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Persistance de la mémoire

DALI

Salvador Dali, La persistance de la mémoire, 1931. Huile sur toile, 24,1 x 33 cm. The Museum of
Modern Art, New York

Inspiré par du fromage


D’abord, à l’inverse de l’Énigme sans fin, ce tableau a été réalisé peu après que l’artiste ait
rompu les liens avec sa famille.
En 1931 il n’avait que 27 ans, sa relation avec Gala commençait juste, comme son
engagement dans le mouvement surréaliste.
Il venait de développer sa méthode de création, appelée “paranoïaque-critique”. Il s’agit
selon Dalí d’« une méthode spontanée de connaissance irrationnelle fondée sur l’association
interprétative-critique des phénomènes délirants » (La conquête de l’irrationnel, Éditions
surréalistes, Paris, 1935).
Plus simplement, il s’inspire de ses hallucinations et d’associations d’idées. La Persistance
de la mémoire en est l’exemple type : dans son autobiographie l’auteur explique que c’est en
voyant fondre un camembert dans un plateau, lors d’un dîner, qu’il a eu l’idée de peindre
ces montres molles.
“ Cela se passa un soir de fatigue. J’avais une migraine, malaise extrêmement rare chez moi.
Nous devions aller au cinéma avec des amis et au dernier moment je décidai de rester à la
maison. (…) Nous avions terminé notre dîner avec un excellent camembert et lorsque je fus
seul, je restai un moment accoudé à la table, réfléchissant aux problèmes posés par le « super
mou » de ce fromage coulant. Je me levai et me rendis dans mon atelier pour donner, selon
mon habitude un dernier coup d’œil à mon travail. Le tableau que j’étais en train de peindre
représentait un paysage des environs de Portlligat dont les rochers semblaient éclairés par
une lumière transparente de fin de jour. Au premier plan, j’avais esquissé un olivier coupé et
sans feuilles. Ce paysage devait servir de toile de fond à quelque idée, mais laquelle ? Il me
fallait une image surprenante et je ne la trouvais pas. J’allais éteindre la lumière et sortir,
lorsque je « vis » littéralement la solution : deux montres molles dont l’une pendrait
lamentablement à la branche de l’olivier. Malgré ma migraine, je préparai ma palette et me
mis à l’œuvre. ”

DALÍ, S. (1952), La Vie Secrète de Salvador Dalí, Paris : La Table Ronde, p. 246. (cité idem)
Comme il a été réalisé rapidement et spontanément, la composition de ce tableau est simple,
aussi du fait de sa petite dimension. Malgré tout, Dalí souhaitait qu’il ne puisse pas être oublié
et qu’il marque l’esprit par ses détails particuliers.

Le temps du sommeil
L’artiste nous le dit, la scène se déroule vers Portlligat comme la majorité de ses tableaux de
l’époque. L’atmosphère est typiquement surréaliste, rappelant un songe proche de la réalité
sans être ancré dedans.

Le premier élément qui retient l’attention est la présence des quatre montres, déformées et
arrêtées.
En les empêchant de fonctionner, Dalí leur enlève leur rôle qui était d’indiquer l’heure et de
capter l’écoulement du temps. Il semble alors nous dire de nous libérer du quotidien, comme
on le ferait dans un rêve.
De même, une des horloges est retournée et recouverte de fourmis : on sait qu’il s’agit chez
l’espagnol d’un symbole lié à la décomposition et donc à la mort.
La présence d’une mouche rappelle cette idée, tout en étant un symbole traditionnel de vanité.
On remarque aussi que le seul élément végétal présent est l’arbre installé sur le meuble, qui
n’est autre qu’un olivier en fin de vie.
Dans l’histoire et les représentations, mort et sommeil sont souvent mis en parallèle : tous ces
éléments sont ici synonymes de mise en arrêt du quotidien ainsi que d’évasion.

Au cœur du tableau, l’unique forme humanoïde figure d’ailleurs un visage aux yeux fermés.
Proportionnellement il occupe une grande place dans l’image, le rendant essentiel à sa
compréhension.
L’œil qu’on peut voir est lui-même immense par rapport au reste de la tête.
Clos, il représente aussi la dualité présente dans le reste de la toile, oscillant entre sommeil
et mort.
C’est donc à la fois la brièveté de la vie et la fuite vers un univers onirique qui sont mises en
avant.

Salvador Dali, La persistance de la mémoire, 1931. Huile sur toile, 24,1 x 33 cm. Détail : le visage
Ce faciès est d’ailleurs présent dans de nombreux autres tableaux de la même période, dont un
est intitulé Le Sommeil : tout est dit dans ce titre, le rêve et la soustraction au temps et au
réel sont le noyau de l’oeuvre de Salvador Dalí.

Salvador Dalí, Le Sommeil, huile sur toile, 1937.

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