitif. D‘aucuns la divise plus généralement en diplomatie active ou
symbolique, et diplomatie ciblée ou permanente.27
En raison de l‘état des VVS au cours des années 1990 et 2000,
cet outil ne put être utilisé à plein escient. Quelques soubresauts de
l‘ancienne diplomatie soviétique de « présence » au-dessus des eaux

internationales apparaissent, notamment lors de l‘attaque simulée de
23
Luke Harding, Ewen Macaskill, ―Putin revives long-range bomber patrols‖, The
Guardian, 18 July 2007.
24
Lieutenant-colonel Jérôme de Lespinois, Qu’est-ce que la diplomatie aérienne ?,
Défense & Sécurité Internationale, n° 57, mars 2010.
25
James O. Poss, Air power : the new gunboat diplomacy ?, Naval War College,
1994.
26
Yohan Droit, « Introduction au concept de la diplomatie aérienne », Penser les
Ailes Françaises, n° 24, hiver 2010/2011, p. 7-15.
27
Vincent Maniet, « Diplomatie aérienne : la puissance aérienne au profit de la
diplomatie », Revue Militaire Belge, n° 7, p. 110-111.
Tu-95MS Bear28, contre les États-Unis, durant l‘exercice « Zapad-

1999 ».29 C‘est l‘une des rares réapparitions médiatisés de ces appareils
loin de leurs frontières. Août 2007 est marquée par le retour définitif de
la menace planante au-dessus des eaux internationales de ces vénéra-
bles navigateurs. La hausse des interceptions effectuées par l‘OTAN en
fut la conséquence directe, en témoigne le passage pour la Norvège de
14 appareils interceptés en 2006 à près de 88 en 2007. La réminiscence
de cette ancienne politique soviétique se fait par le biais de l‘aviation à
long rayon d‘action russe ou Dalnyaya Aviatsiya (DA) et de ses
bombardiers, dont on peut localiser trois de ses principales zones de
« travail » : la Baltique, l‘Atlantique en passant par la mer du Nord et
le Pacifique. Outre la politique de présence, illustration du caractère
symbolique de cette diplomatie, ces vols de l‘aviation à long rayon
d‘action ont également pour objectif de tester les défenses aériennes de
l‘OTAN par l‘utilisation de plusieurs routes afin d‘évaluer les zones
« poreuses » de la défense de l‘Alliance, en calculant le temps de
préavis et d‘interception des chasseurs de la QRA. Les pilotes russes
s‘entraînent, à l‘instar des équipages d‘appareils de surveillance de
l‘OTAN, à repérer les lancements d‘interception à leur encontre afin de
les esquiver. « C’est un peu le jeu du chat et de la souris » comme
l‘analyse le lieutenant-colonel B. Vinot Préfontaine30, « il y a un
préavis [d‘interception] généralement d’un quart d’heure à une demi-
heure. On ne va pas les intercepter à la frontière, afin de ne pas les
manquer. Ainsi nous les détectons, et l’ordre de décollage est donné en
fonction. Ils nous voient arriver, ils font demi-tour, on attend
45 minutes, ils reviennent et nous on est posé. Donc nous nous
assurons un minimum qu’ils rentrent dans la FIR pour pouvoir les
intercepter ». Il en est de même pour les interceptions russes sur les
RC-135 américains ou britanniques, ou les P-3 Orion allemands.
Les vols de bombardiers russes tendent, en cas de tensions, à
devenir de véritables démonstrations de force dissuasives, ou shows of
force. Cette pratique réapparaît dès 2007 et on citera pour exemple, les
vols de démonstrations de bombardier Tu-160 au Venezuela en 2009 et

2013.31 Nous reviendrons ultérieurement sur leur multiplication depuis
28
Bombardier quadrimoteurs stratégique à long rayon d‘action (près de 12 000 km),
développé en 1952 par l‘URSS et décliné en plusieurs versions. Encore en dotation
dans l‘armée russe à ce jour, avec ses version Tu-95MS Bear H (code OTAN) et Tu-
142 Bear J de lutte anti-sous marine. Il est capable d‘emporter des armes nucléaires à
partir de missile Kh-55.
29
―Russian heavy bomber force overview‖, The Nuclear Threat Initiative, 11 mai
2009.
30
Entretien réalisé avec le lieutenant-colonel Benjamin Vinot Préfontaine, le
13 avril 2015.
31
Il est important de noter que l‘utilisation de ces appareils, hautement performants,
onéreux en coût d‘utilisation, semble réellement réservée le plus souvent à ce type de
démonstration. Le Tu-160 Blackjack (code OTAN) est un bombardier supersonique,
160 Stratégique
2014. L‘une des autres composantes de cette diplomatie aérienne russe

qui se renforce depuis la crise, relève de son utilisation à des fins de
réponse diplomatique à certains événements nationaux ou internatio-
naux politiques, économiques ou militaires étatiques, ou au niveau
d‘institutions comme l‘OTAN. Ce levier politique s‘incarne au mieux
par le biais de la DA, en lien avec sa capacité de projection autour du
globe. De telles réponses interviennent généralement le jour même
d‘événements importants ou dans les jours immédiats. Le 8 septembre
2014, deux Tu-95MS simulèrent une attaque contre les États-Unis, à
partir de la région du Labrador. Au même moment se tenait le sommet
de l‘OTAN sur la crise ukrainienne et les solutions à adopter, à
Newport au Pays de Galles.32 Trois semaines plus tard, la même tacti-
que fut utilisée par les VVS lors de la visite du président ukrainien
Petro Porochenko au Canada et aux États-Unis du 17 au 19 septembre
2014, par l‘envoi d‘une formation de deux Tu-95, deux Mig-31
d‘escorte et deux IL-78 de ravitaillement en vol, interceptée le
17 septembre.33 Le lendemain, deux Tu-95 furent également interceptés
par deux CF-18 canadiens, dans la FIR canadienne.34 Citons encore un
exemple : le 31 août 2015, jour de l‘activation des six nouveaux centres
de commandement de l‘OTAN en Europe de l‘Est, une paire de Tu-
22M3 se fit intercepter par la BAP suite à une incursion au-dessus de la
Baltique.
Dernier emploi de cette diplomatie, les survols qualifiables
d‘outils de « nuisance ». En effet on peut observer que certain vols, en
grande partie en ce qui concerne le survol de la Baltique, interviennent
a des moments « nuisibles » pour l‘OTAN. Par exemple, il est assez
fréquent que les scrambles de la BAP soient lancés lors de défilés
militaires. Le 24 février 2014, jour de la fête de l‘indépendance esto-
nienne, les F-15C américains du défilé militaire furent obligés d‘inter-
rompre leur participation pour partir en interception. Dans les autres
cas on évoquera deux raids simulés, qui ont été très médiatisés, de
bombardiers russes contre la Suède. Le 30 mars 2013, deux Tu-22M3
escortés par des chasseurs simulent un raid qui ne sera pas intercepté

inspiré du B1-B Lancer américain, tout en ayant de meilleure performance en emport
d‘armement, de vitesse ou encore de rayon d‘action. Seulement une quinzaine d‘exem-
plaire sont en dotation dans les VKS.
32
Bill Gertz, ―Russian Strategic Bombers Near Canada Practice Cruise Missile
Strikes on US‖, 28/09/2014. Consultable sur : http ://freebeacon.com/national-security/
russian-strategic-bombers-near-canada-practice-cruise-missile-strikes-on-us/ [En ligne]
33
« À Washington, Petro Porochenko réclame et obtient plus de soutien des États-
Unis », France 24, 19 septembre 2014 ; Consultable sur : http ://www.france24.
com/fr/20140919-ukraine-etats-unis-petro-porochenko-soutien-senat-americain-obama-
russie-poutine-separatistes/ [En ligne]
34
Bill Gertz, ―Russian Nuclear Bombers Buzz Alaska, N. Europe‖, The Washington
Free Bacon, 19 septembre 2014. Consultable : http ://freebeacon.com/national-security/
russian-nuclear-bombers-buzz-northern-europe/ [En ligne]
par la QRA suédoise pour raison de jour férié, ce qui créa une vive
polémique quant à leur système de défense. Autre événement notable,
le 4 juillet 2015 un autre raid simule une attaque sur l‘île de Gotland où
se tenait un important événement politique réunissant une bonne partie
des élites du pays. Les deux bombardiers ont dévié de leur trajectoire
trente secondes avant de franchir l‘espace aérien suédois.35 L‘hypo-
thétique volonté de nuisance russe pourrait se traduire par de fréquents
vols sans transpondeur36, sans vol programmé ou sans contact avec les
contrôleurs aériens baltes, qui oblige les chasseurs de l‘OTAN à des
interceptions régulières. On pourra également citer les vols annuels de
« courtoisie » de bombardiers russes près des États-Unis le 4 juillet,
jour de la fête de l‘indépendance.37
HAUSSE DES TENSIONS AU-DESSUS DE LA BALTIQUE
La cristallisation des tensions depuis le début de la crise, entre

l‘OTAN et la Russie, atteint un point jamais égalé depuis la fin de la
Guerre froide. Moscou, à son habitude en cas de friction avec l‘OTAN
ou les États-Unis, y répond par le biais de l‘outil économique, avec le
chantage au gaz par exemple, ou par une diplomatie basée sur ses
forces armées. Dans ce dernier cas, l‘utilisation soit de l‘aviation soit
du nucléaire, avec la menace d‘un déploiement de missiles Iskander38 à
Kaliningrad par exemple, est souvent récurrente. L‘intervention russe
en Crimée à partir du 26 février 2014 et son annexion va fortement
alerter certains pays de l‘Est, comme les pays baltes. Ces derniers
craignent qu‘ils ne soient la prochaine cible d‘une déstabilisation de la
part du Kremlin. L‘Estonie en particulier, comprenant une forte mino-
rité russophone, appréhende que Moscou réutilise l‘argument, comme
en Ossétie du Sud en 2008, de la protection de ces minorités. Les États
membres de l‘Alliance à l‘Est font alors rapidement part de leur inquié-
tude et demandent un renforcement des forces de l‘OTAN. Les États-
Unis répondent à ces attentes, dès le 6 mars 2014, en affectant six

chasseurs supplémentaires à la Baltic Air Policing. Le 1er mai, elle
35
―Russian bombers seen off Sweden coast, the local‖, The Local, 04 juillet 2015.
Consultable sur : http ://www.thelocal.se/20150704/swedish-jets-monitor-russian-
activity-off-gotland. [En ligne]
36
Un transpondeur est un système, en aéronautique, permettant au radar secondaire
civil, de détecter et identifier les appareils en vols dans une zone. Cela permet aux
avions civils de détecter les autres avions militaires ou civils à proximité.
37
Bryan Todd, Jethro Mullen, ―July Fourth message not the first from Russian
bombers‖, CNN politics, 24 juillet 2015. Consultable sur : http ://edition.cnn.
com/2015/ 07/23/politics/us-russian-bombers-july-4-intercept/ [En ligne]
38
Le SS-26 Stone (code OTAN) ou plus connu sous le nom d‘Iskander, est un
missile de courte et moyenne portée russe de nouvelle génération. Il a la particularité
d‘avoir une trajectoire plus tendue qu‘un missile balistique classique, permettant de
frapper plus rapidement sa cible et ainsi percer un éventuel bouclier antimissile.
162 Stratégique
passe à seize chasseurs. Des vols d‘AWAC sont également prévus en

Europe de l‘Est pour surveiller l‘espace aérien oriental. Les forces
canadiennes envoient des CF-18 Hornet en Roumanie, c‘est l‘opération
« Reassurance ». Douze F-16C sont envoyés en Pologne par les États-
Unis au 14 mars 2014 jusqu‘en octobre 2014. Les États-Unis vont être
très actifs sur le terrain avec l‘activation de trois Theater Security
Package (TSP).39 Ainsi en février 2015, douze A-10 sont envoyés en
Allemagne, puis douze F-15C aux Pays-Bas pour participer à des
exercices sur l‘ensemble du Vieux continent pour six mois environ. Le
5 février, l‘OTAN annonce la création de six nouveaux postes de
commandement en Europe de l‘Est et le passage de sa force de réaction
rapide de 13 000 à 30 000 hommes.40 Une force de réaction à très faible
préavis de 5 000 hommes, déployable en 48 h, est également créée en
cas de crise majeure.41 En mars 2015, quatorze F-16C de la base
d‘Aviano en Italie, sont transférés sur la base d‘Ämari. En octobre,
douze A-10 sont encore envoyés en Allemagne pour le troisième TSP
déployé. On assiste donc à une forte mobilisation américaine en
Europe, à un niveau jamais atteint depuis 1991. De plus les missions de
surveillance autour de la Russie, comme en mer Noire, sont particu-
lièrement renforcées.42 De son côté, la Suède va pré-positionner des
chasseurs JAS-39 Gripen sur l‘aéroport de Visby, sur l‘île de Gotland.43
44
La Norvège augmente également son budget militaire de 3,3% puis
de 9,8 %45 et entérine ainsi la fin des coupes budgétaires.46 La Lituanie
39
Groupement militaire envoyé sur une période déterminé d‘environ six mois sur
une région du monde afin de participer à plusieurs exercices sur différents endroits.
Celui-ci sert avant tout de mesure de réassurance pour les alliées des États-Unis.
40
« La force de réaction de l‘OTAN », l‘OTAN de A à Z, OTAN site internet
officiel.
41
« L‘OTAN doit répondre à ―l‘agression‖ de la Russie », France 24, 24 juin 2015.
Consultable sur : http ://www.france24.com/fr/20150624-otan-repondre-aggression-
russie-crime-renforcement-force-europe-armement [En ligne]

42
Alexandre Sheldon-Duplaix, « Qui menace qui ? Les raisons d‘une « nouvelle
guerre froide », Défense & Sécurité Internationale, n°112, mars 2015, p. 56-57.
43
―Sweden bolsters Baltic defences, Russian movements‖, AIRheads Fly, 4 mars
2014. Consultable sur : http ://airheadsfly.com/2014/03/04/sweden-bolsters-baltic-
defence/ [En ligne]
44
Cette dernière étant fréquemment ciblée par les raids simulés russes, et qui a
l‘avantage d‘être située en pleine mer Baltique et permet d‘améliorer la rapidité de
lancement d‘interceptions.
45
« Norwegian Government proposes significant defence budget boost », Defense
aerospace, 08 décembe 2015. Consultable sur http ://www.defense-aerospace.com/
articles-view/release/3/169594/norway-plans-10-defense-budget-increase-for-2016.
html [En ligne].
46
Andrew Higgins, ―Norway reverts to Cold War Mode as Russian Air Patrols
Spike‖, The New York Times, 1er avril 2015. Consultable sur : http ://www.nytimes.
com/2015/04/02/world/europe/a-newly-assertive-russia-jolts-norways-air-defenses-
into-action.html [En ligne]
n‘est pas en reste avec une augmentation de 35 % prévu pour son

budget militaire pour 2016.47
La Russie répond par l‘augmentation significative des exercices
militaires, dont les exercices « surprise » de mise en alerte dans les
quatre districts militaires, qui vont générer quelques appréhensions ;
ces exercices, dans le district militaire Ouest, pouvant se transformer en
quelques minutes en attaque réelle. Ainsi Moscou va répondre à
Washington et l‘OTAN par une activation à plein escient de sa diplo-
matie aérienne. Les vols russes sont renforcés, que ce soit du côté des
vols de présence de bombardiers, des vols de reconnaissance ou encore
de collecte de renseignement. Ces derniers sont d‘ailleurs souvent
présents lors d‘exercices de l‘OTAN, en surveillance, à l‘instar des vols
d‘Electronic Intelligence (ELINT)48 américains ou encore allemands
lors d‘exercices russes. Les entraînements sont de fait renforcés, ce qui
augmente le nombre de vols de transit entre la Russie et l‘Oblast de
Kaliningrad et par conséquent les interceptions de la BAP. Il est impor-
tant de noter le caractère circonstanciel de ces vols : le nombre d‘inter-
ceptions fluctue selon les exercices d‘un côté et de l‘autre. Les survols
à visée de show of force, dont l‘objectif dissuasif a été exposé ultérieu-
rement, prennent toute leur signification à l‘occasion d‘approches de
bombardiers près de groupes aéronavals américains, ou d‘envoi de
larges formations de bombardiers près des défenses de l‘OTAN.
Le 28 et 29 octobre 2014, on assiste à une des plus imposantes
démonstrations de force envers l‘OTAN, avec l‘interception par plu-
sieurs unités dont la BAP, de 26 chasseurs et bombardiers, au-dessus de
la mer du Nord, de la mer Baltique et de la mer Noire. Le 12 novembre
2014, le ministre de la Défense russe, Sergey Choïgou, annonce, du fait
du renforcement de l‘OTAN, l‘extension des missions de bombardiers
de la DA jusqu‘au golfe de Mexico par exemple.49 Le 13 novembre et
le 13 décembre 2014, des Tu-95MS se sont approchés de la base améri-
caine de Guam50 dans le Pacifique.51 En décembre plusieurs vols de

47
Craig Caffrey, ―Lithuania plans 35% increase in 2016 defence budget‖, IHS
Jane’s 360, 30 septembre 2015.
48
Les ELINT sont des renseignements, tirés de collectes de données effectuées par
des appareils spécialisés qui enregistrent les émissions électroniques d‘appareils
comme les radars.
49
Greg Botelho, Faith Karimi, ―Russia flexes muscles with long-range bomber
flights near U.S shores‖, CNN, 13 novembre 2014. Consultable sur : http ://edition.cnn.
com/2014/11/13/world/europe/russia-bombers-plan/ [En ligne]
50
Cette base est l‘un des symboles de la dissuasion américaine car elle accueille des
bombardiers nucléaires US et est une des rare à permettre la réception de bombardier
furtif B-2A Spirit.
51
Bill Gertz, ―Russian bombers buzz U.S Pacific Island of Guam‖, The Washington
times, 20/12/2014. Consultable sur : http ://www.washingtontimes.com/news/2014/
dec/20/russiain-tu-95-bear-h-bombers-buzz-us-pacific-isla/ [En ligne]
164 Stratégique
bombardiers sont interceptés vers l‘Alaska, l‘Europe et le Pacifique.52

Les exercices russes de type « Vostok »53 peuvent être considérés
comme des démonstrations imposantes, et sont à ce titre très média-
tisés. La fin d‘année 2014 fut particulièrement intensive pour les pilotes
de l‘OTAN stationnés dans les pays baltes. Le 7 décembre, quatre Tu-
95MS et deux Tu-22M3 sont interceptés par la BAP. Le 8 décembre,
huit interceptions furent lancées pour identifier près d‘une trentaine
d‘appareils russes.54 Le 10 décembre, ce sont six interceptions qui
furent déclenchées pour identifier près de 26 appareils russes. Dans la
semaine du 8 au 14 décembre près de 80 appareils militaires russes
furent interceptés.55 Cette forte mobilisation peut être mise en lien avec
un exercice de combat readiness dans l‘enclave de Kaliningrad, du 5 au
10 décembre.56 Ce qui est d‘autant plus exceptionnel, c‘est la présence
de Tu-95, appareils qui ne survolent normalement pas la Baltique. Tous
types d‘appareils confondus, ces vols de présence de bombardiers
russes s‘élèvent à près d‘une quarantaine pour l‘année 2014, contre 35
en 2013. Bien que dénoncé par l‘OTAN comme facteur d‘aggravation
des tensions depuis 2014, le nombre de ces vols approchait des
soixante-dix seulement en quelques mois en 2007, soit près de deux
fois plus qu‘en 2014.
Le renforcement de la BAP par les États-Unis le 6 mars,
surprend par l‘apparente absence d‘intérêt tactique, en dehors de son
témoignage de solidarité aux pays baltes. En dépit de ce dernier, qui vit
les effectifs augmenter de quatre à dix F-15C, le nombre d‘intercep-
tions pour ce mois ne fut seulement que de 2 contre 9 lors des mois de
janvier et février.57 Au lendemain de l‘intervention en Crimée, l‘activité
aérienne russe n‘a par conséquent pas augmentée et reste faible.
L‘annonce le 8 avril d‘un second renforcement par l‘OTAN, qui

52
―Long-Range air patrols put Russian strategic bombers near Guam‖, Russia
Today, 21 novembre 2014. Consultable sur : https ://www.rt.com/usa/207783-russian-
bombers-planes-guam/ [En ligne]
53
L‘exercice « Vostok » (Est) est un exercice de préparation au combat et de
défense aérienne du district militaire Est, qui a réuni en 2014, près de 150 appareils de
tout types, et 150 000 hommes. C‘est l‘équivalent de l‘exercice « Zapad » (Ouest), qui
concerne lui le district militaire Ouest.
54
―NATO fighters took off 21 times last week to intercept Russian aircraft at Baltic
States borders‖, Delfi the Lithuania Tribune, 15/12/2014. Consultable sur : http ://en.
delfi.lt/lithuania/defence/nato-fighters-took-off-21-times-last-week-to-intercept-
russian-aircraft-at-baltic-states-borders.d ?id=66678892 [En ligne]
55
Op Cit.
56
Thomas Grove, ―Russia carried out snap military drills in Kaliningrad region‖,
Reuters, 16 décembre 2015.
57
Données fournies par Vidmantas Racklevicius, colonel lithuanien, directeur du
département de la sécurité des vols.
portera à seize le nombre d‘appareils disponibles début mai58, corres-

pond à une augmentation du nombre d‘interceptions par la BAP qui
s‘élève à 10 pour le mois d‘avril. À la question des causes de cette
hausse de l‘activité des VVS qui a eu pour conséquence l‘augmentation
des interceptions de l‘OTAN à partir d‘avril, le lieutenant-colonel B.
Vinot Préfontaine répond : « Quand on renforce la PO, les Russes vont
renforcer l’activité forcément. C’est le jeu ».
La tension est clairement établie aux mois de mars et avril 2014.
Le 12 avril, le destroyer américain USS Donald Cook, qui effectue une
mission en mer Noire, est survolé par un bombardier Su-24 qui simule
douze passes d‘attaques sans réaction du navire. Le 23 avril, un appa-
reil américain de collecte de données est intercepté au-dessus de la mer
d‘Okhotsk ; le Su-27 passant 30 mètres devant l‘appareil. Cette inter-
ception fut qualifiée par le Pentagone « d’une des plus dangereuses
depuis une décennie ».59 Le 16 juillet, c‘est un appareil de renseigne-
ment ELINT suédois qui fut intercepté par un Su-27 de la QRA de la
base de Tchernyakovsk, dans l‘enclave de Kaliningrad. Le chasseur
passa à moins de quelques mètres de l‘appareil tout en lui exposant son
armement.60 Le 18 juillet, un appareil américain, un RC-135 U de col-
lecte de renseignements, réagit pour la première fois à une interception
russe, en violant sans autorisation pour sa protection l‘espace aérien
suédois.61 En septembre en mer Noire, la frégate HMS Toronto, suite à
plusieurs passages proches d‘un bombardier Su-24, « illumine » l‘appa-
reil au radar de tir.62 En décembre 2014, les forces aériennes royales
norvégiennes publient la vidéo d‘un incident montrant un Mig-31 se
ruant sur un F-16AM en interception, qui contraint le pilote à faire une
manœuvre d‘urgence.63 Le 24 février 2015, les blindés américains
défilaient à Narva en Estonie, une ville majoritairement russophone se
trouvant à moins de 300 mètres de la frontière russe.64 Enfin l‘embar-
58
Adrian Croft, ―NATO to triple Baltic air patrol for next month‖, Reuters, 9 avril
2014. Consultable sur : http ://www.reuters.com/article/us-ukraine-crisis-nato-

idUSBREA371WH20140409 [En ligne]
59
―Official : « Dangerous » Russian jet fly-by « straight out of a movie»", CNN, 4
juin 2014. Consultable sur : http ://www.cnn.com/2014/06/03/world/russia-us-jet-fly-
by/ [En ligne]
60
David Cenciotti, ―Swedish spy plane « caught » flying off Russia‘s Kaliningrad
Oblast‖, The Aviationist, 24 novembre 2014. Consultable sur : http ://theaviationist.
com/2014/11/24/swedish-spyplane-flies-off-kaliningrad/ [En ligne]
61
M.R. Gordon, « To Evade Russians, Plane Crossed Into Sweden », The New York
Times, 3 août 2014
62
Alexandre Sheldon-Duplaix, « Qui menace qui ? Les raisons d‘une ―nouvelle
guerre froide‖ », art. cit., p. 57.
63
―Video of Russian MiG-31 Near-Miss With Norwegian F-16‖, Consultable sur :
http ://www.atlanticcouncil.org/blogs/natosource/video-of-russian-mig-31-near-miss-
with-norwegian-f-16 [En ligne]
64
M. Birnbaum, « U.S. military vehicles paraded 300 yards from the Russian border
», The Washington Post, 24/02/2015. Consultable sur : https ://www.washingtonpost.
166 Stratégique
rassante affaire des écritures « Vers Berlin » sur des bombes russes à
l‘occasion d‘un exercice à Kaliningrad, déclencha une vive réplique
diplomatique allemande.65 Fin juin 2015, les médias suédois dénoncè-
rent le tir de leurres thermiques par des chasseurs russes à l‘encontre
d‘appareils de la QRA suédoise.66
Nonobstant les tensions réelles et sans chercher à qui la faute, les
agissements russes traduisent-ils une réelle intention belliqueuse ? À
propos des interceptions russes, le lieutenant-colonel B. Vinot Préfon-
taine explique : « Ce n’est pas ça être agressif. Être agressif, c’est se
mettre dans [les] six heures [de l‘appareil], allumer son radar, accro-
cher un missile et/ou le tirer ». Il s‘agit donc davantage d‘un jeu de
postures offensives, illustration d‘un antagonisme militaire symbolique,
et non d‘une agressivité pure qui aurait déjà eu des conséquences
fatales dans cette zone. En ce qui concerne la QRA de la base de
Tchernyakovsk, à Kaliningrad : l‘étroitesse de la FIR, les nombreux
vols de surveillances de l‘OTAN, ainsi que le changement de base
depuis 2012 induisant une augmentation du temps de vol pour l‘inter-
ception67, expliquent la difficulté d‘intercepter et le comportement de
certains pilotes russes. Le commandant Marc-Antoine Gérard confie
que les appareils de renseignements occidentaux « volent avec le bout
d’aile à dix mètres de l’espace aérien russe […] forcément ça doit
énerver ». On comprend aisément que ces pilotes, quand ils réussissent
les interceptions sans que celles-ci soient esquivées68, tentent de forcer
l‘équipage adverse à s‘éloigner, d‘où un comportement pouvant être
perçu comme agressif.69 Sur l‘année 2014, 35 interceptions furent
lancées par cette unité russe, dont près de 16 lors des mois de juillet et
août.70 Le sentiment russe d‘encerclement, ou « complexe obsidional »,
com/news/worldviews/wp/2015/02/24/u-s-military-vehicles-paraded-300-yards-from-
the-russian-border/ [En ligne]
65
David Cenciotti, ―Russian warplanes used practice bomb with ―To Berlin‖ and
―For Stalin‖ slogans during military drills‖, The Aviationist, 14 août 2015. Consultable

sur : http ://theaviationist.com/2015/08/14/inscriptions-on-russian-navy-bombs/ [En
ligne]
66
―Sweden‘s top military commander : Russian fighter pilot shot flares at ours jets,
Business Insider UK‖, 30 juin 2015. Consultable sur : http ://uk.businessinsider.com/
russian-fighter-pilots-shot-flares-at-swedish-jets-2015-6 ?r=US&IR=T [En ligne]
67
La base de Chkalovsk étant en modernisation depuis 2012, ceux-ci sont stationné
à 100 km à l‘Est sur la base de Tchernyakovsk. La réouverture de la base de Chkalovsk
est prévue pour la fin d‘année 2015.
68
Cela semble arriver souvent du fait de la faible zone où ils peuvent intercepter.
69
Evgenii Erokhin, « Interceptions au-dessus de la Baltique (Perekhvaty nad
baltikoy) », Takeoff Magazine (Взлёт), novembre 2014.
70
Andrei Omelchenko, « Dans la 72e base aérienne de la garde formation intense
des jeunes pilotes (V 72-y gvardevskoy aviabaze intensivno idet podgotovka molodykh
aviatorov) », Yantarnyy Ostrov, 7 avril 2015. Consultable en ligne sur : https ://
yaostrov.ru/corps/ucheniya/item/27752-v-72-j-gvardejskoj-aviabaze-intensivno-idet-
podgotovka-molodykh-aviatorov [En ligne]
est d‘autant plus fort en cette région enclavée suite aux élargissements
post-Guerre froide de l‘Alliance.71 Les interventions en Géorgie et en
Crimée72 ne sont d‘ailleurs pas sans lien avec une possible future
expansion de l‘OTAN sur ces territoires.
TENSION MILITAIRE ENTRE L’OTAN ET LA RUSSIE :

ENTRE ALARMISME ET RISQUES DE DÉRAPAGES
La confrontation militaire aérienne symbolique dans le ciel de la

Baltique se répercute dans certains médias, alimentée par des discours
officiels alarmistes à dessein, par ce qui peut s‘apparenter à des campa-
gnes de désinformation. La comparaison avec le ressenti des pilotes sur
le terrain permet de cerner en partie la réalité de la situation et la
construction de ces discours. Il convient d‘aborder quelque peu cette
confrontation, certes symbolique, aux regards des possibles risques
réels. Nourrit par la réminiscence nouvelle de la puissance de Moscou,
l‘inquiétude des pays d‘Europe de l‘Est, et en particulier des États
entourant la Baltique, ne cesse de croître. Les exercices russes d‘éva-
luation surprise des forces armées, ou snap drills, multipliés depuis la
crise ukrainienne ne tendent pas à calmer cet alarmisme.73 Le
commandant M-A Gérard traduit l‘appréhension-même des équipages
renforçant la BAP fin avril 2014 : « La situation était tendue car l’on
ne savait pas ce qui allait se passer. On ne savait pas trop à quoi
s’attendre […], ils sont quand même bien content que l’on soit présent
là-bas ».

71
Olivier Zajec, « L‘encerclement, une paranoïa russe ? », Le Monde diplomatique,
manière de voir, n°138, décembre 2014-janvier 2015, p. 33-35.
72
Une « fuite » vers l‘Ouest, aurait signifié pour la Russie, la perte de son principal
port d‘accès à la méditerranée, la perte de la base aérienne de Gvardeyskoie ainsi que
du complexe d‘entraînement pour les pilotes de l‘aéronavale russe à Saki.
73
Ces exercices surprises mobilisent des milliers de militaires russes, venant
souvent de bases lointaines, afin d‘évaluer leur préparation au combat, en les entraînant
à des projections lointaines et rapides. Ils sont décidés par le président Vladimir
Poutine, dans des délais très bref, de l‘ordre d‘un ou deux jours.
168 Stratégique
Liste des incidents ou situations crisogènes depuis 2013

entre l’OTAN et la Russie
Date Événements
30 mars 2013 Raid simulé par deux Tu-22M3 russe ssur la Suède
12 avril 2014 Un Su-24 russe simule plusieures passes d‘attaque sur le USS
Donald Cook, en patrouille en mer noire.
23 avril 2014 Interception d‘un Su-27SM très rapproché sur un RC-135
américain.
16 juillet 2014 Interception très rapproché d‘un Su-27 sur un appareil ELINT
Suédois
18 juillet 2014 Réaction d‘un RC-135 à une interception russe très rapide,
l‘appareil américain viole l‘espace aérien suédois pour se
protéger.
8 septembre 2014 Raid simulé de TU-95MS russes sur les USA, Sommet de
l‘OTAN.
28/29 octobre Forte demonstration de force des forces aériennes russes en
2014 Baltique, Mer du Nord et Mer Noire.
Décembre 2014 Fort accroisements des interceptions, activité aérienne russe très
soutenue, dont des vols de démonstrations avec des bombardier
Tu-95MS et Tu-22M3.
Vidéo publié d‘une manoeuvre très risqué d‘un MIg-31 en
escorte lors d‘une interception par un F-16 AM norvégien,
manoeuvre d‘urgence du pilote.
24 mars 2015 Un TU-22 M3 intercepté par des typhoon italiens, romp la

formation en passant en supersonique forcant les chasseurs de la
BAP à le rattraper.
15 juin 2015 Des F-16 belges en interceptions sont illumines au radar par des
navires russes.
Juin 2015 Rumeur de larguage dissuassif de leurres d‘appareils russes sur
des intercepteurs de la QRA suédoise.
04 juillet 2015 raid simulé sur l‘ïle de Gotland (lieu d‘un meeting politique
important) par des Tu-22M3 russe.

28 décembre Interception de l‘avion du ministre de la Defense Russe par des
2015 Eurofighter espagnols de la BAP escortés par deux SU-27. Pas
d‘incident reporté.
Deux bombardiers SU-24 de la base de Tchernyakovsk,
12 avril 2016 effectuent une vingtaine de passe d‘attaque simulées au-dessus
du destroyer USS Donald Cook, dont une passant à près de 30
mètres du navire, sans reaction de celui-ci.
Source : Concaténation de l’auteur

La situation va pousser certains politiques et militaires occiden-

taux à critiquer et contrer ce retour. Outre les États-Unis, le Royaume-
Uni est devenu le fer de lance de la critique occidentale à l‘encontre de
la Russie. Fin janvier 2015, le ministre de la Défense britannique,
Michael Fallon, a comparé la menace potentielle que ferait peser sur
l‘Europe le président russe comme équivalente au péril de l‘État
islamique, du fait de la pression exercée sur les États baltes.74 Le
premier ministre estonien, Tavii Roivas, répliqua qu‘il n‘était nul
besoin de propos « aussi pessimistes et paniquants. »75 Le Comman-
dant M-A Gérard confie, par exemple, que malgré certaines prises de
contact courtoises de pilotes russes lors d‘interceptions, les Britanni-
ques « avaient l’ordre de ne pas répondre, et de passer sur une autre
fréquence. »76
Qui plus est, la difficile défense militaire des pays baltes en cas
d‘attaque d‘envergure par la Russie, implique un certain alarmisme
dans les discours officiels ; d‘où la déclaration de Toomas Hendrik
Ilves, le président letton, qui estima qu‘il ne faudrait que quatre heures
à la Russie pour occuper le pays, propos sur lesquels il est revenu après
la polémique engendrée.77 Lors d‘une interview, il demanda également
l‘installation de base permanente de l‘OTAN dans son pays.78 Il
convient toutefois de rappeler qu‘une telle initiative est considérée par
Moscou depuis 2000 comme une menace pour la Russie, comme
exposé dans le document de sécurité nationale de la Fédération de
Russie. Dans sa révision du 31 décembre 2015 de sa stratégie de
sécurité nationale, Moscou pointe ces installions comme une menace
pour le pays, dénonçant l‘avancé vers les frontières de l‘OTAN vers la
Russie ainsi que sa « montée en puissance ».79 L‘OTAN y est claire-
ment désignée comme une des menaces principales pour la Russie, qui
reste néanmoins prête au dialogue avec l‘OTAN en cas de prise en
compte des intérêts vitaux de la Russie.80 En conséquence, une telle
74
―UK Defense Chief : Putin As Great A Threat To Europe As ISIS‖, The

Huffington Post, 19 février 2015. Consultable sur http ://www.huffingtonpost. com/
2015/02/19/uk-defense-chief-says-rus_n_6711808.html [En ligne]
75
Ibidem.
76
Entretien réalisé avec le commandant M.A. Gérard, le 08 novembre 2015.
77
« ―Invasion russe‖ de l‘Estonie : le président Ilves s‘explique », Sputnik France,
14 avril 2015. Consultable sur : http ://fr.sputniknews.com/international/20150414/
1015647037.html [En ligne]
78
D. Blair, ―Sitting near a nuclear tripwire, Estonia‘s president urges Nato to send
troops to defend his country‖, The Telegraph, 11 avril 2015. Consultable sur : http ://
www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/estonia/11530064/Sitting-near-a-
nuclear-tripwire-Estonias-president-urges-Nato-to-send-troops-to-defend-his-
country.html [En ligne]
79
« Russie, Nouvelle Stratégie de sécurité nationale », Défense & Sécurité
Internationale, n°122, mars-avril 2016, p. 22.
80
Olga Oliker, ―Unpacking Russia‘s New National Security Strategy‖, Center for
Strategic & International Studies, 07 janvier 2016.
170 Stratégique
décision risquerait de provoquer l‘ire de Moscou, par le possible fran-

chissement d‘une « ligne rouge » par l‘Alliance.81
En témoigne la forte réaction russe, après l‘évocation de la possi-
ble installation d‘arsenaux d‘armes lourdes américains dans ces pays.82
L‘ancien Secrétaire général de l‘OTAN, Hans Rasmussen, expliqua le
5 février 2015 que les pays baltes pourraient être bientôt attaqués par
l‘utilisation de techniques de guerre hybride, afin de tester l‘application
de l‘article 5 et la solidité de l‘Alliance.83 Son successeur, Jens Stolten-
berg, a réagi le même jour : « Il n’y a pas de menace concrète immé-
diate ».84 Mi-février 2015, c‘est un général britannique de l‘OTAN qui
met en garde, une nouvelle fois, quant à une potentielle invasion russe
des États baltes et mise à l‘épreuve de l‘Alliance.85 Alarmiste à dessein,
le discours critique de certains officiels de l‘OTAN résonne comme un
avertissement au désarmement des pays européens, dont les budgets
militaires ne cessent d‘être réduits depuis 1991. De fait, hormis l‘Esto-
nie, peu d‘États respectent la limite minimale de 2 % du PIB consacré à
la défense.86 Par la voix du secrétaire Ashton Carter le 15 avril 2015, le
Département à la Défense américain fustige également le trop peu
d‘efforts effectués par les pays européens.87
La propagation d‘un discours alarmiste par certain médias
n‘exclut pas un questionnement sur les risques et la nature crisogène
des rencontres aériennes entre les appareils russes et ceux de l‘OTAN
en particulier au-dessus de la Baltique. Trois dangers principaux appa-
raissent ainsi. Le premier tient à un possible comportement dangereux
d‘un pilote. Ce cas vise particulièrement les interceptions de convois
81
Yves Boyer et Isabelle Facon, La Politique de sécurité de la Russie : entre conti-
nuité et rupture, Coll. « Repères stratégiques », Ellipses/Fondation pour la Recherche
Stratégique, Paris, 2000, p. 229.
82
Cette réaction se matérialisa par l‘annonce de la livraison de 40 nouveaux ICBM
pour 2015 par Vladimir Poutine, ainsi que par un vol de bombardiers Tu-22M3 au-
dessus de la Baltique.
83
A. Evans-Pritchard, ―Putin could attack Baltic states warns former Nato chief‖,

The Telegraph, 5 février 2015. Consultable sur : http ://www.telegraph.co.uk/news/
worldnews/europe/russia/11393707/Putin-could-attack-Baltic-states-warns-former-
Nato-chief.html [En ligne]
84
« Otan : pas de menace directe russe pour les pays baltes et d‘Europe de l‘est »,
Sputnik France, 02 mai 2015. Consultable sur : http ://fr.sputniknews.com/
international/20150205/1014391118.html [En ligne]
85
Ben Farmer, ―Russian tensions could escalate into all-out war, says NATO
general‖, The Telegraph, 20 février 2015. Consultable sur : http ://www.telegraph.
co.uk/ news/uknews/defence/11425393/Russian-tensions-could-escalate-into-all-out-
war-says-Gen-Adrian-Bradshaw.html [En ligne]
86
―Financial and economic data relating to NATO Defence‖, NATO public
diplomacy division, press release, 24 février 14.
87
« ―L‘Europe doit dépenser plus pour sa défense‖ : le coup de gueule Penta-
gone ! », Air et Cosmos, 24 avril 2015. Consultable sur : http ://www.air-cosmos.com
/2015/04/24/33023-l-europe-doit-depenser-plus-pour-sa-defense-le-coup-de-gueule-
pentagone [En ligne]
escortés qui, selon la nature de celui-ci, peut forcer les escorteurs à

effectuer pleinement leur mission en limitant ou interdisant l‘approche
des intercepteurs. À ce titre en fin d‘année 2014, le cas de la réaction
particulièrement offensive d‘un Mig-31 en escorte, passant à quelques
mètres d‘un F-16 norvégien, laisse aisément imaginer qu‘un jeune
pilote soumis à une telle pression immédiate, malgré son profession-
nalisme, réagisse d‘une manière à entraîner de dramatiques consé-
quences ; « tout le monde est armé là-haut et un jeune pilote qui pani-
querait, ce n’est pas inenvisageable non plus ».88
Le deuxième danger, qui apparaît également en partie dans
l‘exemple précédent, concerne les risques de collisions aériennes lors
d‘interceptions très rapprochées, du fait d‘une mauvaise appréciation
d‘un pilote ou d‘une manœuvre d‘esquive de l‘appareil intercepté. En
avril 2001, un pilote chinois trouva la mort suite à une collision lors de
l‘interception d‘un P-3 Orion américain.89 Enfin le dernier danger, briè-
vement abordé précédemment, résulte de la non-utilisation de transpon-
deurs par certains appareils, qui deviennent alors invisibles aux avions
civils à proximité. Le commandant M-A Gérard développe : « aux
large des Shetlands ou au large de la Norvège, où il n’y a pas beau-
coup de trafics [d‘appareils civils], cela ne pose pas vraiment de
danger. Par contre quand [les bombardiers russes] sont descendus sans
transpondeurs dans la Manche en janvier90, là oui, cela pose un réel
problème ». L‘étude Dangerous brinkmaship : close military encoun-
ters between Russia and the West in 201491, réalisée par l‘European
Leadership Network rapporte deux incidents en mars 2014 et décembre
2014, où des avions russes ont frôlé des avions de ligne.92 Si l‘hypo-
thèse de la mise en danger volontaire par les équipages russes de civils
peut être raisonnablement écartée, demeure l‘interrogation quant à une
possible volonté d‘assujettir les contrôleurs aériens de l‘OTAN « au
dégagement » des avions civils sur la route de ces appareils.
Créée en 2004, la Baltic Air Policing est devenue l‘un des princi-
paux centres d‘attention médiatique de la confrontation militaire sym-

88
Entretien réalisé avec le commandant M.A. Gérard, le 8 novembre 2015.
89
Shirley Kan, ―China-U.S aircraft collision incident of April 2001 : Assessments
and policy implications‖, CRS report for Congress, octobre 2001.
90
Julian Borger, ―Russian Ambassador summoned to explain bombers over the
channel‖, The Guardian, 30 janvier 2015. Consultable sur : http ://www.theguardian.
com/world/2015/jan/29/russian-bombers-english-channel-ambassador-summoned [En
ligne]
91
Seule étude scientifique médiatisée sur le sujet, elle reporte quarante rencontres
« dangereuses » depuis 2014 entre la Russie et l‘Ouest, dont la moitié se sont produit
autour de la Baltique. Néanmoins elle classe par exemple des interceptions russes
classiques comme des incidents légers, ce qui peut paraître étonnant.
92
Thomas Frear, Lukask Kulesa, Ian Kearns, ―Dangerous brinkmanship : Close
military encounters between Russia and the West in 2014‖, European Leadership
Network, novembre 2014, p. 2-8.
172 Stratégique
bolique entre la Russie et l‘OTAN depuis avril 2014. L‘intervention

militaire du Kremlin en Crimée et son implication dans le conflit
ukrainien, réaffirmation d‘ampleur du retour de la puissance russe sur
la scène internationale, contraint l‘OTAN à témoigner pleinement de sa
solidarité envers ses membres à l‘Est de l‘Europe. Le renforcement des
moyens de la Baltic Air Policing et du dispositif défensif de l‘Alliance
aux portes de la Russie, entraîna une vive réplique de Moscou par
l‘utilisation à pleine escient de l‘ensemble de ses moyens de diplomatie
militaire, dont sa composante aérienne, qui eut à son tour pour consé-
quence une hausse significative des interceptions d‘appareils russes par
l‘OTAN.
À partir du 1er septembre 2015, l‘OTAN décida de réduire les
effectifs de la Baltic Air Policing, elle passa ainsi de 16 à 8 appareils.
Cette décision fut prise afin de rationaliser les moyens de cette mission.
Le peu d‘interceptions effectuées par les rotations basées à Malbork,
par exemple, confirme que les moyens étaient trop importants. Le
commandant Gérard le confirme d‘ailleurs, suite à son déploiement sur
la base d‘Ämari en 2015 : « Le déploiement était trop conséquent, et
n’était pas en adéquation avec les possibilités d’activité sur place ». La
plupart des interceptions entre mai 2014 et fin août 2015 étant effec-
tuées par les Nations leader de la rotation.93
La solidarité de l‘Alliance demeure intacte, les officiels de
l‘OTAN expliquant que la Baltic Air Policing est au double de son
effectif ante-hausse des tensions. Les deux bases les plus actives restent
ainsi en activités, à Šiauliai et Ämari. Le nombre d‘interceptions paraît
redescendre à partir de fin septembre 2015, signe d‘un retour à l‘apaise-
ment, avec seulement 8 interceptions lancées de la base de Šiauliai94
entre octobre et novembre 2015. Preuve il en est, du 1er janvier 2016
au 31 mars 2016, seulement cinq interceptions sont lancées.95 Cette
baisse peut être mise en corrélation avec les événements en Syrie
depuis le mois de septembre, Moscou tentant de coopérer avec
Washington et la coalition américaine afin de combattre le terrorisme.
Un lien peut être fait avec la forte mobilisation des VKS qui disposent

de près de soixante-dix appareils basés en Syrie.96 Le centre de tensions
semble s‘être ainsi déplacé au Proche-Orient, avec notamment de fortes
93
Par exemple, l‘Italie effectuera de janvier à fin avril 2015, 30 interceptions contre
3 pour la rotation polonaise installée, elle aussi, à Šiauliai durant la même période. On
observe le même cas de mai à fin août 2015, avec 22 interceptions pour la Norvège
contre 8 pour les Italiens. Données fournies par Vidmantas Racklevicius, colonel
lithuanien, directeur du département de la sécurité des vols.
94
Les interceptions passent de 7 en septembre, 5 en octobre et 3 en novembre,
données fournies par Vidmantas Racklevicius, colonel lithuanien, directeur du
département de la sécurité des vols.
95
Données publiées par le ministère de la Défense nationale lithuanien.
96
En mars 2016, ce dispositif a été largement allégé.
tensions entre Moscou et Ankara.97 L‘annonce du renforcement mili-

taire américain, avec l‘envoi d‘une brigade blindée dans l‘est de
l‘Europe pour 2017, le renforcement de son budget de défense destiné à
la politique de « réassurance » des alliées européen98, et l‘annonce
d‘une transition d‘une politique d‘assurance à ne politique plus dissua-
sive99, pose la question d‘une future réaction russe. Concernant la
Baltique, apparaît également l‘interrogation quant aux conséquences de
la diplomatie aérienne russe sur la politique de pays neutres tels que la
Suède et la Finlande. Particulièrement visés par certain vols de
démonstrations russes, ces États ne seraient-ils pas pousser vers une
adhésion à l‘OTAN, en contradiction des intérêts de Moscou.
Tableau. Détail des interceptions réalisées par la BAP en 2015
Base de départ des

Nombre d’interceptions
interceptions (pays les ayant Type d’avions interceptés
effectuées à cette date
effectuées)
1 Siauliai (Pologne) Il-78
1 Ämari (Espagne) Il-20
1 Ämari (Espagne) Il-20

1 Siauliai (Italie) Il-78
2 Siauliai (Italie) Il-20 ; Il-38
2 Siauliai (Italie) An-22 ; An-72
2 Siauliai (Italie) Il-20 ; Il-38

1 NC Il-20
1 Siauliai (Italie) 2 An-26, An-12, 4 Su-27/34
1 NC An-26
97
Tension qui eut pour conséquence un Su-24M abattu par la défense aérienne
turque le 24 novembre 2015.
98
Passant de 780 millions de dollars en 2016 à 3,4 milliards pour 2017.
99
―US General : NATO to switch « assurance to deterrence » in E. Europe‖,
Defense News, 31 mars 2016. Consultable sur : http ://www.defensenews.com/
story/defense/2016/03/31/us-general-nato-switch-assurance-deterrence-
europe/82495752/ [En ligne]
174 Stratégique
Base de départ des

effectuées)
2 NC Il-20 ; Su-24
2 NC Il-20 ; An-26, An-12
1 Ämari (Espagne) 2 An-26, 2 Su-27, 2 Su-34
2 NC et Siauliai (Italie) 2 Tu-22M3, 2 Su-27 ; 2 Su-27
2 NC Il-76
1 NC Su-24
1 NC Il-76
1 NC Il-20
1 Siauliai (NC) Su-24
1 Siauliai (NC) Il-38
1 NC Il-20
1 NC Il-76
1 NC An-22
1 Siauliai (NC) 2 An-22
1 Siauliai (NC) Il-76
1 NC Il-20
1 NC An-72
Malbork (Belgique)/ Siauilai

2 2 Tu-22M3 ; Il-76
(Italie)
1 Malbork (Belgique) An-26
2 Siauliai / Malbork (Belgique) 2 Su-24 ; 1 An-72
2 ( ?) Malbork (Belgique) / NC 2 Su-27 ; Su-24

1 NC Su-27, An-26
1 NC Tu-154

1 NC 2 An-72, Il-76
2 NC / Siauliai (NC) Il-20 ; An-26, Su-27
2 NC / Malbork (Belgique) Il-20 ; An-26
1 Malbork (Belgique) Il-20
1 NC Su-24
Malbork (Belgique) / Siauliai

2 Il-20 ; Su-27
(NC)
3 Malbork (Belgique) 2 Il-20 ; Su-24
3 NC A-50 ; Il-20 ; An-26 ; 2 Mig-31, Il-

Base de départ des

effectuées)
22
2 Tu-22M3, 2 Mig-31 ; A-50 ; An-
3 NC
26/Il-22
1 NC Il-20
1 NC 2 Tu-22M3
1 NC Il-76
2 NC Su-24/ An-26
1 Siauliai (NC) IL-20
1 NC Il-18
1 NC Il-20
1 Amari (GB) 4 Su-34, 4Mig-31
1 NC Tu-134
1 NC 2 An-12, Il-76
3 NC 4 An-26, Il-76 ; 4 Mig-31 ; 4 Su-34
1 NC An-26
1 NC Il-20
1 NC Il-20
3 NC An-12 ; An-26, Su-24 ; An-26
1 NC Il-20
1 NC Il-76
1 NC 2 Su-27, An-26
NC Siauliai (Norvège) An-26 ; 2 Tu-22M3, 2 Su-27
1 NC Il-38
1 NC Il-78
1 NC 3 An-26

1 NC Su-27, An-12
1 NC Il-38
1 NC Il-20
2 NC 2 Il-20 ; Su-27, An-26
1 NC Il-76
1 NC Il-20
1 NC Il-20, An-26, Su-27, Su-34
1 NC Aucune identification
2 NC Tu-134 ; An-148
2 NC Su-27 ; 2 Su-24, An-12
176 Stratégique
Base de départ des

effectuées)
1 NC An-26, Su-27, 2 Su-24, Su-34
1 NC Il-20
4 Amari (Ger)/Siauiai (NC) Il-76 ; An-26 ; Il-20 ; Il-22
1 NC Il-20
1 NC Il-20
NC NC An-26, Il-20
3 NC Su-27 ; An-72, An-26 ; Tu-134
1 NC An-27
1 NC An-27
1 NC Il-20
1 NC An-124
1 NC Il-20
1 Amari (Ger)/Siauiai (NC) Tu-134
Source : Concaténation de l’auteur.


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RÉÉMERGENCE MILITAIRE RUSSE ET EMPLOI DE LA

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de présence avec des bombardiers escortés, de surveillance par des

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n‘est pas en reste avec une augmentation de 35 % prévu pour son

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bombardiers sont interceptés vers l‘Alaska, l‘Europe et le Pacifique.52

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TENSION MILITAIRE ENTRE L’OTAN ET LA RUSSIE :

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bolique entre la Russie et l‘OTAN depuis avril 2014. L‘intervention

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tensions entre Moscou et Ankara.97 L‘annonce du renforcement mili-

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Base de départ des

1 Ämari (Espagne) Il-20

1 Ämari (Espagne) Il-20

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