Vous êtes sur la page 1sur 9

Vladimir Poutine et la crise ukrainienne : excellent

tacticien, piètre stratège ?


Thibault Fallas
Dans Stratégique 2016/2 (N° 112), pages 201 à 208
Éditions Institut de Stratégie Comparée
ISSN 0224-0424
DOI 10.3917/strat.112.0201
© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)

© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)

Article disponible en ligne à l’adresse


https://www.cairn.info/revue-strategique-2016-2-page-201.htm

Découvrir le sommaire de ce numéro, suivre la revue par email, s’abonner...


Flashez ce QR Code pour accéder à la page de ce numéro sur Cairn.info.

Distribution électronique Cairn.info pour Institut de Stratégie Comparée.


La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le
cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque
forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est
précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
Vladimir Poutine et la crise ukrainienne :
excellent tacticien, piètre stratège ?

Thibault FALLAS

LřEst et lřOuest : deux mondes qui ne peuvent se com-


prendre. La Russie restera toujours un point dřinterro-
gation. Les Russes savent se taire et leur esprit nous est
fermé.1

outine est le fossoyeur de la Russie. Un ancien espion


« médiocre », « violent » et « volage » qui, pour avoir rêvé
d‟Empire, brisera l‟économie russe et isolera son pays du reste
de la communauté internationale. C‟est du moins le destin qui lui est
promis depuis l‟annexion de la Crimée en mars 2014 et la mise en
œ re e n r en e n n n re la Russie. Même si les
plus mesurés ont bien voulu concéder au président de la Fédération de
Russie un certain talent tactique, ce n‟était que pour mieux souligner
son manque de clarté stratégique. Or en 2015, Le magazine Forbes
réélit pour la troisième fois consécutive Poutine comme l‟homme le
© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)

© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)


plus influent de l‟année. Curieux hommage pour un homme que les
médias occidentaux vouent d‟ordinaire aux gémonies.
Espion, sans aucun doute. Médiocre, cela reste à voir. Certes,
Dresde n‟était peut-être pas le poste le plus exposé de l‟époque (encore
qu‟il fût hors du territoire soviétique) et l‟intéressé a quitté le KGB
avec le grade de lieutenant-colonel ; mais il était encore jeune et sa
carrière aurait pu se poursuivre si l‟Union Soviétique ne s‟était pas
effondrée. Son départ tient donc davantage au contexte politique de
l‟époque qu‟à une réelle incompétence et cela ne saurait lui être
reproché. Avant de succéder à Boris Eltsine à la tête de la Fédération de

1
Basil Henri Liddell Hart, Les Généraux allemands parlent, Paris, Tempus Perrin,
2011.
202 Stratégique

Russie, il a d‟ailleurs eu le temps d‟être le directeur du puissant FSB. Il


est des carrières ratées que beaucoup envieraient. À se demander si
notre zèle à dénigrer Vladimir Poutine ne relèverait pas finalement de
la pathologie voire de la mauvaise foi.2 À moins qu‟il ne serve à
masquer notre désarroi et notre impuissance face à un homme qui a
décidé, à notre grand dam et à notre corps défendant, de rendre ce qu‟il
estime être son rang à la Russie ?
Les manières de Vladimir Poutine sont discutables et suscitent
des réactions épidermiques. L‟homme est froid, secret, manipulateur,
surjoue volontiers et ne montre que peu d‟enthousiasme pour le systè-
me démocratique et les valeurs de l‟Occident. Mais il est prudent et
aucune décision n‟est prise sans que les risques en soient évalués.
Poutine, qui bénéficie d‟un soutien important de la part de la population
russe, n‟est d‟ailleurs pas le belliciste qu‟on dépeint même s‟il ne
cillera pas pour user de la force. Ce qu‟il suscite en nous ne doit donc
ni influencer notre jugement ni tenir lieu de ligne politique à l‟égard de
la Russie. Dénigrer un adversaire pour se rassurer n‟a jamais aidé à
appréhender son mode de pensée ni à le contrer.
En bon Russe, Poutine aurait un esprit conditionné pas le jeu des
échecs et anticiperait donc les réactions adverses. Ancien voyou, il
croirait à la parole donnée mais pas au droit. En bon judoka, il retour-
nerait les forces des Occidentaux contre eux. Rien ne lui est épargné.
Pas même celui d‟affirmer que pour l‟Ukraine, il « agit plus en tacti-
cien quřen stratège. »3 Puisque les faits s‟entêtent à démontrer l‟avan-
tage des Russes dans cette crise, il peut en effet être tentant, pour
sauver la face, de dire que le Kremlin peut remporter la bataille avec
brio contre une Europe et des États-Unis divisés mais qu‟il perdra à
coup sûr la partie sur le long terme. La Russie aurait donc plus à perdre
qu‟à gagner dans l‟aventure ukrainienne. Une sorte de méthode Coué
diplomatique ?
Il est indéniable que l‟homme est fin tacticien et sait jouer des
éléments à sa disposition pour obtenir un effet immédiat sur le terrain.
© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)

© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)


Même si toute opération comporte une part de risque et d‟inconnue,
celle en Ukraine a fait l‟objet d‟une réelle préparation et d‟une conduite
rigoureuse. Qu‟il nie la présence de soldats russes en Crimée et dans le
Donbass, qu‟il déploie ou qu‟il retire ses troupes à proximité de la
frontière pour influencer le processus des négociations, l‟hôte du
Kremlin n‟a jamais cessé de mener le jeu dans l‟Est ukrainien, de
contrôler les séparatistes et de tenir le camp occidental suspendu à ses

2
Un rapport militaire américain rédigé en 2008 et publié début 2015 affirme qu‟il
serait atteint du syndrôme d‟Asperger, « une forme dřautisme qui affecte toutes ses
décisions ».
3
Benjamin Quenelle, Les Echos, 8 février 2015. À propos de l‟engagement russe
en Syrie, Christian Dargnat, Directeur Général BNP Paribas Asset Management, écrira
le 7 octobre 2015 que « Poutine est un excellent tacticien et un piètre stratège ».
Vladimir Poutine et la crise ukrainienne 203

décisions. Le parfait dosage en 2014 de la force, de la posture et de la


communication en fonction des conditions politiques plaide pour une
grande maîtrise du jeu tactique. Tout en effet est question de message
adressé à l‟Occident, gouvernement de Kiev inclus, et aux séparatistes.
Tout est in fine dicté par le seul intérêt de la Russie. En effet, la
tactique s‟inscrit dans le long terme de la stratégie, qui constitue l‟adé-
n e yen en œ re e n re er e n
stratégique détermine donc les moyens utilisés pour atteindre cette
dernière. On affirme peut être hâtivement que Poutine est un excellent
tacticien mais un mauvais stratège. Car est-on bien sûr de comprendre
ce que les Russes perçoivent comme étant leur intérêt sur le long
terme ? Comme l‟a écrit O. Ravanello, ancien correspondant à Moscou,
« on se déchire pour comprendre ce que Poutine a dans la tête. En
Syrie, en Ukraine. Mais on oublie […] quřune majorité de Russes sont
en accord avec lui. On cherche à savoir ce quřil veut alors que
lřimportant est de savoir dřoù il vient. »4

L’UKRAINE EST CONSTITUTIVE DE L’IDENTITÉ RUSSE ET


FAIT DONC PARTIE DES INTÉRÊTS VITAUX DE LA
FÉDÉRATION DE RUSSIE

Les Occidentaux ont sous-estimé l‟importance, objective et


subjective, de l‟Ukraine aux yeux des Russes et n‟ont donc pas anticipé
les réactions du Kremlin. Ce n‟était pourtant pas faute d‟avoir reçu en
2008 un message clair quant à l‟« étranger proche ». L‟Ukraine est
depuis le baptême de Vladimir le Grand (988) le berceau de la Russie
chrétienne, la Russie kiévienne – une sorte de proto-État russe. Sa
péninsule constitue son seul accès aux mers chaudes et un symbole fort
de la lutte de l‟Union soviétique, du peuple russe en particulier, contre
l‟envahisseur nazi (Sébastopol, 1942). Voir l‟Ukraine se tourner vers
l‟Union Européenne revenait pour la Russie à accepter de vider de sa
substance le projet d‟Union eurasiatique, projet phare du troisième
© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)

© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)


mandat de Vladimir Poutine, d‟abandonner des millions de ressortis-
sants russes, de prendre le risque de voir un jour l‟OTAN progresser
encore davantage et mettre la main sur un complexe militaro-industriel
indispensable aux forces armées russes. C‟était surtout admettre de
perdre une part non négligeable de son identité historique et culturelle.
En effet, le philosophe russe I. Ilyine (1883-1954), soutient que la
Russie est « un organisme historiquement formé et culturellement
justifié »5 qu‟un démembrement ne peut que faire souffrir ou mourir.
Cette particularité a également été comprise par Z. Brzezinski :

4
Olivier Ravanello, « Pour comprendre les Russes, lisez le Nobel », Le monde
selon Ravanello, 8 octobre 2015.
5
Ivan Ilyine, Nos missions, « La tâche principale de la future Russie ».
204 Stratégique

« L’indépendance de l’Ukraine modifie la nature même de l’État


russe […] Sans lřUkraine, la Russie cesse dřêtre un empire en
Eurasie. »6 I. Ilyine va plus loin en affirmant que les Occidentaux, par
rejet de l‟originalité russe et tout en feignant de promouvoir la liberté,
chercheront à « démembrer la Russie pour la faire passer sous contrôle
occidental, la défaire et finalement la faire disparaître ». Or, l‟essayis-
te M. Eltchaninoff rappelle que Poutine serait fortement influencé par
la pensée d‟Ilyine et qu‟il « ne sřest pas engagé à lřaveuglette ni sans
préparation dans son aventure ukrainienne. »7
Poutine est un calculateur froid et cynique – certainement – mais
un calculateur qui met son cynisme au service d‟une vision. On peut
bien sûr s‟en désoler, ne pas la partager, mais on ne peut la nier.
Poutine sert l‟idée qu‟il a de son pays et de la place qui lui revient de
droit. Influencée en partie par un néo-eurasisme conservateur, cette
vision est loin de porter l‟ en n n œ r insi, pour Marlène
Laruelle, « lřeurasisme […] récuse lřimage dřune Russie à la péri-
phérie de lřEurope et appréhende au contraire sa localisation géogra-
phique comme le gage dřune troisième voie messianique. »8 Mal
connues, les théories de l‟eurasisme ont été largement vulgarisées au
sein des élites et de la population russes comme l‟idée selon laquelle
l‟Eurasie est cet espace central « du vieux continent où la Russie est
partout chez elle. » La Russie ne compte donc plus encaisser les coups
sans réagir à toute ingérence dans ce qu‟elle considère comme des
affaires internes. Elle compte les rendre, voire les donner. Eltchaninoff
d‟ailleurs nous prévient : « les années 1990 sont vécues par une partie
de lřélite soviétique comme une série de camouflets infligés par des
démocraties occidentales jugées hypocrites et brutales. »
Le projet d‟annexer la Crimée remonte peut-être aux houleuses
négociations de 2010 sur le renouvellement du bail de Sébastopol.
L‟exécutif russe aurait alors depuis élaboré un stratagème pour mettre
la main sur la Crimée et déstabiliser définitivement cette Ukraine qui,
aux yeux de nombreux Russes, ne devrait pas exister.9 Le rôle de la
© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)

© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)


Russie dans les événements du Maïdan est trouble et a certainement
alimenté la fracture du pays. Les Occidentaux, en faisant fi de l‟appro-
che russe du problème, ont attisé les braises de la crise. Les mala-
dresses du nouveau gouvernement ukrainien, notamment ses déclara-
tions quant aux restrictions visant la langue russe, ont parachevé

6
Zbigniew Brzezinski, Le Grand échiquier, Paris, Bayard Ed., 1997.
7
Michel Eltchaninoff, Dans la tête de Vladimir Poutine, Paris, Solin/Actes Sud,
2015.
8
Marlène Laruelle, La Quête dřune identité impériale, le néo-eurasisme dans la
Russie contemporaine, Paris, Pétra, 2007.
9
De fait, hormis une brève indépendance de 1917 à 1920, mais sans réel contrôle
de son territoire, l‟Ukraine n‟a jamais été indépendante avant 1991.
Vladimir Poutine et la crise ukrainienne 205

l‟œ re e e te une population russophone aux abois dans les bras


de la sécession.
Même s‟il est incantatoire de dire jusqu‟où Poutine ira dans la
crise ukrainienne (statu quo, poussée des séparatistes jusqu‟à Donetsk
ou Marioupol, déstabilisation et annexion de la bande littorale jusqu‟à
la Gagaouzie ?), l‟Ukraine est tellement fragilisée et ruinée que l‟Union
Européenne se gardera bien de la remettre à flot, l‟abandonnant à
demeurer une sorte de zone tampon entre elle et la Russie. La crise
syrienne aidant, et la constance de la position russe à ce sujet finissant
par payer, la Crimée et le Donbass passeront par pertes et profits.
Poutine peut également faire pression sur les pays comportant une forte
minorité russophone10 et qui seraient tentés de trop s‟opposer à
Moscou. En fait, Poutine a obtenu ce que les Russes souhaitaient : la
Crimée est le 85e sujet de la Fédération de Russie, la Novorossiya est
sous contrôle et l‟Ukraine peut renoncer à ses rêves européens.

LES AVERTISSEMENTS D’AVENIR SOMBRE RESSEM-


BLENT PLUS À DES INCANTATIONS DE PROTAGONISTES
DÉPITÉS QU’À DE VÉRITABLES PRÉDICTIONS

Désarçonnés de n‟avoir pu s‟opposer à Poutine, nos dirigeants et


nos experts promettent que les conséquences seront désastreuses pour
la Russie : le pays sera relégué au ban la communauté internationale,
son PIB s‟effondrera et son économie entrera en récession. Fort bien.
Mais tout cela, aussi étrange que cela puisse paraître, ne concerne que
l‟avenir à court et moyen terme. La Russie est membre permanent du
Conseil de Sécurité de l‟ONU et un intermédiaire incontournable dans
de nombreux dossiers de relations internationales : Iran, Syrie, etc. Les
crises ne manquent pas. Elle figure en outre parmi les premiers
producteurs mondiaux de matières premières d‟importance11 et toute
une partie de l‟Europe est dépendante de ses hydrocarbures. Enfin, elle
n‟a pas attendu la crise ukrainienne pour amorcer un partenariat
© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)

© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)


stratégique avec la Chine, quand bien même cette dernière pourrait un
jour être une rivale. Les sanctions ont bien eu un impact sur le cours du
rouble mais si l‟économie russe se contracte aujourd‟hui, c‟est plutôt
sous l‟effet de la chute des cours du pétrole.
L‟une des erreurs est d‟avoir négligé le poids du patriotisme et la
e e r e n e œ r e R e Re r er l‟honneur et la
fierté est un moyen pour eux de se tourner vers l‟avenir. La fierté
nationale n‟est pas une donnée quantifiable et n‟est pas négociable. La
popularité de Poutine, déjà réelle en 2013 quoiqu‟émoussée par l‟usure

10
Kazakhstan et Lettonie notamment où environ le quart de la population est
ethniquement russe.
11
Pétrole, gaz naturel, minerais, métaux raffinés et minéraux industriels.
206 Stratégique

du pouvoir, s‟est envolée après l‟annexion de la péninsule ukrai-


nienne.12 Aucun homme politique de « lřopposition » n‟a d‟ailleurs pu
ou voulu critiquer cette violation du droit international. Dans un pays
où la Patrie demeure une vraie richesse, la fierté vaut, encore, plus que
le confort matériel. Si le but de Vladimir Poutine, comme beaucoup le
pensent, est de se maintenir à sa fonction, il faut reconnaître que
l‟homme a marqué des points et réservé sa place dans les manuels
d‟histoire aux côté des Tsars qui, comme Catherine II ou Pierre le
Grand, ont façonné le territoire russe.
Et si, hypothèse qu‟on se presse généralement d‟écarter, Poutine
en véritable homme d‟État – et non pas seulement en homme politique
– se souciait finalement davantage de l‟avenir de son pays que de sa
réélection ? Pas du simple développement économique du pays mais
bien de sa place dans le concert des nations. Cette finalité peut bien
s‟accommoder d‟une petite récession si nécessaire. On peut disserter à
l‟envi sur ce qu‟une génération doit léguer à la suivante : amélioration
des conditions de vie, stabilité dans un environnement sécurisé, fierté
retrouvée, etc. Selon Ilyine « qui aime la Russie doit lui souhaiter la
liberté […] son indépendance internationale et son autonomie ».13 Le
jeune Poutine, patriote, avait fait du service de son pays sa principale
raison de vivre et d‟espérer. Qui peut en toute honnêteté affirmer qu‟il
a radicalement changé et ne sert plus que ses intérêts personnels ? Il
utilise le système politique mais est-il pour autant devenu seulement un
homme de clan ? Il peut bien être critiqué, honni, il comprend certaine-
ment que tout cela est contingent. Son successeur pourra renouer des
relations plus apaisées avec les Occidentaux, trop heureux de traiter
avec quelqu‟un de plus fréquentable et de mieux disposé à leur l‟égard.
Bien sûr, ledit successeur ne reviendra pas sur les acquis et la commu-
nauté internationale n‟aura d‟autre choix que de composer avec les
R e… n er er n r e e n e r ‟Est ukrai-
nien. Évidemment, Kiev proteste et revendique le retour de la Crimée
« par des voies pacifiques » pour la forme mais on sent confusément
© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)

© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)


que la chose est entendue. La péninsule est, pour le Kremlin, revenue à
qui de droit et la crise a montré que les sanctions économiques
n‟avaient pas de prise sur la conduite de la politique russe. Car en bon
stratège, l‟hôte du Kremlin les avait déjà certainement anticipées et
connaissait à l‟avance leur portée et les implications pour les pays qui
les imposeraient.
La Russie est au carrefour de l‟Europe et de l‟Asie. Les occi-
dentalistes et les slavophiles s‟affrontent depuis le XIXe siècle pour
savoir auquel des deux ensembles la Russie appartient. Dans la pensée

12
Elle atteint 84 % en septembre 2015, selon l‟institut indépendant de sondage
Centre Levada.
13
Ivan Ilyine, Nos missions, « La liberté est indispensable à la Russie ».
Vladimir Poutine et la crise ukrainienne 207

asiatique, et chinoise notamment (cf. Sun Tzu), le bon stratège n‟est pas
tant celui qui met les moyens en vue d‟une fin que celui qui sait
exploiter le potentiel d‟une situation. De ce point de vue, il est indé-
niable que Poutine a su profiter de la dégradation de la situation en
Ukraine, si tant est qu‟il ne l‟ait pas lui-même provoquée, et se révèle
aussi fin tacticien que stratège. À nous donc, désormais, d‟avoir enfin
une stratégie vis-à-vis de la Russie. Une vision qui prenne en compte
les aspirations légitimes de la Russie mais qui nous permette aussi de
défendre, fermement s‟il le faut, nos intérêts.
© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)

© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)


© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)
© Institut de Stratégie Comparée | Téléchargé le 31/10/2023 sur www.cairn.info (IP: 129.0.205.185)

Vous aimerez peut-être aussi