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Chantal Antier
Dans Guerres mondiales et conflits contemporains 2008/2 (n° 230), pages 23 à 36
Éditions Presses Universitaires de France
ISSN 0984-2292
ISBN 9782130567899
DOI 10.3917/gmcc.230.0023
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1. L’Empire dans la Guerre, 14-18, Ministère de la Défense - Secrétariat d’État aux Anciens
Combattants, sous la direction de Claude Carlier, p. 4-5.
2. Benjamin Leroy, « Les troupes de marine en Afrique à la fin du XIXe siècle », Revue historique
des Armées, no 247, 2007, p. 116-1117.
Guerres mondiales et conflits contemporains, no 230/2008
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3. La Défense sous la IIIe République, t. I : Vaincre la défaite, 1872-1881, Documents présentés par
le Pr Guy Pedroncini, SHAT/IHCC, 1988, p. 400.
4. Ibid., p. 39.
5. Les chemins de mémoire, no 176, octobre 2007, article sur les tirailleurs sénégalais à propos de
l’exposition du Musée des troupes coloniales à Fréjus, « La Force noire (1857-1965) ».
6. Marc Michel, « Colonisation et défense nationale, le général Mangin et la Force noire »,
Guerres mondiales et conflits contemporains, no 145, janvier 1987, p. 29-30.
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L’appellation « indigène » très générale est aussi peu précise que tirail-
leur sénégalais qui désigne des soldats originaires de toutes les régions de
l’AOF (Afrique occidentale française), qu’ils soient Soudanais, Guinéens,
Ivoiriens, Dahoméens, Mauritaniens, Nigériens et, bien sûr, Sénégalais du
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10. Colonel Jean Revol, Histoire de l’Armée française, Paris, Larousse, 1929, p. 222.
11. Marc Michel, Les Africains dans la Grande Guerre, Éditions Karthala, 2003, p. 36.
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appels revêtent des aspects de recrutement forcé dès le départ et les procé-
dés valent ce que valent les administrateurs et leurs auxiliaires. »12
Deux bataillons algériens, formés antérieurement en Algérie, sont
envoyés en Belgique où ils sont décimés en novembre et remplacés par
des tirailleurs sénégalais, eux-mêmes écrasés devant Arras. Devant ces
échecs, un recrutement autre que celui d’engagés volontaires non prépa-
rés, s’impose. Cette idée est appuyée par des lobbies coloniaux et une
partie de l’autorité militaire, dont le général Mangin. Le 10 octobre 1914,
un décret décide que les anciens tirailleurs sénégalais non réservistes seront
engagés.
Les « Hindous » sont aussi incorporés. Les cinq comptoirs français
fournissent un bataillon qui débarque à Marseille le 26 septembre 1914. Ils
rejoindront les Hindous du corps d’armée britannique comprenant
90 000 hommes, dont 20 000 seront tués. Ces hommes jouent un rôle
essentiel dans le nord de la France et en Belgique, grâce à l’action de leurs
sapeurs et de leurs mineurs.
La réorganisation de cette nouvelle armée qui doit s’adapter à une
guerre européenne, ne se fera pas sans mal, ni sans pertes. Certains régi-
ments, comme ceux de la Légion étrangère, sont complètement transfor-
més : la dissolution de ses bataillons en Indochine en octobre 1914
entraîne le retour de 400 légionnaires en Europe. Avec les 3 000 légion-
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14. Augustin Bernard, Histoire des colonies françaises, t. 2 : Algérie, livre IV, chap. 2, Éditions Plon.
15. Pascal Le Pautremat, « Indochinois et effort de guerre », Revue 14-18. Magazine, no 27,
2005.
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16. Van Vollenhoven, lettre citée par Marc Michel dans Les Africains et la Grande Guerre, op. cit.,
p. 62.
17. Marc Michel, « Colonisation et Défense nationale... », op. cit.
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Conditions de recrutement
De 1913 à 1915, la situation évolue, des décrets spéciaux permettent de
recruter librement dans tout l’empire colonial. Un certificat de bonnes
mœurs est demandé avec une visite médicale. Un accompagnateur écrivant
français doit signer l’engagement ; il s’agit souvent d’un missionnaire,
catholique ou protestant, patriote et républicain qui a enseigné et baptisé
ces jeunes gens et les a poussés à s’engager au service de leur patrie pour être
reconnus après guerre18. Mais la situation diffère pour certaines colonies.
Les Algériens musulmans
Dès la déclaration de guerre, le 2 août 1914, l’Algérie est mise en état
de siège, le gouverneur Lutaud craint des troubles, lorsque deux croiseurs
allemands le Göben et le Breslau bombardent Bône et Philippeville. Il s’a-
dresse ainsi à la fierté des Musulmans : « Les Allemands auraient-ils craint
quelque défaillance ou trahison ? Ce serait pour vous un sanglant outrage.
Dieu n’aime pas les traîtres [...]. Musulmans, la République est résolue à
faire respecter partout l’ordre et la sécurité. Aidez-nous dans cette tâche,
rendez toute précaution inutile. »19 Mais aucun soulèvement n’a lieu et
c’est un véritable concours généreux de toutes les classes sociales qui
entraîne le premier geste de reconnaissance, ci-dessus indiqué, du Gouver-
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Promesses et réalisations
En Algérie, les engagements sont d’abord satisfaisants et les caïds sont
encouragés à amener leurs propres troupes au service de la France, par une
pluie de médailles (7 décembre 1916). Les promesses de récompenses sont
nombreuses et varient suivant les années. Le décret relatif aux engage-
ments volontaires des tirailleurs et à leurs droits paraît en octobre 1916 ;
parmi ceux-ci apparaissent certains avantages : les tirailleurs seront rapa-
triés au bout de six mois, après la signature des traités de paix. Ils touche-
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Recrutés comme les soldats, convoyés et installés dans des camps sur-
veillés par des militaires aux abords des villes industrielles ou dans les villa-
ges pour les travaux des champs, leur nombre est évalué à envi-
ron 220 668 dont 190 000 en France d’après Jacques Frémeaux, les
documents parlementaires de 1924 parlent de 200 000 hommes,
dont 183 928 venus en Europe22. En juillet 1918, environ 600 000 tra-
24. Chantal Antier, La Grande Guerre en Seine-et-Marne, Éditions Presses du Village, 1998,
p. 69-70.
25. Ibid.
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paysans lancés dans le monde industriel avec des cadences très dures. Ils
logent dans des baraques Adrian peu confortables, reçoivent une nourri-
ture qui n’est pas toujours adaptée et ils sont contraints de rester dans leurs
campements, sauf un jour par semaine ou une soirée. Pour se rendre au
travail et en revenir, ils sont encadrés par des gardes ou par des gendarmes,
puis par le personnel des usines de façon à éviter le maximum de contacts
avec la population française.
Ces travailleurs sont répartis en 181 groupements envoyés selon les
besoins de ce grand chantier qu’est devenue la France. Des concentrations
d’une même ethnie se forment dans les usines d’armement ou parfois en
compagnie d’autres qui ne s’apprécient pas toujours. Cette nouvelle
population à Paris, autour de Lyon, au centre de la France, dans le
sud-ouest ou le sud-est amène un changement dans la vie des Français et
particulièrement celle des ouvriers et ouvrières.
Le travail de certains « indigènes » est plus recherché que d’autres. Les
Algériens et les Indochinois représentent 10 % des effectifs mais ces der-
niers sont davantage appréciés pour leur adresse, leur docilité et leur adap-
tation aux méthodes tayloristes qui commencent à se mettre en place dans
l’industrie française. Environ 48 980 Indochinois travaillent en France
avec des contrats en bonne et due forme. Ils apprennent rapidement la
langue, ce qui leur permet d’être bien notés et de progresser plus rapide-
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26. Chantal Antier, Les soldats des colonies dans la Première Guerre mondiale, Éditions
Ouest-France, 2008, p. 100-102.
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27. Rapport fait au nom de la Commission de l’Armée sur les pertes en morts et en blessés. Ses-
sion parlementaire du 29 juillet 1924, annexe no 335.
28. Marc Michel, op. cit., p. 193.
29. Jacques Frémeaux, op. cit., p. 63.
30. Ibid., p. 55.
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